Etre proche en soins palliatifs : expériences des limites et ressources L’ « HÔPITAL MAISON » : ressources et limites face aux difficultés du vivre ensemble Dr V.Chalain – S.Morin – C.Houssin EMSP - PSSL Le Mans 23 Mai 2014 PRESENTATION MEDICALE Homme de 56 ans Néoplasie bronchique primitive composite avec métastases synchrones cérébrales multiples, ganglionnaires médiastinales diagnostiquée en mars 2013. Traitement chimiothérapie et radiothérapie en avril 2013. Progression de la masse tumorale pulmonaire. Réhospitalisation en octobre 2013 pour AEG, dyspnée sur atélectasie pulmonaire dte et conglomérat ganglionnaire tumoral médiastinal. Décision d’une 2ième ligne de chimio en accord avec patient. CONTEXTE SOCIAL Vit à domicile avec son épouse et 2 enfants âgées de 7 et 13 ans. Epouse nourrice agrée à domicile en indisponibilité pour 6 mois. Patient ouvrier dans le bâtiment. 4 enfants d’un premier lit (divorcé) avec lesquels il a peu de contact. Habitat lui permettant de rester au RDC avec lit médicalisé, déambulateur et montauban. LE MAINTIEN A DOMICILE Difficulté du « vivre ensemble » au domicile verbalisé par l’épouse. Envahissement de l’hôpital par le matériel et la maladie. Tensions et disputes au sein du couple secondaires aux difficultés à partager le quotidien familial. La maladie vécue comme une limite à l’expression du potentiel de vie des enfants. CONTEXTE DE LA REHOSPITALISATION Réhospitalisation en octobre 2013 pour AEG, perte d’autonomie, dyspnée en lien avec la progression de la pathologie tumorale. Décision d’une 2ième ligne de chimio. Hospitalisation en SSR après 1ère cure de taxotère® Décision conjointe des époux de ne pas réaliser de RAD afin de préserver les enfants. Mr a convoqué médecins et famille pour annoncer sa décision de ne pas poursuivre la chimio. Inquiétude verbalisée autour d’un RAD en raison de l’arrêt des soins spécifiques. MISE A DISPOSITION DU STUDIO FAMILLE Studio aménagé et équipé au sein du service de SSR à disposition des familles accompagnant leurs proches en fin de vie. Disponibilité pour l’ensemble des services du PSSL sur demande auprès du service de SSR. La famille prenait possession des lieux les mercredis et weekend. RESSOURCES QU’APPORTE LE STUDIO Lieu investi par les proches (affaires personnelles, autonomie, remise des clés). Espace d’intimité en dehors d’une chambre d’hôpital (lieu des devoirs, des jeux, confection du sapin de noël…) Proximité et disponibilité familiale (vivre leur quotidien, école, goûter, devoirs ; adaptabilité des visites en fonction de l’état de santé du patient sans limites liés aux horaires ; participation de la famille aux soins quotidiens) Apaisant et rassurant pour *les soignants : Rencontre un « idéal soignant ». Renvoi à ses propres projections vis à vis des enfants, de respect du quotidien et de proximité réelle en terme de lieu. Adaptation en temps réel des demandes du quotidien. *la famille : Temps et espace d’échanges entre la famille et les soignants. Me se sentait soutenue et entourée. Rassurée par le quotidien vécu à l’hôpital, madame s’autorisait à le quitter en sécurité. Me se sentait utile dans l’accompagnement des soins. Accompagnement des enfants auprès de leur père parfois inquiets de le voir dormir. Mr continue à vivre son rôle de père (bisous du soir, confection du sapin de noël, participation aux devoirs scolaires…) LIMITES DE CET IDEAL « No limit » de la famille qui a investi le lieu comme un lieu de vie oubliant le lieu « hôpital » (Réclame lait et jus d’orange, demande à faire garder ses enfants pendant une course) Fonction d’illusion du domicile : Le partage du lieu et de l’intimité entraine confusion des rôles et des espaces. Limites du lieu hôpital : Minimum de tenue et d’attitude, de respect du lieu vis-à-vis des autres patients, isolement des enfants (activités extrascolaires, amis…) Après l’excitation initiale des enfants à dormir et vivre à l’hôpital, est apparue une lassitude et une désillusion (contraintes de lieu, vision des autres patients dont la porte est ouverte et anxiété face à l’altération de l’état général du patient) Limites des soignants *Surinvestissement auprès du patient et de ses proches au détriment des autres patients (sentiment d’iniquité vis-à-vis des autres patients avec culpabilité) *Sentiment d’être envahi émotionnellement et affectivement par la présence des enfants qui se font de plus en plus proches (tutoiement, questions intimes…) *Autorisation de Me à interpeller les soignants à l’envie avec l’obligation que se font les soignants de répondre aux demandes. *Limites des espaces de transmissions et d’échanges entre les soignants de par la présence permanente de l’épouse. Sentiment de perte d’intimité des soignants. CONCLUSION Ce dossier nous révèle, malgré le désir initial du patient d’une prise en charge à domicile, comme le souhaitent 70% des patients en fin de vie selon le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, des limites du vivre ensemble avec la maladie. Les contraintes liées aux soins, à la présence de matériel hospitalier au sein du lieu de vie, l’asthénie et l’impatience du patient vis-à-vis du quotidien des enfants qui souhaitent vivre « normalement » ont été sources d’incompréhensions et de tension au sein de la famille. Difficulté à vivre les exigences parfois légitimes du patient, responsable d’épuisement de l’aidant qui ne pouvait se résoudre à limiter le potentiel de vie des enfants. L’hospitalisation avec mise à disposition du studio des familles a permis de créer un erztast de vie familiale. Après « l’hôpital » à la maison, la « maison » est entrée à l’hôpital… Cette proximité familiale répond initialement à « l’idéal soignant » en terme de disponibilité et remplit la fonction de semblant de la maison pour la famille. Cependant l’illusion du domicile crée la confusion des rôles et des espaces. Au cours de ce travail nous avons réalisé n’avoir évoqué essentiellement que la situation des proches et des soignants. Quel en a été le vécu du patient ? Comment ne pas oublier le patient qui reste notre priorité dans nos prises en charge ? La présence permanente des proches ne nous a-t-elle pas envahie au point d’en oublier la réalité du patient ? Quelle était l’adhésion réelle du patient dans cette proximité ? Il nous semble essentiel d’avoir l’adhésion du patient dans cette proposition du studio famille et de nous centrer sur le vécu du patient afin que la présence des proches et le vivre ensemble soit une réelle ressource et lui permette de vivre des moments comblés de sens.