Page 1 sur 1 - Philippe Caubère – 68 selon Ferdinand – Pièce -
LA MARSEILLAISE
OCTOBRE 2001
Philippe Caubère au Gymnase
One Superman show
Après "Claudine" et
"Le Théâtre",
l'homme qui met sa
vie en scène
attaque les deux
derniers volets de
sa tétralogie
autobiographique
comique et
fantastique.
D'EMBLEE Philippe
Caubère donne le ton. Il
s'avance vers son public.
Prend la parole. Présente son
"Mérou" de souffleur, sur le
côté de la scène, caché dans
"un bocal". Explique que s'il
a des trous de mémoire ce
n'est pas parce qu'il aurait
mal appris sa leçon. Pour lui
le théâtre n'en est pas une. Ni
à apprendre, ni à donner.
Donner ? Oui, mais autre
chose. De soi, beaucoup.
Avant tout. Il a pris la parole
simplement, sans chichis,
histoire de tisser avec son
public une complicité. Une
confidence de l'homme sur
son travail d'acteur sur
l'homme.
Noir, musique : signal de
départ pour plusieurs heures
de spectacle. Une véritable
performance.
Claudine, titre éponyme
du premier volet de
L'Homme qui Danse, est la
mère de Ferdinand, le double
théâtral de Philippe Caubère.
C'est une bourgeoise de
droite, déchirée entre Pétain
et De Gaulle, avec des
principes et du cœur. Un
personnage décalé. Une
figure de théâtre à elle seule.
Héroïne malgré elle du
temps qu’elle a vécu. Son
adolescence pendant
l’occupation, sa vie de fem-
me et de mère.
Philippe Caubère lui rend
un hommage plein de ten-
dresse : il met en scène son
accouchement (métaphore de
ses vingt années de
recherches scéniques et
autobiographiques). Il y a
quelque chose de touchant à
voir cet homme, la
cinquantaine venue, revivre
sa vie, reprendre sa vie à
partir de la douleur de
l’enfantement quarante
minutes durant. Un grand
moment.
Et tout y passe dans un
joyeux tourbillon : les pre-
miers pas de Ferdinand ; les
premiers mots de Ferdinand ;
les premières maladies de
Ferdinand ; le début de
l’adolescence de Ferdinand,
son copain, ses ambitions
révolutionnaires, son amour
immodéré pour Johnny, pour
la masturbation, les dessous
de sa mère. Et le problème
qu’il doit solutionner, pour
sa rédaction de Français “
Qu’est-ce que le bonheur ”.
Claudine a un exemple : “ Le
bonheur, c'est du malheur
qui se repose ”. Pendant trois
heures, Caubère revient à la
source de son envie de
théâtre : la théâtralité de sa
mère.
Sublime impudique
Quand on retrouve
Ferdinand, à 15 ans, dans Le
Théâtre, second volet de
L'Homme qui danse, il est
seul dans sa chambre. La
nuit est noire sur les collines
de La Fare les Oliviers. Il
planche toujours sur son
sujet, le bonheur. Il a quinze
ans et rêve. Rêve de théâtre,
de grandeur, de gloire. Dans
sa chambre, il a 15 ans et,
déjà, est le plus prolixe des
auteurs de tous les temps. Un
à un, dans sa chambre
arrivent les personnages
célèbres et familiers qui ont
bercé son enfance, qui
marquent son adolescence :
De Gaulle, Mauriac, Sartre et
Johnny, bien sûr. Tous sont à
ses pieds, reconnaissent
l’excellence de son travail.
Dans sa chambre à 15 ans,
Ferdinand joue le théâtre de
sa vie d’artiste. Pendant trois
heures, Caubère revient sur
son rêve de gosse, moteur de
sa dramaturgie : faire du
théâtre.
Car, avant d’être un
sublime impudique, Caubère
est un cabot magnifique. Un
faiseur de théâtre. Populaire
et intelligent. A quoi
reconnaît-on les faiseurs de
théâtre ? Les sublimes, les
magnifiques ? Ils n’ont pas
besoin d’artifices pour
amuser et tenir en haleine
une salle comble. Caubère
est seul en scène. Le théâtre,
débarrassé de ses pen-
drillons, est à nu. Le plateau,
recouvert de tapis d’orient,
une chaise au centre. C’est
de l’homme, en jeu dans une
valse de personnages qui
créent le mouvement, la
force, le geste, le verbe, que
naît le Monde. Et celui que
Caubère tend n’est pas
seulement le sien. C’est le
monde de tous révélé à
chacun dans une surprenante
communion d’esprit et de
rire. Francis COSSU