Herpès virus humain de type 8 (HHV8) Le virus HHV8, aussi appelé précédemment KSHV (pour Kaposi’s sarcoma associated herpes virus), a été identifié en 1994 par une technique d’amplification différentielle à partir de cellules de lésion de sarcome de Kaposi associé au sida. C’est le premier herpès virus à avoir été identifié par biologie moléculaire, les 7 autres ayant été isolés par culture cellulaire. Agent viral HHV8 est un virus de la famille des Herpesviridae, de la sous-famille des Gammaherpesvirinae, et du genre Rhadinovirus. C’est le seul rhadinovirus connu chez l’homme. Tous les autres virus de cette sous-famille des Gammaherpesvirinae, dont le virus d’Epstein-Barr fait partie, sont responsables de tumeurs chez leur hôte naturel. Ce virion a une taille de 110 à 150 nm. Il est enveloppé et possède une capside de symétrie icosaédrique. Le génome est constitué d’une molécule d’ADN bicaténaire d’environ 170 kb composée d’une longue région unique de 140 kb contenant près de 90 gènes, encadrée de séquences terminales répétées. Quinze de ces gènes ne possèdent aucune homologie avec ceux d’autres herpès virus. Ils ont été nommés de K1 à K15. La variabilité du génome permet de différencier 5 sous-types viraux : les sous-types A et C prédominent en Europe du Sud et dans le Bassin méditerranéen, le sous-type B est présent en Afrique subsaharienne, le sous-type D se rencontre dans les îles du Pacifique et le Japon et le sous-type E infecte certaines populations des Indiens d’Amérique du Sud. Physiopathologie L’HHV8 est un virus qui se cultive difficilement. Les rares isolats primaires obtenus proviennent de lignées établies à partir de prélèvements de lymphomes des cavités. In vitro, plusieurs équipes ont montré que de nombreuses cellules pouvaient être infectées (cellules endothéliales, kératinocytes) mais la production virale est faible, l’infection latente difficile et la persistance virale ne se faisant qu’à court terme, les cellules infectées ne sont pas transformées ni immortalisées. In vivo, l’HHV8 est présent dans les lymphocytes B, les monocytes, les cellules fusiformes du sarcome de Kaposi et les cellules des lymphomes primitifs des séreuses. Parmi les 90 gènes de l’HHV8, certains codent des protéines requises lors de la réplication et l’assemblage des parti- cules virales, d’autres codent pour des protéines dont le rôle est de moduler la réponse immunitaire, l’apoptose et la croissance cellulaire. Comme tous les herpès virus, l’HHV8 est latent dans la majorité des cellules qu’il infecte. Il est capable de réactivation avec passage en phase de réplication lytique, libération de particules virales et lyse cellulaire. Alors que les gènes de latence sont exprimés dans la majorité des cellules tumorales et dans les cellules fusiformes, seul un faible pourcentage exprime les gènes de réplication lytique. Cette présence à bas bruit suggère l’importance du produit de ces gènes dans la physiologie des maladies tumorales. Épidémiologie L’infection par HHV8 n’est pas ubiquitaire. Dans la population adulte, la séroprévalence est de moins de 5 % dans les pays occidentaux (États-Unis, Europe du Nord) et en Asie du Sud-Est. Elle augmente de 10 à 20 % dans les pays du Bassin méditerranéen (Italie, Grèce), en Amérique du Sud et en Afrique de l’Ouest, et dépasse 50 % dans certaines régions d’Afrique de l’Est et de l’Afrique centrale. En Europe du Nord et en Amérique du Nord, HHV8 est transmis préférentiellement par voie sexuelle. En France, les IgG sont présentes chez 3,2 % des donneurs de sang mais chez 29 % des sujets à risque sexuel non infectés par le VIH et 60 % des sujets à risque sexuel infectés par le VIH. En revanche, en Afrique, en zone de forte endémie, la séroprévalence est très élevée dans l’enfance, après l’âge de 2 ans, évoquant une transmission horizontale de l’HHV8 de la mère à l’enfant ou d’enfant à enfant au sein de la même fratrie, par contacts rapprochés ou partage d’ustensiles domestiques plutôt qu’une transmission verticale lors de l’accouchement ou de l’allaitement. La salive serait une voie de transmission possible. Des cas d’infection à HHV8 ont été décrits après transfusion sanguine ou après transplantation d’organes à partir de donneur infecté par ce virus. Clinique HHV8 est responsable de trois maladies : • la maladie (ou sarcome) de Kaposi (MK), qui existe sous quatre formes. Dans tous les cas, il s’agit de tumeurs cutanées multiples liées à la prolifération de cellules d’origine endothéliale. Elle s’accompagne d’une néo-angiogenèse, d’un œdème tissulaire et d’une infiltration lymphoplasmocytaire. La MK méditerranéenne, dite « classique », atteint surtout les hommes âgés (sex-ratio 10/1) du sud de l’Europe, d’Israël et du Moyen-Orient. La MK endémique atteint enfants et adultes en Afrique équatoriale avec un sex-ratio de 3/1. La MK post-transplant est rencontrée chez les greffés de rein recevant un traitement immunosuppresseur de longue durée. La dernière forme, dite « épidémique », la plus répandue actuellement, s’observe chez les patients infectés par le VIH. Il s’agit de formes disséminées avec des lésions multifocales et une atteinte viscérale. Elle représente le premier cancer chez les sidéens. Le génome viral est détecté dans 100 % des tumeurs de MK, quel qu’en soit le type, et dans 50 à 70 % des cas dans les lymphocytes du sang périphérique de ces mêmes patients ; • la maladie de Castleman (MC) multicentrique du patient infecté par le VIH. La MC est une affection lymphoproliférative rare, à forme hyalino-vasculaire ou plasmocytaire, qui peut se présenter sous une forme localisée (mésentérique ou médiastinale) plutôt chez le sujet jeune, ou sous une forme multicentrique, rencontrée après 60 ans ou au cours du sida. Elle associe alors adénopathies multiples, splénomégalie, hépatomégalie et importante altération de l’état général. L’association à une MK est fréquente. HHV8 est retrouvé dans 100 % des MC multicentriques associées au sida, mais moins fréquemment dans les autres cas ; • les lymphomes B des séreuses ou PEL (primary effusion lymphoma) atteignant les cavités (plèvre, péricarde, péritoine) sont presque toujours associés au sida. Le génome d’HHV8 est présent dans 100 % des cas dans les cellules lymphomateuses, très fréquemment associé à celui d’EBV (70 %). Le rôle d’HHV8 a été évoqué dans d’autres pathologies (certaines hémopathies ou tumeurs vasculaires) mais n’a pas été confirmé ou reste sujet à controverse. Traitement Le traitement du sarcome de Kaposi classique ou endémique est essentiellement local : excision chirurgicale, cryothérapie, radiothérapie ou chimiothérapie intralésionnelle. Dans les formes épidémiques, la prise d’un traitement antirétroviral (HAART) entraîne une régres- sion des lésions. Pour les formes post-transplant, une modification du traitement immunosuppresseur est discutée. Les traitements anti-herpétiques (cidofovir, foscarnet et ganciclovir) ont une action in vitro mais ne sont pas actuellement préconisés en routine. Diagnostic biologique — Diagnostic direct • Il n’existe pas de méthode d’isolement viral en routine. • Le diagnostic de l’infection par HHV8 repose sur la détection directe du génome viral par PCR dans une lésion suspecte de MK, de MC ou de PEL, ou dans les lymphocytes du sang circulant. • Plus récemment ont été décrites des techniques de PCR en temps réel quantitatives qui permettent de mesurer la charge virale en ADN HHV8 dans les lymphocytes circulants. La cinétique de cette charge virale permettrait un meilleur suivi des pathologies liées à HHV8 et de l’effet des traitements. — Diagnostic indirect La détection d’IgG anti-HHV8 sériques en immunofluorescence indirecte sur cellules infectées (technique de référence) ou en Elisa permet de vérifier la séropositivité vis-à-vis du virus. Les meilleures techniques détectent des anticorps spécifiques dirigés contre des antigènes de latence. Elles sont positives chez 100 % des sarcomes de Kaposi classiques ou endémiques et chez plus de 90 % des formes épidémiques. ( Gessain A. Herpèsvirus humain 8. Aspects virologiques, cliniques et épidémiologiques. EMC – Maladies Infectieuses 2005 ; 8-070-B-20, 11 p. Marcelin AG, Dupin N, Calvez V. Herpèsvirus humain 8. In : Huraux JM, Nicolas JC, Agut H, Peigne-Lafeuille H. Virologie médicale. Paris : Estem, 2003 ; pp. 237-245. Martinez V, Dupin N. Virus herpès humain 8 et maladie de Kaposi au cours de l’infection par le VIH : interactions et impact des traitements antirétroviraux. Lettre de l’Infectiologue 2006 ; 20 : 44-48.