La pharmacovigilance des antibiotiques - Antibiotics post

L
es essais cliniques de développement (phases I à
III), pour les antibiotiques comme pour tout autre
produit, ont comme objectif principal de mettre en
évidence l’efficacité des molécules. Le nombre de patients
inclus dans ces essais est, en effet, trop faible et les durées de
suivi sont en général trop courtes pour pouvoir détecter des
effets indésirables rares et/ou retardés. De même, les comorbi-
dités et les coprescriptions, facteurs favorisant l’émergence des
effets indésirables, sont rarement prises en compte dans ces
essais. Après l’obtention de l’autorisation de mise sur le mar-
ché (AMM) d’un antibiotique, les prescripteurs craignent plus
l’apparition de souches mutantes résistantes à l’antibiotique
que les problèmes de toxicité. Cependant, de nombreux anti-
biotiques, en particulier des fluoroquinolones, ont été retirés du
marché ces dernières années à la suite d’une survenue d’effets
indésirables rares ou exceptionnels, mais pouvant mettre en jeu
le pronostic vital des patients
(1)
.
Il est donc indispensable de suivre la sécurité d’emploi des anti-
biotiques ayant obtenu une AMM lors de leur utilisation en pra-
tique courante. C’est le rôle de la pharmacovigilance que de
rassembler les notifications d’effets indésirables attribuables au
médicament, permettant ainsi de générer un signal et de mettre en
évidence des facteurs de risque. Ces données de post-AMM
peuvent conduire à modifier le résumé des caractéristiques du pro-
duit (RCP) et, si le rapport bénéfice/ risque du médicament n’est
plus favorable, peuvent entraîner jusqu’à la suspension ou le
retrait de la molécule du marché par les autorités de santé.
Cet article a pour objet de faire un point sur la pharmacovigi-
lance des antibiotiques au travers d’exemples choisis dans
quatre classes largement prescrites que sont les bêtalacta-
mines, les fluoroquinolones, les macrolides et les cyclines.
BÊTALACTAMINES
(tableau I)
Les réactions allergiques médicamenteuses sont décrites prin-
cipalement pour les antibiotiques, au premier rang desquels se
La pharmacovigilance des antibiotiques
Antibiotics post-marketing safety surveillance
E. Polard*
* Centre régional de pharmacovigilance, service de pharmacologie, hôpital de
Pontchaillou, 35033 Rennes Cedex.
RÉSUMÉ.
Les antibiotiques ont généralement un rapport bénéfice/risque favorable. Cependant, comme tout médicament, ils peuvent être res-
ponsables d’effets indésirables graves dont certains n’émergent qu’après la mise sur le marché. Il est donc indispensable de suivre leur sécu-
rité d’emploi lors de leur utilisation en pratique courante.
Les bêtalactamines posent le problème des réactions d’hypersensibilité immédiate possiblement croisées entre toutes les molécules de la classe.
Les fluoroquinolones sont responsables d’effets sur les tendons, la peau, la fonction cardiaque. Les macrolides se distinguent par leur poten-
tiel cardiotoxique et les interactions médicamenteuses. Les tétracyclines sont impliquées dans la survenue de syndromes d’hypersensibilité et
d’ulcérations œsophagiennes.
Ces données de pharmacovigilance permettent aux autorités de santé de prendre les mesures réglementaires nécessaires au maintien d’un rap-
port bénéfice/risque positif.
Mots-clés :
Pharmacovigilance - Sécurité d’emploi - Bêtalactamines - Fluoroquinolones - Macrolides - Cyclines.
ABSTRACT.
Antibiotics usually have positive benefit-risk ratio. However, severe adverse drug reactions (ADR) can occur, generally in post-
marketing situation. The survey of antibiotic safety in clinical practice is conducted by the pharmacovigilance system. Beta-lactams account
for most drug-induced anaphylactic reactions. Tendinitis, phototoxicity and cardiotoxicity are reported with fluoroquinolones. Macrolides are
associated with cardiotoxicity and drug interactions. ADR are reported with cyclines. The safety data can lead health authorities to take regu-
latory measures to keep a positive benefit-risk ratio.
Keywords :
Post-marketing surveillance - Safety - Beta-lactams - Fluoroquinolones - Macrolides - Cyclines.
50
La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 2 - avril-mai-juin 2005
PHARMACOVIGILANCE
trouvent les bêtalactamines
(2-4)
. Pour ces molécules, dispo-
nibles en thérapeutique depuis de nombreuses années, sont
classiquement décrits deux types d’événements : des érup-
tions maculopapuleuses ou morbilliformes sans critère de
gravité, et de plus rares réactions anaphylactiques pouvant
mettre en jeu le pronostic vital.
Allergie immédiate aux bêtalactamines
La pénicilline est la cause la plus fréquente de réactions ana-
phylactiques dans la population générale
(2, 5)
; le nombre
annuel de décès dus à un choc anaphylactique aux bêtalacta-
mines aux États-Unis est voisin de 500 et représente les trois
quarts des chocs mortels d’origine médicamenteuse
(4).
Ces réactions allergiques sont immunomédiées, donc indépen-
dantes de la dose, imprévisibles, et ne peuvent être anticipées
par les études précliniques (absence de modèles animaux per-
tinents). Les métabolites obtenus après biotransformation de la
molécule mère sont souvent impliqués, et la variabilité inter-
individuelle du métabolisme sous-tendue par le polymorphisme
génétique explique la sensibilité différente des sujets vis-à-vis
d’une molécule
(1, 2)
. L’atopie n’est pas un facteur de risque
de réaction allergique aux bêtalactamines. Toutefois, diverses
études ont suggéré que des antécédents personnels d’atopie
pourraient majorer la sévérité des réactions anaphylactiques,
mais sans en modifier la fréquence
(4, 5)
.
Les réactions d’hypersensibilité immédiate observées avec
les bêtalactamines sont médiées par les immunoglobulines E
(IgE) dirigées contre certaines structures chimiques de ces
antibiotiques
(1, 2, 4)
. Les bêtalactamines comportent en effet
différents déterminants antigéniques (figure 1) :le cycle com-
mun bêtalactame, mais aussi les chaînes latérales, expliquant
ainsi les réactions croisées entre différentes pénicillines et
entre pénicillines et céphalosporines. Le cycle bêtalactame a
la capacité d’être immunogène après ouverture et liaison à des
protéines : le déterminant antigénique formé, le benzyl-péni-
cilloyl, est nommé déterminant majeur. La recherche d’une
allergie à ce déterminant peut se faire grâce à des tests cuta-
nés au pénicilloyl polylysine (PPL). Des déterminants dits
mineurs, dont la formation est liée au noyau thiazolidine, sont
également impliqués dans les réactions allergiques IgE
médiées. Cependant, les tests cutanés à visée diagnostique
sont peu disponibles pour ces déterminants mineurs (3).
Tableau I. Principaux effets indésirables décrits avec les classes
antibiotiques évoquées.
Classe antibiotique Effets indésirables
Bêtalactamines
pénicillines Réactions d’hypersensibilité immédiate
possiblement croisées
céphalosporines Maladie pseudo-sérique
Fluoroquinolones Troubles neuropsychiatriques
Atteintes tendineuses
Photosensibilisation
Allongement du QT
Réactions d’hypersensibilité
Macrolides Troubles gastro-intestinaux
Allongement du QT
Potentiel d’interactions médicamenteuses
(inhibition du CYP3A4)
Kétolides Aggravation de myasthénie
Tétracyclines
minocycline Atteintes auto-immunes (lupus)
Syndrome d’hypersensibilité
doxycycline Ulcérations œsophagiennes
R-CONH
R-CONH
O=C HN CH3
CH3
S
NH
Protéine
Protéine
COOH
Chaîne
latérale
Noyau
bêtalactame
Pénicillines
Déterminants majeurs
Noyau
thiazolidine
OCOOH
CH3
CH3
S
N
OOHN CH3
CH3
S
S
COOH
Déterminants mineurs
R
Figure 1. Structure générale des bêtalactamines et de leurs princi-
paux métabolites (exemple des pénicillines).
Le diagnostic des réactions d’hypersensibilité immédiate
repose surtout sur les tests cutanés sous forme de
pricks
ou
intradermo-réactions (IDR), dans un délai de 3 à 6 mois après
l’événement. La lecture se fait de la 15eà la 20eminute
(4)
.
Un test cutané positif permet de poser un diagnostic d’aller-
gie à la pénicilline ; un test négatif ne permet pas de conclure
(3)
. Néanmoins, à ce jour, aucune réaction anaphylactique n’a
été rapportée pour un patient ayant une histoire clinique posi-
tive, mais des tests négatifs aux déterminants classiquement
disponibles en allergologie
(2)
. Des tests de réintroduction
peuvent être envisagés si les bêtalactamines sont jugées indis-
pensables au patient : ils sont réalisés en milieu hospitalier
compte tenu du risque – non nul – de tests cutanés faussement
négatifs
(3, 4)
.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 2 - avril-mai-juin 2005
51
PHARMACOVIGILANCE
La fréquence des réactions cutanées aux céphalosporines est
plus faible qu’avec les pénicillines, de l’ordre de 1 à 3 %. Les
réactions anaphylactiques sont rares. La connaissance de l’im-
munogénicité des céphalosporines est plus limitée que celle
des pénicillines, et la question demeure du risque de prescrire
une céphalosporine chez un patient à antécédent d’allergie à la
pénicilline
(2, 5)
. Un patient aux antécédents avérés d’allergie
à la pénicilline a huit fois plus de risques de déclencher une
allergie aux céphalosporines qu’un patient sans antécédent
allergique
(4, 5)
. C’est pourquoi il est important, chez ces
patients, de mener un interrogatoire complet et, le cas échéant,
d’effectuer des tests cutanés aux pénicillines. Les tentatives de
mise au point de tests cutanés avec les céphalosporines se sont
révélées infructueuses et les tests avec la molécule mère ont
une valeur prédictive limitée
(2, 5)
. En revanche, les patients
ayant des tests cutanés négatifs aux pénicillines n’ont pas plus
de risque que la population générale de développer des réac-
tions allergiques aux céphalosporines. Ces informations sont
reprises dans le RCP des céphalosporines à la rubrique “Mises
en garde”, où il est précisé que
“l’allergie aux pénicillines étant
croisée avec celle aux céphalosporines dans 5 à 10 % des cas,
l’utilisation des céphalosporines doit être extrêmement prudente
chez les patients pénicillinosensibles”.
Chez les patients ayant présenté une réaction anaphylactique
à une bêtalactamine, il convient donc de proscrire toutes les
bêtalactamines, compte tenu du risque d’allergie croisée entre
les molécules de toute la classe. Il est conseillé de prévoir un
bilan allergologique, afin de poser le diagnostic et de définir
une liste des médicaments à risque.
Maladie pseudo-sérique
Il s’agit d’un effet indésirable d’apparition retardée par rap-
port au début du traitement. La maladie pseudo-sérique sur-
vient essentiellement chez de jeunes enfants (âge 6ans)
traités par céfaclor et par les céphalosporines de première
génération proches
(4, 6)
. Elle se manifeste au plan clinique
par une urticaire, de la fièvre et des arthralgies, dans un délai
d’environ une semaine après le début du traitement
(6)
.
L’évolution est spontanément favorable. La molécule en
cause est alors contre-indiquée chez le patient, mais sans
contre-indication de la classe des bêtalactamines
(4)
. La sur-
venue de cet effet serait expliquée par un déficit héréditaire
sur la voie métabolique hépatique du céfaclor
(2, 6)
. Des tests
cutanés peuvent être envisagés, de type patch-test à lecture
retardée (48-72 heures)
(4)
.
Dans la série décrite par King et al.
(6)
sur la période 1er jan-
vier au 31 décembre 1997, le céfaclor était associé à 84 % des
maladies pseudo-sériques attribuables à un traitement anti-
biotique par voie orale, et cette caractéristique a été confirmée
dans le reste du monde. Les auteurs observaient sur la même
période une sous-notification de cet effet indésirable auprès
du système de pharmacovigilance
(Adverse Drug Reactions
Advisory Committee [ADRAC] Australia)
:cet effet étant
maintenant bien reconnu avec le céfaclor, il est sans doute
moins notifié par les professionnels de santé, ce qui entraîne
une sous-estimation de son incidence au sein de la population
pédiatrique traitée par céfaclor.
FLUOROQUINOLONES
(tableau I)
Les “nouvelles” fluoroquinolones, à savoir ciprofloxacine, nor-
floxacine, ofloxacine, péfloxacine, puis sparfloxacine, ont été
mises sur le marché dans les années 1990. L’utilisation de cette
classe d’antibiotiques à large spectre antibactérien, offrant une
alternative possible aux bêtalactamines et semblant bien tolé-
rée, a été d’emblée importante. Toutefois, après quelques
années de commercialisation, des effets indésirables sont appa-
rus en notification spontanée et dans la littérature
(7)
. En
France, l’Agence du Médicament décida rapidement une ana-
lyse des cas notifiés avec les fluoroquinolones du début de leur
commercialisation au 31 décembre 1993. Plus tard, la spar-
floxacine fut intégrée à l’enquête
(7)
. Un profil d’effets indési-
rables des fluoroquinolones s’est dégagé avec des particularités
propres à certaines molécules, qui seront détaillées plus loin.
Des troubles neuropsychiatriques, des atteintes tendineuses,
des photosensibilisations et des troubles cardiaques sont décrits
(7, 8)
. Des réactions plus rares d’hypersensibilité immunomé-
diées ont aussi été rapportées en notification spontanée
(8)
. Ces
effets indésirables sont maintenant attendus pour toute la classe
,
et sont suivis pour toutes les molécules mises sur le marché
depuis l’enquête initiale, comme la lévofloxacine, la moxi-
floxacine, la trovafloxacine et la grépafloxacine.
Certains de ces effets indésirables sont expliqués par la struc-
ture chimique des fluroquinolones (figure 2). Par exemple, la
phototoxicité est influencée par la nature d’une substitution
R5
R7X6
R1
N
OO
COH
R2
F
Influence la phototoxicité
et la génotoxicité Contrôle la chélation,
interaction avec antiacides
Contrôle les liaisons au récepteur
GABA, influence les IAM
Contrôle la phototoxicité,
influence les interactions
médicamenteuses (IAM)
Contrôle la génotoxicité,
l'interaction avec la théophylline
Pas d'effet
Pas d'effet
Figure 2. Relations structure-toxicité des fluoroquinolones (1).
52
La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 2 - avril-mai-juin 2005
PHARMACOVIGILANCE
présente pour la sparfloxacine et absente pour des molécules
comme la moxifloxacine, pour laquelle ces réactions sem-
blent peu fréquentes
(1, 8)
. Les fluoroquinolones trifluorées
sont à haut risque de réactions immunomédiées, ce qui a été
confirmé par l’apparition d’atteintes hépatiques sévères sous
trovafloxacine, rapidement après son obtention d’AMM, et a
conduit les autorités de santé à retirer ce médicament du mar-
ché
(8)
. Ces informations sur la relation structure-toxicité
sont donc importantes pour anticiper la toxicité des molécules
en développement.
Fluoroquinolones et tendons
Le risque d’atteinte tendineuse a tout d’abord été mis en évi-
dence grâce à la notification spontanée avec la péfloxacine,
pour laquelle l’incidence des tendinites, principalement sur
le tendon d’Achille, était plus élevée qu’avec les autres fluo-
roquinolones
(7-9)
. Des facteurs de risque tels que l’âge
supérieur à 60 ans et la corticothérapie associée ont alors été
identifiés. Les données de pharmacovigilance ont ensuite
montré que le même type d’atteintes tendineuses survenait
fréquemment avec l’isomère lévogyre du racémique ofloxa-
cine, la lévofloxacine, bien que l’incidence de survenue ait
été difficilement comparable à celle de la péfloxacine
(8, 10).
Les données recueillies au cours des dix premiers mois de
commercialisation montraient que les tendinites concer-
naient en majorité le tendon d’Achille, et pouvaient conduire
à une rupture tendineuse (30 % des cas). Les tendinites pou-
vaient survenir en 48 heures après le début du traitement et
devenir bilatérales. Les facteurs de risque, âge et corticothé-
rapie associée, majoraient nettement le risque. Il en est résul-
té une mise en garde dans le RCP de la lévofloxacine ainsi
qu’une proposition d’adaptation des doses en cas d’insuffi-
sance rénale.
Fluoroquinolones et peau
Les fluoroquinolones exposent à un risque de phototoxicité
qui varie selon les molécules
(8)
. Les atteintes cutanées, plus
ou moins sévères, vont du simple érythème solaire à la brûlure
(11)
. La sparfloxacine avait été mise sur le marché en sep-
tembre 1994 et suivie d’emblée par l’enquête de pharmacovi-
gilance précédemment évoquée. Après huit mois de commer-
cialisation, il est apparu qu’elle était responsable de réactions
phototoxiques plus fréquentes et plus graves (nécessitant par-
fois une hospitalisation) que les autres fluoroquinolones
(11).
L’activité de la sparfloxacine sur le pneumocoque ayant un
intérêt en thérapeutique, la molécule était restée disponible
dans des indications très restreintes, avec mention dans le
RCP de “proscrire toute exposition au soleil, à la lumière vive
et aux ultraviolets pendant le traitement et trois jours après la
fin”. Aux problèmes cutanés s’est ajouté le potentiel cardio-
toxique de la sparfloxacine, ce qui a conduit le titulaire de
l’AMM à retirer son produit du marché en février 2001.
Fluoroquinolones et cœur
La prolongation de l’intervalle QT est un effet indésirable
désormais considéré comme un effet de classe des fluoroqui-
nolones, mais qui avait été initialement observé avec la spar-
floxacine
(8, 12)
. Ce trouble de la repolarisation expose au
risque de torsades de pointes, une tachyarythmie ventriculaire
potentiellement fatale
(12)
. Ainsi, parallèlement au problème
de phototoxicité, le potentiel cardiotoxique de la sparfloxacine
était analysé en temps réel par un groupe d’experts dans les
études précliniques, les essais cliniques et les données de
pharmacovigilance
(13)
. Dès mai 1995, la contre-indication
de la sparfloxacine avec l’amiodarone en raison du risque
d’allongement de l’intervalle QT était ajoutée au RCP. La
grépafloxacine, enregistrée en novembre 1997, a été retirée
du marché en octobre 1999 pour prolongation de l’intervalle
QT (7 décès en Allemagne)
(1)
. Comme la sparfloxacine, la
moxifloxacine, disponible en France depuis 2002, a montré
une tendance à allonger l’intervalle QT dans les phases pré-
coces de son développement
(8, 12)
. Selon le RCP de la moxi-
floxacine, toute association avec un médicament susceptible
d’augmenter l’intervalle QT est contre-indiquée. La firme
commercialisant le produit a, par ailleurs, obligation de
mener des études de sécurité (phases IV) sur son produit, afin
de détecter très précocement tout événement cardiovasculaire
grave
(12)
.
MACROLIDES
(tableau 1)
Généralités
Les macrolides représentent une classe d’antibiotiques homo-
gène dans ses indications. Ils constituent également une alter-
native pour les germes sensibles en cas d’allergie aux bêta-
lactamines
(14)
. Outre les troubles gastro-intestinaux retrou-
vés pour la majorité des molécules, les effets indésirables
découlent du potentiel de certains macrolides à allonger l’in-
tervalle QT et à entraîner des interactions médicamenteuses
cliniquement significatives, les deux étant souvent liés
(1, 15)
.
En effet, les macrolides représentent la majorité des médica-
ments impliqués dans la survenue de torsades de pointes,
principalement l’érythromycine et la clarithromycine
(12, 15)
.
D’une part, le potentiel d’allongement du QT est intrinsèque
à la molécule, et interviennent la pharmacocinétique du pro-
duit (dose, voie d’administration, distribution, …) et les capa-
cités métaboliques et d’élimination du patient. D’autre part,
l’impact des macrolides sur l’intervalle QT peut également
résulter de l’inhibition du métabolisme, par le cytochrome
P450 3A4 (CYP3A4), d’un médicament prolongeant le QT à
fortes concentrations plasmatiques [exemple : le cisapride]
(12, 15)
. Les cas rapportés de torsades de pointes en postmar-
keting révèlent la coprescription des macrolides avec des
médicaments contre-indiqués ou l’existence de facteurs de
La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 2 - avril-mai-juin 2005
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PHARMACOVIGILANCE
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 2 - avril-mai-juin 2005
PHARMACOVIGILANCE
risque connus comme les antécédents cardiovasculaires, une
hypokaliémie, une hypomagnésémie ou l’existence d’un QT
long (congénital ou acquis).
Le risque d’interactions médicamenteuses est partiellement
dépendant de la structure moléculaire des différents macro-
lides (figure 3). L’interaction se situe au niveau de l’inhibi-
tion du pouvoir catalytique du CYP3A4 et s’expliquerait par
l’encombrement stérique sur la fonction amine tertiaire pré-
sente sur cette classe antibiotique. Ainsi, l’accessibilité de la
fonction amine des macrolides à noyau lactone à 14 carbones
(dont l’érythromycine) expliquerait la fréquence élevée d’in-
teractions médicamenteuses
(1)
. Trois groupes de macrolides
sont définis en fonction de leur potentiel inhibiteur du
CYP3A4 :
érythromycine ;
clarithromycine ;
azithromycine.
Les études d’interactions médicamenteuses, qui se font in
vitro et in vivo sur des sujets sains, comportent des limites
d’extrapolation. Les données in vitro ne prennent pas en
compte la variabilité interindividuelle d’origine génétique qui
existe sur le potentiel métabolique du CYP3A4. Les données
cliniques sur les sujets sains ne prennent pas en compte les
comorbidités et les coprescriptions : pour les macrolides éga-
lement, le suivi postmarketing est indispensable pour détecter
d’éventuelles interactions médicamenteuses
(14, 16)
.
La télithromycine
La FDA a demandé, comme pour la moxifloxacine, un suivi
particulier de pharmacovigilance sur la télithromycine, déri-
vée de l’érythromycine A et annoncée comme le premier
représentant de la nouvelle classe des kétolides. La télithro-
mycine possède un potentiel d’allongement du QT, sans
conséquence clinique à ce jour, et surtout un puissant effet
inhibiteur du CYP3A4
(12, 14)
. Le RCP de la télithromycine,
mise sur le marché français en septembre 2002, fait donc
apparaître les contre-indications de l’érythromycine, dont
l’association avec les médicaments allongeant le QT et les
statines métabolisés par le CYP3A4, l’existence d’un QT
long.
En plus de ces effets attendus, la télithromycine a été respon-
sable de cas d’aggravation de myasthénie. L’Agence de sécu-
rité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a diffusé un
communiqué de presse en avril 2003 décrivant une aggrava-
tion de faiblesse musculaire, une dyspnée et une insuffisance
respiratoire dans les heures suivant la première prise et pou-
vant mettre en jeu le pronostic vital. Le mécanisme de cet
effet reste inconnu, mais la télithromycine est désormais
déconseillée chez le patient myasthénique
(17)
.
TÉTRACYCLINES
(tableau I)
Effets indésirables généraux
Une revue récente collige les données de sécurité d’emploi
des cyclines utilisées dans l’acné
(18)
. La minocycline est la
molécule la plus souvent citée. Elle est responsable d’at-
teintes auto-immunes de type lupus, de survenue tardive au
cours du traitement, la durée du traitement (> 3 mois) ressor-
CH3
CH3
CH3
13
12
3
4
5
11
610
987
12
14
CH3
CH3
CH3
CH3
CH3
CH3
X
CH3
R1
OR
CH3
OCH3
HH
CH3
R2
HO
HO
O
O
O
OO
N
OH
O
R1O
CH3
13
12
3
4
5
11
610
987
12
14 15
CH3
CH3
CH3OR3
OR2
CH3
CH3
CH3
OR
OCH3
O
O
OR
OO
OOOH
H
N
H3C
13
123
4
5
11
6
10 98
7
12
14
CH3
CH3
CH3CH3
C
CH3
CH3
CH3
O
N
NN
O
O
O
O
N
O
OOCH3
CH3
O
Figure 3. Structure chimique des macrolides et des kétolides (14).
Macrolides à 14 carbones
Exemple : érythromycine
Macrolides à 16 carbones
Exemple : spiramycine
Kétolides : télithromycine
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