Modélisation cognitive
(Frédéric Alexandre, Nancy)
L’intelligence artificielle est le domaine
qui étudie comment faire faire par une
machine des tâches dans lesquelles,
aujourd’hui, l’homme est encore le
meilleur. Deux grands courants de pensée
s’intéressent à la modélisation cognitive :
l’approche symbolique, ou experte, et
l’approche connexionniste, encore appe-
lée numérique ou statistique. L’approche
symbolique décrit explicitement les phé-
nomènes cognitifs à partir de connais-
sances que l’on peut obtenir des différents
domaines des sciences cognitives. Elle
intègre ainsi les données de la logique, de
la psychologie cognitive ou de la linguis-
tique. Dans son acception la plus récente,
elle concerne les techniques qui permet-
tent de résoudre des problèmes exponen-
tiellement ardus en temps polynomial en
exploitant la connaissance du domaine :
l’homme est en effet un “satisfaiseur” plu-
tôt qu’un “optimiseur”. L’intérêt de l’ap-
proche symbolique est qu’elle est for-
melle, structurée, extensible et explicable.
Toutefois, elle ne manque pas d’inconvé-
nients : restent ainsi posées les questions
de sa cohérence, de savoir si elle permet
vraiment l’approche du monde réel, et de
comment définir l’expertise. L’approche
connexionniste essaie de construire des
modèles numériques à partir de l’obser-
vation des phénomènes cognitifs. Cela
renvoie, par exemple, aux statistiques ou
aux réseaux de neurones artificiels. Il est
important de garder à l’esprit que le neu-
rone artificiel est une métaphore : c’est
une petite unité de calcul numérique, avec
des entrées et des sorties. Son activation
est transmissible, et il peut donc activer
d’autres neurones. Le neurone a des facul-
tés adaptatives, ce qui est obtenu en modi-
fiant son “poids”. La modification du
poids du neurone artificiel, soit l’appren-
tissage, peut se faire selon deux modali-
tés : une modalité d’inspiration biologique
ou neuronale et une modalité d’inspiration
mathématique. Selon l’apprentissage neu-
ronal (loi de Hebb), deux neurones sont
reliés et leurs poids sont modifiés par acti-
vation pré- et postsynaptique. Une appli-
cation en est, par exemple, le “perceptron”,
capable d’apprentissage supervisé par cor-
rection d’erreurs. Selon l’apprentissage
mathématique, il y a minimisation d’une
fonction de coût mesurant la distance entre
le comportement observé et le comporte-
ment souhaité, que ce comportement sou-
haité le soit implicitement ou explicite-
ment. Tant avec l’apprentissage neuronal
qu’avec l’apprentissage statistique, on
cherche à extraire des invariants. Parmi les
chercheurs en intelligence artificielle, le
débat symbolique/connexionniste reste
ouvert. On s’intéresse toujours à un trai-
tement de l’information numérique, dis-
tribué et adaptatif. Mais le problème de
l’ancrage et de l’émergence reste posé
pour les neurones artificiels. Par
ailleurs, l’approche symbolique est fon-
dée sur les connaissances, alors que l’ap-
proche connexionniste l’est sur les don-
nées. Il s’agit de qualités différentes,
indispensables toutes les deux, et l’ave-
nir semble être promis à l’intégration
neurosymbolique.
Linguistique
(Stéphane Robert, Paris –
Jean-Luc Nespoulos, Toulouse)
Le langage est une faculté émergente (non
innée, non autonome), relevant de méca-
nismes cognitifs généraux, relié à l’expé-
rience perceptuelle et sensorimotrice. Le
langage est fondamentalement sémiolo-
gique, puisque le sens et les fonctions
communicatives en déterminent les struc-
tures. Par ailleurs, la syntaxe participe du
système symbolique général, et les caté-
gories grammaticales ont une significa-
tion. Enfin, les catégories linguistiques
sont des systèmes non statiques qui sui-
vent une dynamique de construction. Le
modèle de linguistique cognitive doit être
psychologiquement plausible et compa-
tible avec les théories des neurosciences
cognitives concernant le fonctionnement
du cerveau en général. Si, dans certaines
disciplines, le développement des sciences
cognitives a donné naissance à un champ
spécifique (comme les neurosciences
cognitives ou la psychologie cognitive), il
n'en va pas de même pour la linguistique.
Au sein de cette discipline, plusieurs cou-
rants théoriques se réclament d'approches
“cognitives” de la langue, qui divergent
sur la façon d'articuler le verbal et le
conceptuel, ou d’aborder la question des
universaux linguistiques face à la diversité
des langues. Toutefois, le traitement du
langage fait l’objet de nombreuses études
en sciences cognitives (en neurosciences,
en psychologie, en informatique), qui
s’appuient de façon plus ou moins expli-
cite sur des concepts empruntés à la lin-
guistique. Dans le domaine de la patholo-
gie du langage, trois disciplines se
trouvent ainsi impliquées : la linguistique,
la psycholinguistique et la neuropsycho-
linguistique. La linguistique spécifie les
propriétés structurales de telle ou telle
langue naturelle à chacun de ses niveaux
d’organisation : phonologique, morpholo-
gique, syntaxique. La psycholinguistique
a pour objectif de caractériser les proces-
sus cognitifs présidant au traitement des
structures linguistiques par l’esprit humain
et, si possible, en temps réel. On s’inté-
resse aux processus cognitifs mis en œuvre
dans la production du langage ainsi que
dans sa compréhension, à l’oral comme à
l’écrit. La neuropsycholinguistique, quant
à elle, tente de “réconcilier le corps et l’es-
prit” (le cerveau), dans un effort d’identi-
fication des structures cérébrales ou
réseaux neuronaux mobilisés lors du trai-
tement cognitif de telle ou telle compo-
sante de l’architecture fonctionnelle du
langage. En étudiant le fonctionnement du
langage perturbé de certains patients,
comme des cérébrolésés, l’approche neuro-
psycholinguistique va tenter d’échafauder
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