DOSSIER THÉMATIQUE
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998226
sphinctérienne par réalisation d’une anastomose entre le sphinc-
ter de l’anus et un réservoir grêlique en J (figure 2). Ce réservoir
permet de créer un néorectum qui va permettre, malgré l’ablation
du rectum natif, d’obtenir un résultat fonctionnel satisfaisant
chez la grande majorité des patients, avec 4 à 5 selles par 24
heures, 15 à 20 % des patients ayant des fuites le plus souvent
occasionnelles. Les troubles sexuels graves, à type d’impuissan-
ce, concernent moins de 1 % des patients. Le risque évolutif à
long terme est la survenue d’une inflammation du réservoir (ou
“pochite”), la plupart du temps traitée médicalement avec effica-
cité. À long terme, le risque d’échec de l’intervention avec perte
du réservoir et iléostomie définitive (pochite réfractaire, Crohn
méconnu, sepsis pelvien persistant) est d’environ 5 %.
• En cas de maladie de Crohn
Le rétablissement de continuité est obtenu le plus souvent par une
anastomose iléo-rectale en cas de rectum conservable. Beaucoup
plus rarement, si le rectum n’est pas conservable (du fait le plus
souvent d’un microrectum ou de manifestations ano-périnéales
graves associées), une amputation abdomino-périnéale avec iléo-
stomie définitive est nécessaire. La seconde intervention consiste
alors en une proctectomie totale, avec sacrifice du sphincter de
l’anus, et une iléostomie définitive. Habituellement, le périnée est
fermé lors de l’intervention et l’iléostomie est placée dans la fosse
iliaque droite. Cette intervention mutilante est en fait réalisée
dans l’immense majorité des cas seulement après échec d’une
anastomose iléo-rectale, et non pas d’emblée.
L’anastomose iléo-rectale a l’avantage de conserver la fonction
sphinctérienne, mais elle est grevée d’un taux élevé de récidive,
très supérieur à celui observé après iléostomie définitive. Le
taux de récidive à dix ans de la maladie sur l’intestin restant est
de 9 % après iléostomie définitive contre 50 % après anastomo-
se iléo-rectale. À long terme, dans toutes les séries publiées,
après anastomose iléo-rectale, le risque de proctectomie secon-
daire avec iléostomie définitive est d’environ 40 à 50 %.
La MC constitue en effet pour la plupart des auteurs une contre-
indication absolue à l’anastomose iléo-anale. Nous plaidons
néanmoins pour la réalisation de l’anastomose iléo-anale dans
des cas très sélectionnés de MC colique avec rectum non
conservable, comme alternative à l’iléostomie définitive, à
condition qu’il n’ait pas d’antécédents de manifestations ano-
périnéales ou d’atteinte du grêle. Nous avons ainsi montré qu’en
respectant ces critères très stricts plus de 80 % des patients ont
un bon résultat cinq ans après l’intervention (10). Récemment,
une étude de la Mayo Clinic a confirmé nos résultats en montrant
que dix ans après l’anastomose iléo-anale, cette dernière a per-
mis d’éviter l’iléostomie chez plus de la moitié des patients (11).
CONCLUSION
La colite aiguë grave sur MICI est une affection rare mais dont
la gravité potentielle souligne l’importance d’une étroite colla-
boration entre médecins et chirurgiens. En effet, dès le diagnos-
tic posé, le plus souvent désormais grâce à l’endoscopie, il ne
faut pas retarder la réalisation en urgence d’une colectomie sub-
totale en cas de forme compliquée, mais aussi en cas d’échec
d’un traitement médical intensif initial. ■
Mots-clés. Rectocolite hémorragique - Maladie de Crohn -
Colite aiguë grave - Colectomie.
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Figure 2.