Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 7, septembre 2002 199
Mise au point
Mise au point
comportant plusieurs informations.
Lorsque l’on demande la signification
d’un panneau à un jeune conducteur qui
écoute de la musique, on sollicite son
attention sélective. Les tâches d’évalua-
tion de l’attention sélective mettent en
évidence chez les schizophrènes, par
comparaison à des témoins, un allonge-
ment significatif du temps de réponse
après l’apparition du stimulus, ainsi
qu’un ralentissement moteur.
Les troubles de l’attention sélective
proviendraient selon Tissot (1979), du
défaut de la réaction d’habituation. En
effet, il constate que chez l’hébéphrène
(schizophrène jeune), l’attention sélec-
tive est constamment mobilisée, puisque
tous les stimuli sont considérés comme
nouveaux.
Les tâches attentionnelles habituelle-
ment utilisées dans les bilans cognitifs
des patients schizophrènes sont :
– Le span apprehension test ou le CPT
(continuous performance test)qui sont
des tâches de discrimination dans
lesquelles il s’agit de détecter le plus
rapidement possible un stimulus cible
présenté parmi des stimuli distracteurs
(par exemple, reconnaître un A parmi
d’autres lettres) exposés pendant un
délai très bref.
Dans les épreuves attentionnelles, les
patients souffrant de schizophrénie
présentent des performances défici-
taires, ils ont des difficultés à détecter et
à repérer un signal parmi des distrac-
teurs. Leurs performances témoignent
d’un nombre réduit de bonnes réponses
et d’un nombre élevé de fausses alarmes
(fausses reconnaissances).
– Le Stroop (Stroop, 1935) est une
épreuve qui permet d’évaluer la sensibi-
lité à l’interférence. Les sujets reçoi-
vent, dans cette tâche, la consigne de
nommer la couleur de l’encre de mots
présentés par écrit, comme par exemple,
le mot “vert” écrit en caractères rouges,
qu’ils devront dénommer “rouge”. Pour
répondre correctement, les sujets
devront inhiber la réponse automatique
(la lecture du mot) au profit d’une
réponse contrôlée (la lecture de la
couleur de l’encre), plus coûteuse en
attention. Cette gymnastique exige une
division de l’attention. Les patients
souffrant de schizophrénie ont des
performances très perturbées dans cette
épreuve, ils sont très sensibles à l’inter-
férence (les épreuves automatiques sont
d’avantage préservées car moins
coûteuses en ressources attentionnelles).
– La tâche d’écoute dichotique, qui
consiste en une présentation simultanée
de deux stimuli auditifs différents (par
exemple, deux mots) dans un casque, en
demandant au patient de réagir à un seul
des stimuli. Les patients schizophrènes
ont des difficultés à sélectionner le
signal cible. Dans une épreuve de
double tâche, les patients rencontrent
les mêmes difficultés. Cela peut se
traduire dans la vie quotidienne par des
difficultés à répondre à un interlocuteur
lorsqu’ils sont engagés dans la lecture
d’un livre.
– Les épreuves de masquage posté-
rieur mettent en évidence de faibles
performances chez les schizophrènes.
Dans ce type d’épreuve, un stimulus
cible présenté sur un écran est suivi d’un
masque (une série de croix) brouillant la
cible, ce qui gêne considérablement la
reconnaissance de cette dernière et
augmente le temps d’identification.
En résumé, le déficit observé dans les
épreuves évaluant l’attention sélective
chez les schizophrènes se traduit par une
diminution des capacités de détection
(par exemple traverser la rue au feu
vert), une augmentation des phéno-
mènes d’interférence quand la tâche
requiert le traitement simultané de deux
stimuli (comme lire avec de la musique),
une perturbation des procédures d’in-
hibition (Stroop).
Le déficit attentionnel peut être dû aux
troubles du traitement de l’informa-
tion contextuelle que rencontrent les
patients souffrant de schizophrénie. En
effet, ils ont des difficultés à exploiter
les informations contextuelles, par
exemple dans la reconnaissance d’un
stimulus (11). Se remémorer avoir vu
quelqu’un quelques jours plus tôt en se
rappelant le nom de la personne, son
métier, les circonstances exactes de la
rencontre témoigne des bonnes capa-
cités de remémoration consciente de
l’information contextuelle. Si l’on ne se
rappelle pas de tous les détails, mais
simplement du visage de la personne
(sentiment de familiarité), notre
conduite sera différente, bien plus “défi-
citaire”, témoignant d’un état de
conscience perturbé. Le patient schizo-
phrène est en permanence confronté à ce
type d’état de conscience (12).
L’attention soutenue
L’attention soutenue correspond au fait
de focaliser durablement son attention
sur une seule information. Une des
épreuves permettant d’évaluer cette
fonction attentionnelle est l’épreuve de
barrage (encore appelée épreuve
d’annulation de symboles). Les sujets
doivent biffer le plus d’items cibles en
un temps limité. Le nombre d’items
biffés chez les patients schizophrènes est
diminué, manifestation de leur distracti-
bilité.
Des altérations des fonctions
exécutives…
Les fonctions exécutives entrent en jeu
dans la planification d’une action, leur
atteinte est responsable d’un déficit
comportemental, d’une baisse des effi-
ciences et d’une perte d’autonomie.
– Le WCST (Wisconsin card sorting
test) mesure l’aptitude du sujet à
élaborer et changer d’hypothèses (règles
abstraites). Le sujet doit apparier des
cartes en fonction de trois critères : le
nombre (1, 2, 3 ou 4), la couleur (bleu,
jaune, rouge, vert) et la forme (triangle,
croix, rond, étoile). Il doit proposer une
carte à l’expérimentateur qui indique, en
fonction d’une règle abstraite non
formulée verbalement, si l’appariement
proposé est correct ou pas. Après une
série de réponses, l’examinateur change
la règle, le sujet devant découvrir la
nouvelle règle d’appariement.
Cette épreuve met en jeu plusieurs
opérations cognitives : l’élaboration de
concepts, la capacité à tester une
hypothèse et le changement des règles
du jeu. La mémoire de travail apparaît
comme une condition nécessaire, mais
pas suffisante, à l’exécution correcte de
la tâche.
Chez les patients schizophrènes, on
observe des erreurs persévératives,
c’est-à-dire des difficultés à changer les
règles de classement. Leurs perfor-
mances déficitaires dans cette tâche
reflètent des dysfonctionnements du
lobe frontal.