Universit´e Pierre et Marie Curie
Cours de cryptographie MM067 - 2012/13
Alain Kraus
Chapitre I - Arithm´etique
Table des mati`eres
1. Plus grand commun diviseur 1
2. L’algorithme d’Euclide 4
3. Nombres premiers 8
4. La fonction de comptage des nombres premiers 10
5. Num´eration en base b15
6. Le th´eor`eme chinois 17
7. La fonction indicatrice d’Euler 19
8. Le th´eor`eme d’Euler 22
9. Groupes cycliques 25
10. Le groupe Z/pnZo`u pest premier impair 27
11. Le groupe Z/2nZ29
1. Plus grand commun diviseur
La notion de hh pgcdii de deux entiers joue un rˆole tr`es important en cryptographie.
Rappelons ici ses principales propri´et´es. Soient Nl’ensemble des entiers naturels et Zcelui
des entiers relatifs. Toute partie non vide Nposs`ede un plus petit ´el´ement.
Proposition 1.1 (Division euclidienne). Soient aet bdes entiers relatifs avec b6= 0.
Il existe un unique couple (q, r)Z×Ztel que l’on ait
a=bq +ret 0r < |b|.
On dit que qest le quotient et que rest le reste de la division euclidienne de apar b.
D´emonstration : Consid´erons l’ensemble
A=nabk
kZoN.
1
C’est une partie non vide de N. Par suite, Aposs`ede un plus petit ´el´ement r. Puisque r
appartient `a A, c’est un entier naturel et il existe qZtel que abq =r. V´erifions que
l’on a r < |b|. Supposons le contraire. On obtient
0r− |b|=ab(q+ε)Aavec ε=±1.
L’in´egalit´e r|b|< r contredit alors le caract`ere minimal de r, d’o`u l’assertion d’existence.
Soient (q, r) et (q0, r0) dans Z×Ztels que l’on ait
a=bq +r=bq0+r0avec 0 r < |b|et 0 r0<|b|.
On a |qq0||b|=|r0r|.Puisque ret r0sont positifs, |rr0|est inf´erieur ou ´egal `a rou r0,
d’o`u |rr0|<|b|.On obtient |qq0|<1, d’o`u q=q0puis r=r0, ce qui ´etablit l’unicit´e.
Afin de d´efinir le plus grand commun diviseur de deux entiers, une fa¸con de proc´eder
est de d´ecrire pr´ealablement les sous-groupes de Z. Pour tout nN, l’ensemble nZdes
multiples de nest un sous-groupe de Z. Inversement :
Lemme 1.1. Soit Hun sous-groupe de Z. Il existe un unique entier nNtel que H=nZ.
D´emonstration : Si H=0l’entier n= 0 convient. Supposons H6=0. L’ensemble
A=HNn’est pas vide, car si nest dans H, alors nl’est aussi. Soit nle plus petit
´el´ement de A. V´erifions que l’on a H=nZ. Tout d’abord, H´etant un sous-groupe de Z,
et n´etant dans H,nZest contenu dans H. Inversement, soit xun ´el´ement de H. On a
n6= 0. Il existe donc qet rdans Ztels que x=nq +ravec 0 r < n (prop. 1.1). Puisque
xet nq appartiennent `a H, il en est de mˆeme de r. Le caract`ere minimal de nentraˆıne
r= 0, donc xappartient `a nZ. Par ailleurs, si l’on a nZ=mZavec met ndans N, alors
mdivise net ndivise m, d’o`u m=n.
Soient aet bdes entiers relatifs non tous les deux nuls. L’ensemble
aZ+bZ=nau +bv
u, v Zo,
est un sous-groupe de Z. Il existe donc un unique entier d1 tel que l’on ait
aZ+bZ=dZ.
D´efinition 1.1. L’entier ds’appelle le plus grand commun diviseur de aet b, ou en abr´eg´e
le pgcd de aet b. On note souvent d= pgcd(a, b).
Avec cette d´efinition, on a de fait la propri´et´e de B´ezout, `a savoir qu’il existe des
entiers relatifs uet vtels que l’on ait
(1) d=au +bv.
2
On en d´eduit directement la caract´erisation du pgcd de deux entiers :
Lemme 1.2. Le pgcd de aet best l’unique entier naturel satisfaisant les conditions
suivantes :
1) c’est un diviseur de aet b.
2) Il est multiple de tout diviseur commun de aet b.
D´efinition 1.2. On dit que aet bsont premiers entre eux, ou que aest premier avec b,
si l’on a pgcd(a, b) = 1.
Comme cons´equence de (1), on obtient :
Lemme 1.3. Les entiers aet bsont premiers entre eux si et seulement si il existe uet v
dans Ztels que au +bv = 1.
Corollaire 1.1. Les entiers a
det b
dsont premiers entre eux.
Corollaire 1.2 (Th´eor`eme de Gauss). Soit cun entier relatif tel que adivise bc et que
asoit premier avec b. Alors adivise c.
D´emonstration : Il existe uet vdans Ztels que au +bv = 1. On obtient l’´egalit´e
(ac)u+ (bc)v=c, d’o`u l’assertion.
Exemples 1.1.
1) Soient aet bdes entiers naturels tels que a > b. On a
pgcd(a, b) = pgcd(b, a b).
En effet, un entier divise aet bsi et seulement si il divise bet ab. Cette ´egalit´e, utilis´ee
r´ecursivement, permet de calculer le pgcd de aet b. Par exemple, on a
pgcd(48,30) = pgcd(30,18) = pgcd(18,12) = pgcd(12,6) = pgcd(6,6) = 6.
Ce proc´ed´e est `a la base de l’algorithme d’Euclide (voir ci-dessous).
2) D´emontrons que tout entier n7 peut s’´ecrire sous la forme
n=a+bavec pgcd(a, b) = 1 et a2, b 2.
Si nest impair, la d´ecomposition n=a+bavec a= 2 et b=n2 convient. Supposons
nmultiple de 4. En posant n= 4k, on a n=a+bavec a= 2k1 et b= 2k+ 1. Deux
nombres impairs cons´ecutifs ´etant premiers entre eux, on obtient l’assertion dans ce cas.
Supposons n2 mod. 4. Posons n= 4k+ 2. On a alors n=a+bavec a= 2k+ 3 et
3
b= 2k1. L’in´egalit´e n7 entraˆıne k2, donc aet bsont au moins ´egaux `a 2. On
aab= 4, donc le pgcd de aet bdivise 4. Puisque aet bsont impairs, ils sont donc
premiers entre eux, d’o`u le r´esultat.
3) Soient aet bdes entiers relatifs tels que a > b. Il existe une infinit´e d’entiers nN
tels que a+net b+nsoient premiers entre eux. Tel est le cas des entiers nde la forme
n= (ab)k+ 1 b,
o`u kest un entier plus grand que b1
ab. En effet, si dest un diviseur positif de a+net
b+n, alors ddivise ab, et l’´egalit´e b+n= (ab)k+ 1 implique d= 1.
4) Pour tout nN, posons Fn= 22n+1. Un tel entier s’appelle un nombre de Fermat.
Soient met ndeux entiers naturels distincts. V´erifions que Fmet Fnsont premiers entre
eux. Supposons n>m. On a
Fn=22m2nm
+ 1 = Fm12nm
+ 1 2 mod. Fm.
Par suite, tout diviseur commun de Fmet Fndivise 2, d’o`u l’assertion vu que Fmet Fn
sont impairs.
Remarque 1.1 (Plus petit commun multiple). ´
Etant donn´es des entiers relatifs
aet bnon nuls, l’ensemble aZbZest un sous-groupe de Z. L’entier naturel mtel que
(2) aZbZ=mZ
s’appelle le plus petit commun multiple de aet b. On ´ecrit en abr´eg´e m= ppcm(a, b). Il
est caract´eris´e par le fait que c’est un multiple de aet bet que tout multiple de aet best
un multiple de m. De plus, on a l’´egalit´e
(3) pgcd(a, b) ppcm(a, b) = |ab|.
En effet, si d= pgcd(a, b), d’apr`es (2) l’entier m
dest le ppcm de a
det b
d. Puisque a
det b
d
sont premiers entre eux, afin d’´etablir (3) on se ram`ene au cas o`u d= 1. Il s’agit donc de
prouver que si aet bsont premiers entre eux, |ab|est le ppcm de aet b. D’abord, |ab|est
multiple de aet b. Par ailleurs, si cest un multiple de aet b, il existe des entiers ret stels
que c=ar =bs, et d’apr`es le th´eor`eme de Gauss adivise s, donc cest multiple de |ab|,
d’o`u la formule (3).
2. L’algorithme d’Euclide
Soient aet bdeux entiers naturels tels que
a>b1.
4
On va d´etailler ici l’algorithme d’Euclide ´etendu, qui permet de d´eterminer le pgcd de a
et b, et de plus d’expliciter une relation de B´ezout entre aet b, autrement dit, d’expliciter
des entiers relatifs uet vtels que l’on ait pgcd(a, b) = au +bv.
On construit pour cela une suite finie d’entiers naturels (ri)i0, que l’on appelle la
suite des restes (associ´ee `a aet b), par le proc´ed´e suivant : on pose
r0=aet r1=b.
Supposons construits r0, r1,···, rio`u i1. Si ri6= 0, on d´efinit alors ri+1 comme ´etant
le reste de la division euclidienne de ri1par ri. Si ri= 0, le proc´ed´e s’arrˆete et la suite
des restes est alors form´ee des entiers r0, r1,···, ri1, ri. Il existe un unique entier n1
tel que la condition suivante soit satisfaite :
0< rn< rn1<··· < r1< r0et rn+1 = 0.
Proposition 1.2. On a rn= pgcd(a, b).
D´emonstration : Soit iun entier tel que 1 in. Il existe qiZtel que l’on ait
(4) ri1=qiri+ri+1 avec 0 ri+1 < ri.
On a l’´egalit´e
pgcd(ri1, ri) = pgcd(ri, ri+1).
Par suite, on a pgcd(a, b) = pgcd(r0, r1) = pgcd(r1, r2) = ··· = pgcd(rn1, rn) = rn.
Le pgcd de aet best donc le dernier reste non nul rndans la suite des restes que l’on
a construite. Il existe ainsi uet vdans Ztels que l’on ait
rn=au +bv.
Le probl`eme qui nous int´eresse alors est d’expliciter un tel couple (u, v). On construit pour
cela deux suites d’entiers (ui)0inet (vi)0inen posant
u0= 1, u1= 0 et v0= 0, v1= 1,
ui+1 =ui1uiqiet vi+1 =vi1viqipour tout i= 1,···, n 1,
o`u qiest d´efini par l’´egalit´e (4), autrement dit, o`u qiest le quotient de la division euclidienne
de ri1par ri.
Proposition 1.3. On a rn=aun+bvn.
D´emonstration : Il suffit de v´erifier que pour tout itel que 0 in, on a l’´egalit´e
ri=aui+bvi. Elle est vraie si i= 0 et i= 1. Consid´erons un entier kv´erifiant les in´egalit´es
1k < n tel que l’on ait ri=aui+bvipour tout ik. On a alors
rk+1 =rk1qkrk= (uk1a+vk1b)qk(uka+vkb) = auk+1 +bvk+1,
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