Schizophrénie Des soins à trois volets Dans le domaine des troubles schizophréniques, on a assisté, au cours de ces dix dernières années, au développement des alternatives à l’hospitalisation. Les soins s’appuient sur un trépied comprenant le traitement médicamenteux, le soutien psychothérapique et le volet social. P our les patients atteints de troubles schizophréniques, sont développées des stratégies thérapeutiques utilisant les neuroleptiques classiques à plus faibles doses ou les nouveaux neuroleptiques atypiques entraînant moins d’effets extrapyramidaux. De plus, il est désormais admis que les soignants, mais aussi les patients et leur famille, ont besoin d’avoir l’accès à des données récentes sur cette maladie, dont la symptomatologie et le pronostic sont variables. Préserver une vie citadine Les personnes atteintes de schizophrénie sont des citoyens qui ont droit à une vie “citadine”, tel était l’un des sujets abordés lors du dernier congrès de l’American Psychiatric Association en mai 2002. Ainsi, afin de lutter contre la stigmatisation qui apparaît comme un obstacle principal à la qualité de vie et à la réintégration des patients schizophrènes, un programme est en cours dans 22 pays. En France, l’emploi du terme “schizophrénie” demeure très abusif et, comme l’a montré une enquête IPSOS pour l’institut Lilly, l’image de cette maladie reste erronée et péjorative auprès du grand public : 48 % des personnes interrogées pensait que les schizophrènes sont des individus dangereux pour autrui, le manque de connaissances étant corrélé aux idées reçues. La schizophrénie est considérée aujourd’hui par l’autorité médicale comme une maladie multifactorielle qui se manifeste par l’organisation altérée de la pen- sée conduisant à la perturbation des sensations, des émotions et des croyances. La symptomatologie positive (hallucinations, excitation, désorganisation) est caractéristique de la phase aiguë de la maladie alors que la symptomatologie négative (retrait social, émoussement affectif ou pauvreté du contact, pensée stéréotypée) est retrouvée dans la phase chronique. Plusieurs formes ont été décrites ainsi que différents tableaux cliniques, rendant assez floues les frontières entre schizophrénies et organisation névrotique. Le pronostic varie d’un patient à l’autre et, en général, les troubles schizo-affectifs ont un meilleur pronostic. Autre constat : la fluctuation du diagnostic. En effet, des troubles schizophréniques peuvent évoluer vers les troubles dépressifs bipolaires (présence d’éléments maniaques tels que l’hyperactivité et l’impulsivité) ou l’inverse. Étant donné qu’il n’existe pas une réponse sûre quant à la fixation définitive du patient dans un type de psychose, le problème de diagnostic devrait être exploré et discuté avec le patient et sa famille. Chez les adolescents, le trouble bipolaire peut revêtir des aspects trompeurs avec prédominance des accès dépressifs et des symptômes de type psychotique (20 à 40 % ont des hallucinations). Selon le consensus belge, en 1999, le diagnostic de schizophrénie ne peut être posé qu’après un temps suffisant pour éviter le danger de stigmatiser la personne, et le surtraitement par des médicaments non anodins. En revanche, il faut être attentif et offrir un suivi psychologique à tout adolescent qui présente des signes inquiétants. La prise en charge des patients schizophrènes repose sur trois moyens thérapeutiques : le traitement médicamenteux, le soutien psychothérapique et l’accompagnement psychosocial. Bref, les patients schizophrènes ont besoin d’être aidé dans la vie de tous les jours par une équipe pluridisciplinaire comprenant le psychiatre, l’infirmière, l’assistante sociale, etc. Le rôle des soignants est d’aider les patients schizophrènes à apprendre à gérer leur maladie, de les convaincre de l’utilité des traitements et du suivi psychothérapeutique régulier, et de la nécessité de maintenir leur santé physique et leurs activités. Il faut toujours prendre en compte la grande vulnérabilité au stress des schizophrènes, leurs déficits d’attention et leurs difficultés à élaborer et suivre un plan d’action. « Les patients schizophrènes ont un handicap psychosocial et réagissent avec une plus grande émotivité à des contrariétés qui ne déstabilisent pas la moyenne des Français. Il est important d’essayer de les aider à résoudre leurs tracasseries et leurs ruminations anxieuses. Lorsque l’on arrive à établir une relation de confiance, ces patients acceptent un suivi régulier », note le Dr Alain Bottéro (Paris). Reste le problème de l’insuffisance des structures d’accueil, qui a été récemment mis en avant par l’UNAFAM (Union nationale des amis et des familles de malades mentaux). Des progrès thérapeutiques Le traitement antipsychotique de longue durée vise à prévenir les rechutes. Tous les neuroleptiques agissent en bloquant la transmission synaptique des neurones ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002 13 Schizophrénie ●●● dopaminergiques (actuellement, on soupçonne aussi le dysfonctionnement d’autres neuromédiateurs) dans le cortex préfrontal. Comme ces médicaments interagissent avec le système dopaminergique impliqué dans diverses fonctions, ils entraînent de ce fait des effets secondaires : dystonie aiguë, akathisie (sentiment d’agitation permanente), syndrome parkinsonien (tremblement, ralentissement moteur), troubles thymiques et cognitifs (qui sont difficiles à distinguer de la maladie). Il a été suggéré que le blocage chronique des récepteurs dopaminergiques D2 pourrait avoir un impact négatif sur la mémoire de travail (la pensée, la compréhension) et être responsable de l’effet dépressogène des neuroleptiques (humeur dépressive, sentiments de culpabilité). Quant aux effets secondaires du traitement neuroleptique à plus long cours, les dyskinésies tardives, ils peuvent être irréversibles. Pour diminuer ce risque, certains auteurs sont favorables au traitement discontinu avec une bonne surveillance afin de pouvoir contrôler très rapidement une rechute. D’autres auteurs préconisent un traitement permanent à la lumière des études selon lesquelles il y aurait un risque de rechute dans 75 % des cas au cours de la première année après l’arrêt du traitement. En se fondant sur plusieurs consensus, le Dr Botter résume : XXIVes Journées nationales de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM) 14 « Dans le cas d’un épisode psychotique unique, un traitement neuroleptique d’un an et la rémission stable sont requis pour pouvoir arrêter le traitement. Si plusieurs épisodes surviennent, le traitement est prolongé mais cela ne veut pas dire pour la vie. Il est important de prendre en charge les symptômes de l’anxiété et les troubles thymiques ». Vers une meilleure tolérance Les stratégies thérapeutiques se sont modifiées par l’emploi des neuroleptiques classiques à plus faible dose (laquelle s’est avérée efficace chez la majorité des patients), et par le recours en première intention aux neuroleptiques dits atypiques (amisulpride, rispéridone, olanzapine, quétiapine), dont le point commun est leur meilleure tolérance neurologique. En outre, ils seraient plus efficaces sur la symptomatologie négative et induiraient moins de manifestations dépressives par rapport aux neuroleptiques classiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils soient anodins, car le risque de dyskinésies tardives est de 4 % à un an (50 % à 7 ans), sans oublier le problème du poids et des troubles lipidiques et métaboliques. En ce qui concerne l’hospitalisation, à l’heure actuelle, de nombreux psychiatres estiment qu’elle peut être évitée grâce à un traitement en ambulatoire. Et lorsqu’elle est indispensable, dans le cas de patients très agi- tés et refusant des soins, elle devrait être le moins traumatisante possible. L’épisode aigu En effet, il est capital de préserver l’alliance thérapeutique ultérieure entre patients et soignants. Le fait d’être hospitalisé dans un service d’urgence psychiatrique contre sa volonté, de recevoir un traitement entraînant une dystonie aiguë, voire d’être contraint physiquement (rappelons que la contention ne devrait être utilisée qu’exceptionnellement et pour une durée limitée) ne fait qu’augmenter la détresse du patient, qui peut garder en mémoire un souvenir traumatique pendant des années. Le traitement de l’épisode aigu repose sur les neuroleptiques intramusculaires classiques. Toutefois, le corps médical aura bientôt à sa disposition une forme injectable de l’olanzapine qui a montré moins de sédation (la continuation du dialogue reste possible), de dystonie aiguë et d’un allongement de l’intervalle QTc. D’ores et déjà, l’olanzapine est disponible sous une forme liquide qui se dissout quasi instantanément dans la bouche, ce qui se traduit par une diminution des efforts que les infirmiers doivent fournir pour administrer le traitement et par la certitude que celui-ci est bien pris et sa posologie respectée. Ludmila Couturier Cancer du sein et qualité de vie Montpellier, 13-15 novembre 2002 Renseignements : Alpha Visa Congrès, 624, rue des Grèzes, 34040 Montpellier Tél. : 04 67 03 03 00 - Fax : 04 67 45 57 97 E-mail : [email protected] Professions Santé Infirmier Infirmière - No 39 - août-septembre 2002