Le fils d`Ariane - Philippe Caubère

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Les Enfants du Soleil
premier épisode du Roman d’un Acteur
un film écrit, joué et mis en scène par
Philippe Caubère
après avoir été improvisé sous l’œil de
VÉRONIQUE COQUET, CLÉMENCE MASSART et PASCAL CAUBÈRE
réalisé par
Bernard Dartigues
Produit par
Véronique Coquet
Pour La Comédie Nouvelle et Melocartoon
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LE ROMAN d'UN ACTEUR
épopée burlesque en onze épisodes
composé de deux parties :
1ère Partie L’ÂGE d'OR
1er épisode : Les Enfants du Soleil
2ème épisode : Ariane ou l'Âge d'Or (Ariane I)
3ème épisode : Jours de Colère (Ariane II)
4ème épisode : La Fête de l'Amour
5ème épisode : Le Triomphe de la Jalousie
6ème épisode : Les Marches du Palais
Les Enfants du Soleil, La Fête de l'Amour et Le Triomphe de la Jalousie composent La
Trilogie Amoureuse, qui raconte l'histoire d'amour de Clémence et Ferdinand au Théâtre du
Soleil. Ariane I et II évoquent la création de L'Âge d'Or à la Cartoucherie, et Les Marches du
Palais la rupture d'Ariane et Ferdinand après la présentation de Molière au Festival de
Cannes.
2ème Partie LA BELGIQUE
7ème épisode : Le Chemin de la Mort (Le Vent du Gouffre I)
8ème épisode : Le Vent du Gouffre (II)
9ème épisode : Le Champ de Betteraves
10ème épisode : Le Voyage en Italie
11ème épisode : Le Bout de la Nuit
Les aventures de Bruno et Ferdinand à l'Atelier Théâtral de la Nouvelle Belgique dirigé par
Armand Delbarre. Le Champ de Betteraves, Le Voyage en Italie et Le Bout de la Nuit
composent La Trilogie Belge qui raconte l'errance de Ferdinand au pays des betteraves après
l'échec de Lorenzaccio au Palais des Papes.
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GÉNÉRIQUE
Image
Éclairages
Pascal Caubère
Roger Goffinet
Christian Baggen
Charlie Van Damme
Cadre
Bernard Dartigues
Pascal Caubère
Erwann Elies
Régie son et direction technique
Philippe Olivier dit “ Luigi ”
Chef opérateur du son
Jean-Louis Richet
Régie lumières
Roger Goffinet
Décor
Sophie Comtet
Srcipte
Anna Certovka
Montage
Bernard Dartigues
en collaboration avec Philippe Caubère
Montage son et mixage
Philippe Olivier dit “ Luigi ”
Assistants opérateurs
Thomas Benet
Olvier Broutin
Marion Dartigues
Nicolas Rideau
Photos
Jean-Claude Bourbault
Attachée de presse
Eva Simonet
Communication
Bonne Question !
Administration
Marion Dartigues
Producteurs associés
Jacqueline Dartigues
Frédéric Comtet
Produit par
Véronique Coquet
Pour
La Comédie Nouvelle et Melocartoon
Laboratoire
Auditorium
Format
son
Telcipro
Auditel
35 mm
Dolby stéréo
Musiques :
- La Passion selon Saint-Mathieu de J. S. Bach (H. von Karajan)
- Avec le Temps de Léo Ferré
- Les Schleu-Schleu musique haïtienne
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Résumés de La Trilogie amoureuse
Ferdinand arrive à la Cartoucherie en compagnie de ses copains Jean-Claude et Max. Il rencontre
Clémence, la drague, couche avec elle et puis la laisse. Trois mois plus tard, il la retrouve avec un autre
homme. Saisi par la jalousie, il va tout faire pour l’arracher à ce rival puis l’emmener chez lui dans le Midi.
Après de longues hésitations, Clémence choisit de vivre avec lui plutôt qu’avec l’autre. On rentre à Paris, la
mort dans l’âme, pour commencer les répétitions du nouveau spectacle : L’Âge d’Or.
Un an plus tard, au beau milieu des répétitions, Ferdinand décide d’épouser Clémence au réveil d’un
épouvantable cauchemar qui l’a dressé, tout blanc, sur son lit. Ah oui, mais comment faire quand l’idée de
se jurer fidélité devant un horrible maire UDR ou un abject curé moraliste vous fait horreur ? Aucun
problème : c’est Jean-Claude et Max qui les marieront à la Cartoucherie devant toute la compagnie ! Ah
oui, mais est-ce qu’Ariane sera d’accord ? Surprise : elle l’est ! Et même mieux puisqu’elle en profite pour
montrer à Ferdinand comment on fait pour imposer une idée quand personne n’en veut, ni famille, ni
compagnie ! Tout finit par une grande fête tragique et poétique où l’on défie la jalousie en se promettant
fidélité dans l’infidélité et liberté dans l’amour.
Ou la défaite de Ferdinand. Un an plus tard, au cours des représentations du spectacle, Ferdinand pousse
Clémence dans les bras d’un comédien de la troupe. Il veut mettre à l’épreuve leurs engagements et surtout
profiter de l’occasion pour s’envoyer tranquillement son “ex”. Hélas et horreur : voilà que Clémence tombe
éperduement amoureuse de son nouvel amant et que la jalousie qui s’empare à nouveau de Ferdinand ne le
lâche plus car cette fois-ci, évidemment, Clémence ne revient pas !
Trahissant horriblement ses promesses, perdant toute retenue, Ferdinand attaque l’ennemi à boulets rouges,
soutenu dans ce combat imprévu par Max qui, lui, voit Bernadette, sa femme, lui échapper inéluctablement.
Les deux cocus échouent misérablement sur un banc public en Pologne, un pays où les nuits ne durent que
trois heures, ce qui fait qu’on ne dort jamais et, que c’est pour des cocus la pire chose qui puisse arriver. Il
ne leur reste plus alors qu’à se parler interminablement de leurs malheurs respectifs, du temps qui passe et
de leur jeunesse, qui, déjà, s’en est allée !
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Dès que Jean-Michel Ribes m’a donné son accord pour ma présence au Rond-Point, je lui ai parlé des
films. Le Roman d’un Acteur n’est pas seulement une pièce de théâtre aujourd’hui envolée, c’est aussi et
maintenant un film. Ce qui est marrant, c’est que c’était ma première idée. Après la Danse du Diable, je ne
pouvais supporter ni même imaginer l’idée de remonter seul sur la scène (comme quoi…), mais je ne
pouvais pour autant pas plus imaginer une pièce de théâtre “normale” avec trois murs, une porte et des
meubles… Bref, le cinéma était pour moi la seule issue possible. Après avoir improvisé pendant plusieurs
mois, comme je l’avais fait pour la Danse, j’en ai tiré un scénario. Et pendant plus d’un an, j’ai travaillé sur
ce projet avec une équipe de comédiens avec qui j’ai tourné un pré-film vidéo de trois quarts d’heure, j’ai
rencontré tous les producteurs de Paris, présenté deux fois et en vain l’avance sur recettes et puis… mon
camarade Jean-Pierre Tailhade, qui m’avait déja aidé à faire La Danse du Diable, après voir visionné mes
improvisations enregistrées sur vidéo ainsi que ce pré-film déja très avançé, m’a donné ce conseil : tu
devrais tout jouer. Là encore, j’ai plongé. Et complètement oublié ce projet cinématographique jusqu’à ce
que, sept ans plus tard, l’idée impérieuse de filmer les spectacles s’ impose à mon esprit. Voici ce que
j’écrivais pour la sortie au cinéma Max Linder du premier d’entre eux : Les Enfants du Soleil.
Les Enfants du Soleil de Philippe Caubère,
un film de Bernard Dartigues,
ou : on peut toujours rêver.
Voici donc qu’on remet Les Enfants du Soleil sur la table. Pour la troisième fois. La première fois,
c’était en 88, date de la création à Hébertot ; je m’en souviens encore : quel bonheur ! La deuxième, en 93
à Toulouse, parce que ça devenait le premier épisode de ce Roman d’un Acteur que j’allais essayer de jouer
dans son intégralité pour la première fois. Quelle horreur ! Non pas le spectacle bien sûr, mais le remords
atroce de m’être laissé entraîner par moi-même dans une aventure impossible : onze spectacles différents,
de trois heures chacun ; un récit de 33 heures, autobiographique qui plus est, c’est-à-dire ma jeunesse à
revivre en public, sans autre manière que celles de la farce et de la comédie… Le festival d’Avignon en
perspective. M’être engagé à faire ça en plein air, avec le vent, la pluie, le monde… Les tournées derrière…
Rien que d’y repenser, j’en ai froid dans le dos. Il est vrai que j’avais créé et joué ces spectacles
successivement pendant six ans, mais quand même. Les acteurs savent bien ce que c’est : la mémoire, tout
ça… On est pas des machines, un rien nous déstabilise. Et là, c’était tout qui changeait tout le temps,
chaque spectacle qu’il fallait reprendre à zéro pour ne le jouer qu’une fois, et qui devait être la bonne.
Putain : l’enfer ! Il me semble que je parle de la guerre quand j’évoque ça ; ça me fait rire nerveusement ;
ou que je suis déja mort et que je raconte ce que j’aurais fait sur la terre. Non, sans blague, ç’eût été
dommage qu’il n’en restât rien.
Deux ans après avoir quitté le Théatre du Soleil, alors que j’avais déja réalisé et joué mon premier
spectacle La Danse du Diable, je ne parvenais pas à supporter l’idée que tout ce que j’avais vécu dans cette
troupe allait disparaître dans le grand trou de l’oubli. Que jamais personne ne saurait rien, ni ne pourrait
jamais profiter de ces années tout de même assez extraordinaires, de ces rencontres et de ces événements
uniques auxquels, par chance, j’avais été mêlé. Si bien que j’ai passé sept ans de ma vie, de 86 à 94, à ne
raconter que cela, à ne jouer que cela, à ne vivre que pour cela. À me coincer en quelque sorte dans cette
époque, comme pour ne plus la quitter. Jusqu’à m’en rendre malade. Quoiqu’on ait pu en penser ou qu’on
en pense encore, je m’en fous : la nostalgie est le ferment de l’amour, le fumier de l’âme et le moteur de la
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poésie. Et ce n’est pas le public qui accourait à chacun des rendez-vous, toujours plus nombreux, plus
fervent — difficile pourtant, teigneux des fois, furieux quand ça ne lui plaisait pas —, mais si souvent ému
et toujours merveilleux, ce n’est pas ce public qui me me contredira. On a ri, on a pleuré, on a joui. Et
pendant les trois heures que duraient les spectacles, on a tout oublié. Comment vouliez-vous que je puisse
supporter un instant l’idée que ça aussi disparaisse dans la nuit des temps ? Que personne n’en entende
plus jamais parler… Ah non, impossible ! Ça vient sans doute d’une bonne dose de mégalo, mais tant pis.
J’ai donc demandé à Bernard Dartigues de filmer la “totale” et pas en vidéo : en film. Alors, je sais
bien : le théatre, c’est éphémère ; c’est pas fait pour rester, ni perdurer, ça vit dans les mémoires. Tout ça.
Ouais… j’aurais envie de répondre : “bullshits!” si ça ne faisait pas un peu snob, cet anglicisme ; alors, je
dis : “conneries !” Pourquoi, de tous les arts le théâtre serait-il le seul à qui la question de la pérennité (ou
de la postérité, comme on voudra) ne se poserait pas ? Pagnol disait… Ou Cocteau ?… Guitry ? Je ne me
souviens plus. Je pourrais chercher, mais non, tiens. Ça me plaît ces trois anges tutélaires penchés sur le
berceau de notre petit enfant : notre premier film. Donc, l’un de ces trois là disait quelque part que le rôle et
la fonction même du cinéma était d’abord d’éterniser les acteurs. Ça m’avait frappé, cette idée. Parce que la
question de l’acteur, on peut dire qu’elle est au centre de mon histoire. Non seulement ça joue l’histoire
d’un acteur, mais ça la joue avec des moyens d’acteur. L’auteur, là, c’est vraiment l’acteur. Alors, c’est
comme si on voyait un romancier écrire son livre en le vivant. Les gens que je joue, les personnages de ma
vie que je vais chercher au fond de ma mémoire ou de mon imagination deviennent sous les yeux du public
les personnages de ce roman que j’écris tous les soirs devant tout le monde. Il n’y a que le cinéma pour
témoigner de ça, et pour le fixer.
L’édition est importante, bien sûr, et je suis convaincu que le lecteur de mon livre peut vraiment
s’amuser à suivre le dialogue des différents personnages ; de même qu’un jour peut-être l’acteur ou
l’actrice s’amusera à les jouer. J’ai vu récemment des élèves du lyçée professionnel de Dôle présenter des
extraits de mes pièces et je peux vous dire que le roi n’était pas mon cousin lorsque j’entendais le public
rire de Claudine, madame Colomer, Ariane ou Violaine, et que je voyais ces jeunes actrices, amateurs mais
déja très douées, s’amuser à dire et à jouer mes mots ! Mais enfin, moi qui ne suis pas Molière (hélas !), je
crois que le cinéma est le moyen le plus juste d’éditer l’œuvre d’un acteur. Et puis, je me dis qu’au moins,
existera la preuve que je l’ai fait… Cet automne, au Théâtre de l’Athénée où je donnais pour la dernière
fois mon “roman” vivant, mes amis me demandaient à la fin des spectacles : “Alors, ça y est : cette fois, tu
arrêtes vraiment ? C’est juré ?…” Je leur répondais : “Oui, oui, pas de problème !” Mais je pensais dans
mon for intèrieur : “Cause toujours coco, tu m’intéresses !” — Non pas que j’avais le moindre doute sur le
fait de savoir que le travail était achevé et que je n’avais plus aucune raison, ni aucune envie de continuer à
jouer les spectacles —, mais que je savais très bien que, quelques instants plus tôt, planqué dans sa guérite
noire au milieu des spectateurs, tel un chasseur à l’affût, Dartigues éternisait le Roman d’un Acteur. Et que
ses acolytes, mon frère Pascal et d’autres, dans les corbeilles, à l’avant-scène, sur le plateau ou derrière le
cadre de scène, faisaient tourner leurs caméras. La règle du jeu était simple : que jamais le public ne se
rende compte de rien, mais que, pourtant, à l’écran on voit tout ; c’est-à-dire ce qu’aucun spectateur de
théâtre ne verrait jamais.
Le problème, lui, ne l’était pas (simple). Pour ne pas gêner le public, la caméra centrale, cachée sous
le balcon du théâtre était à dix-huit mètres, les lumières de théâtre sont beaucoup trop basses pour le
cinéma, et, pour arranger le tout, je m’agitais tellement que je ne pouvais pas supporter la présence d’un
micro HF ! Nous allions vers un film techniquement “limite”… Jean-Pierre Beauviala fut appellé à la
rescousse, qui construisit pour nous un objectif spécial, capable de franchir la distance. Et Roger Goffinet,
l’éclairagiste des spectacles recomposait patiemment chaque jour avec Pascal, le directeur de la photo, les
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milliers d’effets de lumière pour qu’ils passent sur la pellicule sans trahir le spectacle. Jean-Louis Richet se
démerdait avec ses petits micros directionnels, tandis qu’un bataillon d’assistant(e)s essayaient de gérer ce
tournage impossible ou, pendant les trois heures ou trois heures et demie de représentation, les trois
caméras tournaient sans interruption (une bobine de film dure 10 minutes…). Cela tous les soirs pendant
deux mois et demi, puisque les onze filages et cinquante représentations furent filmés intégralement. Des
caméras explosaient… Dartigues, qui passait ses journée à préparer le tournage du soir, n’avait plus le
temps d’aller voir des “rushes” que nous ne développions qu’en petite quantité, puisqu’une fois de plus, et
pour ne pas déroger à la règle qui préside à mon travail depuis quatorze ans, aucun producteur ni chaîne de
télévision, — surtout pas culturelle ! —, ne nous suivait. Véronique Coquet, ma collaboratrice, assumait
seule la production avec “l’argent de nos sous” (comme dit Papi dans Les Marches du Palais), gagné par
les spectacles. C’est-à-dire pas beaucoup. Mais énormément quand même parce que le cinéma, — on peut
dire que c’est sa grande misère — coûte cher. Atrocement. Mais enfin, je n’écris pas pour me plaindre mais
pour expliquer.
Alors oui… les débats sur le théâtre filmé m’ennuie affreusement. C’est la nouvelle tarte à la crème.
Faut-il filmer un spectacle dans son contexte ? Hors ? Avec public ? Sans ? Refaire une autre
mise-en-scène pour le cinéma ? Refuser ce qu’on appelle “la captation pure et simple” ? Tout simplement,
faut-il filmer ? Ça me rappelle les questions qu’on posait en 68 : “Qui tu es ? Définis toi politiquement.
D’où tu parles ? Au nom de qui ? Pourquoi tu fais du théatre ? Pour qui ?…” etc, etc. Et l’on pouvait
répondre “oui” ou “non” à chacune de ces questions, ça fonctionnait toujours. C’est la même chose. Le
théâtre, le cinéma : c’est pareil, c’est pas pareil ? Pagnol, c’est quoi : du théâtre, du cinéma ? Guitry ?
Cocteau ? Ah, vous me voyez, là, tourner autour du pot comme un gros malin et ramener sur le devant de la
scène mes anges tutélaires ! Mais y a pas qu’eux, bordel ! Un tramway nommé Désir, c’est une pièce
filmée. Plus près de nous, où ranger le Marat-Sade de Peter Brook ? Le Mahabharata ? Le Bal de Scola ?
Molière ? Les Enfants du Paradis, déja. Tenez : Oscar ! Mais oui : pourquoi pas ? Et j’oublie tous ceux qui
vous viennent à l’esprit : Charlot, Keaton, tous les burlesques ; Bergman, Woody Allen, Fellini… Bon,
j’arrête parce qu’on pourrait continuer comme ça jusqu’à demain matin. Cette question du théatre filmé,
c’est le jack-pot : quand on commence, on arrête plus. Les exemples, on sait plus où les mettre. Et puis ça
fait quand même un peu beaucoup pour un seul homme et surtout pour notre petit film qui n’a jamais eu la
prétention de rivaliser avec ces maousses du cinéma mondial. Nous, déja, on se dit que si des gens venaient
et qu’ils tenaient trois heures, on serait contents ! Là aussi, sur la longueur, j’en entends. Et Shoah ?, je
rétorque. On me dit : “C’est le sujet.” Et alors ? Les Enfants du Soleil, c’est presque le même, puisque c’est
l’homme et “la tête qu’il fait dans certaines circonstances”, comme disait Brecht. Encore que, moi, j’ai de
la chance parce que le sujet de ma pièce n’est pas la mort, mais la vie.
Bien sûr, il ne s’agit jamais que d’un type tout seul sur un plateau. On me demande : “mais, y aura
une mise-en-scène particulière ? Quelque chose de différent du théâtre ?” Non, c’est pareil, exactement.
Mais plus près : on voit tout. “Ce qu’aucun œil humain n’est capable d’attraper, aucun crayon, pinceau,
plume de fixer, ta caméra l’attrape sans savoir ce que c’est et le fixe avec l’indifférence scrupuleuse d’une
machine.” s’écrit à lui-même Robert Bresson dans ses Notes sur le cinématographe. Voilà : c’est pour cela
précisément, pour ce qu’il formule là que j’ai demandé à Dartigues de filmer mes spectacles. Pour qu’on
puisse observer au plus près ce drôle de travail en train de se faire. Bresson, ce grand ennemi du “théâtre au
cinéma” (et comme il a raison) note plus loin : “Film de X. Vociférations, rugissements, comme au
théâtre.” Mais moi, je me demande : de quel théâtre parle-t’il ? Dans celui que je fais, je ne vois nul
rugissement ni vocifération que ceux que nous proférons dans la vie, puisque ce théâtre, c’est celui de la
vie, et même, de ma vie. Je me dis que je tiens là peut-être un début de réponse. Tout théâtre peut-il et
doit-il être filmé ? Non. Mais celui-là, oui. Parce qu’il ne repose que sur l’imagination du comédien et ses
moyens d’expression particuliers : son corps, son visage, sa voix. La caméra peut choper cela comme elle
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filme les animaux dans la forêt, ou les gens qui racontent leur vie. On me demande aussi : “Est-ce qu’on
verra le public ? Les coulisses ?” Non. On verra l’histoire et les personnages, mais rien d’autre qui pourrait
nous en distraire. Certes, les rires et les réactions du public seront présents. Ils accompagneront le film tout
du long, mais hors-champ, comme le bruit de la mer si on avait fait un film sur le travail d’un marin. Le film
de Dartigues sera réussi si le public du cinéma, loin de s’identifier à celui du théâtre — qui sera lui, comme
un témoin lointain —, s’identifie à l’acteur. S’il suit le film que je me fais dans ma tête, fait des souvenirs
que je sollicite pour m’amuser et des images de mon passé qui, parfois, d’un coup, remontent et me font
rire, alors que je suis en train de les jouer. S’il a le sentiment et la sensation de connaître du dedans le
frisson de ce mystère, à son tour, il s’en amusera et il en revoudra. Parce que c’est comme la drogue, cette
chose-là, ou le cul quand on aime ça : on ne s’en lasse pas. Si c’est ça, on aura gagné, pour un temps du
moins, et ça voudra dire qu’on aura eu raison de se lancer dans l’aventure. Il y aura du monde comme au
théâtre, on regagnera les sous qu’on a dépensés ; peut-être même qu’une télévision s’intéressera à nous ou,
encore mieux, tiens : Canal + tiendra sa parole ! Alors Dartigues oubliera un peu ses douleurs d’estomac et
nous pourrons partir à l’assaut de l’Himalaya. C’est-à-dire : monter les dix autres films.
Hé quoi ! On peut toujours rêver…
Paris, le 27 juin 1995.
Sept ans après, pour moi, ce texte reste valable. Sauf que les choses ont été plus longues et plus
difficiles que je ne l’espérais… Jusqu’à maintenant, quatre films seulement ont pu être montés, mixés et
projetés. Au cinéma Max Linder d’abord, puis dans toute la France par le réseau des ciné-clubs. L’un
d’entre eux : Les Marches du Palais a été présenté en 1997 dans la sélection officielle du Festival de
Cannes, puis à Paris dans plusieurs salles. Enfin, Canal + a tenu sa promesse, c’est à dire les a achetés et
diffusés tous les quatre, ce qui nous a permis de rembourser l’ensemble du tournage. À ce jour, trois d’entre
eux sont édités en K7 et DVD par les Films du Paradoxe. Mais il est vrai que le succès en salle n’a pas été
jusqu’à présent suffisant (il aurait fallu un véritable succès de cinéma) pour nous permettre de mener
l’aventure jusqu’au bout. Or, voici que ces deux mois au Théâtre du Rond-Point nous permettent de la
relancer. Deux nouveaux films La Fête de l’Amour et Le Triomphe de la Jalousie vont y être projetés
pendant tout le mois de novembre, en alternance avec Les Enfants du Soleil. Ces trois actes de La Trilogie
amoureuse sont l’histoire (dans l’histoire) de Ferdinand et Clémence au pays du “Soleil”. Et leurs titres me
paraissent suffisamment clairs pour qu’on puisse deviner, sans qu’il me soit besoin de trop en rajouter, de
quoi il s’agit… Au mois de décembre, nous présenterons l’histoire intégrale : L’Âge d’or , première partie
du Roman d’un Acteur, soit les six films existants. Il en restera cinq à monter, qui composeront la deuxième
partie : La Belgique. Mais, si j’ose dire : une chose après l’autre, car… à chaque jour suffit sa peine !
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BIOGRAPHIE DE PHILIPPE CAUBÈRE
BIOGRAPHIE
Né le 21 septembre 1950, à Marseille.
1968-71 : comédien au TEX, Théâtre d'Essai d'Aix-en-Provence, créé et dirigé par Éric Eychenne, en
compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault et Bruno Raffaëlli.
1971-76 : comédien au Théâtre du Soleil, en compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault et
Clémence Massart, dans 1789, 1793 et L’Âge d'or .
Janvier 76 : commence, parallèlement à son travail de comédien, l’écriture de ce qui sera édité vingt-trois
ans plus tard sous le titre Les Carnets d’un jeune homme.
1977 : joue Molière dans le film d'Ariane Mnouchkine.
1978 : met en scène et joue Dom Juan de Molière au Théâtre du Soleil, en compagnie de Maxime Lombard,
Jean-Claude Bourbault, Clémence Massart, Jonathan Sutton et Françoise Jamet.
1979 : comédien, en compagnie de Bruno Raffaëlli, à l'Atelier Théâtral de Louvain-la-Neuve (Armand
Delcampe), sous la direction d'Otomar Krejca. Interprète Lorenzo dans Lorenzaccio de Musset au Palais
des Papes pour le Festival d'Avignon (Paul Puaux) et en tournée, et Touzenbach dans Les Trois sœurs de
Tchékhov.
De 1980 à 81 : écriture. Puis, improvisations sous la direction de Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart
qui donneront, l’année suivante, La Danse du diable et, vingt ans après, L’Homme qui danse.
Mars 1981 : création d’une première version de La Danse du diable, au “ Ciné Rio ” à Bruxelles (Stéphane
Verrue et Christian Baggen).
Mai : fin de l’écriture des onze Carnets d’un jeune homme.
Juillet : la version finale de La Danse du diable est créée à la Condition des Soies pour le Festival
d'Avignon (Bernard Faivre d’Arcier).
De 1981 à 83 : représentations au Théâtre des Quartiers d’Ivry (Philippe Adrien) et à Paris, au Théâtre
Edouard VII (repris par Véronique Coquet), puis en tournée en France et en Europe.
De 1983 à 85 : improvisations sous l’œil de Véronique Coquet, Pascal Caubère et Clémence Massart, puis
écriture et répétitions (avec, comme comédiens, Clémence Massart, Bruno Raffaëli, Pascal Caubère, Pierre
Meunier, Jean-Marie Bon et Jacques Pibarot.) pour un projet de film, Le Roi misère , qui deviendra
finalement Le Roman d'un acteur. Fondation avec Véronique Coquet de la société de production “ La
Comédie Nouvelle ”, qui permettra de produire l’ensemble du travail.
Avril 1986 : création d’Ariane ou l'Âge d'or au Théâtre Tristan Bernard (Edy Saïovici).
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Octobre : création de Jours de colère (Ariane II ) en alternance avec Ariane I au Théâtre des Arts Hébertot
(Véronique Coquet), suivie d’une tournée des deux spectacles en France et en Europe pendant toute l’année
87.
Premier trimestre 1988 : édition du texte et du spectacle (enregistrement audio) de La Danse du diable par
“ La Comédie Nouvelle ” (coffret repris plus tard par Joëlle Losfeld).
De septembre 1988 à mars 89 : création des Enfants du soleil, de La Fête de l'amour et du Triomphe de la
jalousie, joués en alternance au Théâtre des Arts Hébertot (Félix Ascot).
D’août à décembre 89 : interprète Joseph dans les films d’Yves Robert La Gloire de mon père et Le
Château de ma mère, d'après l'œuvre de Marcel Pagnol.
Avril 1991: création du Chemin de la mort et du Vent du gouffre, joués en alternance au Théâtre de la
Renaissance (Niels Arestrup et Jean-Jacques Gomila).
Janvier 1992: création du Champ de betteraves, du Voyage en Italie et du Bout de la nuit, joués en
alternance au Théâtre de la Renaissance.
Janvier 1993: création des Marches du palais et premier essai du Roman d'un acteur (les onze spectacles en
alternance) au Théâtre Daniel Sorano de Toulouse (Jacques Rosner.)
Juillet : création du Roman d'un acteur au Cloître des Carmes, à l’invitation d’Alain Crombecque pour le
Festival d’Avignon (Bernard Faivre d’Arcier).
De septembre 93 à juillet 1994 : tournée en France et en Belgique du Roman d'un acteur et de La Danse du
diable, et édition de l’album-photos de Michèle Laurent Le Roman d'un acteur au Cloître des Carmes
(repris par Joëlle Losfeld).
Septembre 1994 : édition chez Joëlle Losfeld de la première moitié du texte du Roman : L’Âge d’or.
De septembre à décembre : Le Roman d'un acteur au Théâtre de l'Athénée (Patrice Martinet) dont Bernard
Dartigues filme intégralement tous les “ filages ” et toutes les représentations. Série de La Danse du diable
au Théâtre Jean Vilar de Suresnes (Olivier Meyer).
Juillet 1995 : Dernières représentations de La Danse du diable au Théâtre des Carmes (André Benedetto),
en Avignon. Mise en scène de Que je t'aime ! de Clémence Massart créé au Théâtre des Carmes, puis à
Paris, au Théâtre Tristan Bernard (Edy Saïovici) et en tournée en France.
Septembre : lecture jouée de poèmes d’Aragon à la fête de l’Huma à l’invitation de Charles Silvestre.
Janvier 1996 : sortie du film de Bernard Dartigues Les Enfants du soleil au cinéma Max Linder
(Jean-Jacques Zilberman, Brigitte Aknin et Vincent Melilli) à Paris, puis dans toute la France.
Juillet : création du spectacle Aragon en deux parties : Le Communiste et Le Fou sur l’île du Frioul, en face
de Marseille, pour le “ Festival des îles ” (Maurice Vinçon)
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De décembre 96 à avril 1997 : Aragon au Café de la Danse à Paris (Sylvia Uzan et Loïc Barrouk) et à La
Manufacture des Œillets à Ivry (Éric Danel).
Février-mars 1997 : sorties des films Ariane ou l’Âge d’or et Jours de colère au cinéma Max Linder.
Mai : Présentation en Sélection Officielle (hors compétition) au Festival de Cannes et sortie simultanée à
Paris du film Les Marches du palais.
De mai 97 à février 1998 : tournée Aragon dans toute le France.
Juillet-aôut 98 : Tournage d’Aragon sur l’ïle du Frioul par Bernard Dartigues et sortie sur Canal + des
quatre premiers films du Roman. Lectures jouées de Marsiho et de Vues sur l’Europe d’André Suarès, au
Frioul et au Théâtre du Peuple à Bussang (Jean-Claude Berrutti).
Février 99 : sortie des Carnets d’un jeune homme (1976-1981) aux éditions Denoël.
1er mai 99 : présentation de la première partie du film Aragon (Le Communiste) à la Cinémathèque
française pour l’association des “ Amis de l’Huma ” en présence de Robert Hue et Lise London.
Juillet : création du spectacle Marsiho au Théâtre des Salins de Martigues (Laurent Ghilini et Michèle
Hettiger).
23 janvier 2000 : premier essai de Claudine ou l’éducation au Théâtre des Salins.
23 juin : premier essai du Théâtre selon Ferdinand au Théâtre des Salins.
Juillet : création de Claudine et le théâtre à la Carrière Boulbon pour le Festival d’Avignon (Bernard Faivre
d’Arcier), édition du texte de la pièce chez Joëlle Losfeld, et sortie vidéo et DVD d’Ariane ou l’Âge d’or,
Jours de colère et Les Marches du Palais chez Les Films du Paradoxe.
Septembre-octobre : tournée en France de Claudine et le théâtre.
Novembre-décembre : Claudine et le théâtre au Théâtre de l’Athénée.
Janvier à mars 2001 : deuxième tournée de Claudine et le théâtre.
21 septembre : création de 68 selon Ferdinand (Octobre et Avignon) au Théâtre du Chêne Noir (Gérard
Gélas) en Avignon.
Septembre à décembre 2001 : tournée des deux nouveaux spectacles, en alternance avec les deux épisodes
de Claudine et le théâtre.
Mai 2002 : lecture jouée de Recouvre-le de lumière d’Alain Montcouquiol au cloître des Jésuites à Nîmes,
à l’occasion du cinquantenaire de la Féria.
Page 11/21 - Philippe Caubère - Les Enfants du Soleil - Film
Projets 2002
Lectures jouées de Recouvre-le de lumière : le 16 août, au “ Banquet du livre ” (Jean-Michel Mariou), à
Lagrasse, dans l’Aude. Et les 6 et 7 septembre, à la chapelle du Méjean (Actes-Sud) en Arles, pendant la
Féria des prémices du riz.
Octobre : parution de 68 selon Ferdinand (Octobre et Avignon) chez Joëlle Losfeld et tournée des deux
épisodes.
Novembre-décembre : création à Paris, au Théâtre du Rond-Point (Jean-Michel Ribes).
Parallèlement, sortie, en novembre, de deux nouveaux films du Roman d’un acteur : La Fête de l’amour et
Le Triomphe de la jalousie, en alternance avec Les Enfants du soleil, sous le titre La Trilogie amoureuse,
dans la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point ; et, en décembre, du film Aragon, à l’occasion du
vingtième anniversaire de sa mort, en alternance avec La Trilogie.
Projets ultérieurs
Printemps/été 2003 : création du spectacle Recouvre-le de lumière d’Alain Montcouquiol aux arènes de
Nîmes, suivie d’une tournée d’été dans toutes les arènes françaises (ainsi que quelques lieux de théâtre), en
suivant la saison tauromachique.
Hiver 2003 : création de Recouvre-le de lumière à Paris avec, peut-être, en alternance, celles de Marsiho et
de Vues sur l’Europe d’André Suarès, sous le titre global Le Sud.
2004 : reprise du travail d’écriture et préparation du dernier volet de L’Homme qui danse (deux nouveaux
spectacles), dont la création est prévue pour la rentrée d’octobre 2004. Celle de l’intégrale l’est pour le
printemps/été 2005.
Restera à monter et sortir les cinq films de la deuxième partie du Roman d’un acteur : La Belgique, à en
éditer le texte, filmer L’Homme qui danse, en livrer l’édition finale, et, pour finir tout ça, tourner en
province et filmer Le Sud.
Après, c’est la retraite…
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Arguments du réalisateur, Bernard Dartigues, pour un film de 33 heures
LE ROMAN D’UN ACTEUR
1 rôle principal
6 grands rôles
16 premiers rôles
48 seconds rôles
44 petits rôles
Casting terminé. Les 115 personnages seront interprétés par Philippe Caubère.
Il jouera également le téléphone anxieux, la cafetière interminable, le pigeon très ramier, la mobylette
moqueuse, l’avion content de décoller et cent autres accessoires.
Pourquoi faire un film à partir de 11 spectacles de 3 heures, écrits et interprétés par un homme seul ?
Parce que cette expérience est unique, parce qu’elle est insensée et fascinante.
Sur scène, Philippe Caubère a déjà fait rire et pleurer plus de 600.000 spectateurs.
Son défi d’auteur et de comédien, psychologiquement et physiquement épuisant, est d’ores et déjà gagné :
festival d’Avignon 93, tournée dans les grandes villes de France et des pays francophones, apothéose et
dernières de l’intégrale du Roman d’un Acteur à Paris l’hiver dernier, au théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet.
Plus tard, grâce à l’édition des textes, leur interprétation dans d’autres mises en scène par d’autres
comédiens sera possible, mais il ne sera plus jamais possible de voir la performance irremplaçable, le jeu
original du créateur.
Il fallait en faire un film parce que le cinéma est le seul moyen capable de transposer pour un large public le
spectacle vivant, éterniser la quête de l’auteur-interprète, perpétuer la communication entre l’acteur et son
public grâce à des images et des sons de qualité.
Il fallait, dans une grande salle, ressusciter la représentation idéale.
N’est-ce pas une des grandes missions du cinéma que de témoigner pour la postérité et d’administrer la
preuve indiscutable que l’œuvre a existé.
Frégoli interprétait magistralement sur scène 60 personnages, nous n’avons plus que le témoignage de
quelques spectateurs, plus aucune trace.
Antonin Arthaud, Raimu, Louis Jouvet, Dullin, Michel Simon ont subjugué des salles entières. Pour la
mémoire des générations présentes et à venir, seuls les rôles qu’ils ont interprétés dans des films
persisteront.
Page 13/21 - Philippe Caubère - Les Enfants du Soleil - Film
La durée de ce film peut paraître une folie, mais des films très longs et aussi différents que Le Mahabharata,
Shoah, Heimat ou Le Décalogue ont trouvé leur public.
Enfin, Caubère joue sa vie, livre impudiquement aux spectateurs qu’il captive, ses doutes, ses échecs, la
dérision de ses victoires, l’humour et la tendresse, Caubère joue “ notre vie ”.
Ce film de 33 heures sera également un grand documentaire sur le métier d’acteur, un document
sociologique sur la décennie d’après 68.
Caubère plonge à chaque représentation plus profond dans son jeu.
Paris, cet hiver, a vu les dernières séances du Roman d’un acteur qu’il ne jouera plus par la suite.
Et pour un réalisateur, quel exercice fascinant que celui qui consiste à capter au mieux la précision
prodigieuse de ce soliste et à faire partager au spectateur idéal (et sans aucun intermédiaire) le plaisir
d’entrer dans l’univers mental d’un homme-acteur, voyage magique dans un esprit, exploration rare dans un
monde de réalisme, d’humour et de poésie.
Le premier épisode Les Enfants du Soleil, ouvre la grande saga.
Le Roman d’un Acteur commence là par l’arrivée de Ferdinand Faure à la Cartoucherie. Parce que là
s’engage sa vie dans un lieu théâtral, là débute aussi son éducation (ou initiation) avec Ariane Mnouchkine.
C’est une histoire d’amitié : les trois copains du Théâtre Révolutionnaire d’Aix en Provence viennent
conquérir Paris.
C’est une histoire de théâtre : ils intègrent une compagnie légendaire et affrontent sa fascinante directrice.
Ferdinand et Clémence se rencontrent, se font du bien, se font du mal, et découvrent que c’est une histoire
d’amour.
Bernard DARTIGUES.
Page 14/21 - Philippe Caubère - Les Enfants du Soleil - Film
BIOGRAPHIE DE BERNARD DARTIGUES – Réalisateur –
École Nationale de Cinéma (Vaugirard) Promotion “ Philippe de Broca ” 1963-1965
Carte professionnelle (Centre National du Cinéma) de :
- Chef Monteur de long métrages,
- Chef Opérateur,
- Réalisateur de courts et longs métrages.
Successivement :
- Assistant réalisateur à l’O.R.T.F. en 1965-66
- Assistant de Jacques DEMY et Philippe de BROCA
- Chef Opérateur pour, entre autres, Jean-Michel BARJOL, Albert LAMORISSE, Robert LAPOUJADE...
- Chef Monteur pour Pierre DESGRAUPES (Cinq Colonnes à la Une), Jacques NAHUM, Jean COSMOS,
Jean CHAPOT, Jacques DOILLON…
- Réalisateur d’une quarantaine de courts métrages pour l’Office du Film Canadien, l’Institut Géographique
National, la Cinémathèque du Ministère de l’Agriculture, le Seuil Audiovisuel, Les Films du Centaure,
Intervidéo, Antenne 2, FR3, SIIS...
- Réalisateur de spots publicitaires
- Réalisateur d’un long métrage (198 ”) : La Part des Choses
- Réalisateur de court-métrages et de documentaires de création, dont :
Mourir heureux (1966), Châteaufarine (1976), La maison sous la forêt (1977), Un métier au pluriel (1978),
Le moulin à papier (1979), La forêt et les plaideurs (1980), Mon père a fait bâtir maison (1981), Jean de la
Montagne (1982), La Part des Choses (Long Métrage 1983), Portrait de dame avec fleurs (1985), Lumières
du Nord (1986), Les mangeux d’terre (1987), Lutte biologique (1988), Fil d’Ariane (1989), Comme un
berger sur la lune (1990), Les dernières marches : PHILIPPE CAUBERE (1993), Le Cinématographe
(1994).
Le Mal du Pays (52 min.) 1991- produit par France 2 et Le Monde/MK2 (diffusion A2)
La Fin des Paysans (52 min.) 1992 - produit par France 2 et Le Monde/MK2n (diffusion “Première Ligne”
France 2), Parasites (28 min) produit par SIIS INTERIMAGE (diffusion France 2)
Les Enfants du Soleil (1994-95 avec Philippe Caubère)
Ariane ou l’Age d’Or I et Il (1996 avec Philippe Caubère)
Les Marches du Palais (1997 avec Philippe Caubère)
Histoire d’une famille (2001)
La Part des Gens (2002)
Création en 1986, en association avec Jean-Louis Léone de la société de production
MELOCARTOON (S.A.R.L. au capital de 300.000 F.)
- Vice-Président de la Société des Réalisateurs de Films
- et Président du Festival des Premiers Films de 1990 à 1992.
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NOTE TECHNIQUE
Les films Les Enfants du Soleil, Ariane ou l’Age d’Or, Jours de Colère et Les Marches du Palais sont les
quatre premiers d’une série de 11 films qui aura pour titre : LE ROMAN D’UN ACTEUR.
L’intégrale de l’œuvre de Philippe Caubère a été filmée du mois de septembre au mois de décembre 1994
au Théâtre de l’Athénée, pendant les représentations publiques et pendant les répétitions. Le format de
tournage choisi est le super 16 mm., la pellicule utilisée est de la Kodak 7293 (200 ASA), le laboratoire
chargé de l’ensemble des travaux est TELCIPRO (EX-MACHINA). Pendant les représentations publiques
nous avons tourné avec 3 caméras AATON XTR avec Time Code.
Deux caméras étaient cachées du public dans les loges de veuve d’avant-scène côté cour et côté jardin, et
camouflées derrière des tulles pour ne pas troubler le comédien. La caméra principale était installée dans
une cabine insonorisée, située sous le balcon à l’arrière du parterre. La distance entre cette caméra et le
centre de la scène était de 18 mètres. Les plans ont été filmés à l’aide d’un objectif spécialement préparé par
Angénieux et à la focale de 250 mm. La profondeur de champ (ou le droit à l’erreur de l’assistant au point)
était de moins de 10 centimètres.
Dans les scènes de pénombre nous avons utilisé des objectifs à grande ouverture et là, il n’y avait plus de
profondeur de champ du tout.
Des plans particuliers ont été tournés pendant les répétitions où l’absence de public nous permettait
d’installer les caméras sur la scène, sur des praticables ou même sur un chariot de travelling.
Nous avons choisi de ne pas utiliser de micro-émetteur caché sur le comédien, le son a été enregistré à l’aide
de 12 micros dissimulés sur l’ensemble de l’espace scénique et repris par trois magnétophones multipistes
numériques asservis au Time Code des caméras.
Pour chacun des spectacles nous avons filmé quatre représentations et une répétition. Nous avons
impressionné 1000 magasins de 122 mètres de pellicule négative. Le montage image a été effectué sur
système virtuel AVID FILM COMPOSER et conformé traditionnellement en positif super 16 avant
étalonnage et gonflage en 35 mm. Le montage son a été préparé sur AVID AUDIOVISION, directement
injecté dans une console automatisée SSL chez AUDITEL lors du mixage qui a été réalisé en Dolby A.
Il y avait eu trois tournages en vidéo professionnelle pour préparer le découpage technique lors de la
création de l’intégrale du Roman d’un acteur en 1993 à Toulouse au théâtre Sorano, puis au Festival
d’Avignon au Cloître des Carmes et enfin en 1994 à Lille à La Métaphore.
Bernard Dartigues
.
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PREMIÈRE 02/96
Coquet, la productrice et ma copine et
Pascal Caubère, mon frère, qui a signé la
photo.
Au début, j’improvisais en pensant aux
acteurs qui devaient tenir les rôles. Moi, je
jouais Ariane transformée en garçon, mon
frère jouait mon rôle, Clémence jouait
Clémence… On a travaillé ensemble trois
ans sur ce projet, on a même fait un préfilm
de trois quarts d’heure en vidéo.
J’avais choisi l’improvisation comme
moyen d’écriture car la vitalité des
dialogues issus de cet art particulier propre
aux comédiens est infiniment plus grande
qu’après un travail à la table. Mon frère a
filmé tout ça en vidéo. Je me suis retrouvé
avec 140 heures de vidéo grâce
auxquelles on s’est aperçu que le fait de
filmer, en gommant l’aspect théâtral, faisait
ressortir l’histoire et les personnages. ”
apprentissage, mes amours… C’est là où
j’ai eu cette idée de ”roman de théâtre”. Au
départ, je pensais qu’il y aurait six ou sept
épisodes, pas onze ! Je me suis dit que
cette tois, il fallait que je commence par le
début. Les cassettes vidéo ont été copiées
par mon régisseur sur d’énormes cahiers.
J’ai repris ces derniers et j’en ai fait des
cahiers plus petits. Après, je les ai joués.
Puis le texte a fini par ne plus bouger. Alors
je l’ai appris par cœur et je l’ai même édité,
comme un roman, mais en y incluant tous
les
dialogues
et
les
indications
scéniques… ”
INTERVIEW D. ET J.-Y. K.
Les Enfants du Soleil, premier épisode du
Roman d’un acteur, de Philippe Caubère. Réalisé
par Bernard Dartigues. Sortie le 24 janvier,
exclusivement
au
Max
Linder.
JE NE VAIS PAS JOUER ÇA TOUT SEUL !
“ Mais, au bout de trois ans, on n’avait
toujours pas de producteur et plus un rond.
Un copain à qui j’avais montré les
cassettes m’a dit : “Mais pourquoi tu ne le
joues pas ?’’ Je lui ai répondu : “tu es fou !
Je ne vais pas jouer ça tout seul ! Je joue
tous les rôles, personne va rien
“ Si j’arrive au bout, le film Le Roman d’un
acteur durera 33 heures. Un énorme travail
de montage : il y en a pour deux-trois ans.
Et je ne pense qu’à ça. Je veux y arriver. Je
veux vraiment donner à Berrnard
Dartigues les moyens de faire ce travail-là.
Le cinéma, c’est dur pour deux raisons :
d’abord, c’est cher, et puis, il y a
l’opposition inéluctable entre théâtre et
cinéma qui veut qu’un mec de théâtre ne
peut pas faire de cinéma et qu’un film sur
une pièce, ça ne peut pas être un film. Pour
moi, c’est aussi faux que dire qu’on ne peut
pas faire un film à partir de la réalité. ”
Pour le moment, seules trois heures et
demie sont montées ; mais les 33 du
sperctacle sont tournées (cinq fois
chacune). Notre projet, avec Dartigues, est
pour le moment compromis puisqu’on a
aucun appui financier, aucune télé derrière
nous. Mais je trouverais aberrant qu’on n’y
arrive pas ; ça ne coûte quand même pas
une telle fortune ! Là, on a une copie, au
cinéma (le Max Linder) et, avec les sous
qui nous restaient, quelques affiches. Mais
ça reste une sortie très artisanale. Comme
l’a
d’ailleurs
été
l’élaboration
du
spectacle…
“ Au tout départ, en 84, je ne voulais pas
du tout faire une pièce de théâtre ! Mon
projet était d’improviser un film - qui devait
s’appeler Le Roi misère - sur tout ce que
j’avais vécu depuis mon arrivée à Paris,
mon entrée à la Cartoucherie. Dix ans,
toute ma jeunesse, de 20 à 30 ans,
jusqu’au jour où j’en ai eu marre d’être un
comédien normal. Je voulais parler
d’Ariane (Mnouchkine) et raconter cette
bonne femme. Je suis parti dans pleins
d’autres directions mais j’en ai gardé une
qu’elle m’a apprise : pour traiter un sujet, il
faut être hors sujet. J’ai suivi cette loi
antiscolaire, très juste, et j’ai improvisé
pendant six mois, cinq heures par jour
devant trois personnes : Clémence
Massart, la Clémence dont il est question
et dont je viens de mettre en scène le
spectacle, Que le t’aime; Véronique
comprendre !” Mais moi j’avais écrit ça
pour que les acteurs aient un texte...
Le premier spectacle, Ariane ou l’âge
d’or, je l’ai composé en fait, pour bouffer,
en désespoir de cause. J’ai fait le premier
épisode, ça a marché. Alors, j’ai fait le
deuxième : ça a marché encore plus. Là,
j’ai compris que ça ne touchait pas que les
théâtreux. Dans la salle, il y avait des
gamins qui ne connaissaient rien au
théâtre ; la Cartoucherie, ça ne signifiait
rien pour eux et ils s’éclataient ! Mon petit
frère, qui ne s’intéresse qu’au cinéma - et
qui est entré premier à l’école Louis
Lumière en disant: “Molière, c’est nul” -,
lui, il était mort de rire. Alors…
Des 140 heures, j’ai d’abord tiré les 6
heures d’Ariane ou l’âge d’or 1 et 2. Ces
deux spectacles ont tourné deux ans.
Avant de passer à autre chose, j’ai à
nouveau regardé ces 140 heures et je me
suis rendu compte que j’avais fait un vrai
roman autobiographique ! Il y avait une
recherche
du
temps
perdu,
un
Page 17/21 - Philippe Caubère - Les Enfants du Soleil - Film
L’HISTOIRE
: Un jeune Marseillais, fou de
spectacle, “ monte ” à Paris pour faire du
théâtre. L’aventure est au coin de la rue.
L’amour aussi…
Cet
homme est un fou. Il y a une dizaine
d’années, il a décidé de raconter sa vie. Celle
d’un comédien aux prises avec une compagnie
mythique (le Théâtre du Soleil d’Ariane
Mnouchkine) et d’un homme aux prises avec
l’amour et l’amitié. Résultat : onze spectacles
de trois heures chacun ! Une merveille
d’émotion et de rire. Un “raccourci”
d’humanité formidable. Et voilà qu’il
entreprend maintenant de prolonger cette
aventure incroyable au cinéma.
De deux choses, l’une. Soit vous êtes un fan
de Philippe Caubère et vous l’avez délà vu, tout
seul, avec pour seuls accessoires une chaise, un
manteau et un chapeau raconter sa vie et
peupler la scène d’un théâtre d’une foule
imaginaire et pourtant bien présente. Soit vous
ne connaissez de lui que l’acteur de cinéma, le
Molière d’Ariane Mnouchkine, héros aussi de
La Gloire de mon père et du Chateau de ma
mère d’Yves Robert. Et dans un cas comme
dans l’autre, vous êtes forcément sceptique
devant Les enfants du Soleil : un film de trois
heures qui n’est “rien d’autre” ( !) qu’un
one-man show filmé en public. Si vous avez
aimé Caubère, si vous avez ri à ses
mésaventures, si vous avez été ému par ses
emballements et ses déceptions, vous vous
dites que ça ne va pas être possible de retrouver
la magie de la scène, qu’il va forcément vous
manquer la chair et le sang, le souffle et la vie.
Et si vous ne l’avez amais vu, vous reculez
forcément devant la perspective de ces trois
heures en tête-à-tête avec un quasi-inconnu, qui
raconte une destinée dont vous ne savez rien et
qui vous parle de gens que vous ne connaissez
pas. Eh bien, dans les deux cas, vous auriez
tort. Complètement tort.
Parce que, dans la première hypothèse vous
l’aimez déjà, vous n’avez aucune crainte à
avoir : passées les cinq minutes de stupéfaction
et de “non, c’est pas possible, ça ne peut pas
marcher”, vous vous retrouvez embarqué avec
lui, par lui. Totalement. Et vous retrouvez la
même - mais vraiment la même - jubilation à
voir renaître à la vie tous ses personnages qu’il
ressuscite, d’une grimace, d’un sourire, d’une
intonation, d’un geste. Votre plaisir, vos rires,
vos émotions seront les mêmes. Et parce que,
dars la deuxième hypothèse (vous ne l‘aimez
pas encore) vous allez voir, mieux qu’un film,
une rencontre. Une vraie. Comme vous n’en
faites pas tous les jours et que vous n’êtes pas
près d’oublier. Vous n’en reviendrez pas de son
tempérament et de son talent, vous n’en
reviendrez pas de votre propre plaisir. Alors,
prenez trois heures de votre temps
qu’est-ce-que c’est par rapport à une vie
entière ! Installez-vous confortablement et
partez à sa découverte. Vous verrez, vous
n’aurez de cesse que ça continue. Le soleil n’a
pas fini de briller. Vous en avez de la chance.
J.-P.L.
***Sorti le 24 janvler.
De Bernard Dartigues. Scénario et, mise en scène
de Philippe Caubère.
Avec Philippe Caubère. Durée : 3 h 20.
Page 18/21 - Philippe Caubère - Les Enfants du Soleil - Film
R
Le fils d’Ariane
ésumé des chapitres précédents. Le théâtre à
Aix-en-Provence, au lendemain de Mai 68.
L’arrivée à Paris, trois ans plus tard, avec ses
potes Max et Jean-Claude, pour travailler avec
Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil. En trois ans, trois
spectacles 1789, 1793 et L’Age d’Or. Surtout L’Age d’Or, le
premier grand rôle de Philippe Caubère sur scène. Ensuite,
le film Molière (1978), dans le rôle-titre son premier rôle au
cinéma. Tout de suite après, la rupture violente avec
Ariane. La découverte d’une nouvelle troupe en Belgique.
Les désillusions et, pour achever de plonger Caubère dans
le désespoir, le flop terrible de Lorenzaccio dans la Cour
d’honneur à Avignon...
Il en est là quand, un beau jour de 1980, il se met à
raconter puis à jouer des scènes entières de son
enfance devant ses amis, anciens du Théâtre du
Soleil comme lui : Jean-Pierre Tailhade et Clémence
Massart, qui était alors sa compagne. “ J’étais parti
de chez moi pour faire du théâtre, parce que je
m'emmerdais. J’étais parti du Théâtre du Soleil
avant de m’emmerder. Et depuis, je m’emmerdais
encore plus horriblement. C’était affreux ! Ma mère
était morte quelques années auparavant, pendant le
tournage de Molière, elle avait juste eu le temps de
me voir incarner le personnage d'Abdallah, dans
L’Age d’Or, mais, comme elle disait : “ Mon fils
porte un masque et, en plus, il joue un Arabe ! ” Elle
ne m’a jamais vu sur scène avec mon vrai visage.
Alors, j’ai eu envie de parler d’elle, de mon enfance
avec elle. J’ai eu envie, surtout de faire rire les
autres comme je la faisais rire, elle, quand j’étais
petit. ”
De ces improvisations nait un spectacle en 1981,
La Danse du diable. L’histoire d’un petit garçon,
Ferdinand, qui aime de Gaulle et Johnny Hallyday et
qui rêve de théâtre en regardant de la fenêtre de sa
chambre la colline aux oliviers. L’histoire aussi
d’une mère exigeante, un peu foldingue et adorable.
Seul en scène, il joue vingt rôles, sur tous les
registres, du plus émouvant au plus drôle. La
critique encense Caubère. Le public l’adopte. C’est
un triomphe. Que peut-il faire apres ça ?
“ Je pensais fonder une troupc, créer des pièces. Et
puis je voulais faire un film pour raconter Ariane
(Mnouchkine) et mes années passées au Théâtre du
Soleil. Parce qu’en rencontrant Ariane j’avais La Fondation GAN pour le cinéma, qui, depuis plusieurs années, a mis en
rencontré quelqu’un. Une femme qui ne déviait pas place un efficace plan d’aides diverses aux films, vient de créer une aide
de sa route, quoi qu’il arrive... ”
supplémentaire. Tous les deux mois, elle élira son film “Coup de cœur” :
celui-ci sera visible dans les salles parisiennes, à prix réduit, le premier
vendredi suivant sa sortie. Premier lauréat : Les Enfants du Soleil, de
Philippe Caubère. Tarif unique : 15 francs à toutes les séances, le
vendredi 26 Janvier.
Premier coup de cœur
Page 19/21 - Philippe Caubère - Les Enfants du Soleil - Film
Pour écrire ce film intitulé Le Roi Misère
ou, parmi d’autres comédiens, Caubère
devait jouer un directeur de troupe
directement inspiré d’Ariane Mnouchkine,
il reprend la méthode qui lui avait si bien
réussi pour La Danse du diable : il
improvise devant ses amis et une caméra
vidéo. Au total, il enregistre ainsi cent
quarante heures d’impro. Mais le scénario
qu’il en tire est refusé par tout le monde :
l’Avance sur recettes, les producteurs, les
chaînes de télévision. Alors, Caubère
abandonne son projet de film.
“ C’est là que Jean-Pierre Tailhade m’a
conseillé d’en faire un spectacle où je
serais à nouveau seul en scène ”.
Il crée Ariane ou l’Âge d’or, deux
spec-tacles successifs. L’épopée, drôle et
foisonnante, de Ferdinand et de ses
copains, aux prises avec la grande
prêtresse de la Cartoucherie. Six heures de
spectacle où Caubère, seul en scène avec
une chaise, nous fait voir, sentir, entendre,
comprendre et aimer une foule de
personnages.
Nouveau succès après lequel Caubère
pense sincèrement, une fois encore, qu’il
va passer à autre chose. Redevenir un
acteur “ normal ”. Sauf qu’il a de moins en
moins envie de “ s’emmerder ” dans le
théâtre “ normal ”, Alors, il revisionne ces
cent quarante heures d’improvisation. Et il
réalise qu’il a encore matière à d’autres
spectacles. Sur la suite de sa vie de théâtre,
mais aussi ses amours difficiles, ses crises,
ses ruptures, ses illusions et désillusions.
Pendant un an, son régisseur retranscrit sur
de petits cahiers tous les textes improvisés.
Au fil des années, et des créations
successives, va naître Le Roman d’un
acteur, une fresque en onze spectacles de
trois heures chacun. Du jamais vu,
Caubère raconte tout. Joue tous les
personnages. Et aussi les animaux, les
objets : un gros rat dégoûtant, un téléphone
qui attend un appel, une 2 CV
récalcitrante, et bien d’autres choses
encore…
De la caricature souriante à la mise en
pièces, il n’y a parfois qu’un pas, qu’il
franchit allègrement. Les défauts et travers
des uns et des autres y passent (les siens y
compris). “ On m‘a parlé de méchanceté,
de cruauté. Moi, je trouve que j’ai un
regard d’enfant sur tout ce petit monde.
Pourtant, je sais que c’est difficile pour
certains. Par exemple, Ariane n’est jamais
venue voir un seul des spectacles, et j’en
suis inconsolable. ”
Sur scène, Philippe Caubère retrouve
son second souffle. Il est à l’aise. Mieux :
heureux. “ J’ai eu un plaisir immense à
retrouver Ariane, Max, Clémence et les
autres en les jouant. La jouissance était
accrue par les rires du public. J’avais
monté ces spectacles pour me guérir de
mes angoisses. Aujourd’hui, tant pis si
cela
paraît
présomptueux,
j’ai
l’impression qu’ils font du bien au
public ! ”
L’an dernier, il a rejoué une dernière
fois les onze spectacles. Pour tourner la
page. Mais, au détour d’une phrase, il
glisse que ce serait amusant de raconter
l’état dans lequel il était quand il créait ces
spectacles : non plus Le Roman d’un
acteur, mais l’histoire d’un homme… En
attendant, il boucle la boucle en se lançant
dans ce qui ressemble fort à une autre
aventure : sortir au cinéma l’intégrale du
Roman d’un acteur, filmée lors de la
dernière serie de représentations. C’est le
premier episode monté, Les Enfants du
Soleil, qui sort aujourd’hui.
Philippe Caubère a 45 ans, et, dans ses
yeux clairs, passent des éclairs enfantins.
On y perçoit aussi une sorte d’angoisse
quand il se demande s’il arrivera à clore
pour de bon cette histoire unique, s’il
trouvera l’argent pour monter les dix
autres films encore dans les boîtes. Mais
qui sait s’il n’éprouve pas une autre
angoisse : celle d’y parvenir. Car, alors,
l’aventure de Ferdinand au pays du Soleil
sera derrière lui. Et il devra s’inventer un
futur. Vaste programme, car, comme le
disait la mère dans La Danse du diable :
“ Le théâtre, c’est un peu comme les rêves,
ça n’existe pas… ”
Isabelle Danel
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accompli des prodiges, et Le
Roman d’un acteur marquera
sans doute une date dans
l’histoire du théâtre. Mais
qu’est-ce que l’enregistrement
filmé de cette épopée scénique
pouvait bien y ajouter ? Rien d’essentiel
sans doute. Sauf pour Caubère lui-même
qui ne supportait pas, raconte-t-il, de voir
tout cela “ disparaître dans le grand trou
de l’oubli. ” Narcissisme ? Peut-être. Et
tant mieux car, pour qui n’a jamais vu le
comédien aux prises avec ses fantômes
personnels, ce film-là est un régal.
Les Enfants du Soleil, premier épisode
porté à l’écran de la saga caubérienne (1),
ne raconte pas d’histoire : il retrace une
aventure à partir de mille anecdotes,
moments, épisodes remontant à l’époque
où le jeune Caubère a débarqué au Théâtre
du Soleil, dans les années 70.
Les personnages s’introduisent un à un
dans le récit puis s’y incrustent. Ariane, la
patronne, croise Clémence, la jongleuse
acrobate ; quand apparaît Jean-Claude, le
copain grande gueule, Max, le fidèle pote
d’Aix n’est jamais bien loin. Et puis il y a
tous les autres : Ryad, le colocataire
constamment malade, Violaine, le
souffre-douleur d’Ariane, etc. Chacun
réapparaît à l’improviste, coupe la parole à
celui qui parlait, avant d’être supplanté, à
son tour, en un éclair, par un autre…
Le plus troublant, c’est que, très vite, cela
a l’air très naturel. On ne voit plus un
acteur diaboliquement doué pour
incarner dix ou quinze personnes à la
fois, mais des hommes et des femmes
bien réels avec leurs turpitudes, leurs
chagrins, leurs emballements, leurs
excès, qu’on connaît, qu’on reconnaît,
bref, qui nous sont devenus tout à fait
familiers.
Au fil de ce tourbillon de situations
rebondissant sans cesse pendant trois
heures et vingt minutes, truffé de scènes
d’anthologie, un conteur phénoménal
crée l’illusion la plus emballante qui
soit : il arrive à nous faire croire que le
jeu lui échappe, qu’il est peu à peu
débordé par ses personnages. Et que
ceux-ci finissent par vivre leur vie, en
toute indépendance... Alors, en même
temps qu’elle enregistre la comédie
humaine burlesque imaginée par l’auteur
Philippe Caubère, la caméra dévoile au
plus près l’époustouflant travail dun
comédien créant en direct les images du
film délirant qu’il a dans la tête. Si Les
Enfants du Soleil ne sont que du théâtre
filmé, vive le théâtre filmé... •
Jean-Claude Loiseau
1) Le texte des Enfants du Soleil fait partie du tome 1 du
Roman d’un acteur, publié aux editions Joëlle Losfeld.
Français (3h20). Realisation Bernard Dartigues. Écrit par
Philippe Caubère. Image Pascal Caubère. Montage
Bernard Dartigues avec la collaboration de Philippe
Caubère. Son Philippe Olivier. Avec Philippe Caubère.
Production La Comédie Nouvelle et Melocartoon.
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