Bureau de l`économiste en chef : exposé de la question

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Bureau de l’économiste en chef : exposé de la question
Le protectionnisme dans une économie mondialisée : les contrecoups de la
politique du chacun pour soi
Erik Ens
Bureau de l’économiste en chef
24 mars 2009
Les politiques protectionnistes au cours de la Crise de 1929 étaient appelées « beggar thy
neighbour » car, dans un contexte de demande décroissante, elles visaient à favoriser les
produits nationaux au détriment des importations. Dans la pratique, les politiques comme la Loi
Hawley-Smoot de 1930 (Smoot-Hawley Tariff Act) ont engendré un cycle de mesures de
rétorsion qui n’a fait qu’aggraver la dépression. La présente crise économique mondiale, qui
s’accompagne de rumeurs protectionnistes un peu partout dans le monde, a fait naître la
crainte d’une nouvelle vague de protectionnisme commercial. Le coût de ces politiques est
encore plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’était en 1930 : l’économie mondiale est beaucoup plus
intégrée grâce aux liens commerciaux et d’investissement, et les importations sont plus
susceptibles d’être des intrants dans les processus de production des industries nationales, en
tant qu’élément des chaînes de valeur mondiales. De nouveaux obstacles au commerce
auraient comme conséquence inattendue d’augmenter les coûts des industries nationales déjà
en difficulté.
Le coût du protectionnisme s’est accru
Le protectionnisme a accentué la Crise de 1929 : on estime que les barrières commerciales
plus élevées ont eu pour effet de réduire le taux réel des activités commerciales de l’époque de
19 %1 (le commerce réel a chuté de plus de 30 %, conjugué à d’autres facteurs, et le commerce
nominal de prés de deux tiers). Une répétition de cet échec des politiques serait encore plus
néfaste maintenant. Les exportations mondiales de marchandises équivalent en ce moment à
25 % du PIB2 mondial. Le graphique 1 illustre la hausse spectaculaire du commerce par rapport
à l’économie mondiale, une part importante de cette hausse étant attribuable au commerce des
produits intermédiaires. La vitesse de contraction de la valeur du commerce mondial (graphique
2) souligne le degré d’intégration de celui-ci, phénomène qui résulte de l’effet multiplicateur
généré par l’augmentation du commerce des produits intermédiaires. Global Insight prévoit un
effondrement de 28 % de la valeur du commerce mondial d’ici le milieu de 2009, par rapport au
sommet atteint en 2008, et l’OMC prévoit une baisse de 9 % du volume des échanges
commerciaux en 2009, une situation désastreuse que le protectionnisme commercial ne ferait
qu’aggraver.
1
Madsen, Jakob, “ Trade Barriers and the Collapse of World Trade in the Great Depression”.
2
Fondé sur les données du FMI concernant le commerce et le PIB en 2007.
1
Bureau de l’économiste en chef : exposé de la question
Graphique 1
index (1965=1)
Év o lu t io n d u P IB e t d e s e x p o r t a t io n s m o n d ia le s
(d e 1965 à 2007)
80
70
60
50
40
Ex p o r ta tio n s mo n d ia le s
30
PIB mo n d ia l
20
10
0
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
Source:Bureau de l'économiste en chef. Données : indicateurs du développement mondial, Organisation mondiale du commerce.
Graphique 2
Variation en pourcentage
Contraction des exportations depuis 2008
Japon
Canada
RoyaumeUni
Taïwan*
Chine
Allemagne*
Australie
États-Unis
0%
-5%
-10%
-15%
-20%
-25%
-30%
-35%
-40%
-45%
-50%
Source : organismes de statistique de chaque pays jusqu’à janvier 2009, sauf pour l’Allemagne et Taïwan (décembre 2008).
Veuillez noter que l’importante contraction de la valeur des exportations du Canada est due en partie à la chute brutale des prix des
produits de base depuis les sommets atteints en 2008.
À ce jour, on a constaté peu de nouvelles restrictions flagrantes au commerce3, mais plutôt une
vague de politiques nationalistes, notamment l’encouragement des prêts nationaux par rapport
aux prêts internationaux, les subventions industrielles et les efforts visant à rapatrier dans le
pays d’origine la production faite à l’étranger. Au cours de la Crise de 1929, les barrières non
tarifaires ont été à l’origine de prés du tiers de la chute du commerce mondial attribuable au
protectionnisme4 et elles peuvent maintenant représenter une menace encore plus grave pour
la reprise économique.
En Amérique du Nord, de nombreux secteurs sont intégrés au niveau de l’entreprise et de
l’industrie et la compétitivité mondiale de ces entreprises dépend d’un marché continental
3
4
« Nouveaux développements commerciaux liés à la crise financière », OMC, février 2009.
Madsen, Jakob; “ Trade Barriers and the Collapse of World Trade in the Great Depression”.
2
Bureau de l’économiste en chef : exposé de la question
intégré. Entre 1995 et 2005, la croissance des importations américaines de produits
intermédiaires a été plus de deux fois supérieure à celle de la production nationale (147 % par
rapport à 65 %5). Cela est dû en partie au rôle de plus en plus important que joue le Canada en
tant que fournisseur des États-Unis, à la suite de l’ALE Canada-États-Unis et de l’ALENA. Le
Conference Board du Canada6 estime que nos exportations de biens intermédiaires en
Amérique du Nord ont augmenté de 115 % au cours des années 90, 60 % des 25 principales
marchandises exportées étant des biens intermédiaires (une valeur de plus de 200 milliards de
dollars, par extrapolation à la totalité des exportations).
Il convient de noter que 30,3 % du commerce Canada-États-Unis représente des échanges
intra-entreprises, bien qu’il ne s’agisse que d’un type d’échanges dans la chaîne de valeur. La
majeure partie du commerce intra-entreprises entre le Canada et les États-Unis est le fait des
entreprises américaines : les trois quarts des exportations intra-entreprises du Canada vers les
États-Unis proviennent de filiales américaines qui exportent vers les sociétés mères, et 94,4 %
des importations intra-entreprises entre le Canada et les États-Unis proviennent de filiales
américaines. Les barrières commerciales perturberaient ainsi les chaînes de valeur internes
des entreprises américaines en augmentant leurs coûts de production même au moment ou
elles font face à des marchés en contraction, ce qui désavantagerait de façon disproportionnée
ces mêmes entreprises. En outre, plusieurs produits de la chaîne de valeur traversent la
frontière canado-américaine plus d’une fois, de sorte que les coûts additionnels des barrières
au marché se multiplieraient à chaque étape de production.
Compte tenu des coûts plus élevés des politiques protectionnistes, les stratégies de relance
économique devraient tenir compte de l’importance des échanges dans la chaîne de valeur. Le
Canada a donné l’exemple avec l’élimination unilatérale des tarifs d’importation sur une gamme
importante de machines et d’équipement, dans son budget 2009, démontrant ainsi qu’un
commerce ouvert non seulement aide nos partenaires commerciaux, mais améliore aussi la
compétitivité de nos industries.
5
6
Calculs basés sur les tables harmonisées d’intrants et d’extrants de l’OCDE.
Participation du Canada aux chaînes de valeur régionales et mondiales, mai 2008.
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