Risque de complications ischémiques et sur-utilisation de triptans ou d'ergotamine Par Christian Lucas (CHRU de Lille) Article commenté : Risk of ischemic complications related to the intensity of triptan and ergotamine use Wammes-van der Heijden EA, Rahimtoola H, Leufkens HG, Tijssen CC, Egberts AC Neurology 2006 ; 67 : 1128-1134 La tolérance vasculaire des triptans est un sujet récurrent au moment de la prescription de cette classe médicamenteuse avec en filigrane l’arrière pensée d’une dangerosité potentielle. Certains cas d’infarctus du myocarde, d’infarctus cérébraux et d’infarctus mésentériques ayant en effet été décrits. Aussi, les auteurs néerlandais ont réalisé une étude cas-témoins rétrospective à partir de la banque de données PHARMO (incluant l’ensemble des patients des Pays-Bas), afin d'évaluer le risque de complications ischémiques secondaires à la prise exagérée (supérieure ou égale à 90 jours dans l'année précédant la complication ischémique) de triptans ou d'ergotamine. Tous les patients ayant eu une complication ischémique (pathologie coronaire, syndrome de Raynaud, ischémie cérébrale, infarctus mésentérique, gangrène) et plus d’une prescription de triptans ou de dérivés ergotés dans l’année précédant l’événement vasculaire ont été identifiés. Parmi 17.439 individus qui ont reçu plus d’une prescription de triptans ou d'ergotamine, 446 patients (2,6%) avaient été hospitalisés pour un événement ischémique. Certains patients ont été exclus de l’analyse : ceux qui avaient utilisé des anti-migraineux après l’événement ischémique (et pas avant) et ceux qui étaient anciens utilisateurs (plus d’un an). Au final, 188 patients ont eu un événement ischémique dont 74 patients utilisateurs dans l’année de triptans, 78 en dérivés ergotés, 5 utilisateurs des 2 traitements et 31 nonutilisateurs. Pour chaque patient ayant eu un événement ischémique, 4 témoins (même sexe et même âge +/- 5 ans, originaires de la même zone géographique) ont été appariés, soit 689 témoins. Afin d’éviter les biais de confusion, les co-variables suivantes ont également été analysées : autre hospitalisation datant de moins de 1 an par rapport à l’événement ischémique, utilisation de benzodiazépines, d’antidépresseurs, d’antidiabétiques, d’antiulcéreux, de traitements de fond de la migraine, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens(AINS) et de traitements hormonaux (oestroprogestatifs et THS). La prise exagérée de triptans n'était pas associée à une augmentation du risque de complication ischémique (OR = 0,96; IC95: 0,49-1,90). La prise excessive de triptans associée à celle de médicament à visée cardiovasculaire n'augmentait pas non plus le risque. En revanche, la prise exagérée d'ergotamine était un facteur de risque de complications ischémiques (OR = 2,55; IC95: 1,22-5,36) et la prise concomitante de médicament à visée cardiovasculaire augmentait ce risque (OR = 8,52; IC95: 2,57-28,2). En conclusion, la prise exagérée de triptans n'augmente pas le risque de complications ischémiques en revanche la prise exagérée d'ergotamine augmente le risque de ces complications, en particulier chez les patients prenant de manière concomitante un médicament à visée cardiovasculaire.