MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 6 - novembre-décembre 2005
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cette classe d’antibiotiques à large spectre antibactérien,
offrant une alternative possible aux bêtalactamines et sem-
blant bien tolérée, a été d’emblée importante. Toutefois, après
quelques années de commercialisation, des effets indésirables
sont apparus en notification spontanée et dans la littérature
(8). En France, l’Agence du médicament décida rapidement
une analyse des cas notifiés avec les fluoroquinolones du
début de leur commercialisation au 31 décembre 1993. Plus
tard, la sparfloxacine fut intégrée à l’enquête (8). Un profil
d’effets indésirables des fluoroquinolones s’est dégagé avec
des particularités propres à certaines molécules, qui seront
détaillées plus loin. Des troubles neuropsychiatriques, des
atteintes tendineuses, des photosensibilisations et des troubles
cardiaques sont décrits (8, 9). Des réactions plus rares d’hy-
persensibilité immunomédiées ont aussi été rapportées en
notification spontanée (9). Ces effets indésirables, mainte-
nant attendus pour toute la classe, sont suivis pour toutes les
molécules mises sur le marché depuis l’enquête initiale,
comme la lévofloxacine, la moxifloxacine, la trovafloxacine
et la grépafloxacine.
Certains de ces effets indésirables sont expliqués par la struc-
ture chimique des fluoroquinolones (figure 2). Par exemple,
la phototoxicité est influencée par la nature d’une substitu-
tion présente pour la sparfloxacine et absente pour des molé-
cules comme la moxifloxacine, pour laquelle ces réactions
semblent peu fréquentes (1, 9). Les fluoroquinolones trifluo-
rées (trovafloxacine, témafloxacine) sont à haut risque de
réactions immunomédiées, ce qui a été confirmé par l’appa-
rition d’atteintes hépatiques sévères sous trovafloxacine, rapi-
dement après son obtention d’AMM, et a conduit les autori-
tés de santé à retirer ce médicament du marché (1). Ces
informations sur la relation structure-toxicité sont donc
importantes pour anticiper la toxicité des molécules en déve-
loppement.
Les trois types d’effets indésirables envisagés ici sont les ten-
dinopathies, la phototoxicité et la cardiotoxicité.
Fluoroquinolones et tendinopathies
Le risque d’atteinte tendineuse a initialement émergé grâce à la
notification spontanée sur la péfloxacine, pour laquelle les cas
rapportés de tendinites, principalement sur le tendon d’Achille,
étaient plus nombreux qu’avec les autres fluoroquinolones (8-
10). La fréquence estimée lors de l’enquête française de pharma-
covigilance était pour la péfloxacine d’un cas par 23 130 jours
de traitement, alors qu’elle variait de 1/173 600 à 1/799 600 jours
de traitement pour ofloxacine, ciprofloxacine et norfloxacine
(10). Des facteurs de risque tels que l’âge supérieur à 60 ans et
la corticothérapie associée ont alors été identifiés. Les données
de pharmacovigilance ont ensuite montré que le même type d’at-
teintes tendineuses survenait fréquemment avec l’isomère lévo-
gyre du racémique ofloxacine, la lévofloxacine, bien que la fré-
quence de survenue ait été difficilement comparable à celle de
la péfloxacine (9, 11). Des données industrielles internationales
de surveillance post-AMM rapportaient une fréquence inférieure
à quatre cas de rupture tendineuse pour un million de prescrip-
tions (12). Les données recueillies en France au cours des dix
premiers mois de commercialisation de la lévofloxacine mon-
traient que les tendinites concernaient en majorité le tendon
d’Achille, et pouvaient conduire à une rupture tendineuse (30 %
des cas). Les tendinites pouvaient survenir en 48 heures après le
début du traitement et devenir bilatérales. Les facteurs de risque,
âge et corticothérapie associée, majoraient nettement le risque.
Il en est résulté une mise en garde dans le RCP de la lévofloxa-
cine ainsi qu’une proposition d’adaptation des doses en cas d’in-
suffisance rénale.
Fluoroquinolones et phototoxicité
Les fluoroquinolones exposent à un risque de phototoxicité
qui varie selon les molécules (9). Les atteintes cutanées, plus
ou moins sévères, vont du simple érythème solaire à la brûlure
(13). La sparfloxacine avait été mise sur le marché en septembre
1994 et suivie d’emblée par l’enquête de pharmacovigilance
précédemment évoquée. Après huit mois de commercialisa-
tion, il est apparu qu’elle était responsable de réactions photo-
toxiques plus fréquentes et plus graves (nécessitant parfois une
hospitalisation) que les autres fluoroquinolones (13). L’activité
de la sparfloxacine sur le pneumocoque ayant un intérêt en thé-
rapeutique, la molécule était restée disponible dans des indi-
cations très restreintes, avec mention dans le RCP de “pros-
crire toute exposition au soleil, à la lumière vive et aux
ultraviolets, pendant le traitement et trois jours après la fin”.
Aux problèmes cutanés s’est ajouté le potentiel cardiotoxique
de la sparfloxacine, ce qui a conduit le titulaire de l’AMM à
retirer son produit du marché en février 2001.
Fluoroquinolones et cardiotoxicité
La prolongation de l’intervalle QT est un effet indésirable
désormais considéré comme un effet de classe des fluoroqui-
nolones, mais qui avait été initialement observé avec la