MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 6 - novembre-décembre 2005
238
L
es essais cliniques de développement (phases I à III),
pour les antibiotiques comme pour tout autre produit,
ont comme objectif principal de mettre en évidence l’ef-
ficacité des molécules. Le nombre de patients inclus dans ces
essais est en effet trop faible, et les durées de suivi sont en géné-
ral trop courtes pour pouvoir détecter des effets indésirables
rares et/ou retardés. De même, les comorbidités et coprescrip-
tions, facteurs favorisant l’émergence des effets indésirables,
sont rarement prises en compte dans ces essais. Après l’obten-
tion de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un anti-
biotique, les prescripteurs craignent plus l’apparition de
souches mutantes résistantes à l’antibiotique que les problèmes
de toxicité. Cependant, de nombreux antibiotiques, en parti-
culier des fluoroquinolones, ont été retirés du marché ces der-
nières années pour une survenue d’effets indésirables rares ou
exceptionnels, mais pouvant mettre en jeu le pronostic vital des
patients (1).
Il est donc indispensable de suivre la sécurité d’emploi des
antibiotiques ayant obtenu une AMM lors de leur utilisa-
La pharmacovigilance des antibiotiques[1]
Exemples de quelques effets indésirables rapportés
avec les bêtalactamines, les fluoroquinolones,
les macrolides et les cyclines
Antibiotics post-marketing safety surveillance:
examples of some adverse drug reactions described with beta-lactams,
fluoroquinolones, macrolides and cyclines
E. Polard*
[1] Article paru dans La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-
juin 2005, réactualisé par l’auteur.
* Centre régional de pharmacovigilance, service de pharmacologie, hôpital de
Pontchaillou, 35033 Rennes Cedex.
RÉSUMÉ.
Les antibiotiques ont généralement un rapport bénéfice/risque favorable. Cependant, comme tout médicament, ils peuvent être
responsables d’effets indésirables graves dont certains n’émergent qu’après la mise sur le marché. Il est donc indispensable de suivre leur
sécurité d’emploi lors de leur utilisation en pratique courante.
Les bêtalactamines posent le problème des réactions d’hypersensibilité immédiate possiblement croisées entre toutes les molécules de la classe.
Les fluoroquinolones sont responsables d’effets sur les tendons, la peau, la fonction cardiaque. Les macrolides se distinguent par leur potentiel
cardiotoxique et les interactions médicamenteuses. Les tétracyclines sont impliquées dans la survenue de syndromes d’hypersensibilité et
d’ulcérations œsophagiennes.
Ces données de pharmacovigilance permettent aux autorités de santé de prendre les mesures réglementaires nécessaires au maintien d’un
rapport bénéfice/risque positif.
Mots-clés :
Pharmacovigilance - Sécurité d’emploi - Bêtalactamines - Fluoroquinolones - Macrolides - Cyclines.
ABSTRACT.
Antibiotics usually have positive benefit-risk ratio. However, severe adverse drug reactions (ADR) can occur, generally in post-
marketing situation. The survey of antibiotic safety in clinical practice is conducted by the pharmacovigilance system. Beta-lactams account
for most drug-induced anaphylactic reactions. Tendinitis, phototoxicity and cardiotoxicity are reported with fluoroquinolones. Macrolides
are associated with cardiotoxicity and drug interactions. ADR are reported with cyclines. The safety data can lead health authorities to take
regulatory measures to keep a positive benefit-risk ratio.
Keywords:
Post-marketing surveillance - Safety - Beta-lactams - Fluoroquinolones - Macrolides - Cyclines.
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 6 - novembre-décembre 2005
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Allergie immédiate aux bêtalactamines
La pénicilline est la cause la plus fréquente de réactions ana-
phylactiques dans la population générale ; l’incidence, diffi-
cile à établir car la définition de la réaction anaphylactique et
les modalités d’administration des pénicillines sont hétéro-
gènes entre les études, varie de 0,055 à 0,2 % (2, 5). Le
nombre annuel de décès dus à un choc anaphylactique aux
bêtalactamines aux États-Unis est voisin de 500 et représente
les trois quarts des chocs mortels d’origine médicamenteuse
(4).
Ces réactions allergiques sont immunomédiées, donc indé-
pendantes de la dose, imprévisibles, et ne peuvent être antici-
pées par les études précliniques (absence de modèles animaux
pertinents). Les métabolites obtenus après biotransformation
de la molécule mère sont souvent impliqués, et la variabilité
interindividuelle du métabolisme sous-tendue par le polymor-
phisme génétique explique la sensibilité différente des sujets à
une molécule (1, 2). L’atopie n’est pas un facteur de risque de
réaction allergique aux bêtalactamines. Toutefois, diverses
études ont suggéré que des antécédents personnels d’atopie
pourraient majorer la sévérité des réactions anaphylactiques,
mais sans en modifier la fréquence (4, 5).
Les réactions d’hypersensibilité immédiate observées avec les
bêtalactamines sont médiées par les immunoglobulines E (IgE)
dirigées contre certaines structures chimiques de ces antibio-
tiques (1, 2, 4). Les bêtalactamines comportent en effet diffé-
rents déterminants antigéniques (figure 1) :le cycle commun
bêtalactame, mais aussi les chaînes latérales, expliquant ainsi
les réactions croisées entre différentes pénicillines et entre péni-
cillines et céphalosporines. Le cycle bêtalactame a la capacité
d’être immunogène après ouverture et liaison à des protéines :
le déterminant antigénique formé, le benzyl-pénicilloyl, est
nommé déterminant majeur. La recherche d’une allergie à ce
déterminant peut se faire grâce à des tests cutanés au pénicil-
loyl polylysine (PPL). Des déterminants dits mineurs, dont la
formation est liée au noyau thiazolidine, sont également impli-
qués dans les réactions allergiques IgE médiées. Cependant,
les tests cutanés à visée diagnostique sont peu disponibles pour
ces déterminants mineurs (3).
Le diagnostic des réactions d’hypersensibilité immédiate
repose surtout sur les tests cutanés sous forme de pricks, ou
intradermo-réactions (IDR), dans un délai de 3 à 6 mois après
l’événement. La lecture se fait de la 15
e
à la 20
e
minute (4). Un
test cutané positif permet de poser un diagnostic d’allergie à la
pénicilline ; un test négatif ne permet pas de conclure (3). Néan-
moins, à ce jour, aucune réaction anaphylactique n’a été rap-
portée pour un patient ayant une histoire clinique positive, mais
des tests négatifs aux déterminants classiquement disponibles
en allergologie (2). Des tests de réintroduction peuvent être
tion en pratique courante. C’est le rôle de la pharmacovi-
gilance que de rassembler les notifications d’effets indési-
rables attribuables au médicament, permettant ainsi de
générer un signal et de mettre en évidence des facteurs de
risque. Ces données de post-AMM peuvent conduire à
modifier le résumé des caractéristiques du produit (RCP)
et, si le rapport bénéfice/risque du médicament n’est plus
favorable, peuvent aller jusqu’à entraîner la suspension ou
le retrait de la molécule du marché par les autorités de santé.
Cet article a pour objet de faire le point sur la pharmacovigi-
lance des antibiotiques au travers d’exemples choisis dans
quatre classes largement prescrites : les bêtalactamines, les
fluoroquinolones, les macrolides et les cyclines.
BÊTALACTAMINES
(tableau I)
Les réactions allergiques médicamenteuses sont décrites prin-
cipalement pour les antibiotiques, au premier rang desquels se
trouvent les bêtalactamines (2-4). Pour ces molécules, dispo-
nibles en thérapeutique depuis de nombreuses années, sont clas-
siquement décrits deux types d’événements : des exanthèmes
maculopapuleux, dits “morbilliformes”, le plus souvent sans
critère de gravité (des toxidermies graves de type Stevens-
Johnson ou Lyell ont été décrites), et de plus rares réactions
anaphylactiques pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Deux
exemples d’effets indésirables ont été choisis : l’allergie immé-
diate et la maladie pseudo-sérique.
Tableau I. Principaux exemples d’effets indésirables décrits pour
les antibiotiques évoqués.
Classe antibiotique Effets indésirables
Bêtalactamines
pénicillines Réactions d’hypersensibilité immédiate
possiblement croisées
céphalosporines Maladie pseudo-sérique
Fluoroquinolones Troubles neuropsychiatriques
Atteintes tendineuses
Photosensibilisation
Allongement du QT
Réactions d’hypersensibilité
Macrolides Troubles gastro-intestinaux
Allongement du QT
Potentiel d’interactions médicamenteuses
(inhibition du CYP3A4)
Kétolides Aggravation de myasthénie
Potentiel d’interactions médicamenteuses
(inhibition du CYP3A4)
Tétracyclines
minocycline Atteintes auto-immunes (lupus)
Syndrome d’hypersensibilité
doxycycline Ulcérations œsophagiennes
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 6 - novembre-décembre 2005
240
envisagés si les bêtalactamines sont jugées indispensables au
patient : ils sont réalisés en milieu hospitalier compte tenu du
risque – non nul – de tests cutanés faussement négatifs (3, 4).
La fréquence des réactions cutanées aux céphalosporines est plus
faible qu’avec les pénicillines, de l’ordre de 1 à 3 %. Les réac-
tions anaphylactiques sont rares. La connaissance de l’immu-
nogénicité des céphalosporines est plus limitée que celle des
pénicillines, et la question demeure du risque de prescrire une
céphalosporine chez un patient avec antécédent d’allergie à la
pénicilline (2, 5). Un patient aux antécédents avérés d’allergie à
la pénicilline a huit fois plus de risques de voir se déclencher une
allergie aux céphalosporines qu’un patient sans antécédent aller-
gique (4,5). Les pourcentages de réactions croisées pénicillines-
céphalosporines communément admis sont de 5 à 10 %. C’est
pourquoi il est important chez ces patients de mener un interro-
gatoire complet et, le cas échéant, d’effectuer des tests cutanés
aux pénicillines. Les tentatives de mise au point de tests cutanés
avec les céphalosporines se sont révélées infructueuses et les
tests avec la molécule mère ont une valeur prédictive limitée (2,
5). En revanche, les patients ayant des tests cutanés négatifs aux
pénicillines n’ont pas plus de risques que la population générale
de développer des réactions allergiques aux céphalosporines. Ces
informations sont reprises dans le RCP des céphalosporines à la
rubrique “Mises en garde”, où il est précisé que “l’allergie aux
pénicillines étant croisée avec celle aux céphalosporines dans
5 à 10 % des cas, l’utilisation des céphalosporines doit être extrê-
mement prudente chez les patients pénicillinosensibles”.
Parmi les bêtalactamines, on peut distinguer l’aztréonam,
monobactam (structure chimique à un seul cycle). Cette molé-
cule est proposée par Parmar et Nasser (6) chez des patients
atteints de mucoviscidose et présentant des prick-tests positifs
aux pénicillines. Cependant, l’aztréonam partage avec la cef-
tazidime une chaîne latérale identique, et des cas isolés de réac-
tions croisées entre ces deux molécules ont été rapportés. Il
convient donc, selon le RCP de l’aztréonam, d’utiliser cette
molécule avec une grande prudence chez les patients présen-
tant une hypersensibilité aux bêtalactamines.
Chez les patients ayant présenté une réaction anaphylactique
à une bêtalactamine, il convient donc de proscrire toutes les
bêtalactamines, compte tenu du risque d’allergie croisée entre
les molécules de toute la classe. Il est ensuite conseillé de pré-
voir un bilan allergologique, afin de confirmer le diagnostic,
de définir une liste des médicaments à risque et de proposer le
cas échéant un test de réintroduction ou une désensibilisation
sous stricte surveillance médicale.
Maladie pseudo-sérique
Il s’agit d’un effet indésirable d’apparition retardée par rapport
au début du traitement. La maladie pseudo-sérique survient
essentiellement chez de jeunes enfants (âge 6 ans) traités par
céfaclor et par les céphalosporines de première génération
proches (4, 7). Elle se manifeste au plan clinique par une urti-
caire, de la fièvre et des arthralgies dans un délai d’environ une
semaine après le début du traitement (7). L’évolution est spon-
tanément favorable. La molécule en cause est alors contre-indi-
quée chez le patient, mais sans contre-indication de la classe
des bêtalactamines (4). La survenue de cet effet serait expli-
quée par un déficit héréditaire sur la voie métabolique hépa-
tique du céfaclor (2, 7). Des tests cutanés peuvent être envisa-
gés, de type patch-test à lecture retardée (48-72 heures) (4).
Dans la série décrite par King et al. (7) sur la période allant du
1
er
janvier au 31 décembre 1997, le céfaclor était associé à 84 %
des maladies pseudo-sériques attribuables à un traitement anti-
biotique par voie orale, et cette caractéristique a été confirmée
dans le reste du monde. Les auteurs observaient sur la même
période une sous-notification de cet effet indésirable auprès du
système de pharmacovigilance (Adverse Drug Reactions Advi-
sory Committee [ADRAC] Australia):cet effet étant mainte-
nant bien reconnu avec le céfaclor, il est sans doute moins noti-
fié par les professionnels de santé, ce qui entraîne une
sous-estimation de son incidence au sein de la population pédia-
trique traitée par céfaclor.
FLUOROQUINOLONES
(tableau I)
Les “nouvelles” fluoroquinolones, à savoir ciprofloxacine,
norfloxacine, ofloxacine, péfloxacine, puis sparfloxacine, ont
été mises sur le marché dans les années 1990. L’utilisation de
R-CONH
R-CONH
O=C HN CH3
CH3
S
NH
Protéine
Protéine
COOH
Chaîne
latérale
Noyau
bêtalactame
Pénicillines
Déterminants majeurs
Noyau
thiazolidine
O
COOH
CH3
CH3
S
N
N
OOHN CH3
CH3
S
S
COOH
Déterminants mineurs
R
Figure 1. Structure générale des bêtalactamines et de leurs princi-
paux métabolites (exemple des pénicillines).
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 6 - novembre-décembre 2005
241
cette classe d’antibiotiques à large spectre antibactérien,
offrant une alternative possible aux bêtalactamines et sem-
blant bien tolérée, a été d’emblée importante. Toutefois, après
quelques années de commercialisation, des effets indésirables
sont apparus en notification spontanée et dans la littérature
(8). En France, l’Agence du médicament décida rapidement
une analyse des cas notifiés avec les fluoroquinolones du
début de leur commercialisation au 31 décembre 1993. Plus
tard, la sparfloxacine fut intégrée à l’enquête (8). Un profil
d’effets indésirables des fluoroquinolones s’est dégagé avec
des particularités propres à certaines molécules, qui seront
détaillées plus loin. Des troubles neuropsychiatriques, des
atteintes tendineuses, des photosensibilisations et des troubles
cardiaques sont décrits (8, 9). Des réactions plus rares d’hy-
persensibilité immunomédiées ont aussi été rapportées en
notification spontanée (9). Ces effets indésirables, mainte-
nant attendus pour toute la classe, sont suivis pour toutes les
molécules mises sur le marché depuis l’enquête initiale,
comme la lévofloxacine, la moxifloxacine, la trovafloxacine
et la grépafloxacine.
Certains de ces effets indésirables sont expliqués par la struc-
ture chimique des fluoroquinolones (figure 2). Par exemple,
la phototoxicité est influencée par la nature d’une substitu-
tion présente pour la sparfloxacine et absente pour des molé-
cules comme la moxifloxacine, pour laquelle ces réactions
semblent peu fréquentes (1, 9). Les fluoroquinolones trifluo-
rées (trovafloxacine, témafloxacine) sont à haut risque de
réactions immunomédiées, ce qui a été confirmé par l’appa-
rition d’atteintes hépatiques sévères sous trovafloxacine, rapi-
dement après son obtention d’AMM, et a conduit les autori-
tés de santé à retirer ce médicament du marché (1). Ces
informations sur la relation structure-toxicité sont donc
importantes pour anticiper la toxicité des molécules en déve-
loppement.
Les trois types d’effets indésirables envisagés ici sont les ten-
dinopathies, la phototoxicité et la cardiotoxicité.
Fluoroquinolones et tendinopathies
Le risque d’atteinte tendineuse a initialement émergé grâce à la
notification spontanée sur la péfloxacine, pour laquelle les cas
rapportés de tendinites, principalement sur le tendon d’Achille,
étaient plus nombreux qu’avec les autres fluoroquinolones (8-
10). La fréquence estimée lors de l’enquête française de pharma-
covigilance était pour la péfloxacine d’un cas par 23 130 jours
de traitement, alors qu’elle variait de 1/173 600 à 1/799 600 jours
de traitement pour ofloxacine, ciprofloxacine et norfloxacine
(10). Des facteurs de risque tels que l’âge supérieur à 60 ans et
la corticothérapie associée ont alors été identifiés. Les données
de pharmacovigilance ont ensuite montré que le même type d’at-
teintes tendineuses survenait fréquemment avec l’isomère lévo-
gyre du racémique ofloxacine, la lévofloxacine, bien que la fré-
quence de survenue ait été difficilement comparable à celle de
la péfloxacine (9, 11). Des données industrielles internationales
de surveillance post-AMM rapportaient une fréquence inférieure
à quatre cas de rupture tendineuse pour un million de prescrip-
tions (12). Les données recueillies en France au cours des dix
premiers mois de commercialisation de la lévofloxacine mon-
traient que les tendinites concernaient en majorité le tendon
d’Achille, et pouvaient conduire à une rupture tendineuse (30 %
des cas). Les tendinites pouvaient survenir en 48 heures après le
début du traitement et devenir bilatérales. Les facteurs de risque,
âge et corticothérapie associée, majoraient nettement le risque.
Il en est résulté une mise en garde dans le RCP de la lévofloxa-
cine ainsi qu’une proposition d’adaptation des doses en cas d’in-
suffisance rénale.
Fluoroquinolones et phototoxicité
Les fluoroquinolones exposent à un risque de phototoxicité
qui varie selon les molécules (9). Les atteintes cutanées, plus
ou moins sévères, vont du simple érythème solaire à la brûlure
(13). La sparfloxacine avait été mise sur le marché en septembre
1994 et suivie d’emblée par l’enquête de pharmacovigilance
précédemment évoquée. Après huit mois de commercialisa-
tion, il est apparu qu’elle était responsable de réactions photo-
toxiques plus fréquentes et plus graves (nécessitant parfois une
hospitalisation) que les autres fluoroquinolones (13). L’activité
de la sparfloxacine sur le pneumocoque ayant un intérêt en thé-
rapeutique, la molécule était restée disponible dans des indi-
cations très restreintes, avec mention dans le RCP de “pros-
crire toute exposition au soleil, à la lumière vive et aux
ultraviolets, pendant le traitement et trois jours après la fin”.
Aux problèmes cutanés s’est ajouté le potentiel cardiotoxique
de la sparfloxacine, ce qui a conduit le titulaire de l’AMM à
retirer son produit du marché en février 2001.
Fluoroquinolones et cardiotoxicité
La prolongation de l’intervalle QT est un effet indésirable
désormais considéré comme un effet de classe des fluoroqui-
nolones, mais qui avait été initialement observé avec la
R5
R7X6
R1
N
OO
COH
R2
F
Influence la phototoxicité
et la génotoxicité Contrôle la chélation,
interaction avec antiacides
Contrôle les liaisons au récepteur
GABA, influence les IAM
Contrôle la phototoxicité,
influence les interactions
médicamenteuses (IAM)
Contrôle la génotoxicité,
l'interaction avec la théophylline
Pas d'effet
Pas d'effet
Figure 2. Relations structure-toxicité des fluoroquinolones (1).
.../...
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XX - n° 6 - novembre-décembre 2005
244
sparfloxacine (9, 14). Ce trouble de la repolarisation expose
au risque de torsades de pointes, une tachyarythmie ventricu-
laire potentiellement fatale (14). Ainsi, parallèlement au pro-
blème de phototoxicité, le potentiel cardiotoxique de la spar-
floxacine était analysé en temps réel par un groupe d’experts
dans les études précliniques, les essais cliniques et les don-
nées de pharmacovigilance (15). Dès mai 1995, la contre-indi-
cation de la sparfloxacine avec l’amiodarone en raison du
risque d’allongement de l’intervalle QT était ajoutée au RCP.
La grépafloxacine, enregistrée en novembre 1997, a été reti-
rée du marché en octobre 1999 pour prolongation de l’inter-
valle QT (7 décès en Allemagne) (1). Comme la sparfloxa-
cine, la moxifloxacine, disponible en France depuis 2002, a
montré une tendance à allonger l’intervalle QT dans les phases
précoces de son développement (9, 14). Selon le RCP de la
moxifloxacine, toute association avec un médicament sus-
ceptible d’augmenter l’intervalle QT est contre-indiquée. La
firme commercialisant le produit a, par ailleurs, obligation de
mener des études de sécurité (phases IV) sur son produit, afin
de détecter très précocement tout événement cardiovasculaire
grave (14).
MACROLIDES
(tableau I)
Les macrolides représentent une classe d’antibiotiques homo-
gène dans ses indications. Ils constituent également une alter-
native pour les germes sensibles en cas d’allergie aux bêtalac-
tamines (16). Outre les troubles gastro-intestinaux retrouvés
pour la majorité des molécules, les effets indésirables décou-
lent du potentiel de certains macrolides à allonger l’intervalle
QT et à entraîner des interactions médicamenteuses clinique-
ment significatives, les deux étant souvent liés (1, 17). Récem-
ment mise sur le marché, la télithromycine, un dérivé de l’éry-
thromycine, présente certaines caractéristiques décrites plus
loin.
Intervalle QT et interactions médicamenteuses
Les macrolides représentent la majorité des médicaments impli-
qués dans la survenue de torsades de pointes, principalement
l’érythromycine et la clarithromycine (14, 17). D’une part, le
potentiel d’allongement du QT est intrinsèque à la molécule ;
interviennent alors la pharmacocinétique du produit (dose, voie
d’administration, distribution…) et les capacités métaboliques
et d’élimination du patient. D’autre part, l’impact des macro-
lides sur l’intervalle QT peut également résulter de l’inhibition
du métabolisme, par le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), d’un
médicament prolongeant le QT à fortes concentrations plas-
matiques (exemple : cisapride) (14, 17). Les cas rapportés de
torsades de pointes en post-marketing révèlent la coprescrip-
tion des macrolides avec des médicaments contre-indiqués ou
l’existence de facteurs de risque connus comme les antécédents
cardiovasculaires, une hypokaliémie, une hypomagnésémie ou
l’existence d’un QT long (congénital ou acquis).
Le risque d’interactions médicamenteuses dépend partielle-
ment de la structure moléculaire des différents macrolides
(figure 3). L’interaction se situe au niveau de l’inhibition du
pouvoir catalytique du CYP3A4 et pourrait s’expliquer par l’en-
combrement stérique sur la fonction amine tertiaire présente
dans cette classe antibiotique. Ainsi, l’accessibilité de la fonc-
tion amine des macrolides à noyau lactone à 14 carbones (dont
Figure 3. Structure chimique des macrolides et des kétolides (16).
CH3
CH3
CH3
13
1
2
3
4
5
11
610
987
12
14
CH3
CH3
CH3
CH3
CH3
CH3
X
CH3
R1
OR
CH3
OCH3
HH
CH3
R2
HO
HO
O
O
O
OO
N
OH
O
R1O
CH3
13
12
3
4
5
11
610
987
12
14 15
CH3
CH3
CH3OR3
OR2
CH3
CH3
CH3
OR
OCH3
O
O
OR
OO
OOOH
H
N
H3C
13
123
4
5
11
6
10 98
7
12
14
CH3
CH3
CH3CH3
C
CH3
CH3
CH3
O
N
N
N
O
O
O
O
N
O
OOCH3
CH3
O
.../...
Macrolides
à 14 carbones.
Exemple :
érythromycine
Macrolides
à 16 carbones.
Exemple :
spiramycine
Kétolides :
télithromycine
1 / 7 100%