LE QUOTIDIEN DE PARIS le 7 avril 1986 Philippe Caubère : l’âge d’or Mnouchkine Le comédien qui fut un inoubliable Molière a quitté le Théâtre du Soleil, mais s’en souvient aujourd’hui, seul en scène Au théâtre Tristan-Bernard, à partir d’aujourd’hui, Philippe Caubère joue Ariane ou l’âge d’or, premier épisode d’un spectacle qu’il a lui-même écrit et qu’il qualifie de “ conte fantastique ”. Philippe Caubère, vous le connaissez tous. Entré au Théâtre du Soleil en 1971, il a été des grands spectacles comme 1789, 1793 et, justement l’Age d’or. Il a été surtout l’extraordinaire Jean-Baptiste Poquelin dans le grand film de Mnouchkine consacré a Molière. En 1978, il met en scène et interprète Dom Juan de Molière, dans le cadre du Théâtre du Soleil. Ce sera son ultime travail avec la troupe. Il part. En 1979, on le retrouve au Festival d’Avignon dans le Lorenzaccio d’Otomar Krejca. Puis vint La Danse du diable. Quelque chose d’incroyable. Un spectacle qu’il avait écrit avec ses amis Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart. Sa vie au fond. D’enfance à adolescence et premiers pas “ dramatiques ”. Les femmes de sa vie. Mère. Il jouait tout le monde en une sarabande hallucinante. Un drôle de spectacle et un spectacle très drôle créé en Belgique, repris à Avignon, à Ivry et — consécration — au théâtre Edouard-VII. Périple suivi de tournées. Succès, succès, succès. Caubère récidive. “ Mais Ariane ou l’âge d’or sera plutôt un spectacle sur les débuts de l’âge adulte et si l’on retrouve le héros du premier spectacle, Ferdinand, moi, qu’importe, je dirais qu’il s’agit d’une éducation sentimentale, artistique et que si j’affiche Ariane, je parlerai de toute la troupe du Théâtre du Soleil alors, tous les amis, tous ceux avec qui je passais ma vie ”, raconte-t-il dans le lieu où depuis des semaines et des semaines, il répète. Un vaste entrepôt à la très belle charpente, immense lieu où l’on retrouve le tapis blond de fibres végétales, le paillasson, plancher divin du Soleil. On retrouvera sans doute dans le ton, dans l’humeur, dans l’esprit du spectacle ce qui faisait le charme si entêtant de La Danse du diable, une tendresse sans aveuglement, un regard aigu, mais sans méchanceté. “ Il faut que je l’avoue, lorsque j’avais commencé à improviser sur ce qui donnerait matière à La Danse, c’est d’abord Ariane que j’avais jouée, explique-t-il dans un sourire. Puis ma mère s’est imposée et j’ai centré le spectacle sur elle. ” Deux ans plus tard c’est à la forte personnalité d’Ariane Mnouchkine qu’il reviendrait, mais avec un projet très différent. “ C’est un film que je voulais faire et sur Ariane car pour moi le temps du Soleil aura été comme une deuxième enfance. Avec Jean-Pierre Thailhade, Clémence Massart, Véronique Coquet, nous avons travaillé à un scénario. Je tiens en effet beaucoup à ce que les langages du théâtre et du cinéma puissent s’interpénétrer, s’échanger. ” Avec des méthodes bien à lui, Caubère met sur pied son projet : “ Nous avons organisé un stage avec des comédiens, on a discuté des thèmes, des perspectives, des angles en quelque sorte, du “ comment attaquer ” et comment construire l’histoire... Ne restait qu’à écrire le texte. J’ai travaillé seul sur improvisations, surveillé, si je puis dire, par mes amis de l’aventure et filmé en vidéo par mon frère Pascal. Ariane, dans cette version de l’histoire, est un homme et le film devrait s’appeler le Roi Misère.” Un énorme travail entrepris avec les bénéfices de La Danse du diable. Tout le monde a été scrupuleusement payé et dans le grand atelier de la rue Oberkampf où il répète, on a construit les maquettes des- décors grandeur nature et installé des bureaux. Mais, hélas, pas d’argent pour produire le film. Le spectacle théâtral, dans l’esprit de Philippe Caubère et de son équipe, devrait être le maillon qui leur permettra d’arriver à une production. Une belle idée à laquelle on ne peut que souhaiter bonne chance. Ariane ou l’âge d’or, dans lequel Caubère tient tous les rôles, n’est qu’une étape... Mais c’est aussi un spectacle. Un spectacle qui, dit Caubère, “ me rappelle la plénitude que j’éprouvais lorsque j’improvisais devant Arian ”. Et si, bien sûr, l’histoire qu’il va raconter est, comme il le dit, “ celle d’une passion, dont on sort avec des Le roi bleus, mais Ariane aussi ” n’attendez pas de règlement de comptes, de méchanceté, de dépit Misère amoureux. Singulière entreprise, d’un singulier personnage qui fait de sa vie le théâtre même, et l’inverse. Armelle HÉLIOT Au théâtre Tristan-Bernard, 64, rue du Rocher, 75008 Paris – Tél. : 42.22.08.40 à partir d’aujourd’hui à 20h30. Relâche dimanche. Philippe Caubère – Les Pièces – Ariane ou l’Âge d’or – Quotidien de Paris – page 1/1