Biologie au quotidien Ann Biol Clin 2013 ; 71 (2) : 199-202 Association maladie de Kaposi et immunoglobuline monoclonale : un nouveau cas Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Association of Kaposi’s disease-immunoglobulin monoclonal: a new case Laila Benchekroun1,2 Zohra Ouzzif2 Mounya Bouabdillah1,2 Nouzha Jaouhar1 Fatiha Aoufir1 Farida Aoufi1 Abdellah Benslimane1 Layachi Chabraoui1,2 1 Laboratoire central de biochimie, Centre hospitalier universitaire, Rabat Salé, Maroc 2 Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, Maroc <[email protected]> doi:10.1684/abc.2013.0793 Article reçu le 23 mai 2012, accepté le 15 octobre 2012 Résumé. La maladie de Kaposi, tumeur viro-induite, est une maladie cutanéomuqueuse, générée par l’infection par le virus HHV8 de la famille des gamma-herpesviridae. Ce virus est impliqué dans plusieurs pathologies lymphoïdes. Son rôle dans la genèse de la prolifération plasmocytaire au cours des gammapathies monoclonales est très discuté, et les résultats sont contradictoires. La survenue de maladie de Kaposi au cours du myélome multiple a été décrite dans la littérature. À travers cette observation, nous rapportons le premier cas associé à une gammapathie monoclonale et ayant évolué depuis 3 ans chez un sujet VIH négatif et discutons l’implication du virus HHV8 dans l’apparition de l’immunoglobuline monoclonale. Mots clés : maladie de Kaposi, gammapathie monoclonale, myélome multiple, herpès virus humain de type 8 Abstract. Kaposi disease, a tumor virus-induced, is a cutaneomucosis disease, generated by the virus infection HHV 8 of the gamma-Herpesviridae family. This virus is involved in several lymphoid pathologies. Its role in the plasma cell proliferation genesis during monoclonal gammopathy is discussed, and results are contradictory. The occurrence of Kaposi disease during multiple myeloma was described in the literature. Through this observation, we report the first case associated with monoclonal gammopathy, evolved for 3 years by HIV negative patient, and we discuss the involvement of HHV8 virus in the development of monoclonal immunoglobulin. Key words: Kaposi’s disease, monoclonal gammopathy, multiple myeloma, human herpes virus type 8 La maladie de Kaposi (MK) est une tumeur viro-induite due à l’infection par le virus HHV8 de la famille des gamma herpes viridae. Ce virus est connu comme étant impliqué dans plusieurs pathologies lymphoïdes. Il jouerait, en effet, un rôle dans la genèse de la prolifération plasmocytaire. La survenue de MK au cours du myélome multiple a été décrite dans la littérature. Néanmoins, la survenue d’une gammapathie monoclonale au cours d’une MK n’a jamais été rapportée. Dans le présent travail, nous discuterons le cas d’un patient VIH négatif suivi pour une maladie de Kaposi chez qui on a découvert fortuitement une gammapathie monoclonale à IgG . L’observation Monsieur H.M. âgé de 70 ans, originaire du Nord-Ouest du Maroc est admis dans le service de dermatologie en octobre 2009 pour des lésions maculeuses, érythémateuses, violacées, apparues il y a 3 ans au niveau des jambes, et atteignant par la suite les autres parties du corps. Le patient présentait par ailleurs des lésions nodulaires au niveau des deux jambes, des cuisses, du bas de l’abdomen, des bras et avant-bras. Ces lésions bilatérales ne disparaissaient pas à la vitropression et prenaient un aspect ecchymotique, hémorragique ou pigmenté. L’examen clinique ne montrait pas d’atteinte des muqueuses ni d’adénopathie. Le diagnostic Pour citer cet article : Benchekroun L, Ouzzif Z, Bouabdillah M, Jaouhar N, Aoufir F, Aoufi F, Benslimane A, Chabraoui L. Association maladie de Kaposi et immunoglobuline monoclonale : un nouveau cas. Ann Biol Clin 2013 ; 71(2) : 199-202 doi:10.1684/abc.2013.0793 199 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Biologie au quotidien Au vu de ces résultats, une biopsie médullaire a été pratiquée et a montré une moelle osseuse de morphologie subnormale avec infiltration plasmocytaire manifeste. de la maladie de Kaposi a été évoqué et confirmé par l’analyse anatomopathologique d’une biopsie ayant montré l’association d’une prolifération de cellules fusiformes groupées en faisceaux et en amas et une prolifération vasculaire. Le bilan biologique à l’admission a donné : sérologies des hépatites B et C et du VIH négatives, anémie à 100 g/L normocytaire normochrome arégénérative, CRP à 4 mg/L, VS accélérée avoisinant 60 mm à la première heure, protides totaux chiffré à 76 g/L, sans anomalie de la fonction rénale, hépatique et du bilan lipidique. L’électrophorèse des protéines sériques a montré une diminution de l’albumine (52 %), une augmentation des ␣ 2- et des ␥ globulines (10 % et 25 % respectivement) avec présence d’un pic d’allure monoclonale (figure 1). L’immunofixation avec un sérum pentavalent a montré la présence d’une gammapathie monoclonale IgG de type (figure 2). Discussion La MK est une maladie cutanéomuqueuse qui atteint principalement les personnes âgées de souche méditerranéenne, les populations d’Afrique équatoriale et les personnes infectées par le VIH. Il s’agit d’une prolifération de cellules fusiformes dont le caractère cancéreux est encore incomplètement élucidé [1]. La MK fait partie des tumeurs induites par un virus, l’infection du sujet porteur d’un virus de la famille des herpesviridae, le HHV8, étant nécessaire à la genèse de la maladie [1, 2]. En 1994, Change a détecté par PCR des séquences d’ADN apparentées au HHV8 dans les lésions Antériorité Albumine Protides totaux = 76,0 Alpha 1 Alpha 2 Beta 1 g/L Beta 2 Gamma A/G = 1,11 Fraction % g/L Normes % g/L Albumine 38-46 52,5 39,9 57-65 Alpha 1 2,6 2,0 1-4 1-2 Alpha 2 10,0 7,6 6-10 5,8-11 Beta 1 6,6 5,0 6-8 4-6 Beta 2 3,6 2,7 2-4 1,5-3 24,7 18,8 12-19 5-15 Gamma Commentaires : Présence d'une bande mince d'aspect monoclonal migrant en position gamma ; demander une Immunofixation et Ie bilan complémentaire adapté s'il s'agit d'une première découverte, Figure 1. Protéinogramme montrant le pic d’allure monoclonale dans la zone des gammaglobulines. 200 Ann Biol Clin, vol. 71, n◦ 2, mars-avril 2013 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Maladie de Kaposi et immunoglobuline monoclonale de Kaposi. La sérologie est positive dans quasiment 100 % des cas quelle que soit la forme de la maladie (liée au VIH, à une immunodépression, forme africaine, forme méditerranéenne). La séroconversion précédant les lésions de Kaposi est de 33 mois en moyenne [3]. Le HHV8 est connu comme étant impliqué dans plusieurs pathologies lymphoïdes. Il a d’abord été décrit comme étant associé à la maladie de Castleman multicentrique (100 % des cas chez le sujet VIH et 50 % des cas chez le sujet non VIH), aux lymphomes qui lui sont associés et aux lymphomes primitifs des séreuses cavitaires ou extracavitaires (100 % des cas) [4, 5]. L’association Kaposi – affection hématologique est connue. La MK précède l’hémopathie dans 15 % des cas, apparaît simultanément dans 36 % des cas et postérieurement dans 46 % des cas [6]. Le rôle du HHV8 dans la genèse et la prolifération des cellules plasmocytaires malignes au cours du myélome multiple est discuté. Rettig a mis en évidence par PCR la présence d’ADN viral dans les cultures de cellules stromales de la moelle osseuse chez 15/15 sujets atteints de myélome multiple (MM), 2/8 sujets présentant une gammapathie monoclonale de signification indéterminée et chez 0/26 sujets témoins. La même technique était négative sur les cellules mononucléées de l’ensemble de ces patients dont la moelle avait été recueillie par aspiration [7]. Said a mis en évidence la présence du génome de HHV8 par technique d’hybridation in situ dans les biopsies ostéomédullaires de 17/20 patients atteints de myélome multiple [8]. Par ailleurs, le HHV8 présente, au sein de son génome, différents oncogènes et facteurs de croissance dont la majorité code pour des protéines fonctionnelles dont une protéine analogue de l’IL-6, qui constitue un facteur de prolifération tumorale dans le myélome multiple [9, 10]. Pour toutes ces raisons, il a été incriminé dans le développement de la gammapathie monoclonale. Ces résultats n’ont cependant pas été retrouvés par Masood sur les cellules stromales médullaires de 5 patients atteints de myélome multiple (MM) [11]. Cathomas n’a pas mis en évidence d’ADN viral par PCR dans 17 biopsies ostéomédullaires après fixation par le formol et inclusion en paraffine [12], alors que les résultats obtenus par Brousset étaient positifs dans 18/20 cas dans le même type d’étude [13]. La plupart des études sérologiques n’ont pas pu mettre en évidence l’augmentation de la prévalence de l’infection à HHV8 dans les populations atteintes de MM par rapport à la population générale [11, 12, 14, 15]. En revanche, Gao a montré la présence d’anticorps anti –HHV8 intéressant la région ORF 65 dans le sérum de 81 % de sujets atteints de MM contre 22 % de sujets atteints d’autres cancers et 6 % de sujets sains [16]. Ann Biol Clin, vol. 71, n◦ 2, mars-avril 2013 HYDRAGEL 1 IF ELP G A M K L Sebia Figure 2. L’immunofixation des protéines sériques montrant la présence d’une immunoglobuline monoclonale Ig G . La divergence de ces résultats pourrait être liée à l’utilisation d’un seul antigène HHV8 ou au déficit immunitaire retrouvé chez ces patients [17]. En 1998, Le Gars a publié le cas d’une MK se développant chez une femme de 75 ans, VIH négative, souffrant de MM. La sérologie HHV8 et la recherche de particules virales par PCR dans les lésions de la MK étaient positives, alors que la recherche de l’ADN viral par PCR sur biopsie ostéomédullaire était négative [18]. En 2000, un autre cas d’association maladie de Kaposi – myélome multiple a été rapporté par Cohen, se développant chez une femme de 88 ans, VIH négative, suivie pour un MM et dont la sérologie du HHV8 ainsi que la recherche du HHV8 par PCR dans le plasma et le culot lymphocytaire étaient négatives [6]. L’association MK et gammapathie monoclonale est donc une association exceptionnelle. Le rôle du HHV8 dans la physiopathologie du MM est encore discuté. L’existence de résultats contradictoires pourrait être liée à la diversité des types de prélèvement ou des techniques utilisées. Nous avons rapporté à notre connaissance, le 18e cas de cette association, et le premier cas de survenue de gammapathie monoclonale au cours d’une MK. Le HHV8 rencontré 201 Biologie au quotidien dans la MK qui s’est développé depuis 3 ans chez notre patient serait fort probablement à l’origine de l’apparition de l’immunoglobuline monoclonale. 9. Moore PS, Boshof C, Weiss R, Change Y. Molecular mimicry of human cytokine and cytokine respobse pathway genes by KSHV. Science 1996 ; 274 : 1739. Liens d’intérêts : 10. Suarez F, Gessain A, Oksenhendler E, Hermine O. Herpèsvirus humain 8 (HHV8) et pathologies lymphoïdes. Hématologie 1997 ; 3 : 52838. aucun. Références 11. Masood R, Zheng T, Tulpule A, Arora N, Chatlynne L, Handy M, et al. 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