Espaces vectoriels de dimension finie
Familles infinies de vecteurs
Jusqu’`a pr´esent, on n’a consid´er´e que des familles finies de vecteurs : CL d’une famille finie de vecteurs,
famille finie libre, famille finie g´en´eratrice, base de cardinal fini.
En fait, certains espaces vectoriels sont trop grands pour ˆetre d´ecrits par une famille finie.
Par exemple l’ensemble des polynˆomes K[X] : intuitivement, la famille infinie (1, X, X2, X3, .....) semble
ˆetre g´en´eratrice, puisque tout polynˆome peut s’´ecrire `a l’aide d’une somme finie de tels monˆomes.
Les d´efinitions vues dans le pr´ec´edent chapitre peuvent donc ˆetre g´en´eralis´ees :
Soit Eun espace vectoriel.
D´
efinition
Soit F= (~xi)iIune famille infinie de vecteurs de E, et soit ~x E.
On dit que ~x est une combinaison lin´eaire de vecteurs de F, si il existe une famille finie JId’indices,
et (λj)jJdes r´eels tels que ~x =P
jJ
λjxj.
Autrement dit, si ~x est une combinaison lin´eaire d’un nombre fini de vecteurs de F.
On appelle sous-espace vectoriel engendr´e par F, et on note Vect(F), l’ensemble de toutes les combinai-
sons lin´eaires finies de vecteurs de F.
Remarque
Comme dans le pr´ec´edent chapitre, on v´erifie imm´ediatement que Vect(F) est bien un sous-espace vecto-
riel de E. C’est mˆeme le plus petit sous-espace vectoriel contenant F.
D´
efinition famille infinie g´en´eratrice
Soit F= (~xi)iIune famille infinie de vecteurs de E.
On dit que cette famille est g´en´eratrice de E, si E=Vect(F). Autrement dit, si pour tout vecteur ~x E,
~x s’´ecrit comme une combinaison lin´eaire finie de vecteurs de F.
D´
efinition famille infinie libre
Soit F= (~xi)iIune famille infinie de vecteurs de E. On dit que cette famille est libre si pour tout
ensemble fini d’indices JI, la famille finie de vecteurs ( ~xj)jJest libre.
D´
efinition base infinie
Une famille infinie de vecteurs de Eest une base de E, si elle est libre et g´en´eratrice de E.
Exemples :
1. La famille infinie (1, X, X2, ....) est une base de K[X], appel´ee base canonique.
En effet elle est g´en´eratrice, car tout polynˆome s’´ecrit comme une combinaison lin´eaire finie de ces
vecteurs.
De plus, elle est libre car : soit i1< i2< ... < ipdes entiers, et λi1, ...,λipdes r´eels, tels que
λi1Xi1+λi2Xi2+... +λipXip= 0. Alors par unicit´e de l’´ecriture du polynˆome nul, on obtient
λi1=0=.. =λip.
Les coordonn´ees d’un polynˆome dans cette base sont ses coefficients.
2. Soit El’espace des suites r´eelles (un)nN.
On introduit la famille infinie v0= (1,0,0, ....) ; v1= (0,1,0, ....), v2= (0,0,1,0, ....) ... Alors on
peut facilement montrer que cette famille est libre. En revanche, elle n’est pas g´en´eratrice, car si
l’on prend une combinaison lin´eaire finie de tels vecteurs, on obtient n´ecessairement une suite nulle
`a partir d’un certain rang. Donc cette famille ne permet pas (`a l’aide de CL finies) de d´ecrire toute
suite r´eelle.
Remarque toutes les propri´et´es vues sur les familles libres et li´ees, restent vraies dans le cas des familles
infinies.
1
1 Espaces vectoriels de dimension finie
1.1 Dimension d’un ev
D´
efinition
Soit Eun espace vectoriel. On dit qu’il est de dimension finie , si il admet une famille g´en´eratrice finie.
Dans le cas contraire, on dit qu’il est de dimension infinie.
Exemples :
La plupart des espaces vectoriels que l’on a manipul´es dans le premier chapitre sont de dimension finie, car
on avait pu exhiber des bases de cardinal fini donc des familles g´en´eratrices finies :Kn,Kn[X], Mn(K)...
En revanche,K[X] n’est pas de dimension finie, ni l’ensemble des suites KN, ni l’ensemble des fonctions
r´eelles d’une variable r´eelle ....
Exemple : soit Eun ev de dimension finie, Fun ev quelconque et f:EFune application lin´eaire.
Alors Im(f) est un espace vectoriel de dimension finie.
En effet, si E=Vect(u1, ...., un) alors Im(f) =Vect(f(u1), ..., f(un)) famille g´en´eratrice finie !
Th´eor`eme Existence de bases en dimension finie
Soit Eun ev non-nul de dimension finie. Alors, Eadmet une base de cardinal fini.
emonstration
Soit F={~u1, ..., ~up}une famille g´en´eratrice finie de E. Si Fest libre, c’est une base, et le r´esultat est
d´emontr´e. Si par contre Fest li´ee, alors d’apr`es le premier chapitre, on sait qu’un des vecteurs de Fpeut
s’´ecrire comme combinaison lin´eaire des autres. On peut supposer sans perte de g´en´eralit´e que c’est ~up. On
obtient ainsi une nouvelle famille F1={~u1, ..., ~up1}⊂F qui reste g´en´eratrice (propri´et´e sur les familles
g´en´eratrices vue dans le premier chapitre).
Si F1est libre c’est fini, sinon on peut r´eit´erer le raisonnement pr´ec´edent .... Cette it´eration prend
n´ecessairement fin, car dans le cas extrˆeme o`u l’on arrive `a une famille r´eduite `a un seul vecteur {u1}:
comme Eest non-nul et que u1engendre E, n´ecessairement u16= 0 donc (u1) forme une famille libre.
On en d´eduit le r´esultat suivant :
Corollaire
Soit Eun ev de dimension finie. De toute famille g´en´eratrice finie, on peut en extraire une base.
Th´eor`eme admis
Soit Eun ev de dimension finie, Lune famille libre de E, et Gune famille g´en´eratrice finie de E.
Alors Lest une famille finie, et Card(L)Card(G).
Corollaire
Soit Eun ev de dimension finie. Alors toutes ses bases sont finies et ont mˆeme cardinal.
emonstration
E´etant de dimension finie, Eadmet une base finie B1. Soit B2une autre base de E. Comme B2est libre,
et que B1est g´en´eratrice finie, d’apr`es le r´esultat pr´ec´edent, on en d´eduit que B2est ´egalement finie et
Card(B2)Card(B1).En ´echangeant les rˆoles, on obtient l’´egalit´e.
D´
efinition Dimension
Soit Eun espace vectoriel non-nul de dimension finie. On appelle dimension de E, et l’on note dim(E),
le nombre de vecteurs de toute base de E.
Par convention, si E={~
0}, on note dim(E)=0.
Exemples fondamentaux : dim(Kn)=n; dim(Kn[X]) = n+ 1 ; dim(Mn,p(K)) = n×p
Cest un Rev de dimension 2, mais est un Cev de dimension 1.
Th´eor`eme de la base incompl`ete
Soit Eun espace vectoriel de dimension finie.
Alors toute famille libre peut ˆetre compl´et´ee en une base de E.
2
emonstration
Soit L={~u1, ..., ~up}une famille libre de E.
E´etant de dimension finie, soit G={~v1, ..., ~vn}une famille g´en´eratrice finie de E.
Si Lest g´en´eratrice, c’est fini. Sinon, il existe un vecteur ~vi∈ G, tel que ~vi/V ect(~u1, ..., ~up).
Montrons alors que la famille L1={~u1, ..., ~up, ~vi}est libre :
soit des scalaires λ1, ..., λp, λp+1 tels que λ1~u1+... +λp~up+λp+1vi= 0 (*).
Si λp+1 6= 0, alors on peut ´ecrire ~vi=1
λp+1
(λ1~u1+... +λp~up)V ect(~u1, ..., ~up), ce qui ne peut pas. D’o`u
λp+1 = 0, et (*) devient : λ1~u1+... +λp~up= 0, ce qui donne λ1=... =λp= 0 car la famille Lest libre.
On a ainsi r´eussi `a construire une famille L1libre telle que L L1.
Si on r´eit`ere le processus, on peut donc construire une succession de familles libres L L1 L2 ...
`a l’aide de vecteurs de la famille g´en´eratrice G. Comme la famille g´en´eratrice est finie, le processus est
forc´ement fini, et l’on a pu obtenir une famille libre Lkcontenant Lqui est g´en´eratrice.
Remarque On a mˆeme d´emontr´e que toute famille libre pouvait ˆetre compl´et´ee en une base en choisissant
les vecteurs dans une famille g´en´eratrice arbitraire choisie `a l’avance.
Exemple : Soit u= (1,1,1) et v= (1,2,3). V´erifier que (u, v) forme une famille libre, puis la compl´eter
en une base de R3.
1.2 Caract´erisation des bases en dimension finie
Les r´esultats de la section pr´ec´edente, permettent d’obtenir le th´eor`eme suivant :
Th´eor`eme
Soit Eun espace vectoriel de dimension n. Alors
Toute famille ayant strictement plus de nvecteurs est li´ee.
Toute famille ayant strictement moins de nvecteurs ne peut ˆetre g´en´eratrice.
emonstration
1. vient de ”une famille libre a n´ecessairement moins de vecteurs qu’une famille g´en´eratrice”.
2. vient de ”d’une famille en´eratrice, on peut en extraire une base”.
Th´eor`eme
Soit Eun espace vectoriel de dimension n. Alors :
Toute famille g´en´eratrice de cardinal nest une base.
Toute famille libre de cardinal nest une base.
emonstration
Soit Gune famille g´en´eratrice de cardinal n. On sait qu’on peut en extraire une base. Mais cette base doit
avoir n´el´ements, puisque la dimension de Eest n: il s’agit donc de Gelle-mˆeme.
Soit Lune famille libre de cardinal n. D’apr`es le th´eor`eme de la base incompl`ete, on peut la compl´eter en
une base, mais qui doit ˆetre de cardinal n. Donc Lest une base.
1.3 Dimension et isomorphisme
Th´eor`eme 1
Soit Eet Fdeux espaces vectoriels de dimension finie tels qu’il existe f:EFun isomorphisme.
Alors Eet Font mˆeme dimension : dim(E) = dim(F).
emonstration
Soit (~e1, ..., ~en) une base de E. Alors comme fest un isomorphisme, on sait d’apr`es le pr´ec´edent chapitre
que la famille (f(~e1), ..., f(~en)) est une base de F. D’o`u dim(E) = n=dim(F).
par contrapos´ee, on obtient que si Eet Fsont de dimension diff´erente, aucune application
lin´eaire de Edans Fne pourra ˆetre bijective ....
3
Th´eor`eme 2
Soit Eun K-espace vectoriel. Alors Eest de dimension nssi il est isomorphe `a Kn.
Autrement dit, Eest de dimension nssi il existe un isomorphisme ϕ:EKn.
emonstration
Soit Ede dimension n, et soit (~e1, ..., ~en) une base de E. Alors tout vecteur ~x Ese d´ecompose de
mani`ere unique sur cette base : ~x =x1~e1+.. +xn~en. Consid´erons ϕ:EKnqui `a ~x associe (x1, ...., xn),
ses coordonn´ees dans la base. Il reste `a v´erifier que ϕest un isomorphisme.
R´eciproquement, si il existe un isomorphisme ϕ:EKn, alors d’apr`es le th´eor`eme 1 :
dim(E) = dim(Kn) = n.
ce th´eor`eme permet d’obtenir la eciproque du th´eor`eme 1 pr´ec´edent :
si Eet Fsont de mˆeme dimension, alors il existe un isomorphisme f:EF.
En effet, avec n=dim(E) = dim(F), le th´eor`eme 2 assure l’existence de deux isomorphismes ϕ:EKn
et ψ:FKn. Alors ψ1ϕ:EFest un isomorphisme donc convient.
2 Sous-espaces vectoriels en dimension finie
Th´eor`eme
Soit Eun espace vectoriel de dimension finie, et Fun sev non nul de E(en particulier : FE).
Alors Fest de dimension finie et dim(F)dim(E).
Et de plus, F=Edim(F) = dim(E)
emonstration
Prendre ~e1Fnon nul. Alors (~e1) est libre dans F, et si on fait comme dans la preuve du th de la base
incompl`ete, on peut compl´eter cette famille libre par it´eration, jusqu’`a obtenir une famille g´en´eratrice de
F. Le processus est n´ecessairement fini, puisque E´etant de dimension n, toute famille libre a au plus n
vecteurs (et une famille libre de F, est libre dans E!).
Dans le cas extrˆeme o`u on obtient une famille libre de Fde cardinal n, comme elle est de bon cardinal,
elle est g´en´eratrice de Edonc de F, et on obtient F=E.
Remarque
1. Attention : on peut avoir deux sevs Fet Gtels que dim(F)dim(G) sans avoir pour autant FG.
par exemple dans R3,F=V ect((0,0,1)) et G=V ect((1,0,0),(0,1,0)) (et de mˆeme pour l’´egalit´e)
2. Ce th´eor`eme donne une autre m´ethode pour montrer que F=G, avec F,Gsev : il suffit de montrer
l’une des deux inclusions (FGou GF) et de v´erifier que dim(F)=dim(G).
Exemple : Soit G=V ect((X3)2, X + 2,5). Montrer via 2 m´ethodes que G=R2[X]
Vocabulaire : Soit Eun espace vectoriel de dimension n.
On appelle droite vectorielle (resp. plan vectoriel) tout sous-espace vectoriel de dimension 1 (resp. 2).
Un hyperplan est un sous-espace vectoriel de dimension n1.
3 Rang
3.1 Rang d’une famille finie de vecteurs
D´
efinition
Soit Eun Kev de dimension finie, et F= ( ~u1, ..., ~up) une famille finie de vecteurs de E.
On appelle rang de cette famille et on note rg(F) la dimension de V ect(~u1, ..., ~up).
Avec les notations ci-dessus :
la famille F= ( ~u1, ..., ~up) est libre ssi rg(F) = pet g´en´eratrice de Essi rg(F) = dim(E).
preuve : Notons F=V ect(~u1, ..., ~up), alors rg(F) = dim(F).
1. Si la famille ( ~u1, ..., ~up) est libre, comme elle est g´en´eratrice de F, c’est une base de Fdonc son cardinal
4
pest la dimension de F:p=rg(F).
R´eciproquement, si p=rg(F), alors p=dim(F) donc la famille ( ~u1, ..., ~up) est g´en´eratrice de Fet de bon
cardinal, donc est une base de Fdonc est libre.
2. Si la famille est g´en´eratrice de E, alors F=Ed’o`u dim(F) = dim(E) et rg(F) = dim(E).
Si rg(F) = dim(E) alors dim(F) = dim(E) et comme de plus, on sait FEon obtient F=Edonc
E=V ect(~u1, ..., ~up) et la famille ( ~u1, ..., ~up) est g´en´eratrice de E.
R`egles de calcul : (identiques aux r`egles sur Vect !)
on ne modifie pas le rang d’une famille en enlevant le vecteur nul, en multipliant un vecteur par un scalaire
non nul, et en ajoutant `a un vecteur toute combinaison lin´eaire de vecteurs de la famille.
Exemple : d´eterminer le rang de ((1,0,1),(1,1,0),(0,1,1)) puis le rang de (X+ 1, X + 2, X + 3, X + 4).
3.2 Rang d’une application lin´eaire
Rappel : image d’une application lin´eaire en dimension finie
Proposition
Soit Eun Kespace vectoriel admettant une base finie (~e1, ..., ~en).
Alors Im(f) = V ect(f(~e1), ..., f(~en)).
D´
efinition
Soit Eun espace vectoriel de dimension finie, Fun ev quelconque et fL(E, F ).
On appelle rang de f, et on note rg(f) la dimension de Im(f) : rg(f) = dim(Im(f))
Remarque
Soit Eet Fdes ev de dimension finie et fL(E, F ). Alors rg(f)min(dim(E),dim(F)).
En effet,
Si (~e1, ..., ~en) est une base de E, Im f=V ect(f(~e1), ..., f (~en)) est de dimension inf´erieure `a n=dim(E).
Et par ailleurs, Imf est un sev de F, donc de dimension inf´erieure `a celle de F.
Th´eor`eme du rang
Soit Eun Kev de dimension finie et fL(E, F ).
Alors dim(Ker(f)) + rg(f) = dim(E) .
Remarque : th´eor`eme fondamental, qui a beaucoup d’applications ! !
emonstration
Posons p=dim(Kerf) et n=dim(E). Le but est de montrer que l’image de fest de dimension np.
Soit une base (~e1, ..., ~ep) du noyau de f; on la compl`ete en une base ( ~e1, ..., ~ep, ~ep+1, ..., ~en) de E.
Montrons alors que la famille (f(~ep+1), ..., f (~en)) est une base de l’image de f.
Soit ~y Im(f). Alors il existe ~x Etel que f(~x) = ~y. Par ailleurs, ~x s’´ecrit ~x =x1~e1+... +xn~en(car
(~e1, ..., ~en) base de E). Alors f(~x) = f(x1~e1+... +xn~en) = f(~e1)+... +f(~en) par lin´earit´e, = f(~ep+1)+... +
f(~en) puisque ~e1, .., ~epKer(f). Donc la famille (f(~ep+1), ..., f(~en)) est g´en´eratrice de Im(f). Montrons
qu’elle est libre : soit λp+1, ..λndes scalaires tels que λf (~ep+1) + ... +λnf(~en) = ~
0. Alors par lin´earit´e,
f(λp+1 ~ep+1 +...+λn~en) = ~
0. Donc λp+1 ~ep+1 +...+λn~enKer(f) donc il existe des scalaires µ1, ..., µptels
que λp+1 ~ep+1 +... +λn~en=µ1e1+... +µpep, ce qui se r´ecrit µ1e1+... +µpepλp+1 ~ep+1 +... +λn~en=~
0.
On conclut en utilisant que ( ~e1, ..., ~en) est une base de Edonc une famille libre.
Ccl : la famille (f(~ep+1), ..., f(~en)) est une base de l’image de fdonc dim(Imf) = n(p+ 1) + 1 = np.
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