ment en cours. Les principaux modes de
contamination sont cependant le mode
intrafamilial, notamment dans les popu-
lations à forte séroprévalence, et le mode
sexuel. La transmission par les dérivés du
sang semble rare dans les conditions
actuelles de transfusion en Occident (3).
Aspect clinique et histologique,
profil évolutif
Le cas clinique choisi illustre bien l’as-
pect clinique de la MK post-transplanta-
tion. En effet, les lésions cutanées exis-
tent dans plus de 90 % des cas, et
permettent en règle le diagnostic. Les
lésions élémentaires sont des macules, des
plaques érythémateuses et violines s’in-
filtrant progressivement. Ces lésions ne
disparaissent pas à la vitropression et
prennent volontiers un aspect ecchymo-
tique, hémorragique ou pigmenté. Peu-
vent s’y associer ou s’observer de façon
isolée des nodules angiomateux de consis-
tance dure ou, plus rarement, des nodules
lymphangiectasiques de consistance mol-
lasse. Un lymphœdème peut accompa-
gner les lésions, voire être au premier
plan. La MK de l’immunodéprimé est
volontiers plus agressive que la MK clas-
sique, avec une atteinte cutanée plus ubi-
quitaire, une atteinte muqueuse et viscé-
rale plus fréquente. Les atteintes
viscérales sont retrouvées dans environ
40 % des cas (7, 8). Elles peuvent être
digestives (lésions le plus souvent révé-
lées par l’endoscopie, se présentant sous
forme de macules érythémateuses plus ou
moins infiltrées), pulmonaires (infiltrats
interstitiels ou nodules), ganglionnaires
et, plus rarement, osseuses, hépatiques ou
spléniques, voire cardiaques. On notera
que le diagnostic histologique des
lésions digestives peut être difficile du fait
de la profondeur de l’infiltrat, ce qui peut
conduire à une sous-estimation de la fré-
quence de ces atteintes. Il peut toutefois
être sensibilisé en réalisant une PCR sur
les lésions (sensibilité de 90 à 100 %).
Enfin,le profil évolutif de la maladie chez
notre patient est celui observé dans la
majorité des cas, avec régression ou
stabilisation de la maladie à la levée de
l’immunosuppression chez 18 patients
sur 20 dans une série récente (9). La
réponse complète est obtenue dans 17 à
81 % des cas s’il existe des lésions pure-
ment cutanées et dans 0 à 50 % des cas en
cas de manifestations viscérales associées
(7-10). Ce cas clinique illustre donc les
difficultés de la prise en charge de cette
maladie chez le transplanté. En effet,
l’élément décisif dans le traitement est
alors la décision de levée progressive de
l’immunosuppression, qui fait courir au
patient le risque d’un rejet, et donc d’un
retour en dialyse. La décision de la baisse
de l’immunosuppression doit tenir
compte, après information du patient, de
plusieurs facteurs comme une localisation
viscérale grave du Kaposi, un retentisse-
ment fonctionnel important des lésions
cutanées ou une évolutivité importante
des lésions. Il est certain que la difficulté
est encore plus grande lorsqu’il s’agit
d’une transplantation hépatique, pulmo-
naire ou cardiaque. L’attitude adoptée
habituellement, mais de façon empirique,
est de diminuer dans un premier temps les
corticoïdes, puis de diminuer ou d’arrêter
l’inhibiteur de synthèse de base purique
(azathioprine ou mycophénolate mofétil),
et enfin, si nécessaire, de diminuer pro-
gressivement les anticalcineurines.
Modalités thérapeutiques
Un traitement antiviral associant ganciclo-
vir et ribavirine a été essayé chez notre
patient. On sait que certains analogues
nucléosidiques tels que ganciclovir, fosca-
vir ou cidofovir inhibent in vitro la répli-
cation du HHV8 dans des lignées de lym-
phomes primitifs des séreuses (11). Ils ont
peut-être un intérêt préventif en clinique
(12), mais leur efficacité in vivo sur des
MK établies n’a pas été démontrée. Cela
est sans doute lié au mécanisme d’action
de ces antiviraux, qui inhibent l’ADN poly-
mérase avec pour cible les cellules infec-
tées par un HHV8 en phase de réplication
lytique. Or, dans la MK, le HHV8 infecte
95 % des cellules sous un mode latent, tan-
dis que moins de 5 % des cellules héber-
gent un virus réactivé, aboutissant à la lyse
cellulaire. L’association à la ribavirine avait
pour intérêt théorique d’inhiber la matura-
tion des ARN messagers viraux et de cibler
ainsi les cellules infectées sur un mode
latent. Si cette association est difficilement
évaluable chez notre patient du fait de la
diminution rapide de l’immunosuppres-
sion, elle n’a pas non plus permis d’obte-
nir une régression de lésions cutanées chez
5patients souffrant de MK classique
(C. Lebbé, Journées dermatologiques de
Paris 2001, communication personnelle).
Les chimiothérapies classiques ont sur-
tout été évaluées dans la MK associée au
VIH, mais elles peuvent avoir un intérêt
dans la MK post-transplantation (13). En
monochimiothérapie, on peut utiliser la
bléomycine, antibiotique antimitotique
utilisé par voie intramusculaire tous
les 15 à 21 jours ou par perfusion intra-
veineuse tous les 15 jours. Elle a pour
avantage une très faible hématotoxicité,
mais présente une toxicité pulmonaire
(dose cumulée) et cutanée. Elle offre de
bons taux de réponse dans les localisa-
tions cutanéo-muqueuses, de l’ordre de
48 à 74 %. On peut également utiliser la
vinblastine (alcaloïde de la pervenche),
qui permet d’obtenir des réponses par-
tielles de l’ordre de 26 % au prix, parfois,
d’une toxicité hématologique et neurolo-
gique (neuropathies périphériques). Elle
s’utilise à 0,1 mg/kg/semaine. La vin-
cristine, un autre alcaloïde de la per-
venche utilisé à 2 mg i.v./semaine,
semble donner de meilleurs résultats
(60 % de réponses partielles), avec une
toxicité hématologique moindre, mais
une toxicité neurologique supérieure.
Enfin, l’étoposide, inhibiteur de la topo-
isomérase II, a permis d’obtenir des
réponses dans 32 à 76 % des cas, avec
notamment des réponses viscérales.
Cependant, il est responsable d’une toxi-
cité hématologique importante, ce qui
n’en fait pas un traitement de première
intention. D’autres monochimiothérapies
telles que les anthracyclines liposomales
(doxorubicine liposomale et daunorubi-
cine liposomale) ou les taxanes ont une
efficacité supérieure, permettant notam-
ment des réponses sur des localisations
viscérales sévères (taux de réponse
estimés à 43-79 % et 60-70 % respecti-
vement). La toxicité hématologique n’est
pas négligeable, surtout sur des patients
déjà immunodéprimés. Ces traitements
peuvent donc avoir un intérêt à court
terme, mais n’ont, en l’absence de levée
parallèle de l’immunodépression, qu’une
efficacité temporaire (13).
Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o2 - juillet-août-septembre 2001
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Observation inattendue