Dix-huitième séance La responsabilité médicale

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)
Année universitaire 2013-2014
TRAVAUX DIRIGES - 2ème année de Licence en Droit
DROIT CIVIL
Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS
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Distribution : du 7 au 12 avril 2014
Dix-huitième séance
La responsabilité médicale
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I-. Idées générales - La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu
l’occasion de l’évoquer à diverses reprises, lors de l’étude de la responsabilité
contractuelle au premier semestre (séance 10), à travers l’étude de la perte de chance
(séance 11 bis), de l’affaire Perruche (séance 12) ou encore récemment lors de la
séance sur la causalité (séance 16). l’on voit, à travers ces illustrations, qu’elle
contribue à l’évolution des notions et concepts du droit de la responsabilité, comme le
montrent les solutions déjà évoquées concernant la causalité et le dommage (on ira s’y
référer pour nourrir la présente séance).
A l’évidence, elle occupe une place de plus en plus importante dans l’ensemble du
droit de la responsabilité, les progrès de la médecine s’accompagnant non pas tant de
plus d’accidents médicaux mais d’attentes plus fortes et plus marquées de la part des
patients. Alors que le contentieux des accidents de la circulation s’est tari, à la suite de
la loi du 5 juillet 1985 et d’une jurisprudence désireuse d’éviter une casuistique qui
encouragerait à plaider, celui lié à la santé et à la médecine n’a fait que croître.
Depuis quelques années, le mouvement est double : d’un côté, se manifeste une
spécialisation de la responsabilité médicale et, de l’autre, une diversification des
causes de son déclenchement et des régimes qui vont dès lors s’appliquer.
Le premier mouvement conduit la responsabilité médicale à sortir du droit commun
pour relever de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30
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décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale), loi du 19 mai 1998
relative aux produits défectueux, pour les vaccins notamment…
Le second mouvement conduit à une expansion des obligations et des hypothèses
dans lesquelles la responsabilité médicale est engagée. A l’obligation de soins,
s’ajoute l’obligation d’information, et surtout aussi, des régimes spécifiques en
fonction des causes d’accidents : il en va ainsi par exemple en matière d’infections
nosocomiales.
II-. Premier thème : Nature de la responsabilité médicale
L’existence d’un contrat entre le médecin et son patient a été affirmée le 20 mai 1936
dans le célèbre arrêt Mercier. Le contrat médical s’analyse comme un contrat
synallagmatique faisant naître à la charge des parties des obligations réciproques.
Document 1 : Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier, Grands arrêts de la jurisprudence
civile, T. II, n° 162-163.
Avec l’introduction de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du
malade et à la qualité du système de santé, la question s’est alors posé de savoir si la
responsabilité médicale reposait toujours sur un fondement contractuel.
Bien qu’aucune précision n’ait été donnée par le législateur, plusieurs arguments
plaident en faveur d’un abandon de la qualification contractuelle.
En premier lieu, le nouveau régime instauré par la loi du 4 mars 2002 transcende la
distinction traditionnelle entre responsabilité contractuelle et délictuelle en prévoyant
notamment la réparation des dommages causés à toutes les victimes, qu’elles soient
parties ou tiers au contrat médical. En deuxième lieu, en unifiant les règles applicables
aux cliniques privées et aux établissements publics, la loi du 4 mars 2002 dépasse la
distinction entre responsabilité civile et administrative.
D’où il ressort que la loi du 4 mars 2002 a instauré un nouveau régime de
responsabilité autonome qui transcende la summa divisio traditionnelle, à l’instar de la
loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ou de la loi du 19 mai
1988 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
La Cour de cassation semble avoir été séduite par cette analyse en visant directement
l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique lorsqu’est en jeu l’obligation de soins
du médecin.
Document 2 : Cass. civ. 1ère, 14 octobre 2010, pourvoi n°09-69195, D. 2010. 2430,
obs. I. Gallmeister, 2682, note P. Sargos, 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; Gaz. Pal.
19-21 déc. 2010, obs. M. Perini-Mirski ; RTD. civ. 2011. 128, note P. Jourdain.
Lorsque la Cour a eu à se prononcer sur le manquement du médecin à son obligation
d’information, elle l’a cette fois-ci fait au visa de l’article 1382 du Code civil, du droit
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au respect de la dignité de la personne humaine consacré à l’article 16 du Code civil
et du droit au respect de l’intégrité corporelle prévu à l’article 16-3 du Code civil.
Document 3 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010, pourvoi n°09-13591, AJDA 2010. 2169,
note C. Lantero ; D. 2010. 1484, obs. I. Gallmeister, 1522, note P. Sargos, 1801, point
de vueD. Bert, 2092, chron. C. Creton, 2011. 35, obs. O. Gout, et 2565, obs. A.
Laude ; RDSS 2010. 989, note F. Arhab-Girardin ; RTD civ. 2010. 571, obs. P.
Jourdain ; JCP 2010. 788, note S. Porchy-Simon ; RDC 2011. 335, note M. Bacache,
345, note F. Leduc, et 357, note P. Pierre ; RCA 2010. Comm. 22, obs. S. Hocquet-
Berg.
Document 4 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012, pourvoi n°11-18327, D. 2012. 1610, obs. I.
Gallmeister, 1794, note A. Laude, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RDSS 2012. 757, obs. F.
Arhab-Girardin ; Gaz. Pal. 18-19 juill. 2012, p. 11, note M. Bacache.
Ces arrêts marquent ainsi une résurgence de la responsabilité délictuelle en matière
médicale, laquelle avait précédé l’arrêt Mercier.
III.- Deuxième thème : la diversification des régimes en matière de responsabilité
médicale
A/ L’obligation de soins
Elle relève désormais de l’article L. 1142-1 alinéa 1er du CSP issu de la loi du 4 mars
2002.
Le texte requiert une faute. La responsabilité civile ne saurait conduire à réparer les
accidents médicaux sans faute l’aléa thérapeutique. Dans ce dernier cas, il faudra,
sous certaines conditions, faire appel à la solidarité nationale (v infra D).
On s’efforcera de bien délimiter le domaine de cette responsabilité.
Document 5 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique.
B/ L’obligation d’information
Au-delà de la question liée à la nature de la responsabilité médicale, la responsabilité
du fait d’un défaut d’information renvoie à plusieurs questions : quelle est l’étendue
de l’information requise on se demandera si la solution a changé depuis la loi du 4
mars 2002, par rapport à celle qui était consacrée par la jurisprudence antérieure ; quel
est le préjudice lié au défaut d’information : s’agit-il d’un dommage moral causé par
la violation d’un droit subjectif à l’information ? La seule atteinte au droit à
l’information ouvrirait alors droit à réparation.
Document 6 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.
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Document 7 : Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012, pourvoi11-17.510, D. 2012. 2277, note
M. Bacache, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain ; RTD
eur. 2013. 292-36, obs. N. Rias ; JCP 2012. 1036, note P. Sargos.
Document 8 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014, pourvoi n°12-22123, D. 2014. 589, 584
avis L. Bernard de la Gatinais, 590 note M. Bacache.
Dans cette dernière décision, la Cour de cassation considère que le manquement du
médecin à son obligation d’information cause à son patient un préjudice
d’impréparation.
C/ La responsabilité du fait des vaccins
Celle-ci trouve sa source dans la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais
en ce domaine, les questions sont nombreuses, spécialement concernant le lien de
causalité et le défaut du produit.
On sait que certaines personnes s’étant fait vacciner contre le virus de l’hépatite B ont
développé une sclérose en plaques. En l’état actuel des connaissances médicales, il est
absolument impossible de déterminer si la vaccination est scientifiquement la cause
de l’apparition de la maladie. Cela devrait en principe conduire à rejeter les actions
des victimes.
Toutefois, depuis un arrêt de la première Chambre civile du 22 mai 2008 (cf.
document 12 fiche 16), la Cour de cassation a allégé la charge de la preuve en
admettant que le lien de causalité soit établi par des présomptions graves, précises et
concordantes. Les juges ne doivent donc pas s’arrêter à l’absence de preuve
scientifique. Concrètement, le faisceau d’indices pris en considération est le suivant :
délai entre l’injection et l’apparition des premiers symptômes, état de santé général de
la victime, prédispositions génétiques…
Cette jurisprudence est aujourd’hui très critiquée.
Certains militent pour l’absence de responsabilité des laboratoires. D’autres prônent la
reconnaissance d’une véritable présomption de droit, c'est-à-dire une présomption
irréfragable, au bénéfice de la victime.
On remarquera que le cap a été franchi pour d’autres maladies. Ainsi, en matière de
contamination par transfusion sanguine (Sida ou Hépatite C), le législateur a
posé une véritable présomption de causalité de droit en faveur des victimes (L. du
31 décembre 1991 et loi du 4 mars 2002).
Mais dans ces hypothèses, c’est le législateur qui est venu poser une telle présomption
pour faire relever l’indemnisation des victimes de la solidarité nationale.
S’agissant du défaut du vaccin, la jurisprudence distingue le défaut extrinsèque
(problème d’information lié à la notice du vaccin) du défaut intrinsèque (question de
défaut du produit lui-même, qui dépend du caractère anormalement dangereux du
vaccin. Cette appréciation du caractère anormal s’apprécie alors au terme d’une
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balance des bénéfices escomptés et des risques inhérents à l’utilisation d’un
médicament).
La Cour de cassation a récemment étendu à la preuve du défaut la jurisprudence
qu’elle avait développée en matière de preuve du lien de causalité entre la vaccination
contre l’hépatite B et la survenue de sclérose en plaques. Pour établir le défaut du
produit, le juge peut se contenter des présomptions qui lui sont apportées par la
victime dans l’espèce en cause :
Document 9 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013, pourvoi n°12-21314, D. 2013. 2311,
2306 avis C. Mellotée, 2312, note P. Brun, et 2315 note J.-S. Borghetti ; RDSS 2013.
938, obs. J. Peigné ; JCP 2013. 1012, obs. B. Parance.
D/ Solidarité nationale et loi du 4 mars 2002
L’un des objectifs essentiels de la loi du 4 mars 2002 a été d’apporter une réponse aux
attentes des victimes d’accidents médicaux non fautifs. La solidarité nationale n’a
qu’une vocation subsidiaire et ne peut, en aucun cas, se substituer à la responsabilité
civile ou administrative. Aussi, dès lors qu’une faute ou un défaut du produit sont
établis, le jeu de la solidarité nationale est exclu.
Document 10 : article L. 1142-1 II du Code de la santé publique
L’indemnisation des préjudices au titre de la solidarité nationale est effectuée par un
établissement public créé à cet effet : l’ONIAM (Office national d’indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales). Suite à
l’ampleur de l’affaire Mediator, la loi de finances rectificative n°2011-900 du 29
juillet 2011 a élargi la compétence de l’ONIAM pour faciliter la réparation des
préjudices liés à la prescription de benfluorex.
IV-. Exercice.
Commentaire de l’arrêt rendu par la première Chambre civile le 23 janvier 2014
(document 8)
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