La politique de prix Le prix est une composante particulière du marketing mix. Le prix n’est pas porteur d’avantages positifs pour le client, mais représente un sacrifice ou du moins une contrepartie aux satisfactions qu’il attend du produit. Chap.1) Définition et importance de la politique de prix §.1) Position du problème du prix 1) Prix de vente producteur et prix de vente final La politique de prix d’une entreprise consiste à fixer les prix auxquels elle vendra ses différents produits à ses différents clients. Une entreprise est parfois en mesure de fixer les prix auxquels seront vendus ses produits à leurs acheteurs finals, ces prix sont des prix de vente public (PVP) ou consommateur (PVC). 2) Réglementation des prix La liberté de fixation des prix par les producteurs et les distributeurs peut parfois être limitée par des dispositions législatives ou réglementaires. En effet, bien que la loi n° 06-99 du 21 juin 2000 sur la liberté des prix et de la concurrence ait établi au Maroc le principe de liberté des prix, diverses restrictions ou exceptions réduisent dans certains cas la portée de ce principe. A- Secteurs où les prix restent contrôlés par les pouvoirs publics : Il s’agit par exemple du sucre, de la farine nationale de blé tendre, du gaz butane, des médicaments, du transport en commun… B- Restrictions apportées à la liberté des distributeurs en matière de marge : C’est le cas de la vente à perte ou à des prix abusivement bas pour ne pas fausser le jeu de la concurrence. C- Transparence des prix et l’interdiction des pratiques discriminatoires : Pour faciliter la comparaison des prix par les consommateurs, la loi sur la concurrence impose en principe aux distributeurs d’indiquer clairement le prix des articles qu’ils vendent, sous forme de marquage, d’étiquetage, d’affichage… Pour ce qui est des relation entre professionnels, fabricants et distributeurs, la communication du barème des prix est obligatoire. 3) Quand fixe-t-on le prix ? Le prix est fixé par l’entreprise une première fois au moment du lancement du produit. Ce prix peut à tout moment être modifié, sauf dans des cas où il est soumis à des restrictions réglementaires. A ce titre, le prix est une variable marketing plus souple que les autres, en ce sens que les changements de prix peuvent être décidés et mis en application d’une manière plus facile et plus rapide que les autres changement du marketing mix. §.2) Importance du prix dans le marketing mix Les gens du marketing accordent depuis quelques années une importance primordiale à la fixation du prix, en raison de la sensibilité accrue des consommateurs au prix et d’une meilleure prise de conscience par les producteurs des effets des prix sur le volume des ventes et sur la rentabilité de l’entreprises. 1 1) Variable longtemps négligée De l’indépendance du Maroc jusqu’au début de ce siècle, les responsables marketing n’ont attribué qu’une importance secondaire à la fixation du prix de leurs produits ou services. Ce désintérêt tenait à plusieurs raisons : En premier lieu, le Maroc a vécu sous un régime de contrôle des prix qui ne laissait qu’une faible marge de manœuvre aux responsables marketing. La fixation du prix se limitait à obtenir périodiquement du ministère des affaires économiques l’autorisation de les augmenter. En second lieu, la fixation n’apparaissait pas aux hommes de marketing comme une décision particulièrement intéressante et valorisante, en ce sens que, contrairement aux décisions sur le produit ou la communication, elle ne leur donnait guère l’occasion de déployer leur créativité. Actuellement, la variable prix se voit attribuer une importance croissante par les responsables marketing, en raison de l’évolution des attitudes des clients à l’égard du prix. 2) Sensibilité croissante des clients par rapport au prix Le changement d’attitude des clients a eu pour origine principale la crise économique qui, en ralentissant la croissance du pouvoir d’achat des consommateurs, les a amenés à comparer plus soigneusement les prix des produits qui leur sont offerts et à rechercher souvent, dans leurs achats, le meilleur rapport qualité-prix ou même « la bonne affaire ». Les producteurs ont pris conscience de l’influence qu’exerce le prix d’un produit à la fois sur le volume des ventes et sur la rentabilité. 3) Incidences du prix sur le volume des ventes L’influence du prix sur le volume des ventes résulte de l’interaction de trois mécanismes distincts : L’effet économique de frein à l’achat ; L’effet psychologique d’image ; L’effet sur les attitudes des distributeurs à l’égard du produit. A) L’effet économique de frein à l’achat Les acheteurs potentiels d’un produit ont toujours des ressources financières limitées. Le prix de ce produit joue souvent auprès d’eux, un rôle de frein d’achat : plus le prix est élevé et plus grand sera le nombre de clients potentiels qui, ou bien renonceront à l’usage du produit, ou bien en réduiront la consommation, ou bien encore préféreront acheter des produits concurrents moins chers. Cet effet de frein est à la base de la théorie économique classique selon laquelle la demande d’un produit est une fonction inverse de son prix. B) L’effet psychologique d’image Dans certains cas, l’effet économique de frein à l’achat est atténué ou contrecarré par l’effet psychologique que peut avoir le prix sur l’image d’un produit. Il arrive en effet, que les consommateurs, faute de pouvoir juger objectivement la qualité des produits qui leur sont offertes, utilisent le prix comme un indicateur de qualité. Cette 2 attitude est particulièrement fréquente s’agissant des produits d’image (ou de prestige), pour lesquels les performances objectives sont difficilement perceptibles par les consommateurs. Exemple : A l’achat d’un parfum, d’un bijou, une paire de chaussures, le consommateur a souvent tendance à penser que les produits chers sont de meilleure qualité que les produits bon marché. Cas de l’échec du parfum Bic qui, en dépit de sa qualité très honorable, a été considéré par les consommateurs comme « ordinaire » du fait de son prix bas (25 FF pour un parfum dont la qualité était comparable à une grande marque à 350 FF et plus). C) L’effet du prix sur les attitudes des distributeurs à l’égard du produit. Le troisième mécanisme au travers duquel le prix de vente final d’un produit exerce une influence sur le volume de ses ventes est l’effet qu’il a sur la propension des distributeurs à en pousser ou à freiner les ventes. D’une manière générale, les distributeurs ont d’autant plus tendance à pousser les ventes d’un produit que ce produit leur procure une marge plus importante. Cela peut les amener parfois à pousser les ventes d’un produit cher ou à freiner les ventes d’un produit bon marché. 4) Influence du prix sur la rentabilité La rentabilité d’un produit est la résultante de deux facteurs : La marge unitaire, c’est à dire la différence entre le prix de vente et le prix de revient d’une unité du produit. Le volume des ventes, c’est à dire le nombre d’unités vendues ; Or, le prix de vente exerce une influence complexe sur chacun de ces deux facteurs. D’une part le prix influe sur le volume des ventes. A son tour, le volume des ventes peut avoir une influence sur le prix de revient unitaire du produit : en effet, lorsque le volume des ventes (et de la production) augmente, le prix de revient unitaire a souvent tendance à diminuer grâce aux économies d’échelle et à l’effet d’expérience. Il en résulte qu’un prix relativement bas, pour un produit déterminé, peut fort bien se traduire par une rentabilité supérieure à celle d’un prix élevé, par le biais d’un volume de ventes supérieur et d’un prix de revient plus bas. Exemple : Le tableau suivant montre que pour un produit imaginaire, pour lequel l’élasticité de la demande par rapport au prix et les économies d’échelle sont assez élevées, un prix de vente de 10 est plus rentable pour l’entreprise qu’un prix de 12. 1) Prix de vente 2) Volume des ventes 3) Prix de revient unitaire 4) Marge unitaire (1 – 3) 5) Marge total (4 * 2) 12 100.000 unités 7 5 500.000 10 130.000 unités 6 4 520.000 3 Chap.1) Facteurs à prendre en compte pour la fixation du prix Les principaux facteurs peuvent être regroupés en quatre catégories : Les objectifs généraux de la stratégie de marketing. La structure des coûts de production. La politique des prix des concurrents et des distributeurs. L’élasticité de la demande finale par rapport au prix. §.1) Les objectifs généraux de la stratégie de marketing. La politique des prix doit tenir compte des objectifs généraux de la stratégie de marketing. Les principaux types d’objectifs sont les suivants : 1) Objectifs de rentabilité et de volume : politiques d’écrémage et politiques de pénétration Une stratégie marketing se fixe toujours des objectifs de volume et de rentabilité. Cependant, le poids relatif à ces deux types d’objectifs est variable. Selon le choix, la politique de prix sera orientée vers l’écrémage ou la pénétration du marché. A) Politiques d’écrémage Les politiques d’écrémage répondent à la préoccupation de maximiser, à court terme, la rentabilité d’un produit nouveau. Elles consistent à en fixer le prix à un niveau relativement élevé, permettant de dégager une marge unitaire forte et d’engranger rapidement des profits. Une politique de ce type est envisageable lorsque l’innovation est significative en termes de différenciation par rapport à la concurrence. Un prix élevé sera la rémunération des avantages nouveaux offerts par l’innovation. B) Politiques de pénétration Il arrive aussi que, dès le lancement d’un produit nouveau, ou au cours des phases ultérieures de son cycle de vie, l’entreprise attache plus d’importance à la maximisation de son volume de ventes qu’à la maximisation de sa rentabilité à court terme. Une telle politique peut se justifier : Si l’entreprise estime que l’élasticité des ventes par rapport au prix est élevée ; Si un accroissement important de la production permet de baisser d’une manière substantielle le prix de revient unitaire ; Ou si l’entreprise souhaite dissuader d’éventuels concurrents de pénétrer sur le marché. Elle peut alors adopter, pour le produit considéré, un prix relativement bas, ne dégageant qu’une marge unitaire faible. 2) Objectifs d’image : le prix au service du positionnement Le prix contribue à exprimer le positionnement du produit, c’est à dire l’image qu’on souhaite lui donner dans l’esprit des consommateurs. Si par exemple, une entreprise positionne un de ses produits dans le segment « haut de gamme » ou « luxe », il serait illogique d’en fixer le prix à un niveau bas ou moyen, quand bien même la structure des coûts de l’entreprise le permettrait. 4 3) Objectifs de gamme Le prix d’un produit peut avoir une influence sur la vente d’autres produits dans trois cas : 1.1- Elasticité croisée entre plusieurs produits d’une même gamme Les différents produits ou modèles d’une gamme sont parfois en concurrence les une avec les autres. Dans ces cas, le prix d’un produit a une influence non seulement sur ses propres ventes mais aussi sur celles des autres. 1.2- L’accroissement du trafic Dans le domaine de la distribution, on appelle trafic le nombre de clients qui entrent dans un magasin au cours d’une période déterminée. Par analogie, on peut aussi employer le terme trafic pour désigner le nombre de clients potentiels qui prennent contact avec une entreprise en vue d’y procéder éventuellement à un achat. Pour accroître le trafic, c’est à dire pour attirer un plus grand nombre de clients potentiels, les entreprises peuvent être amenées à fixer à un niveau très bas le prix de certains des produits qu’elles vendent, en acceptant de ne pas gagner d’argent sur ces produits mais avec l’espoir d’en vendre d’autres. 1.3- Vente de produits induits Un dernier cas dans lequel le prix de vente d’une référence peut avoir une influence sur la vente d’autres références de la gamme est celui des produits dont l’usage exige l’achat de fournitures annexes. C’est le cas des appareils photos et pellicule ou encore les rasoirs mécaniques et les lames. §.2) La structure des coûts de production. L’analyse de la structure des coûts de production doit se faire sous quatre aspects principaux qui sont : la distinction entre coûts directs et coûts indirects, la distinction entre coûts fixes et coûts variables, la distinction entre coût moyen et coût marginal et la relation entre coûts et volume de production. 1) Coûts directs et coûts indirects On appelle coûts directs d’un produit ceux qui sont imputables d’une manière claire et exclusive à la production, à la commercialisation et à la communication du produit considéré. Ce sont par exemple : Le coût des matières premières et des fournitures entrant dans la fabrication du produit ; Le coût des machines servant exclusivement à cette fabrication ; Les commissions versées aux vendeurs sur les ventes du produit ; Les campagnes publicitaires et les opérations promotionnelles menées en faveur du produit…. On appelle coûts indirects, les coûts qui concernent plusieurs produits (et parfois mêmes tous les produits) à l’aide de clés de répartition. Ce sont par exemple : Certains frais d’usine (bâtiments, entretien, assurances…) ; Les coûts des services généraux de l’entreprise (direction générale, direction de la recherche, direction commerciale ….) ; Les campagnes publicitaires portant sur plusieurs produits ou sur l’entreprise elle-même…. 5 2) Coûts fixes et coûts variables Les coûts fixes d’un produit sont ceux qui sont indépendants, tout au moins à CT, du volume de vente du produit considéré, c’est à dire qui restent constants quel que soit le volume des ventes. Les coûts fixes peuvent être directs ou indirects. Exemples : - Coûts fixes directs : Amortissement des machines utilisées exclusivement pour la fabrication du produit considéré ; Salaires et charges du personnel permanent employé exclusivement à la production ou à la gestion du produit considéré…. - Coûts fixes indirects : Ce sont tous les coûts indirects de l’entreprise qui sont répartis entre les produits à l’aide de clés ne faisant pas intervenir le volume des ventes. Les coûts variables d’un produit sont ceux qui varient en fonction de la production et/ou des ventes de ce produit. Ils peuvent, eux aussi, être directs ou indirects. Exemple : - Coûts variables directs : Coût des matières premières ; Frais de transport et de livraison du produit ; Commissions versées aux vendeurs en fonction du volume des ventes… - Coûts variables indirects : ce sont tous les coûts indirects qui sont répartis entre les produits au prorata de leurs volumes de vente ou de leurs chiffres d’affaires respectifs. 3) Coût moyen et coût marginal Le coût moyen unitaire d’un produit est égal à la somme de tous les coûts qui lui sont imputés, divisée par le nombre d’unités vendues. Le coût marginal d’un produit, pour un volume de vente déterminé, est égal au supplément de coût qu’entraînerait, pour l’entreprise, la vente d’une unité supplémentaire de ce produit. Le coût marginal, ainsi défini, est généralement égal au coût variable direct unitaire : en effet, la vente d’une unité supplémentaire d’un produit ne fait normalement varier ni l’ensemble des coûts fixes du produit, ni l’ensemble des coûts variables indirects de l’entreprise. Exemple : Tableau présentant le calcul du coût moyen unitaire et du coût marginal d’un produit, pour un volume de vente de 10.000 unités. a) b) c) d) e) f) Volume de production Coûts fixes directs Coûts fixes indirects Coûts variables directs Coûts variables indirects Coûts totaux (b+c+d+e) - Coût moyen unitaire (f/a) Coût marginal (d/a) 10.000 unités 100.000 20.000 80.000 10.000 210.000 21 8 6 4) Relations entre coût et volume des ventes Il est essentiel, pour un responsable marketing, d’avoir clairement conscience du fait que le coût unitaire d’un produit varie selon le volume des ventes, et d’essayer de connaître avec précision la relation entre coût unitaire et volume des ventes. Dans de rares cas, le coût unitaire s’élève quand le volume des ventes augmente : c’est ce qui peut se produire quand la matière première dont est tirée le produit est une ressource rare. Mais en règle général, pour la plupart des produits, les coûts unitaires de production et de commercialisation ont tendance à baisser lorsque la production augmente, et ceci sous l’effet d’un double phénomène : d’une part, à capacité de production donnée, une partie des coûts (les coûts fixes) ne varient pas selon les quantités vendues, d’autre part, lorsqu’elle accroît sa capacité de production, une entreprise bénéficie souvent de ce qu’on appelle « l’effet d’expérience ». §.3) La politique de prix des concurrents et des distributeurs. La troisième catégorie de facteurs dont un responsable marketing doit tenir compte, pour fixer le prix d’un produit, est le comportement de ses concurrents et de ses distributeurs en matière de prix. 1) Prix des produits concurrents Etant donné que les clients potentiels d’une entreprise, lorsqu’ils se disposent à acheter l’un de ses produits, en compare généralement le prix à ceux des produits concurrents et que cette comparaison joue un rôle dans leur décision, il est indispensable pour un responsable marketing de bien connaître les prix actuels des produits concurrents et d’essayer d’en prévoir l’évolution future. 2) Politique de prix des distributeurs Lorsqu’une entreprise vend ses produits aux clients finals par l’intermédiaire de distributeurs, le prix final est généralement fixé par ces distributeurs et dépend de la marge qu’ils prendront (ou du coefficient multiplicateur qu’ils appliqueront). Etant donné que c’est le prix final qui a une influence, positive ou négative, sur les décisions d’achat des clients, il est important de chercher à prévoir le montant des marges distributeurs qui viendront s’y ajouter. §.4) L’élasticité de la demande finale par rapport au prix. La dernière catégorie de facteurs dont un responsable marketing doit prendre en compte pour fixer le prix d’un produit concerne les attitudes et les réactions des clients finaux à l’égard du prix, attitudes et réactions qui déterminent ce que l’on appelle l’élasticité de la demande par rapport au prix. 1) Concept d’élasticité de la demande au prix Ce concept a été élaboré par les économistes pour décrire et mesurer l’influence du prix de vente d’un produit sur le volume des ventes, toutes choses égales par ailleurs. L’élasticité relative de la demande D par rapport au prix p est donnée par la formule : 7 e= D/D P/P Autrement dit, la valeur du coefficient d’élasticité est donnée par la variation (en%) de la demande, provoquée par une variation de 1% du prix de vente. Exemple : au prix de 100 Dh, un produit à des ventes mensuelles de 1.000 unités. Au prix de 110 Dh, ses ventes tombent à 850 unités. L’élasticité de la demande entre 100 et 110 Dh, est donc de : 850 – 1000 /1000 110 – 100/100 = -0,15/0,1 = - 1,5 L’élasticité peut être négative, nulle ou positive. - e < 0 : cela signifie que la demande diminue lorsqu’on augmente le prix ; il s’agit dans ce cas de l’effet économique classique de frein à l’achat. - e = 0 : la demande est constante quel que soit le prix ; les exemples d’une telle inélasticité sont rares, mais le demande de certains produits comme les cigarettes, l’essence…s’en rapprochent. - e > 0 : une augmentation du prix conduit à une augmentation de la demande ; ces cas exceptionnels s’expliquent généralement par l’effet d’image. Chap.3) Démarches utilisées pour la fixation du prix Les entreprises adoptent des démarches variables pour fixer le prix de leurs produits. §.1) La fixation des prix à partir des coûts 1) Principe de la démarche : prix de revient plus marge unitaire Le principe consiste à ajouter au prix de revient unitaire du produit une marge que l’on juge raisonnable. Le problème à ce niveau, c’est quel prix de revient et quelle marge raisonnable ? A- Quel prix de revient ? Pour le distributeur, le prix de revient est le prix d’achat payé au fournisseur. A ce prix le distributeur ajoute sa marge, sous forme d’un taux de marque ou d’un coefficient multiplicateur. Pour le producteur, le calcul du prix de revient n’est pas aussi facile. En effet, le prix de revient total d’une unité de produit se compose des coûts variables unitaires plus une part de l’ensemble des coûts fixes. Or le montant des coûts fixes à imputer à chaque unité de produit dépend du nombre d’unités vendues que l’on ne peut pas toujours prévoir avec précision. C’est pourquoi, le plus souvent, on ne retient dans le calcul du prix de revient unitaire que les coûts variables. 8 B- Quel marge « raisonnable » ? La fixation de la marge unitaire à ajouter au prix de revient se fait généralement à partir de certaines normes propres à l’entreprise, ces normes pouvant être modulées selon les objectifs assignés au produit considéré. Normes : la marge brute minimum imposée par la direction générale aux responsables marketing est de 50% du prix de vente. Modulation de la marge selon les objectifs marketing ; lorsqu’on décide au niveau d’une grande surface d’utiliser un produit X, comme produit d’appel, le responsable pourra être amené à prendre sur la référence X, une marge nulle au lieu de la marge normale. 2) Calculs de contribution et de point mort A- Définition de la contribution (aux frais et au profit) On a remarqué que la fixation du prix de vente à partir du coût total était difficile puisque ce la supposait une imputation exacte des frais fixes. Au lieu de raisonner à partir du coût total, on utilise fréquemment la notion de contribution. On appelle « contribution unitaire au profit et aux frais fixes » ou « marge sur coût variable » la différence entre le prix de vente net (c'est-à-dire la recette unitaire) et le coût variable d’une unité vendue. On entend par coût variable tous les coûts qui varient proportionnellement aux quantités produites et vendues, comme les coûts des matières premières et la parte variable de la rémunération des vendeurs. Les coûts fixes sont ceux qui ne sont pas proportionnels aux quantités. Ce sont des coûts qui varient par pallier et qu’il faudrait encore supporter si la production et les ventes devraient s’arrêter. La majorité des coûts marketing sont des frais fixes. Dans l’exemple suivant, la contribution unitaire est égale à 2 DH. Toutes les fois que l’on vend une unité de produit, il reste 2 Dh pour couvrir les frais fixes puis ensuite, le cas échéant, pour générer du profit. Contribution unitaire = 2 Recette unitaire = 10 Dh Coût variable = 8 Cu (contribution unitaire) = RU (recette unitaire) – CV (coût variable) La contribution s’exprime en contribution unitaire ou contribution totale, en valeur absolue ou en pourcentage de la recette. 9 Si la contribution est nulle, cela signifie qu’on vend au coût variable, si la contribution est négative, cela veut dire que les pertes varient en proportion directe du volume d’affaires réalisé. B- Calcul du point mort) Le point mort est le niveau d’activité pour lequel l’entreprise équilibre son exploitation. On exprime le point mort en quantité à vendre, en chiffre d’affaires à réaliser ou en mois d’activités. Le point mort est atteint lorsque les recettes couvrent les coûts variables et l’ensemble des frais fixes ; cela revient à dire qu’au point mort, la contribution totale est égale à la somme des frais fixes. On calcule donc le point mort en divisant le total des frais fixes par la contribution unitaire. Dans l’exemple précédent, elle était égale à 2 Dh ; si la somme des frais fixes est de 200.000 Dh, il faudra : FF/Cu = 200.000/2 = 100.000 unités = Point mort. Supposons que l’on envisage une autre stratégie avec une campagne de publicité supplémentaire valant 100.000 Dh, le point mort passe à : 200.000 + 100.000/2 = 150.000 unités. La méthode du point mort et de la contribution ne donne pas directement le prix qu’il faut choisir, mais elle est très utile car elle permet d’estimer, pour chaque hypothèse de prix, les quantités ou la part de marché qu’il faut atteindre pour ne pas perdre de l’argent. 3) Tarification au coût marginal Une application particulière des méthodes de fixation du prix fondées sur les coûts consiste à vendre le produit, à certains clients, à un prix égal (ou légèrement supérieur) à son coût marginal, c'est-à-dire à son coût variable direct unitaire. Cette pratique, appelée parfois yield management, est surtout fréquente dans le secteur des services : compagnie aérienne, hôtellerie, etc. Une telle décision peut se justifier dans les cas où : - d’une part, l’entreprise a une capacité de production excédentaire par rapport à ses ventes actuelles ; - d’autre part, le fait de vendre le produit au coût marginal à certains clients n’empêchera pas de le vendre aux autres clients à un prix supérieur, incluant une marge raisonnable. Exemple : un brasseur dispose d’une capacité de production de 5 millions d’hl. Il vend millions d’hl sous ses propres marques, à un prix moyen de 80 Euros l’hl. Il dispose donc d’une capacité de production inemployée de 1 million d’hl. La structure de ses coûts est la suivante : - Coûts variables directs à l’hl (ou coût marginal) : 4O Euros - Coûts variables indirects à l’hl : 20 Euros - Coûts fixes : 50.000 Euros 10 Supposant qu’une chaîne de distribution importante, désireuse à vendre de la bière sous sa propre marque d’enseigne, vienne demander à ce brasseur de lui vendre 300.000 hl dans des bouteilles portant cette marque, au prix de 50 Euros l’hl (légèrement au dessous du coût marginal). En termes strictement économiques, le producteur peut avoir intérêt à accepter cette proposition. En effet, la production de 300.000 hl supplémentaires n’augmentera pratiquement pas ses coûts fixes ni l’ensemble de ses coûts variables indirects, à raison de 300.000 hl * 40 Euros = 12 millions d’Euros, alors que ses recettes supplémentaires seront de 300.000 hl * 50 Euros = 15 millions d’Euros. Cette opération lui rapporterait donc un supplément de profit de 3 millions d’Euros. Elle présente, en contrepartie, un risque non négligeable pour le brasseur, celui de faire baisser les ventes qu’il réalise sous ses propres marques. En effet, la chaîne de distribution, qui aurait payé 50 euros l’hl la bière qu’elle vend sous sa marque d’enseigne, pourra la revendre aux consommateurs à un prix très inférieur à celui des marques du brasseur, ce qui représentera pour ces marques une concurrence redoutable. Il est clair que la tarification au coût marginal ne peut être pratiquée que d’une manière exceptionnelle. Si, en effet, une entreprise vendait la totalité, ou même une proportion importante de sa production au coût marginal, elle serait dans l’incapacité de couvrir l’ensemble de ses coûts fixes. §.2) La fixation des prix à partir de la concurrence 1) Principe de la démarche La deuxième approche souvent pratiquée par les entreprises pour fixer le prix de leurs produits consiste à se référer essentiellement aux prix des produits concurrents. Elle peut prendre deux formes principales : 1.1) L’alignement sur le prix des produits concurrents Sur certains marchés banalisés, où l’élasticité de la demande au prix est très forte, les entreprises choisissent souvent de vendre leurs produits au même prix que leurs principaux concurrents, ce prix étant appelé le prix de marché. 1.2) La détermination d’un écart de prix optimal par rapport aux concurrents Dans une deuxième variante, la démarche consiste non pas de s’aligner sur les prix des produits concurrents, mais à estimer quel est l’écart optimal à établir par rapport à eux, compte tenu des caractéristiques du produit qu’on vend et de la position qu’il occupe sur le marché. Dans certains cas, lorsque le produits qu’on vend est d’une qualité supérieure à celle des concurrents, ou encore lorsqu’il jouit d’une notoriété et d’une image meilleure, il s’agira d’estimer quel est le supplément de prix maximal que l’on peut demander aux clients compte tenu de ces avantages. 11 §.3) La fixation des prix à partir de la demande Cette fixation s'appuie sur l'analyse des attitudes des clients potentiels à l'égard du prix. Elle consiste à se demander quel est le prix jugé normal ou acceptable par le plus grand nombre de clients potentiels pour le produit considéré. On a recours à des études qualitatives et quantitatives sur les prix d'acceptabilité. Cette méthode est tout à fait conforme à l'esprit marketing, qui privilégie l'adaptation du produit aux attentes du client. Mais utilisée seule, elle présente deux défauts majeurs : - Les moyens dont on dispose pour mesurer l'acceptabilité des prix par les clients potentiels et pour estimer l'élasticité de la demande par rapport au prix sont loin d'être parfaitement fiables ; - La fixation des prix ne saurait s'appuyer seulement sur la connaissance de la clientèle. Elle doit tenir compte aussi des objectifs de l'entreprise et de ses contraintes, notamment en ce qui concerne la structure de ses coûts. D'où le recours à une méthode synthétique de fixation du prix. §.4) La démarche synthétique prenant en compte l'ensemble des facteurs pertinents Elle comporte quatre étapes principales: - Formulation est pondération des objectifs ; - Définition d'une fourchette de prix possibles à partir des principales contraintes ; - Construction et évaluation de plusieurs scénarios de prix à l'intérieur de la fourchette ; - Ajustement final : les prix psychologiques. 1) Formulation et pondération des objectifs On a vu que la politique de prix doit tenir compte de trois types d'objectifs : - Des objectifs d'image, consistent à exprimer le positionnement du produit ; - Des objectifs de volume (nombre d'unités vendu, chiffre d'affaires ou part de marché) ; - Des objectifs de rentabilité (marge brute, contribution, profit,…) ; - Des objectifs de gamme (accroître les ventes d'autres produits de la gamme) ; Ces objectifs doivent être clairement formulés et hiérarchisés. L'un d'entre eux sera retenu comme prioritaire. 2) Définition d'une fourchette de prix possibles à partir des principales contraintes 12 Quatre catégories de contraintes interviennent dans la détermination de cette fourchette : - Contraintes des coûts ; - Contraintes de la concurrence ; - Contraintes d'acceptabilité par les clients potentiels ; - Contraintes d'harmonisation internationale (s'il y a lieu). 3) Construction et évaluation de plusieurs scénarios à l'intérieur de la fourchette La méthode utilisée pour choisir un prix optimal à l'intérieur de la fourchette consiste à envisager un petit nombre de prix possibles et à construire pour chacun de ces prix, un scénario de ses effets possibles. Chaque scénario comporte deux volets principaux : - Une prévision des ventes (et de la part de marché) correspondant au prix considéré (méthode d'enquête ou de test ou évaluations subjectives) ; - Un compte d'exploitation prévisionnelle sur plusieurs années, correspondant au volume des ventes prévu. Choisir le scénario qui correspond le mieux aux objectifs. 4) Ajustement final, les prix psychologiques Après fixation d'un prix qui paraissant optimal, les producteurs et plus particulièrement les distributeurs, peuvent être amenés à l'ajuster marginalement pour le rendre plus attractif, aux yeux des acheteurs. Cette pratique qu'on appelle celle des prix psychologiques, consiste en général à réduire très légèrement le prix "rond" qu'on a choisi, pour faire diminuer d'une unité le chiffre des dizaines, des centaines ou des milliers. 13