Séminaire thématique : « Fonctions Zêta et Corps quadratiques », Calcul de L(1, χ) et de la formule des classes Livio Lucci 03 mai 2007 Dans ce chapitre on va determiner des formules pour le calcul de L(1, χ), qui, en vertu du chapitre précedent, sera utile pour la détermination du nombre de classes h(D). De plus, on va utiliser les résultats obtenus pour chercher d’ autres informations sur la distribution des résidus quadratiques dans un certain intervalle et sur les valeurs de h(D) pour D → ±∞. 1 Calcul de L(1, χ) Dans cette section on va calculer L(1, χ) pour des χ 6= χ0 primitifs. Pour cela on a besoin d’introduire un nouveau concept : les sommes de Gauss. 1.0.1 Définition Pour χ un caractère de Dirichlet (mod N), on définit la somme de Gauss le nombre complexe G avec (1) G= N X χ(n)e2πin/N n=1 On résume les principales caractéristiques de G à l’aide des deux lemmes suivants : 1.0.2 Lemme Soit χ un caractère de Dirichlet (mod N) primitif et G comme dans (1). On a alors : PN 2πink/N = χ̄(k)G, pour tout k ∈ Z a. n=1 χ(n)e √ b. |G| = N 1.0.3 Lemme Pour 0 < θ < 2π on a (2) ∞ inθ X e n=1 n = − log(2 sin(θ/2)) + i(π/2 − θ/2) Par 1.0.2 partie (b) on a que |G| = 6 0 ; ainsi, si on divise (a) par G et conjugue, on obtient : N (3) χ(k) = 1 X χ̄(n)e−2πink/N Ḡ n=1 C’est cette relation qui nous permet de comprendre l’utilité des sommes de Gauss : elle exprime la fonction périodique k 7→ χ(k) comme combinaison linéaire des fonctions périodiques plus simples k 7→ e2πikn/N . Maintenant on va pouvoir prouver le théorème suivant : 1.0.4 Théorème Soit χ un caractère de Dirichlet (mod N) primitif, N > 1. Alors L(1, χ) = − (4) N −1 N −1 1 X πn iπ X χ̄(n) log sin χ̄(n)n + N Ḡ n=1 N Ḡ n=1 Idée de la preuve En utilisant (3) et le conjugué de (2) on peut montrer que : L(1, χ) = ∞ X χ(k) k=1 Comme PN −1 n=1 k N −1 1 X πn π πn = χ̄(n)(− log(2 sin ) − i( − )) N 2 N Ḡ n=1 χ̄(n) = 0 (χ̄ 6= χ0 ) la somme se simplifie et on obtient (4). 2 On suppose dans la suite que χ est réel, c’est-à-dire, vu que χ est primitif, χ = χD , où D est un discriminant fondamental. Avec la définition de G on montre facilement que Ḡ = χ(−1)G ; ainsi G est réel si χ(−1) = 1 et G est purement imaginaire si χ(−1) = −1. Par le théorème 4 du chapitre 5 de [1] on a χ(−1) = 1 pour D > 0 et χ(−1) = −1 pour D < 0. Par 1.0.2 (b) on a alors que p ±i√ |D| si D < 0 (5) G= ± D si D > 0 Gauss a pu montrer que les signes dans ces équations sont positifs. 1.0.5 Théorème Soit D un discriminant fondamental. Alors on a ( (6) L(1, χD ) = P|D|−1 − |D|π3/2 n=1 χD (n)n P πn − √1D D−1 n=1 χD (n) log sin D si D < 0 si D > 0 Idée de la preuve χ réel implique que L(1, χ) est aussi réel, donc une des deux sommes de (4) doit s’annuller directement pour χD : la première s’annulle si χ(−1) = −1 et la deuxième si χ(−1) = 1, ainsi, en substituant (5) dans (4), on obtient les deux formules cherchées. 2 2 Calcul de h(D) Avec le résultat précedent, on a tout ce qu’il nous faut pour pouvoir calculer h(D). En fait, à l’aide du théorème 5 de [1], chapitre 8, qui exprime le nombre de classe h(D) en fonction de L(1, χD ), on obtient 2.0.6 Théorème Soit D un discriminant fondamental. On a ( (7) h(D) = − w/2 |D| P|D|−1 − log10 Pn=1 D−1 n=1 χD (n)n χD (n) log sin si D < 0 πn D si D > 0, où 0 > 1 est l’unité fondamentale et w = 2 si D < −4, w = 4 si D = −4 et w = 6 si D = −3. Si le calcul de h(D) pour D < 0 est assez aisé à l’aide de (7), pour D > 0 il ne l’est pas autant ; par des petites manipulations on obtient les relations suivantes pour D > 0 (8) h(D) 0 = D−1 Y (sin n=1 D−1 Y πn −χD (n) h(D) ) et 0 = (1 − e2πin/D )−χD (n) D n=1 Exemples Pour D < 0 en utilisant (7) P2 • D = −3 : h(−3) = −6/2 n=1 χ−3 (n)n = −(1 − 2) = 1 3 −2/2 P7 • D = −8 : h(−8) = 8 χ−8 (n)n = − 81 (1 + 0 + −8 3 + 0 + −8 5 + 0 + −8 7) = 1 n=1 3 5 7 1 P15 1 • D = −15 : h(−15) = − 15 χ (n)n = . . . = − (1 + 2 + 4 − 7 + 8 − 11 − 13 − 14) =2 n=1 −15 15 Pour D > 0 en utilisant √ la 2ième formule de (8) • D = 8 : 0 = 3 + 8 (car (6, 2) est la plus petite solution positive de t2 − 8u2 = 4), donc on a √ √ 2πi3/8 )(1−e2πi5/8 ) 2−2 cos 68 π 2−e2πi3/8 −e−2πi3/8 (3 + 8)h(8) = (1−e = = 3 + = 8, i.e. h(8) = 1. 1 2πi/8 2πi7/8 2πi/8 −2πi/8 (1−e )(1−e ) 2−e −e 2−2 cos π 8 En calculant les premiers D (positifs ou négatifs) on observe que h(D) est pair si D contient deux nombres premiers différents. En effet, on peut montrer que h(D) est impair si et seulement si D est un discriminant premier (cf. chapitre 12 de [1]). 2.0.7 Théorème Soit D < −4 un discriminant fondamental. On a alors X 1 χD (k) (9) h(D) = 2 − χD (2) |D| 0<k< 2 Idée de la preuve P|D|−1 Pour D impair : soit Q := n=1 χD (n)n, on peut voir par un calcul P P que Q = 2χD (2)Q − |D|χD (2) χ (k) ; ainsi, comme χ (2) = ±1 (D impair) et |D| D 0<k<|D| χD (k) = 0, on <k<|D| D 2 P obtient Q = − 2−χ|D| |D| χD (k). 0<k< D (2) 2 1 Or, par (7), h(D) = − |D| Q, donc on a bien ce qu’on voulait démontrer. Pour D pair : on P peut montrer que χD (k) = −χD (k + D/2) pour tout k ∈ Z ; ceci et (7) impliquent que h(D) = 12 0<k< |D| χD (k). 2 2 i h Ce théorème nous dit que dans l’intervalle 0, |D| il y a plus de nombres k, avec χD (k) = 1 2 que de nombres avec χD (k) = −1 et le surplus est égal à h(D) (si D ≡ 1 (mod 8)), 2h(D) (si D ≡ 0 (mod 4)) ou 3h(D) (si D ≡ 5 (mod 8)). Pour terminer on va discuter la croissance de h(D). Comme Gauss conjecturait il y a longtemps, on peut montrer les deux choses suivantes : • D = −3, −4, −7, −8, −11, −19, −43, −67, −163 sont les seules discriminants fondamentaux D < 0 avec h(D) = 1. • h(D) → ∞ pour D → −∞. h(D) En particulier, on peut montrer que limD→−∞ log log |D| = 1/2. log 0 ) Pour D > 0 une formule analogue a été demontrée : limD→∞ log(h(D) = 1/2. On voit qu’elle log D nous ne dit rien sur la convergence de h(D), car 0 peut être très grand relativement à D. En effet, on conjecture qu’il existe une infinité de D > 0 avec h(D) = 1. Références [1] Zagier D.B., Zetafunktionen und quadratische Körper, Eine Einführung in die höhere Zahlentheorie, Springer-Verlag, Berlin, Heildelberg, New York 1981.