18
Séries de Fourier
18.1 Séries entières et séries de Fourier
Nous allons dans un premier temps introduire la notion de série de Fourier en partant des
développements en séries entières.
Le théorème relatif aux projections orthogonales d’un espace préhilbertien sur un sous-espace
de dimension finie nous donnera une autre présentation de cette notion de série de Fourier.
Si Pαnznest une série entière de rayon de convergence R > 0éventuellement infini, on
peut définir, en notant fla somme de cette série entière, pour tout réel r]0, R[la fonction
ϕrpar :
xR, ϕr(x) = f¡reix¢=
+
X
n=0
αnrneinx
La fonction fétant continue sur le disque ouvert D(0, R) = {zC| |z|< R},on en déduit
que, pour rfixé dans ]0, R[,la fonction ϕrest continue sur tout R.
Remarque 18.1 Avec |αnrneinx|=|αn|rnpour tout réel xet P|αn|rn<+,on déduit que
la série de fonctions Pαnrneinx est normalement convergente sur R,ce qui permet de retrouver
la continuité de ϕravec celle des fonctions x7→ einx pour tout entier naturel n.
Remarque 18.2 Si pest un entier naturel non nul, on sait que la série dérivée :
Xn(n1) ···(np+ 1) αnznp
a même rayon de convergence que Pαnzn,donc la série Pnp|αn|rnest convergente pour tout
réel r]0, R[(puisque np|αn|rn
+rpn(n1) ···(np+ 1) |αn|rnp) et avec |(in)pαnrneinx|=
np|αn|rnpour tout entier naturel net tout réel x, on déduit que la série de fonctions P(in)pαnrneinx
est normalement convergente sur R.Comme les fonctions x7→ einx sont de classe Csur R
pour tout entier naturel n, on en déduit que la fonction ϕrest aussi de classe Csur R.
De la 2π-périodicité des fonctions x7→ einx,on déduit que la fonction ϕrest périodique de
période 2π, c’est-à-dire que :
xR, ϕr(x+ 2π) = ϕr(x).
En utilisant les formules d’Euler :
nN, einx = cos (nx) + isin (nx)
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410 Séries de Fourier
on peut écrire que :
ϕr(t) =
+
X
n=0
αnrncos (nx) + i
+
X
n=0
αnrnsin (nx)
=
+
X
n=0
αnrncos (nx) + i
+
X
n=1
αnrnsin (nx)
chacune des séries de fonctions Pαrncos (nx)et Pαnrnsin (nx)étant normalement conver-
gente sur R(le terme général est majoré par |αn|rn).
Un tel développement est appelé développement en série de Fourier de la fonction ϕr.
Nous allons étudier un peu plus loin, de façon plus générale, cette notion de série de Fourier.
Les coefficients αnpeuvent s’exprimer à l’aide de formules intégrales comme suit.
Théorème 18.1 (Cauchy) Avec les notations qui précèdent, on a :
n0, αnrn=1
2πZ2π
0
ϕr(t)eintdt
Démonstration. Avec la convergence normale sur Rde la série de fonctions Pαnrneint,on
peut écrire pour tout entier n0:
Z2π
0
ϕr(t)eintdt =
+
X
k=0
αkrkZ2π
0
ei(kn)tdt
= 2παnrn
puisque : Z2π
0
ei(kn)tdt =½0si k6=n
2πsi k=n
On a en particulier :
f(0) = α0=1
2πZ2π
0
ϕr(t)dt
Remarque 18.3 Pour n1,on a :
Z2π
0
ϕr(t)eintdt =
+
X
k=0
αkrkZ2π
0
ei(k+n)tdt = 0
et :
Z2π
0
ϕr(t) cos (nt)dt =1
2Z2π
0
ϕr(t)¡eint +eint¢dt
=1
2Z2π
0
ϕr(t)eintdt =παnrn
Z2π
0
ϕr(t) sin (nt)dt =1
2iZ2π
0
ϕr(t)¡eint eint¢dt
=1
2iZ2π
0
ϕr(t)eintdt =αnrn
Séries entières et séries de Fourier 411
Soit, pour n1:
αnrn=1
2πZ2π
0
ϕr(t)eintdt =1
πZ2π
0
ϕr(t) cos (nt)dt
et :
nrn=1
πZ2π
0
ϕr(t) sin (nt)dt
Les coefficients
an=αnrn=1
πZ2π
0
ϕr(t) cos (nt)dt (n0)
bn=nrn=1
πZ2π
0
ϕr(t) sin (nt)dt (n1)
sont les coefficients de Fourier trigonométriques de ϕret les coefficients :
cn=αnrn=1
2πZ2π
0
ϕr(t)eintdt (nZ)
sont les coefficients de Fourier exponentiels de ϕr.
Nous utiliserons par la suite les coefficients trigonométriques un peu plus commodes pour
les fonctions à valeurs réelles paires ou impaires.
Exercice 18.1 Montrer que les seules fonctions développables en série entière et bornées sur
Csont les fonctions constantes (théorème de Liouville).
Solution 18.1 On a f(z) =
+
P
n=0
αnznpour tout zCet il existe un réel M > 0tel que
|f(z)| ≤ Mpour tout zC.
En utilisation les notations qui précèdent, on a pour tout réel r > 0et tout entier n1:
|αn|=1
2πrn¯¯¯¯Z2π
0
ϕr(t)eintdt¯¯¯¯1
2πrnZ2π
0¯¯f¡reit¢¯¯dt M
rn0
r+
donc αn= 0 pour tout n1et f=α0.
Exercice 18.2 Soit f(z) = P
n0
αnznune fonction développable en série entière sur C.Que
peut–on dire de fs’il existe une fonction polynomiale Ptelle que |f(z)| ≤ |P(z)|pour tout
zC?
Solution 18.2 Soit P(z) =
p
P
j=0
pjzjun polynôme de degré pqui majore f. En utilisant les
notations qui précèdent, on a pour tout réel r > 0et tout entier np+ 1 :
|αn|=1
2πrn¯¯¯¯Z2π
0
ϕr(t)eintdt¯¯¯¯1
2πrnZ2π
0¯¯f¡reit¢¯¯dt
1
2πrnZ2π
0¯¯P¡reit¢¯¯dt 1
rn
p
X
j=0 |pj|rj0
r+
donc αn= 0 pour tout np+ 1 et fest une fonction polynomiale. Dans le cas où le polynôme
majorant est constant, on retrouve le théorème de Liouville de l’exercice précédent.
412 Séries de Fourier
L’utilisation du produit de Cauchy de deux séries numériques absolument convergentes per-
met de donner la version particulière qui suit du théorème de Parseval que nous retrouverons
plus loin.
Théorème 18.2 (Parseval) Soit f(z) =
+
P
n=0
αnznune fonction développable en série entière
sur D(0, R)avec 0< R +.
Pour tout réel r]0, R[,on a :
1
2πZ2π
0¯¯f¡reit¢¯¯2dt =
+
X
n=0 |αn|2r2n
Démonstration. Les séries +
P
n=0
αnrneint et +
P
n=0
αnrneint étant absolument convergentes pour
tout réel t[0,2π],leur produit de Cauchy est aussi une série absolument convergente et on
a :
¯¯f¡reit¢¯¯2=f¡reit¢f(reit) =
+
X
n=0
n
X
k=0
αkrkeiktαnkrnkei(nk)t
=
+
X
n=0 Ãn
X
k=0
αkαnkei(n2k)t!rn
Avec : ¯¯¯¯¯
n
X
k=0
αkαnkei(n2k)t¯¯¯¯¯rnÃn
X
k=0 |αk||αnk|!rn
pour tout t[0,2π]et :
+
X
n=0 Ãn
X
k=0 |αk||αnk|!rn=
+
X
n=0
n
X
k=0 |αk|rk|αnk|rnk
=Ã+
X
n=0 |αn|rn!Ã+
X
n=0 |αn|rn!<+
(encore un produit de Cauchy de séries absolument convergentes), on déduit que la série de
fonctions de somme |f(reit)|2est normalement convergente sur [0,2π]et on peut écrire que :
Z2π
0¯¯f¡reit¢¯¯2dt =
+
X
n=0 Ãn
X
k=0
αkαnkZ2π
0
ei(n2k)tdt!rn
= 2π
+
X
p=0 |αp|2r2p
puisque :
Z2π
0
ei(n2k)tdt =
0si n= 2p+ 1
0si n= 2pet k6=p
2πsi n= 2pet k=p
L’espace préhilbertien Dde Dirichlet 413
Exercice 18.3 Soit f(z) =
+
P
n=0
αnznune fonction développable en série entière sur D(0, R)
avec 0< R +.Montrer que si |f|admet un maximum local en 0,elle est alors constante
(principe du maximum).
Solution 18.3 Si |f|admet un maximum local en 0,il existe alors un réel r0]0, R[tel que
|f(0)|= sup
|z|≤r0|f(z)|.On a alors, en utilisant l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
|f(0)|=1
2π¯¯¯¯Z2π
0
f¡r0eit¢dt¯¯¯¯1
2πZ2π
0¯¯f¡r0eit¢¯¯·1dt
1
2πµZ2π
0¯¯f¡r0eit¢¯¯2dt1
2µZ2π
0
dt1
2
=1
2πµZ2π
0¯¯f¡r0eit¢¯¯2dt1
2
1
2πµZ2π
0|f(0)|2dt1
2
=|f(0)|
donc |α0|=|f(0)|=1
2πµZ2π
0|f(r0eit)|2dt1
2
,soit :
|α0|2=1
2πZ2π
0¯¯f¡r0eit¢¯¯2dt =
+
X
n=0 |αn|2r2n
0
et αnpour tout n1,ce qui signifie que fest constante.
18.2 L’espace préhilbertien Dde Dirichlet
Pour ce paragraphe, les fonctions considérées sont définies sur Ret à valeurs réelles.
Définition 18.1 On dit qu’une fonction 2π-périodique, f:RR,est continue par morceaux
s’il existe une subdivision de [0,2π]:
0 = a0< a1<··· < ap= 2π
avec pN,telle que fsoit continue sur chaque intervalle ]ak, ak+1[(0kn1) et admette
une limite à droite et à gauche en chaque point de discontinuité (s’il en existe).
Si f:RR,est continue par morceaux, on notera en tout point de discontinuité ade f
(s’il en existe) :
f¡a¢= lim
xa
x<a
f(x)et f¡a+¢= lim
xa
x>a
f(x)
Si f:RR,2π-périodique est continue par morceaux, en utilisant les notations de la
définition qui précède, on vérifie facilement que fse prolonge en fonction continue sur chaque
intervalle [ak, ak+1].Et réciproquement, si pour une telle subdivision de [0,2π],la fonction
fse prolonge en fonction continue sur chaque intervalle [ak, ak+1],elle est alors continue par
morceaux.
On rappelle qu’une fonction continue par morceaux sur Rest Riemann-intégrable sur tout
segment [a, b].
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