au long cours, le renouvellement des traitements ça m’attire
pas ; ce que je fais c’est régler un souci qu’il faut régler à
l’instant ; en rentrant chez moi je suis libéré de ce poids. Les
horaires de bureau de la médecine de ville ne me convien-
nent pas, et je ne les ai pas chez SOS. Travailler la nuit me
libère la journée pour faire autre chose. Et j’ai un sas de dé-
compression dans la voiture ».
L'exercice professionnel idéal
–Le travail de groupe est une évidence pour ces jeunes
médecins. C’est le point le plus fort qui ressort de ces échan-
ges. Ils souhaitent travailler à plusieurs dans un même cabi-
net et avec les autres professionnels de santé sur un terri-
toire : spécialistes et paramédicaux, ville et hôpital.
Les maisons de santé avec leur pluri-professionnalité décloi-
sonnent l’exercice solitaire, permettent une prise en charge
globale et commune des patients avec les autres profession-
nels dans un même lieu, avec des temps d’échanges heb-
domadaires sur des patients ou des situations complexes.
Elles seront le lieu d’une coordination des soins entre infir-
mières et médecins (à titre d’exemple) mais aussi de grou-
pes d’échange de pratiques, d’actions de formation médicale
continue avec intervention d’experts.
– Un logiciel métier unique, commun à l’ensemble des pro-
fessionnels de santé serait l’outil idéal pour exercer une mé-
decine optimale. Ce dossier patient unique serait consulté et
alimenté par les professionnels de santé prenant en charge
le patient. Les données une fois saisies, ne pourraient pas
être modifiées, et pourraient être partagées sur un réseau
entre la ville et l’hôpital.
– Pour le médecin de SOS cet autre aspect de la médecine
qu’il pratique est nécessaire car les MG sont absents ou dé-
bordés, mais l’organisation du futur travail en groupe devra,
pour une vraie continuité de soins, permette qu’une structure
comme SOS intervienne moins.
– Les consultations ne seront pas leur unique exercice. Ils
souhaitent avoir une autre activité : urgentiste, médecins
de crèche, de PMI, médecin coordinateur, enseignant à la
faculté de médecine pour sortir du rythme des consultations.
Cela leur permettra de ne pas être blasé par leur métier et
de pouvoir se protéger de l’épuisement professionnel.
– Ils souhaitent également une valorisation de leur métier de
généraliste : par le clinicat de médecine générale « notre for-
mation à l’hôpital nous donne envie de transférer ce modèle
à la médecine ambulatoire, d’exercer avec d’autres, de trans-
mettre, d’enseigner » ; par la pratique de l’éducation théra-
peutique « Prise en charge globale et valorisation de l’Édu-
cation thérapeutique ; l’éducation thérapeutique demande
une valorisation ».
– À la question posée par les animateurs du groupe « Quelle
serait votre souhait de quantité de travail pour quelle
rémunération ? » l’optimal pour ces médecins serait entre
35 et 45 heures hebdomadaires pour un revenu net autour
de 7 000 e(minimum souhaité 6 000 epour 35 heures et
pour 45 heures entre 7 000 et 10 000 e).
L'exercice professionnel : le devenir
– Les médecins étaient attachés au paiement à l’acte mais
le paiement à l’acte seul ne pourra perdurer pour plusieurs
raisons. Il existe un risque de dérive : faire plus d’acte pour
gagner plus d’argent mais surtout le paiement à l’acte n’est
plus adapté pour la prise en charge des patients ayant des
pathologies chroniques. Ces prises en charge requièrent du
temps. Pour cela il faudrait la création de forfaits en fonction
des pathologies. À telle pathologie correspondrait tel forfait.
Le médecin recevrait une somme annuelle et pourrait voir le
patient autant que nécessaire et passer le temps nécessaire
pour assurer une prise en charge optimale.
– Concernant le tiers payant généralisé, les avis étaient di-
vergents. Certains étaient favorables d’autres y étaient op-
posés. Pour les médecins réfractaires l’argument principal
était la dévalorisation de l’acte et du travail du médecin. Le
deuxième argument était que les patients devaient connaître
le coût des soins et qu’ils soient sensibilisés à l’intérêt
commun.
– Pour ce qui est des visites à domicile, elles sont pour ces
médecins le cœur de la médecine générale. Mais tous s’ac-
cordaient sur le fait que les visites à domicile ne sont pas
rentables et sont chronophages. Une revalorisation du mon-
tant de la visite serait nécessaire ou la création d’un forfait
en fonction des pathologies du patient. Au-delà de la revalo-
risation de l’acte se posait la question du devenir de la visite.
Avec la désertification médicale, les médecins généralistes
ont de plus en plus de travail et n’ont pas le temps ou l’envie
de se déplacer. Pour le médecin de SOS en particulier l’exer-
cice est exclusivement à domicile et il témoigne : « je préfère
me déplacer au chevet du patient, la relation est différente
quand je vais chez les gens, le médecin est attendu ».
De ce constat se posait premièrement la question de la coor-
dination du travail avec les infirmières, et de la délégation
de tâches. Les infirmières pourraient faire une première éva-
luation et prendre en charge le patient en fonction du pro-
blème. Deuxièmement se posait la question de la place et
du travail en partenariat avec SOS Médecins. Ces derniers
pourraient se déplacer pour une semi-urgence puis organiser
avec le médecin traitant une visite programmée.
Ces jeunes médecins étaient favorables au partage de tâches
avec les paramédicaux à condition que ce partage soit réflé-
chi et que toutes les tâches d’éducation, de prévention ne
soient pas déléguées aux paramédicaux.
Enfin à l’ère du tout numérique, du matériel connecté, de
la télémédecine, qu’en est-il des logiciels experts, ces logi-
ciels avec lesquels les patients peuvent lister leurs symptô-
mes et avoir un diagnostic, ces cabines où la pression arté-
rielle des patients peut être prise par un automate et où une
prise de sang peut être effectuée avec le rendu de résultats
en quelques minutes ? Pour ces jeunes médecins, il faut évi-
ter d’en arriver à cette médecine qui déshumanise les rela-
tions. Une machine peut poser un diagnostic mais elle ne
peut être à l’écoute, elle ne peut rassurer, conseiller, créer
du lien social. De plus ces systèmes seraient inégalitaires
car ils seraient réservés aux patients ayant les moyens de se
les payer. S’ils redoutent l’arrivée des logiciels experts ils
expriment qu’il y a deux classes de patients, certains pouvant
gagner du temps avec ces systèmes et d’autres qui ont be-
soin de parler et continueront à consulter leur médecin. La
connaissance du patient, le ressenti du médecin font qu’il y
a un grand risque que la machine fasse moins bien que le
médecin.
470 MÉDECINE décembre 2015
VIE PROFESSIONNELLE
Échanges entre professionnels
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