L’ Faut-il arrêter le traitement hormonal de la ménopause après 5 ans ?

publicité
ÉDITORIAL
Faut-il arrêter le traitement hormonal
de la ménopause après 5 ans ?1
Do we have to stop hormone replacement therapy
after 5 years?
L’
idée d’arrêter les traitements hormonaux de la ménopause (THM)
après 5 ans est née des résultats de l’étude Women's Health
Initiative (WHI) dans sa version estroprogestative (1, 2). En effet,
le suivi des 2 populations, THM et placebo, montre une augmentation
du risque de cancer du sein, qui devient significative au-delà de 4 ans de
traitement. Cela a été repris par des sociétés savantes et quelques autorités
de santé dans le monde, sans que cela soit gravé dans le marbre en France
par une prise de position officielle.
Christian Jamin
AFACS, 169, bd Haussmann,
75008 Paris
1 © La
Lettre du Gynécologue
no 376, novembre 2012.
Oui, il faut arrêter le THM après 5 ans de traitement !
La seule étude utilisable à l’appui de ce concept est bien l’étude WHI
du fait de sa méthodologie (1, 2). En effet, il y a eu une surveillance identique
et une inclusion randomisée des femmes. Le risque de cancer du sein est
le seul à répondre à l’effet temps. Les autres risques sont principalement
en début de traitement pour les thromboembolies veineuses (TEV)
et les infarctus du myocarde, et à n’importe quel moment pour les accidents
vasculaires cérébraux. Les autres études observationnelles, en particulier
la Million Women Study, ne sont pas utilisables sur cet item puisqu’il
n’y a eu ni mammographie systématique à l’inclusion, ce qui ne permet
pas d’évaluer le délai d’apparition, ni randomisation des femmes traitées
ou non (3). Dans l’étude WHI, pour les traitements associant estrogènes
conjugués équins (ECE) et médroxyprogestérone acétate (MPA), on voit
la courbe d’incidence se détacher progressivement de celle des femmes sous
placebo et la différence devient significative après 4 ans de traitement (1, 2).
Ainsi, du fait que les symptômes de la ménopause, les bouffées de chaleur
en particulier, sont maximaux en début de ménopause, a été proposé
un THM de courte durée (inférieur à 5 ans) afin d’endiguer l’orage
vasomoteur lors de son acmé en début de ménopause.
Non, il ne faut pas arrêter le THM après 5 ans
de traitement !
Ce résultat de l’étude WHI est en faveur d’un effet promoteur de ce type
de traitement. Si l’on accepte cette idée, il ne paraît pas logique de proposer
un tel traitement du fait de la gravité du cancer du sein, et ce d’autant
que le surrisque létal (ou non) persisterait après l’arrêt du traitement (4).
Cela n’aurait de sens que dans le concept d’un risque lié à l’accumulation
de la dose d’hormones progestatives. Cette théorie n’est cependant pas
4 | La Lettre du Sénologue • No 59 - janvier-février-mars 2013
ÉDITORIAL
1. Chlebowski RT, Kuller LH,
Prentice RL et al. WHI Investigators. Breast cancer after
use of estrogen plus progestin
in postmenopausal women. N
Engl J Med 2009;360:573-87.
2. Chlebowski RT, Anderson GL,
Gass M et al. WHI Investigators.
Estrogen plus progestin and breast
cancer incidence and mortality in
postmenopausal women. JAMA
2010;304:1684-92.
3. Beral V. Million Women Study
Collaborators. Breast cancer and
hormone-replacement therapy
in the Million Women Study.
Lancet 2003;362:419-27.
4. Heiss G, Wallace R, Anderson GL
et al. WHI Investigators. Health
risks and benefits 3 years after
stopping randomized treatment
with estrogen and progestin.
JAMA 2008;299:1036-45.
5. Anderson GL, Chlebowski RT,
Aragaki AK et al. Conjugated
equine oestrogen and breast
cancer incidence and mortality
in postmenopausal women with
hyster­ectomy: extended followup of the Women’s Health
Initiative randomised placebocontrolled trial. Lancet Oncol
2012;13:476-86.
6. Fournier A, Berrino F, Riboli E
et al. Breast cancer risk in
relation to different types of
hormone replacement therapy
in the E3N-EPIC cohort. Int
J Cancer 2005;114:448-54.
acceptée aujourd’hui. Par ailleurs, le risque n’est augmenté après 4 ans
de traitement que chez les femmes qui avaient été antérieurement traitées,
ce qui ne permet pas de tenir compte de la durée de suivi dans l’étude.
C’est bien le progestatif qui est mis en cause puisque, d’après les résultats
de cette étude, dans le groupe estrogène seul, il a été constaté plutôt
une diminution du risque (5). Dans l’étude E3N, seuls les progestatifs
artificiels sont incriminés et non la progestérone naturelle et son dérivé,
la rétroprogestérone (6). Dans l’étude WHI, les femmes sont rarement
en début de ménopause, ainsi, cette notion de durée est plus particulièrement
applicable aux femmes plus âgées (1, 2). Or, dans l’hypothèse “oui”, il est
proposé de prescrire le THM en postménopause immédiate. Par ailleurs,
limiter l’utilisation dans la durée reviendrait à privilégier le risque de cancer
du sein versus le risque de TEV et le risque coronarien qui, eux, sont
maximaux en début de traitement.
Un des autres objectifs du THM est la prévention du risque
ostéoporotique qui, elle, nécessite des traitements de longue durée.
Pour ce qui est du syndrome climatérique, nombreuses sont les femmes
qui sont gênées au-delà de 5 ans.
Ainsi, si l’on pense que le THM favorise la promotion et/ou l’initiation
du cancer du sein, il est dès lors illogique de faire courir de tels risques
carcinologiques et cardiovasculaires pour une raison de confort.
En revanche, si l’on pense que les estrogènes seuls et les estrogènes associés
à la progestérone naturelle n’augmentent pas le risque de cancer du sein
et sont dénués de risques artérioveineux, alors, pourquoi limiter le THM
à 5 ans lorsque les indications persistent et que le traitement choisi n’a pas
d’autres effets indésirables ?
AVIS AUX LECTEURS
Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef.
Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an
pour débattre des sujets et des auteurs à publier.
La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/
révision in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef.
Toutes nos publications répondent aux critères d’exigence de la presse :
· accréditation par la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) réservée aux revues sur abonnements,
· adhésion au SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé),
· indexation dans la base de données INIST-CNRS,
· déclaration publique de conflit d’intérêts demandée à nos auteurs,
· identification claire et transparente des espaces publicitaires et des publirédactionnels en marge des articles scientifiques.
La Lettre du Sénologue • No 59 - janvier-février-mars 2013 | 5
Téléchargement