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UNIVERSITE DE ROUEN
Année Universitaire 2016-2017
Travaux dirigés 2ème année Licence Droit
FAIT JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN
HUITIEME SEANCE
LA RESPONSABILITE MEDICALE
I. IDEES GENERALES
La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu loccasion de lévoquer à diverses
reprises, à travers létude de la perte de chance, de laffaire Perruche ou encore récemment de la
causalité (séance précédente). Elle contribue dans ces hypothèses à lévolution des notions et
concepts du droit de la responsabilité, comme le montrent les solutions déjà évoquées concernant
la causalité et le dommage (on sy référera).
A lévidence, la responsabilité médicale occupe une place de plus en plus importante dans
lensemble du droit de la responsabilité, les progrès de la médecine saccompagnant non pas tant
de plus daccidents médicaux mais dattentes plus fortes et plus marquées de la part des patients.
Alors que le contentieux des accidents de la circulation sest tari, à la suite de la loi du 5 juillet
1985 et dune jurisprudence désireuse déviter une casuistique qui encouragerait à plaider, celui lié
à la santé et à la médecine na fait que croître.
Depuis quelques années, le mouvement est double : dun côté, se manifeste une spécialisation de
la responsabilité médicale et, de lautre, une diversification des causes de son déclenchement et
des régimes qui vont dès lors sappliquer.
Le premier mouvement conduit la responsabilité dicale à sortir du droit commun pour relever
de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système
de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30 décembre 2002 relative à la
responsabilité civile médicale), loi du 19 mai 1998 relative aux produits défectueux, pour les
vaccins notamment…
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Le second mouvement conduit à une expansion des obligations et des hypothèses dans lesquelles
la responsabilité médicale est engagée. A lobligation de soins, sajoute lobligation dinformation,
et surtout aussi, des régimes spécifiques en fonction des causes daccidents : il en va ainsi par
exemple en matière de responsabilité du fait des produits de santé ou encore dinfections
nosocomiales.
II. PREMIER THEME : NATURE DE LA RESPONSABILITE MEDICALE
Lexistence dun contrat entre le médecin et son patient a été affirmée le 20 mai 1936 dans le
célèbre arrêt Mercier. Le contrat médical sanalyse comme un contrat synallagmatique faisant
naître à la charge des parties des obligations réciproques.
Document 1 : Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II,
162-163.
Avec lintroduction de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la
qualité du système de santé, la question sest alors posé de savoir si la responsabilité médicale
reposait toujours sur un fondement contractuel.
Bien quaucune précision nait été donnée par le législateur, plusieurs arguments plaident en
faveur dun abandon de la qualification contractuelle.
En premier lieu, le nouveau régime instauré par la loi du 4 mars 2002 transcende la distinction
traditionnelle entre responsabilité contractuelle et délictuelle en prévoyant notamment la
réparation des dommages causés à toutes les victimes, quelles soient parties ou tiers au contrat
médical. En deuxième lieu, en unifiant les règles applicables aux cliniques privées et aux
établissements publics, la loi du 4 mars 2002 dépasse la distinction entre responsabilité civile et
administrative.
La loi du 4 mars 2002 a donc instauré un nouveau régime de responsabilité autonome qui
transcende la summa divisio traditionnelle, à linstar de la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents
de la circulation ou de la loi du 19 mai 1988 relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux.
La Cour de cassation semble avoir été séduite par cette analyse en visant directement larticle L.
1142-1 du Code de la santé publique lorsquest en jeu lobligation de soins du médecin.
Document 2 : Cass. civ. 1ère, 14 octobre 2010, pourvoi n°09-69195, D. 2010. 2430, obs. I.
Gallmeister, 2682, note P. Sargos, 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; Gaz. Pal. 19-21 déc. 2010,
obs. M. Perini-Mirski ; RTD. civ. 2011. 128, note P. Jourdain.
Lorsque la Cour a eu à se prononcer sur le manquement du médecin à son obligation
dinformation, elle la cette fois-ci fait au visa de larticle 1382 du Code civil, du droit au respect
de la dignité de la personne humaine consacré à larticle 16 du Code civil et du droit au respect de
lintégrité corporelle prévu à larticle 16-3 du Code civil.
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Document 3 : Cass. civ. re, 3 juin 2010, pourvoi n°09-13591, AJDA 2010. 2169, note C.
Lantero ; D. 2010. 1484, obs. I. Gallmeister, 1522, note P. Sargos, 1801, point de vueD. Bert,
2092, chron. C. Creton, 2011. 35, obs. O. Gout, et 2565, obs. A. Laude ; RDSS 2010. 989, note F.
Arhab-Girardin ; RTD civ. 2010. 571, obs. P. Jourdain ; JCP 2010. 788, note S. Porchy-Simon ;
RDC 2011. 335, note M. Bacache, 345, note F. Leduc, et 357, note P. Pierre ; RCA 2010. Comm.
22, obs. S. Hocquet- Berg.
Document 4 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012, pourvoi n°11-18327, D. 2012. 1610, obs. I.
Gallmeister, 1794, note A. Laude, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RDSS 2012. 757, obs. F. Arhab-
Girardin ; Gaz. Pal. 18-19 juill. 2012, p. 11, note M. Bacache.
Ces arrêts marquent ainsi une résurgence de la responsabilité délictuelle en matière médicale, qui
était appliquée avant larrêt Mercier.
III. DEUXIEME THEME : LE FAIT DE LA VICTIME : LA DIVERSIFICATION DES
REGIMES EN MATIERE DE RESPONSABILITE MEDICALE
A Lobligation de soins
Elle relève désormais de larticle L. 1142-1 alinéa 1er du CSP issu de la loi du 4 mars 2002.
Le texte requiert une faute. La responsabilité civile ne saurait conduire à réparer les accidents
médicaux sans faute laléa thérapeutique. Dans ce dernier cas, il faudra, sous certaines
conditions, faire appel à la solidarité nationale.
On sefforcera de bien délimiter le domaine de cette responsabilité.
Document 5 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique.
Document 6 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015, pourvoi 14-13292, JCP, 2015, 555, note M.
Bacache (reproduite).
B Lobligation dinformation
Au-delà de la question liée à la nature de la responsabilité médicale, la responsabilité du fait dun
défaut dinformation renvoie à plusieurs questions : quelle est létendue de linformation requise
on se demandera si la solution a changé depuis la loi du 4 mars 2002, par rapport à celle qui était
consacrée par la jurisprudence antérieure ; quel est le préjudice lié au défaut dinformation ?
Document 7 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.
Document 8 : Cass. civ. 1re, 7 février 1990, Bull. civ. I, n° 39.
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Document 9 : Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012, pourvoi 11-17.510, D. 2012. 2277, note M.
Bacache, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2013. 292-
36, obs. N. Rias ; JCP 2012. 1036, note P. Sargos.
Dans cette dernière décision, la Cour de cassation considère, dans la suite de larrêt rendu le 3 juin
2010 (Document 3) que le manquement du médecin à son obligation dinformation cause à son
patient un préjudice dimpréparation. Sagit-il dun dommage moral causé par la violation dun
droit subjectif à linformation ? La seule atteinte au droit à linformation ouvrirait alors droit à
réparation.
Document 10 : Cass. civ. re, 23 janvier 2014, pourvoi n°12-22123, Bull. civ. I, 13, D. 2014.
589, 584 avis L. Bernard de la Gatinais, 590 note M. Bacache.
C La responsabilité du fait des vaccins
Celle-ci trouve sa source dans la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais en ce
domaine, les questions sont nombreuses, spécialement concernant le lien de causalité et le faut
du produit.
On sait que certaines personnes sétant fait vacciner contre le virus de lhépatite B ont développé
une sclérose en plaques. En létat actuel des connaissances médicales, il est absolument
impossible de déterminer si la vaccination est scientifiquement la cause de lapparition de la
maladie. Cela devrait en principe conduire à rejeter les actions des victimes.
Toutefois, ainsi quon la vu, depuis un arrêt de la première Chambre civile du 22 mai 2008
(cf. document 9 fiche 7), la Cour de cassation a allégé la charge de la preuve en admettant que le
lien de causalité soit établi par des présomptions graves, précises et concordantes. Les juges ne
doivent donc pas sarrêter à labsence de preuve scientifique. Concrètement, le faisceau dindices
pris en considération est le suivant : délai entre linjection et lapparition des premiers symptômes,
état de santé général de la victime, prédispositions génétiques…
Cette jurisprudence est aujourdhui très critiquée.
Certains militent pour labsence de responsabilité des laboratoires. Dautres prônent la
reconnaissance dune véritable présomption de droit, cest-à-dire une présomption irréfragable, au
bénéfice de la victime.
On remarquera que le cap a été franchi pour dautres maladies. Ainsi, en matière de
contamination par transfusion sanguine (Sida ou Hépatite C), le législateur a posé une
véritable présomption de causalité de droit en faveur des victimes (L. du 31 décembre 1991
et loi du 4 mars 2002).
Mais dans ces hypothèses, cest le législateur qui est venu poser une telle présomption pour faire
relever lindemnisation des victimes de la solidarité nationale.
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Sagissant du défaut du vaccin, la question nest en outre pas seulement celle de la causalité. Sur le
terrain de la responsabilité du fait des produits défectueux, il faut également démontrer lexistence
dun défaut du produit (art. 1386-4 c. civ.). La jurisprudence distingue alors le défaut extrinsèque
(problème dinformation lié à la notice du vaccin) du défaut intrinsèque (question de défaut du
produit lui-même, qui dépend du caractère anormalement dangereux du vaccin. Cette
appréciation du caractère anormal sapprécie alors au terme dune balance des bénéfices
escomptés et des risques inhérents à lutilisation dun médicament).
La Cour de cassation a récemment étendu à la preuve du défaut la jurisprudence quelle avait
développée en matière de preuve du lien de causalité entre la vaccination contre lhépatite B et la
survenue de sclérose en plaques. Pour établir le défaut du produit, le juge peut se contenter des
présomptions qui lui sont apportées par la victime dans lespèce en cause :
Document 11 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013, pourvoi 12-21314, D. 2013. 2311, 2306 avis C.
Mellotée, 2312, note P. Brun, et 2315 note J.-S. Borghetti ; RDSS 2013. 938, obs. J. Peigné ; JCP
2013. 1012, obs. B. Parance.
Cette jurisprudence fait lobjet de nombreuses critiques, qui ont conduit la Cour de cassation à
solliciter lavis de la Cour de justice de lUnion européenne.
Document 12 : Cass. civ. 1ère, 12 novembre 2015, n° 14-18118.
IV. EXERCICE
Commentez larrêt rendu par la première Chambre civile le 10 juillet 2013 (Document 11).
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