Théorèmes limites I Introduction II Loi des grands nombres

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Théorèmes limites
I
Introduction
Le cours d’aujourd’hui est consacré à l’étude de certaines situations importantes où l’on cherche à obtenir
des renseignements asymptotiques sur les résultats d’une expérience aléatoire.
Commençons par décrire un cas typique : supposons qu’on réalise un grand nombre de fois une expérience
qui peut réussir ou échouer. Notons An l’événement désignant la réussite de l’expérience au temps n. Devant
la collection des résultats jusqu’au temps n, vu à travers les événements A1 , . . . , An , on peut s’intéresser à la
fréquence de réussite de l’expérience c’est à dire au rapport nk où k désigne le nombre de fois où l’expérience
a réussi. Y a-t-il alors un lien entre ce rapport nk et la probabilité de réussite de l’expérience ? C’est le type de
question que nous allons chercher à étudier.
Rappelons auparavant les deux types de convergences que nous avons introduits pour des suites de variables
aléatoires réelles (Xn )n≥0 .
a) La convergence en probabilités de Xn vers X affirme que si ε > 0 est donné, la probabilité que Xn s’écarte
de X de plus de ε tend vers 0 soit
P (| Xn − X |> ε) → 0.
b) La convergence en loi se lit à travers le représentant de la loi d’une variable aléatoire qu’est la fonction
caractéristique ϕX (t) = E(eitX ). Il y a convergence en loi de Xn vers X si pour tout t ∈ IR, ϕXn (t) → ϕX (t).
II
Loi des grands nombres
Soit (Xn )n≥0 une suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi.
n
On considère X n = X1 +...+X
, la moyenne arithmétique de X1 , . . . , Xn .
n
On a alors un premier énoncé
Théorème 1 (Loi faible des grands nombres)
Supposons que la loi commune des Xi admette un moment d’ordre 2. On pose σ 2 = Var(Xi ) et m = E(Xi ).
Alors (X n )n≥1 converge en probabilités vers la constante m.
démonstration : Soit ε > 0. On doit montrer que P (| X n − m |> ε) → 0.
Commençons par observer que
E(X n ) =
1
1
E(X1 + . . . + Xn ) = .n.m = m.
n
n
De plus
X1 + . . . + Xn
1
1
σ2
) = 2 Var(X1 + . . . + Xn ) = 2 .n.σ 2 =
n
n
n
n
la dernière égalité résultant du fait que les variables Xi étant indépendantes, la variance de la somme est la
somme des variances.
L’inégalité de Bienaymé-Tchebitcheff nous permet alors d’écrire
Var(X n ) = Var(
P (| X n − m |> ε) = P (| X n − E(X n ) |> ε) ≤
2
1
σ2
Var(X
)
=
n
ε2
nε2
σ
et comme nε
2 → 0, on a P (| X n − m |> ε) → 0.
Considérons le cas typique évoqué en introduction où l’on regarde la suite des résultats d’une expérience
aléatoire, An désignant le fait que l’expérience a réussi au n-ième instant.
1
La variable 1IAn vaut alors 1 si l’expérience réussit et 0 si elle rate au n-ième instant. Par ailleurs, on suppose que les événements Ai résultant d’une même expérience qu’on répète ont même probabilité p et sont
indépendants ce qui se traduit par le fait que les variables
Pn aléatoires 1IAn ont même loi et sont indépendantes.
k=1 1IAk
La loi des grands nombres nous dit alors que
converge en probabilités vers E(1IA1 ) = p et
n
Pn
k=1 1IAk
est la fréquence de réussite de l’expérience avant le temps n. On a donc pour la probabilité l’intern
prétation de Bernoulli : quand on répète une expérience, la fréquence de réussite devient avec une très grande
probabilité proche de la probabilité de réussite de l’expérience individuelle.
III
Théorème central
La loi des grands nombres nous dit que la fréquence empirique X n converge en probabilités vers l’espérance
m. Mais elle ne nous dit rien en ce qui concerne la vitesse de cette convergence. C’est l’objet des résultats que
nous allons maintenant regarder.
Soit donc de nouveau (Xn )n≥1 une suite de variables aléatoires indépendantes de même loi admettant une
n
variance σ 2 et une espérance m, et posons X n = X1 +...+X
.
n
√
2
On a vu que E(X n ) = m et Var(X n ) = σn . Par conséquent, la variable aléatoire Yn = σn (X n − m) est
d’espérance nulle et de variance égale à 1. Le théorème suivant concerne la suite des variables (Yn )n≥1 .
Théorème 2 (Thèorème central de la limite)
Sous les hypothèses précédentes, la suite de v.a.r. (Yn )n≥1 converge en loi vers la loi N (0, 1).
Démonstration : Nous devons commencer par calculer la fonction caractéristique de Yn . Remarquons dans un
premier temps que
√
n
n
n 1X
1 X
Yn =
(
Xi − m) = √
(Xi − m).
σ n
nσ
i=1
i=1
Notons ϕ la fonction caractéristique de la loi commune des Xi − m.
On a alors, pour tout t ∈ IR,
itYn
ϕYn (t) = E(e
t
i √nσ
) = E(e
Pn
k=1 (Xk −m)
) = E(
n
Y
t
(Xk −m)
i √nσ
e
).
k=1
t
i √nσ
(Xk −m)
Notons que les variables e
un produit ; on a donc
sont indépendantes et donc l’espérance précédente se décompose en
ϕYn (t) =
n
Y
t
(Xk −m)
i √nσ
E(e
)
k=1
et puisque les Xk − m ont même loi de fonction caractéristique ϕ, on a
ϕYn (t) = ϕ( √
t n
) .
nσ
Il s’agit maintenant d’étudier la limite de cette expression. Commençons par démontrer un petit lemme technique.
Lemme 1 Soient u1 , . . . , un et v1 , . . . , vn 2n nombres complexes de module inférieur ou égal à 1. Alors
|
n
Y
k=1
uk −
n
Y
vk |≤
k=1
n
X
k=1
2
| uk − vk | .
Démonstration : elle se fait par récurrence. Le cas n = 1 est évident. Supposons le lemme démontré à l’étape
n − 1. On a alors
|
n
Y
n
Y
uk −
k=1
vk |=|
k=1
≤|
n
Y
n−1
Y
uk − (
k=1
n−1
Y
k=1
uk (un − vn ) + (
k=1
≤|
n−1
Y
uk || un − vn | + |
k=1
Or |
Qn−1
k=1
uk )vn + (
n−1
Y
n−1
Y
uk )vn −
k=1
n−1
Y
uk −
k=1
k=1
n−1
Y
n−1
Y
uk −
k=1
n
Y
vk |
k=1
vk )vn |
vk || vn | .
k=1
uk |≤ 1 et | vn |≤ 1. Et utilisant le résultat au rang n − 1, on obtient bien
|
n
Y
uk −
k=1
n
Y
vk |≤
k=1
n
X
| uk − vk |
k=1
Terminons alors la démonstration du théorème.
On sait, d’après les propriétés des fonctions caractéristiques, que
ϕ(u) = 1 −
σ 2 u2
+ o(u2 )
2
puisque la variable aléatoire Xi − m est d’espérance nulle et de variance σ 2 . De ce fait,
t
1
t2
ϕ( √ ) = 1 −
+ o( ).
2n
n
nσ
t
Posant alors u1 = u2 = . . . = un = ϕ( √nσ
) et v1 = v2 = . . . = vn = 1 −
nombres complexes de module inférieur ou égal à 1.
Donc d’après le lemme
t2
2n ,
on a bien une collection de 2n
n
| ϕ( √
X
t n
t2 n
t
t2
) − (1 −
) |≤
| ϕ( √ ) − (1 −
)|
2n
2n
nσ
nσ
k=1
= n | ϕ( √
1
t
t2
) − (1 −
) |= no( ) = o(1)
2n
n
nσ
c’est à dire que
lim | ϕ( √
n
Mais
(1 −
t n
t2 n
) − (1 −
) |= 0.
2n
nσ
t2 n
t2
t2
1
) = exp[n ln(1 −
)] = exp[n(−
+ o( )]
2n
2n
2n
n
en faisant un développement limité du logarithme donc (1 −
lim (1 −
n→+∞
t2 n
2n )
2
t2 n
) = e−t /2 .
2n
3
2
= exp(− t2 + o(1)) et de ce fait
t n
2
2
) = e−t /2 c’est à dire que ϕYn (t) → e−t /2 et on reconnaît la
nσ
fonction caractéristique de la loi N (0, 1), ce qui revient à dire que la suite (Yn )n≥0 converge en loi vers N (0, 1).
Finalement, on obtient
lim ϕ( √
n→+∞
On peut donc dire en conclusion que la vitesse de convergence dans la loi faible des grands nombres est de
2
l’ordre d’une loi normale de variance σn , au sens où la distance qui sépare la moyenne empirique de l’espérance
est asymptotiquement distribuée comme la loi en question.
4
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