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Hegel Vol. 1 N° 3 – 2011 –
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DOI 10.4267/2042/44370
HISTOIRE
La maladie de Behçet
Auteur : M’Hamed HAMZA
Ancien Professeur de Rhumatologie à la Faculté de Médecine de Tunis
Ancien Chef de Service de Rhumatologie à l’Hôpital La Rabta à Tunis
Consultant de Rhumatologie à la Clinique Ibn Zohr :
Voie x2 - Cité El Khadra - 1003 TUNIS
Passionné d’arboriculture, et d’histoire quand elle rapproche les
peuples.
E-mail : [email protected]
Behçet : sa vie (1889-1948)
Hulusi Behçet : un homme témoin de la chute d’un
empire et de la naissance d’une nation, un médecin
acharné à montrer l’originalité de ses observations
cliniques
Hulusi Behçet est né en 1889 à Istanbul, capitale d’un empire Ottoman qui, à son apogée,
comprenait soixante-douze nationalités et demi, les Tziganes étant considérés comme une demi
nationalité. C’était sous le règne de Abdelhamid II (1876-1909) qui avait le titre : de Sultan à la
tête de l’empire Ottoman, protégeant ses sujets quelles que soient leur nationalité et leur
religion et de Calife représentant tous les musulmans de par le monde. Surnommé « Le sultan
rouge », il était connu pour son despotisme. C’est sous son règne que l’homme malade a perdu
une grande partie de ses territoires et un grand nombre de ses nationalités, puisque Chypre fut
cédée à l’Angleterre, la Bosnie Herzégovine occupée par l’Autriche alors que la Roumanie, la
Serbie et la Bulgarie proclamèrent leur indépendance. Sur le plan diplomatique, Abdelhamid II
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a permis à l’Allemagne de Guillaume II d’acquérir une sorte de monopole sur l’armée ottomane
en assurant la formation de ses cadres et en l’équipant en armes et munitions. À l’intérieur,
l’empire était traversé par une effervescence sociale, intellectuelle et politique dont l’apothéose
fut la révolte des jeunes Turcs en 1908. C’est dans cette ambiance de déclin et d’espoir de
renaissance que H. Behçet effectua ses études primaires puis secondaires et termina ses études
médicales en 1910, date à laquelle il fut recruté comme résident dans le Service de Dermatologie
et de Syphiligraphie à l’Hôpital de l’Armée Gulhane. En 1914, il est nommé Assistant Directeur
à l’Hôpital de l’Armée Eskisehir, poste qu’il occupa jusqu’en 1918 [1].
L’année 1914 est une date fatidique, elle est celle de l’alliance germano-turque dont les
conséquences seront incalculables pour la Turquie qui va cesser d’être l’Empire ottoman. Avec
la défaite allemande, le désastre fut tel pour la Turquie que les membres du gouvernement
responsables de la participation de la Turquie au conflit mondial s’embarquèrent, en
novembre 1918, sur un navire allemand en partance pour Odessa, puis allèrent se réfugier à
Berlin. C’est dans ce contexte de pays ravagé par la guerre que, l’été 1918, H. Behçet quitte
Istanbul pour Budapest qui fut certainement un transit pour arriver à Berlin où il a travaillé à
l’Hôpital de la Charité. Il retourne dans son pays fin 1919, année marquée par l’apparition de
Mustapha Kamel sur la scène militaire et politique. En effet, Mehmet VI (1918-1922), dernier
sultan ottoman, investit Mustapha Kamel, officier de l’armée turque, de pouvoirs considérables
en 1919 pour lutter contre l’occupation étrangère. Celui-ci débarque en Anatolie et, à partir de
son quartier général à Ankara, organise la guerre de libération de son pays. Il abolit le sultanat en
novembre 1922 [3].
Maître absolu de la Turquie, Mustapha Kamel effacera toutes les traces de l’ancien régime par
des réformes laïques et nationalistes. Parmi les mesures adoptées, la suppression de l’alphabet
arabe et l’introduction de l’alphabet latin dans l’écriture turque. Les patronymes d’origine arabe
sont également supprimés et remplacés par des patronymes turcophones. Ahmed Behçet, le père
d’Hulusi avait des rapports étroits avec Mustapha Kamel, ce qui a permis à son fils Hulusi
d’obtenir une autorisation spéciale pour garder son patronyme. En effet, Behçet est un mot
arabe, comme beaucoup utilisés dans la langue turque. Il signifie la gaieté et la sérénité, et se
prononce « behjet » : le « h » n’étant pas muet. La prononciation turque est légèrement
différente, la cédille transforme la consonne qu’elle porte en une double consonne qui est un
mélange de « tch » et « dj ». Par ailleurs, le « h » qui précède cette consonne, comme dans la
prononciation arabe, n’est pas muet. Quant à Mustapha Kamel, il devient Kamel Ataturk ou
« Kamel le père des Turcs », alors que le mot « Kamel » qui est arabe signifie « la grandeur »
(sous-entendu : la grandeur est à Dieu). C’est au milieu de ces bouleversements que H. Behçet
poursuit sa carrière médicale sur le plan professionnel et scientifique. À son retour dans son pays
en 1919, il assure une activité privée jusqu’en 1923 date à laquelle il est nommé Directeur de
l’Hôpital des maladies vénériennes Hasköy puis nommé comme Consultant de Dermatologie à
l’Hôpital Guraba. Il était marié et avait une fille qui a assisté au premier symposium international
sur la maladie de Behçet à Istanbul en 1977.
En 1933, avec la création de l’université d’Istanbul, il est nommé Professeur de Dermatologie.
En 1936, il est désigné membre correspondant de deux revues allemandes : Dermatologische
wochenschrift et Medizinische Welt. Ses observations cliniques se sont échelonnées sur
plusieurs années. Elles lui ont permis de décrire une nouvelle entité [1].
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Observations cliniques
La première observation concernait un homme de 40 ans qui l’a consulté en 1924 et 1925 et
qui avait une aphtose buccale, une aphtose génitale, un érythème noueux et une iritis
récidivante à hypopion, compliquée rapidement de cécité. Ce patient était suivi à Vienne et à
Istanbul et plusieurs diagnostics étaient alors avancés : sarcoïdose, aphtose chronique
récidivante, erythema exudativum multiforme.
La deuxième observation était celle d’une femme vue en 1935 qui avait une aphtose buccale,
une aphtose génitale et une « injection sclérale et conjonctivale ». Elle était étiquetée comme
ulcus vulvae acutum, entité décrite par Lipschütz en 1912.
Dans la troisième observation vue en 1936, il s’agissait d’un homme qui avait une aphtose
buccale, une aphtose génitale, des lésions acnéiformes sur le dos et une cécité.
Dans un travail publié en 1937 dans Dermatologische Wochenschrift et communiqué la même
année à la Société Française de Dermatologie à Paris, Behçet rapporte ses trois observations
en arguant qu’il s’agit d’une nouvelle entité clinique qui touche avec prédilection ce qu’il
appelle « les trois faces de l’organisme » : buccale, génitale et oculaire, se traduisant par une
aphtose buccale, une aphtose génitale et une iritis à hypopion. À cette triade symptomatique
ou complexe tri symptomatique de Behçet, peuvent s’ajouter des manifestations cutanées type
érythème noueux, éruption acnéiforme, ainsi que des manifestations systémiques type arthrite
ou thrombose veineuse décrites ultérieurement par Behçet [1].
Dans un premier temps, Behçet a incriminé l’infection dentaire dans l’étiologie de cette
entité ; puis il l’a minimisée en mettant en exergue une étiologie virale en 1938 et 1939.
Les publications de Behçet ont déclenché une tempête de querelles nosologiques jusque dans
les années 1970 comme le montrent les différentes dénominations publiées dans la littérature,
surtout que Behçet a superbement ignoré les autres cadres nosologiques proches ou frontières
antérieurement décrits comme l’aphtose, l’ulcère aigu vulvaire de Lipschütz et l’iritis à
hypopion de Gilbert.
La maladie de Gilbert-Behçet
Alors qu’en 1919, Behçet était à Berlin, Gilbert, ophtalmologiste à Hambourg, décrit l’iritis à
hypopion et, en 1921, attire l’attention sur la fréquence des pustules et folliculites et l’intitule
« Ophtalmia lenta ». Cette ophtalmie lente ou « ophtalmie froide » réalise le tableau clinique
de l’uvéite dans la Maladie de Behçet. Il n’y a pas de signes irritatifs importants et peu de
congestion ciliaire, le cercle périkératique est à peine ébauché, la déscémétite est discrète, et
l’iris lui-même ne présente que peu de réaction inflammatoire : il n’est pas œdémateux et on
ne voit pas de vaisseaux dans le stroma. L’iritis à hypopion a tellement marqué les esprits que
les différentes écoles ophtalmologiques ont, pendant longtemps, refusé de porter le diagnostic
en son absence ; puis, progressivement, on admettait qu’il pouvait s’agir d’une uvéite totale
ou postérieure, l’hypopion étant inconstant. Avec les travaux d’Adamantiades, on a mis
l’accent sur les lésions vasculaires rétiniennes. Il est probable que dans les descriptions
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initiales, les patients étaient vus à un stade très avancé avec cécité par secclusion pupillaire où
il était impossible de regarder le FO, et où le tableau clinique se présentait comme une iritis à
hypopion. Cependant, l’uvéite était considérée comme un signe essentiel pour le diagnostic, et
ceci jusque dans les années 1970. Les patients sans uvéite étaient considérés, de façon
arbitraire, comme rentrant dans le cadre de la grande aphtose de Touraine, ce qui ne
correspondait pas aux écrits de Touraine lui-même [2].
La maladie d’Adamantiades-Behçet
Adamantiades ophtalmologiste grec décrit, en 1931 dans des revues ophtalmologiques
françaises, un cas d’iritis à hypopion accompagné d’ulcération buccale et génitale, d’une
phlébite et d’une hydarthrose des genoux. Il en fait le rapprochement avec l’ophtalmia lenta
de Gilbert et pense à une étiologie staphylococcique.
Plus tard, en 1946, il insiste sur les manifestations veineuses et considère les
thrombophlébites rétiniennes et celles des membres inférieurs comme le quatrième signe
cardinal de la maladie. La dénomination « Maladie d’Adamantiades-Behçet » consacrée
dans la littérature médicale pendant longtemps, fut abandonnée et remplacée progressivement
et définitivement par « Maladie de Behçet » surtout après les symposiums internationaux sur
la Maladie de Behçet de Rome en 1966 et d’Istanbul en 1977.
La grande aphtose de Touraine
En France, Touraine décrit en 1941 un cadre nosologique nouveau intitulé « l’aphtose ».
Dans un article intitulé « Aphtose. Données récentes et synthèse » publié en 1955, il décrit
quatre formes cliniques :
- l’aphtose pure des muqueuses, tantôt unipolaire buccale ou génitale ; tantôt bipolaire
affectant les muqueuses buccales et génitales simultanément ou alternativement. Cette double
localisation sur les muqueuses répond à l’aphtose de Neumann décrite en 1895 ;
- l’aphtose cutanéo-muqueuse avec, en plus des manifestations muqueuses, des lésions de
pseudo folliculite nécrotique ;
- l’aphtose cutanée pure caractérisée uniquement par les lésions de pseudo folliculite
nécrotique ;
- la grande aphtose ou « aphtose généralisée » associe une aphtose muqueuse ou cutanée à des
manifestations systémiques : oculaire, articulaire, veineuse, nerveuse, etc.
Dans cette publication, quelques lignes sont consacrées à Behçet : « Les manifestations se
combinent de la manière la plus variée ; la plus connue réunit une iritis récidivante à
hypopion aux aphtoses buccogénitaux, c’est ‘le syndrome de Behçet’ qui n’est qu’une forme
clinique de l’aphtose ».
En France, on a distingué pendant longtemps et jusqu’aux années 1970, la grande aphtose de
Touraine et le syndrome de Behçet selon qu’il y avait ou pas d’uvéite.
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La maladie de Behçet
La dénomination « Maladie de Behçet » ne s’imposa de façon définitive qu’après
l’organisation d’un symposium international à Istanbul en 1977 où les médecins grecs étaient
absents car les relations gréco-turques étaient très tendues à cette époque. Lors de cette
réunion, plusieurs équipes ont insisté sur l’hypersensibilité cutanée aux points de piqûre à
cause de sa sensibilité et sa spécificité. Les études méditerranéennes et japonaises ont montré
une liaison avec l’antigène HLA-B5. Le problème à surmonter était l’absence de
l’hypersensibilité cutanée et de l’antigène HLA-B5 dans les séries anglaises et américaines
qui, de plus, étaient féminines ; alors que dans les séries méditerranéennes, la prédominance
masculine était la règle [2].
Au cours des symposiums internationaux ultérieurs à Tokyo (1981), Londres (1985),
Rochester (1989), Tunis (1991) etc., les manifestations systémiques furent longuement
étudiées comme les manifestations articulaires, neurologiques, veineuses, artérielles et
intestinales. Ces réunions internationales, grâce à des études multicentriques, ont permis
d’établir des critères de diagnostic de la Maladie de Behçet. Curieusement, les critères
majeurs se retrouvent chez le patient vu par Behçet en 1924, et rapportés dans sa description
princeps à savoir : aphtose buccale, aphtose génitale, uvéite, érythème noueux et lésions
acnéiformes.
Critères de classification du Groupe International d’Étude sur la maladie de Behçet
Aphtose buccale récidivante*+
- 3 types : majeur, mineur, herpétiforme ;
- au moins 3 poussées par an.
Plus deux des critères suivants :
- aphtose génitale récidivante, ou cicatrice*+
- lésions oculaires*
* Uvéite antérieure/postérieure ou
* Vascularite rétinienne.
Lésions cutanées
Erythème noueux*+
Pseudo folliculite, lésions papulopustuleuses, ou nodule acnéiforme
en dehors de l’adolescence et d’un traitement corticoïde*
- Test pathergique positif recherché par une aiguille 20G et lu entre la 24 et 48ème heure*
* Observé par un médecin.
+ Rapporté sûrement par le patient.
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Le diagnostic dans les cas individuels
Autres critères importants
- arthrite
- thrombose veineuse ou thrombophlébite souscutanée
- thrombose et/ou anévrysme artériel
- atteinte du système nerveux central
- ulcération intestinale
- épididymite
- antécédents familiaux
Critères d’exclusion
- LED
- rectocolite ulcéro-hémorragique
- maladie de Crohn
- polychondrite atrophiante
- syndrome de Sweet
La maladie de la route de la soie
La répartition géographique de la MB est très particulière. La majorité des cas est rapportée
dans les pays méditerranéens, le Proche-Orient (Liban, Syrie, Israël, Jordanie), le MoyenOrient (Irak, Iran, Arabie Saoudite), et l’Extrême-Orient (Corée, Chine, Japon). Les pays
méditerranéens intéressés par la MB sont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Turquie, la Grèce,
un peu moins l’Espagne et l’Italie. En Israël, la majorité des cas sont rapportés chez les arabes
et les juifs sépharades. Il est à noter que dans la communauté japonaise vivant aux États-Unis,
aucun cas de MB n’a été recensé après enquête. La répartition de la maladie dans le monde
retrace l’itinéraire de la soie, ce qui a valu à la MB le nom de « maladie de la route de la
soie » par Ohno (1986).
Décrétée Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO, la route de la soie comportait des voies
terrestres et des voies maritimes. Gigantesques artères reliant l’Orient et l’Occident, ces routes
ont été des voies d’échanges commerciaux et de communications d’idées, de culture et de
religion – qui ont fait l’histoire pendant 15 siècles. En Chine, les premiers bouddhistes et les
premiers musulmans étaient des marchands.
Pendant l’empire romain, la soie arrivait de Chine en traversant, dans le Turkestan chinois, les
montagnes célestes, les chaînes de Tian Chan le long du fleuve Tarim, puis Yarkand Daria,
puis l’Inde et la Perse pour arriver dans le détroit d’Ormuz, puis à Mascat dans le Golfe
d’Oman. Les marchandises seront, de là, acheminées vers des villes de stockage comme
Petra, soit par caravanes à travers le désert d’Arabie en passant par la Mecque, soit par bateau
à travers la Mer Rouge.
Une autre voie plus au Nord emprunte les montagnes du Tian Chan, arrive à la ville de
Karchgar, traverse les montagnes du Pamir pour arriver dans les pays d’Asie Centrale et les
villes Oasis, Tachkent, Samarkand et Boukhara.
Au VIIIe siècle, la fondation de Bagdad en 762 et l’extension de l’empire abbasside ont
stimulé le commerce terrestre et surtout maritime de la route de la soie. L’importance de ce
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commerce maritime est illustrée par les aventures de Sindbad le marin dans « Les contes des
Mille et Une Nuits ». Les navires partent du Golfe persique quittant la Mer d’Oman et se
dirigeant dans l’Océan Indien, gagnant les Iles Laquedives puis les Iles Maldives, Ceylan et
les Iles Andaman dans le Golfe du Bengale. De là, les navires passent le détroit de Malacca,
arrivent à la Mer de Chine Méridionale, remontent par les côtes du Champa, et arrivent à
Canton. Le voyage du Golfe persique en chine dure huit mois en profitant de la mousson.
Pour le retour, il faut attendre le renversement de la mousson pour pouvoir profiter des vents.
Plus tard aux XIe et XIe siècles, avec le déclin de Bagdad au profit d’autres métropoles
comme Le Caire, Mahdia et Cordoue, il y eut une extension des voies commerciales par la
Mer Rouge vers l’Égypte, l’Afrique du Nord, l’Andalousie, la Sicile et certaines villes
italiennes.
La MB touche effectivement les pays qui sont dans leur quasi-totalité sur la route de la soie.
Cependant, les pays d’Asie Centrale qui sont sur la voie terrestre du nord, ainsi que les pays
qui sont sur la route maritime comme l’Inde, l’Indonésie et l’Indochine ne sont pas intéressés
par la MB.
Les Mystères de l’Orient. Toile XIXe siècle. Anonyme.
Mystères de l’Orient
À cause de son étiologie inconnue, de sa physiopathologie complexe, de son aspect clinique
multiforme difficilement classable sur le plan nosologique, allant des vascularites aux
spondylarthropathies, en passant par les connectivites, certains auteurs ont assimilé la MB aux
« Mystères de l’Orient ». L’Orient, ce concept tant de fois recomposé depuis l’invasion de
l’Égypte par Napoléon au XVIIIe siècle, a été la source de fantasmes créés et entretenus par
certains qui se sont autoproclamés spécialistes de l’Orient. Une volonté de comprendre
d’autres cultures a animé d’autres auteurs dans une démarche humaniste. Edward Said,
intellectuel américain d’origine palestinienne pense que « l’Orient créé par l’Occident » est,
malheureusement, souvent utilisé dans le but de dominer l’autre. Pour lui, le « choc des
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civilisations » concept créé pour opposer l’Occident et l’Orient est « le choc de
l’ignorance » [5].
A. Meddeb, intellectuel tunisien, pense par exemple que le fait que Dante dans « La Comédie
Humaine » ait réservé un plan de choix au prophète Mohamed et à son gendre Ali montre les
connexions étroites entre les deux mondes qui ne seraient que « apparemment » différents [4].
Pour revenir à la MB qui, en fait, n’est pas plus mystérieuse que n’importe quelle autre
maladie inflammatoire chronique d’étiologie inconnue, son traitement repose sur les antiinflammatoires et les immuno-modulants qu’elle partage avec beaucoup d’autres maladies.
Cependant, la discussion étiologique est toujours dominée par l’hypothèse virale et
bactérienne. L’infection dentaire incriminée initialement par Behçet lui-même en 1936
et 1937, a été reprise en 1988 par Mizushima dont les travaux insistent sur le rôle du
streptocoque sanguis et préconisent la pénicillinothérapie dans la prévention des rechutes.
Le seul traitement original ou particulier à la MB est la colchicothérapie qui agit sur les
manifestations cutanéo-muqueuses à cause de son inhibition de l’activité chimiotactique
leucocytaire qui est augmentée dans la MB.
La corticothérapie est largement utilisée dans les poussées oculaires, neurologiques et
articulaires. Parmi les immuno-modulants :
- la Thalidomide est indiquée dans l’aphtose invalidante après échec de la corticothérapie ;
- la Salazopyrine peut être indiquée dans les arthrites et les manifestations intestinales ;
- le Méthotrexate en discontinu est indiqué dans l’uvéite et le neuro Behçet ;
- les antiTNFα semblent agir de façon spectaculaire sur les poussées d’uvéite.
Références
1. Dilsen N, Konice M, Ovul C. Behçet’s Disease. Excerpta Medica. Amsterdam, Oxford,
1979.
2. Kahn MF, Peltier AP, Meyer O, Pitie JC. Maladies et syndromes systémiques. MédecineSciences. Flammarion Paris 2000.
3. Mantron R. Histoire de l’empire Ottoman. Fayard France 1989.
4. Meddeb A. La Maladie de l’Islam. Éditions du Seuil Paris 2002.
5. Said EW. L’orientalisme. L’orient créé par l’occident. Editions du Seuil Paris 1997.
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