34 Soins Libéraux Antidépresseurs Quels sont les facteurs de prescription ? La prescription des antidépresseurs concerne non seulement les états dépressifs mais aussi la plupart des troubles anxieux. Le volume des prescriptions est en augmentation régulière. Pourtant, les spécialistes affirment qu’un nombre important de patients atteints de ces pathologies ne bénéficient pas d’une prise en charge adéquate. P our y voir un peu plus clair, une enquête transversale observationnelle s’est penchée sur les facteurs clés de l’initiation d’un traitement antidépresseur par les médecins généralistes et les psychiatres libéraux. Moins d’effets délétères Infos ... Les antidépresseurs chez les jeunes Les Français sont les plus gros consommateurs d'antidépresseurs au monde. Le ministre de la Santé voudrait interdire la prescription d’antidépresseurs aux moins de 18 ans. Il s’agira surtout de recommander aux médecins d’être plus vigilants dans leurs prescriptions aux mineurs. Selon des études européennes, ces médicaments peuvent provoquer des dépressions suicidaires chez les jeunes. Selon les études, la prévalence de la dépression est estimée à 5 à 15 % de la population générale. « Pourtant, cette pathologie n’est pas toujours reconnue lorsqu’elle est associée à une plainte somatique ou quand elle est très peu exprimée. Néanmoins, certains troubles psychiatriques se destigmatisent, et la meilleure tolérance des antidépresseurs récents, c’est-à-dire des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, n’y est pas pour rien », estime le Dr Ph. Carrière (SaintBrieuc). De ce fait, c’est le médecin généraliste qui est le premier recours des patients déprimés ou souffrant de troubles anxieux. Parmi ces derniers, on distingue, selon le DSM IV : le trouble anxieux généralisé, le trouble panique avec ou sans agoraphobie, le trouble obsessionnel compulsif, la phobie sociale, les phobies spécifiques. Le champ d’application des antidépresseurs de la dernière génération (agissant sur la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) couvre l’état dépressif majeur mais aussi des troubles anxieux, sauf le syndrome de stress post-traumatique, lequel n’a pas fait encore l’objet d’une autorisation administrative en France (il est déjà retenu au rang des indications aux États-Unis). Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004 Afin de connaître les facteurs de la prise de décision de l’instauration d’un traitement antidépresseur en médecine ambulatoire, une enquête OPUS (Observatoire des facteurs clés de la prise en charge pharmacologique par antidépresseurs en médecine générale et en psychiatrie) a été menée auprès d’un échantillon aléatoire de 1 500 médecins généralistes et de 500 psychiatres. Enquête L’enquête porte sur 5 462 patients ayant un âge moyen de 45 ans (dont deux tiers de femmes) et pour lesquels il était demandé de recueillir les données à l’aide d’un questionnaire proposant 44 facteurs regroupés en trois registres : éléments contextuels (événements de vie), symptomatiques (tristesse, agressivité, idées de suicide, etc.) et syndromiques (état dépressif majeur, trouble anxieux généralisé ou autre trouble anxieux). Le diagnostic était fait de manière intuitive par la quasi-totalité des médecins (sans utiliser des échelles). Les résultats de cette enquête montrent que les événements de la vie les plus présents lors de la mise sous antidépresseurs étaient les conflits familiaux, conjugaux ou professionnels, et l’isolement affectif était retrouvé dans 30 % des cas. Plus de 80 % des patients présentent un trouble du sommeil, associé aux symptômes évocateurs de l’épisode dépressif majeur ou du trouble anxieux, avec l’asthénie psychique et intellectuelle, la tristesse, le désintérêt, la perte de goût. À noter que, chez les hommes, la dépression peut se traduire par l’irritabilité accrue et le com- portement agressif avec troubles sociaux, tandis que les femmes souffrant de dépression expriment plus volontiers des plaintes somatiques et des troubles alimentaires. Comme il ressort de cette enquête, le diagnostic d’un syndrome a été retenu chez plus de 90 % des patients, dont 60 % présentaient un épisode dépressif majeur caractérisé et 30 % un trouble d’anxiété généralisé (avec une comorbidité dans 11 % des cas). Toutefois, les symptômes étaient deux fois plus déclencheurs de prescription (dans 80 % des cas) que les syndromes (dans 36 % des cas). Ainsi, les idées suicidaires détiennent la palme (leur présence va inciter la prescription chez 7 patients sur 10). Viennent ensuite l’épisode dépressif majeur et d’autres éléments parmi les plus influents qui ont été cités par les médecins enquêteurs : trouble panique, troubles obsessionnels compulsifs, désintérêt, perte de goût, anxiété persistante, idées de dévalorisation, culpabilité. Enfin, les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine étaient les plus prescrits (78,4 %) et considérés comme des médicaments efficaces, d’une grande maniabilité et moins sédatifs que les antidépresseurs tricycliques. Ludmila Couturier Entretiens de Bichat 2004 Il faut bien dire au patient qu’il est dangereux d’arrêter son traitement sans avis médical. Un traitement bien conduit amène le plus souvent la rémission des symptômes au bout de deux mois. Il faut alors négocier avec le patient le maintien des doses et rester attentif à l’évolution. La durée totale du traitement est habituellement de six mois (plus ou moins deux mois). L’arrêt du médicament se fait ensuite en diminuant progressivement les doses.