Chapitre 19

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Chapitre 19
Espaces vectoriels de dimension finie
K désigne R ou C.
1
Familles remarquables finies
Soient E et F des K-ev.
1.1
Familles génératrices finies
On rappelle la définition suivante :
Définition :
Soit n ≥ 1. Une famille (x1 , . . . , xn ) d’éléments de E est dite génératrice de E
ssi E = Vect(x1 , . . . , xn )
ssi ∀x ∈ E, ∃(λ1 , . . . , λn ) ∈ K n , x =
n
X
λ i xi
i=1
Exemples :
¶ ((1, 0), (0, 1)) est une famille génératrice de R2 car :
∀(x, y) ∈ R2 , (x, y) = x(1, 0) + y(0, 1)
((1, 0), (1, 1)) en est une autre car :
∀(x, y) ∈ R2 , (x, y) = (x − y)(1, 0) + y(1, 1)
Remarque : Il n’y a donc pas unicité de la notion de famille génératrice.
· ((0, 1)) n’est pas une famille génératrice de R2 car
il existe au moins un vecteur (x, y) de R2 qui ne lui soit pas colinéaire. Par exemple (1, 0).
¸ Dans C vu comme R-ev, (1, i)
est une famille génératrice de C car :
∀z ∈ C, ∃(a, b) ∈ R2 , z = a.1 + b.i
¹ ((1, 0), (0, 1), (1, 1)) est une autre famille génératrice de R2 car :
∀(x, y) ∈ R2 , (x, y) = x(1, 0) + y(0, 1) = x(1, 0) + y(0, 1) + 0(1, 1)
= 0(1, 0) + (y − x)(0, 1) + x(1, 1)
= (x − 1)(1, 0) + (y − 1)(0, 1) + 1(1, 1)
Remarque : il n’y a pas forcément unicité de la décomposition.
1
º Soit n ∈ N. La famille (1, X, . . . , X n )
polynômes de degré ≤ n
est une famille génératrice de Kn [X] (espace des
) car
∀P ∈ Kn [X], ∃(a0 , . . . , an ) ∈ K n+1 , P =
n
X
ak X k
k=0
Remarques :
G L’ordre des xi dans la famille (x1 , . . . , xn ) n’a pas d’importance.
G Soit L une famille d’éléments de E.
– Si l’on rajoute des éléments à L, la famille obtenue est appelée sur-famille.
– Si l’on enlève des éléments à L, la famille obtenue est appelée sous-famille.
G Dans un Vect / dans une famille génératrice, on peut multiplier les xi par des scalaires non nuls.
Par exemple, pour deux vecteurs x1 , x2 :
Vect(x1 , x2 ) = Vect(3x1 , −2x2 )
G Si y est combinaison linéaire des vecteurs x1 , . . . , xn alors
Vect(x1 , . . . , xn , y) = Vect(x1 , . . . , xn )
Par exemple, Vect((1, 0), (0, 1), (1, 1)) = Vect((1, 0), (0, 1)) car (1, 1) = (1, 0) + (0, 1)
Proposition :
d’une famille génératrice de E est encore une famille génératrice de E.
Toute sur-famille
1.2
Familles libres
Définition :
Soit n ≥ 1. Soit (x1 , . . . , xn ) une famille de vecteurs de E.
G On dit que la famille (x1 , . . . , xn ) est dite libre (ou les vecteurs x1 , . . . , xn sont dits linéairement
indépendants) ssi
∀(λ1 , . . . , λn ) ∈ K n ,
n
X
λi xi = 0E =⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n}, λi = 0
i=1
G Dans le cas contraire, on dit que la famille est liée :
il existe une famille (λ1 , . . . , λn ) de scalaires non tous nuls tels que
n
X
i=1
« il existe une combinaison linéaire nulle non triviale »
2
λi xi = 0E
Remarques :
G L’ordre des xi n’a aucune importance.
G  Ne pas confondre NON TOUS NULS et TOUS NON NULS.
λ1 , . . . , λn non tous nuls ⇐⇒ ∃i ∈ {1, . . . , n}, λi 6= 0
⇐⇒ (λ1 , . . . , λn ) 6= 0K n
Corollaire :
Une famille est liée ssi
l’un au moins des vecteurs est combinaison linéaire des autres
Exemples :
¶ Dans C vu comme R-ev, (1, i)
est une famille libre car :
Soit (a, b) ∈ R2 . On suppose a + ib = 0.
Alors a = b = 0 par unicité de la partie réelle et imaginaire d’un complexe.
· De même, on montre que la famille ((1, 0), (0, 1)) est une famille libre de R2 .
¸ La famille ((1, 0), (0, 1), (1, 1)) est une famille liée car
(1, 1) = (1, 0) + (0, 1) ce qui s’écrit aussi 1(1, 0) + 1(0, 1) − 1(1, 1) = (0, 0) et (1, 1, −1) 6= (0, 0, 0)
¹ Soit n ∈ N. La famille (1, X, . . . , X n )
est une famille libre de Kn [X] car :
Soit (λ0 , . . . , λn ) ∈ K n+1 .
On suppose λ0 1 + λ1 X + · · · + λn X n = 0K[X] .
Alors ∀i ∈ {0, . . . , n}, λi = 0 par unicité d’écriture d’un polynôme selon les X i .
º Cas d’une famille à un seul vecteur.
Soit x ∈ E. x est libre ssi x 6= 0E .
. Démonstration 1
» Dans R3 , montrer que la famille (u, v, w) où u = (1, 2, 3), v = (4, 1, 1), w = (−10, 1, 3) est liée.
. Démonstration 2
¼ Dans F(R, R), montrer que la famille (f, g, h) est libre avec
f : x 7→ x + 3
g : x 7→ ex
h : x 7→ x2
. Démonstration 3
½ La famille cos2 , sin2 , x 7→ cos(2x) est-elle libre dans F(R, R) ?
. Démonstration 4
Proposition :
Soient x et y deux vecteurs de E.
la famille (x, y) est liée ⇐⇒ les vecteurs x et y sont colinéaires
⇐⇒ ∃λ ∈ K, x = λy ou y = λx
3
Corollaire :
Une famille de DEUX vecteurs est libre ssi les deux vecteurs ne sont pas colinéaires.
Proposition :
Soit L une famille de vecteurs de E. Soit L0 une sous-famille de L.
G L est libre
=⇒ L0 est libre
Ce qui peut se dire : Toute sous-famille d’une famille libre est libre.
G L0 est liée
=⇒ L est liée
Ce qui peut se dire : Toute sur-famille d’une famille liée est liée.
Remarques :
G Ainsi, une famille libre ne peut contenir ni 0E , ni deux vecteurs égaux, ni deux vecteurs colinéaires.
G IMPORTANT : Pour une famille de n vecteurs (x1 , . . . , xn ) avec n ≥ 3, on a :
deux vecteurs de la famille sont colinéaires =⇒ la famille est liée
mais la réciproque est fausse.
Contre-exemple : soient, dans R3 , u = (1, 2, 1), v = (3, 0, 2), w = u + v = (4, 2, 3)
La famille (u, v, w) est liée et il n’y a aucun couple de deux vecteurs colinéaires.
Définition :
Soit n ∈ N∗ . Une famille (P1 , . . . , Pn ) de polynômes de K[X] est dite de degrés echelonnés (ou
échelonnée en degrés) ssi
deg P1 < deg P1 < · · · < deg Pn
Proposition :
Toute famille finie de polynômes non nuls de K[X] échelonnée en degrés est libre.
. Démonstration 5
Remarque :
La réciproque est fausse. Proposez un contre-exemple.
Les 2 polynômes X 2 − 1 et X 2 + 1 ne sont pas colinéaires donc forment une famille libre à deux
éléments.
Et ils ont même degré.
Le résultat suivant permet d’agrandir une famille libre en conservant la liberté.
Proposition :
Soit (x1 , . . . , xn ) une famille libre d’éléments de E. Soit u ∈ E.
Si u ∈
/ Vect(x1 , . . . , xn )
alors (x1 , . . . , xn , u) est libre.
. Démonstration 6
4
Proposition :
Soit q ≥ 2, 1 ≤ k ≤ q − 1.
Si (e1 , . . . , ek , ek+1 , . . . , eq ) est une famille libre d’un K-ev E alors
Vect(e1 , . . . , ek ) et Vect(ek+1 , . . . , eq ) sont en somme directe.
Cela signifie : Vect(e1 , . . . , ek ) ∩ Vect(ek+1 , . . . , en ) = {0E }
1.3
Bases finies
Définition :
Soit n ≥ 1. Une famille (e1 , . . . , en ) d’éléments de E est une base de E ssi
c’est une famille libre et génératrice de E.
Remarque :
Si l’on change de place les éléments ei dans une base (e1 , . . . , en ) de E, la famille reste une base de E.
Exemples :
¶ Dans C vu comme R-ev, (1, i)
est une base de C.
· Dans R2 , ((1, 0), (0, 1)) est une base de R2 .
La famille (1, 0), (1, 1))
est aussi une base de R2 car elle est génératrice (vue précédem-
ment) et libre (car c’est une famille de 2 vecteurs non colinéaires
).
Remarque : Il n’y a pas unicité de la notion de base d’un espace vectoriel E. Plus précisément,
s’il existe une base (e1 , . . . , en ) de E alors il y en a une infinité car (λ1 e1 , . . . , λn en ) avec les
scalaires λi tous non nuls, est aussi une base de E
¸ Dans K n , on pose : e1 = (1, 0, . . . , 0), e2 = (0, 1, 0, . . . , 0), . . . , en = (0, . . . , 0, 1)
(e1 , . . . , en ) est une base de K n appelée base canonique de K n .
Proposition et définition :
Soit n ≥ 1. Une famille (e1 , . . . , en ) d’éléments de E est une base de E ssi
n
∀x ∈ E, ∃!(λ1 , . . . , λn ) ∈ K , x =
n
X
λi xi
i=1
Les coefficients λ1 , . . . , λn sont appelés coordonnées de x dans la base (e1 , . . . , en )
. Démonstration 7
Remarque :
Quand on explicite les coordonnées dans une base, l’ordre des vecteurs a une importance.
Exemples :
¶ Soit n ∈ N. La famille (1, X, . . . , X n )
est une base de Kn [X] appelée base canonique
de Kn [X]. Les coordonnées d’un polynôme dans cette base correspondent aux coefficients de ce
polynôme, ordonnés selon les puissances croissantes.
· Les coordonnées d’un vecteur (x, y) de R2 dans la base canonique de R2 sont x et y
(x, y) = x(1, 0) + y(0, 1)
5
car
Remarque : Ici, le vecteur se confond avec la liste de ses coordonnées. C’est aussi valable dans
K n lorsque l’on travaille avec la base canonique.
 C’est un cas très particulier. En général, un vecteur ne se confond pas avec la liste de ses
coordonnées dans une base.
Par exemple, le polynôme P = 1 + 3X − 5X 3 a pour coordonnées dans la base canonique de
R3 [X] : (1, 3, 0, −5)
.
Ici, le polynôme ne se confond pas à la liste de ses coordonnées.
¸ La famille ((1, 0), (1, 1)) est aussi une base de R2 . Les coordonnées d’un vecteur (x, y) de R2 dans
cette base sont : (x − y, y)
car (x, y) = (x − y)(1, 0) + y(1, 1)
Exercices :
¶ Dans R2 , on note (e1 , e2 ) la base canonique de R2 .
On pose : ε1 = (2, −3), ε2 = (−1, 4).
Montrer que la famille (ε1 , ε2 ) est une base de R2 .
Déterminer les coordonnées de u = (−2, 1) dans la base (ε1 , ε2 ).
. Démonstration 8
· Déterminer une base de M2 (R).
. Démonstration 9
Proposition :
Soit n et p des entiers ≥ 1.
On note, pour tout (i, j) ∈ [[1, n]] × [[1, p]], Ei,j la matrice de Mn,p (K)
dont tous les coefficients sont nuls sauf celui d’indice (i, j) qui vaut 1.
Alors, la famille (Ei,j )1≤i≤n est une base de Mn,p (K) appelée base canonique de Mn,p (K).
1≤j≤p
Remarque :
Les coordonnées d’une matrice de Mn,p (K) dans la base canonique sont tout simplement les coefficients
de cette matrice.
1.4
Applications linéaires et bases
Proposition :
Soit f ∈ L(E, F ). On suppose E muni d’une base (e1 , . . . , en ).
G Im f = Vect(f (e1 ), . . . , f (en ))
G f est surjective ssi la famille (f (e1 ), . . . , f (en )) est une famille génératrice de F .
G f est injective ssi la famille (f (e1 ), . . . , f (en )) est une famille libre de F .
. Démonstration 10
Remarque : TRÈS IMPORTANT
Bien retenir que Im f est engendré par l’image d’une base de l’espace de départ.
6
Corollaire : Caractérisation des isomorphismes par les bases
Soit f ∈ L(E, F ). On suppose E muni d’une base (e1 , . . . , en ) (n ≥ 1).
f est bijective ssi la famille (f (e1 ), . . . , f (en )) est une base de F .
Remarque :
Les deux implications contenues dans l’équivalence sont très utiles :
– Si l’image d’une base de E est une base de F par f linéaire alors f est un isomorphisme de E sur F .
– Les isomorphismes conservent les bases : l’image, par un isomorphisme, d’une base de l’espace de
départ est une base de l’espace d’arrivée.
On s’intéresse maintenant au mode de définition d’une application linéaire.
G Première méthode : celle que l’on a déjà rencontrée.
Soit, par exemple, l’application linéaire de R2 dans R3 telle que :
∀(x, y) ∈ R2 , f (x, y) = (2x + 3y, 5x + 4y, 2x)
On dit que l’on a donné l’expression analytique de f .
G Deuxième méthode : La nouvelle, grâce aux bases.
Par exemple, pour connaître une application linéaire f de R2 dans R3 , il suffit de connaître
l’image d’une base.
Vérifions cela sur un exemple (le théorème qui suit établira le résultat de manière générale).
• Supposons que f : R2 → R3 vérifie :
(∗) : f est linéaire, f (1, 0) = (3, 4, 5)
et f (0, 1) = (0, −1, 2)
Est-ce suffisant pour connaître complètement f ?
∀(x, y) ∈ R2 ,
f (x, y) = f (x(1, 0) + y(0, 1))
= xf (1, 0) + yf (0, 1)
par linéarité de f
= x(3, 4, 5) + y(0, −1, 2)
= (3x, 4x − y, 5x + 2y)
On vient de prouver que si f vérifie (∗) alors f est unique.
• Réciproquement, la fonction
(x, y) 7→ (3x, 4x − y, 5x + 2y)
est une application linéaire de R2 dans R3 vérifiant : f (1, 0) = (3, 4, 5), f (0, 1) = (0, −1, 2)
Finalement, il existe une et une seule application vérifiant (∗)
Énonçons le résultat général.
7
Théorème :
On suppose E muni d’une base (e1 , . . . , en ) (n ≥ 1).
Soit (ε1 , . . . , εn ) une famille quelconque d’éléments de F . Alors,
∃!f ∈ L(E, F ), ∀i ∈ {1, . . . , n}, f (ei ) = εi
Ainsi,
une application linéaire est entièrement caractérisée par l’image d’une base de l’espace de départ.
Exemple :
On suppose E muni d’une base (e1 , . . . , en ). Soient f et g deux applications linéaires de E dans F .
f = g ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n}, f (ei ) = g(ei )
f = 0L(E,F ) ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n}, f (ei ) = 0F
Remarque :
Il existe un troisième mode de définition d’une application linéaire : on utilise ici deux sev supplémentaires E1 et E2 de E.
Soit f1 ∈ L(E1 , F ) et f2 ∈ L(E2 , F ).
Soit x ∈ E. ∃!(x1 , x2 ) ∈ E1 × E2 , x = x1 + x2
On pose alors f (x) = f1 (x1 ) + f2 (x2 )
On démontre que f est bien linéaire de E dans F .
Si x ∈ E1 alors f (x) = f1 (x) et si x ∈ E2 alors f (x) = f2 (x)
Donc f1 est la restriction de f à E1 et f2 est la restriction de f à E2 .
2
2.1
Dimension d’un espace vectoriel
Introduction
1
, ch, sh .
Dans E = F(R, R), on considère le sev F = Vect exp, exp
1
La famille exp,
, ch, sh est une famille génératrice de F .
exp
1
1
En revanche, cette famille est liée
car, par exemple, ch = exp +
2
2
1
1 1
On a aussi, par ailleurs, sh = exp −
2 2 exp
1
Ceci prouve, F = Vect exp,
exp
1
La famille exp,
est donc une famille génératrice de F .
exp
De plus, cette famille est libre. En effet, soit (a, b) ∈ R2 . On suppose a exp +b
1
= 0.
exp
Alors, ∀x ∈ R, a exp(x) + b exp(−x) = 0
En prenant x= 0, on a: a + b = 0. En prenant x = 1, on a : ae + be−1 = 0. D’où a = b = 0.
1
Finalement, exp,
est une base de F .
exp
8
Remarque :
On aurait aussi pu montrer que F = Vect(ch, sh)
et que (ch, sh) est une base de F .
On remarque, sur cet exemple :
G La famille génératrice de départ n’était pas libre. On a pu « effacer » des vecteurs pour obtenir
une base. Précisément, on a extrait une base de la famille génératrice initiale.
G La manière de procéder n’est pas unique. On pouvait obtenir une autre base, toujours extraite
de la famille génératrice.
G Les deux bases obtenues partagent le même nombre de vecteurs.
On va maintenant généraliser ces résultats.
2.2
Définition de la notion de dimension finie
Définition :
Soit E un K-ev. On dit que E est de dimension finie ssi
E possède au moins une famille génératrice finie.
Dans le cas contraire, on dit que E est de dimension infinie.
Exemple :
Soit n ∈ N. Alors Rn [X] est de dimension finie car (1, X, . . . , X n ) est une famille génératrice finie de
Rn [X]
Montrer, en revanche, que R[X] est de dimension infinie.
. Démonstration 11
2.3
Existence d’une base
Théorème : Théorème de la base extraite
Soit E un K-ev de dimension finie non réduit à {0E }. Alors, E admet au moins une base.
De plus, cette base peut être extraite de n’importe quelle famille génératrice finie.
Théorème : Théorème de la base incomplète
Soit E un K-ev de dimension finie non réduit à {0E }.
Alors, toute famille libre de E peut être complétée en une base de E.
2.4
Dimension
Proposition :
Soit n ≥ 1. Soit (x1 , . . . , xn ) une famille de n vecteurs de E.
On pose F = Vect(x1 , . . . , xn ) : la famille (x1 , . . . , xn ) est une famille génératrice de F .
Alors toute famille de n + 1 vecteurs de F est liée.
Corollaire :
Soit E un K-ev. Si E possède une famille génératrice à n éléments (n ≥ 1) alors toute famille libre
de E possède au plus n éléments.
9
Théorème :
Soit E un K-ev de dimension finie non réduit à {0E }.
Il existe au moins une base. De plus, toutes les bases de E ont le même nombre n d’éléments.
Cet entier n est appelé dimension de E (sur K) et est noté dimK E ou dim E.
. Démonstration 12
Remarque :
Par convention, {0E } est de dimension finie égale à 0.
Exemples :
¶ K est de dimension finie (sur K) et dim K = 1
· C vu comme R-ev est de dimension finie et dimR C = 2
¸ K n est de dimension finie et dim K n = n
¹ Kn [X] est de dimension finie et dim Kn [X] = n + 1
º Mn,p (K) est de dimension finie et dim Mn,p (K) = np
Proposition :
Soit E un K-ev de dimension finie n ≥ 1.
G Toute famille libre de E admet au plus n éléments
G Toute famille génératrice de E admet au moins n éléments
Exemples :
¶ Dans R2 , la famille ((1, −2)(4, 7), (5, 8)) est liée car elle contient 3 vecteurs et dim R2 = 2 < 3
· Dans R3 , la famille ((1, 3, 0), (−5, 4, 2)) n’est pas génératrice car elle contient 2 vecteurs et 2 <
dim R3 = 3
Théorème :
Soit E un K-ev de dimension finie n ≥ 1. Soit B une famille finie de vecteurs de E.
Les énoncés suivants sont équivalents :
¶ B est une base de E
· B est une famille libre de E à n éléments
¸ B est une famille génératrice de E à n éléments
. Démonstration 13
Exemple :
La famille ((2, −5), (6, 8)) est une base de R2 . En effet :
elle est libre car formée de 2 vecteurs non colinéaires
c’est donc une base puisqu’elle a 2 vecteurs et 2 = dim R2
on obtient donc la caractère générateur sans effort
10
Remarque :
La dimension d’un K-ev E peut s’interpréter comme :
G le nombre maximum d’éléments d’une famille libre de E
G le nombre minimum d’éléments d’une famille génératrice de E
Exemples :
G On appelle droite vectorielle tout K-ev E de dimension finie égale à 1.
Tout vecteur non nul de E
en est une base.
G On appelle plan vectoriel tout K-ev E de dimension finie égale à 2.
Deux vecteurs non colinéaires de E en forment une base.
G Soit (P0 , . . . , Pn ) une famille de polynômes de K[X] tels que, pour tout i ∈ {0, . . . , n}, deg Pi = i.
La famille (P0 , . . . , Pn ) est une famille de polynômes non nuls de Kn [X] à degrés échelonnés donc
est une famille libre de Kn [X].
De plus, elle a n + 1 éléments et n + 1 = dim Kn [X] donc c’est une base de Kn [X].
Remarque :
Soit α ∈ R. En utilisant le dernier exemple, on en déduit que la famille (1, X −α, (X −α)2 , . . . , (X −α)n )
est une base de Rn [X] (car famille échelonnée de polynômes non nuls de Rn [X], donc libre ; de plus,
possède n + 1 éléments avec n + 1 = dim Rn [X].)
Quelles sont les coordonnées d’un polynôme P de Rn [X] dans cette base ?
Par la formule de Taylor pour les polynômes,
n
X
P (k) (α)
(X − α)k Ainsi, par unicité des coordonnées dans la base (1, X − α, . . . , (X − α)n ), la
P =
k!
k=0
composante selon (X − α)k est
3
P (k) (α)
.
k!
Matrices et bases
Exemple :
3
Soit dans R3 , les vecteurs u = (2, 3, −5), v = (1, 0, 7). Soit B la base canonique
de

R .
2 1



On appelle matrice de la famille (u, v) dans la base B la matrice : A =  3 0

−5 7
11
Définition :
Soit n ≥ 1. On suppose E muni d’une base B = (e1 , . . . , en ).
Soit (v1 , . . . , vp ) une famille de p vecteurs de E (p ≥ 1).
On appelle matrice de la famille (v1 , . . . , vp ) dans la base B la matrice de Mn,p (K) dont la j ème
colonne (1 ≤ j ≤ p) est formée des coordonnées de vj dans la base B.
Ainsi,

a1,1 . . . a1,j
 .
..
.
A=
.
 .
an,1 . . . an,j

. . . a1,p
.. 
. 

. . . an,p
∀j ∈ {1, . . . , p}, vj =
n
X
ai,j ei
i=1
Remarques :
G Si p = 1 on obtient une matrice colonne : la matrice colonne des coordonnées d’un vecteur dans
une base.
G On connaît complètement un vecteur ou une famille de vecteurs lorsque l’on connaît les coordonnées de ce / ces vecteur(s) dans une base donc lorsque l’on connaît sa matrice dans une base.
La matrice est une sorte de « résumé numérique » qui suffit à connaître complètement le ou les
vecteurs qui nous intéressent.
G S p = n alors la matrice est carrée.
Théorème :
Soit n ≥ 1. On suppose E muni d’une base B = (e1 , . . . , en ).
Soit (v1 , . . . , vn ) une famille de n vecteurs de E.
On note A la matrice de la famille (v1 , . . . , vn ) dans la base B. Alors,
(v1 , . . . , vn ) est une base de E ⇐⇒ A est inversible
. Démonstration 14
Remarque :
Ce résultat est TRES UTILE et PERFORMANT en pratique.
Exemples :
¶ Montrer que la famille (X 2 + 3X + 1, 2X 2 + X, X 2 ) est une base de R2 [X].
· Soit dans R3 , les vecteurs v1 = (3, 4, 5), v2 = (1, 2, −1), v3 = (1, 4, −9).
La famille (v1 , v2 , v3 ) est-elle une base de R3 ?
. Démonstration 15
12
Méthode :
Dorénavant, deux méthodes très utiles en pratique, si l’on connaît la dimension n d’un K-ev E,
pour montrer qu’une famille B est une base de E, il suffit de :
G montrer que c’est une famille libre de E à n éléments (en général, le caractère « libre » est
plus simple à démontrer que le caractère « générateur »).
G montrer que la matrice de la famille de vecteurs dans une base est inversible.
4
Relations entre les dimensions
4.1
Sous-espaces vectoriels d’un K-ev de dimension finie
Théorème :
Soit E un K-ev de dimension finie n ∈ N. Soit F un sev de E.
Alors F est de dimension finie p et p ≤ n.
De plus, p = n ⇐⇒ E = F.
Remarque :
Si dim F = dim E − 1 alors on dit que F est un hyperplan de E. Par exemple, une droite de R2 , un
plan de R3 .
Méthode :
Soient F et G deux sev d’un K-ev de dimension finie.
Pour montrer que F = G, il suffit de montrer :
F ⊂ G et dim F = dim G
(ou G ⊂ F et dim F = dim G
4.2
)
Dimension et isomorphisme
Proposition :
Soit E un K-ev de dimension finie. Soit F un K-ev. Alors,
E et F sont isomorphes ie il existe un isomorphisme de E sur F
⇐⇒ F est de dimension finie et dim E = dim F
. Démonstration 16
Remarque :
En particulier, un isomorphisme conserve les dimensions.
Grâce aux résultats précédents, nous sommes en mesure maintenant de justifier le résultat admis sur
les suites récurrentes linéaires d’ordre 2.
13
Proposition :
Soient deux complexes a et b tels que b 6= 0. On note :
Γ = {u ∈ CN ; ∀n ∈ N, un+2 + aun+1 + bun = 0}
Γ est un sev de CN de dimension 2 (sur C).
Soit (E) : r2 + ar + b = 0
l’équation caractéristique de Γ. On note ∆ son discriminant.
G Si ∆ 6= 0 alors, en notant r1 et r2 les racines (distinctes) de (E) :
∀u ∈ Γ, ∃!(λ1 , λ2 ) ∈ C2 , ∀n ∈ N, un = λ1 r1n + λ2 r2n
G Si ∆ = 0 alors, en notant r0 la racine double de (E) :
∀u ∈ Γ, ∃!(λ1 , λ2 ) ∈ C2 , ∀n ∈ N, un = (λ1 + nλ2 )r0n
. Démonstration 17
Remarque :
On obtient un résultat analogue pour les suites récurrentes linéaires réelles. Ici, on suppose a et b réels.
On note alors Γ0 = Γ ∩ RN
On montre alors que Γ0 est un sev de RN de dimension 2 (sur R).
Si ∆ > 0 ou ∆ = 0 alors on obtient la même écriture des éléments de Γ0 mis à part que les scalaires
λ1 , λ2 sont réels.
En revanche, si ∆ < 0 alors on a un résultat spécifique à R :
l’équation caractéristique (E) admet deux racines complexes non réelles ρe±iθ où ρ ∈ R∗+ , θ ∈
R
∀u ∈ Γ0 , ∃!(λ1 , λ2 ) ∈ R2 , ∀n ∈ N, un = λ1 ρn cos(nθ) + λ2 ρn sin(nθ)
4.3
Dimension d’une somme de sev
Proposition :
Soit E un K-ev de dimension finie n ≥ 1. Soient F et G deux sev de E.
Si E = F ⊕ G alors dim E = dim F + dim G
De plus, en supposant F et G non réduits à {0E } :
si (e1 , . . . , ep ) est une base de F et (ep+1 , . . . , en ) est une base de G alors (e1 , . . . , en ) est une base de
E appelée
base adaptée à la décomposition E = F ⊕ G
. Démonstration 18
Corollaire :
Soit E un K-ev de dimension finie et F et G deux sev de E non réduits à {0E }.
F ⊕ G = E ⇐⇒ la réunion d’une base de F et d’une base de G donne une base de E
14
Proposition :
Soit E un K-ev de dimension finie.
Tout sev F de E admet au moins un supplémentaire.
. Démonstration 19
Proposition : Formule de Grassmann
Soit E un K-ev de dimension finie n ≥ 1. Soient F et G deux sev de E.
dim(F + G) = dim F + dim G − dim(F ∩ G)
Remarque :
En particulier, on en déduit que : dim(F + G) ≤ dim F + dim G
Proposition :
Soit E un K-ev de dimension finie n ≥ 1. Soient F et G deux sev de E.
Les énoncés suivants sont équivalents :
¶ E =F ⊕G
· dim E = dim F + dim G et F ∩ G = {0E }
¸ dim E = dim F + dim G et E = F + G
. Démonstration 20
Remarque :
Ainsi, en dimension finie, on peut démontrer que E = F ⊕ G sans avoir à démontrer que pour tout
vecteur de E, il existe une décomposition en somme d’un vecteur de F et de G (ce qui peut être difficile
à démontrer).
Exemple :
Dans R3 , soit F l’espace défini par l’équation : 2x − 3y + 5z = 0.
Proposer un sev G supplémentaire avec F dans R3 .
5
5.1
Notion de rang
Définitions
Soient E et F des K-ev. Soient n ≥ 1, p ≥ 1.
Parler de la dimension d’une famille de vecteurs n’a pas de sens, on ne parle que de la dimension d’un
espace vectoriel. Pour une famille de vecteurs, pour avoir une idée de « la place qu’elle prend dans
l’espace », on peut étudier la dimension de l’espace qu’elle engendre d’où la définition suivante :
Définition :
On appelle rang d’une famille (x1 , . . . , xp ) de vecteurs de E et on note rg(x1 , . . . , xp ) l’entier :
rg(x1 , . . . , xp ) = dim Vect(x1 , . . . , xp )
15
Remarque :
Comme (x1 , . . . , xp ) est une famille génératrice
de F = Vect(x1 , . . . , xp ), F est bien de dimen-
sion finie et la définition précédente a un sens.
De plus,

rg(x1 , . . . , xp ) ≤ p
rg(x , . . . , x ) = p
1
⇐⇒ (x1 , . . . , xp ) est libre
p
On retiendra en particulier :
Le rang d’une famille libre est le nombre de ses vecteurs.
Définition :
Soit u ∈ L(E, F ).
Si Im u est de dimension finie alors on appelle rang de u et on note rg(u) l’entier :
rg u = dim Im u
Remarques :
G Si F est de dimension finie p alors
rg u existe et rg u ≤ p.
De plus,
rg(u) = p ⇐⇒ dim(Im u) = dim(F )
⇐⇒ Im(u) = F
car Im(u) ⊂ F
⇐⇒ u est surjective
G Si E est de dimension finie n alors
Soit (e1 , . . . , en ) une base de E. On sait Im u = Vect(u(e1 ), . . . , u(en )).
Donc rg u existe et rg u = rg(u(e1 ), . . . , u(en )). Donc rg u ≤ n.
rg u = n ⇐⇒ (u(e1 , ), . . . , u(en )) est libre
⇐⇒ u est injective
D’où la proposition suivante :
Proposition :
On suppose E et F de dimensions finies et u ∈ L(E, F ). Alors, rg(u) existe et
rg u ≤ min(dim E, dim F )

u est injective
u est surjective
⇐⇒ rg u = dim E
⇐⇒ rg u = dim F
16
5.2
Caractérisation des isomorphismes
Proposition :
Soient E et F des K-ev de même dimension finie. Soit u ∈ L(E, F ).
Les énoncés suivants sont équivalents :
¶ u est injective
· u est surjective
¸ u est bijective
. Démonstration 21
Exemple : Polynômes d’interpolation de Lagrange
Soit ϕ : Rn [X] → Rn+1
où les ai sont des réels distincts 2 à 2.
P 7→ (P (a0 ), . . . , P (an ))
Montrer que ϕ est un isomorphisme. Qu’en déduit-on ?
. Démonstration 22
Corollaire :
Soit E un K-ev de dimension finie. Soit u un endomorphisme de E. Les énoncés suivants sont
équivalents :
G u est injective
G u est surjective
G u est bijective
G rg u = dim E
Remarque :
 Si E est de dimension infinie, un endomorphisme de E peut être injectif sans être surjectif et
vice-versa.
Par exemple, l’endomorphisme ϕ :
R[X] → R[X]
est injective, non surjective
P (X) 7→ XP (X)
En effet,
Par exemple, l’endomorphisme ϕ : R[X] → R[X] est surjective, non injective
P
7→ P 0
En effet,
17
5.3
Théorème du rang
Lemme :
Soient E et F deux K-ev. Soit u ∈ L(E, F ).
Si Ker u admet un supplémentaire G dans E alors u réalise un isomorphisme de G sur Im u.
. Démonstration 23
Théorème : Théorème du rang
Soit E un K-ev de dimension finie. Soit F un K-ev. Soit u ∈ L(E, F ). Alors,
Ker u et Im u sont de dimensions finies et
dim E = dim Ker u + dim Im u
. Démonstration 24
Remarques :
G Le théorème du rang est un théorème FONDAMENTAL en algèbre. Il permet de dire que si
l’on connaît l’image d’une application linéaire alors on connaît un peu le noyau et vice-versa.
G  Cela ne signifie pas que Ker u et Im u sont supplémentaires.
Exercice type :
R3 → R3
Soit l’application linéaire f :
.
(x, y, z) 7→ (x + 4y + 7z, 3x + 8y + 13z, −2x + 7y + 16z)
Déterminer Ker f et Im f .
. Démonstration 25
Proposition :
Soient E, F, G trois K-ev de dimensions fines. Soit u ∈ L(E, F ), v ∈ L(F, G).
G rg(v ◦ u)≤ min(rg u, rg v)
G Si u est un isomorphisme alors rg(v ◦ u) = rg(v)
G Si v est un isomorphisme alors rg(v ◦ u) = rg(u)
. Démonstration 26
Remarque :
On dit que le rang d’une application linéaire est
invariant par composition avec un isomorphisme.
18
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