n_rep_pyrenees_claud..

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1er février 2001
Noé, le gonze
et trois petites marches...
QUE FAIRE
D’AUTRE QUE
D’APPLAUDIR
FRÉNÉTIQUEMENT
CAUBÈRE ? RIEN
D'
accord, je vais me
prendre une volée de rires
gras. Mais bon. Je le dis
quand même. Trois heures
avec Caubère sur scène, ça
vaut physiquement une nuit
d’amour façon grand soir
passionnel.
Du plaisir total qui vous
laisse sur les genoux, l’âme
neuve et la paupière battue,
lourde mais repue, tant le
rire et l’émotion qu’il a fait
naître vous ont vidé,
nettoyé.
Parce que Caubère, c’est
l’instant parfait, absolu,
comme il n’existe que très,
très, très rarement au
théâtre. Le genre de
rendez-vous où l’on croit
friser le pilier de Notre
Dame, mais sans séquelles
grotesques.
Et pourtant, le gonze là, le
giston grandi au Soleil de
Marseille et d’Ariane, il ne
traite pas du facile. Sa
propre mère il joue. Sans
rien lui épargner, mais avec
une
poésie
et
une
tendresse...
qu’on
se
prendrait presque à regretter
que l’Albert Cohen ne l’ait
pas connu, en parlant de la
sienne de mère.
Du coït interrompu à
l’accouchement du petit
Ferdinand Faure en passant
par
les
errements
pédagogiques
d’une
bourgeoise
parisienne
totalement décalée au
milieu de l’exubérance
phocéenne, les occasions
sont pourtant nombreuses
de se casser la gueule pour
le danseur de corde qu’est
Caubère... De tomber ou
pire, d'être juste et
uniquement “comique”.
OR
CAUBERE
VA
BIEN PLUS LOIN que le
simple comique. Claudine
est là... “j’m’excuse”... Et
c’est la vie entière qui
débarque en roman comme
il tourne les pages de son
enfance. Avec toute la
galerie de personnages qui
gravitent dans cette famille
des années 50/60, jalonnées
des
interventions
télévisuelles de De Gaulle,
Malraux, “Mitrand” ou d’un
concert de Johnny Halliday
à Marseille... Inénarrable.
Mais surtout prodigieux.
Oui.
Prodigieux.
Car
Caubère offre là une
performance
unique
d’acteur, d’écrivain et de
musicien même, en se
donnant ainsi. Maîtrise
totale du temps et de la
simultanéité, jeu subtil mais
rigoureux des différentes
figures
de
narration,
construction en forme de
partition, symphonique par
instants… au-delà de la
performance
physique
époustouflante, c’est bien
un acteur écrivant son
propre roman sur scène qui
se donne là. Une chose
unique. La vie qui gagne
enfin contre le théâtre de
l’emmerdement
et
du
devoir d’apprendre à faire
l'intelligent pour plaire.
“LE THEATRE, CE
N’EST PAS FAIT pour
apprendre.”
dit
ainsi
Caubère. Et il a raison.
Parce que lui offre plus et
mieux : la création entière,
sorte de nouveau Noé à la
Giono. “Fais entrer dans
ton cœur toute chair de ce
qui est au monde pour le
conserver en vie avec toi…
et j’établirai mon alliance
avec toi.” lit-on ainsi dans
un fragment de Déluge cité
par
Giono.
Caubère
navigue sur son arche.
Mais je ne sais toujours pas
d’où sortent les trois petites
marches. A demander ce
soir, après la suite.
“Le Théâtre”. Total.
Pierre CHALLIER
Page 1 sur 1 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
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