Hegel Vol. 1 N° 3 – 2011 –
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a permis à l’Allemagne de Guillaume II d’acquérir une sorte de monopole sur l’armée ottomane
en assurant la formation de ses cadres et en l’équipant en armes et munitions. À l’intérieur,
l’empire était traversé par une effervescence sociale, intellectuelle et politique dont l’apothéose
fut la révolte des jeunes Turcs en 1908. C’est dans cette ambiance de déclin et d’espoir de
renaissance que H. Behçet effectua ses études primaires puis secondaires et termina ses études
médicales en 1910, date à laquelle il fut recruté comme résident dans le Service de Dermatologie
et de Syphiligraphie à l’Hôpital de l’Armée Gulhane. En 1914, il est nommé Assistant Directeur
à l’Hôpital de l’Armée Eskisehir, poste qu’il occupa jusqu’en 1918 [1].
L’année 1914 est une date fatidique, elle est celle de l’alliance germano-turque dont les
conséquences seront incalculables pour la Turquie qui va cesser d’être l’Empire ottoman. Avec
la défaite allemande, le désastre fut tel pour la Turquie que les membres du gouvernement
responsables de la participation de la Turquie au conflit mondial s’embarquèrent, en
novembre 1918, sur un navire allemand en partance pour Odessa, puis allèrent se réfugier à
Berlin. C’est dans ce contexte de pays ravagé par la guerre que, l’été 1918, H. Behçet quitte
Istanbul pour Budapest qui fut certainement un transit pour arriver à Berlin où il a travaillé à
l’Hôpital de la Charité. Il retourne dans son pays fin 1919, année marquée par l’apparition de
Mustapha Kamel sur la scène militaire et politique. En effet, Mehmet VI (1918-1922), dernier
sultan ottoman, investit Mustapha Kamel, officier de l’armée turque, de pouvoirs considérables
en 1919 pour lutter contre l’occupation étrangère. Celui-ci débarque en Anatolie et, à partir de
son quartier général à Ankara, organise la guerre de libération de son pays. Il abolit le sultanat en
novembre 1922 [3].
Maître absolu de la Turquie, Mustapha Kamel effacera toutes les traces de l’ancien régime par
des réformes laïques et nationalistes. Parmi les mesures adoptées, la suppression de l’alphabet
arabe et l’introduction de l’alphabet latin dans l’écriture turque. Les patronymes d’origine arabe
sont également supprimés et remplacés par des patronymes turcophones. Ahmed Behçet, le père
d’Hulusi avait des rapports étroits avec Mustapha Kamel, ce qui a permis à son fils Hulusi
d’obtenir une autorisation spéciale pour garder son patronyme. En effet, Behçet est un mot
arabe, comme beaucoup utilisés dans la langue turque. Il signifie la gaieté et la sérénité, et se
prononce « behjet » : le « h » n’étant pas muet. La prononciation turque est légèrement
différente, la cédille transforme la consonne qu’elle porte en une double consonne qui est un
mélange de « tch » et « dj ». Par ailleurs, le « h » qui précède cette consonne, comme dans la
prononciation arabe, n’est pas muet. Quant à Mustapha Kamel, il devient Kamel Ataturk ou
« Kamel le père des Turcs », alors que le mot « Kamel » qui est arabe signifie « la grandeur »
(sous-entendu : la grandeur est à Dieu). C’est au milieu de ces bouleversements que H. Behçet
poursuit sa carrière médicale sur le plan professionnel et scientifique. À son retour dans son pays
en 1919, il assure une activité privée jusqu’en 1923 date à laquelle il est nommé Directeur de
l’Hôpital des maladies vénériennes Hasköy puis nommé comme Consultant de Dermatologie à
l’Hôpital Guraba. Il était marié et avait une fille qui a assisté au premier symposium international
sur la maladie de Behçet à Istanbul en 1977.
En 1933, avec la création de l’université d’Istanbul, il est nommé Professeur de Dermatologie.
En 1936, il est désigné membre correspondant de deux revues allemandes : Dermatologische
wochenschrift et Medizinische Welt. Ses observations cliniques se sont échelonnées sur
plusieurs années. Elles lui ont permis de décrire une nouvelle entité [1].
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