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Conclusion
● A. Lesur*, M.H. Dilhuydy**
algré les différences qui existent entre l’échantillon choisi dans la WHI et les patientes qui
requièrent un traitement de la ménopause en
France, et bien que les produits soient différents et le profil épidémiologique autre, cette étude a eu un retentissement considérable sur les comportements, ce d’autant que se sont fait entendre
des sons discordants. À travers la bibliographie scientifique, on
retrouve ces deux tendances : les uns totalement convaincus par
les résultats de la WHI, et engageant à une grande méfiance,
voire à l’abandon du traitement, au nom d’un risque pour la
patiente (mais aussi peut-être médico-légal pour le prescripteur ?). Les autres sont beaucoup plus modérés, faisant une analyse critique des différentes études, sans céder à la “diabolisation” des hormones. C’est notamment la position de l’AFEM et
de son président (courrier du 30 juin 2003), qui rappelle les
grands principes connus des prescripteurs : prescription individualisée, information éclairée, décision partagée et évaluation
individuelle. Le paradoxe de ces grandes études menées sur des
milliers de patientes, est de ramener la décision à un niveau
strictement individuel. Un traitement de la ménopause résultant
d’une concertation entre une patiente et un médecin est régulièrement évalué, nous sommes assez loin des conditions d’une
étude randomisée en double aveugle où ni le prescripteur, ni la
patiente ne sont censés savoir quel traitement est administré.
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Un certain nombre d’hypothèses ont été envisagé quant aux facteurs de pronostic des cancers du sein survenus sous traitement
de la ménopause. La fréquence du type lobulaire chez des personnes âgées sous THS a été souvent relevée, c’est également le
cas dans la WHI. Ce type de cancer est difficile à mettre en évidence, de par ses caractéristiques “respectant son environnement”.
Il est difficile à mettre en évidence quelle que soit la densité du
sein. Il est possible aussi que la réintroduction hormonale tardive
sur des seins privés d’hormones induise des modifications de
densité mammaire plus importantes, surtout avec des produits
comme ceux utilisés aux États-Unis. L’impact de la densité
mammaire, artificiellement induite, peut jouer un rôle surtout en
l’absence de contrôle de qualité strict. Aussi, les certitudes,
quelles qu’elles soient, sont rares et tout incite à la prudence, tout
en n’oubliant pas les bénéfices du traitement comme en attestent
les patientes en consultation. Vouloir les réduire à de simples
actions commerciales serait éloigné de la réalité, et il n’est pas
* Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-lès-Nancy.
** Service de radiosénologie, Institut Bergonié, Bordeaux.
La Lettre du Sénologue - n° 21 - juillet/août/septembre 2003
inutile d’attirer l’attention sur la dérive actuelle vers les propositions alternatives, tentantes car “naturelles” donc rassurantes.
Néanmoins, soit leur efficacité ne dépasse pas celle du placebo
(qui est quand même de 30 %), soit leur prescription ne repose que
sur des arguments expérimentaux et/ou intellectuels, en attendant
la validation par des essais randomisés, qui n’existent pas encore.
Il reste donc à proposer une WHI à la française, avec la population des femmes de 50 ans, des produits naturels et un profil épidémiologique autre, mais il va falloir trouver les 620 millions de
dollars qu’a coûté l’étude de la WHI, et arriver à convaincre les
femmes françaises dont la protection sociale est excellente, à
entrer dans des essais thérapeutiques sans aucun bénéfice immédiat pour elles.
Enfin, il est intéressant de se souvenir de l’épisode de prescription des estrogènes dans les années 70 aux États-Unis, la littérature est là pour nous le rappeler : la prescription d’Équigyne®
sans progestatif associé a donné lieu à une “épidémie” de cancers
de l’utérus, mettant en évidence un rôle cancérigène direct des
estrogènes non compensés, sur l’utérus, qui a été très rapidement
hautement significatif (risque relatif de 10). Alors que ces données
sont connues depuis plus de 20 ans, cela n’a pas empêché les
investigateurs de la WHI de prescrire jusqu’en 1996 des estrogènes seuls chez des patientes ayant un utérus conservé. En
effet, ce n’est qu’à la suite de la publication de l’étude PEPI
en 1996 que l’aveugle du groupe des 331 patientes incluses dans
le bras “estrogènes seuls avec utérus conservé” a été levé, les
patientes étant “reversées” dans le bras “estroprogestatifs” de
l’étude.
Les données présentées dans ce dossier thématique devraient
permettre aux patientes et aux gynécologues de retrouver une
certaine sérénité ; et, pour conclure on peut retenir que, lorsque
les femmes le demandent pour des symptômes climatériques et
améliorer leur qualité de vie et/ou pour un désir de prévention
de l’ostéoporose, en l’absence de contre-indication, le traitement
hormonal de la ménopause garde sa place.
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