Stratégies de prise en charge des troubles anxieux et dépressifs en médecine générale de ville Résultats d’une enquête qualitative réalisée à Marseille Hélène Dumesnil, Jean-Marc Manzi Sous la direction de Thémis Apostolidis et Pierre Verger Partenariat avec l’AFORSPE et l’Université de Provence (EA849) Financement dans le cadre du FIQCS Fonds d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins (FIQCS) Objectifs de l’enquête Décrire les pratiques de prise en charge des troubles anxieux/dépressifs en médecine générale de ville Comprendre les logiques de choix de stratégies thérapeutiques Mieux comprendre l’influence des représentations des médecins et des interactions patient-médecin dans ces choix Dégager des pistes d’intervention Méthodologie de l’enquête Entretiens individuels auprès de médecins généraliste de ville Guide d’entretien Echantillon aléatoire Réalisation de 32 entretiens – taux d’acceptation élevé : 64 % – durée moyenne : 35 mn Une identité professionnelle forte Affirmation de principes d’exercice communs : - proximité, engagement auprès du patient - valorisation des compétences relationnelles - logique de prise en charge globale, au cas par cas Différenciation vis-à-vis des pratiques des spécialistes de santé mentale Un sentiment d’injustice La quasi-totalité des médecins interviewés se sent efficace dans la prise en charge des troubles anxieux & dépressifs – des compétences et une expérience acquises par soi-même et non pas par la formation initiale Mais ils se sentent aussi l’objet de critiques fréquentes sur leurs prescriptions et compétences en matière de santé mentale Un repérage plutôt « intuitif » des troubles anxieux et dépressifs Par l’ ’identification de certains symptômes – insomnie, fatigue, tristesse, plaintes somatiques … – signes de gravité : trouble ancien, souffrance morale, impossibilité d’avoir une vie normale, idées suicidaires… – des critères variables selon les médecins Par le « radar » du médecin généraliste – expérience, connaissance des patients La majorité des médecins interrogés a déclaré ne jamais utiliser d’échelles de diagnostic – des attitudes plutôt défavorables vis-à-vis de ces outils La « psychothérapie de soutien », socle commun de la prise en charge Une définition partagée – prendre le temps d’écouter, de discuter – rassurer, réconforter le patient – conseiller, aider le patient à réfléchir sur sa situation Une pratique déclarée par la quasi-totalité des médecins, quelle que soit la sévérité du trouble – faisant partie intégrante de la prise en charge – perçue comme souvent suffisante pour obtenir une amélioration (notamment des troubles réactionnels) – une des principales attentes des patients, d’après les médecins Une place importante des médications dans la prise en charge Tous les médecins ont déclaré prescrire des médicaments psychotropes, de façon +/- fréquente – un discours centré sur les antidépresseurs – une méfiance parfois évoquée vis-à-vis des benzodiazépines Des attitudes positives vis-à-vis des antidépresseurs – leur efficacité et bienfaits sont soulignés – leurs effets secondaires peu évoqués Mais une prudence dans leur prescription Un recours moindre et variable à la psychothérapie Peu évoquée spontanément par les médecins Recommandée différemment selon les médecins – Soit pour troubles légers réactionnels, dépression chronique et en présence d’un traumatisme ancien (1/3 de l’échantillon) – Soit de façon systématique (1/6 de l’échantillon, femmes principalement) – Soit jamais (1/6 médecin, hommes principalement) Des freins importants à l’accès à la psychothérapie Des freins liés à l’offre : – coût élevé, non remboursement des consultations – délais d’obtention de rendez-vous – manque de lisibilité de l’offre de prise en charge Des freins liés à des stéréotypes sur la psychothérapie et les professionnels spécialisés : – référence à la psychanalyse, traitement long/difficile – traitement « plutôt réservé » aux patients ayant un niveau d’éducation élevé et aux jeunes Les médecins orientent peu vers les professionnels spécialisés Adressage uniquement dans les cas les plus graves / complexes – vers des psychiatres plutôt que des psychologues – choisis par le médecin Peu de coopération, communication difficile – mais une demande de plus de coopération de la part des médecins Plusieurs pistes d’explication : – représentations vis-à-vis du psychiatre : « expert » des maladies mentales, distant et froid, chargé des cas graves – pas de culture commune Annoncer, faire accepter un traitement : deux types d’attitudes Informer et négocier : attitude majoritaire – importance pour l’adhésion du patient au traitement, de la prise en compte de ses préférences – amener le traitement « en douceur » – informer, faire comprendre la nécessité du traitement – le patient est libre d’accepter ou de refuser Convaincre le patient – le médecin prend la décision dans l’intérêt du patient – il se montre persuasif, pour convaincre le patient Synthèse : quatre profils de représentation et de pratiques Pratiques de PEC Prescription d’antidépresseur, faible recours à la psychothérapie N=6 Représentations vis-vis des antidépresseurs Très efficaces Bien tolérés, peu d’effets secondaires « Le » traitement de la dépression Représentations vis-à-vis de la psychothérapie Peu/pas efficace Pas un traitement, une démarche personnelle Psychothérapie systématique, antidépresseurs en dernier recours N=4 A utiliser dans les cas les plus sévères Ne doit pas être systématique Un outil parmi d’autres Un traitement à part entière Efficace Recours à l’un ou l’autre, selon la situation : 2 outils complémentaires N = 15 Aide à passer un cap difficile Insuffisant pour guérir Permet d’agir sur l’origine du trouble Médecins dont le cadre de pratique plus difficile à caractériser, forte variabilité intraindividuelle N=7 Perceptions des médecins difficiles à qualifier : - discours peu fourni et flou Conclusion et perspectives de discussion Des résultats qui confirment la place inégale des traitements dans la prise en charge Des résultats originaux : – un cadre commun de pratique (l’engagement, le soutien des patients), mais des critères de décision et des pratiques qui peuvent être variables selon les médecins – la « négociation » des choix thérapeutiques entre les médecins et les patients – le lien entre les représentations et les pratiques des médecins Quelles préconisations suite à ces résultats ? Merci pour votre attention Contact : Hélène Dumesnil [email protected] 04.91.59.89.25