Fiche 9 - Travaux diriges

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)
Année universitaire 2016-2017
ère
TRAVAUX DIRIGES – 1 année Licence Droit
DROIT CIVIL
Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS
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Distribution : du 28 novembre au 3 décembre 2016.
NEUVIEME SEANCE
LA CHARGE DE LA PREUVE
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I.- La présente séance est consacrée à l’étude de la charge de la preuve. On entend par là
évoquer la question de savoir à qui revient l’obligation de prouver les éléments nécessaires à
la solution du litige.
Le droit de la preuve a été modifié à l’occasion de l’ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre. Ce sont donc les
articles 1353 et suivants du Code civil qu’il vous faut désormais connaître.
L’article 1353 du Code civil énonce que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation
d’en rapporter la preuve (al. 1er). La charge de la preuve pèse sur le demandeur. C’est parce
que c’est lui qui vient mettre en cause ce qui préexistait et réclame un changement dans une
situation établie qu’il lui appartient de prouver ce qu’il sollicite. Le demandeur, qui se prétend
créancier, devra dès lors prouver l’acte juridique (ex. : un contrat) ou le fait juridique (ex. : un
délit) qu’il estime être à l’origine de sa créance.
S’il échoue, il perdra son procès et sera débouté : le risque de la preuve pèse sur lui. On doit
d’ailleurs souligner qu’en droit, ne pas être prouvé équivaut à ne pas être.
-1-
Un dialogue se noue alors avec le défendeur : pour se soustraire aux conséquences des
preuves apportées par le demandeur, le défendeur peut également faire valoir tel ou tel fait. Il
lui appartient d’en rapporter la preuve : « Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit
justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » (art. 1353, al. 2).
Le défendeur, en proposant ses moyens de défense, devient en réalité demandeur. La charge
de la preuve se déplace ainsi, suivant les alternances de la discussion judiciaire.
Chaque partie a la charge de la preuve des faits et actes juridiques qu’elle allègue. La règle est
d’ailleurs énoncée à l’article 9 du Code de procédure civile : « il incombe à chaque partie de
prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Document 1 : Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2016, n° 15-25348.
Dès lors que le fait de ne pas pouvoir rapporter la preuve de son obligation conduit le
demandeur à être débouté – la charge de la preuve est un risque – on comprend que des
considérations de politique juridique puissent ici influer. On le constatera à l’étude de
l’obligation d’information dont sont par exemple tenus les professionnels, le médecin, etc. :
qui doit prouver que l’obligation a bien – ou non – été remplie ?
Document 2 : Cass. civ. 1ère, 25 février 1997, Bull. civ. I, n° 75 ; Les grands arrêts de la
jurisprudence civile, tome 1, n° 17 ; Gaz. Pal. 1997.1.274, rapp. Sargos ; JCP 1997.I.4025,
obs. Viney ; CCC, 1997, chr. 5, L. Leveneur ; RTD civ., 1997.434, obs. Jourdain et 924, obs.
Mestre ; Defrénois 1997.751, obs. Aubert.
Document 3 : Cass. civ., 1ère, 28 oct. 2010, Bull. civ. I, n° 215 ; D. 2010, act. 2580 ; RDI
2010.616, obs. Ph. Malinvaud ; Defrénois 2010.2309, note Rabu ; CCC, 2011, n° 1, obs. L.
Leveneur ; RLDC 2011/78, n° 4076, obs. Paulin.
Document 4 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012, D. 2012.2826, obs. I. Darret-Courgeon.
On relèvera par ailleurs que le nouvel article 1112-1 al. 4 concernant l’obligation
d’information dispose : « Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de
prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a
fournie ».
II.- Des règles spécifiques viennent cependant ici interférer, de façon essentielle. C’est le cas
des présomptions, conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait
inconnu. Les présomptions opèrent un déplacement de l’objet de la preuve : le fait inconnu ne
sera pas prouvé, mais présumé à partir de la preuve du fait connu. Le mécanisme des
présomptions influe toutefois sur la charge de la preuve. Par exemple, l’article 2274 du Code
civil présume la bonne foi : c’est donc toujours à celui qui allègue la mauvaise foi de la
prouver.
On distingue à cet égard les présomptions simples des présomptions irréfragables. Seules les
premières sont susceptibles d’une preuve contraire (C. civ., art. 1354, al. 2).
Document 5 : Cass. civ. 1ère, 7 mars 2000, RTD civ. 2000.333, obs. J. Mestre et B. Fages.
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Document 6 : Civ. 1
Gallmeister.
ère
, 17 juin 2010 : Bull. civ. I, n° 137 ; Dalloz, 2010, act. 1625, obs.
III.- Il reste à savoir si les parties sont libres d’aménager les règles d’attribution de la charge
de la preuve. Avant la réforme du 10 février 2016, le Code civil ne contenait aucune
disposition à ce sujet. C’est donc à la jurisprudence qu’il revint d’encadrer les conventions
renversant la charge de la preuve.
Document 7 : Cass. civ. 1ère, 30 oct. 2007, Bull. civ. 2007, n° 328 ; D. 2008.2820, obs. Ph.
Delebecque.
Un tel aménagement contractuel a quelque peu évolué. D’une part, l’article R. 212-1 du Code
de la consommation présume irréfragablement abusives les clauses, conclues entre un
professionnel et un consommateur, qui imposeraient au consommateur la charge de la preuve.
D’autre part, la réforme fut l’occasion d’insérer, dans le Code civil, des dispositions sur ce
point. En ce sens, le nouvel article 1356 du Code civil admet la validité de tels aménagements
contractuels, « lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition » (al.
1er). Mais il faut compter avec des exceptions : « Néanmoins, ils ne peuvent contredire les
présomptions irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l’aveu ou au
serment. Ils ne peuvent davantage établir au profit de l’une des parties une présomption
irréfragable » (al. 2).
Document 8 : Cass. civ. 1ère, 12 mai 2016, n° 14-24.698.
II.- Exercice.
- Les étudiants doivent dresser les fiches de tous les arrêts.
- Commentaire d’un arrêt de la fiche, au choix de l’enseignant.
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Document 1 : Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2016.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 octobre 2014),que Mme X... a été opérée, le 6
octobre 2004, par M. Y..., chirurgien, à la Clinique Saint-Michel pour une hystérectomie totale par
laparotomie et, le 10 octobre 2005, par M. Z..., chirurgien digestif, à la Clinique du Coudon, pour une
récidive de hernie hiatale par laparotomie ; que, le 4 décembre 2007, lors d’une nouvelle laparotomie,
une compresse chirurgicale a été retrouvée dans l’abdomen de Mme X... ; qu’après avoir sollicité une
expertise en référé, la patiente a assigné en responsabilité et indemnisation M. Z..., M. Y... et la
Clinique Saint-Michel, et mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie du Var qui a demandé le
remboursement de ses débours ;
Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que lorsque la
preuve d’une négligence fautive consistant en l’oubli d’un matériel chirurgical dans le corps d’un
patient est rapportée, il appartient à chaque professionnel et établissement de santé mis en cause de
prouver qu’il n’est pas à l’origine de la faute ; qu’en déboutant la patiente de sa demande
d’indemnisation au motif qu’elle n’établissait pas l’acte chirurgical au cours duquel la compresse avait
été oubliée dans son abdomen, la cour d’appel a violé l’article 1315, ensemble l’article L. 1142-1 du
code de la santé publique ;
Mais attendu qu’en vertu de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er , du code de la santé publique, hors le cas
où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de
santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes
individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences
dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ; que la preuve
d’une faute incombe au demandeur ; que s’agissant d’une responsabilité personnelle, elle implique que
soit identifié le professionnel de santé ou l’établissement de santé auquel elle est imputable ou qui
répond de ses conséquences ;
Et attendu qu’après avoir retenu l’existence d’une négligence fautive liée à l’oubli d’une compresse
sur le site opératoire d’une des interventions, l’arrêt relève, en se fondant sur le rapport d’expertise,
qu’aucune donnée ne permet de rattacher la présence de la compresse à l’intervention du 6 octobre
2004 ou à celle du 10 octobre 2005, pratiquées par des chirurgiens différents dans des cliniques
distinctes et qui ont l’une et l’autre nécessité l’usage de compresses, et qu’aucun comportement fautif
de tel ou tel médecin exerçant à titre libéral ou auxiliaire n’est démontré ; que la cour d’appel n’a pu
qu’en déduire que leur responsabilité ne pouvait être engagée ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Document 2 : Cass. civ. 1
ère
, 25 février 1997.
Sur le moyen unique pris en ses deux dernières branches :
Vu l’article 1315 du Code civil ;
Attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière
d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ;
Attendu qu’à l’occasion d’une coloscopie avec ablation d’un polype réalisée par le docteur X..., M.
Y... a subi une perforation intestinale ; qu’au soutien de son action contre ce médecin, M. Y... a fait
-4-
valoir qu’il ne l’avait pas informé du risque de perforation au cours d’une telle intervention ; que la
cour d’appel a écarté ce moyen et débouté M. Y... de son action au motif qu’il lui appartenait de
rapporter la preuve de ce que le praticien ne l’avait pas averti de ce risque, ce qu’il ne faisait pas dès
lors qu’il ne produisait aux débats aucun élément accréditant sa thèse ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le médecin est tenu d’une obligation particulière d’information
vis-à-vis de son patient et qu’il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation, la cour d’appel
a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 juillet 1994, entre les parties, par
la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers.
Document 3 : Cass. civ., 1ère, 28 oct. 2010.
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ;
Attendu que M. et Mme X... ont acheté à la société Ateliers de la terre cuite (la société ATC) divers
lots de carrelage ; qu’ayant constaté la désagrégation des carreaux qui avaient été posés autour de leur
piscine, ils en ont informé la société ATC qui a procédé à un remplacement partiel du carrelage ; que
le phénomène persistant, les époux X... ont obtenu la désignation d’un expert dont le rapport a fait
apparaître que les désordres étaient liés à l’incompatibilité entre la terre cuite et le traitement de l’eau
de la piscine effectué selon le procédé de l’électrolyse au sel, puis, afin d’être indemnisés, ils ont
assigné le vendeur qui a attrait en la cause son assureur, la société Generali assurances ;
Attendu que pour rejeter la demande fondée sur l’article 1147 du code civil, la cour d’appel a énoncé
que s’il appartient au vendeur professionnel de fournir à son client toutes les informations utiles et de
le conseiller sur le choix approprié en fonction de l’usage auquel le produit est destiné, en s’informant
si nécessaire des besoins de son client, il appartient également à ce dernier d’informer son vendeur de
l’emploi qui sera fait de la marchandise commandée puis a retenu qu’il n’était pas établi que le
vendeur eût été informé par les époux X... de l’utilisation spécifique, s’agissant du pourtour d’une
piscine, qu’ils voulaient faire du carrelage acquis en 2003, de même type que celui dont ils avaient fait
précédemment l’acquisition ;
Qu’en statuant ainsi alors qu’il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de
l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure
de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue, la cour
d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 mars 2009, entre les parties, par
la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
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Document 4 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012.
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X..., atteinte de séquelles à la suite d’une intervention chirurgicale pour une
arthrodèse des vertèbres, pratiquée le 26 janvier 2005 par M. Y..., fait grief à l’arrêt attaqué (Nîmes, 2
mars 2010) de rejeter ses demandes à l’encontre de ce dernier, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, en cas de litige, il appartient au
professionnel de santé d’apporter la preuve par tout moyen qu’il a procédé à l’information de son
patient sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui lui sont proposés
quant à leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves
normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les
conséquences prévisibles en cas de refus ; qu’en estimant que cette preuve était rapportée dès lors que
la patiente avait déjà subi une intervention similaire par ce même médecin, qu’elle était suivie par le
praticien depuis plusieurs années et que le chirurgien avait porté à la patiente toute l’attention
nécessaire à sa pathologie, tous motifs impropres à caractériser la délivrance de l’information
nécessaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1111-2 du code
de la santé publique ;
2°/ que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou
actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être
recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à
laquelle elle n’est pas à même de consentir ; que le non-respect du devoir d’information qui en
découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice qu’en vertu de l’article
1382 du code civil le juge ne peut laisser sans réparation ; qu’en énonçant, pour débouter Mme X... de
ses demandes que le choix de l’intervention pratiquée s’imposait au regard de l’échec du traitement
médical et de la rééducation et partant, en subordonnant l’indemnisation du préjudice causé par le
défaut d’information à l’existence d’une alternative thérapeutique ou au fait qu’informé, le patient
n’aurait pas accepté de subir l’intervention, la cour d’appel a violé ensemble les articles 16, 16-3 et
1382 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir retenu à juste titre que le médecin, à qui incombe la charge de la preuve
de ce qu’il a informé son patient dans les conditions prévues à l’article L. 1111-2 du code de la santé
publique, peut s’en acquitter par tous moyens, la cour d’appel a constaté qu’il résultait de l’expertise
que Mme X... avait déjà subi une intervention d’arthrodèse vertébrale par le même praticien le 17
février 2000 avec un résultat favorable, qu’elle était suivie par ce chirurgien depuis l’année 2000, que
les douleurs lombaires étant réapparues en 2002, elle l’avait revu à cette époque puis à de très
nombreuses reprises, avant que soit posée l’indication chirurgicale, face à la résistance de la
symptomatologie au traitement médical et à la rééducation après trois années d’essai ; qu’elle a relevé
en outre que chaque consultation était suivie d’une lettre de M. Y... adressée au médecin traitant, que
le chirurgien avait prescrit une IRM lombaire réalisée le 4 janvier 2005 et que l’intervention n’avait
été programmée qu’après une nouvelle consultation ; que c’est dès lors dans l’exercice de leur pouvoir
souverain d’appréciation que les juges du fond ont estimé que les nombreuses consultations qui
avaient précédé l’intervention critiquée démontraient le soin que M. Y... avait pris pour analyser avec
Mme X..., en lien avec son médecin traitant, l’ensemble des éléments de nature à fonder un choix
éclairé, établissant qu’elle avait reçu toute l’information nécessaire sur l’objectif, les conséquences et
les risques prévisibles ; que la première branche n’est pas fondée et que la seconde s’attaque à un
motif surabondant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
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Document 5 : Cass. civ. 1ère, 7 mars 2000.
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu que la société France Télécom ayant placé en « service restreint » la desserte de la ligne
téléphonique de son abonné, M. X..., qui refusait d’acquitter les factures dont il contestait le montant,
celui-ci, invoquant l’existence d’un trouble illicite, a assigné la société en référé aux fins de faire
rétablir le service complet de sa ligne téléphonique ; que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (SaintDenis, 21 novembre 1997) de l’avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, d’une part, nul ne
pouvant se procurer de preuve à lui-même, la cour d’appel qui ne s’est appuyée que sur la présomption
résultant de l’enregistrement des communications téléphoniques confirmées par une enquête technique
effectuée par France Télécom soit de documents qui n’émanent que de cette dernière, pour retenir que
l’interruption de la ligne n’était pas un trouble manifestement illicite, a violé les articles 1315 et 1341
du Code civil et 809 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d’autre part, que l’enquête
technique et les autres documents émanant des services de France Télécom ne suffisaient pas à
apporter la preuve de l’existence et du montant de sa créance, de sorte que la cour d’appel qui a décidé
le contraire, a encore violé les mêmes textes ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l’arrêt qui constate que France Télécom concluait,
après s’être livrée à une enquête technique, à l’absence d’anomalie sur la ligne, retient, par une exacte
application de l’article 1315, alinéa 2, du Code civil, que l’abonné qui se bornait à contester certaines
liaisons alors qu’il n’était pas le seul à utiliser sa ligne téléphonique, n’apportait la preuve d’aucun
élément de fait de nature à mettre en doute la présomption établie par le relevé des communications ;
que la cour d’appel, qui ne s’est pas appuyée sur les seuls éléments produits par France Télécom, a
souverainement apprécié la vraisemblance de ceux fournis par l’abonné ; d’où il suit que le moyen
n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Document 6 : Cass. civ. 1
ère
, 17 juin 2010.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1315 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter les ayants cause de Pascal X..., décédé le 4 juillet 2000 d’une infection
nosocomiale après avoir reçu des soins ou subi des examens dans six établissements pendant cent neuf
jours, de leurs demandes contre la Clinique Saint-Martin et le Centre hospitalier privé Clairval (la
Clinique Clairval), la cour d’appel a relevé, en se fondant sur le rapport d’expertise, que si l’infection
dont Pascal X... était décédé avait un caractère nosocomial, il était impossible de déterminer lequel des
deux établissements était à l’origine de cette infection ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais que
celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à
chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette
infection ; qu’en déboutant les consorts X... de leurs demandes, aux motifs qu’ils ne rapportaient pas
la preuve du lieu de contamination, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 mars 2009, entre les parties, par
la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-enProvence, autrement composée.
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Document 7 : Cass. civ. 1ère, 30 oct. 2007, Bull. civ. 2007, n° 328.
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu que faisant valoir qu’une jument lui appartenant, qu’elle avait placée en pension dans le haras
de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Haras des Rousses, avait été victime d’un
accident dont celle-ci était responsable, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL)
Global Jump a assigné l’EARL Haras des Rousses et son assureur, la compagnie d’assurances AXA
France IARD, en réparation du préjudice né de cet accident ; que l’arrêt attaqué (Caen, 4 juillet 2006)
a rejeté cette demande ;
Attendu que le contrat de mise en pension d’un cheval moyennant rétribution, est un contrat de dépôt
salarié ; que les parties à un tel contrat sont libres de convenir de mettre à la charge du déposant, qui
entend se prévaloir d’un manquement du dépositaire à l’obligation de moyens qui lui incombe, la
preuve de ce manquement ; qu’en une interprétation, exclusive de la dénaturation invoquée par le
deuxième grief, dès lors que la rendait nécessaire l’ambiguïté née du rapprochement des stipulations
du contrat instituant des exonérations de responsabilité au bénéfice du dépositaire, tout en admettant
une couverture limitée des risques de responsabilité civile encourus par celui-ci, la cour d’appel a
estimé que ces stipulations faisaient peser sur l’EURL Global Jump la charge de la preuve des
manquements que celle-ci imputait à l’EARL Haras des Rousses ; que par une appréciation souveraine
de la valeur probante des attestations contestées, qui échappe aux troisième et quatrième griefs, et
écarte l’argumentation développée dans les conclusions invoquées par le cinquième grief, la cour
d’appel a estimé que la preuve desdits manquements n’était pas apportée ; qu’elle a ainsi, sans
encourir la critique du premier grief, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Document 8 : Cass. civ. 1ère, 12 mai 2016, n° 14-24.698.
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que, le 19 juillet 2007, Franck X... a été victime d’un
accident mortel de la circulation alors qu’il pilotait sa motocyclette ; que sa veuve, Mme X..., a
sollicité la garantie de la société Assurance mutuelle des motards (l’assureur), auprès de laquelle le
défunt avait souscrit, le 14 avril 2006, un contrat d’assurance comportant une garantie des dommages
matériels causés au véhicule et des dommages corporels subis par le conducteur ; qu’après avoir versé
à Mme X... une indemnité au titre des dommages matériels, l’assureur a dénié sa garantie en raison de
l’alcoolémie de Franck X... lors de l’accident ; que Mme X... l’a assigné en exécution du contrat ;
…
Sur le second moyen, pris en ses troisième, sixième et septième branches :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :
Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme X..., l’arrêt retient qu’en application des articles 19 et
27 des conditions générales du contrat d’assurance souscrit par Franck X..., sont exclus de la garantie
les dommages aux véhicules assurés et les dommages corporels, s’il est établi que le conducteur se
trouvait, lors du sinistre, sous l’empire d’un état alcoolique dont le seuil est fixé par l’article R. 234 du
code de la route, sauf s’il est prouvé par l’assuré que le sinistre est sans relation avec cet état ; qu’il
ajoute que, dès lors qu’il est établi par le procès-verbal de gendarmerie que Franck X... conduisait sous
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l’empire d’un état alcoolique au moment de l’accident et qu’il n’est pas démontré que le sinistre est
sans lien avec cet état, démonstration incombant contractuellement aux ayants droit de l’assuré et non
à l’assureur, de sorte que celui-ci est fondé à opposer à Mme X... ces deux exclusions de garantie ;
Attendu, cependant, que, par arrêt du 4 juin 2009 (Pannon GSM Zrt., aff. C-243/08), la Cour de justice
des communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d’examiner d’office le
caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires
à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si
le consommateur s’y oppose ;
Attendu que, dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des
consommateurs, sont abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer au nonprofessionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait
incomber normalement à l’autre partie au contrat ;
Attendu qu’il incombait, donc, à la cour d’appel de rechercher d’office si étaient abusives les clauses
d’un contrat d’assurance prévoyant que sont exclus de la garantie les dommages occasionnés au
véhicule assuré et les dommages corporels, s’il est établi que le conducteur se trouvait lors du sinistre
sous l’empire d’un état alcoolique, sauf si l’assuré ou ses ayants droit prouvent que l’accident est sans
relation avec cet état, alors qu’en vertu du droit commun, il appartiendrait à l’assureur d’établir que
l’accident était en relation avec l’état alcoolique du conducteur ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il lui incombait de procéder à cette recherche, la cour
d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette la demande en répétition de l’indu de la société
Assurance mutuelle des motards, l’arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d’appel
d’Amiens ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens,
autrement composée.
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