Fiche N°6 Anastomose iléo-anale

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Fiche
technique
Anastomose iléo-anale
N°6
Sous la responsabilité de leurs au
Anastomose iléo-anale
Y. Panis, J.M. Regimbeau, service de chirurgie digestive, hôpital Lariboisière, Paris.
L’anastomose iléo-anale (AIA) représente aujourd’hui l’intervention chirurgicale de référence dans le traitement de la re
colite hémorragique (RCH) et de la polypose adénomateuse familiale (PAF). Elle a, pour ces deux maladies, remplacé la c
proctectomie totale avec iléostomie définitive. Elle comporte, en effet, l’avantage d’enlever l’ensemble de la muqueuse c
rectale malade, tout en préservant la fonction sphinctérienne.
Principes
et contre-indications
de l’intervention
❐ Principe : le but de l’intervention est tout d’abord d’enlever l’ensemble de la muqueuse colorectale malade, ou pou
potentiellement le devenir. Ainsi, seuls l’intestin grêle et l’anus sont conservés. L’ensemble du rectum et du côlon est enl
En fait, en fonction de la technique d’AIA choisie (voir plus loin), l’étendue de la résection rectale au-dessus de la ligne
tinée varie suivant les techniques utilisées (avec respect ou non de la zone cloacale ou transitionnelle). La reconstruction
circuit digestif se fait ensuite par une anastomose entre l’intestin grêle terminal et le sphincter de l’anus. Afin de permettre
continence acceptable, un réservoir en J, créant un néorectum, est créé juste en amont de l’anastomose (figure 1).
❐ Les contre-indications de l’anastomose iléo-anale : la contre-indication principale de l’AIA est l’existence d’un mau
état sphinctérien (sujet âgé notamment). Un cancer du rectum associé à la RCH ne constitue pas en soi une contre-ind
tion, si les règles carcinologiques sont respectées. Enfin, la maladie de Crohn constitue, pour la plupart des auteurs,
contre-indication à l’intervention. Nous plaidons néanmoins pour sa réalisation, dans des cas très sélectionnés de maladie
Crohn avec rectum non conservable, comme alternative à l’iléostomie définitive, s’il n’existe pas dans les antécédents
manifestations ano-périnéales (abcès de la marge anale, fistule anale, etc.) ou d’atteinte de l’intestin grêle.
Technique chirurgicale
❐ L’intervention peut être réalisée en un, deux, voire trois temps opératoires. Dans la RCH, et ce d’autant plus qu
patient est en poussée inflammatoire de sa maladie ou sous corticothérapie au long cours, l’AIA est faite en trois temps o
ratoires : colectomie subtotale avec double stomie (iléostomie et sigmoïdostomie), puis, environ deux mois plus tard, a
stomose iléo-anale avec iléostomie de protection, et enfin fermeture de l’iléostomie temporaire six semaines après (figure
Dans la PAF, ou chez certains patients avec RCH, si les conditions locales sont favorables (absence notamment de cor
thérapie au long cours, qui rend les tissus plus fragiles), l’intervention est réalisée en deux temps : coloproctectomie to
avec AIA et iléostomie de protection, fermée deux mois plus tard. Enfin, certains proposent, dans les PAF essentiellem
de réaliser une AIA en un temps (sans stomie temporaire de protection). Si la réalisation de l’AIA en trois ou deux temps
relativement lourde du fait de la répétition des interventions, elle comporte, pour la plupart des auteurs, l’avantage de me
à l’abri de conséquences graves d’un sepsis pelvien lié à une désunion anastomotique éventuelle sur le réservoir en J
est alors court-circuité par la stomie temporaire.
❐ Technique chirurgicale. Si la nécessité de ménager un réservoir en amont de l’anastomose est maintenant bien adm
par tous, son type est actuellement univoque. Il s’agit d’un réservoir iléal en J. Les réservoirs en S et en W ont en effet
abandonnés soit du fait de la complexité de leur réalisation (réservoir en W), soit car leur vidange était moins bonne qu’a
un réservoir en J (réservoir en S). En revanche, il existe à ce jour trois types d'anastomose iléo-anale avec réservoir en
- les deux premières techniques conservent un manchon musculaire rectal de 2 à 3 cm : AIA avec conservation d’un m
chon musculaire rectal et anastomose manuelle après mucosectomie (technique de référence, décrite par Parks en 19
(figure 2) et AIA avec anastomose mécanique (figure 3), qui laisse en place la zone cloacale sus-pectinéale ;
- la dernière technique, que nous utilisons (technique de Hautefeuille) (figure 4), est une AIA avec anastomose manuel
section rectale sur la ligne pectinée après éversion rectale, sans conservation d'un manchon rectal.
❐ Avantages et inconvénients des trois techniques d’AIA. Dans la technique de Parks, il était décrit la conservation
manchon musculaire rectal avec mucosectomie de la zone cloacale (figure 2). La conservation de ces deux à trois dern
centimètres de paroi musculaire rectale était indispensable pour les auteurs afin d’assurer une continence satisfaisante
mucosectomie correspond à l'exérèse de la zone transitionnelle (ou cloacale), qui est une bande de muqueuse rectale d
viron 2 cm de haut présente entre la ligne pectinée et la muqueuse rectale en haut. Cette mucosectomie est nécessaire
cette muqueuse présente des signes d'inflammation chez 50 % des patients ayant une RCH, et des signes de dysplasie d
2,5 % des cas. L'analyse de la même zone chez des patients atteints de PAF retrouve 100 % de micro-polypes. Il est
sible aussi de réaliser une AIA à la pince mécanique, technique plus facile et plus rapide, mais qui laisse délibérémen
muqueuse transitionnelle potentiellement pathologique (figure 3). En effet, après proctectomie et fermeture d’un moignon
tal court (environ 1 à 2 cm au-dessus de la ligne pectinée), l’anastomose est faite entre le réservoir et ce moignon grâc
une pince mécanique. Chez ces patients, une surveillance indéfinie s'impose donc par rectoscopie. Enfin, la troisième te
nique d’AIA consiste en une section du rectum au niveau de la ligne pectinée (après éversion rectale), suivie d’une a
stomose manuelle avec le réservoir (figure 4).
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - décembre 1998
Anastomose iléo-anale
Cette technique comporte pour nous le
double avantage :
- d’éviter, comme cela a déjà été rapporté avec l’intervention de Parks, une récidive sur la zone de mucosectomie. On
peut ainsi retrouver des îlots de muqueuse
rectale après mucosectomie chez 20 %
des patients. De plus, quelques cas de
récidive de la pathologie initiale (polypes
avec dysplasie sévère, voire cancer et
signes de RCH) sur la zone de mucosectomie ont été rapportés. Enfin, cette récidive locale après mucosectomie peut survenir dans une zone inaccessible à la
surveillance, car cachée par le réservoir ;
- d’éviter, comme dans l’AIA mécanique,
une surveillance à vie de la muqueuse
transitionnelle.
Enfin, les résultats fonctionnels de l’intervention de Hautefeuille sont superposables à ceux rapportés avec les deux
techniques précédentes, soulignant ainsi
que la conservation d'un manchon musculaire rectal n'est pas nécessaire à la
conservation d'une continence normale.
Résultats
opératoires
Même s’il s’agit d’une intervention difficile sur le plan technique, la mortalité de
l’AIA est actuellement nulle dans les
centres spécialisés. La morbidité est surtout représentée par les occlusions sur
bride postopératoire (environ 10 % des
patients) et les sepsis pelviens par fistule
sur le réservoir (environ 5 à 10 % des
patients).
Figure 1. Anastomose iléo-anale sur
réservoir en J avec iléostomie de protection.
Figure 2. Anastomose iléo-anale
avec mucosectomie.
Figure 3. Anastomose iléoanale mécanique.
Figure 4. Anastomose iléo-anale
avec proctectomie totale par
éversion.
Résultats fonctionnels À long terme, le résultat fonctionnel, qui
s’améliore lors de la première année
et à long terme
postopératoire, est bon chez la grande majorité des patients, avec cinq à six selles par 24 heures, 15 à 20 % des patients ayant des
fuites, le plus souvent occasionnelles. En cas de selles très liquides, surtout dans la première année postopératoire, un traitement
par ralentisseur du transit (type lopéramide) peut être utile. Les troubles sexuels graves, à type d’impuissance, concernent moins de
1 % des patients. Le risque évolutif à long terme est la survenue d’une inflammation du réservoir (ou “pochite”), observée chez environ 20 % des patients et habituellement traitée médicalement de manière efficace (par métronidazole). Les sténoses anastomotiques
(5 % des patients environ) apparaissent en général dans les premiers mois postopératoires, et sont source de détérioration du résultat fonctionnel (avec augmentation du nombre des selles, incontinence). Dans ces cas, une simple dilatation au doigt en consultation peut suffire si la sténose est relative. Sinon, des dilatations sous anesthésie sont parfois nécessaires, voire une plastie chirurgicale de l’anastomose. À long terme, le risque d’échec de l’intervention, avec perte du réservoir et iléostomie définitive (pochite réfractaire, Crohn méconnu, sepsis pelvien persistant), est inférieur à 5 %.
Conclusion
II
L’anastomose iléo-anale avec réservoir en J est une intervention qui permet d’enlever l’ensemble de la muqueuse colorectale, tout
en assurant au patient une fonction sphinctérienne le plus souvent compatible avec une vie normale. Cette intervention est actuellement réalisée en première intention dans la RCH résistante au traitement médical, en cas de pancolite évoluant depuis plus de dix
ans, en cas de dysplasie sur les biopsies, et dans la PAF, où elle a remplacé l’anastomose iléorectale, qui imposait la surveillance à
vie du rectum restant. Enfin, elle peut être discutée dans des cas très sélectionnés de maladie de Crohn sans atteinte du grêle ou
de l’anus.
À long terme, le résultat fonctionnel est bon chez 80 % des patients, le risque principal étant représenté par la survenue d’une pochite
et d’une occlusion du grêle sur bride postopératoire nécessitant parfois une réintervention chirurgicale.
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La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - décembre 1998
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