Equations autonomes en dimension 1 - IMJ-PRG

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ÉQUATIONS AUTONOMES EN DIMENSION 1
MARC CHAPERON
Proposition 1. Soit g une fonction continue réelle définie et partout non nulle
sur un intervalle ouvert J.
i) Pour tout x0 ∈ J, l’équation
dx
= g(x)
(1)
dt
admet une unique solution maximale1 γx0 : Ix0 → J telle que γx0 (0) = x0 ;
elle s’obtient comme suit :
Rx
– l’intervalle ouvert Ix0 est l’image de J par l’application x 7→ x0 g(s) ds,
qui définit un difféomorphisme strictement monotone hx0 de J sur Ix0 ;
– la solution γx0 est la bijection réciproque h−1
x0 .
ii) Pour tout (t0 , x0 ) ∈ R×J, l’équation (1) admet une unique solution maximale
γ̄t0 ,x0 telle que γ̄t0 ,x0 (t0 ) = x0 ; elle est définie sur t0 + Ix0 et donnée par
γ̄t0 ,x0 (t) = γx0 (t − t0 ).
iii) Toute autre solution de (1) prenant la valeur x0 pour t = t0 est la restriction
de γ̄t0 ,x0 à un intervalle contenu dans t0 + Ix0 et contenant t0 .
Bref, les solutions de (1) s’obtiennent suivant la bonne vieille recette : on « sépare
dx
les variables » en écrivant (1) sous la forme g(x)
= dt, d’où la solution générale
Z
dx
,
t=
g(x)
1
où le second membre désigne la primitive (définie à une constante près) de g(x)
; la
constante d’intégration est déterminée par la valeur x0 de la solution au temps t0 .
Démonstration. Comme J est un intervalle, il résulte du théorème des valeurs intermédiaires que g est soit strictement positive en tout point, soit strictement négative
en tout point. Nous traiterons le cas g > 0, l’autre étant entièrement analogue.
Dans ce cas, toute solution γ : I → J de (1) telle que γ(0) = x0 a une dérivée
γ 0 = g ◦ γ continue et, d’après notre hypothèse sur g, strictement positive ; une
telle solution est donc C 1 , strictement croissante, et le théorème d’inversion locale
s’applique en tout point de son intervalle de définition ; la fonction γ, vue comme
application de γ(I) dans I, est une bijection dont l’inverse h : γ(I) → I est C 1 et
a pour dérivée2
1
1
1
= h0 (x) = 0
= g(x) .
γ h(x)
g γ h(x)
Comme la relation γ(0) = x0 s’écrit h(x0 ) = 0, on a donc
Z x
du
h(x) =
,
x0 g(u)
1C’est-à-dire, rappelons-le, définie sur un intervalle aussi grand que possible.
2Puisque l’identité γ ◦ h(x) = x donne par dérivation h0 (x)γ 0 ◦ h(x) = 1
1
2
MARC CHAPERON
ce qui montre que h est la restriction de hx0 à un intervalle contenu dans J et contenant x0 . Je laisse le lecteur s’assurer (toujours en utilisant la formule de dérivation
d’une fonction composée) que la bijection réciproque h−1
x0 est bien solution de (1)
et en déduire le reste de la proposition.
Un exemple de non-unicité. Lorsque g s’annule, sa continuité ne suffit pas à
assurer l’unicité au sens de la proposition 1. Considérons en effet l’équation différentielle
dx p
(2)
= |x|.
dt
Les hypothèses de la proposition 1 sont satisfaites par (2) sur J− = ]−∞, 0[ et la
solution γx0 obtenue pour x0 < 0 est alors (exercice)
√
√
t 2
, t ∈ Ix−0 = −∞, 2 −x0 ;
γx−0 (t) = − −x0 −
2
de même, les hypothèses de la proposition 1 sont satisfaites par (2) sur J+ = ]0, ∞[
et la solution γx0 obtenue pour x0 > 0 est alors (exercice)
√
√
t 2
γx+0 (t) =
, t ∈ Ix+0 = ]−2 x0 , +∞[ .
x0 +
2
√
√
Le problème est que quand t → 2 −x0 (resp. quand t → 2 x0 ) la fonction γx−0 (t)
(resp. γx+0 (t)) et sa dérivée tendent vers 0 ; on peut donc raccorder les solutions
précédentes à la solution nulle de (2) et obtenir le résultat suivant :
Proposition 2. Pour tout t0 ∈ R, il existe une infinité de solutions de (2) définies
sur R tout entier et nulles au point t0 . Elles sont données par

1
2

− 4 (t − a) pour t < a,
γ(t) = 0
pour a ≤ t ≤ b

1
2
pour t > b,
4 (t − b)
où les constantes a et b vérifient −∞ ≤ a ≤ t0 ≤ b ≤ +∞.
Le résultat p
suivant montre que le problème ne se serait pas posé si l’on avait pris
|x| au lieu de |x| dans (2) :3
Proposition 3. Soient g une fonction réelle continue sur un intervalle ouvert J
et a un point de J où g(a) = 0. Si de plus il existe des réels δ > 0 et C > 0 tels que
(3)
∀x ∈ J
|x − a| < δ =⇒ |g(x)| ≤ C|x − a|,
alors toute solution de (1) qui prend la valeur a est constante et égale à a.
Démonstration. Si γ : I → J est une telle solution, l’ensemble γ −1 (a) est fermé
dans I et il est non vide par hypothèse ; comme I est connexe (c’est un intervalle),
il suffit donc de montrer que γ −1 (a) est ouvert dans I pour prouver qu’il est égal à
I, c’est-à-dire que γ(t) = a pour tout t ∈ I.
Étant donné t0 ∈ γ −1 (a), comme γ est continue (elle est solution de (1), donc
dérivable), il existe η > 0 tel que
∀t ∈ I
|t − t0 | < η =⇒ |γ(t) − a| < δ
et donc, d’après (1) et (3),
(4)
∀t ∈ I
|t − t0 | < η =⇒ |γ 0 (t)| ≤ C|γ(t) − a|.
3Ce que l’on peut évidemment voir en résolvant l’équation.
ÉQUATIONS AUTONOMES EN DIMENSION 1
3
– Pour tout t ∈ I vérifiant t0 ≤ t < t + η, on a donc
Z
Z t
t 0
γ (s) ds ≤
|γ 0 (s)| ds =: f (t);
|γ(t) − a| =
t0
t0
la fonction f ainsi définie est de classe C 1 et vérifie d’après (4)
f 0 (t)
= |γ 0 (t)| ≤ C|γ(t) − a|
≤ Cf (t) ;
−Ct
la fonction t 7→ e
f (t) a donc une dérivée ≤ 0 pour t0 ≤ t < t + η ; comme
elle est à valeurs ≥ 0 et que f (t0 ) = 0, on en déduit que e−Ct f (t) = 0 pour
t0 ≤ t < t + η, et l’inégalité |γ(t) − a| ≤ f (t) donne donc
∀t ∈ I
t0 ≤ t < t + η =⇒ γ(t) = a.
– De même, pour tout t ∈ I vérifiant t − η < t ≤ t0 , on a
Z t
Z t
|γ 0 (s)| ds = −f (t)
γ 0 (s) ds ≤ |γ(t) − a| = t0
t0
et donc, d’après (4)
f 0 (t)
= |γ 0 (t)| ≤ C|γ(t) − a|
≤
−Cf (t) ;
la fonction t 7→ −eCt f (t) a donc une dérivée ≥ 0 pour t − η < t ≤ t0 ; comme
elle est à valeurs ≥ 0 et que f (t0 ) = 0, on en déduit que −eCt f (t) = 0 pour
t0 ≤ t < t + η, et l’inégalité |γ(t) − a| ≤ −f (t) donne donc
∀t ∈ I
t0 ≤ t < t + η =⇒ γ(t) = a.
Nous avons donc prouvé que γ(t) = a pour tout t ∈ I vérifiant |t − t0 | < η ; il en
résulte bien que γ −1 (a) est ouvert.
Remarque. Ce que nous venons de faire pour « intégrer les inéquations différentielles f 0 ≤ ±Cf » est une des bases de la théorie des équations différentielles.
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