DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 234 - septembre 1998
L’influence des hormones sexuelles sur le système nerveux cen-
tral (SNC) est un acquis de ces vingt dernières années et sera sans
doute la révolution de la prochaine décennie. Nous ne sommes
qu’à l’aube de la psycho-neuro-endocrinologie et avons hâte de
savoir comment et pourquoi ce sont les hormones qui nous gou-
vernent.
L’histoire des hormones sexuelles et du cerveau commence très
tôt : dès la 14-16esemaine in utero, le pic de testostérone de
l’humain mâle va modeler son cerveau, mais déjà par le biais des
estrogènes, tant notre matière grise est riche en aromatase.
Au niveau du SNC, les hormones sexuelles jouent en fait sur
trois registres: l’entretien et la protection des circuits cérébraux,
leur plus ou moins grande activation et la modulation des neuro-
transmetteurs. Anne Dib, dans son article, fait référence aux deux
dernières fonctions.
La neuroprotection
La maladie d’Alzheimer (MA) est un bon exemple. Son incidence
augmente de manière exponentielle après 75 ans. Elle atteint alors
encore bien davantage la femme que l’homme. Toute situation
qui conduit à une diminution des taux d’estrogènes est, pour la
femme, un facteur de risque de MA. Le THS est, quant à lui, sus-
ceptible de retarder la maladie (aspect préventif) ou d’en ralen-
tir le cours (aspect curatif), notamment lorsqu’il est associé à un
inhibiteur de l’acétylcholinestérase. L’estradiol est une substance
trophique pour le SNC. Comme pour l’os et le système cardio-
vasculaire, tout se passe comme si l’avantage acquis se perdait
progressivement à la ménopause, fragilisant la femme avec le
temps lorsqu’elle n’est pas traitée.
La progestérone n’est pas en reste dans la construction cérébrale.
Il y a plus de progestérone synthétisée dans le cerveau (concept
de neurostéroïde) qu’au niveau du corps jaune. La progestérone
est le précurseur obligé de la myéline, gaine conductrice, isolante
et nourricière de tous les axones du système nerveux.
La neuroactivité
À côté de cet effet trophique, les hormones sexuelles modu-
lent les deux grands systèmes régulateurs de l’activité céré-
brale: le GABA, qui ralentit l’activité du cerveau et le protège
des courts-circuits, et son contraire, le NMDA, responsable de
l’activation cérébrale et dont l’emballement conduit à la mort
cérébrale.
Estrogènes et progestérone ont des effets opposés sur le système
GABA. Les métabolites 5-alpha 3-alpha réduits de la progesté-
rone se lient à un des récepteurs du GABA, celui des benzodia-
zépines. C’est là l’explication des vertus anxiolytiques et anes-
thésiques de la progestérone naturelle. Elle a d’ailleurs donné
naissance à la plupart des anesthésiques qui potentialisent cet
effet. Les progestatifs de synthèse sont aussi susceptibles d’être
alpha-réduits, mais ils n’ont aucune affinité pour les récepteurs
GABA.
L’estradiol, au contraire, diminue les récepteurs du GABA et
favorise l’activité NMDA ; il est donc doublement excitateur.
La neuromodulation
Essentielles pour l’activation et la mise au repos du SNC, les hor-
mones sexuelles ne le sont pas moins pour la modulation de neu-
rotransmetteurs comme l’acétylcholine, les catécholamines, la
dopamine et la sérotonine. Les trois derniers sont impliqués dans
l’humeur, la déprime et la psychose. Les femmes répondent mieux
aux antipsychotiques. Les estrogènes sont antidopaminergiques
mais sérotoninergiques. Dans le domaine de la ménopause, la
fluoxétine n’est vraiment active qu’en présence d’estrogènes.
L’estradiol est à la fois un antidépresseur et un neuroleptique
endogène.
Les hormones sexuelles assurent à la femme une optimisation de
sa fonction cérébrale, mais la rendent aussi plus vulnérable du
fait de leur cyclicité. Et voilà bien tout le problème: période péri-
menstruelle, post-partum, ménopause sont autant de situations de
chute hormonale ou de carence, représentant des périodes “à
risque” durant lesquelles le cerveau féminin perd sa protection
naturelle.
C’est à ces situations qu’Anne Dib veut nous sensibiliser.
Attention, nous dit-elle ! Apprenons à les reconnaître et à les
comprendre, car il y a quelque chose à faire. ■
L’opinion du docteur Gabriel André*
*Cabinet de gynécologie et d’obstétrique, 1, rue Gustave-Klotz, 67000
Strasbourg.