Rang de l`image du groupe des unités et polynômes lacunaires

ACTA ARITHMETICA
127.1 (2007)
Rang de l’image du groupe des unit´es et
polynˆomes lacunaires
par
Gabriele Ranieri (Caen et Pisa)
1. Introduction. Dans [Amo1] F. Amoroso a introduit la notion de
corps proche d’un corps CM (en abr´eg´e : PCM). Soit Kun corps de nombres
et soit Γson groupe de Q-automorphismes. Suivant [Amo1], nous dirons que
Kest un corps PCM s’il existe φZ[Γ] tel que
kφk1Rφ<[K:Q].
Ici kφk1est la taille de φ(i.e. si φ=PσΓφσσalors kφk1=PσΓ|φσ|), et
Rφ= dim(L(Kφ)R), o`u Lest le plongement logarithmique et
Kφ={βK:αK, β =αφ}.
Remarquons que si Kest un corps CM et jest la conjugaison complexe,
alors R1jk1jk1= 0, en particulier tout corps CM est PCM. D’autres
exemples remarquables de corps PCM sont donn´es par K=Q(α), o`u αest
un nombre de Salem (voir [Amo2]).
Le probl`eme de caract´eriser les corps PCM se pose ; nous donnons ici
une r´eponse partielle, en montrant qu’une extension totalement r´eelle n’est
jamais PCM (corollaire 1).
Soit maintenant kun entier positif et soient d1,...,dkN. Dans le
cas particulier des extensions ab´eliennes totalement r´eelles, le probl`eme de
d´eterminer les ´eventuels corps PCM se traduit, via la correspondance entre
caract`eres et racines de l’unit´e (voir appendice), en l’existence de polynˆomes
non nuls PZ[x1,...,xk] de degr´es partiels degxi(P)< dipour tout 1
ik, tels que
kPk1Rd,P < d1···dk.
Ici d= (d1,...,dk), kPk1est la somme des modules des coefficients de Pet
Rd,P =|{ωµd1× · · · × µdk:P(ω)6= 0}|
(o`u µdiest l’ensemble des racines di-i`emes de l’unit´e pour tout 1 ik).
2000 Mathematics Subject Classification: 11C08, 11R04.
[87]
88 G. Ranieri
F. Amoroso avait conjectur´e que pour tout P6= 0 dans Z[x1,...,xk],
on a
kPk1Rd,P d1···dk.
A. Schinzel a ensuite remarqu´e (communication orale) que eme dans le
cas tr`es particulier
P(x) = xn1
φn(x)Z[x]
o`u nest un entier positif et φnest le n-i`eme polynˆome cyclotomique (donc,
en suivant les notations pr´ec´edentes, dans ce cas k= 1 et n=d1) cette
conjecture n’´etait pas ´evidente.
Ici nous prouvons une version plus forte de la conjecture de F. Amoroso ;
plus pr´ecis´ement (paragraphe 2), en utilisant des techniques ´el´ementaires
nous d´emontrons le
Th´
eor`
eme 1.Soit kun entier positif ,soit PC[x1,...,xk]un poly-
ome non nul tel que degxi(P)< dipour tout 1iket soit Ple
nombre de coefficients 6= 0 de P. Alors
(1) Pd1···dk
Rd,P
.
Il est clair que la conjecture de F. Amoroso d´ecoule de (1). En effet, si
PZ[x1,...,xk] alors kPk1Pcar tout coefficient de Pnon nul est de
module 1.
Remarquons que la minoration (1) est optimale. En effet, si l,msont
entiers positifs tels que ldivise met si on pose
G(x) := 1 + xl+x2l+···+xml=xm1
xl1,
on a deg(G)< m,G=m/l et Rm,G =l; donc
G=m
Rm,G
.
De mˆeme, si vest un entier positif pair et si on pose
H(x) = 1 xv/2,
on a encore deg(H)< v,H= 2 et Rv,H =v/2 ; en particulier,
H=v
Rv,H
.
Dans le paragraphe 3, nous g´en´eralisons la ethode du th´eor`eme 1 au
cas de groupes non n´ecessairement commutatifs pour montrer
Th´
eor`
eme 2.Soit Gun groupe fini et soit φ=PσGφσσun ´el´ement
non nul de C[G] ; notons φle nombre des coefficients 6= 0 de φet e
Rφle
Rang de l’image du groupe des unit´es 89
rang de l’application lin´eaire Tφ:C[G]C[G]qui envoie ψC[G]sur ψφ.
Alors
φe
Rφ≥ |G|.
Le th´eor`eme 2 permet de r´epondre en toute g´en´eralit´e `a la question de
l’existence de corps PCM eels :
Corollaire 1.Aucun corps totalement eel n’est PCM.
Remerciements. Je tiens `a remercier B. Angl`es et B. Leclerc pour
leur aide lors de la r´ealisation de cet article. Je tiens ´egalement `a remercier
P. Gillibert pour ses ineressantes remarques, et C. Pontreau qui a relu une
version pr´eliminaire de ce travail.
2. Preuve du th´eor`eme 1. Puisque degxi(P)<dipour tout 1ik,
nous avons
(2) P(x) =
d11
X
h1=0
···
dk1
X
hk=0
PhxhC[x1,...,xk].
Montrons tout d’abord, pour tout lZk, l’´egalit´e
(3) Pl=1
dX
ωµd
ωlP(ω),
o`u on a pos´e d:= d1···dket µd=µd1× · · · × µdk.D’apr`es (2), pour tout
ωµd, on a
P(ω) =
d11
X
h1=0
···
dk1
X
hk=0
Phωh.
Il vient
1
dX
ωµd
ωlP(ω) = 1
dX
ωµd
ωl
d11
X
h1=0
···
dk1
X
hk=0
Phωh
(4)
=1
dX
ωµd
d11
X
h1=0
···
dk1
X
hk=0
Phωhl
=1
d
d11
X
h1=0
···
dk1
X
hk=0 X
ωµd
Phωhl.
Soit maintenant hZk. Si h=lon a ωhl= 1 et
(5) 1
dX
ωµd
Plωll=Pl.
90 G. Ranieri
Par ailleurs si hl=m6=0on a
(6) 1
dX
ωµd
Phωm= 0.
Des relations (5) et (6) il vient que
1
d
d11
X
h1=0
···
dk1
X
hk=0 X
ωµd
Phωhl=Pl,
d’o`u l’´egalit´e (3).
Choisissons maintenant MZktel que pour tout vecteur hon ait
|PM| ≥ |Ph|. Par la relation (3) on a
PM=1
dX
ωµd
ωMP(ω).
Donc
(7) |PM| ≤ 1
dX
ωµd
|ωMP(ω)|=1
dX
ωµd
|P(ω)|.
En rappelant que, par d´efinition, Rd,P est le nombre de ωµdtels que
P(ω) soit non nul et en observant que
|P(ω)| ≤ P|PM|
(car |ωh|= 1 pour tous ωet h), par la relation (7) on obtient
(8) |PM| ≤ 1
dP|PM|Rd,P .
Puisque par hypoth`ese Pest non nul, PM6= 0 et donc on peut diviser les
membres de la relation (8) par |PM|. On obtient alors le r´esultat souhait´e.
3. Corps totalement eels et alg`ebres sur groupes finis. Comme
d´ej`a annonc´e, dans ce paragraphe on montre que tout corps totalement r´eel
n’est pas PCM.
Lemme 1.Soit Kun corps de nombres et soit Γson groupe de Q-
automorphismes ;notons Lla clˆoture galoisienne de Ket posons G:=
Gal(L/Q). Alors,en utilisant les notations du paragraphe 1, pour tout φ
Z[Γ]il existe ψZ[G]tel que
kψk1Rψ
[L:Q]kφk1Rφ
[K:Q].
Preuve. Soit φ=PσΓφσσZ[Γ]. Pour tout σΓchoisissons un
´el´ement eσGtel que eσco¨ıncide avec σsur K. Notons
e
φ=X
σΓ
φσeσZ[G].
Rang de l’image du groupe des unit´es 91
Soit maintenant HK= Gal(L/K) et posons N=PσHKσet ψ=e
φN.
Il est alors ´evident, par construction, que Rψ=Rφ. De plus, puisque kφk1=
ke
φk1et kNk1=|HK|= [L:K], nous obtenons
kψk1X
σHK
ke
φσk1=kφk1[L:K].
Donc, en observant que [L:Q] = [K:Q][L:K] et que Rψ=Rφ, on en
d´eduit
kψk1Rψ
[L:Q]kφk1Rφ[L:K]
[L:K][K:Q]=kφk1Rφ
[K:Q].
Lemme 2.Soit K/Qune extension galoisienne finie de Qtotalement
r´eelle de groupe de Galois G. Alors,en utilisant les notations du premier
paragraphe,pour tout φ=PσGφσσZ[G]on a :Rφ=e
Rφ.
Preuve. Puisque Kest, par hypoth`ese, un corps totalement r´eel, les
places infinies de Ksont exactement les ´el´ements de G. Donc, pour tout
αK,
L(α) = (log |α|v)v|∞ = (log |ασ|)σG.
Soit Lφl’endomorphisme lin´eaire de L(K)Refini par
Lφ((log |ασ|)σc) = (log |ασφ|)σc
pour tout αKet cR. Puisque l’image de Lφco¨ıncide avec l’espace
L(Kφ)R, le rang de Lφest ´egal `a Rφ.
Rappelons maintenant que φest un ´el´ement de Z[G]. La multiplication
`a droite par φest donc un endomorphisme lin´eaire de Q[G] et, par simples
arguments d’alg`ebre lin´eaire, on obtient que la dimension du noyau d’un
tel endomorphisme est ´egale `a dim(ker(Tφ)) (on a utilis´e la notation du
th´eor`eme 2 o`u Tφest d´efini comme l’endomorphisme lin´eaire de C[G] qui
agit sur les ´el´ements de C[G] en multipliant `a droite par φ). Par ailleurs, une
famille d’´el´ements de Z[G] ˆetant Z-libre si et seulement si elle est Q-libre,
nous obtenons que dim(ker(Tφ)) est ´egal au rang du sous-module de Z[G]
des ´el´ements λtels que λφ = 0. Notons maintenant n= dim(ker(Tφ)) et soit
Cun ensemble de cardinalit´e maximale d’´el´ements λi=PσGλi,σσZ[G]
ind´ependants sur Ztels que λiφ= 0 pour tout 1 in. Remarquons alors
que L(Kφ)Ret
V:= nxL(K)R:X
σG
λi,σxσ= 0 io
co¨ıncident. En effet, pour tout αKnous avons log |αλiφ|= 0 pour tout
1in. Donc Vcontient L(Kφ)R. L’autre inclusion d´ecoule de
la maximalit´e du cardinal de C. Par ailleurs, puisque les ´el´ements λisont
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