Avril 2011 - Nissan 5771, Numéro 19, Bulletin de la Yéchiva des Étudiants - 5€
Yéchiva des Étudiants - 10 rue Cadet - 75009 Paris - tél: 01 48 00 81 71
e-mail: [email protected] - web: www.yechiva.com
ד’’סב
Réflexion suR
la fonction de la loi.
PouRquoi est-on juif
PaR la mèRe ?
ladoPtion en
question.
PouRim, une fête
PRofane ?
PATERNITE
ET
FILIATION
« l’Harmonie dans le couple est-elle possible? »
Réponse le 26 juin 2011- 24 Sivan 5771
à la Yechiva des étudiants (cf p. 30)
2 ל ו פ ל י פ
Pilpoul .
CE NUMERO EST UNE RETROSPECTIVE
DE
LA GRANDE JOURNEE
D’ETUDE
dE LA YEchivA
ayant eu lieu le
Dimanche 21 J 2009
qui avait pour thème :
«PATERNITE ET FILIATION»
nous comptons sur la présence de tous lors de la pro-
chaine édition !
(26 juin 2011, cf p. 30 pour plus d’informations)
3
ל ו פ ל י פPilpoul
.
Pilpoul Numéro 19 - Avril 2011 / Nissan 5771
Pilpoul est une publication du C.H.E.R (Centre Hébraïque d’Etude et de Réexion),
association loi 1901 destinée à encadrer et développer les activités de la Yéchiva des Etudiants.
Président du C.H.E.R : Emmanuel Vaniche
Directeur de la Yéchiva des Etudiants : Gérard Zyzek
Ont collaboré à ce numéro :
Micho Klein, Jérôme Benarroch, Emmanuel Vaniche, Gérard Zyzek
Mise en page : David Chemla et Nathanel Avgui - Imprimeur : Imprimerie Nouvelle - Normandie
C.H.E.R - 10, rue Cadet - 75009 Paris
sommaire
éthique
Réexion sur la Fonction de la Loi
par Rav Gérard Zyzek p. 4
L’Adoption en Question
par Micho Klein p.18
étude
Pourquoi est-on Juif par la Mère ?
par me Benarroch p. 11
Pourim, fête Profane ?
par Rav Gérard Zyzek p. 24
4 ל ו פ ל י פ
Pilpoul
Réexion sur la fonction de la loi
éthiquePar Rav Gérard Zyzek
Directeur de la Yéchiva des étudiants
En juin 2009, la Yéchiva des Etudiants a organisé une grande journée d’étude sur le thème ‘liation et paternité’. Cette journée fut en fait l’aboutissement de plusieurs
mois de travaux préliminaires. Un des thèmes principalement travaillé fut la relation entre la dimension éthique et la Hala’ha, le droit juif. Nous en rapportons ici
plusieurs développements.
I. La Crainte de D.
Traité Shabbat 30b
תליש רב לאומש ברד הירב הדוהי בר רמא
רפס זונגל םימכח ושקב ברד הימשמ
הז תא הז ןירתוס וירבדש ינפמ תלהק
ירבד ותליחתש ינפמ והוזנג אל המ ינפמו
ירבד ופוס ]…[ הרות ירבד ופוסו הרות
תא עמשנ לכה רבד ףוס ביתכד הרות
לכ הז יכ רומש ויתווצמ תאו ארי םיקלאה
.םדאה לכ הז יכ יאמ .םדאה
ארבנ אל ולוכ םלועה לכ רזעלא יבר רמא
.הז ליבשב אלא
לכ דגנכ הז לוקש רמא אנהכ רב אבא יבר
.ולוכ םלועה
ןב ןועמש הל ירמאו רמוא יאזע ןב ןועמש
אלא ולוכ םלועה לכ ארבנ אל רמוא אמוז
.הזל תווצל
« Rav Yéouda ls de Rav Shmouel ls de
Shilat dit au nom de Rav : les ‘Ha’hamim
voulurent censurer le livre de l’Ecclé-
siaste, Kohélet, car ses dires ne sont que
contradictions1. Et pourquoi nalement
ne le censurèrent-ils pas ? Car il débute
par des paroles de Torah et termine sur
des paroles de Torah ]…[ Il termine
sur des paroles de Torah, comme dit
le verset « Le mot de la n : tout est
entendu (par D.), crains D. et respecte
ses commandements car ceci est tout
l’homme.» Que signie l’expression
« car ceci est tout l’homme » ? Rabbi
Elazar dit : le monde tout entier n’a été
créé que pour cela.Rabbi Abba bar Ka-
hana dit : ceci est équivalent au monde
tout entier.
Shimon ben Azaï, certains disent que
c’est Shimon ben Zoma qui nous l’en-
seigne, dit : le monde tout entier n’a
été créé que comme environnement à
cela. »
1En particulier se pose une question que notre Maître Rav Eliahou Abitbol se plait à poser : en quoi le fait que les paroles du livre de l’Ecclésiaste se contredisent serait
une raison pour retirer ce livre de la circulation?
Nous ne nous attacherons pas à expli-
quer l’intégralité de cet enseignement,
notre propos portera sur la dernière
partie (« car ceci est tout l’homme »).
La Guemara demande: ‘Que signie l’ex-
pression « car ceci est tout l’homme »
?’ Et certes elle propose plusieurs -
ponses, mais en quoi ces réponses éclai-
rent-elles? En effet que signie ‘le monde
entier n’a été créé que pour cela’, qu’est
ce cela?
Apparemment, ce cela correspond à
l’expression du verset ‘crains D. et res-
pecte ses commandements’, mais, si
nous pouvons aisément comprendre la
signication de respecter les comman-
dements de D., que signie en fait Le
craindre ?
Et d’autre part même si nous dénis-
sons précisément le contenu de ce cela,
comment nos Maîtres apprennent-ils
du verset (par exemple) que le monde
tout entier n’a été créé que pour cela,
le verset ne dit que ‘car ceci est tout
l’homme’, est-il question du monde
entier ?
Nous proposons de résoudre l’en-
semble de ces questions en analysant
l’expression םדאה, HaAdam, ‘l’homme’.
Les ‘Ha’hamim (voir Rabbénou Tam cité
dans Tossefot Traité Avoda Zara 3a) font
un distinguo fondamental entre HaA-
dam, l’homme, et Adam, homme, comme
nous le voyons dans l’enseignement de
Rabbi Shimon bar Yo’haï (rapporté dans
Yévamot 61a et Baba Metsia 114b).
Situons cet enseignement. Un cadavre
est considéré source d’impureté dans la
Torah. Il y a plusieurs modes de trans-
mission de cette impureté. Il y a trans-
mission de l’impureté par contact, mais,
au sujet de l’impureté du cadavre, la
Torah (Bamidbar 19,14) innove un nou-
veau mode, la Toumat Ohèl, c’est-à-dire
que si un cadavre se trouve sous un
toit, tout ce qui se trouve sous ce toit,
ou cette tente (Ohèl), devient impur.
De même si le corps de quelqu’un sur-
plombe au dessus d’un cadavre ou d’une
tombe, cette personne fait elle-même
«toit ou tente» au dessus du mort, cette
personne devient alors impure.
Néanmoins Rabbi Shimon bar Yo’haï
nous enseigne : les tombes des non-juifs
ne rendent pas impur car le verset du
prophète Yé’hezkel (34,31) dit « et vous,
vous êtes mes moutons, les moutons de
mon pâturage, vous êtes Adam, homme.
», vous, Israël, êtes homme et les non-
juifs ne sont pas homme.
Par contre la Guemara dans le traité
Avoda Zara (3a) enseigne au nom de
Rabbi Méïr.
וליפאש ןינמ רמוא ריאמ יבר היה אינת
ןהככ אוהש הרותב קסועו םיבכוכ דבוע
יחו םדאה השעי רשא רמול דומלת לודג
אלא רמאנ אל םילארשי םיול םינהכ םהב
םיבכוכ דבוע וליפאש תדמל אה םדאה
.לודג ןהככ אוה ירה הרותב קסועו
« On enseigne. Rabbi Méïr disait : d’où
savons-nous que même un non-juif
qui s’investit dans la Torah2 peut avoir
Si nous pouvons aisément comprendre la signication de respec-
ter les commandements de D., que signie en fait Le craindre ?
5
ל ו פ ל י פPilpoul
éthique / Reflexion suR la fonction de la loi
la même part qu’un Cohen Gadol, un
Grand Prêtre? C’est à ce sujet que le
verset vient nous dire « que l’homme
fera et vivra avec ». Le verset ne parle ni
d’un Cohen, ni d’un Lévy, ni d’un Israël
mais dit l’homme, ce qui nous enseigne
que même un non-juif qui s’investirait
dans la Torah pourrait avoir la même
part qu’un Cohen Gadol, un Grand
Prêtre. »
Il ressort de ces deux enseignements, de
celui de Rabbi Shimon bar Yo’haï et de
celui de Rabbi Méïr, qu’il y a une diffé-
rence de fond entre la notion exprimée
par le terme Adam, et la notion expri-
mée par le terme HaAdam.
Adam, homme, correspondrait stricte-
ment à Israël ; HaAdam, l’homme, cor-
respondrait à tout homme, quel qu’il
soit, juif ou non-juif.
Mais quelle est la différence de fond
entre les deux termes ?
II. Quelle différence de sens
y a-t-il entre le terme Adam,
homme, et le terme HaAdam,
l’homme ?
Béréshit 5,1 :
םדא ארב םויב םדא תודלות רפס הז
.ותוא השע םיקלא תומדב
« Voici le livre des engendrements
d’Adam, le jour de la création d’Adam à
la ressemblance de D. il le t. »
Rav Shimshon Raphaël Hirsch dans son
commentaire sur la Torah relève deux
éléments fondamentaux, premièrement
que dès le jour de sa création l’homme,
ou plus précisément Adam, ‘homme’,
est créé à la ressemblance de D. et deu-
xièmement que toutes les dérivées de
cette création ]Toledot, engendrements,
signie aussi dérivées] sont le dévelop-
pement de l’homme créé à la ressem-
blance de D..
Expliquons-nous.
Le jour il fut créé, à la ressemblance
de D. Il le t. On a tendance à penser
que l’homme est une chose mal chue,
assez proche somme toute de la barba-
rie mais qu’avec l’évolution il se parfera
et deviendra enn ‘humain’. Le verset
tranche et nous enseigne : le jour il
fut créé, il le fut à la ressemblance de D. .
Le second enseignement, corollaire du
premier, est que si tu vois quelqu’un agir
de manière qui dépasse ou outrepasse
tes concepts, le verset nous dirait qu’il
ne se disqualierait pas pour autant
d’être appelé ‘homme’, toutes les déri-
vées, toutes les actions de celui appelé
‘homme’ sont des actions de l’être créé
à la ressemblance de D. . Hirsch relève
que le mot Toledot, ‘générations’, est
écrit sous la forme défectueuse, c’est-à-
dire sans un second Vav comme marque
du pluriel, pour nous dire que même
une génération défectueuse est appelée
‘à la ressemblance de D.’.
Nous ne sommes pas des entités qui
parfois peuvent avoir un bon point qui
les qualierait d’humain et qui pour-
raient parfois perdre ce bonus. Tout ça
c’est Adam, homme, dans sa capacité
de grandeur, d’atteindre la prophétie, et
dans sa capacité de déchéance et d’obs-
curité.
Mais peut-être serait-ce possible de do-
mestiquer cette masse informe ? Trou-
ver une solution à cette malédiction
d’être homme ? Etre assuré une fois
pour toute de ne pas fauter et d’être
bien et présentable devant notre Créa-
teur ?
D’autre part, fait remarquer Hirsch, dès
qu’il fut créé, D. parle à Adam. Dès qu’il
est créé, il est à la ressemblance de D. .
A la fois Adam est en équilibre instable,
comme nous venons de le dénir, et à la
fois, à cet instant même, il est prophète.
Mais serait-ce possible de le domesti-
quer, de cadrer cet être improbable ?
Rabbi Mena’hem Mendel de Vitebsk re-
lève dans son livre Peri HaArets que
l’idolâtrie est nommée fréquemment
םתארי, ‘leurs craintes’, dans les ensei-
gnements des ‘Ha’hamim car les ido-
lâtres aimeraient être dans une crainte
constante.
Rav Shimshon Raphael Hirsch (1808-1888)
Adam, c’est l’homme créé à la ressem-
blance de D., il est ce qu’il est, capable
du meilleur comme du pire.
Le terme HaAdam introduit une nou-
velle dimension mise en exergue par
l’article déni.
De même, l’humanité se crée des sys-
tèmes, des modèles, pour essayer de se
domestiquer.
Nous pouvons maintenant rendre
compte de la différence de sens entre le
terme Adam, homme, et le terme HaA-
dam, l’homme.
L’article déni du terme ‘l’homme’
montre qu’il se réfère à autre chose qu’à
lui-même, à une notion extérieure, à un
critère d’humanité abstrait.
Homme, Adam, est ce qu’il est par lui-
même sui generis créé à la ressem-
blance de D..
L’homme, comme nous le voyons dans
la Guemara du Traité Avoda Zara, re-
présentera toute l’humanité, et même
les populations idolâtres, car parler
d’homme en y mettant un article déni
est le premier glissement vers une tota-
lisation, une volonté de systématiser, de
globaliser.
2 Lorsque Rabbi Méïr complimente le non-juif qui s’investit dans la Torah, il s’agit qu’il s’investit dans les sept commandements noah’ides et non des commandements
sinaïques (Tossephot Avoda Zara 3a).
l’humanité se crée des systèmes, des modèles, pour essayer de se
domestiquer.
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