m ini-revue Radiothérapie et cancer du pancréas : pour qui ? doi: 10.1684/hpg.2010.0444 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Radiation therapy and pancreatic cancer: whom is it for ? Florence Huguet Hôpital Tenon, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Service d’Oncologie Radiothérapie, Université Paris VI, Paris 4 rue de la Chine, 75020 Paris e-mail : <[email protected]> Résumé On estime qu’environ 7 200 nouveaux cancers du pancréas exocrine ont été diagnostiqués en France en 2005. Au moment du diagnostic, 20 % des patients ont une tumeur jugée opérable, 30 % une tumeur localement avancée inopérable, et 50 % une maladie métastatique. Après exérèse chirurgicale, la médiane de survie des patients opérés n’est que de 12 à 20 mois, en raison de la fréquence des récidives. La place de la radiothérapie chez les patients présentant des cancers du pancréas opérables ou localement avancés est actuellement controversée. En situation adjuvante, le traitement standard est une chimiothérapie par gemcitabine pendant six mois. En association avec une chimiothérapie concomitante, la radiothérapie post-opératoire permettrait d’améliorer la survie des patients ayant eu une résection tumorale incomplète (R1). Cela reste à démontrer dans un essai prospectif. La chimio-radiothérapie (CRT) néoadjuvante est une approche prometteuse mais non validée à ce jour et ne doit pas être utilisée hors essai thérapeutique. Pour les tumeurs localement avancées, il n’existe pas de standard thérapeutique. Une chimiothérapie première par gemcitabine suivie chez les patients sans progression tumorale par une CRT représente une stratégie thérapeutique séduisante qui est en cours de validation dans l’essai GERCOR-FFCD-FNCLCC LAP07. n Mots clés : cancer du pancréas, chimioradiothérapie, adénocarcinome, traitement adjuvant, traitement néoadjuvant, tumeur localement avancée Abstract HEPATO GASTRO et Oncologie digestive n Tirés à part : F. Huguet About 7200 new cases of pancreatic adenocarcinomas are diagnosised each year in France. At the time of diagnosis, an efficient carcinologic surgery will not be possible for nearly 80% of patients, in relation to loco-regional extension or metastatic dissemination. After surgical resection, the median survival of resected patients ranges from 12 to 20 months, with a high rate of relapses. Currently, the use of radiotherapy for patients with pancreatic cancer is controversial. In adjuvant setting, the standard treatment is six months of chemotherapy with gemcitabine. Chemoradiation (CRT) may improve the survival of patients with incompletely resected tumors (R1). This must be validated in a prospective trial. Neoadjuvant CRT is a promising treatment but always under evaluation. For the treatment of patients with locally advanced tumors, there is not a standard treatment. A strategy of initial chemotherapy followed by CRT for non progressive patients is under evaluation in the international randomized trial LAP07. n Key words: pancreatic cancer, chemoradiation, adenocarcinoma, adjuvant treatment, neoadjuvant treatment, locally advanced tumor HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 289 adénocarcinome du pancréas exocrine est la cinquième cause de décès liés au cancer dans les pays développés. En France en 2005, 7 218 nouveaux cas de cancers du pancréas ont été diagnostiqués [1]. Au moment du diagnostic, 20 % des patients ont une tumeur jugée opérable, 30 % une tumeur localement avancée inopérable, et 50 % une maladie métastatique. L’exérèse chirurgicale, lorsqu’elle est possible, est le seul traitement permettant d’espérer une survie prolongée. Cependant, les résultats de la chirurgie à visée curative sont décevants, avec des taux de récidive locorégionale atteignant de 50 % à 85 %. Les recherches actuelles portent sur l’adjonction à la chirurgie d’un traitement adjuvant, afin d’augmenter le taux de contrôle locorégional et de traiter la maladie micrométastatique, dans l’espoir d’améliorer la survie des patients. Actuellement, le traitement standard en postopératoire est une chimiothérapie par gemcitabine pendant six mois1. Une chimio-radiothérapie (CRT) est ensuite recommandée pour les patients ayant eu une résection tumorale incomplète (résection de type R1). Toutefois, la place exacte de la CRT en situation adjuvante doit être validée par un essai clinique prospectif. Par ailleurs, 20 % à 30 % des patients ayant eu une exérèse chirurgicale ne peuvent pas recevoir de traitement adjuvant, en raison de complications post-opératoires ou d’une altération persistante de l’état général. L’utilisation d’une CRT néoadjuvante pourrait permettre de proposer à un plus grand nombre de patients la séquence thérapeutique complète, tout en réduisant la durée de traitement. Par ailleurs, cette période de traitement peut permettre de détecter une évolution métastatique rapide évitant à certains patients de subir une intervention chirurgicale lourde et carcinologiquement inutile. Dans 30 % des cas, les cancers du pancréas sont diagnostiqués à un stade localement avancé, avec une tumeur non résécable en raison d’un envahissement vasculaire mais non métastatique. La médiane de survie des patients est alors de 9 à 12 mois. Pour ces patients, il n’existe actuellement pas de traitement standard. Deux options sont possibles : une chimiothérapie à base de gemcitabine ou une CRT. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L’ “ La place de la radiothérapie dans le traitement des cancers du pancréas est très controversée ” En situation adjuvante : quelle place pour la chimioradiothérapie ? Le seul traitement potentiellement curatif d’un cancer du pancréas est l’exérèse chirurgicale, le plus souvent par 1 http://www.snfge.org/01-Bibliotheque/0G-Thesaurus-cancerologie/ publication5/sommaire-thesaurus.asp#1072 290 duodénopancréatectomie céphalique (DPC) pour les tumeurs de la tête du pancréas ou par splénopancréatectomie gauche, pour les tumeurs de la queue. Celle-ci est réalisable chez 20 % des patients au moment du diagnostic. Parmi les patients opérés, 80 % vont rechuter, localement ou à distance, avec un taux de survie de moins de 20 % à cinq ans. Les années 1980 ont vu l’apparition des premières associations chimio-radiothérapies. Le premier essai randomisé mené à la fin des années 1970 aux États-Unis par le Gastrointestinal Tumor Study Group (GITSG) comparait, chez 43 patients, une exérèse chirurgicale seule ou suivie d’une CRT avec du 5-fluorouracile (5-FU) en bolus [2]. La survie globale et le taux de survie à deux ans étaient significativement supérieurs dans le bras CRT – respectivement 20 mois versus 11 mois et 43 % versus 18 % ; p = 0,005). L’essai de l’European Organization for Research and Treatment of Cancer (EORTC) n’est pas venu confirmer le bénéfice de l’association CRT adjuvante [3]. Cet essai comparait chez 218 patients ayant eu une DPC le même schéma de CRT adjuvante à une surveillance. Le taux de survie globale à deux ans était identique dans les deux bras (51 % dans le bras CRT contre 41 % ; p = 0,2). Alors que les États-Unis ont admis comme traitement standard une CRT postopératoire, les résultats de l’essai de l’EORTC n’ont pas permis de considérer ce traitement adjuvant comme un standard en Europe. L’essai ESPAC-1 comparait, chez 289 patients après chirurgie, une surveillance à une CRT ou à une chimiothérapie [4]. La CRT était une radiothérapie en split-course (irradiation par séries de deux semaines espacées de deux semaines) associée à du 5-FU bolus, identique à celle du bras expérimental de l’essai du GITSG. La chimiothérapie adjuvante était composée de six cycles de 5-FU bolus et d’acide folinique (FUFOL, selon le schéma de la Mayo Clinic). L’analyse des résultats concluait à une survie moins bonne chez les patients ayant reçu une CRT en comparaison de ceux n’en ayant pas reçu (15,9 mois versus 17,9 mois ; p = 0,05). En revanche, les patients ayant reçu une chimiothérapie avaient une survie significativement plus longue que ceux n’en ayant pas reçu (20,1 mois versus 15,5 mois ; p = 0,009). Il est possible que l’absence de critère de qualité de la radiothérapie dans cet essai ait entraîné des irradiations de grand volume potentiellement toxiques, d’autant plus que la dose initialement prévue de 40 Gy pouvait être augmentée à 60 Gy à la discrétion des investigateurs. Plus récemment, une méta-analyse sur données publiées a montré qu’il existait un bénéfice de la CRT adjuvante pour le sous-groupe des patients ayant eu une résection incomplète (R1) [5]. Par ailleurs, l’étude allemande de phase III CONKO-1 a montré un allongement de la survie sans récidive (13,4 mois versus 6,9 mois ; p < 0,001) chez les malades traités par gemcitabine pendant six mois par rapport à HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Cancer du pancréas et radiothérapie ceux n’ayant pas de traitement adjuvant [6]. Un effet bénéfique était rapporté quel que soit le statut des marges de résection, R0 ou R1. Un gain significatif en terme de survie globale a été rapporté en 2008 lors de la réactualisation des résultats de cette étude (22,8 mois dans le bras gemcitabine versus 20,2 mois dans le bras témoin ; p = 0,005). L’essai ESPAC-3 a comparé, chez 1 088 patients, une chimiothérapie adjuvante par FUFOL pendant six mois à six cycles de gemcitabine administrée selon le schéma de Burris [7]. La survie globale était identique dans les deux bras (23 mois dans le bras FUFOL versus 23,6 mois dans le bras gemcitabine ; p = 0,39). La médiane de survie sans progression était aussi identique dans les deux bras. La tolérance était meilleure dans le bras gemcitabine. L’ensemble des résultats des essais adjuvants de phase III est présenté dans le tableau 1. Très récemment, ont été communiqués les résultats d’un essai de phase II randomisé mené par l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC), la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive (FFCD) et le Groupe coopérateur multidisciplinaire en oncologie (GERCOR) ayant comparé, après exérèse chirurgicale, chez des patients ayant eu une résection R0, une chimiothérapie par quatre cycles de gemcitabine à deux cycles de gemcitabine suivis d’une chimioradiothérapie avec gemcitabine concomitante [8]. La survie sans progression et la survie globale étaient identiques dans les deux bras. Un essai de phase III de plus grande envergure serait nécessaire pour conclure sur le rôle de la chimioradiothérapie en situation adjuvante. En l’état actuel des connaissances, en cas de marge positive (résection R1), une association chimioradiothérapie peut se discuter après trois à six mois de chimiothérapie. “ En post-opératoire, le traitement de référence est une chimiothérapie par gemcitabine ; une chimio-radiothérapie se discute en cas de résection R1 ” Tableau 1. Traitement adjuvant des adénocarcinomes pancréatiques réséqués : résultats des essais de phase 3. Premier auteur, année de publication N Traitement 47 FAM x 6 Survie globale (mois) Taux de survie (%) Chimiothérapie Bakkevold 1993 Surveillance 23 (p = 0,02) 11 Takada 2002 81 77 5-FU + mito C x 2 puis 5-FU Neuhaus (CONKO-1) 2008 368 Gemcitabine x 6 Surveillance 22,8 (p = 0,005) 20,2 Neoptolemos (ESPAC-3) 2009 1 088 FUFOL x 6 23 n.s. 23,6 11,5 % à 5 ans n.s. 18 % à 5 ans Surveillance Gemcitabine x 6 43 % à 2 ans 32 % à 2 ans 21 % à 5 ans 9 % à 5 ans Chimio-radiothérapie Kalser (GITSG) 1985 21 22 CRT 40 Gy+ 5-FU puis 5-FU Surveillance 20 (p=0,005) 11 43 % 18 % GITSG 1987 30 CRT 40 Gy + 5-FU puis 5-FU 18 46 % Klinkenbijl (EORTC) 1999 60 54 CRT 40 Gy/5-FU continu Surveillance 17,1 12,6 37 % à 2 ans (p = 0,099) 23 % à 2 ans Neoptolemos (ESPAC-1) 2004 289 CRT 40 Gy + 5-FU FUFOL x 6 CRT 40 Gy + 5-FU puis FUFOL Surveillance 13,9 21,6 19,9 16,9 7 % à 5 ans 29 % à 5 ans 13 % à 5 ans 11 % à 5 ans Regine (RTOG 9704) 2008 388 5-FU – CRT 50 Gy – 5-FU x 4 Gem – CRT 50 Gy – Gem x 4 16,9 (p=0,09) 20,5 22 % à 3 ans 31 % à 3 ans N : nombre de patients ; GISTG : Gastrointestinal Study Group ; FAM: 5-FU, adriamycine et mitomycine C ; EORTC : European Organisation for Research and Treatment of Cancer ; ESPAC, European Study Group for Pancreatic Cancer ; CRT : chimioradiothérapie ; 5-FU : 5-fluorouracile ; AF : acide folinique. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 291 En situation néoadjuvante : une attitude prometteuse toujours pas validée Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Plusieurs arguments théoriques viennent plaider en faveur de la réalisation d’un traitement néoadjuvant : – la possibilité de délivrer la totalité du schéma thérapeutique à une plus grande proportion de patients. En effet, on estime qu’environ 20 % à 30 % des patients opérés ne peuvent pas avoir un traitement adjuvant, en raison de la survenue de complications post-opératoires et du délai nécessaire pour retrouver un état général compatible avec ce type de traitement ; – la possibilité d’une réévaluation préopératoire, permettant d’épargner une chirurgie lourde aux patients présentant une progression rapide de la maladie ; – la fréquence de l’envahissement des marges, suggérant que la chirurgie seule n’est pas suffisante pour assurer un contrôle local ; – une meilleure radiosensibilité tumorale, l’irradiation survenant sur des tissus non disséqués et donc mieux oxygénés. Ces trois dernières années, les résultats de plusieurs essais de phase II de chimio-radiothérapie néoadjuvante ont été publiés. En France, l’essai FFCD-SFRO 97-04 portant sur 41 patients ayant reçu un traitement néoadjuvant (irradiation à la dose de 50 Gy avec 5-FU et cisplatine concomitant) a montré la faisabilité de ce protocole : 90 % des patients avaient reçu une dose d’irradiation d’au moins 46 Gy et 73 % des patients avaient reçu au moins 75 % de la dose totale de chimiothérapie [9]. Vingt-six patients (63 %) ont eu une exérèse chirurgicale à visée curative avec un taux de réponse histologique majeure de 50 % et une réponse complète. La gemcitabine ayant d’une part montré sa supériorité par rapport au 5-FU pour les tumeurs avancées et, d’autre part, fait la preuve d’un fort pouvoir radiosensibilisant, il était logique de l’associer à la radiothérapie préopératoire. Talamonti et al. ont étudié dans un essai de phase II l’association d’une chimiothérapie par gemcitabine à la dose de 1 000 mg/m2 à une radiothérapie préopératoire à la dose de 36 Gy en 15 fractions de 2,4 Gy [10]. Parmi les 20 patients inclus, 95 % avaient reçu tout le traitement prévu et 85 % avaient eu une résection chirurgicale. Parmi les patients opérés, 6 % avaient des marges envahies (R1) et 35 % un envahissement ganglionnaire. Le taux de complications post-opératoires sévères était de 24 %. La survie médiane des 17 patients opérés était de 26 mois. Dix patients ont eu une rechute après un délai médian de 8 mois après chirurgie. Elle était métastatique dans 80 % des cas. Une équipe du M. D. Anderson Cancer Center a inclus 86 patients dans un essai de phase II associant une chimiothérapie par gemcitabine à la dose de 400 mg/m2 à une radiothérapie préopératoire à la dose de 30 Gy en 10 fractions de 3 Gy [11]. Ont été hospitalisés en cours de CRT 292 pour toxicité 53 % des patients. Parmi les 86 patients inclus, 74 ont été jugés opérables lors du bilan d’évaluation 4 à 6 semaines après la fin de la CRT. Soixante-quatre patients (74 %) ont finalement pu avoir une DPC. Parmi les patients opérés, 11 % avaient des marges envahies (R1) et 38 % un envahissement ganglionnaire. Le taux de complications post-opératoires sévères était de 9 % avec un décès lié à un lâchage de sutures. La survie médiane des 64 patients réséqués était de 34 mois, avec un taux de survie à 5 ans de 36 %. Le taux de rechute locale était de 11 %. Etant donné le taux élevé de rechute à distance dans cet essai, la même équipe du M. D. Anderson Cancer Center a ajouté au schéma précédemment décrit une chimiothérapie par gemcitabine et cisplatine avant la CRT, afin d’essayer d’agir plus efficacement sur une potentielle maladie micrométastatique [12]. Cet essai de phase II a inclus 90 patients. Ont été hospitalisés en cours de CRT pour toxicité 51 % des patients. Soixante-dix-neuf patients ont reçu le traitement complet. Parmi ces 79 patients, 52 (66 %) ont eu une duodénopancréatectomie. Parmi les patients opérés, 4 % avaient des marges envahies (R1) et 58 % un envahissement ganglionnaire. Le taux de complications postopératoires sévères était de 9,6 %. La survie médiane des 52 patients dont la tumeur avait été réséquée était de 31 mois alors qu’elle était de 10,5 mois pour les patients non opérés. Le taux de rechute locale était de 25 %. L’ajout d’une chimiothérapie première à la CRT néoadjuvante ne semble pas améliorer la survie des patients. Les résultats des principaux essais de traitement néoadjuvant sont présentés dans le tableau 2. Ces différents résultats sont prometteurs, la CRT néoadjuvante permettant d’obtenir une survie prolongée chez les patients opérés. L’étape suivante consiste peut-être en l’identification précoce des patients ayant une maladie micrométastatique d’emblée pour lesquels chirurgie et CRT sont inutiles. Tant que la CRT néoadjuvante n’a pas été comparée à la chimiothérapie adjuvante dans un essai randomisé, celle-ci doit se faire uniquement dans le cadre d’essai thérapeutique. “ La chimioradiothérapie néoadjuvante permet d’obtenir une survie prolongée chez les patients opérés ” Pour les cancers du pancréas localement avancés : l’union fait la force Pour les cancers du pancréas localement avancés, c’est-à-dire non résécables et non métastatiques (stade III), il n’y a pas de standard thérapeutique (figure 1) [13]. Deux options sont utilisées, la chimiothérapie par gemcitabine et la CRT (tableau 3). Deux méta-analyses récentes sur HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 Cancer du pancréas et radiothérapie Tableau 2. Traitement néoadjuvant des adénocarcinomes du pancréas résécables. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Survie globale (mois) Premier auteur, année N Radiothérapie Spitz, 1997 91 Evans (EORTC), 1992 Taux de résection Résection R0 Opérés Nonopérés 50,4 Gy en 28 fractions 5-FU continu ou 30 Gy en 10 fractions 57 % 88 % 19,2 7,2 28 50,4 Gy en 28 fractions 5-FU continu ± RT peropératoire 60 % 82 % - - Ishikawa, 1994 23 50 Gy 66 % - 15 9 Pisters, 1998 35 30 Gy en 10 fractions ± RT peropératoire 57 % 68 % 19 12 Hoffman, (ECOG) 1998 53 50,4 Gy en 28 fractions 5-FU continu + mitomycine C 45 % 45,8 % 15,7 9,7 White, 2001 53 45 ± 5,4 Gy 5-FU + mitomycine C + cisplatine 53 % 71 % - > 16 Evans, 2008 86 30 Gy en 10 fractions Gemcitabine 74 % 89 % 34 7 Varadhachar, 2008 90 30 Gy en 10 fractions Gemcitabine + cisplatine x 4, puis gemcitabine concomitante 66 % 96 % 31 10,5 Le Scodan, 2009 41 50 Gy 5-FU continu + cisplatine 63 % 81 % 11,7 5,7 Chimiothérapie 5-FU continu N : nombre de patients ; 5-FU : 5-fluorouracile ; RT: radiothérapie ; EORTC : European Organisation for Research and Treatment of Cancer ; ECOG : Eastern Cooperative Oncology Group Study. Figure 1. Adénocarcinome de la tête du pancréas localement avancé. données publiées ont conclu à l’absence de supériorité de la CRT par rapport à la CT [14, 15]. Plus récemment, chimiothérapie et CRT ont été comparées dans un essai de phase III mené par la FFCD et la Société française d’oncologie radiothérapique (SFRO) [16]. Cet essai a comparé la survie de 119 patients traités soit par chimiothérapie seule (gemcita- bine telle que dans le schéma de Burris), soit par CRT de 60 Gy avec 5-FU et cisplatine. Dans les deux bras, la chimiothérapie de maintien était de la gemcitabine jusqu’à progression ou toxicité inacceptable. La survie médiane était plus courte dans le bras CRT (8,6 mois versus 13 mois ; p = 0,03). Le taux de toxicité de grade 3-4 était plus élevé dans le bras CRT, que ce soit pendant la phase initiale de traitement (36 % versus 22 %) ou pendant la chimiothérapie d’entretien (32 % versus 18 %). Ce taux de toxicité élevé est probablement dû au schéma de CRT utilisé avec une dose élevée – 60 Gy, alors que la dose recommandée est de 50 à 54 Gy – et à une chimiothérapie concomitante par 5-FU et cisplatine, moins bien tolérée que le 5-FU en monothérapie. Dans le même temps, l’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) menait un essai de phase III presque similaire [17]. Une chimiothérapie par sept cycles de gemcitabine seule (1 000 mg/m2 J1, J8, J15) était comparée à une CRT de 50,4 Gy avec gemcitabine concomitante (600 mg/m2/semaine) suivie de cinq cycles de gemcitabine seule. Plus de 300 patients devaient être inclus, mais l’essai a été clos après 74 inclusions en raison de la lenteur des inclusions. Le taux de réponse objective était de 2,7 % dans le bras « chimio » versus 808 % dans le bras CRT. La survie médiane était plus longue dans le bras CRT (11 mois versus 9,2 mois, p = 0,022). Le taux de toxicité de garde 4 était HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 293 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Tableau 3. Traitement des adénocarcinomes pancréatiques localement avancés : résultats des essais de phase 3. Premier auteur, année de publication N Traitement Moertel, 1981 194 RT 60 Gy CRT 40 Gy + 5-FU, puis 5-FU CRT 60 Gy + 5-FU, puis 5-FU Hazel, 1981 30 GITSG, 1985 Survie sans progression (mois) Survie globale (mois) 2,9 (p < 0,01) 7 (p = 0,14) 7,6 5,3 (p < 0,01) 9,7 (p = 0,19) 9,3 5-FU + methylCCNU CRT 46 Gy + 5-FU, puis 5-FU + methylCCNU 7,8 n.s. 7,3 143 CRT 60 Gy + 5-FU, puis 5-FU CRT 40 Gy + adria, puis 5-FU 8,5 n.s. 7,6 Klaassen, 1985 91 5-FU CRT 40 Gy + 5-FU, puis 5-FU 8,2 n.s. 8,3 GITSG, 1988 43 SMF (5-FU + streptomycine) CRT 54 Gy + 5-FU, puis SMF 7,4 n.s. 9,7 Earle, 1994 87 CRT 55 Gy + 5-FU CRT 50 Gy + hycanthone 7,8 n.s. 7,8 Shinchi, 2002 31 Best supportive care CRT 50,8 Gy + 5-FU, puis 5-FU 6,4 p < 0,001 13,2 Li, 2003 34 CRT+ 5-FU puis gem CRT + gem, puis gem 2,7 p = 0,019 7,1 6,7 p = 0,027 14,5 Chung, 2004 46 CRT 45 Gy + gem + doxifluridine, puis gem + doxi CRT 45 Gy + docetaxel + doxi, puis gem + doxi 12 n.s. 12,5 12 n.s. 14 Cohen, 2005 108 RT 59,4 Gy CRT 59,4 Gy + 5-FU + mito C 5 n.s. 5,1 7,1 n.s. 8,4 Chauffert, 2008 119 Gem CRT 60 Gy + 5-FU + cisplatine, puis gem Loehrer, 2008 74 Gem x 7 CRT 50,4 Gy + gem, puis gem x 5 13 p = 0,03 8,6 6,1 n.s. 6,3 Taux de survie à un an (%) 19 % (p < 0,02) 41% 0% (p < 0,001) 53 % 53 % 32 % 9,2 p = 0,04 11 N : nombre de patients ; GISTG : Gastrointestinal Study Group ; RT : radiothérapie ; CRT : chimioradiothérapie ; 5-FU : 5-fluorouracile ; gem : gemcitabine ; doxi : doxifluridine ; mito C : mitomycine C. beaucoup plus élevé dans le bras CRT (41,2 % versus 5,7 % ; p < 0,001). Même si le nombre de patients inclus dans cet essai est peu important, ses résultats viennent contredire ceux de l’essai de Chauffert et al. Plutôt que de continuer à opposer chimiothérapie et CRT, plusieurs équipes ont développé une stratégie thérapeutique consistant à associer chimiothérapie et CRT avec une médiane de survie de 12 à 17 mois. En effet, quel que 294 soit le mode de traitement utilisé, environ 30 % des patients ont une progression tumorale durant les trois premiers mois de traitement. Une chimiothérapie première pourrait donc permettre de sélectionner les patients pouvant potentiellement bénéficier ensuite d’une CRT. L’essai de phase III LAP07 mené par le GERCOR vient de débuter pour confirmer cette hypothèse. Dans cet essai international, des patients avec un cancer du pancréas loca- HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Cancer du pancréas et radiothérapie Figure 2. Faisceaux d’irradiation d’une tumeur pancréatique localement avancée. En rouge, le GTV (ou volume tumoral macroscopique [Gross Tumor Volume]) ; en bleu, le PTV (ou volume cible prévisionnel [Planning Target Volume] incluant le GTV, plus une marge de sécurité prenant en compte l’extension microscopique de la maladie et toutes les incertitudes liées au patient [mouvements], à la mise en place et à l’équipement. “ Pour les tumeurs localement avancées, une chimiothérapie première suivie pour les patients sans progression par une chimioradiothérapie est une stratégie prometteuse en cours de validation Conclusion Figure 3. Dosimétrie en trois dimensions. lement avancé sont inclus. Pendant les quatre premiers mois de traitement, ils reçoivent une chimiothérapie d’induction par gemcitabine associée ou non avec de l’erlotinib. Les patients ayant une tumeur contrôlée après cette première phase de traitement sont ensuite randomisés entre poursuite de la chimiothérapie pour deux cycles ou CRT (radiothérapie conformationnelle à la dose de 54 Gy avec chimiothérapie concomitante par capécitabine). Les patients ayant été randomisés initialement dans le bras (figures 2 et 3) gemcitabine-erlotinib reçoivent ensuite un traitement d’entretien par erlotinib jusqu’à progression. ” La place de la radiothérapie dans le traitement des cancers du pancréas est débattue depuis plus de 30 ans. Pendant longtemps, il y avait d’un côté les Américains considérant la CRT comme un standard thérapeutique que ce soit en adjuvant ou pour les cancers localement avancés, et de l’autre les Européens plus partisans de la chimiothérapie. En situation adjuvante, les résultats de l’essai ESPAC-1, bien que contestés, suivis de ceux de l’essai CONKO-1, ont amené à considérer la chimiothérapie post-opératoire comme un standard thérapeutique. La CRT est recommandée pour les patients ayant eu une résection incomplète (R1). En ce qui concerne les traitements néoadjuvants, on attend toujours l’essai de phase III qui comparera CRT néoadjuvante et chimiothérapie adjuvante. Pour les tumeurs localement avancées, le débat continue même si la stratégie consistant à associer une chimiothérapie première suivie d’une CRT pour les patients sans progression paraît séduisante. L’essai de phase III LAP07 en cours actuellement a été conçu pour valider cette attitude. Conflit d’intérêts : aucun. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010 n 295 n n 6. Oettle H, Post S, Neuhaus P, Gellert K, Langrehr J, Ridwelski K, et al. Adjuvant chemotherapy with gemcitabine vs observation in patients undergoing curative-intent resection of pancreatic cancer: a randomized controlled trial. Jama 2007 ; 297 : 267-77. T ake home messages n n La place de la radiothérapie chez les patients ayant un cancer du pancréas opérable ou localement avancé est actuellement controversée. 7. Neoptolemos J, Buchler M, Stocken DD, Ghaneh P, Smith D, Bassi C, et al. ESPAC-3(v2): A multicenter, international, open-label, randomized, controlled phase III trial of adjuvant 5-fluorouracil/folinic acid (5-FU/FA) versus gemcitabine (GEM) in patients with resected pancreatic ductal adenocarcinoma. J Clin Oncol 2009 ; 27 : LBA4505. n En 8. Van Laethem JL, Mornex F, Azria D, van Tienhoven G, Mauer M, Praet M, et al. Adjuvant gemcitabine alone versus gemcitabine-based chemoradiation after curative resection for pancreatic cancer: Updated results of a randomized EORTC/FFCD/GERCOR phase II study (40013-22012/9203). J Clin Oncol 2009 ; 27 : 4527. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. situation adjuvante, le traitement standard est une chimiothérapie par gemcitabine pendant six mois. En association avec une chimiothérapie concomitante, la radiothérapie post-opératoire permettrait d’améliorer la survie des patients ayant eu une résection tumorale incomplète (R1). Cela reste à démontrer dans un essai prospectif. 9. Le Scodan R, Mornex F, Girard N, Mercier C, Valette PJ, Ychou M, et al. Preoperative chemoradiation in potentially resectable pancreatic adenocarcinoma: feasibility, treatment effect evaluation and prognostic factors, analysis of the SFRO-FFCD 9704 trial and literature review. Ann Oncol 2009 ; 20 : 1387-96. n La chimio-radiothérapie néoadjuvante est une approche prometteuse mais non validée à ce jour. 10. Talamonti MS, Small Jr W, Mulcahy MF, Wayne JD, Attaluri V, Colletti LM, et al. A multi-institutional phase II trial of preoperative full-dose gemcitabine and concurrent radiation for patients with potentially resectable pancreatic carcinoma. Ann Surg Oncol 2006 ; 13 : 150-8. n Pour les tumeurs localement avancées, il n’existe pas de standard thérapeutique. Une chimiothérapie première par gemcitabine suivie chez les patients sans progression par une chimio-radiothérapie représente une stratégie thérapeutique séduisante qui est en cours de validation dans l’essai de phase III LAP07. 11. Evans DB, Varadhachary GR, Crane CH, Sun CS, Lee JE, Pisters PW, et al. Preoperative gemcitabine-based chemoradiation for patients with resectable adenocarcinoma of the pancreatic head. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 3496-502. 12. Varadhachary GR, Wolff RA, Crane CH, Sun CS, Lee JE, Pisters PW, et al. Preoperative gemcitabine and cisplatin followed by gemcitabine-based chemoradiation for resectable adenocarcinoma of the pancreatic head. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 3487-95. 13. Huguet F, Girard N, Guerche CS, Hennequin C, Mornex F, Azria D. Chemoradiotherapy in the management of locally advanced pancreatic carcinoma: a qualitative systematic review. J Clin Oncol 2009 ; 27 : 2269-77. Références Les références importantes apparaissent en gras 1. Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, Benhamou E, Delafosse P, et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique 2008 ; 56 : 159-75. 2. Kalser MH, Ellenberg SS. Pancreatic cancer. Adjuvant combined radiation and chemotherapy following curative resection. Arch Surg 1985 ; 120 : 899-903. 3. Klinkenbijl JH, Jeekel J, Sahmoud T, van Pel R, Couvreur ML, Veenhof CH, et al. Adjuvant radiotherapy and 5-fluorouracil after curative resection of cancer of the pancreas and periampullary region: phase III trial of the EORTC gastrointestinal tract cancer cooperative group. Ann Surg 1999 ; 230 : 776-84. 4. 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Phase III trial comparing intensive induction chemoradiotherapy (60 Gy, infusional 5-FU and intermittent cisplatin) followed by maintenance gemcitabine with gemcitabine alone for locally advanced unresectable pancreatic cancer. Definitive results of the 2000-01 FFCD/ SFRO study. Ann Oncol 2008 ; 19 : 1592-9. 17. Loehrer PJ, Powell ME, Cardenes HR, Wagner L, Brell JM, Ramanathan RK, et al. A randomized phase III study of gemcitabine in combination with radiation therapy versus gemcitabine alone in patients with localized, unresectable pancreatic cancer: E4201. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 4506. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 4, juillet-août 2010