Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement

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Recommandations
Bon usage
des médicaments
antidépresseurs dans
le traitement des troubles
dépressifs et des troubles
anxieux de l’adulte
Recommandations, octobre 2006
Avant-propos
Les cadres nosographiques sur
lesquels reposent les indications
d’Autorisation de Mise sur le Marché
(AMM) des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles
dépressifs et des troubles anxieux
sont issus du Manuel Statistique et
Diagnostique des Troubles Mentaux,
4ème version révisée (DSM-IV-TR). Par
conséquent ces recommandations
sont basées sur ces mêmes définitions
nosographiques.
Introduction
64
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1. Généralités
sur les troubles dépressifs
et anxieux1
Le diagnostic d’un trouble dépressif
ou anxieux et l’indication d’un traitement antidépresseur sont posés à
l’issue d’un examen clinique systématique et non à partir d’une simple
impression clinique. Cet examen
1
Des définitions simples des troubles dépressifs
et autres troubles de l’humeur et du trouble
anxieux caractérisé sont présentées en
Annexe 1.
permet de distinguer un trouble
dépressif ou anxieux d’un ou plusieurs
symptômes dépressifs ou anxieux qui
n’atteignent pas le seuil de définition du trouble. Ainsi, l’existence de
symptômes dépressifs ou anxieux au
décours d’un événement de vie, aussi
signifiant soit-il dans la vie du sujet
(deuil, divorce, chômage…) ne suffit
pas à poser un diagnostic de trouble
dépressif ou anxieux.
L’évaluation du risque suicidaire
doit être réalisée systématiquement
à l’interrogatoire chez tout sujet
présentant des symptômes dépressifs
ou anxieux, même si le patient ne
l’évoque pas spontanément. Cette
évaluation peut nécessiter l’avis d’un
spécialiste. Le risque suicidaire est
plus élevé chez le jeune adulte et
chez le sujet âgé que dans les autres
segments de la population adulte2.
1.1. Troubles dépressifs
L’entité pivot des troubles dépressifs est le trouble dépressif majeur
unipolaire, qui est défini par la
2
Ces recommandations ne traitent pas de la
prise en charge du risque suicidaire : cf. Agence
Nationale d’Accréditation et d’Évaluation
en Santé. La crise suicidaire : reconnaître et
prendre en charge. Conférence de consensus,
19-20 octobre 2000. Paris: ANAES; 2000.
doi : 10.1684/met.2007.0076
L’objectif de ces recommandations
est de mieux identifier les patients qui
nécessitent un traitement antidépresseur et d’optimiser le bon usage de
ces médicaments dans les troubles
dépressifs et les troubles anxieux de
l’adulte. Ces recommandations ne
concernent pas l’enfant et l’adolescent. L’énurésie, la migraine, les troubles des conduites alimentaires ou les
douleurs neuropathiques sont exclues
de ces recommandations.
Le traitement médicamenteux ne
constitue qu’un aspect de la prise en
charge des sujets présentant des troubles dépressifs ou anxieux. Les autres
types de traitements qui peuvent leur
être proposés sont essentiellement les
prises en charge psychothérapiques
et éventuellement d’autres traitements comme par exemple l’électroconvulsivothérapie pour les troubles
dépressifs. Ces autres types de traitements ne seront qu’évoqués dans ces
recommandations.
Si historiquement les antidépresseurs étaient des médicaments qui
traitaient la dépression, leurs indications thérapeutiques ont été par la
suite étendues à d’autres troubles,
notamment les troubles anxieux.
Les travaux sont plus nombreux
dans le domaine des troubles dépressifs
que dans celui des troubles anxieux.
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présence d’un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs
(c’est-à-dire caractérisés)3, dans la vie d’un sujet, et par
l’absence d’épisodes maniaques ou hypomaniaques.
Il existe différentes formes d’épisode dépressif
majeur :
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– selon l’intensité : léger, modéré et sévère :
L’appréciation de l’intensité des symptômes relève
de l’évaluation clinique et éventuellement d’échelles
validées. Elle est définie en fonction de l’évaluation du
nombre, de l’intensité et du retentissement des symptômes dépressifs :
– Un épisode léger est défini par la présence de 5 symptômes dépressifs et d’une altération limitée du fonctionnement (social, professionnel...), ou d’un fonctionnement
normal mais au prix d’efforts importants et inhabituels ;
– Un épisode sévère est défini par la présence de 8
ou 9 symptômes dépressifs correspondant aux critères et
d’une altération du fonctionnement nette et observable ;
d’un trouble bipolaire de l’humeur, à toujours rechercher
systématiquement.
1.2. Troubles anxieux
Les troubles anxieux caractérisés doivent être distingués de l’anxiété normale et des symptômes anxieux. Ils
sont définis en fonction du nombre, de l’intensité et de
la durée des symptômes, et par une souffrance émotionnelle ou un retentissement marqués sur la vie du patient.
Les troubles anxieux caractérisés décrits dans le DSM
IV-TR comprennent notamment :
– le trouble obsessionnel compulsif (TOC),
– le trouble panique (TP) avec ou sans agoraphobie,
– l’agoraphobie sans antécédent de trouble panique,
– les phobies simples ou spécifiques,
– la phobie sociale (PS),
– le trouble anxieux généralisé (TAG)
– Une intensité modérée est intermédiaire entre
légère et sévère ;
– l’état de stress post-traumatique (ESPT).
– selon l’existence de caractéristiques mélancoliques,
éventuellement délirantes, pour les épisodes d’intensité
sévère.
Les modalités évolutives de l’épisode dépressif majeur
sont les suivantes :
2. Antidépresseurs commercialisés
en France
2.1. Différentes classes d’antidépresseurs
et éléments de pharmacologie
– une rémission complète correspond à une disparition des symptômes et à un retour à un fonctionnement
normal ;
Les médicaments antidépresseurs sont répartis en cinq
classes (cf. Annexe 3) :
– une rémission partielle correspond à une amélioration telle que l’individu ne répond plus aux critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur, tout en conservant
des symptômes dépressifs, nommés symptômes résiduels ;
– les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS),
– un épisode dépressif résistant est un épisode n’ayant
pas répondu à deux traitements antidépresseurs successifs
bien conduits, c’est-à-dire à posologie efficace pendant
une durée de 4 à 6 semaines ;
– les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO),
sélectifs ou non de la MAO-A,
– une rechute dépressive correspond, après amélioration, à la réapparition de symptômes dépressifs au cours
du même épisode dépressif ;
– une récidive – ou récurrence – dépressive correspond à la survenue d’un nouvel épisode dépressif, après
rémission complète d’au moins 2 mois.
L’épisode dépressif majeur peut être isolé et sans
lendemain ou s’intégrer soit dans le cadre d’un trouble
dépressif unipolaire récurrent, soit dans celui, plus rare,
3
Le terme « majeur » n’est pas synonyme de sévérité ; il signifie que
l’état dépressif correspond aux critères des classifications internationales
actuelles. Les critères diagnostiques du DSM-IV-TR d’un épisode
dépressif majeur, c’est-à-dire caractérisé, sont présentés en Annexe 2.
– les imipraminiques, tricycliques ou non,
– les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
et de la noradrénaline (IRSN),
– les « autres antidépresseurs » (de mécanisme pharmacologique différent).
2.2. Indications et non-indications
Les indications des médicaments antidépresseurs sont
limitées car ceux-ci n’ont fait la preuve de leur efficacité et de leur sécurité que dans des situations clairement
définies.
Il est recommandé de ne pas traiter
par antidépresseur:
– Les symptômes dépressifs ne correspondant pas aux
épisodes dépressifs majeurs, c’est-à-dire caractérisés, à
savoir : symptômes isolés ou en nombre insuffisant pour
remplir les critères DSM ou durée des symptômes dépressifs inférieure à 15 jours.
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Recommandations
– Les épisodes dépressifs caractérisés mais d’intensité
légère, sauf en cas d’échec des autres stratégies (cf. 2.7.).
Les antidépresseurs n’ont pas d’indication dans le
trouble dysthymique, le trouble cyclothymique et le
trouble de l’adaptation avec humeur dépressive.
Indications dans les troubles dépressifs majeurs
unipolaires
– d’éliminer les contre-indications spécifiques de
chaque classe d’antidépresseurs ;
– de rechercher et traiter des affections somatiques
(cardiologiques, urologiques, ophtalmologiques, neurologiques…) ;
– de rechercher les comorbidités psychiatriques et les
conduites addictives.
Le traitement d’un épisode dépressif majeur isolé
comporte deux phases :
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– la phase aiguë (traitement d’attaque), dont l’objectif
est la rémission complète des symptômes ;
– la phase de consolidation, dont l’objectif est de
prévenir la rechute de l’épisode.
En cas de trouble dépressif récurrent, s’ajoute une
phase de maintenance, dont l’objectif est la prévention
des récidives (ou récurrences).
Ce traitement de maintenance est particulièrement
indiqué dans le trouble dépressif majeur unipolaire chez
les sujets ayant présenté au moins 3 épisodes dépressifs
majeurs au cours des 4 dernières années :
– si ceux-ci ont été rapprochés et/ou sévères (notamment : risque suicidaire, caractéristiques psychotiques,
et incapacité fonctionnelle),
– surtout lorsqu’existent des symptômes résiduels,
des pathologies associées, des antécédents familiaux de
dépression.
Il est rappelé que, dans le trouble bipolaire, la prévention de nouveaux épisodes est réalisée en première intention par un traitement thymorégulateur, et non par un
antidépresseur seul.
Le plus souvent, la prescription d’un antidépresseur ne
répond pas à l’urgence : il est utile de préparer le malade
à cette prescription avec un nouveau rendez-vous quelques jours plus tard.
Dans les troubles anxieux
Des symptômes anxieux isolés ou ne correspondant
pas à un trouble anxieux caractérisé ne sont pas une indication à un traitement antidépresseur.
Seuls les troubles anxieux caractérisés ayant un retentissement sur la vie du patient sont une indication à un
traitement antidépresseur.
Il n’y a pas d’indication à un traitement antidépresseur
dans les phobies simples et l’agoraphobie isolée.
2.3. Bilan pré-thérapeutique
Il est recommandé :
– d’évaluer la symptomatologie dépressive et le
risque suicidaire ;
– de rechercher des antécédents personnels ou familiaux
de troubles dépressifs unipolaires et de troubles bipolaires ;
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2.4. Posologie, dosages plasmatiques
et voie d’administration
Deux catégories d’antidépresseurs peuvent être
distinguées selon que la posologie habituellement efficace peut être atteinte d’emblée (par exemple ISRS) ou
progressivement en 3 jours à une semaine (par exemple
imipraminiques ou IMAO). Cette posologie sera atteinte
tout en évaluant systématiquement et régulièrement
l’efficacité et la tolérance (Grade B).
Chez le sujet âgé de plus de 70 ans, la posologie initiale
recommandée pour les antidépresseurs, en particulier
imipraminiques, est en général la moitié de la posologie
préconisée chez l’adulte, les doses étant progressivement
augmentées par la suite.
La molécule choisie doit être prescrite à dose efficace tout en respectant la posologie recommandée
par l’AMM. Une des premières causes de non-réponse
au traitement est l’utilisation de posologie journalière
insuffisante.
Dans les troubles dépressifs, les posologies recommandées sont similaires dans la phase de traitement
d’attaque, de traitement de consolidation et, le cas
échéant, de prévention des récidives (Grade B).
Une adaptation posologique peut être nécessaire
en fonction de la réponse au traitement et de la tolérance. Avant d’augmenter la posologie, il convient de
s’assurer de l’observance.
Les posologies préconisées dans les troubles
anxieux ne sont pas inférieures à celles préconisées
dans les troubles dépressifs dans la plupart des cas4.
Une instauration progressive des doses peut être
nécessaire pour les patients présentant un trouble
panique.
Certains antidépresseurs, notamment les imipraminiques, peuvent faire l’objet de dosages plasmatiques, qui permettent d’adapter la posologie pour un
sujet donné. Ils ne doivent être réalisés qu’en cas de
réponse insuffisante, d’effets indésirables marqués, ou
de nécessité de vérifier l’observance.
4
Cf. Annexes 5 et 6 de l’argumentaire.
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2.5. Tolérance
Les effets indésirables sont, pour leur majorité,
de survenue précoce en début de traitement ou après
augmentation de la posologie, dose-dépendants,
transitoires.
Effets somatiques
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Les effets indésirables les plus fréquents sont liés aux
effets pharmacologiques des différentes classes :
– effets anticholinergiques des imipraminiques : troubles de la vision, bouche sèche, constipation, tachycardie, rétention urinaire (effets périphériques), confusion
(effets centraux).
On rappelle que les effets anticholinergiques sont à
l’origine de certaines contre-indications des imipraminiques (risque de glaucome par fermeture de l’angle,
hypertrophie bénigne de la prostate) ;
– effets antihistaminiques
somnolence ;
des
imipraminiques :
– effets sérotoninergiques des ISRS et IRSN : nausées,
vomissements, diarrhée, hypersudation, céphalées, agitation,
insomnie, somnolence, vertiges, tremblements et asthénie.
Des effets cardiovasculaires peuvent également
survenir :
– du fait de leurs effets « quinidine-like », anticholinergiques et antagonistes adrénergiques alpha-1, les antidépresseurs imipraminiques peuvent induire une hypotension orthostatique, des troubles du rythme ou des
troubles de la conduction auriculo-ventriculaire ;
– les IMAO non sélectifs engendrent une hypotension
permanente et posturale ;
– la venlafaxine, pour des posologies élevées, peut
augmenter la pression artérielle.
Autres effets :
– prise de poids, symptômes sexuels, syndrome sérotoninergique, hyponatrémie (sous ISRS), risque de saignements (sous ISRS et venlafaxine).
Il est recommandé d’instaurer une surveillance
clinique, notamment en début de traitement. Les effets
indésirables attendus doivent être recherchés et évalués
de façon systématique à chaque consultation.
Effets psychiques
Il est parfois difficile de distinguer les effets indésirables du traitement des symptômes de la dépression
(idées suicidaires, anxiété, insomnie ou constipation
par exemple).
Tous les antidépresseurs peuvent induire des virages
maniaques de l’humeur, particulièrement chez les
patients bipolaires.
Chez les patients bipolaires, les antidépresseurs
sont susceptibles d’induire la survenue de cycles
rapides (au moins 4 épisodes thymiques par an), l’utilisation d’antidépresseurs en monothérapie étant alors
à éviter (Grade B).
La survenue de symptômes, tels que l’insomnie,
l’irritabilité, l’anxiété, l’hyperactivité et a fortiori les
idées suicidaires nécessite une surveillance particulière
et des consultations plus fréquentes.
2.6. Arrêt du traitement
Modalités d’arrêt
Au terme d’un traitement bien conduit, il est recommandé d’une part de diminuer les posologies progressivement de façon à prévenir la survenue d’un syndrome
de sevrage et d’autre part d’augmenter la fréquence des
consultations du fait du risque de réapparition des symptômes qui ont nécessité la mise en place du traitement
(Grade A). Le syndrome de sevrage, également appelé
syndrome d’arrêt, ne signifie pas que le patient est dépendant aux antidépresseurs.
La période de diminution des posologies sera d’autant
plus prolongée que la durée de traitement aura été longue.
Elle sera généralement comprise entre 1 et 6 mois (Grade C),
par exemple :
– traitement < 1 an : arrêt en quelques semaines, en
diminuant par exemple toutes les semaines la posologie
journalière ;
– traitement > 1 an : arrêt en quelques mois, en diminuant par exemple tous les mois la posologie journalière.
Syndrome de sevrage (ou syndrome d’arrêt)
Le syndrome de sevrage apparaît dans les jours suivant
l’arrêt, rarement au-delà d’une semaine, et dure moins
d’une semaine en moyenne.
Les symptômes les plus habituels sont :
– anxiété, irritabilité, tension nerveuse,
– cauchemars et autres troubles du sommeil,
– sensations vertigineuses, troubles de l’équilibre et
autres troubles neuro-sensoriels,
– syndrome pseudo-grippal (rhinorrhée, myalgies,
malaise, nausées, vomissements, diarrhée, frissons).
Ces symptômes ne doivent pas être confondus avec
les symptômes dépressifs ou anxieux.
Les facteurs de risque de syndrome de sevrage sont :
une posologie élevée, une durée de traitement prolongée,
un arrêt brutal du traitement, et les caractéristiques pharmacocinétiques du médicament.
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La conduite à tenir est de :
– rassurer le patient sur le caractère transitoire de ses
symptômes,
– réinstaurer temporairement, si nécessaire, la posologie antérieure d’antidépresseur,
– puis assurer un sevrage du traitement encore plus
progressif.
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Il est recommandé de revoir le patient à distance de la
rémission complète.
2.7. Information du patient
Il est indispensable d’informer les patients afin d’améliorer leurs connaissances sur leurs troubles dépressifs
ou anxieux et sur les propriétés du traitement médicamenteux. Il est recommandé de prévenir le patient
du risque de rechute et de lui apprendre à repérer les
signes (en particulier précoces) des troubles dépressifs
ou anxieux.
L’information doit également porter sur :
– les modalités de prise des médicaments,
– le délai avant l’apparition des effets bénéfiques du
traitement,
– la nécessité de poursuivre le traitement même après
l’amélioration clinique,
– les effets indésirables les plus fréquents du traitement,
– les possibilités de contact avec le médecin en cas
de question ou de problème, voire d’aggravation des
troubles,
– la nécessité d’un avis médical pour l’arrêt du traitement ou l’introduction d’un autre médicament pendant
le traitement.
Il faut insister sur le fait que l’effet thérapeutique n’est
pas immédiat et qu’une amélioration ne doit pas entraîner
l’arrêt du traitement sans avis médical.
Ces éléments, qui s’intègrent dans le cadre de
l’alliance thérapeutique, sont une des clés de l’observance
thérapeutique et d’une bonne efficacité thérapeutique.
Dans le cadre des épisodes dépressifs caractérisés
d’intensité légère, le médecin peut proposer aux patients
les conseils d’hygiène de vie suivants :
– l’arrêt de l’alcool, la diminution de la consommation
de caféine (chez les patients anxieux),
– la pratique d’une activité physique,
– la pratique d’une méthode de relaxation,
– la pratique d’une méthode de méditation.
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3. Spécificités des modalités
de prescription dans les épisodes
dépressifs majeurs, c’est-à-dire
caractérisés
3.1. Critères de choix de l’antidépresseur
Efficacité et effets pharmacologiques
Pour les patients suivis en ambulatoire, il n’existe pas
de différence d’efficacité clinique démontrée entre les
différents types d’antidépresseurs.
En cas d’épisode dépressif d’intensité modérée à sévère
en ambulatoire, sauf cas particulier, il est recommandé en
première intention de prescrire un ISRS, un IRSN ou éventuellement un antidépresseur appartenant à la classe des
« autres antidépresseurs » en raison de leur meilleure tolérance. La prescription d’un imipraminique ou d’un IMAO
se fera en deuxième ou troisième intention (Grade B).
Dans les épisodes avec caractéristiques psychotiques
(mélancolie délirante…), l’association antidépresseurantipsychotique est le traitement médicamenteux le plus
efficace (Grade A).
Dans les épisodes dépressifs des troubles bipolaires,
la prescription d’un antidépresseur en monothérapie est
déconseillée du fait du risque de virage maniaque (Grade
A). La prescription d’un antidépresseur :
– n’est légitime qu’en association avec un thymorégulateur (Grade A) ;
– est déconseillée dans les épisodes d’intensité
légère (Grade B) ;
– peut être envisagée dans les épisodes d’intensité
modérée à sévère (Grade B). Dans cette indication, les
imipraminiques induisent plus de virages maniaques que
les autres antidépresseurs.
On notera que, si le tableau est sévère (caractéristiques
psychotiques, catatonie, risque suicidaire notamment),
l’électroconvulsivothérapie (ECT) est une alternative particulièrement efficace aux traitements médicamenteux.
Dans tous les « épisodes dépressifs majeurs », le traitement de consolidation à privilégier est le médicament
qui a permis d’obtenir la rémission symptomatique tout
en maintenant les mêmes posologies (Grade A).
Tolérance
Les antidépresseurs ayant la meilleure tolérance et la
meilleure maniabilité sont les antidépresseurs ISRS, IRSN et
les antidépresseurs de la classe « autres antidépresseurs ».
La toxicité en cas de surdosage (volontaire ou involontaire), en particulier le profil défavorable des imipraminiques, doit être prise en considération lors du choix
du médicament.
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Propriétés collatérales
Outre leur effet à proprement parler antidépresseur,
les antidépresseurs peuvent présenter des propriétés sédatives ou stimulantes. Elles se manifestent dès les premiers
jours de traitement, avec une grande variabilité interindividuelle. L’effet sédatif est bénéfique chez les déprimés
les plus anxieux et/ou insomniaques, l’effet stimulant
chez les déprimés les plus ralentis.
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Comorbidités psychiatriques et somatiques
Les maladies somatiques associées peuvent justifier
certaines précautions d’emploi, dues notamment aux
interactions médicamenteuses. L’existence d’un trouble
associé (par exemple anxieux) incitera à choisir un antidépresseur efficace également dans cette indication.
Traitements des épisodes dépressifs antérieurs
Il est nécessaire de rechercher l’existence d’épisodes
dépressifs antérieurs, ainsi que l’efficacité et la tolérance
des traitements antidépresseurs antérieurement administrés, voire l’existence de syndrome de sevrage lors de
l’arrêt antérieur de ces traitements.
Même si cette stratégie thérapeutique a été insuffisamment évaluée, il est recommandé de choisir préférentiellement un antidépresseur qui s’est avéré efficace et bien
toléré lors d’un épisode antérieur (Grade C).
3.2. Évaluation de l’efficacité
De manière générale, après 8 semaines de traitement
bien conduit :
– un tiers des patients déprimés traités par antidépresseurs ont une réponse complète au traitement avec
rémission des symptômes,
– un tiers ont une réponse partielle ou insuffisante au
traitement,
– et un tiers ne répondent pas au traitement.
En phase aiguë
Les antidépresseurs permettent une régression des
symptômes dépressifs tels que la tristesse pathologique,
la symptomatologie suicidaire, ou le ralentissement
psychomoteur.
Le début de l’amélioration survient dans un délai
variable selon les symptômes dépressifs :
– en quelques jours de traitement pour l’anxiété et le
sommeil,
– après 1 à 2 semaines pour le ralentissement psychomoteur et les idées suicidaires,
– après 2 à 4 semaines pour l’humeur proprement
dite.
Ainsi, le délai d’action des antidépresseurs est compris
entre 2 et 4 semaines. Il ne diffère pas de manière signi-
fiante selon la classe d’antidépresseurs, ou selon la voie
d’administration.
Une amélioration précoce, dans les 2 premières
semaines de traitement, est prédictive d’une réponse
favorable ultérieure.
Le délai nécessaire à l’obtention d’une réponse thérapeutique complète est de 6 à 8 semaines. Par conséquent,
à l’exception des cas où les patients s’aggravent, il est
recommandé de ne pas interrompre un traitement antidépresseur en l’absence d’amélioration avant 4 semaines
de traitement à posologie efficace (Grade A).
Les consultations seront fréquentes en début de traitement, par exemple :
– au moins une fois la première semaine,
– une fois la deuxième semaine,
– au moins une fois après 4 semaines,
– et une fois après 8 semaines.
Des contacts téléphoniques intermédiaires entre deux
consultations peuvent également être utiles.
La survenue ou la persistance d’idées suicidaires
justifie une surveillance accrue, avec des consultations plus fréquentes, voire un avis spécialisé ou une
hospitalisation.
En phase de consolidation
Le rythme des consultations ultérieures sera déterminé
avec le patient en fonction de son état clinique, de l’efficacité et de la tolérance du traitement, des traitements
associés et de la qualité de l’alliance thérapeutique.
Dans la prévention des récidives
du trouble dépressif majeur unipolaire
L’efficacité ne peut être confirmée qu’après plusieurs
mois ou années de traitement. Le maintien du traitement
peut nécessiter un avis spécialisé qui devra tenir compte
de divers paramètres : fréquence, durée et intensité des
épisodes, qualité du fonctionnement du patient et durée
des périodes asymptomatiques.
3.3. Évaluation de la tolérance
Elle doit être réalisée régulièrement, plus particulièrement en début de traitement (notamment au cours de la
première semaine puis de la deuxième semaine de traitement), tant pour les effets indésirables somatiques que
psychiques. Pour certains patients, des consultations plus
fréquentes seront nécessaires.
3.4. Associations médicamenteuses
Benzodiazépines
Une prescription concomitante de benzodiazépine
(ou apparenté) ne doit pas être systématique du fait des
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effets indésirables des benzodiazépines (dépendance et,
dans de rares cas, réactions paradoxales) (Grade A). Elle
peut être justifiée en début de traitement lorsqu‘existent
une insomnie et/ou une anxiété invalidantes. Pour éviter
le risque de dépendance, il est recommandé d’utiliser la
dose minimale efficace et d’interrompre le traitement dès
que l’anxiété et/ou l’insomnie se sont amendées du fait
de l’effet de l’antidépresseur5.
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Antipsychotiques
La coprescription antidépresseur-antipsychotique est
justifiée dans deux cas :
– les épisodes dépressifs majeurs avec caractéristiques psychotiques (Grade A) ;
– les formes sévères de dépression, même en l’absence de caractéristiques psychotiques, lorsque l’anxiété
est invalidante et le risque suicidaire élevé. Il est alors
recommandé de prescrire des doses modérées d’antipsychotiques sédatifs (Grade C).
Cette co-prescription doit être interrompue dès que les
symptômes dépressifs se sont suffisamment améliorés.
Coprescription de deux antidépresseurs
Il n’y a pas lieu de prescrire en première intention plus
d’un antidépresseur lors de l’instauration du traitement
d’un épisode dépressif.
Millepertuis
Le millepertuis, qui n’est pas un antidépresseur6,
induit de nombreuses interactions médicamenteuses
et peut annuler l’effet de certains antidépresseurs.
Avant d’affirmer qu’un patient est non répondeur à un
traitement, il convient de s’être assuré de l’observance et
d’avoir un recul de 6 à 8 semaines, sauf en cas d’aggravation symptomatique et/ou de risque suicidaire élevé.
En cas de réponse insuffisante, il est recommandé :
– soit d’augmenter la posologie de l’antidépresseur,
en particulier avec les imipraminiques et la venlafaxine
(Grade B). Le contrôle des concentrations sériques permet
d’adapter la posologie à chaque individu ;
5
Cf. Mise au point de l’Afssaps sur « Les troubles du comportement liés
à l’utilisation des benzodiazépines et produits apparentés » (septembre
2001)
6
L’indication du millepertuis est : « Traditionnellement utilisé dans les
manifestations dépressives légères et transitoires ».
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– soit d’associer une psychothérapie, si tel n’était pas
le cas. En effet, l’association d’un traitement antidépresseur et d’une psychothérapie est plus efficace que l’un
des deux traitements administrés isolément (Grade C) ;
– soit, dans certains cas de dépression sévère, d’envisager l’ECT.
3.6. Stratégies thérapeutiques
en cas de rechute ou de résistance
au traitement antidépresseur
En cas de rechute sous traitement de consolidation, il
convient, en première intention, d’augmenter les doses
du traitement de consolidation (Grade B).
La dépression résistante nécessite un avis spécialisé (Grade C). Le spécialiste ré-évalue le diagnostic et
les traitements proposés (molécules, posologies, durées
et observance), et recherche des causes organiques ou
psychologiques de résistance. Les stratégies thérapeutiques proposées comportent : l’augmentation des doses,
la potentialisation par l’adjonction (hors AMM) de sels
de lithium ou de tri-iodothyronine (Grade A), les associations d’antidépresseurs, l’adjonction d’une psychothérapie, ou un traitement par ECT (Grades B/C).
On ne peut parler de résistance au traitement antidépresseur chez un patient sans avoir essayé un imipraminique ou
la venlafaxine, sous réserve des contre-indications.
3.7. Durée du traitement
3.5. Stratégies thérapeutiques
en cas de réponse insuffisante
70
– soit de changer de traitement antidépresseur. Le
changement de classe est recommandé, même s’il n’a
pas démontré sa supériorité par rapport au changement
d’antidépresseur au sein d’une même classe (Accord
professionnel) ;
Dans les troubles dépressifs majeurs unipolaires,
la durée du traitement antidépresseur est de 16 à 20
semaines après la rémission symptomatique.
Dans le cadre de la prévention des récidives, la durée
du traitement est d’autant plus prolongée que les épisodes
antérieurs ont été nombreux, sévères, qu’il existe des
pathologies associées et des antécédents familiaux de
troubles dépressifs.
Le traitement antidépresseur ne doit pas être interrompu lorsqu’il existe des symptômes résiduels. La persistance d’au moins deux symptômes dépressifs représente
un facteur de risque de rechute qui justifie la poursuite
du traitement tant que la rémission complète n’a pas été
obtenue.
Dans le cadre d’un trouble bipolaire, la durée de traitement antidépresseur est insuffisamment documentée à
ce jour. Elle doit prendre en compte le risque de virage
maniaque et d’accélération des cycles thymiques.
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3.8. Spécificités liées à certains terrains
particuliers
Grossesse et post-partum
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Pendant le premier trimestre de la grossesse, dans les
cas où un traitement antidépresseur est indispensable,
le choix de l’antidépresseur est guidé par le risque tératogène. Le nombre élevé de grossesses documentées en
pharmacovigilance permet d’affirmer le caractère peu
ou pas tératogène des antidépresseurs ISRS et des antidépresseurs imipraminiques.
Quel que soit le terme de la grossesse, on préférera
en raison de leur meilleure tolérance, un des ISRS les
mieux connus en cours de grossesse, ou un imipraminique si celui-ci présente un avantage thérapeutique
(Grade C).
En fin de grossesse, la conduite du traitement antidépresseur est guidée par les risques pour la mère dans les
jours qui précèdent l’accouchement (risque de rechute
ou récidive, risque suicidaire), lors de l’accouchement
(éventuel risque anesthésique) et pour l’enfant en période
néo-natale. La diminution des posologies pour éviter chez
le nouveau-né les effets anticholinergiques (cognitifs,
cardiaques et digestifs) des antidépresseurs imipraminiques à fortes doses et le syndrome d’arrêt des antidépresseurs, est à mettre balance avec les risques de rechute ou
récidive chez la mère. Une surveillance néo-natale est
instaurée dans les jours qui suivent l’accouchement.
Les antidépresseurs passent pour la plupart dans le
lait maternel. Ainsi, l’indication d’allaitement pour une
femme traitée par antidépresseurs doit être discutée en
fonction du rapport bénéfices/risques pour la mère et
pour l’enfant.
tionnellement après 75 ans. De plus, leurs propriétés
anticholinergiques sont susceptibles d’aggraver les fonctions cognitives chez le patient présentant un trouble
démentiel. Une surveillance clinique régulière est indispensable en raison d’une sensibilité accrue à l’hypotension orthostatique et à la sédation, ainsi qu’aux effets
anti-cholinergiques périphériques et centraux (constipation, iléus paralytique, rétention urinaire, glaucome
aigu, confusion mentale).
L’hypotension orthostatique et les troubles de l’équilibre sont les complications les plus fréquentes chez la
personne âgée. D’autre part, un risque d’hyponatrémie
existe avec les ISRS et se trouve majoré en cas de co-prescription avec un diurétique. Un syndrome confusionnel,
des convulsions et des chutes peuvent donc survenir.
Chez toute personne âgée traitée par antidépresseur, il
est donc recommandé d’évaluer d’éventuels troubles de
l’équilibre avant et après traitement, et de surveiller le
ionogramme sanguin et la pression artérielle.
Comme chez le sujet adulte, le risque de saignements
peut être augmenté lors d’un traitement par ISRS ou venlafaxine. D’autre part, le risque d’interactions médicamenteuses est accru chez le sujet âgé, avec notamment une
augmentation de l’effet des anticoagulants oraux (AVK)
et du risque hémorragique. Il est nécessaire de contrôler
plus fréquemment l’INR et d’adapter éventuellement la
posologie de l’anticoagulant oral.
Au total, la phase d’attaque du traitement doit être
d’au moins 6 semaines et la phase de continuation d’au
moins 12 mois. La question de l’intérêt d’une phase
de maintenance est de première importance chez la
personne âgée tant la dépression à cet âge s’accompagne
d’un taux élevé de récidives et se complique de handicap
fonctionnel et de suicide.
Une réévaluation régulière de l’efficacité et de la tolérance du traitement est nécessaire.
Sujet âgé
Il existe des arguments en faveur de l’efficacité des
antidépresseurs chez la personne âgée, mais des études
supplémentaires doivent être réalisées avant de pouvoir
apporter des conclusions définitives, notamment chez les
sujets les plus âgés.
Il n’y a pas de différences significatives en termes
d’efficacité entre les différentes classes d’antidépresseurs.
Toutefois, les pathologies somatiques associées et leurs
traitements, ainsi que les risques d’interactions médicamenteuses sont particulièrement à prendre en compte.
Sauf cas particuliers, les ISRS, IRSN et les « autres anti
dépresseurs » sont prescrits en première intention.
Le traitement doit être commencé à une dose plus
faible que la posologie préconisée chez le sujet adulte
(cf. 2.4.). La réponse thérapeutique peut être plus lente.
Un traitement par imipraminique ne doit pas être
utilisé en première intention et n’est indiqué qu’excep-
3.9. Comorbidités psychiatriques
Troubles anxieux
Chez un sujet qui présente un épisode dépressif caractérisé et un trouble anxieux caractérisé, le choix de l’antidépresseur doit privilégier une molécule ayant obtenu
l’AMM dans ces deux indications.
Troubles de la personnalité
Certains troubles de la personnalité constituent un
facteur de non-observance, de risque de non-réponse
voire de résistance aux antidépresseurs. Dans cette population, les propriétés collatérales (effet anxiolytique ou
stimulant par exemple) et le risque lié au surdosage en
cas d’ingestion volontaire sont deux critères de choix qui
peuvent aider le prescripteur.
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Recommandations
Conduites addictives
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La consommation d’alcool et/ou de cannabis chez
un sujet traité par antidépresseur potentialise les effets
indésirables des antidépresseurs et les effets des toxiques
concernés.
Chez le sujet alcoolo-dépendant déprimé, le sevrage
doit être entrepris en première intention. Dans une majorité de cas, il permet une amélioration de l’humeur dans
un délai de 3 à 6 semaines. Si des symptômes dépressifs
persistent et satisfont aux critères de l’épisode dépressif
majeur, alors un traitement antidépresseur est indiqué
(Grade A).
Chez le sujet tabaco-dépendant, l’épisode dépressif
majeur doit être traité avant d’envisager un sevrage tabagique (Accord professionnel).
3.10. Comorbidités somatiques
Il n’existe pas d’étude démontrant la supériorité d’un
antidépresseur par rapport à un autre dans les épisodes
dépressifs majeurs associés aux pathologies somatiques,
notamment en cas de dépression au cours d’un cancer,
d’une maladie cardio-vasculaire, de troubles neurologiques (épilepsie, maladie de Parkinson, démence) ou de
maladies infectieuses (infection à VIH, hépatite virale
chronique). Actuellement, sauf cas particuliers, il est
recommandé de choisir, en première intention, un antidépresseur en fonction de sa tolérance (Accord professionnel), en veillant particulièrement aux risques d’interactions médicamenteuses.
4. Spécificités des modalités
de prescription dans les troubles anxieux
(TOC, TP, PS, TAG, ESPT)
Dans la plupart de ces troubles anxieux, différents
traitements ont fait la preuve de leur efficacité : les
psychothérapies, notamment les thérapies cognitivocomportementales, les antidépresseurs et l’association
de ces deux modalités thérapeutiques. Ce chapitre
n’aborde que l’aspect médicamenteux de leur prise en
charge. Les aspects psycho-éducatifs et les informations
à donner au patient sur les troubles et les traitements
sont essentiels.
Il est recommandé d’informer le patient sur les
effets spécifiques des antidépresseurs dans les troubles
anxieux.
4.1. Trouble obsessionnel compulsif (TOC)
Les antidépresseurs sont plus efficaces sur les pensées
obsédantes que sur les compulsions.
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Les antidépresseurs ayant une AMM dans cette indication sont : clomipramine, fluoxétine, fluvoxamine,
paroxétine et sertraline.
Les ISRS sont recommandés en première intention
(Grade A). La clomipramine est recommandée en seconde
intention, pour des raisons de tolérance (Grade A).
Par rapport aux troubles dépressifs, les posologies
efficaces dans le traitement du TOC peuvent être plus
élevées (cf. Annexe 7 de l’argumentaire).
Le délai d’action des antidépresseurs est plus long (de
l’ordre de 4 à 8 semaines) que dans les troubles dépressifs. De même, le temps de traitement nécessaire à l’obtention de la réponse thérapeutique maximale est plus
long (10 à 12 semaines). Ainsi, le traitement doit être
continué au moins 3 mois avant de pouvoir conclure à
une inefficacité.
La durée du traitement doit être suffisamment
prolongée, souvent supérieure à un an. Elle sera d’autant
plus longue que le trouble est chronique et qu’il existe
des rechutes à l’arrêt du traitement.
La comorbidité avec un épisode dépressif majeur
et l’existence d’un trouble de la personnalité sont des
facteurs de risque de non-réponse au traitement antidépresseur dans le TOC.
4.2. Trouble panique (TP)
L’objectif du traitement est la disparition des attaques
de panique, de l’anxiété anticipatoire et de l’évitement
phobique, s’il est associé, et la prévention de nouvelles
attaques de panique.
Les antidépresseurs sont sans effet thérapeutique sur
la crise elle-même, une fois qu’elle est déclenchée.
Les antidépresseurs ayant une AMM dans cette indication sont : clomipramine, citalopram, escitalopram et
paroxétine.
Les ISRS sont recommandés en première intention (Grade A). La clomipramine est recommandée
en deuxième intention, pour des raisons de tolérance
(Grade A).
Les posologies d’antidépresseurs recommandées sont
généralement identiques à celles qui le sont dans le traitement de la dépression. Toutefois, l’instauration des posologies sera plus progressive (débuter à 50 % voire 25 % de
la dose efficace), de façon à éviter une aggravation de la
symptomatologie anxieuse en début de traitement.
La réponse clinique complète est attendue après
6 à 8 semaines de traitement, comme dans les épisodes
dépressifs.
Le traitement est poursuivi plusieurs semaines après
la disparition des attaques de panique. Il est d’au moins
6 mois, parfois compris entre 12 et 18 mois, et sera
diminué très progressivement (Grade C).
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4.3. Phobie sociale ou Trouble anxiété
sociale (PS)
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Les antidépresseurs ayant une AMM dans cette indication sont : paroxétine, escitalopram et venlafaxine. La
prescription doit être limitée aux formes généralisées
avec retentissement important sur le fonctionnement et
l’adaptation, et associée à des mesures psychothérapeutiques de type cognitivo-comportemental.
L’amélioration symptomatique débute après 3 à
4 semaines de traitement. La réponse complète nécessite un traitement de 8 à 12 semaines. Une réévaluation
du traitement est recommandée 1 à 2 semaines après la
première consultation puis toutes les 4 semaines (Accord
professionnel).
Le traitement doit être poursuivi au moins 6 à 12 mois
après la rémission symptomatique (Accord professionnel).
Il existe un risque de rechute à l’arrêt du traitement, qui
peut justifier un traitement à plus long terme. Cependant,
ce traitement prolongé n’a pas fait l’objet d’évaluations
systématiques.
Néanmoins de nouvelles voies de recherche seraient
à explorer, notamment pour mieux préciser les durées et
posologies de traitement, et les modalités d’utilisation des
antidépresseurs au long cours.
Annexe 1. Définitions simples
des troubles dépressifs et autres troubles
de l’humeur et du trouble anxieux
caractérisé
Trouble dépressif unipolaire : Entité pivot des troubles dépressifs, le trouble dépressif majeur unipolaire est
défini par la présence d’un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs dans la vie d’un sujet et par l’absence d’épisodes maniaques ou hypomaniaques.
L’entité pivot de description des troubles dépressifs est
l’épisode dépressif majeur, c’est-à-dire caractérisé. Il est
défini dans le DSM-IV-TR par une association de symptômes dépressifs :
– suffisamment nombreux,
4.4. Trouble anxieux généralisé (TAG)
– suffisamment durables,
L’information et l’éducation du patient, en particulier
à propos des règles hygiéno-diététiques (arrêt de l’alcool,
diminution de la consommation de café et de tabac,
pratique régulière d’un exercice physique) sont envisagées en première intention (Accord professionnel).
Les antidépresseurs ont une action préférentielle sur la
symptomatologie psychique de l’anxiété.
Les antidépresseurs ayant une AMM dans cette indication sont : paroxétine, venlafaxine et escitalopram.
Le délai d’action des antidépresseurs est de 1 à 3 semaines. La réponse complète est obtenue après plusieurs
semaines de traitement. La durée du traitement doit être
d’au moins 6 mois (Accord professionnel).
4.5. État de stress post-traumatique (ESPT)
Le seul antidépresseur indiqué dans l’ESPT est la
paroxétine ; son utilisation prolongée nécessite une réévaluation régulière.
Conclusion
Ces recommandations définissent une stratégie médicale de l’utilisation optimale des antidépresseurs en
fonction de l’état actuel des connaissances sur les médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles
dépressifs et des troubles anxieux chez l’adulte.
– à l’origine d’une souffrance cliniquement significative,
– et à l’origine d’une incapacité fonctionnelle.
Remarque : Les critères diagnostiques du DSM-IV-TR
d’un épisode dépressif majeur, c’est-à-dire caractérisé,
figurent en Annexe 2.
Trouble bipolaire de l’humeur (trouble dépressif
bipolaire) : Trouble de l’humeur comportant le plus
souvent une alternance d’épisodes dépressifs majeurs
c’est-à-dire caractérisés et d’épisodes maniaques ou
hypomaniaques.
Trouble dysthymique : Trouble de l’humeur comportant des symptômes dépressifs en nombre inférieur à
celui des épisodes dépressifs majeurs caractérisés, durant
pendant au moins 2 années consécutives, à l’origine
d’une souffrance cliniquement significative et d’une incapacité fonctionnelle.
Trouble cyclothymique : Trouble de l’humeur
comportant des symptômes hypomaniaques et/ou des
symptômes dépressifs fluctuants et en nombre inférieur à celui des épisodes dépressifs majeurs caractérisés ou des épisodes maniaques, durant pendant au
moins 2 années consécutives, à l’origine d’une souffrance cliniquement significative et d’une incapacité
fonctionnelle.
Trouble anxieux caractérisé : Un trouble anxieux
caractérisé correspond à une association de symptômes
anxieux tel que le trouble obsessionnel compulsif,
le trouble panique, le trouble anxieux généralisé, la
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phobie sociale ou l’état de stress post-traumatique. Il est
défini dans le DSM-IV-TR par l’existence de symptômes
anxieux :
– suffisamment nombreux,
– suffisamment durables,
– à l’origine d’une souffrance cliniquement significative,
– et à l’origine d’une incapacité fonctionnelle.
Remarque : Les critères diagnostiques du DSM-IVTR d’un trouble obsessionnel compulsif, d’un trouble
panique, d’un trouble anxieux généralisé et d’une phobie
sociale sont présentés respectivement dans les Annexes
12 à 15 de l’Argumentaire.
Annexe 2. Critères diagnostiques
d’un épisode dépressif majeur,
c’est-à-dire caractérisé (DSM-IV-TR)
A. Au moins 5 des symptômes suivants doivent
être présents pendant une même période d’une durée
de 2 semaines et avoir représenté un changement par
rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des
symptômes est soit une humeur dépressive, soit une
perte d’intérêt ou de plaisir.
1- Humeur dépressive présente pratiquement toute la
journée, presque tous les jours signalée par le sujet (par
exemple : se sent triste ou vide) ou observée par les autres
(par exemple : pleure).
2- Diminution marquée de l’intérêt et du plaisir pour
toutes ou presque toutes les activités, pratiquement toute
la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou
observé par les autres)
3- Perte ou gain de poids significatif en absence de
régime (par exemple : modification du poids corporel en
1 mois excédant 5 %) ou diminution ou augmentation de
l’appétit presque tous les jours.
4- Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
5- Agitation ou ralentissement psychomoteur presque
tous les jours (constatés par les autres, non limités à un
sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement
intérieur).
6- Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
7- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante)
presque tous les jours (pas seulement se faire prier ou se
sentir coupable d’être malade).
8- Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalées par le
sujet ou observées par les autres).
9- Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur
de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis
ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
B. Les symptômes ne répondent pas aux critères
d’épisode mixte.
C. Les symptômes traduisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines
importants.
D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets
physiologiques directs d’une substance (par exemple une
substance donnant lieu à abus, un médicament) ou une
affection médicale générale (par exemple hypothyroïdie).
E. Les symptômes ne sont pas expliqués par un deuil,
c’est-à-dire après la mort d’un être cher, les symptômes
persistent pendant plus de 2 mois ou s’accompagnent
d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides, de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur.
Annexe 3. Médicaments antidépresseurs
commercialisés en France
dans les épisodes dépressifs*
• Imipraminiques :
clomipramine
(Anafranil®),
®
®
amoxapine (Défanyl ), amitriptyline (Elavil , Laroxyl®),
maprotiline (Ludiomil®), dosulépine (Prothiaden®), doxépine (Quitaxon®), trimipramine (Surmontil®), imipramine
(Tofranil®).
• ISRS : citalopram (Séropram®), escitalopram (Séroplex®), fluoxétine (Prozac®), fluvoxamine (Floxyfral®),
paroxétine (Deroxat®), sertraline (Zoloft®).
• IRSN : milnacipran (Ixel®), venlafaxine (Effexor®),
duloxétine (Cymbalta®, non commercialisé en France).
• IMAO non sélectifs : iproniazide (Marsilid®) ; IMAO
sélectifs A : moclobémide (Moclamine®).
• « Autres antidépresseurs » : miansérine (Athymil®),
mirtazapine (Norset®), tianeptine (Stablon®).
* Les spécialités listées ici sont les spécialités princeps ; celles-ci sont
citées à titre didactique et ne doivent pas occulter la possibilité et l’intérêt
économique de prescrire un médicament générique.
Texte reproduit avec l’autorisation de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Les recommandations (ainsi que leur argumentaire référencé) sont disponibles sur le site internet
de l’Afssaps: www.afssaps.sante.fr (rubrique RBP)
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