Le Canard Enchaîné 12/07/2000 Claudine et le théâtre Avignon E (Festival Caubère) VIDEMMENT, on peut toujours dire que ça ressemble à un long sketch de café-théâtre. Que Philippe Caubère rabâche, qu’en vingt ans et 11 spectacles auto-biographiques de trois heures et demie chacun (de son adolescence à La Fare-les-Oliviers à ses péré-grinations de saltimbanque en passant par le Théâtre du Soleil et la rupture avec Ariane Mnouchkine) on a eu le temps de la connaître, sa vie. On peut re-gretter que parfois, à la fin sur-tout, affublé d’un châle et d’une jupe, il fasse penser aux redou-tables Vamps. Qu’avec ce nouveau spectacle (le premier d’une nouvelle série de 6 !) il n’innove pas et fasse du Caubère, toujours seul sur une scène nue (la carrière de Boulbon, lieu magique), avec sa chaise, sa chemise blanche, ses rares accessoires, et ces personnages qu’il incarne tour à tour... Mais baste !, que valent ces ré-serves face au flot verbal qu’il dé-verse à la généreuse ? A la farce majuscule qu’il nous offre une fois encore en virtuose éblouissant ? Dès la première scène, où il joue Claudine, sa mère, en train d’accoucher de lui, assis sur sa chaise pattes écartées, hurlant et pestant, la magie opère, on est à nouveau époustouflé, à se tordre de rire, bouche bée devant l’exploit : Caubère réussit à être cru mais jamais vulgaire, dans l’outrance mais jamais dans la lourdeur. Cette fois, il nous raconte sa mère. A la fois hystérique, monstrueuse et bornée ; et gaie, et pleine de fantaisie, et malheureuse. Cette mise à nu pourrait être affreuse, entre confession gnangnan et vieux règlement de comptes. Mais jamais son impudeur (pourtant inouïe) ne paraît impudique. On n’a pas honte pour lui : on est tou-ché, ravi, émerveillé. C’est qu’il a, chose rare entre toutes, trouvé sa voix, et elle sonne juste. Et qu’il nous a à l’énergie, au travail (de galérien) sur quoi repose sa performance (déplacements milli-métrés, précision des effets comiques, texte au petit poil). Un Proust comique en vie, en forme, tirant de sa propre histoire un feu d’artifice de madeleines hilarantes : c’est fête ! Jean-Luc Porquet • Jusqu’au 29 juillet, en alternance avec la deuxième partie, Le théâtre selon Ferdinand. Page 1 sur 1 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -