LE PÈLERIN 2 mai 1986 Philippe Caubère : L’âme d’Arlequin Philippe Caubère est surtout connu pour avoir interprété Molière dans le film-fleuve d’Ariane Mnouchkine. Il prépare sa rentrée au théâtre, dans un one-man show. Il était une fois trois comédiens marseillais, volubiles et déchaînés, qui sillonnaient la France avec leur compagnie... De passage à Lyon, ils rencontrèrent Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil, ce qui se faisait de mieux en 1970, dans les hautes sphères de la création parisienne. Comme dans un conte, nos Marseillais, par leurs facéties, enthousiasmèrent la fée et, d’un coup de baguette magique, ils se retrouvèrent à Pans, engagés dans la plus illustre des compagnies. “ J’étais tout jeune. Je venais d’avoir 20 ans, mais nous avions déjà monté dix-sept spectacles ”, explique Philippe Caubère, en précisant qu’il avait mangé tellement de “ vache enragée ” que, pour lui, le Théâtre du Soleil c’était le pactole de la gloire et la vie des vedettes. La belle Ariane le fit débuter dans 1793, un spectacle historique sur la Terreur pendant la Révolution française. Il créa ensuite L’âge d’or, où il put mettre en pratique sa formation d’acteur à l’italienne et ses arlequinades. Et ce fut la gloire, il avait été choisi pour interpréter Molière dans une superproduction digne des grands films hollywoodiens, tournée à Versailles, dans le Larzac et les studios du bois de Vincennes. Le film fut présenté à Cannes, remporta le succès que l’on sait. Promu vedette du jour au lendemain, Philippe ne changea rien à sa vie. Refusant toutes les propositions qu’on lui faisait au cinéma, il monta Dom Juan, dans une mise en scène qu’il voulut résolument comique. Bateleur il était, bateleur il restait. “ C’était une responsabilité terrifiante : la première fois que je montais une pièce, la première fois que je jouais un rôle classique. J’allais enfin savoir si j’étais capable de faire une mise en scène et de jouer un rôle en même temps, ça faisait partie de mes phantasmes. ” Dom Juan fut un succès. Caubère quitta le Théâtre du Soleil, joua Lorenzaccio en Avignon où plane toujours l’ombre immortelle de Gérard Philipe, et il se lança dans l’écriture théâtrale. Il en résulta La Danse du diable, un spectacle où il était seul en scène à se débattre contre les fantômes de son enfance. Sa performance remporta un triomphe avec plus de 180 000 spectateurs. Un spectacle inclassable, encensé par la critique. Un spectacle qui tenait de Zouc et de la commedia dell’arte. Le temps de reprendre la plume, d’écrire la suite, Philippe Caubère est de retour sur scène avec Ariane ou l’âge d’or, l’histoire de sa rencontre avec Mnouchkine et de son passage au Théâtre du Soleil. Un spectacle autobiographique où il mêle à la fois le comique et le fantastique. Un spectacle où l’on rit beaucoup. L’histoire d’un comédien en face d’un monstre du théâtre d’aujourd’hui et, comme il le dit lui-même, peut-être un peu plus : “ Un témoignage urgent sur une époque bourrée d’idées, d’élans, de générosité dont on peut penser qu’elle risque fort de se voir très bientôt et à jamais engloutie dans la nuit des temps. ” Rongé par l’angoisse, le trac, Philippe Caubère regarde l’affiche de son spectacle où se détache le prénom d’Ariane, sa bonne fée metteur en scène d’hier : “ Le metteur en scène est là pour gouverner, mais c’est l’acteur qui règne. ” Ultime pirouette d’Arlequin regagnant ses tréteaux. CHRISTIAN MORIN (Théâtre Tristan-Bernard, jusqu’au 31 juillet. La suite début septembre, avant une tournée dans toute la France.) Philippe Caubère – Les Pièces – Ariane ou l’Âge d’or – Le Pélerin – page 1/2 Philippe Caubère – Les Pièces – Ariane ou l’Âge d’or – Le Pélerin – page 2/2