
Management des soins
est très souvent associée au
besoin de réaliser de nombreux
actes de soins. Faudrait-il ici voir
un effet négatif de la T2A (tarifi-
cation à l’activité)? Il y a fort à
parier que, dans un contexte éco-
nomique hospitalier difficile, l’ac-
cent soit mis sur le soin technique,
le seul pour le moment à être
rémunéré par un budget basé
sur la tarification à l’acte, ce qui
peut, à terme, être préjudiciable.
En ce sens, une seconde modifi-
cation induite par l’émergence
de l’hôpital-entreprise semble
être l’augmentation des soins
techniques au détriment des
soins relationnels. Une étude
réalisée par le Centre d’études
de l’emploi, en janvier 2014, vient
confirmer cette observation: « La
pression sur les rythmes va de
pair avec des reconfigurations
du travail infirmier, qui donnent
la priorité aux tâches techniques
au détriment des tâches rela-
tionnelles et d’écoute. »(1)
Ce constat, établi par les profes-
sionnels, renvoie à la différence
entre les rôles prescrits et auto-
nomes. Les soins sur prescription
médicale sont valorisés par la
T2A. Les soins relationnels, du
rôle propre infirmier, sont la par-
tie “invisible” de la prise en
charge, en ce sens où ils n’in-
fluent pas sur les arrêtés de ver-
sement. Ainsi, sous l’égide de la
finance, les infirmières n’auraient
plus le temps de prendre en
compte les souhaits des patients.
La rentabilité et/ou la recherche
d’équilibre financier pousseraient
les soignants à changer réguliè-
rement de chambre les per-
sonnes hospitalisées et à hâter
leur sortie des structures de
soins. Cette accélération de la
cadence de travail, corrélée à
une augmentation des soins
somatiques, inciteraient les pro-
fessionnels de santé à prendre
en charge techniquement les
patients sans tenir compte de
leur dimension holistique. Un
parallèle entre les chaînes de
production de l’industrie et la
prise en soins des personnes
hospitalisées semble transparaî-
tre dans le discours de ces soi-
gnants qui le déplorent.
Face à ce qui paraît-être une dif-
ficulté majeure pour ces profes-
sionnels de terrain, il serait inté-
ressant de savoir pourquoi ils
exécutent ainsi leur travail alors
que ce dernier s’oppose à leurs
valeurs. Sont-ils contraints de
s’exécuter ou se soumettent-ils
sans mot-dire? La profession
infirmière défend-elle suffisam-
ment son rôle propre?
Pour autant, cette évolution de
la cadence de travail dans la
vie professionnelle n’est-elle pas
à mettre en corrélation ou à
ponctuer avec une certaine
métamorphose sociétale? En
effet, le rapport au temps a évo-
lué au sein du monde contem-
porain. N’entendons-nous pas
quotidiennement dire « je n’ai
plus une minute à moi », « que
le temps passe vite », « le temps,
c’est de l’argent »?
Manque de personnel
Pour certains des professionnels
de santé interrogés, un sentiment
de manque de personnel est éga-
lement énoncé. Cette donnée
semble en contradiction avec les
chiffres de la littérature. Effecti-
vement, d’après un rapport de
2009 du ministère de la Santé,
l’effectif infirmier a connu une
augmentation de 29% entre
1999 et 2007.
Reste à savoir si ces soignants
ont incorporé des unités de soins
existantes ou de nouvelles struc-
tures. S’ils ont rejoint des unités
de soins déjà existantes, il serait
alors intéressant de s’attarder
sur l’évolution du taux d’absen-
téisme au sein des hôpitaux. Une
étude rétrospective sur les dix
dernières années permettrait de
vérifier ou non les informations
reccueillies relatives au manque
de personnel. Si une augmenta-
tion du nombre d’arrêts maladie
(non remplacés) est constatée,
elle pourrait, du moins en partie,
expliquer l’augmentation des
cadences de travail des soignants
et de la même façon, le déséqui-
libre entre soins techniques et
approche relationnelle.
Perte d’autonomie
dans le rôle infirmier
D’autres professionnels déplorent
le fait que l’hôpital-entreprise
induise une perte d’autonomie
des infirmières. Cela traduit-il
une modification du management
prodigué au sein des hôpitaux
ces dix dernières années? Est-
ce un pas de plus effectué par le
secteur public en direction du
monde de l’entreprise privée?
Management évolutif
qui affecte les patients
Dans une recherche d’équilibre
budgétaire et d’assainissement
des comptes publics, l’hôpital fait
NOTES
(1) Gheorghiu Mihaï Dinu,
Moatty Frédéric. “L’emploi
et le travail hospitaliers
à l’épreuve des réformes”
[en ligne]. Connaissance de
l’emploi, janvier 2014, n°109,
p.1-4. Disponible via le lien
raccourci bit.ly/21UsFUe.
ObjectifSOINS &MANAGEMENT - N° 245 - Avril 2016 19
“Certains
professionnels
déplorent que
l’hôpital-entreprise
induise une perte
d’autonomie
des infirmières”
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