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Chapitre V
Compléments de théorie de la mesure
Table des matières
A Images directes et réciproques
1
B Mesure image
2
C Mesure dénie par une densité
4
D Le théorème de Dynkin
6
A Images directes et réciproques
Dénition 1
Soit f une application d'un ensemble E dans un ensemble F . L'image d'une partie A de
E par f est l'ensemble
f (A) = {f (x) : x ∈ A} = {y ∈ F : ∃x ∈ A y = f (x)}.
Propriété 2
Soit (Ai )i∈I une famille de parties de E .
S
S
1. f ( Ai ) = f (Ai )
i∈I
2. f (
T
i∈I
Ai ) ⊂
i∈I
T
f (Ai )
i∈I
3. Si f est injective f (
T
i∈I
Ai ) =
T
f (Ai ).
i∈I
Dénition 3
Soit f une application d'un ensemble E dans un ensemble F . L'image réciproque d'une
partie B de F est l'ensemble f −1 (B) = {x ∈ E : f (x) ∈ B}.
Remarque 4
1. Les propriétés de l'image réciproque reposent sur l'équivalence suivante :
x ∈ f −1 (B)
⇐⇒ f (x) ∈ B.
2. Si g est une application de F dans G, pour toute partie A de G
(g ◦ f )−1 (A) = f −1 [g −1 (A)].
3. On a f −1 (F ) = E .
Propriété 5
L'image réciproque préserve toutes les opérations ensemblistes. De façon plus précise si
(Ai )i∈I est une famille de parties de F , et A et B également des parties de F :
1. f −1 (Ac ) = [f −1 (A)]c
S
S
2. f −1 ( Ai ) = f −1 (Ai )
i∈I
3. f −1 (
T
i∈I
Ai ) =
i∈I
T
f −1 (Ai )
i∈I
4. f −1 (A − B) = f −1 (A) − f −1 (B)
5. f −1 (A∆B) = f −1 (A)∆f −1 (B)
Preuve
1. x ∈ f −1 (Ac ) ⇔ f (x) ∈ Ac ⇔ f (x) ∈/ A ⇔ x ∈/ f −1 (A) ⇔ x ∈ [f −1 (A)]c
S
S
2. x ∈ f −1 ( Ai ) ⇔ f (x) ∈ Ai ⇔ ∃i ∈ I f (x) ∈ Ai ⇔ ∃i ∈ I x ∈ f −1 (Ai )
⇔x∈
Si∈I−1
f (Ai )
i∈I
i∈I
La propriété 3) se démontre en passant au complémentaire par l'intermédiaire des formules de
Morgan. Les propriétés 4) et 5) résultent des précédentes puisque les opérateurs de diérence
et de diérence symétrique s'expriment en fonction du complémentaire, de l'intersection et de
l'union.
B Mesure image
Soit (E, E, µ) un espace mesuré (i.e. µ est σ -additive à valeurs dans [0, +∞]), (F, F)
un espace mesurable et ϕ une application mesurable de (E, E) dans (F, F).
Dénition 6
On appelle mesure image de µ par ϕ la mesure µϕ sur (F, F) dénie par :
∀A ∈ F
µϕ (A) = µ[ϕ−1 (A)].
Remarque 7
µϕ est une mesure en vertu des propriétés de l'image S
réciproque ; en eet si (An )n≥1 est
un suite d'éléments deux à deux disjoints de F et si A = An on a
n≥1
µϕ (A) = µ[ϕ−1 (A)] = µ[ϕ−1 (
[
An )] = µ[
n≥1
[
ϕ−1 (An )] =
n≥1
X
µ[ϕ−1 (An )] =
X
n≥1
µϕ (An ),
n≥1
les ensembles ϕ−1 (An ) étant deux à deux disjoints puisque si i et j sont des indices distincts
ϕ−1 (Ai ) ∩ ϕ−1 (Aj ) = ϕ−1 (Ai ∩ Aj ) = ϕ−1 (∅) = ∅.
Propriété 8
1) Les mesures µ et µϕ ont la même masse car µϕ (F ) = µ[ϕ−1 (F )] = µ(E).
2) Soit (G, G) un troisième espace mesurable et ψ une application mesurable de (F, F) dans
(G, G) ; on a l'égalité (µϕ )ψ = µψ◦ϕ car pour tout élément A de G
µψ◦ϕ (A) = µ[(ψ ◦ ϕ)−1 (A)] = µ[ϕ−1 (ψ −1 (A))] = µϕ [ψ −1 (A)] = (µϕ )ψ (A).
Proposition 9
Soit h une
R application
R mesurable de (F, F) dans [0, +∞]. Alors h ◦ ϕ est mesurable et
on a l'égalité hdµϕ = h ◦ ϕdµ.
Preuve
1) Supposons d'abord que h soit une application étagée par rapport à (F, F) et à valeurs
dans [0, +∞[ : h =
n
P
ai 1Ai , où ai ∈ [0, +∞[ et Ai ∈ F . On a dans ce cas
i=1
Z
Z X
n
n Z
n
X
X
ai 1Ai dµϕ =
ai 1Ai dµϕ
hdµϕ = [ ai 1Ai ]dµϕ =
Z
i=1
=
n
X
ai µϕ (Ai ) =
i=1
n
X
i=1
i=1
Z
Z
n
n
X
X
ai µ[ϕ (Ai )] =
ai 1ϕ−1 (Ai ) dµ =
ai (1Ai ◦ ϕ)dµ
−1
i=1
i=1
i=1
Z X
Z X
Z
n
n
= [ ai 1Ai ◦ ϕ]dµ = [ ai 1Ai ] ◦ ϕdµ = h ◦ ϕdµ.
i=1
i=1
2) Si h est une application quelconque, il existe une suite croissante (hn )n d'applications
étagées par rapport à (F, F) et à valeurs dans [0, +∞[ qui converge en tout point et en
croissant vers h. La suite (hn ◦ ϕ)n converge alors en tout point et en croissant vers h ◦ ϕ, et
on conclut par le théorème de convergence croissante :
Z
Z
hdµϕ = lim
n→+∞
Z
hn dµϕ = lim
n→+∞
Z
hn ◦ ϕdµ =
h ◦ ϕdµ.
Théorème 10 (Théorème du transfert)
Une application mesurable h de (F, F) dans R est intégrable
par rapport
à µϕ si et
R
R
seulement si h ◦ ϕ est intégrable par rapport à µ, et dans ce cas hdµϕ = h ◦ ϕdµ.
Preuve
R h est intégrable pour µϕ
⇔ R |h| dµϕ < ∞
⇔ R |h| ◦ ϕdµ < ∞
⇔ |h ◦ ϕ| dµ < ∞
⇔ h ◦ ϕ est intégrable pour µ.
Si ces conditions sont réalisées
Z
Z
hdµϕ =
Z
+
h dµϕ −
−
Z
h dµϕ =
+
Z
(h ◦ ϕ) dµ −
−
(h ◦ ϕ) dµ =
Z
h ◦ ϕdµ.
C Mesure dénie par une densité
Dénition 11
Soit (E, E, µ) un espace mesuré et h une application
R
Rmesurable de (E, E) dans [0, +∞].
L'application
E −→ [0, +∞]
A −→ A hdµ = 1A hdµ
dénit une mesure appelée mesure de densité h par rapport à µ et notée hµ.
Remarque 12
1. L'application hµ est une
S mesure car si (An )n≥1 est un suite d'éléments deux à deux
disjoints de E et A = An on a
n≥1
Z
hµ(A) =
=
Z X
n≥1
Z
h1A dµ =
(h1An )dµ =
Z
h1 ∪ A dµ =
n≥1
XZ
n≥1
(h1An )dµ =
X
h(
1An )dµ
n≥1
X
hµ(An ).
n≥1
2. Pour tout élément A ∈ E on a µ(A) = 0 ⇒ hµ(A) = 0. On dit que la mesure hµ est
absolument continue par rapport à µ, ce que l'on note par hµ µ .
3. Soit h0 une autre application mesurable de (E, E) dans [0, +∞].
(a) si h = h0 µ pp, i.e. si µ(h 6= h0 ) = 0, on a hµ = h0 µ
(b) si hµ = h0 µ et si la mesure µ est σ -nie, alors h = h0 µ pp.
Contre-exemple : E = {e}, µ({e}) = +∞, h(e) = 1 et h0 (e) = 2 (ou +∞) ; hµ = h0 µ = µ.
Proposition 13
Soit h une application mesurable de (E, E) dans [0, +∞] ; posonsRν = hµ. R
a) Si f est une application mesurable de (E, E) dans [0, +∞] on a f dν = hf dµ.
b) Si f est une application mesurable de (E, E) dans R, f est intégrable
R
Rpar rapport à ν si
et seulement si hf est intégrable par rapport à µ, et dans ce cas f dν = hf dµ.
Preuve
a) Si f est une application étagée par rapport à (E, E) et à valeurs dans [0, +∞[ : f =
n
P
ai 1Ai , où ai ∈ [0, +∞[ et Ai ∈ E on a
i=1
Z
f dν =
n Z
X
ai 1Ai dν =
i=1
n
X
ai ν(Ai ) =
i=1
n Z
X
Z
ai h1Ai dµ =
i=1
Z
n Z
X
h(
ai 1Ai )dµ = hf dµ.
i=1
Dans le cas général on approche f par une suite croissante d'applications étagées.
b) fR est intégrable par rapport à ν
⇔ R |f | dν < ∞
⇔ R |f | hdµ < ∞
⇔ |hf | dµ < ∞
⇔ hf est intégrable par rapport à µ.
Remarque 14
Si h et h0 sont des applications continues de R dans [0, +∞] telles que h = h0 presque
partout pour m1 , alors h = h0 .
Proposition 15
Soit ϕ une application mesurable de (E, E, µ) dans (F, F) et h une application mesurable
de (F, F) dans [0, +∞]. Si l'on pose g = h ◦ ϕ, on a l'égalité (gµ)ϕ = hµϕ .
Preuve
Pour A ∈ F
Z
hµϕ (A) =
1A hdµϕ
Z
(1A ◦ ϕ)(h ◦ ϕ)dµ
=
Z
(1A ◦ ϕ)gdµ
=
Z
(1A ◦ ϕ)d(gµ)
=
Z
=
1A d(gµ)ϕ
= (gµ)ϕ (A).
Exercice 16
Soit h une application mesurable de (E, E, µ) dans [0, +∞[. Si la mesure µ est σ -nie, la
mesure hµ l'est aussi.
Exercice 17
Soit ϕ une bijection mesurable de (E, E) dans (F, F), dont l'application réciproque ϕ−1
est également mesurable. Soit h une application mesurable de E dans [0, +∞] et µ une mesure
sur (E, E). Montrer que (hµ)ϕ = (h ◦ ϕ−1 )µϕ .
D Le théorème de Dynkin
Dénition 18
Soit Ω un ensemble. Un ensemble D de parties de Ω est appelé une classe de Dynkin s'il
vérie les trois propriétés suivantes :
a) Ω ∈ D
b) A ∈ D ⇒ Ac ∈ D
S
c) si (An )n≥1 est une suite d'éléments 2 à 2 disjoints de D, n≥1 An ∈ D.
Propriété 19
1. Toute tribu est une classe de Dynkin.
2. Toute classe de Dynkin D est stable par union disjointe nie ; cela résulte facilement du
fait que Ω étant un élément de D, Ωc = ∅ est aussi un élément de D.
3. Si A et B sont des éléments d'une classe de Dynkin D tels que A ⊂ B , alors B − A ∈ D,
car (B − A)c = B c ∪ A, et B c et A sont des éléments disjoints de D.
4. Soit E ⊂ P(Ω) un ensemble de parties de Ω. Il existe une plus petite classe de Dynkin
contenant E . En eet :
a) P(Ω) est une classe de Dynkin
b) si (D)i∈I est une famille non vide de classes de Dynkin, alors ∩ Di est une classe
i∈I
de Dynkin
c) soit D l'intersection de toutes les classes de Dynkin contenant E ; c'est une classe
de Dynkin d'après b), elle contient E et elle est contenue dans toute classe de Dynkin
contenant E .
Lemme 20
Une classe de Dynkin stable par intersection nie est une tribu.
Preuve
Soit D une classe de Dynkin ; pour prouver que D est une tribu il reste à vérier que D
est stable par union dénombrable. Soit (An )n≥1 une suite d'éléments de D ; posons B1 = A1 ,
et pour tout entier n ≥ 2
Bn = An −
[
1≤i≤n−1
Ai = An
\ \
{
Aci }.
1≤i≤n−1
Les hypothèses impliquent que les ensembles
Bn sont
S
S des éléments de
S D ; de plus ces ensembles
sont deux à deux disjoints et vérient n≥1 Bn = n≥1 An . Donc n≥1 An ∈ D.
Proposition 21
Soit C un ensemble non vide de parties de Ω, stable par intersection nie ; on désigne par
D(C) la plus petite classe de Dynkin contenant C et par σ(C) la tribu engendrée par C . On a
l'égalité D(C) = σ(C).
Preuve
a) Puisqu'une tribu est une classe de Dykin, on a l'inclusion D(C) ⊂ σ(C).
b) Pour démontrer l'inclusion inverse on introduit d'abord pour tout élément C appartenant
à C l'ensemble DC = {A ⊂ Ω : A ∩ C ∈ D(C)}. DC est un classe de Dynkin qui contient C . En
eet de façon évidente Ω et C appartiennent à DC . Si A est un élément de DC , les ensembles
C c et A ∩ C sont des parties disjointes de D(C) ; il en résulte que C c ∪ (A ∩ C) est un élément
de D(C), donc aussi [C c ∪ (A ∩ C)]c = C ∩ (A ∩ C)c = Ac ∩ C , ce qui prouve que DC est stable
par passage
Si (An )n≥1 est une suite d'éléments 2 à 2 disjoints de DC ,
S au complémentaire.
S
l'égalité { n≥1 An } ∩ C = n≥1 {An ∩ C} montre que DC est stable par union dénombrable
disjointe. Enn puisque C est stable par intersection, DC contient C . DC étant un classe de
Dynkin qui contient C , on a l'inclusion D(C) ⊂ DC .
c) Fixons un élément D appartenant à D(C) et posons ED = {A ⊂ Ω / A ∩ D ∈ D(C)}. On
démontre comme en b) que ED est une classe de Dynkin contenant C . Comme précédemment
on en déduit l'inclusion D(C) ⊂ ED , ce qui signie que la classe de Dynkin D(C) est stable par
intersection nie. D'après le lemme 1 cela entraîne que D(C) est une tribu. D'où l'inclusion
σ(C) ⊂ D(C) et nalement l'égalité σ(C) = D(C).
Théorème 22
Soit P et Q deux probabilités dénies sur un espace probabilisable (Ω, F). Soit par ailleurs
un ensemble C d'éléments de F stable par intersection nie et engendrant la tribu F . Si les
probabilités P et Q coïncident sur C elles sont égales.
Preuve
Par dénition d'une probabilité il est immédiat que l'ensemble D = {A ∈ F : P (A) =
Q(A)} est une classe de Dynkin. Comme D contient C par hypothèse, D contient D(C), plus
petite classe de Dynkin contenant C . La proposition précédente énonce que la tribu engendrée
par C ,soit F , coïncide avec D(C). On en conclut que D = F , ce qui achève de montrer que P
et Q sont égales.
Corollaire 23
Si des probabilités P et Q sur (R, B1 ) coïncident sur les intervalles ] − ∞, t], t ∈ R ( ou
seulement t ∈ D, où D est une partie dense de R ), alors elles sont égales.
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