
L’adénocarcinome du pancréas exocrine est la cin-
quième cause de décès liés au cancer dans les pays
développés. En France en 2005, 7 218 nouveaux cas de
cancers du pancréas ont été diagnostiqués [1]. Au moment
du diagnostic, 20 % des patients ont une tumeur jugée
opérable, 30 % une tumeur localement avancée inopé-
rable, et 50 % une maladie métastatique. L’exérèse chirur-
gicale, lorsqu’elle est possible, est le seul traitement
permettant d’espérer une survie prolongée. Cependant,
les résultats de la chirurgie à visée curative sont décevants,
avec des taux de récidive locorégionale atteignant de 50 %
à 85 %. Les recherches actuelles portent sur l’adjonction à
la chirurgie d’un traitement adjuvant, afin d’augmenter le
taux de contrôle locorégional et de traiter la maladie
micrométastatique, dans l’espoir d’améliorer la survie des
patients. Actuellement, le traitement standard en post-
opératoire est une chimiothérapie par gemcitabine pen-
dant six mois
1
. Une chimio-radiothérapie (CRT) est ensuite
recommandée pour les patients ayant eu une résection
tumorale incomplète (résection de type R1). Toutefois, la
place exacte de la CRT en situation adjuvante doit être vali-
dée par un essai clinique prospectif. Par ailleurs, 20 % à
30 % des patients ayant eu une exérèse chirurgicale ne
peuvent pas recevoir de traitement adjuvant, en raison de
complications post-opératoires ou d’une altération persis-
tante de l’état général. L’utilisation d’une CRT néoadju-
vante pourrait permettre de proposer à un plus grand
nombre de patients la séquence thérapeutique complète,
tout en réduisant la durée de traitement. Par ailleurs, cette
période de traitement peut permettre de détecter une
évolution métastatique rapide évitant à certains patients
de subir une intervention chirurgicale lourde et carcinologi-
quement inutile.
Dans 30 % des cas, les cancers du pancréas sont diagnos-
tiqués à un stade localement avancé, avec une tumeur non
résécable en raison d’un envahissement vasculaire mais non
métastatique. La médiane de survie des patients est alors de
9 à 12 mois. Pour ces patients, il n’existe actuellement pas de
traitement standard. Deux options sont possibles : une
chimiothérapie à base de gemcitabine ou une CRT.
“
La place de la radiothérapie
dans le traitement des cancers
du pancréas est très controversée
”
En situation adjuvante : quelle place
pour la chimioradiothérapie ?
Le seul traitement potentiellement curatif d’un cancer du
pancréas est l’exérèse chirurgicale, le plus souvent par
duodénopancréatectomie céphalique (DPC) pour les
tumeurs de la tête du pancréas ou par splénopancréatecto-
mie gauche, pour les tumeurs de la queue. Celle-ci est réa-
lisable chez 20 % des patients au moment du diagnostic.
Parmi les patients opérés, 80 % vont rechuter, localement
ou à distance, avec un taux de survie de moins de 20 % à
cinq ans. Les années 1980 ont vu l’apparition des premières
associations chimio-radiothérapies. Le premier essai rando-
misé mené à la fin des années 1970 aux États-Unis par le
Gastrointestinal Tumor Study Group (GITSG) comparait,
chez 43 patients, une exérèse chirurgicale seule ou suivie
d’une CRT avec du 5-fluorouracile (5-FU) en bolus [2].
La survie globale et le taux de survie à deux ans étaient
significativement supérieurs dans le bras CRT –respective-
ment 20 mois versus 11 mois et 43 % versus 18 % ;
p= 0,005).
L’essai de l’European Organization for Research and Treat-
ment of Cancer (EORTC) n’est pas venu confirmer le béné-
fice de l’association CRT adjuvante [3]. Cet essai comparait
chez 218 patients ayant eu une DPC le même schéma de
CRT adjuvante à une surveillance. Le taux de survie globale
à deux ans était identique dans les deux bras (51 % dans le
bras CRT contre 41 % ; p= 0,2). Alors que les États-Unis
ont admis comme traitement standard une CRT post-
opératoire, les résultats de l’essai de l’EORTC n’ont pas
permis de considérer ce traitement adjuvant comme un
standard en Europe. L’essai ESPAC-1 comparait, chez
289 patients après chirurgie, une surveillance à une CRT
ou à une chimiothérapie [4]. La CRT était une radiothérapie
en split-course (irradiation par séries de deux semaines
espacées de deux semaines) associée à du 5-FU bolus, iden-
tique à celle du bras expérimental de l’essai du GITSG.
La chimiothérapie adjuvante était composée de six cycles de
5-FU bolus et d’acide folinique (FUFOL, selon le schéma de
la Mayo Clinic). L’analyse des résultats concluait à une sur-
vie moins bonne chez les patients ayant reçu une CRT en
comparaison de ceux n’en ayant pas reçu (15,9 mois versus
17,9 mois ; p= 0,05). En revanche, les patients ayant reçu
une chimiothérapie avaient une survie significativement
plus longue que ceux n’en ayant pas reçu (20,1 mois versus
15,5 mois ; p= 0,009). Il est possible que l’absence de cri-
tère de qualité de la radiothérapie dans cet essai ait entraîné
des irradiations de grand volume potentiellement toxiques,
d’autant plus que la dose initialement prévue de 40 Gy
pouvait être augmentée à 60 Gy à la discrétion des
investigateurs.
Plus récemment, une méta-analyse sur données publiées a
montré qu’il existait un bénéfice de la CRT adjuvante pour
le sous-groupe des patients ayant eu une résection incom-
plète (R1) [5].
Par ailleurs, l’étude allemande de phase III CONKO-1 a
montré un allongement de la survie sans récidive
(13,4 mois versus 6,9 mois ; p< 0,001) chez les malades
traités par gemcitabine pendant six mois par rapport à
1
http://www.snfge.org/01-Bibliotheque/0G-Thesaurus-cancerologie/
publication5/sommaire-thesaurus.asp#1072
290 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 n
o
4, juillet-août 2010
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