Irrationalité d`au moins un des neuf nombres ζ(5),ζ(7),...,ζ(21)

ACTA ARITHMETICA
103.2 (2002)
Irrationalit´e d’au moins un
des neuf nombres ζ(5), ζ(7), . . . , ζ(21)
par
Tanguy Rivoal (Caen)
1. Introduction. Le Th´eor`eme 2 de [BR] montre qu’il existe un entier
impair jtel que 5 j169 et 1, ζ(3) et ζ(j) sont lin´eairement ind´ependants
sur Q; ce esultat implique l’irrationalit´e de ζ(j) mais est bien sˆur plus fort.
Dans cet article, nous am´eliorons la majoration j169 en ne recherchant
que l’irrationalit´e de ζ(j) :
Th´
eor`
eme 1. Il existe un entier impair jtel que 5j21 et ζ(j)6∈ Q.
La d´emonstration de ce th´eor`eme repose sur la erie suivante :
Sn,a(z) = n!a6
X
k=1
1
2·d2
dt2t+n
2(tn)3
n(t+n+ 1)3
n
(t)a
n+1 t=k
zk
o`u zest un nombre complexe de module 1, aun entier 6 et (α)lest le
symbole de Pochhammer :
(α)0= 1 et (α)l=α(α+ 1) ...(α+l1) si l= 1,2,...
L’´etude de Sn,a(z), que nous ´ecrirons esormais Sn(z), est similaire `a celle
de la s´erie consid´er´ee dans [BR] et [Ri] :
Le Lemme 1 montre que, si aest pair, la s´erie Sn(1) s’´ecrit comme
une combinaison lin´eaire (`a coefficients rationnels) de 1 et des ζ(j) pour j
impair, j∈ {5,...,a+ 2}.
Le Lemme 2 d´etermine un d´enominateur commun aux coefficients de
cette combinaison lin´eaire.
L’estimation du comportement de Sn(1) est d´elicate puisqu’une expres-
sion int´egrale de type Beukers [Be] n’est pas connue. N´eanmoins, en suivant
Nesterenko [Ne], le Lemme 4 montre que Sn(1) peut s’´ecrire comme la par-
tie r´eelle d’une int´egrale complexe dont le comportement asymptotique est
d´etermin´e au Lemme 5 par la m´ethode du col (Lemme 3).
2000 Mathematics Subject Classification: Primary 11J72; Secondary 11M06.
[157]
158 T. Rivoal
Enfin, il n’y a pas lieu ici de borner la hauteur des coefficients de la
combinaison : cela n’est ecessaire que pour l’ind´ependance lin´eaire.
Remarque. Le Th´eor`eme 1 a ´et´e am´elior´e par W. Zudilin [Zu] qui a
montr´e qu’au moins un des quatre nombres ζ(5), ζ(7), ζ(9), ζ(11) est irra-
tionnel. Sa m´ethode repose sur l’´elimination de facteurs communs aux coeffi-
cients de combinaisons lin´eaires en les ζimpairs, construites en g´en´eralisant
notre s´erie Sn(1).
Remerciements. L’auteur tient `a remercier F. Amoroso et D. Essouabri
pour leurs conseils qui ont permis d’am´eliorer une pr´ec´edente version.
2. R´esultats auxiliaires. Posons
Rn(t) = n!a6t+n
2(tn)3
n(t+n+ 1)3
n
(t)a
n+1
,
Dλ=1
λ!d
dtλ
et cl,j,n =Dal(Rn(t)(t+j)a)|t=j.
On a alors la ecomposition en ´el´ements simples
(1) R00
n(t) =
a
X
l=1
n
X
j=0
l(l+ 1)cl,j,n
(t+j)l+2 .
D´efinissons ´egalement les polynˆomes `a coefficients rationnels
(2) P0,n(z) =
a
X
l=1
n
X
j=1
j
X
k=1
l(l+ 1)cl,j,n
2kl+2 zjket Pl,n(z) =
n
X
j=0
cl,j,nzj
o`u l∈ {1,...,a}. Enfin, introduisons les fonctions polylogarithmes
Lis(z) =
X
k=1
zk
ks
o`u sest un entier 1 et zun nombre complexe, |z| ≤ 1 (z6= 1 si s= 1).
En particulier, Lis(1) = ζ(s) si s2.
Lemme 1. Pour tout zC,|z|>1, on a
Sn(z) = P0,n(z) +
a
X
l=1
l(l+ 1)
2Pl,n(z)Lil+2(1/z)
et P1,n(1) = 0. De plus,si aest pair,alors pour tout n0et pour tout
entier pair l∈ {2,...,a},on a Pl,n(1) = 0 et donc
Sn(1) = P0,n(1) +
a/2
X
j=2
j(2j1)P2j1,n(1)ζ(2j+ 1).
Irrationalit´e de ζ(j) 159
D´emonstration. De la d´ecomposition (1) de R00
n(t), on d´eduit que si
|z|>1,
Sn(z) =
a
X
l=1
n
X
j=0
l(l+ 1)cl,j,n
2
X
k=1
zk
(k+j)l+2
=
a
X
l=1
n
X
j=0
l(l+ 1)cl,j,n
2zj
X
k=1
1
kl+2 zk
j
X
k=1
1
kl+2 zk
=P0,n(z) +
a
X
l=1
l(l+ 1)
2Pl,n(z)Lil+2(1/z).
Comme le degr´e total de la fraction rationnelle Rn(t) est ≤ −2, on a
P1,n(1) =
n
X
j=0
Rest=j(Rn(t)) = 0.
On peut r´e´ecrire cl,j,n = (1)alDal(Φn,j (x))|x=jo`u
Φn,j (x) = n!a6n
2x(xn)3
n(x+n+ 1)3
n
(x)a
n+1
(jx)a.
On a
(3) Φn,nj(nx) = n!a6xn
2(x2n)3
n(x+ 1)3
n
(xn)a
n+1
(xj)a.
En appliquant l’identit´e (α)l= (1)l(αl+ 1)laux trois symboles de
Pochhammer de (3), on obtient
Φn,nj(nx)
=n!a6n
2x(1)3n(x+n+ 1)3
n(1)3n(xn)3
n
(1)(n+1)a(x)a
n+1
(1)a(jx)a
= (1)na+1Φn,j (x).
Donc pour tout k0,
Φ(k)
n,nj(nx) = (1)k+na+1Φ(k)
n,j (x).
En particulier, avec k=alet x=j, on a
cl,nj,n = (1)a(n+1)+l+1cl,j,n,
ce qui implique la relation
Pl,n(1) = (1)(n+1)a+l+1Pl,n(1).
Si (n+ 1)a+lest pair, on en d´eduit que Pl,n(1) = 0.
160 T. Rivoal
Lemme 2. Pour tout l∈ {1,...,a},on a
2dal
nPl,n(z)Z[z]et 2da+2
nP0,n(z)Z[z]
o`u dn= ppcm(1,2,...,n).
D´emonstration. On ´ecrit Rn(t)(t+j)a=F(t)3·G(t)3·H(t)a6·I(t) o`u
I(t) = t+n/2 et
F(t) = (tn)n
(t)n+1
(t+j), G(t) = (t+n+ 1)n
(t)n+1
(t+j), H(t) = n!
(t)n+1
(t+j).
D´ecomposons F(t), G(t) et H(t) en ´el´ements simples :
F(t) = 1 +
n
X
p=0
p6=j
jp
t+pfp, G(t) = 1 +
n
X
p=0
p6=j
jp
t+pgp, H(t) =
n
X
p=0
p6=j
jp
t+php
o`u
fp=(pn)n
n
Y
h=0
h6=p
(p+h)
=(1)n(p+ 1)n
(1)pp!(np)! = (1)npn+p
nn
pZ,
gp=(p+n+ 1)n
n
Y
h=0
h6=p
(p+h)
=(1)p(2np)!
(np)!p!(np)! = (1)p2np
nn
pZ,
hp=n!
n
Y
h=0
h6=p
(p+h)
=(1)pn!
p!(np)! = (1)pn
pZ.
On a alors pour tout entier λ0 :
(DλF(t))|t=j=δ0+
n
X
p=0
p6=j
(1)λjp
(pj)λ+1 fp,
(DλG(t))|t=j=δ0+
n
X
p=0
p6=j
(1)λjp
(pj)λ+1 gp,
(DλH(t))|t=j=
n
X
p=0
p6=j
(1)λjp
(pj)λ+1 hp
Irrationalit´e de ζ(j) 161
avec δ0= 1 si λ= 0, δ0= 0 si λ > 0. On a donc montr´e que
dλ
n(DλF)|t=j, dλ
n(DλG)|t=j, dλ
n(DλH)|t=j
sont des entiers pour tout λN. De plus, 2(DλI)|t=jZ. Grˆace `a la
formule de Leibniz
Dal(R(t)(t+j)a)
=X
µ
(Dµ1F)(Dµ2F)(Dµ3F)
×(Dµ4G)(Dµ5G)(Dµ6G)(Dµ7H)...(DµaH)(Dµa+1 I)
(o`u la somme est sur les multi-indices µNa+1 tels que µ1+...+µa+1 =
al), on en d´eduit alors que 2dal
ncl,j,n Z. Les expressions (2) des
polynˆomes P0,n(z) et Pl,n(z) permettent de conclure.
3. D´emonstration du Th´eor`eme 1. Pour estimer Sn(1), nous suivons
la d´emarche utilis´ee par [Ne] et [HP] qui consiste `a exprimer Sn(1) `a l’aide
d’une int´egrale complexe `a laquelle on peut appliquer la m´ethode du col,
m´ethode dont nous rappelons tout d’abord le principe (voir par exemple
[Co, pp. 91–94] ou [Di, pp. 279–285]).
Soit wune fonction analytique au voisinage d’un point z0. On appelle
chemin de descente de Re(w) en z0tout chemin du plan issu de z0et le long
duquel Re(w(z)) est strictement d´ecroissante quand zs’´eloigne de z0. Les
chemins de plus grande descente de Re(w) en z0sont les chemins tels que
Re(w) a (localement) la d´ecroissance la plus rapide parmi tous les chemins
de descente : il est en fait ´equivalent de demander que Im(w) soit constante
le long de ces chemins, c’est-`a-dire que la phase de ewsoit stationnaire.
Supposons wtelle que w0(z0) = 0 et w00(z0) = |w00(z0)|e06= 0. Notons
θla direction d’une droite passant par z0, c’est-`a-dire θ= arg(zz0)
o`u z. Il existe exactement deux chemins de plus grande descente de
Re(w) en z0, dont les directions des tangentes en z0sont θ+=π/2α0/2 et
θ=π/2α0/2 ; ces directions critiques sont oppos´ees. Il peut s’av´erer
difficile de d´eterminer exactement les chemins de plus grande descente. On
peut s’affranchir de ce probl`eme en consid´erant n’importe quelle direction θ
en z0telle que cos(α0+ 2θ)<0 : au voisinage de z0,
w(z) = w(z0) + 1
2w00(z0)(zz0)2+O((zz0)3)
et sur un chemin Ldont les deux directions en z0v´erifient la condition ci-
dessus, on a alors Re1
2w00(z0)(zz0)2<0 et Re(w) admet un maximum
local en z0le long de L. Convenons de dire qu’un chemin Lest admissible
en z0si les deux directions θen z0erifient cos(α0+ 2θ)<0 et si Re(w(z0))
est le maximum global de Re(w) le long de L.
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