La Lettre du Gynécologue • n° 348-349 - janvier-février 2010 | 11
Résumé
du surrisque, le fait que cette augmentation du
risque disparaît rapidement à l’arrêt du traitement
et l’absence d’augmentation des cancers in situ rend
très probable le fait qu’il s’agit d’un phénomène de
promotion (stimulation de cancers infracliniques
présents), de cancers existants et non d’initiation
(création de cancers de novo). Ainsi, comme le risque
spontané de cancer du sein augmente avec l’âge, la
révélation de ces cancers par stimulation exogène
augmente elle aussi logiquement avec l’âge.
Le bras estrogènes seuls de l’étude WHI et de
nombreuses autres études de cohorte ne montrent
pas d’augmentation avec les estrogènes seuls (RR :
0,77 ; 0,57-1,06). Seule une étude de très long suivi
(plus de 15 ans) évoque une augmentation très
tardive du risque sous estrogènes seuls.
L’étude française de cohorte E3N ne met pas en
évidence d’augmentation du risque sous l’association
estrogènes + progestérone naturelle ou rétroproges-
térone. Pour la rétroprogestérone, une autre étude
épidémiologique, finlandaise cette fois, ne met pas
en évidence d’augmentation du risque de cancer du
sein. En revanche, l’étude E3N trouve une élévation
du risque sous estrogènes seuls après 5 ans de trai-
tement (effet dépistage ?) et lors de l’association
estrogènes + progestatifs de synthèses, quels qu’ils
soient (RR : 1,7 [significatif]).
Tous ces résultats sont en harmonie avec la mesure
du rapport apoptose/prolifération, qui montre une
promotion maximale avec l’association estrogènes +
médroxyprogestérone acétate (MPA) ou NETA (ce
qui concorde avec l’étude MWS, dite du Million),
intermédiaire avec les estrogènes seuls, et mini-
male avec l’association estrogènes + progestérone et
rétroprogestérone ou la tibolone. Pour cette dernière,
une étude randomisée versus placebo ne met pas
en évidence d’augmentation du risque de cancer du
sein après 3 ans de traitement, faisant même ressortir
une diminution significative du risque.
L’influence des traitements sur la mortalité par
cancer du sein fait, aujourd’hui encore, l’objet de
débats. Il est admis, malgré les récents résultats
de l’étude WHI, que les cancers découverts seraient
de meilleur pronostic, de forme histologique mieux
différenciée (quasi uniquement des cancers lobu-
laires ou lobulocanalaires) comportant davantage
de formes hormonosensibles (E3N). De plus, le
risque métastatique évalué sur 20 ans est plus faible
qu’avec les cancers “sauvages”, quel que soit le site
considéré. Ces caractéristiques de bon pronostic
ne s’observent pas chez les femmes traitées par
estrogènes seuls et par l’association estrogènes +
progestérone, précisément lorsque les traitements
ne seraient pas promoteurs.
Enfin, concernant l’utilisation de THM après un
cancer du sein, nous disposons de trois études de
niveau 1 (randomisées versus placebo en double
aveugle) : deux d’entre elles montrent une augmen-
tation des récidives, l’une avec l’association estro-
gènes + MPA (étude Habits), l’autre sous tibolone
(étude Liberate) ; la troisième (étude Stockholm),
majoritairement sous estrogènes seuls, ne met pas
en évidence d’augmentation des récidives.
Un nouvel acteur de poids :
l’insuline
Le fait que le cancer du sein touche principale-
ment les femmes après la puberté et le fait que
l’on ait assisté à des régressions de cancer après
ovariectomie ont incité à juste titre à attribuer aux
stéroïdes sexuels une part prépondérante dans la
genèse et dans la promotion du cancer du sein. Pour
nombre de chercheurs, cette part prépondérante
s’est transformée en part unique, les amenant à
traquer l’estrogène comme bouc émissaire de toutes
les observations épidémiologiques et cliniques.
Quelques faits gênants, comme la poursuite de
l’augmentation de l’incidence du cancer du sein
après la ménopause, ne pouvaient cependant
pas trouver leur explication dans cette approche
simpliste. N’en déplaise aux monomaniaques du
“tout-estrogènes”, un nouvel acteur a toutes les
chances de prendre une place prépondérante : il
s’agit de l’insuline.
Dans l’étude observationnelle WHI, un bilan biolo-
gique hormonal exhaustif a été pratiqué à l’entrée
Sous traitement hormonal de la ménopause (THM) et après une durée d’administration encore mal définie, on observe une
augmentation des diagnostics de cancer du sein avec un risque relatif d’environ 1,3. Cela ne s’observe que chez les femmes
minces et les cancers du sein ainsi révélés sont ER+, lobulaires et de meilleur pronostic. Cependant, nombre d’observa-
tions épidémiologiques ne s’expliquent pas par le seul effet des estroprogestratifs. Des travaux de plus en plus nombreux
évoquent un effet synergique de l’estradiol et de l’hyperinsulinisme. L’insuline, facteur de risque démontré aussi important
que l’estradiol, joue un rôle dans de nombreuses observations cliniques et épidémiologiques comme l’augmentation du
risque chez les femmes obèses après la ménopause, sa diminution par l’exercice physique, son maintien en postménopause
malgré la baisse de l’estradiol, l’augmentation du risque chez les diabétiques de type 2 avec sa diminution probable sous
biguanides, son augmentation sous sulfamides hypoglycémiantes et insulinothérapie, etc. Mais, encore plus intéressant
est de se reporter à l’influence des THM sur le risque de cancer du sein :
– l’apport d’estradiol seul n’augmente pas le risque de cancer du sein (étude WHI) ; rappelons que l’estradiol améliore
l’insulinosensibilité ;
– les progestatifs artificiels en association avec les estrogènes augmentent le risque alors que l’association avec la
progestérone ne le modifie pas (E3N).
Rappelons que l’étude PEPI nous a appris que les progestatifs artificiels augmentent l’insulinorésistance alors que ce
n’est pas le cas de la progestérone naturelle ! Ainsi les hormones stéroïdes sexuelles sont loin d’être seules en cause
dans la genèse et la promotion des cancers du sein.
Mots-clés
Cancer du sein
Estrogènes
Progestatifs
Progestérone
Insuline
Insulinorésistance
Traitement hormonal
de la ménopause
Keywords
Breast cancer
Estrogen
Progestogen
Progesterone
Insulin
Insulin-resistance
Hormonal replacement
therapy