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I. Les théories du commerce international
A. Le mercantilisme
Le mercantilisme est une doctrine économique qui associe puissance économique et puissance politique et qui considère que
l’échange international est un « jeu à somme nulle » entre les nations : ce que les unes gagnent, les autres le perdent. Au XVI et XVII
siècle en Espagne, les mercantilistes considèrent que la puissance économique se mesure au stock d’or et d’argent que détient un pays,
l’accroissement de ce stock exige un développement des exportations et une limitation des importations. De son côté, la Grande-
Bretagne adopte une politique protectionniste dans le cadre de l’Acte de Navigation (1651), imposant l’usage de ses navires pour ses
échanges avec l’Asie, l’Afrique et l’Amérique. En France, l’adoption de politique mercantiliste conduira l’État à intervenir pour le
développement de l’industrie par la création de manufactures royales et par le relèvement des droits de douanes, notamment sous
l’impulsion de J.-B. Colbert (1619-1683).
B. L’approche classique
1. A. Smith et la théorie de l’avantage absolu
A. Smith (1723-1790), critique les conceptions mercantilistes considérées comme favorisant les monopoles du commerce («
commerce exclusif ») et le protectionnisme. Pour Smith, la spécialisation et l’échange commercial en tri États font du commerce
international un jeu à somme positive et, parallèlement, un instrument de pacification des rapports internationaux.
Chaque État a intérêt à se spécialiser dans la production et l’exportation de produits pour lesquels il dispose d’avantages absolus,
c’est-à-dire de coûts de production plus faibles qu’à l’étranger.
2. D. Ricardo et l’avantage comparatif
D. Ricardo (1772-1823), comme A. Smith, considère que le commerce international est un jeu à somme positive. Selon lui, le libre-
échange et la spécialisation permettent de retarder l’évolution de l’économie vers un état stationnaire.
L’importation de biens de subsistance moins coûteux fait baisser le taux le salaire (« prix naturel du travail »), et donc favorise les
profits et la croissance.
Pour D. Ricardo, la spécialisation s’explique, non pas par l’avantage absolu, mais par l’avantage relatif. Il montre que le commerce
international s’explique, non par des différences de coûts absolus, mais par les coûts relatifs, mesurés en temps de travail
(raisonnement en termes de valeur travail évaluée en homme/année).
Considérons, à titre d’exemple, qu’il faut au Portugal 90 hommes et en Angleterre 100 hommes pour fabriquer x quantités de drap, et
que, parallèlement, il faut au Portugal 8o hommes et en Angleterre 120 hommes pour produire y quantités de vin. Dans une telle
situation, selon la théorie de l’avantage absolu d’A. Smith, il n’y aurait aucun intérêt à pratiquer le commerce international, le
Portugal disposant d’un avantage absolu dans la production des deux biens. Or, Ricardo montre qu’il peut exister un avantage mutuel
à se spécialiser dans le produit pour lequel on dispose d’un avantage relatif (ou avantage comparatif). Dans l’exemple donné,
l’Angleterre devrait se spécialiser dans la fabrication de drap et le Portugal dans la production de vins. De cette spécialisation, il
résultera un accroissement total de la production de vin et de drap et un avantage mutuel pour les deux partenaires.
Le raisonnement de D. Ricardo repose sur les hypothèses suivantes :
Les coûts de transport sont nuls ou négligeables ;
Les facteurs sont immobiles au plan international et parfaitement mobiles à l’intérieur des pays ;
Les coûts relatifs sont différents (9o/8o au Portugal ; 120/100 en Angleterre) à l’intérieur de chaque pays avant ouverture au
commerce international ;
Il y a parfaite mobilité internationale des biens produits.
La théorie de l’avantage comparatif ne concerne pas seulement le commerce international. Elle montre, de façon générale, qu’un
échange volontaire (au niveau des individus, comme au niveau international) conduit à un gain à l’échange mesuré par la somme du
surplus du consommateur et du surplus du producteur. Cependant, rien dans cette théorie n’indique comment le gain à l’échange est
partagé entre les coéchangistes. Ce partage peut être plus ou moins égalitaire... Ou très inégalitaire.
C. Le protectionnisme éducateur
La création en 1834 du « Zollverein », union douanière entre les provinces allemandes et sa renégociation en 1841 sera marquée par
des débats sur la nécessité de se protéger des échanges extérieurs, et ce, notamment par l’instauration d’un tarif douanier commun.
Dans ces débats, F. List (1789-1846) s’oppose l’École anglaise libre-échangiste et se fait le porte-parole des industriels allemands.
Pour lui, il y a nécessité, dans un contexte de développement économique, de protéger les industries naissantes en raison notamment :
D’économies d’échelle insuffisantes ;
De l’inexistence d’une main-d’œuvre qualifiée ;
De l’inexistence également, d’habitudes prises par le consommateur vis-à-vis des nouveaux produits nationaux.
F. List n’est en aucun cas contre le libre-échange, mais celui-ci doit être régulé en fonction du degré de développement des
économies. Les mesures protectionnistes ne sont que « des béquilles pour apprendre à marcher » dans le cadre d’un objectif
«d’éducation industrielle de la nation» concernée.
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D. L’approche néo-classique
1. Le modèle HOS
Les analyses de E. Heckscher (1879-1952) et B. Ohlin (1899-1979, prix Nobel 1977), s’intéressent principalement aux fondements
de l’échange en reformulant la théorie ricardienne, sans référence à la valeur travail. L’intégration des pays dans les échanges
internationaux s’opère suivant le théorème de l’avantage comparatif (Heckscher-Ohlin). Selon ce théorème, les différences rareté
relatives des facteurs de production déterminent des difrences de prix relatif. Les prix de produits nécessitant l’utilisation intensive
d’un facteur production abondant seront relativement moins élevés que celui d’un produit nécessitant la mise en œuvre d’un facteur de
production rare. Puisqu’un pays a tendance à se spécialiser dans la production marquée par une combinaison productive qui lui donne
un maximum d’avantages ; il en résulte qu’il a intérêt à exporter des produits intensifs en facteur de production abondant et importer
ceux qui sont intensifs en facteur de production rare.
Par la suite, P. Samuelson (1915-2009, prix Nobel 1970) apporte une contribution supplémentaire : le libre-échange conduit à une
égalisation internationale des prix des facteurs de production (théorème HOS Heckscher-Ohlin-Samuelson).
Le modèle HOS repose sur les hypothèses suivantes :
Existence d’une économie réduite à deux biens (non substituables, pas de différenciation des produits) et à deux facteurs de
production (travail et capital, divisibles et substituables mais non mobiles entre pays) ;
Existence de fonctions de production à rendements d’échelle constants ; fonction de production identique dans les deux pays
pour chaque produit ; absence de coûts de transport ou de droits de douane ;
Existence d’un plein emploi des facteurs de production ;
Existence d’une concurrence pure et parfaite sur le marché des biens et des facteurs de production.
2. Le paradoxe de Leontiev
W. Leontiev (1906-1999) a cherché une vérification empirique du modèle HOS à partir de l’analyse des échanges commerciaux des
États-Unis. Partant de l’hypothèse que les États-Unis disposent d’une abondance de facteur capital et d’une relative rareté du facteur
travail, les exportations américaines devraient être relativement plus intensives en facteur capital qu’en facteur travail. Or, Leontiev
montre que les exportations des États-Unis utilisent davantage de facteurs travail que de facteur capital, ce qui semble contradictoire
avec le théorème de l’avantage comparatif (paradoxe de Leontiev). Leontiev ne réfute pour autant pas le mole HOS, au contraire,
il considère que la mesure en dotation de facteur de production est à affiner. À cet effet, il finit par considérer que la productivité du
travail aux États-Unis, à intensité capitalistique identique, est beaucoup plus élevée que dans le reste du monde. Il en résulte que le
facteur réellement abondant est le travail et non le capital.
E. Nouvelles théories du commerce international
1. Les avantages technologiques
Le courant néo-technologique s’intéresse au coût et à la facilité d’accès à la technologie dans le cadre de marchés oligopolistiques.
À la fin des années 1950, M. Porter souligne qu’une économie nationale dotée d’un taux d’investissement élevé est en mesure de
mettre en œuvre de nouveaux procédés de fabrication qui conduisent à des situations de monopole. Ces écarts technologiques
constituent de véritables barrières à l’entrée pour les concurrents.
L’analyse néo technologique peut justifier une intervention des pouvoirs publics en faveur de la Recherche/Développement dans la
mesure où celle-ci conduit les firmes à disposer, pour une durée certes limitée, d’un avantage absolu. La recherche/développement a
une influence décisive sur les flux commerciaux. P. Krugman relève que « dans beaucoup d’industries, l’avantage compétitif ne
semble être déterminé ni par les caractéristiques nationales ni par les avantages statiques de production sur grande échelle, mais
plutôt par les connaissances engendrées par les firmes au travers de la Recherche/développement et l’expérience ».
2. Commerce international et concurrence imparfaite
Depuis le début des années 1970, les études statistiques soulignent l’importance croissante des échanges « intrabranche », c’est-à-dire
l’échange croisé de produits similaires. Cette croissance s’explique par l’existence d’un certain nombre de marchés de type
oligopolistique (automobile, aviation...), qui nécessitent de forts investissements de départ. La rentabilisation de la production passe
alors par des effets d’apprentissage et des économies d’échelle, en d’autres termes par un accroissement des quantités produites. Cela
explique l’intérêt de l’échange croisé de produits similaires dans le cadre d’une concurrence axée sur la difrenciation des produits
plutôt que sur la compétitivité prix.
La prise en compte du caracre imparfait du marché international a été développé, au début des années 1980, dans le cadre du modèle
de J. Brander et de B. Spencer, justifiant le principe de « politiques commerciales stratégiques », de soutien et d’aide aux entreprises
sur les marchés oligopolistiques.
P. Krugman a contribué à la popularisation du modèle de J. Brander et de B. Spencer tout en ne partageant pas leurs conclusions.
Rejetant le protectionnisme, il considère qu’un État développé, marqué par une productivité, une technologie et une qualité de ses
produits plus faibles que d’autres États dispose toujours de moyens pour maintenir sa place dans le commerce international et
l’équilibre, à long terme, de sa balance des paiements. Au nombre de ces moyens figurent le taux de change et la spécialisation.
D’une façon générale, les théoriciens de la nouvelle économie internationale suivent les orientations de P. Krugman sur la nécessité
de rester fidèle au libre-échange,
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La nouvelle théorie du commerce international prend en compte l’existence d’économies d’échelles sur un certain nombre de
marchés à l’image du marché des semi-conducteurs (Silicon Valley). Il peut exister deux types de marchés internationaux, l’un
marqué par des rendements d’échelle décroissants, l’autre par des rendements d’échelle croissants. Dans ce dernier cas, prime va au
premier entrant et explique, par conséquent la relative permanence de la hiérarchie des puissances économiques et de leurs firmes.
Les « accidents historiques » dans la localisation des activités économiques ont des effets à long terme (P. Krugman, prix
Nobel 2008).
La nouvelle théorie du commerce international prend en compte les stratégies de différenciation des produits dans l’analyse des
échanges internationaux grâce aux apports de l’économie industrielle et à La Théorie de la concurrence monopolistique d’E. H.
Chamberlin (1899-1967). Dans cette perspective, l’échange intrabranche s’explique par l’existence :
D’une différenciation verticale de produits en termes de qualité (cas de voitures aux puissances différentes, effet de marque
ou de publicité, justifiant des écarts de prix) ;
D’une différenciation horizontale de produits (cas de la couleur des voitures).
Pour J.-L. Mucchielli, les nouvelles théories du commerce international mettent en évidence de nouvelles sources de gains à
l’échange par l’apparition de quatre effets :
Un effet procompétitif : concurrence accrue restreignant le pouvoir de marché des producteurs ;
Un effet d’économie d’échelle : les rendements croissants conduisent à une baisse des coûts de production ;
Un effet de rationalisation : remplacement de certaines firmes au profit de firmes plus efficaces ;
Un effet de variété : accroissement de la variété des produits disponibles pour les consommateurs.
II. Histoire du commerce international
A. Les échanges internationaux au XIX° siècle
1. Les puissances économiques au XIX° siècle
Vers 1800, les échanges internationaux sont, pour l’essentiel, le fait de trois nations dominantes, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et
la France. Les deux premières développent un capitalisme marchand et financier, la France s’appuie sur un capitalisme manufacturier.
De 1800 à 1860, la Grande-Bretagne s’impose dans les échanges internationaux et assure, par exemple en 1860, 40 % de la
production industrielle mondiale. La fin du XX° siècle est marquée par le développement industriel de l’Europe continentale
l’Allemagne en particulier et des États-Unis, qui rattrapent peu à peu leur retard. De 1830 à 1914, l’écart entre les nations les plus
riches et les plus pauvres s’accentue du fait de l’expansion coloniale. La division internationale du travail a pris l’allure d’une
opposition entre pays producteurs de biens manufacturés et pays producteurs de biens primaires.
2. Le développement des échanges
Les échanges internationaux par tête, de 1800 à 1913 sont multipliés par 25, alors que la production par tête ne l’est que par 2,2. En
1913, la part des échanges internationaux de marchandises dans la production est de 33 %. De 1830 à 1913, les taux d’exportations
(rapport entre exportations et PIB en volume) des pays européens ne cessent de progresser
3. libre échange et protectionnisme au XIX° siècle
Quatre périodes peuvent être distinguées entre 1815 et 1913 :
1815-1846 : extension progressive du libre-échange au Royaume-Uni (l’agriculture reste protégée par le vote de la «corn
law» en 1815, mais en 1842, les droits de douane sur les produits manufacturés sont fortement réduits), protectionnisme dans
le reste du monde.
1846-1860 : Libre-échangisme du Royaume-Uni (abolition de la « corn law » en 1846, démantèlement des barrières
douanières en 1860), protectionnisme du reste du monde.
1860-188o : extension du libre-échange entre les économies européennes (Traité de commerce franco-anglais en 186o),
protectionnisme renforcé aux États-Unis suite à la Guerre de cession.
1880-1913 : retour et renforcement du protectionnisme en Europe Continentale (Loi Méline en France en 1892), libre-
échange du Royaume-Uni, et renforcement du protectionnisme aux États-Unis (taux moyen des droits de douane est porté à
57 % en 1897).
Les effets de ces différentes politiques commerciales sont paradoxaux, la période d’extension des politiques de libre échange (1860
1880) est marquée par une croissance économique et une expansion industrielle plus faible que durant la période de protectionnisme
accrue (1895-1913). Les inégalités de développement se réduisent plus fortement durant les phases protectionnistes que durant les
phases de libre-échange. Ce constat ne doit cependant pas conduire à des conclusions hâtives, du fait des multiples causes de
l’évolution des échanges internationaux. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, la croissance des échanges internationaux s’explique en partie
par l’abaissement du coût du transport maritime (diffusion de la machine à vapeur).
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B. L’entre-deux-guerres : les « égoïsmes sacrés »
1. Les puissances économiques dans l’entre-deux-guerres
À la suite de la Première Guerre mondiale, la hrarchie entre grandes puissances économiques est bouleversée, les nations qui ont
participé aux quatre années de conflit se retrouvent largement dominées par les États-Unis, entrés tardivement en guerre et désormais
premier créancier du monde. La division internationale du travail reste marquée par une inégalité de développement entre nations
productrices de biens manufacturés et nations productrices de biens primaires. Ces inégalités ont tendance à s’accroître sous l’effet de
la détérioration des termes de l’échange (indice de variation des prix des exportations/indice de variation des prix des importations)
des produits primaires résultant de la crise de 1929.
2. Une faible croissance des échanges internationaux dans l’entre-deux-
guerres
De 1913 à 1937, le taux de croissance des échanges internationaux est inférieur à celui de la production. Il en résulte que les taux
d’exportations déclinent tout au long de cette période, faiblement de 1918 à 1929, très fortement par la suite.
Dans ce contexte, les économies européennes connaissent un repli plus marqué que les États-Unis dans les échanges internationaux :
leur part de la production de biens manufacturés consacrée aux exportations est divisée par deux, cette part restant constante aux
États-Unis. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, 29 % des échanges internationaux de marchandises étaient le fait d’échanges
intraeuropéens (incluant Europe centrale et orientale), contre 40 % à la veille de la Première Guerre mondiale.
Durant toute cette période, la nature des produits échangés entre pays industrialisés est bouleversée et explique en partie la montée en
puissance de l’économie américaine au détriment du Royaume-Uni : par exemple le textile cède peu à peu la place aux biens
d’équipement.
3. L’essor du protectionnisme dans l’entre-deux-guerres
L’entre-deux-guerres est marqué par le renouveau des politiques protectionnistes, plus particulièrement à partir de la crise de 1929.
Durant la Première Guerre mondiale (en 1915), mais surtout en 1921 le Royaume-Uni se convertit au protectionnisme, les États-Unis,
de leur côté, renforcent leur protection vis-à-vis des pays producteurs de produits primaires et des pays européens. La Conférence
économique mondiale de 1927, à l’initiative de la Ligue des Nations, et le Traité de commerce franco-allemand ne changeront rien à
cette conversion générale au protectionnisme des pays déjà industrialisés et des pays en voie d’industrialisation tels que le Japon.
Avec la crise de 1929, les États-Unis adoptent le « Smoot-Hawley Act » (juin 1930) qui renforce encore les protections tarifaires et
qui va susciter en retour le même type de politique dans les pays européens. Dès lors, le commerce international n’est plus marqué du
sceau du multilatéralisme et dès 1932, se multiplient accords bilatéraux (accord anglo-germain de 1934), accords de cartel sur les
biens primaires (sucre, thé, blé, caoutchouc, cuivre) et accords régionaux (accords d’Ottawa en 1932 instaurant des préférences
commerciales au sein du Commonwealth).
Pour un certain nombre d’économistes tels que P. Bairoch (1930-1999), J.M. Jeanneney, A. Lewis ou Ch. Kindleberger (1910-
2003), l’impact négatif du protectionnisme sur la croissance mondiale est à nuancer. Les politiques protectionnistes seraient venues
en réaction à l’affaiblissement de la croissance et ne seraient donc pas une cause à ce ralentissement. Le débat a été relancé
récemment en France à travers le débat sur la « dé mondialisation », certains économistes (J. Sapir, J.L. Gréau) et un certain nombre
d’essayistes et de journalistes (E. Todd) plaident pour un certain recours au protectionnisme. Cependant la grande majorité des
économistes considèrent que, s'i serait contre-productif de remettre en cause le libre-échange, il est en revanche nécessaire de répartir
plus équitablement le gain à l’échange en taxant les bénéficiaires les plus importants afin d’indemniser les perdants de l’ouverture
commerciale.
C. 1945-1975 : le commerce international entre expansion au nord et
stabilité au sud
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au milieu des années 1970, le commerce mondial a progressé à un rythme plus
rapide que celui de la production mondiale dans un contexte :
De domination d’une vingtaine de pays riches dont les coûts de production sont comparables ;
D’ouverture internationale encore limitée ;
De stabilité des taux de change ;
et de croissance économique soutenue.
La division internationale du travail conduit à distinguer les pays industriels spécialisés dans la production et léchange de produits
manufacturés, des pays en voie de développement spécialis dans la production et l’échange de produits primaires (matières
premières, énergie). La part des PED dans le commerce mondial reste stable sur la période 1945-1975 et représente moins de 3o %.
Dans ce contexte, les pays du Tiers-monde dénoncent la domination dont ils sont victimes et réclament l’établissement d’un nouvel
ordre économique international (voir « Économie du développement »).
D. La nouvelle division internationale du travail
1. Le commerce international entre 1975 et 2012
La période 1975-2012 est marquée par :
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La poursuite d’une croissance des échanges internationaux supérieure à la croissance du PIB mondial et une diminution des
coûts de transport et d’information ;
Une chute importante du commerce mondial en 2009 (- 12 %) à la suite du déclenchement de la crise des subprimes et de ses
effets négatifs sur l’activité économique suivi d’une reprise vigoureuse en 2010 (+ 14 %).
La montée en puissance des économies émergentes caractérisées par de faibles coûts de main-d’œuvre et une productivité
élevée. La Chine par exemple est le premier exportateur mondial de biens et services en 2009 devant l’Allemagne et les
États-Unis. La hiérarchie du commerce mondial connaît un profond bouleversement : l’Union européenne, qui représentait
46 % des exportations mondiales en 1967, est passée à 37 % en 2009. Au cours de la même période, l’Amérique du Nord
passe de 20 % à 12 % des exportations mondiales. L’Asie de l’Est et du Sud Est passe par contre de 4 % à 21 % des
exportations mondiales.
Quant au Japon, il représentait 10 % des exportations mondiales en 1991, mais ce chiffre est tombé à 5 % en 2009, retrouvant ainsi
son niveau de 1967.
Évolution du commerce international et du PIB mondial (1967-2009)
(à prix courants, taux de croissance annuel moyen en %)
1967/1977
1977/1987
1987/1997
1997/2009
1967/2009
Commerce international
17.8
8.3
8.3
8.3
10.3
PIB mondial
12.2
8.6
6.1
6.7
8.2
L’importance des échanges « intrabranches » et intrafirme : le commerce intrabranche représente environ 6o % du commerce
mondial.
La structure par produit du commerce mondial a évolué, mais sans connaître un bouleversement. Entre 1967 et 2009, le
commerce mondial des produits primaires (mesuré à prix courants) a connu une croissance annuelle moyenne de 9,4 %. Sur
la même période, le commerce mondial des produits industriel a connu une croissance de 10,5 % par an en moyenne et les
services de 10,7 % en moyenne. En 2009, les produits primaires représentent 14 % du commerce mondial, les produits
manufacturés 64 % et les services 22 %.
La structure mondiale des échanges de services s’est beaucoup transformée. Les services de transports qui occupaient jadis
une part importante des échanges de services ont vu leur part décliner (21 % du total des échanges internationaux de services
en 2009 contre plus de 40 % en 1967). En revanche, le poste « autres services » est désormais largement majoritaire (59 %
des échanges internationaux de service en 2009 contre moins de 30 % en 1967). Au sein de ces autres services, ce sont les
services aux entreprises, les services liés à l’informatique, à la finance, aux brevets, qui occupent la part la plus importante.
Cet essor des services permet aux pays développés de conforter leur domination sur les échanges internationaux, ce qui
explique la recherche d’une plus grande libéralisation des marchés des services dans le cadre des négociations au sein de
l’OMC. Cependant, cette domination de la triade, si elle reste forte, a tendance à s’éroder : en 1997, l’Union européenne,
l’Amérique du Nord et le Japon réalisaient 70 % des échanges mondiaux de services, ils en représentent 68 % en 2009.
La volatilité des taux de change et surtout le maintien durable de taux de changes qui ne correspondent pas à la parité des
pouvoirs d’achat affectent le commerce mondial. En particulier la sous-évaluation du yuan chinois et du dollar et la
surévaluation de l’euro (qui s’est atténuée à l’occasion de la crise des subprimes) ont des effets distorsifs sur la concurrence
mondiale.
2. Le poids du commerce régional
L’essor des échanges internationaux est avant tout le résultat de progrès de la régionalisation du commerce. Ce terme (à ne pas
confondre avec celui de régionalisme) désigne la tendance des pays à commercer avec d’autres pays qui appartiennent à la même zone
géographique (que cette zone soit organisée en union régionale ou non). Il existe donc une tendance à la concentration géographique
des flux commerciaux. L’analyse économique permet de montrer que le commerce international entre deux pays est proportionnel aux
montants de leur PIB respectif (effet lié à la taille des économies) et inversement proportionnel à la distance géographique entre ces
pays. Par référence à la loi de Newton en physique on parle d’un modèle de gravité. Ce modèle simple est très solidement corrobo
sur le plan empirique. Pour mieux rendre compte du commerce international, il faut prendre en compte un « effet frontre ». Des
études ont montré par exemple que les échanges étaient plus intenses entre régions voisines d’un me pays (par exemple les États
des États-Unis situés le long de la frontière canadienne) qu’entre régions situées de part et d’autre d’une frontière. À distance égale,
un État des États-Unis commerce davantage avec un autre État des États-Unis qu’avec une province canadienne.
Le régionalisme commercial repose sur la coopération en matière économique et commerciale entre États appartenant à une
même aire géographique (voir « L’intégration économique »).
À la différence de la régionalisation (qui est lié à la proximité géographique) le régionalisme suppose une volonté politique et la mise
en place d’institutions qui favorisent le commerce entre pays voisins. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une centaine
d’organisations économiques régionales ont été créées.
Pour P. Jacquet, le régionalisme commercial peut répondre à des objectifs et des motivations divers :
« être l’expression plus ou moins forte d’une communaud’intérêts politico-économiques ;
relever d’une manœuvre plus diplomatique, visant à garantir l’implantation régionale d’une puissance grande ou moyenne ;
ancrer de façon irréversible les choix de politique économique à l’intérieur par la contrainte institutionnelle de l’intégration
régionale ;
ou plus simplement, exploiter les économies d’échelle et les gains liés à la spécialisation au niveau régional ».
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