P
our y voir un peu plus clair,
une enquête transversale
observationnelle s’est pen-
chée sur les facteurs clés de l’initia-
tion d’un traitement antidépresseur
par les médecins généralistes et les
psychiatres libéraux.
Moins d’effets délétères
Selon les études, la prévalence de la
dépression est estimée à 5 à 15 %
de la population générale.
«Pourtant, cette pathologie n’est
pas toujours reconnue lorsqu’elle
est associée à une plainte soma-
tique ou quand elle est très peu
exprimée. Néanmoins, certains
troubles psychiatriques se destigma-
tisent, et la meilleure tolérance des
antidépresseurs récents, c’est-à-dire
des inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine, n’y est pas pour rien »,
estime le Dr Ph. Carrière (Saint-
Brieuc). De ce fait, c’est le médecin
généraliste qui est le premier
recours des patients déprimés ou
souffrant de troubles anxieux. Parmi
ces derniers, on distingue, selon le
DSM IV : le trouble anxieux généra-
lisé, le trouble panique avec ou sans
agoraphobie, le trouble obsession-
nel compulsif, la phobie sociale, les
phobies spécifiques. Le champ d’ap-
plication des antidépresseurs de la
dernière génération (agissant sur la
recapture de la sérotonine et de la
noradrénaline) couvre l’état dépres-
sif majeur mais aussi des troubles
anxieux, sauf le syndrome de stress
post-traumatique, lequel n’a pas fait
encore l’objet d’une autorisation
administrative en France (il est déjà
retenu au rang des indications aux
États-Unis).
Afin de connaître les facteurs de la
prise de décision de l’instauration
d’un traitement antidépresseur en
médecine ambulatoire, une enquête
OPUS (Observatoire des facteurs
clés de la prise en charge pharmaco-
logique par antidépresseurs en
médecine générale et en psychiatrie)
a été menée auprès d’un échantillon
aléatoire de 1 500 médecins généra-
listes et de 500 psychiatres.
Enquête
L’enquête porte sur 5 462 patients
ayant un âge moyen de 45 ans (dont
deux tiers de femmes) et pour les-
quels il était demandé de recueillir les
données à l’aide d’un questionnaire
proposant 44 facteurs regroupés en
trois registres : éléments contextuels
(événements de vie), symptoma-
tiques (tristesse, agressivité, idées de
suicide, etc.) et syndromiques (état
dépressif majeur, trouble anxieux
généralisé ou autre trouble anxieux).
Le diagnostic était fait de manière
intuitive par la quasi-totalité des
médecins (sans utiliser des échelles).
Les résultats de cette enquête mon-
trent que les événements de la vie
les plus présents lors de la mise sous
antidépresseurs étaient les conflits
familiaux, conjugaux ou profession-
nels, et l’isolement affectif était
retrouvé dans 30 % des cas. Plus de
80 % des patients présentent un
trouble du sommeil, associé aux
symptômes évocateurs de l’épisode
dépressif majeur ou du trouble
anxieux, avec l’asthénie psychique et
intellectuelle, la tristesse, le désintérêt,
la perte de goût. À noter que, chez les
hommes, la dépression peut se tra-
duire par l’irritabilité accrue et le com-
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004
portement agressif avec troubles
sociaux, tandis que les femmes souf-
frant de dépression expriment plus
volontiers des plaintes somatiques et
des troubles alimentaires. Comme il
ressort de cette enquête, le diagnos-
tic d’un syndrome a été retenu chez
plus de 90 % des patients, dont
60 % présentaient un épisode
dépressif majeur caractérisé et 30 %
un trouble d’anxiété généralisé (avec
une comorbidité dans 11 % des cas).
Toutefois, les symptômes étaient
deux fois plus déclencheurs de pres-
cription (dans 80 % des cas) que les
syndromes (dans 36 % des cas).
Ainsi, les idées suicidaires détiennent
la palme (leur présence va inciter la
prescription chez 7 patients sur 10).
Viennent ensuite l’épisode dépressif
majeur et d’autres éléments parmi
les plus influents qui ont été cités par
les médecins enquêteurs : trouble
panique, troubles obsessionnels
compulsifs, désintérêt, perte de goût,
anxiété persistante, idées de dévalori-
sation, culpabilité. Enfin, les antidé-
presseurs inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine étaient les plus pres-
crits (78,4 %) et considérés comme
des médicaments efficaces, d’une
grande maniabilité et moins sédatifs
que les antidépresseurs tricycliques.
Ludmila Couturier
Entretiens de Bichat 2004
Soins Libéraux
34
Antidépresseurs
Quels sont les facteurs de prescription ?
La prescription des antidépresseurs concerne non seulement les états
dépressifs mais aussi la plupart des troubles anxieux. Le volume des
prescriptions est en augmentation régulière. Pourtant, les spécialistes
affirment qu’un nombre important de patients atteints de ces patholo-
gies ne bénéficient pas d’une prise en charge adéquate.
Infos ...
Les
antidépresseurs
chez les jeunes
Les Français sont
les plus gros
consommateurs
d'antidépresseurs au
monde. Le ministre
de la Santé
voudrait interdire
la prescription
d’antidépresseurs
aux moins de 18 ans.
Il s’agira surtout de
recommander aux
médecins d’être plus
vigilants dans leurs
prescriptions aux
mineurs. Selon des
études européennes,
ces médicaments
peuvent provoquer
des dépressions
suicidaires chez
les jeunes.
Il faut bien dire au patient qu’il
est dangereux d’arrêter son trai-
tement sans avis médical.
Un traitement bien conduit
amène le plus souvent la rémis-
sion des symptômes au bout de
deux mois. Il faut alors négocier
avec le patient le maintien des
doses et rester attentif à l’évolu-
tion. La durée totale du traite-
ment est habituellement de six
mois (plus ou moins deux mois).
L’arrêt du médicament se fait
ensuite en diminuant progressi-
vement les doses.