Rôle de la neuropsychologue dans le soutien et le conseil aux aidants de personnes atteintes de troubles cognitifs E. VERRECKT Neuropsychologue CHU Dinant-Godinne Plan général Mon proche souffre de troubles cognitifs… S’adapter aux troubles cognitifs de son proche? Les symptômes en mémoire Les symptômes exécutifs et comportementaux Les fonctions cognitives de l’aidant Les variables qui interfèrent sur le fonctionnement cognitif lorsqu’on ne souffre pas de problèmes neurologiques (AVC, maladie neuro-dégénérative, …) Le rôle du stress : présentation d’une étude Le cercle vicieux et facteurs de protection Conclusions : pourquoi et comment? Les troubles cognitifs : brefs rappels Ce qui altère le fonctionnement cognitif : De manière provisoire : La fatigue Le stress La dépression Une mauvaise hygiène de vie (sédentarité, alimentation, toxiques dont alcool, …) Les maladie psychiatriques (? Mais peu de données sur l’aspect définitif ou non?) Maladies aigües … Ce qui altère le fonctionnement cognitif : De manière définitive : • • • • AVC Trauma crânien Tumeurs dépend de la localisation de la lésion Les maladies neuro-dégénératives (surtout corticales): • Maladie d’Alzheimer • Démence à Corps de Lewy • Démences fronto-temporales • Démences vasculaires • … Ce qui altère le fonctionnement cognitif : aspect souvent définitif des troubles cognitifs, voire évolutivité dans le cadre des maladies neurodégénérative . Grande hétérogénéité en fonction des étiologies, de l’évolutivité mais aussi du fonctionnement de base, de l’environnement, …. stratégies d’adaptations, conseils très variés et à évaluer au CAS PAR CAS! Complémentarité indispensable avec les autres disciplines (psychologue, aspects médicaux, kiné/mobilité, ergo, dimension sociale, …) Conseils et adaptations aux troubles cognitifs Mais quelle(s) mémoire(s)??? La mémoire n’est pas une entité homogène, elle est constituée de plusieurs systèmes et sous-systèmes indépendants Mémoire à Court terme ou Mémoire de travail (au moment même) Poubelle Mémoires à long terme Mémoire épisodique Mémoire sémantique = Mémoire procédurale = = « je me souviens d’un événement précis » « je récupère une connaissance générale » « je sais faire » Mémoire de travail/ à court terme : Sensibilité à l’interférence plus importante (téléphone, pensées intrusives, craintes d’oublier, …) Fatigue mentale plus rapide (vous avez l’impression que le moindre effort mental vous fatigue) plus de temps plus de ressources pour effectuer un travail mental (ex. calculer, comprendre un texte) Difficultés à gérer les interruptions pendant une activité, plus de mal à gérer plusieurs sources d’informations à la fois (lors des conversations avec plusieurs personnes, lire avec du bruit alentour, par exemple) Difficultés à maintenir une information en mémoire le temps de réaliser la tâche (je sais que j’allais dans la cuisine, mais pourquoi?) Ce qui l’aide : Inviter à faire des pauses, ralentir le rythme Faire une chose à la fois, prendre le temps nécessaire éliminer les interférences : discuter dans un endroit calme (éviter les endroits bruyants et avec beaucoup de passage), inviter la personne à se centrer sur la conversation , recentrer son attention (si des pensées intrusives apparaissent) Les troubles en mémoire à long terme La mémoire épisodique : • • • • • Détails de conversations (à qui je l’ai dit? L’ai-je déjà raconté?) Les RDV et choses à faire Tâches déjà accomplies (ai-je sorti la viande? Il n’y a plus de sucre racheter, Qu’ai-je fait le WE dernier?...) … en Ce qui l’aide : • • • • • • • • • Prendre note +++ (triple encodage en mémoire) Fonctionner avec un agenda/ calendrier S’organiser, rendre le rangement intuitif et fonctionnel, classement optimal des documents Rendre visibles les choses à faire, à ne pas oublier (grand tableau dans la cuisine où accrocher les mots, les infos, les choses à penser, …) Gommettes et étiquettes (tiroirs, fardes, étagères, …) Rappels avec GSM Privilégier les routines!!! Cfr. plus bas Attention : la mémoire n’est pas un muscle : aucune utilité des jeux, quizz sensés « travailler la mémoire » marketing … Les troubles en mémoire à long terme La mémoire sémantique : Collabore avec la mémoire épisodique pour les apprentissage répétés : à force d’être confrontée à l’utilisation du GSM et qu’on m’en parle, j’en connais de mieux en mieux les concepts. • • Certains concepts se détériorent alors qu’on continue d’y être confrontés (une horloge a une ou 2 aiguilles? Il prend le lave-vaisselle pour le four… Elle a voulu ranger ses vêtements dans les armoires à vaisselle… Il a rangé le GSM dans le frigo…) Le langage devient difficile à comprendre car on ne comprend plus à quoi certains mots font référence (on parle de l’hôpital et elle comprend maison de repos) Ce qui l’aide : • • • • • La lecture S’intéresser au monde environnant, chercher à étoffer ses connaissances générales, se confronter régulièrement aux mêmes concepts Approfondir ses connaissances dans des domaines de prédilection (couture, bricolage, peinture, …) Favoriser le langage et donc les échanges … Les troubles en mémoire à long terme • • • Mémoire procédurale : TRES résistante !!! La mémoire procédurale conserve et acquiert les habiletés manuelles apprises de manière répétée et dont l’utilisation devient automatique, inconsciente. Il s’agit surtout d’habiletés gestuelles/manuelles (rouler à vélo, lacer ses chaussures, …) Va soutenir potentiellement les autres mémoires (à force de répétition) Ce qui l’aide : les routines/habitudes!!! • • • • Activités régulières aux mêmes horaires (donne aussi des repères dans le temps) Utilisation des mêmes objets : réveil à remontoir, plaques de cuisson, … Réalisation d’activités en respectant les mêmes étapes, même chronologie (je me lave au lavabo, puis me brosse les dents et ensuite je descends déjeuner) … Les troubles des fonctions exécutives et changements dans le caractère Les fonctions exécutives : permettent l’adaptation aux différentes situations (non routinières) de vie quotidienne Inhiber les comportements automatiques (je tente de ne pas m’énerver alors que cela fait 1h que j’attend) Planifier les étapes d’action (je prévois de partir 2h à l’avance vu le trafic à cette heure) Passer d’une tâche à l’autre Générer des idées (varier les menus de la semaine p ex) Prendre des initiatives Envisager différentes solutions … Les troubles des fonctions exécutives et changements dans le caractère Ce qui va aider : Proposer des solutions/idées, des listes de choix possibles (choisir un menu dans une liste, exposer différentes solutions par écrit) Initier les activités (maintenant il est l’heure de mettre la table) Tenir un agenda/calendrier reprenant les activités prévues et les tâches annexes (RDV à 9h se préparer à 7h) Fiches de procédures reprenant les étapes d’une action précise (faire le café, utiliser un GSM, …) Irritabilité : laisser un peu de temps, changer de pièce puis discuter une fois la « tempête » passée. Surtout : garder son calme Persévérations : amener délicatement un autre sujet, encourager à changer de thème ou d’activité. Attention qu’apporter trop d’arguments et/ou trop négocier pourrait avoir l’effet inverse et renforcer le comportement persévératif (p.ex. persévération sur le grignotage retirer du champ de vision avec des explications mais brèves) Le fonctionnement cognitif de l’aidant Influence de différents facteurs sur le fonctionnement cognitif : Stress Fatigue Anxiété – dépression « dé-socialisation » et « dé-stimulation » Santé physique …. Stress chronique Ce que dit la littérature : altère les processus mnésiques sous-tendus par les structures hippocampiques. On peut alors observer des troubles de l’apprentissage et du stockage en mémoire à long terme (Vitaliano et al., McEwen et al.) Stress chronique augmentation récurrente des taux de glucocorticoïdes Hippocampe = consommateur de glucocorticoïdes pertes neuronales en cas d’exposition élevée récurrente troubles mnésiques Altère les capacités attentionnelles et en mémoire de travail (mise à jour, capacités de charge, notamment; Schoofs et al., Lupien et al.) Les aidants, le stress et les fonctions cognitives Étude de Vitaliano et al. (psychology and aging, 2005) : Aidants proches de patients DTA versus non aidants Mesures cognitives (échelles verbale et de raisonnement), psychophysiologiques (glucose, pression sanguine, insuline), BMI, médicales, psychosociales (dépression, anxiété, épuisement, …) Montrent : Stress chronique déclin à la tâche de vocabulaire (hypothèse de la neurotoxicité du cortisol) Impact majeur du rôle d’aidant proche sur le déclin cognitif (ici une tâche vocabulaire), influence des médiateurs physiologiques Attention aux cercles vicieux caregiving : « en faire le + possible » Isolement social « pour en faire + » Fatigue Stress Déclin cognitif Facteurs de protection des fonctions cognitives de l’aidant? Selon plusieurs études (dont une review de Fratiglioni et al, The Lancet, 2004) : 3 facteurs Réseau social : importance des liens et contacts sociaux, support social, engagement social, … Activité mentale/cognitive : stimulation mentale mais aussi activités de loisirs qui font appel à divers réseaux neuronaux/cérébraux Activité physique : aspects d’irrigation, oxygénation, santé globale Influencent positivement la réserve cognitive et permettent donc d’optimaliser le fonctionnement cognitif global inscription dans un cercle « positif » versus cercle « vicieux » Conclusions Nécessité de s’adapter aux troubles cognitifs et à leur implication en terme d’autonomie (mémoire, comportement, gestion des tâches quotidiennes) : S’adapter au rythme de la personne Une information à la fois Passage +++ par la prise de notes et les repères écrits Adapter l’environnement Favoriser les routines : habitudes, repères temporels, activités régulières et répétitives Garder son calme Incitation au maintien d’activités, stimuler les initiatives Aides externes comme : listes de choix, fiches de procédures, calendrier, gommettes et étiquettes …. Conclusions Nécessité de préserver son propre fonctionnement cognitif, en tant qu’aidant proche: Pourquoi? Des variables (autres que purement neurologiques) interfèrent sur le fonctionnement cognitif telles le stress, la fatigue, la dépression, … Apparition de cercles vicieux qui peuvent être à l’origine d’épuisement Nécessité de « tenir le coup » sur le long terme compte tenu de l’aspect souvent évolutif des troubles cognitifs de la personne aidée Comment? Par le biais de facteurs de « protection », notamment: Réseau social (dont déléguer certaines tâches à des professionnels) Activités mentales et de loisir Activités physiques Merci de votre attention