La prise de décision

publicité
La prise de décision :
l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN1 et Patrick ROGER2
Résumé
Les travaux d’Amos Tversky et de Daniel Kahneman, et plus particulièrement le
développement de la théorie des perspectives (prospect theory), ont profondément
transformé notre vision du processus de prise de décision. Dans ce travail, nous
présentons les apports de ce courant comportemental relativement à l’approche dite
« traditionnelle » et soulignons comment ils permettent d’éclairer les chercheurs en
management sur les tenants de la décision dans un contexte stratégique. Pour cela,
nous décrivons dans un premier temps les deux phases successives du processus
de décision, à savoir la perception (phase 1) et l’évaluation (phase 2). Lors de la
première phase, le décideur traduit l’ensemble des alternatives qui s’offrent à lui
alors que, lors de la seconde phase, il évalue les différentes actions envisageables
et choisit celle qu’il considère comme la meilleure. Notre objectif est de montrer
que les différentes actions envisageables ne sont pas analysées objectivement mais
subjectivement par le décideur. En effet, grâce à l’économie expérimentale, il est
possible de mettre en évidence un certain nombre de biais de comportement chez
le décideur tels que l’optimisme, le conservatisme ou l’aversion aux pertes. Ces
biais peuvent être appréhendés dans le cadre des modèles comportementaux et plus
spécifiquement par les travaux de Kahneman et Tversky.
Mots clés : Processus de décision, théorie des perspectives, économie expérimentale.
Abstract
The research of Daniel Kahneman and Amos Tversky, especially prospect theory, has
transformed our view of the decision making process. In this paper, we present the
behavioral approach and show how it throws light on the ins and outs of the decision
process in a strategic context. For that purpose, we first describe the two successive
stages of the decision process. During the first edition stage, the decision-maker
performs a preliminary analysis of the available prospects. In a second evaluation
stage, the decision-maker compares the various prospects and chooses the best one.
The aim of the paper is to show that the prospects are not analyzed objectively
but subjectively by the decision-maker. Thanks to the experimental economics, we
are able to underline several behavioral biases such as optimism, conservatism or
losses aversion. These biases are then naturally integrated within the framework of
behavioral models, following the pioneering work of Daniel Kahneman and Amos
Tversky.
Keywords : Decision process, prospect theory, experimental economics
1 - Maitre de conférences, LaRGE, EM Strasbourg Business School - [email protected]
2 - Professeur des Universités, LaRGE, EM Strasbourg Business School - [email protected]
78
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
Les décisions managériales quotidiennes ont une influence variable sur le
fonctionnement présent et la pérennité future de l’organisation. Ces décisions peuvent
être stratégiques, tactiques ou opérationnelles. Quelle que soit leur importance
pour l’organisation, le processus de prise de décision est complexe. La question
de savoir comment les membres d’un système organisé forment au quotidien leurs
décisions est cruciale. En effet, ouvrir la boîte de Pandore de la prise de décision et
comprendre ses rouages est le terrain de prédilection des chercheurs en management.
Les travaux de psychologues et économistes du courant comportemental comme
Amos Tversky et Daniel Kahneman, prix Nobel d’Economie en 2002, apportent
un éclairage nouveau sur ces questions. Comme Herbert Simon (1947) l’avait fait
bien plus tôt, Kahneman et Tversky (1979) avancent l’idée que les décideurs ne
sont pas des agents parfaitement rationnels. Ils utilisent des heuristiques, conduisant
à des biais de comportement tel que l’optimisme ou le conservatisme. De ce fait,
lors de leur prise de décision, les individus ne se comportent pas objectivement en
cherchant quelle alternative leur procurerait le niveau de richesse finale espéré le
plus élevé. En effet, la dimension subjective du processus de décision est aujourd’hui
largement reconnue. Afin de mettre en évidence la façon dont les décideurs prennent
réellement leurs décisions, Kahneman et Tversky utilisent la méthodologie
de l’économie expérimentale. Cette dernière est une méthode d’investigation
initiée dans les années 1930 par le psychologue américain Thurstone. Elle prit de
l’ampleur grâce aux travaux de Vernon Smith et de Kahneman et Tversky. Cette
méthode consiste à analyser les comportements individuels et collectifs grâce à des
expériences de laboratoire. Concrètement l’expérimentation consiste à créer une
situation économique simplifiée dont l’environnement est entièrement contrôlé par
l’expérimentateur. L’idée est de confronter un grand nombre de sujets à une situation
économique ou managériale sous forme de jeu. Les choix effectués par les sujets sont
par la suite recensés et analysés statistiquement. En tant que méthode scientifique,
l’économie expérimentale repose sur un certain nombre de règles et procédures
(Broihanne et al, 2004, p.210). L’expérimentateur construit un protocole composé
de plusieurs éléments : 1) les instructions (règles du jeu) données aux sujets, 2) la
rémunération des sujets 3) la décontextualisation de l’expérience. Afin de garantir
l’implication des participants dans l’expérimentation, la rémunération des sujets doit
dépendre positivement de leur performance dans le jeu. Le dernier point (3) est très
important et fait l’objet de nombreux débats mais la règle générale veut que les
expérimentations soient réalisées hors de tout contexte. L’objectif est d’éviter que
les participants aient des attitudes particulières s’ils sont face à des situations qui leur
sont familières. Lors de leurs expérimentations en laboratoire, Kahneman et Tverky
ont ainsi confronté de nombreux sujets à un ensemble d’alternatives afin d’extrapoler
des choix qu’ils opèrent leur comportement face aux gains, aux pertes ou encore
aux probabilités. L’objectif de Kahneman et Tversky est de comprendre, grâce
aux résultats de ces expériences, comment les décideurs évaluent subjectivement
les alternatives qui s’offrent à eux. Notons néanmoins que le processus de décision
ne se limite pas à une simple opération d’évaluation des différentes alternatives
proposées. Simon (1955, 1960) distingue en effet trois phases dans le processus
de décision : L’identification des problèmes ; la modélisation et enfin le choix.
Les deux premières phases peuvent être regroupées dans une seule étape dite de
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
79
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
perception. L’évaluation ne constitue ainsi que la dernière phase de ce processus
de décision. En effet, avant d’évaluer les alternatives, le décideur les répertorie
en observant son environnement et délimite l’ensemble des choix qui s’offrent à
lui. Chaque possibilité fait l’objet d’une analyse consistant en l’énumération des
différentes issues possibles et des probabilités d’occurrence qui leur sont associées,
et en la détermination des conséquences de celles-ci. Le décideur crée ensuite
une représentation mentale de chaque choix, appelée prospect par les auteurs. La
phase de perception consiste ainsi à engendrer un modèle du monde réel recensant
l’ensemble des états possibles affectés de probabilités (perçues) d’occurrence. Dans
une seconde phase, ce prospect est évalué subjectivement par le décideur. Kahneman
et Tversky ont en effet mis en évidence le traitement subjectif et non linéaire par
le décideur des conséquences de chaque action. Ils montrent par exemple que les
individus font preuve d’aversion aux pertes ; plus précisément, une conséquence
négative (perte) donnée engendrerait une désutilité deux fois plus grande que l’utilité
engendrée par un gain du même montant. De même, ils soulignent que le décideur
transforme les probabilités objectives de réalisation des événements. Les individus
ont ainsi tendance à surpondérer les faibles probabilités et ce, d’autant plus qu’elles
sont associées à un événement extrême. Dans cet article, nous allons successivement
détailler ces deux phases constitutives du processus de décision et les illustrer dans
le contexte de choix financiers.
1. Phase de perception
1.1 Représentation du monde sous forme de prospects
La première phase de tout processus décisionnel est l’observation et l’analyse du
monde qui entoure le décideur et la représentation de ce monde sous forme d’un modèle
simplifié. Avant de prendre une décision, les individus étudient et analysent les choix
auxquels ils sont confrontés ainsi que l’environnement de la décision. Cette opération
permet de répertorier l’ensemble des alternatives ou états de la nature possibles. Dans
les modèles de rationalité substantive, la liste de ces alternatives est intégralement
connue par le décideur. Précisons néanmoins que le terme « intégralement connue »
n’est pas synonyme de certitude puisque le décideur ne sait pas à l’avance quel
état de la nature va se réaliser. Il est cependant capable de délimiter l’ensemble
des états de la nature susceptibles de survenir, d’anticiper les conséquences de la
réalisation de chacun de ces états et d’y associer des croyances prenant la forme de
probabilités objectives (Knight, 1921) ou subjectives (Savage, 1954). Chacun des
choix ou actions possibles du décideur est représenté par ce que l’on appelle prospect,
perspective ou loterie. Le prospect est ainsi une représentation de la réalité qui liste
les issues possibles d’un choix ainsi que leurs probabilités d’occurrence. Supposons
qu’un laboratoire pharmaceutique s’interroge sur la possibilité de concevoir et de
lancer sur le marché un nouveau médicament contre le diabète. Deux options sont
envisageables pour le laboratoire : soit réaliser les recherches dans le but de lancer
le médicament (alternative A), soit ne pas s’engager dans ce processus (alternative
B). Afin de prendre une décision, la direction du laboratoire doit lister, pour chaque
alternative, l’ensemble des issues possibles. Notons que cette opération n’est pas
nécessairement réalisée par le décideur seul. Il prend conseil et échange avec ses
80
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
collaborateurs, il s’appuie sur des travaux précédents réalisés par des cadres qui,
eux-mêmes, se sont appuyés sur l’expérience des opérationnels. Lors de cette phase
le décideur traduit objectivement l’ensemble des issues qui s’offrent à lui. Les états
de la nature possibles ainsi que les conséquences et les probabilités qui associées
pour l’alternative A sont schématisés ci-dessous :
1) Le médicament obtient une autorisation de mise sur le marché (AMM) et connaît
un succès. Dans ce cas, les bénéfices estimés s’élèvent à 50 millions d’euros. La
direction du laboratoire estime la probabilité d’occurrence de cet état à 79,5% ;
2) Le médicament n’obtient pas l’AMM et dans ce cas le laboratoire perd une
partie des coûts de recherche et développement. Le coût estimé s’élève à 10 millions
d’euros. La probabilité de refus de l’AMM est estimée à 20% ;
3) Le médicament obtient l’AMM mais un scandale tel que celui du MEDIATOR
éclate. Dans ce cas, le coût estimé s’élève à 200 millions d’euros. La probabilité de
réalisation de cet événement est estimée à 0,5%.
En ce qui concerne l’option B qui consiste à ne rien entreprendre, il n’y a qu’un seul
état de la nature envisageable et une seule conséquence possible : l’entreprise ne gagne
rien. Une fois que les conséquences de chaque action ont été listées et probabilisées
par le décideur, celui-ci représente l’ensemble des choix envisageables sous la forme
de prospects ou perspectives. Dans l’exemple présenté ci dessus, deux prospects
sont formés. Le prospect A, représentation mentale de la première alternative, peut
être modélisé de la manière suivante : A = (+50M, 0.795 ; -10M, 0.2 ; -200M, 0.005).
Cela signifie que si l’alternative A est choisie, l’entreprise peut gagner 50 millions
avec une probabilité de 0.795, perdre 10 millions avec une probabilité de 0.2 ou
encore perdre 200 millions avec une probabilité de 0.005. Le prospect B peut être
représenté ainsi : (0, 1 ; 0, 0) ce qui peut se simplifier en (0, 1). Cela signifie que
l’entreprise ne gagnera rien avec une probabilité égale à 1. De manière générale, une
perspective A offrant x avec une probabilité p et y avec une probabilité 1 − p se note :
A = (x, p ; y, 1 − p). Dans le cas où y = 0, la notation se réduit à : A = (x, p). Cette
modélisation initiale est suivie d’une étape d’édition qui permettra l’évaluation sans
ambiguïté dans la seconde phase du processus.
1.2 L’étape d’édition
Simon (1968), Slovic (1972) et Tversky et Kahneman (1974) avancent l’idée selon
laquelle le décideur n’est pas en mesure de comprendre la complexité de chaque
situation réelle et qu’il est par conséquent amené à la simplifier. Le modèle de la
décision désordonnée (disjointed incrementalism) de Lindblom (1959, 1965)
suppose par exemple que le décideur simplifie l’ensemble du processus de choix en
étudiant uniquement les solutions proches de sa situation initiale. De même, Cyert
et March (1963) mettent en évidence l’incompatibilité de l’ensemble des objectifs
complexes existant au sein d’une organisation. Pour résoudre cette incompatibilité,
l’organisation simplifie les situations en décomposant les problèmes globaux en
problèmes plus simples affectés à une échelle différente et en traitant les situations
séquentiellement plutôt que simultanément (concept de résolution partielle
des conflits). Kahneman et Tversky (1979), dans leurs travaux pionniers sur la
Prospect Theory, proposent, eux aussi, un schéma de simplification de la réalité. Ils
démontrent que les décideurs ne traitent pas directement les prospects, tels qu’ils
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
81
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
sont formés à l’état brut. Il existe une étape intermédiaire dans laquelle ceux-ci sont
édités et structurés. L’objectif de cette étape est d’aboutir à une représentation plus
simple des prospects et de faciliter par ce biais la deuxième phase du processus de
décision qu’est l’évaluation. Concrètement, l’édition consiste à appliquer un certain
nombre d’opérations aux conséquences et probabilités associées aux prospects. Les
opérations les plus couramment utilisées sont énumérées ci-dessous.
Les décideurs codent les conséquences monétaires de leurs choix en termes de gains
et de pertes relativement à un point de référence (opération de codage). En effet, les
individus évaluent les perspectives risquées par rapport aux variations de richesse
qu’elles engendrent et pas par rapport au niveau absolu de richesse atteint. Ainsi,
la façon dont les décideurs atteignent un niveau donné de richesse finale n’est pas
anodine dans le processus de décision. Dans leurs expérimentations, Kahneman et
Tversky comparent le comportement de sujets initialement dotés d’une certaine
somme face à deux situations équivalentes en termes de richesse finale et montrent
que le comportement n’est pas le même. Dans une première situation (situation 1),
les agents sont dotés d’une richesse initiale de 1000 unités et sont confrontés aux
prospects suivants : A = (+1000 ; 0.5), B = (+500 ; 1). Dans une seconde situation,
ils sont dotés d’une richesse initiale de 2000 unités et sont confrontés aux prospects
suivants : A’= (-1000 ; 0.5) et B’= (-500 ;1). Nous pouvons constater que dans la
première situation, les sujets ne peuvent que gagner alors que dans la seconde, ils
ne peuvent que perdre. Par contre, le niveau de richesse finale atteignable dans les
deux situations est identique pour chaque alternative (s’ils choisissent A ou A’,
Wf = (2000, 0.5 ; 1000, 0.5), alors que s’ils choisissent B ou B’, Wf = (1500 ; 1).
Il ressort de l’expérience que les sujets ne se comportent pas du tout de la même
manière selon le niveau de richesse initiale. Dans la première situation la majorité
des sujets choisissent l’alternative B alors que dans la seconde c’est la perspective
A’. Le choix des décideurs est ainsi beaucoup plus prudent dans la première situation
que dans la seconde où ils adoptent un comportement de joueur. Ainsi, au moment de
prendre leur décision, les sujets ne se préoccupent pas du niveau de richesse finale à
la fin de l’expérimentation mais plutôt du gain ou de la perte réalisés relativement à
la somme initiale dont ils sont dotés. Ce comportement s’explique par le concept de
comptabilité mentale (Thaler, 1980, 1985) et plus particulièrement par ce que Thaler
et Johnson appellent le « house money effect » (1990). La comptabilité mentale est
un biais de comportement traduisant l’habitude des décideurs à séparer les décisions
qui devraient rationnellement être combinées. Ce biais provient de la tendance à
créer différents comptes mentaux gérés séparément en fonction de leur origine ou
de leur affectation. Thaler et Johnson (1990) ont empiriquement démontré que les
décideurs n’utilisent pas les mêmes comptes mentaux et donc traitent l’information
différemment en fonction des résultats de leurs actions antérieures. Les individus
ont ainsi tendance à combiner à leurs potentiels paiements futurs les gains et pertes
réalisés dans le passé. Trois types de comportements ont été empiriquement mis en
exergue dans ces travaux.
1) Les décideurs ont un comportement joueur en présence d’un gain préalable
(phénomène appelé house money effect) ;
2) Ceux qui viennent de subir une perte ont tendance à prendre moins de risque ;
3) Les individus adoptent un comportement risqué en présence d’une perte préalable
82
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
si celui-ci peut permettre de compenser la perte subie. Ce dernier point apparaît
régulièrement dans les problématiques managériales et financières. En effet,
un manager qui vient d’échouer à atteindre ses objectifs peut opter, à la période
suivante, pour un comportement plus risqué afin de compenser ses pertes antérieures
(Slattery et Ganster, 2002). Le comportement des décideurs n’est ainsi pas identique
en fonction du point de référence choisi.
La seconde opération d’édition réalisée par les décideurs est nommée opération de
combinaison. Celle-ci consiste à simplifier un prospect en combinant les probabilités
associées à un même niveau de conséquence monétaire. Supposons par exemple que
le projet de lancement d’un nouveau produit ait trois issues possibles.
a. Le produit rencontre un fort succès sur le marché national, ce qui aura pour
conséquence d’accroître les bénéfices de la société de 20 millions d’euros. Le
manager estime que la probabilité de ce cas est de 30%.
b. Le produit ne rencontre pas de succès sur le marché national mais sur le marché
international, ce qui a aussi pour conséquence d’accroître les bénéfices de la société
de 20 millions d’euros. La probabilité de réalisation de cette alternative est estimée
à 30%.
c. Le produit ne rencontre pas le succès escompté, ce qui a pour conséquence de
générer un coût de 5 millions d’euros pour la société. La probabilité d’échec est
estimée à 40% par le « management group ».
La représentation sous forme de prospect de l’ensemble des alternatives liées à la
décision de lancement du produit est la suivante : I = (20 ; 30% ; 20, 30% ; -5, 40%).
Au moment de prendre sa décision, le manager ramène automatiquement ce prospect
à la perspective simplifiée suivante : (20, 60% ; -5, 40%). L’opération de séparation
est appliquée aux prospects comportant un élément sans risque. Elle consiste à séparer
l’élément sans risque de la partie risquée du prospect. A titre d’exemple le prospect
(300, 80%; 200, 20%) se décompose naturellement en un gain certain de 200 associé
à la perspective risquée (100, 80%). Enfin les décideurs pratiquent des opérations dites
d’annulation lors de l’édition des prospects. Ce type d’opération n’est pas applicable à
une perspective particulière mais à un ensemble de perspectives. Elle traduit la tendance
des décideurs à faire disparaitre de leur raisonnement les éléments communs à un
ensemble de prospects. En effet, la confrontation à plusieurs choix possibles conduit à
se focaliser sur les éléments qui permettent de distinguer les différentes alternatives. Les
éléments communs à l’ensemble de ces alternatives sont tout simplement négligés. A
titre d’exemple, considérons le jeu séquentiel suivant issu des expérimentations réalisées
en laboratoire par Kahneman et Tversky (1979). Lors d’une première séquence, un
tirage au sort est réalisé. Avec une probabilité de 75%, le jeu touche à sa fin. Dans ce cas,
les sujets ne gagnent rien. En revanche, avec une probabilité de 25%, le sujet atteint la
deuxième phase du jeu. Il a alors le choix entre les deux prospects suivants :
A = (4 000, 80%) et B = (3 000, 100%). Le choix entre A et B doit être effectué au
début du jeu (avant de connaître le résultat du premier tirage au sort). Sur les 141
sujets interrogés, 78% ont choisi la seconde alternative (gagner 3 000 si on a passé la
première étape du jeu). Notons qu’en termes de gains et de probabilités (toutes étapes
confondues), les participants ont le choix entre 0,25 × 0,80 = 20% de chances de gagner
4 000 et 0,25 × 1 = 25% de chances de gagner 3 000. Par conséquent, en termes de
richesse finale et de probabilités, ce jeu peut être représenté par les deux perspectives
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
83
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
suivantes : A’= (4 000, 20%) et B’= (3 000, 25%). Or, lorsque dans le cadre d’une autre
expérimentation, les mêmes sujets ont directement été confrontés à A’ et B’ (sans phase
séquentielle, c’est-à-dire gagner 4 000 unités avec 20% de chance ou 3 000 avec 25%
de chance), la majorité d’entre eux ont choisi A’ qui offre le gain le plus important.
Ce choix s’explique par le fait que la différence entre un gain de 3 000 et un gain de
4 000 est perçue de manière beaucoup plus importante par les sujets que la différence
entre une probabilité de 0,2 et une probabilité de 0,25. Cette décision est cependant en
contradiction avec les choix réalisés lors du jeu séquentiel. La première étape du jeu
est en fait ignorée par les décideurs car elle est commune aux deux alternatives. Les
sujets se focalisent uniquement sur la seconde étape du jeu c’est-à-dire sur le prospect
(4 000, 80 %) et (3 000, 100 %). Et dans ce cas, ils sont attirés par la certitude de la
seconde alternative. En effet, la différence entre le gain de 3 000 et le gain de 4 000 est
perçue cette fois de manière moins importante que la différence entre une probabilité
certaine et une probabilité de 0,8. Cette différence de perception est appelée « effet de
certitude ».
2. Phase d’évaluation : la rationalité substantive remise en cause ?
Une fois que les prospects ont été formés et édités, la deuxième phase du processus
de décision consiste à évaluer les différentes actions envisageables. Cette phase
d’évaluation est essentielle dans la mesure où elle représente la dernière étape avant
la prise de décision en tant que telle. La question est alors de savoir comment s’opère
concrètement la phase d’évaluation des alternatives offertes aux décideurs.
2.1 L’approche traditionnelle : l’hypothèse de rationalité parfaite
Que ce soit en science économique ou en sciences de gestion, la prégnance du modèle
néoclassique a mis en avant l’hypothèse de rationalité parfaite ou substantive des
décideurs. Un agent économique est qualifié de parfaitement ou substantivement
rationnel s’il agit de façon cohérente par rapport à l’information détenue et si ses
décisions sont prises dans le but d’optimiser sa satisfaction. Un agent rationnel est
ainsi capable de traiter, à chaque instant, l’information reçue et de réviser ses choix
sur la base de cette information (la révision se fait selon la règle de Bayes). Son seul
objectif est de déterminer quelle action lui permet d’atteindre le meilleur résultat
possible. La question est de savoir quel critère de décision le décideur utilise-t-il
pour déterminer ce « meilleur choix ». Un des premiers critères d’évaluation des
prospects risqués a été proposé au 17ème siècle par Blaise Pascal. Selon lui, sur un
ensemble de choix possibles, les décideurs optent pour celui qui présente l’espérance
mathématique la plus élevée. Chaque décideur calcule ainsi l’espérance de gain
associée à tous les prospects et prend une décision à l’aide de ce calcul. Cependant, en
1738, Bernoulli propose une solution au fameux paradoxe de Saint Petersbourg qui
met en évidence les choix irréalistes auxquels le critère de l’espérance mathématique
permet d’aboutir. Il avance qu’en amont du processus de décision, chaque individu
évalue l’utilité associée à l’ensemble des gains et pertes envisageables. Chaque
paiement futur potentiel serait ainsi transformé en niveau de satisfaction engendré
par ce paiement. L’idée est que les décideurs ne calculent pas l’espérance de gain
d’un prospect mais l’espérance de l’utilité associée au gain. Techniquement cela
84
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
consiste à transformer, par le biais d’une fonction d’utilité, chaque conséquence
des prospects formés et édités lors de la première phase décisionnelle. Le rôle de
cette fonction d’utilité est de rendre compte des spécificités de chaque décideur,
notamment en matière d’attitude face au risque (figure 1). Plusieurs types d’attitude
face au risque peuvent être envisagés. Généralement, la littérature en retient 3 :
l’aversion au risque (les décideurs cherchent à éviter le risque), la riscophilie (les
décideurs aiment le risque) et la neutralité vis-à-vis du risque (le risque ne rentre pas
en compte dans la prise de décision). Le cas le plus courant est l’aversion au risque,
représenté par une fonction d’utilité concave.
Figure 1 : Transformation des conséquences en utilité
Fonction d’utilité
(transformation des conséquences)
Spécificités du comportement du
décideur (attitude face au risque)
Chaque décideur, au moment de réaliser son choix, affecte ainsi à l’ensemble des
conséquences envisageables un niveau de satisfaction. Tous les décideurs n’étant pas
caractérisés par le même degré d’attitude face au risque, ils n’attribuent pas un niveau
de satisfaction identique à un gain ou une perte donnée. Chaque agent économique
choisit ensuite le prospect procurant le niveau de satisfaction espérée le plus élevé.
Ce mode d’évaluation des prospects est le modèle de l’espérance d’utilité. Celui-ci
repose sur une axiomatique formalisée par Von Neumann et Morgenstern (1944).
2.2 Les remises en cause
Dans le domaine de la théorie de la décision, le modèle de l’utilité espérée a longtemps
été considéré comme la référence en matière de prise de décision. Cependant, son
hégémonie est remise en cause depuis plusieurs décennies. On constate en effet de
nombreuses violations des axiomes de l’utilité espérée (le paradoxe d’Allais (1953)
est un des premiers exemples). De plus, certains comportements observés sur les
marchés financiers, dans les entreprises ou chez les consommateurs ne sont pas
compatibles avec cette formalisation. Par exemple, la plupart des décideurs révèlent
à travers leurs choix (comme la demande d’assurance) un certain degré d’aversion
au risque. Parallèlement, ils manifestent un goût pour le risque en acceptant de
participer à des jeux de hasard pour lesquels la probabilité de gain est souvent très
faible (Friedman et Savage, 1948). Rappelons que selon la théorie de l’utilité espérée
les spécificités des décideurs vis-à-vis du risque (attirance ou réticence) s’expriment
par la fonction d’utilité. Or une même fonction ne peut pas représenter en même temps
deux comportements opposés (comportement de jeu d’une part et acquisition de
polices d’assurance d’autre part). Enfin l’hypothèse de rationalité parfaite a été remise
en cause à des nombreuses reprises et cette contestation n’est pas récente puisque,
déjà en 1947, Herbert Simon introduisait la notion de rationalité limitée (bounded
rationality). Celle-ci lève l’hypothèse d’une connaissance parfaite de l’avenir et
tient compte de la limitation des capacités cognitives des agents économiques. De
ce fait, les décideurs ne possèdent pas les ressources computationnelles suffisantes
pour optimiser les alternatives qui s’offrent à eux. Pour illustrer ces limitations, nous
pouvons citer les travaux de Tversky et Kahneman (1974) et Kahneman, Slovic et
Tversky (1982) qui mettent en exergue la tendance des agents économiques à opérer
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
85
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
des simplifications ou à utiliser des raccourcis de raisonnement. Selon ces auteurs, la
prise de décision serait régie par des heuristiques (règles simplifiées) conduisant les
agents à prendre des décisions éloignées de ce que prédirait la rationalité substantive.
Trois heuristiques classiques sont généralement présentées dans la littérature :
les heuristiques de représentativité, de disponibilité et d’ancrage. Afin d’illustrer
l’heuristique d’ancrage, nous présentons l’expérience suivante proposée par Tversky
et Kahneman (1974, p. 1128) :
- Dans une première étape, une roue de la fortune est utilisée et tire aléatoirement un
nombre compris entre 0 et 100. Le résultat du nombre tiré au sort est communiqué à
l’ensemble des participants à l’expérience.
- Dans une seconde étape, la question suivante est posée à l’ensemble des participants :
selon vous le pourcentage de pays africains membres de l’ONU est-il supérieur ou
inférieur au nombre tiré ?
- Dans une troisième étape, la question suivante est posée à l’ensemble des
participants : à combien estimez-vous le pourcentage de pays africains membres de
l’ONU ? »
Kahneman et Tversky ont constaté que le nombre tiré aléatoirement a une influence
significative sur la réponse à la question 3. Par exemple lorsque le nombre issu du tirage
aléatoire à l’étape 1 est de 10, la réponse médiane à la dernière question (pourcentage
de pays africains membres de l’ONU) est de 25%, alors que lorsque le nombre tiré au
hasard est de 65, la réponse médiane à la question 3 est de 45%. Dans ces expériences
tout se passe comme si « les individus formulaient leurs estimations en partant d’une
valeur initiale et en l’ajustant pour donner leurs réponses finales ». L’heuristique
d’ancrage traduit ainsi le phénomène selon lequel l’information donnée préalablement
a une influence sur les choix opérés par les individus et ce, même si cette information
ne revêt pas un caractère informatif. Dans le prolongement des travaux de Simon, des
modèles de rationalité limitée ou utilisant la rationalité limitée ont émergé (Stigler,
1961, Williamson, 1994). Dans ceux-ci, la rationalité n’est plus parfaite mais prend la
forme d’une rationalité atténuée ou affaiblie. Ces modèles, même s’ils ne nécessitent
pas que le décideur soit doté de capacités illimitées et connaisse parfaitement son
environnement, peuvent se rattacher au même paradigme que les modèles de rationalité
substantive ; Béjean et al (1999) parlent alors de paradigme exogène. En effet,
l’introduction de la notion de rationalité limitée ne remet pas en cause l’axiomatique
de l’intérêt individuel. Le décideur prend une décision en fonction des conséquences
qu’a l’action pour son propre intérêt et non pas en fonction de l’action elle-même. De
plus, le critère de choix de l’agent économique reste l’optimisation. Que sa rationalité
soit parfaite ou non, le décideur reste en quête du résultat optimal qu’il compare aux
résultats possibles (Laville, 1998).
2.3 Vers un nouveau cadre : de la rationalité limitée à la rationalité procédurale
La rationalité limitée, lorsqu’elle prend la forme d’une rationalité atténuée, ne
facilite pas la modélisation du processus de décision. En effet, les limitations
des capacités cognitives du décideur ajoutent au programme d’optimisation une
contrainte supplémentaire dans la mesure où l’incapacité à calculer les conséquences
d’une action augmente les difficultés de calcul (Mongin, 1986). De plus, même s’ils
remettent en cause la rationalité parfaite des décideurs, les modèles de rationalité
86
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
limitée ne s’intéressent pas à la psychologie des décideurs, à leurs procédures
de raisonnement. Afin de répondre à ce type de questionnements, Simon (1976)
introduit la notion de rationalité procédurale (procedural rationality). Celle-ci
n’est pas une forme atténuée de la rationalité limitée mais propose un nouveau
paradigme qui se base sur la prise de décision et pas uniquement sur la décision. La
rationalité procédurale autorise la considération de l’intérêt général ou l’altruisme
dans le processus de décision (Béjean et al, 1999). Les objectifs du décideur ne
se bornent pas uniquement à des objectifs individualistes car l’intérêt général peut
être une source de satisfaction pour l’agent économique. De plus, dans le cadre
de la rationalité procédurale, l’incertitude n’est plus probabilisable que ce soit en
termes objectifs ou subjectifs. Knight parle d’incertitude radicale (1921). De plus,
ce paradigme intègre l’évidence que les préférences ne sont pas stables au cours du
temps (Willinger, 1996) mais évoluent avec l’expérience. Elles sont sans cesse en
phase de construction. Il n’est ainsi plus possible de calculer et d’optimiser l’utilité
espérée associée aux différents prospects. Par conséquent, contrairement aux modèles
de rationalité limitée, cette incapacité ne résulte pas uniquement de la limitation des
capacités cognitives des décideurs. Ce qui intéresse dès lors Simon n’est plus la
décision, mais le processus de décision. On ne parle plus de choix rationnels, mais de
processus de décision rationnel. Selon lui, « le comportement est procéduralement
rationnel s’il est le résultat d’une délibération appropriée (1976). Dans ce cadre, la
règle de décision n’est plus l’optimisation mais le « satisficing ». L’idée centrale
de ce modèle présenté par Simon est la suivante : l’agent économique examine
différentes alternatives possibles et choisit la première d’entre elles qui permet
d’atteindre un certain niveau d’aspiration ou de satisfaction. Ce niveau correspond
à une situation hypothétique désirée par l’agent. Le décideur compare l’alternative
qu’il est en train d’évaluer avec la situation hypothétique désirée. Si l’alternative
évaluée est meilleure que son niveau d’aspiration, il choisit cette alternative. Si elle
est moins bonne, il évalue une autre alternative. Le processus de décision prend ainsi
fin lorsqu’une alternative permet au décideur d’atteindre son niveau d’aspiration.
Si aucune alternative ne permet d’atteindre le niveau d‘aspiration, celui-ci est alors
redéfini. Ce niveau n’est ainsi pas fixe, mais peut évaluer au cours du temps, grâce
aux expériences réalisées.
3. L’apport de l’approche comportementale
Les théoriciens de l’approche comportementale sortent eux aussi du cadre normatif
de la théorie de l’utilité espérée pour pallier les anomalies qu’elle engendre.
Cependant, ils restent dans le même paradigme que celui de la rationalité substantive
dans la mesure où l’optimisation est toujours au cœur des décisions. De plus, la
prédominance de l’intérêt individuel n’est pas remise en cause.
Les chercheurs du courant comportemental mettent en exergue la tendance
des décideurs à se focaliser sur deux éléments lors de leur prise de décision : les
conséquences de l’action et les probabilités de réalisation de ces conséquences
(Lauriola et Levin, 2001). L’idée est que, lors de la phase d’évaluation du prospect,
les décideurs traitent subjectivement, et donc transforment, à la fois les conséquences
et les probabilités de réalisation des états de la nature. De ce fait, les spécificités du
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
87
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
comportement des décideurs (goût / aversion pour le risque) ne sont pas captées par
une mais par deux fonctions (Figure 2). Après avoir transformé les conséquences
en niveaux de satisfaction et les probabilités objectives en poids décisionnels, les
individus sont en mesure de choisir l’alternative procurant le niveau de satisfaction
« espérée » le plus élevé.
Figure 2 : Détermination de l’attitude face au risque du décideur
3.1 Comportement face aux conséquences
A l’instar du modèle d’espérance d’utilité, l’approche comportementale suppose
que les décideurs, en amont de la prise de décision, transforment l’ensemble des
gains ou pertes potentielles futures en niveaux de satisfaction. Les conséquences
sont ainsi étudiées et traitées subjectivement. Les travaux des psychologues et
comportementalistes et notamment ceux de Tversky et Kahneman (1992) soulignent
trois spécificités dans le comportement des décideurs face aux conséquences.
Premièrement, les décideurs définissent un point de référence lorsqu’ils étudient les
alternatives qui s’offrent à eux. Ce point a déjà été abordé dans la première section.
Rappelons simplement que lors de la phase d’édition des prospects, les décideurs
déterminent un point de référence qui leur est propre. Toutes les conséquences futures
sont évaluées comme des gains ou pertes relativement à ce point de référence. Pour
un investisseur sur le marché financier, ce point de référence peut être le niveau de
richesse initial, ou le niveau de richesse qu’il désire au minimum atteindre. Pour un
consommateur, ce point peut prendre la forme d’un prix passé, présent ou encore de
l’idée qu’il se fait du « juste » prix d’un produit au moment de la décision d’achat.
Cette notion de point de référence peut se rapprocher du niveau d’aspiration introduit
dans le modèle « satisficing » de Simon. Il représente le niveau de satisfaction que
le décideur cherche à atteindre. Une conséquence supérieure à ce point améliore
la satisfaction du décideur alors qu’une conséquence inférieure la détériore. De
nombreuses recherches en ressources humaines utilisent ce concept de point de
référence. Highhouse et Johnson (1996) ont par exemple mis en évidence la tendance
des recruteurs à utiliser la performance des « incumbents » (déjà membres de
l’organisation) comme un point de référence et à évaluer la performance de candidats
éventuels comme des gains ou des pertes relativement à ce point. Deuxièmement, la
sensibilité relativement au point de référence est décroissante. La différence en valeur
entre un gain de 100 et un gain de 200 apparaît plus grande que la différence entre un
88
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
gain de 1 100 et un gain de 1200. Le même constat peut être effectué pour les pertes.
La différence entre une perte de 100 et de 200 est perçue de manière plus importante
que la différence entre une perte de 1 100 et 1 200. Les individus sont ainsi de moins
en moins sensibles aux conséquences au fur et à mesure que l’on s’éloigne du point
de référence. Le phénomène de sensibilité décroissante pousserait les décideurs
à faire preuve d’un comportement de joueur en situation de pertes et à être plus
prudent en situation de gains. L’expérimentation suivante, réalisée par Kahneman
et Tversky (1979), permet d’illustrer ce phénomène. Un groupe de décideurs a été
confronté aux alternatives suivantes : Soit gagner 3 000 unités avec certitude soit
en gagner 4 000 mais avec 80% de chances seulement. La majorité des sujets ont
privilégié le gain certain de 3 000. Ce problème a par la suite été transposé dans le
domaine des pertes et proposé au même groupe de décideurs. Cette fois le choix
majoritaire est la perte de 4 000 unités avec une probabilité de 80%, plutôt qu’une
perte certaine de 3 000. Cela revient à dire que les décideurs sont « riscophiles » du
côté des pertes alors qu’ils sont « riscophobes » du côté des gains. Ce constat ne
veut cependant pas dire que les décideurs présentent de l’aversion au risque pour
l’ensemble des gains, et qu’ils recherchent les risques pour l’ensemble des pertes.
Nous verrons plus tard que le comportement face aux probabilités peut, pour certains
niveaux de gains et pertes, compenser l’aversion au risque du coté des gains et la
riscophilie du coté des pertes. Ce type de comportement a des implications dans de
nombreux domaines de la gestion. En finance, il peut expliquer l’origine du biais de
disposition qui souligne la tendance des investisseurs à vendre trop rapidement les
titres gagnants et à garder en portefeuille trop longtemps les titres perdants (Shefrin
et Statman, 1985). Les travaux d’Odean (1998) sur les investisseurs américains ont
montré que cette pratique est sous-optimale. En gestion des ressources humaines,
Wong et Kwong (2005a, 2005b) ont relevé cette sensibilité décroissante dans les
entretiens de sélection et d’évaluation de la performance.
Troisièmement, les agents font preuve d’aversion aux pertes. Cette attitude
rend compte du fait que « les pertes sont perçues plus intensément que les gains
correspondants » (Tversky et Kahneman, 1991). Selon ce principe, la peine
psychique éprouvée par la perte d’une somme donnée est supérieure au plaisir
résultant d’un gain de même montant. Ainsi une perte de 1 000 euros a un effet
négatif sur le bien-être, plus important que l’effet positif lié au gain de cette même
somme. Cela explique pourquoi peu d’individus sont prêts à participer à un tirage
leur donnant la possibilité soit de gagner 1 000 euros soit de perdre 800 euros avec
1 chance sur deux. De nombreuses mesures empiriques de l’aversion aux pertes ont
été effectuées : parmi elles nous pouvons citer les travaux de Tversky et Kahneman
(1992) ou Köbberling et Wakker (2005). Les résultats de ces études sont assez
consensuels et établissent le niveau d’aversion aux pertes autour de 2. Cela peut
se traduire de la manière suivante : les décideurs manifestent une sensibilité deux
fois plus forte aux pertes qu’aux gains. Une perte serait ainsi perçue deux fois plus
négativement qu’un gain du même montant. Toutefois, l’aversion aux pertes renforce
l’inclination des décideurs (présentée précédemment) à prendre davantage de risque
suite à des pertes passées. Un tel comportement vis-à-vis des pertes peut expliquer
l’engouement des investisseurs pour les produits à capital garanti. Ces derniers sont
des actifs financiers structurés de façon à garantir tout ou partie du capital initial. Un
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
89
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
investisseur présentant de l’aversion pour les pertes peut trouver un intérêt à investir
dans des produits structurés qui lui évitent des pertes importantes même si cela a
pour conséquence de limiter les gains (Roger et Pfiffelmann, 2010).
Ces trois spécificités du comportement sont captées par le biais d’une fonction
de transformation des conséquences appelée fonction de valeur par Tversky et
Kahneman (1992). Elle est représentée par la figure 3 et intègre les trois spécificités
de comportement énoncées plus haut. Du fait de la sensibilité décroissante, cette
fonction est concave du côté des gains et convexe du côté des pertes. L’aversion aux
pertes la rend plus pentue du côté des pertes.
Figure 3 : Fonction de valeur
3.2 Comportement face aux probabilités
L’apport de l’approche comportementale par rapport aux théories traditionnelles de la
décision est de combiner transformation des conséquences en niveaux de satisfaction
et transformation de la distribution de probabilité objective en poids décisionnels.
En effet, de nombreuses études (Slovic, Fischhoff et Lichtenstein, 1981 ; Tversky
et Kahneman, 1992 ; Lauriola et Levin, 2001) soulignent la tendance des individus
à transformer subjectivement les probabilités de réalisation des états de la nature.
Plus particulièrement, on observe que les décideurs surpondèrent les événements
extrêmes à faible probabilité et sous-pondèrent les probabilités modérées. Les
chercheurs en psychologie et économie comportementale ont démontré que les
décideurs sont soumis à de nombreux biais de comportements tels que l’excès de
confiance ou le conservatisme (Barber et Odean, 2002 ; Edwards, 1968), ce qui les
poussent à faire preuve d’un comportement optimiste ou pessimiste lors de leur prise
de décision. On dit qu’un agent manifeste de l’optimisme lorsqu’il anticipe que les
événements vont systématiquement tourner en sa faveur. Benartzi, Kahneman et
Thaler (1999) ont réalisé une étude par questionnaire sur des investisseurs américains
et ont mis en évidence un comportement bien plus optimiste que pessimiste chez ces
investisseurs. L’optimisme (respectivement le pessimisme) a un impact sur la façon
dont les individus se comportent vis-à-vis des probabilités. Selon Chateauneuf et
90
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
Cohen (1994), un agent est optimiste (respectivement pessimiste) s’il surpondère
(respectivement sous-pondère) la probabilité de la meilleure conséquence ou s’il souspondère (respectivement surpondère) la probabilité de la pire conséquence. Ainsi,
une surpondération d’une petite probabilité dans les gains traduit un comportement
optimiste de la part du décideur alors que dans les pertes cette surpondération rend
compte d’une attitude pessimiste. Tversky et Kahneman (1992) ont montré que les
décideurs font généralement preuve d’un comportement optimiste lorsqu’ils sont
confrontés aux petites probabilités de gains et fortes probabilités de pertes et de
pessimisme lorsqu’ils sont confrontés aux petites probabilités de pertes et aux fortes
probabilités de gains. Et cela d’autant plus que l’événement auquel sont attachées
ces probabilités est extrême. Cette observation engendre 4 types de comportement
face aux probabilités au moment de la prise de décision. Ces comportements sont
représentés dans le tableau 1.
Tableau 1 : Comportements face aux probabilités
Supondération petites probabilités Sous-pondération probabilités élevées
Gains
Optimisme
Pessimisme
Pertes
Pessimisme
Optimisme
Nous avons souligné précédemment que du fait de la sensibilité décroissante aux
conséquences les décideurs semble faire preuve de riscophilie du côté des pertes.
Cependant le pessimisme pour les petites probabilités de pertes peut compenser cette
tendance à rechercher le risque. Et c’est parce que ce pessimisme l’emporte sur la
tendance générale à rechercher le risque dans les pertes que l’on observe une forte
demande d’assurance sur les marchés. Le même constat peut être réalisé pour les
gains. Le comportement optimiste des décideurs face aux petites probabilités de
gains peut l’emporter sur la tendance générale à l’aversion pour le risque (venant
de la sensibilité décroissante). Cela explique pourquoi les décideurs acceptent si
souvent de jouer à des loteries pour lesquelles les probabilités de gains sont faibles
et l’espérance de rentabilité négative. D’un point de vue financier, la surpondération
des faibles probabilités associées à des événements extrêmes permet d’expliquer
la popularité des instruments financiers mêlant épargne et loterie tout au long de
l’histoire (Pfiffelmann, 2011). Par exemple, les Premium Savings Bonds sont des
obligations d’état britanniques qui n’offrent pas d’intérêt fixe systématique mais
proposent chaque mois un tirage au sort pouvant faire gagner aux souscripteurs
de 25 à 1 million de livres Sterling. Ces produits sont extrêmement populaires
au Royaume-Uni ; plus de 23 millions de personnes détiennent aujourd’hui des
Premium Bonds pour un montant total de plus de 30 milliards de livres Sterling.
Comme nous l’évoquions plus haut pour les conséquences, les décideurs font aussi
preuve de sensibilité décroissante dans leur comportement face aux probabilités. En
effet, une augmentation de probabilité de 0,1 a plus d’impact quand elle fait passer
la probabilité de 0 à 0,1 ou de 0,9 à 1 que de 0,3 à 0,4 ou de 0,6 à 0,7. Lors de la
prise de décision, les agents économiques traitent subjectivement (et transforment)
les probabilités objectives de réalisation des états de la nature en fonction de leur
optimisme/pessimisme. Ces probabilités transformées ne sont pas des probabilités
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
91
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
subjectives, mais des poids décisionnels. Ils ne doivent donc pas être interprétés
comme des mesures de croyance en la réalisation d’un événement. Ils ne mesurent
pas la probabilité d’occurrence perçue de l’événement auquel ils sont associés, mais
l’impact qu’a cet événement sur l’attractivité de l’alternative offerte. La fonction
de transformation des probabilités (figure 4) utilisée par les décideurs intègre les
spécificités de comportement énoncées plus haut, à savoir le caractère optimiste /
pessimiste des agents et la sensibilité décroissante. Elle prend ainsi une forme de S
inversé concave près de 0 puis convexe près de 1.
Figure 4 : Fonction de transformation des probabilités
Conclusion
L’objectif de cet article était de mettre en évidence les apports des théoriciens du
courant comportemental, comme Amos Tversky et Daniel Kahneman, dans la
compréhension du processus de décision. Grâce à la méthodologie de l’économie
expérimentale, ces derniers parviennent à décrire comment les décideurs forment
réellement leurs choix. Ils montrent que les agents économiques ne sont pas
parfaitement rationnels et sont soumis à des biais de comportement. De ce fait, les
décideurs ne considèrent pas objectivement les gains et les pertes potentielles ainsi
que les probabilités d’occurrence qui leur sont associées. Ils réalisent un traitement
subjectif des paiements futurs et des probabilités. Après avoir expliqué comment les
agents économiques traduisent le monde qui les entoure sous forme de prospects,
nous avons décrit comment ceux-ci sont subjectivement évalués par les décideurs.
Nous avons souligné que l’apport de l’approche comportementale est de combiner
le traitement subjectif des conséquences et des probabilités. Dans un premier temps,
nous avons montré que Kahneman et Tversky dénombrent les trois spécificités
suivantes dans le comportement des décideurs face aux conséquences :
1) la définition d’un point de référence. Les résultats des expérimentations montrent
que l’évaluation des prospects par les décideurs se fait par rapport aux variations
de richesse qu’ils engendrent et non par rapport aux niveaux absolus de richesse
atteints. Ainsi, en amont de leur prise de décision, les agents économiques créent
mentalement un point de référence qui leur permet de distinguer ce qu’ils considèrent
comme des gains ou comme des pertes ;
92
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
2) la sensibilité décroissante dans la perception des gains et des pertes. Ce point est
issu de l’observation suivante : la différence entre un gain (ou une perte) de 100 et
de 200 est perçue de manière plus importante que la différence entre un gain (ou une
perte) de 1 100 et 1 200 ;
3) le traitement asymétrique des gains et des pertes. Kahneman et Tversky démontrent
que la peine psychique éprouvée par la perte d’une somme donnée est supérieure au
plaisir consécutif au gain de cette même somme. Les décideurs font ainsi preuve
d’aversion aux pertes.
Dans un second temps, nous avons analysé le traitement subjectif des probabilités
d’occurrence par les agents économiques. Deux spécificités de comportement
émergent :
1) le caractère optimiste ou pessimiste des décideurs les amène à surévaluer les petites
probabilités et ce d’autant plus qu’elles sont associées à un événement extrême ;
2) le concept de sensibilité décroissante s’applique aussi au traitement subjectif des
probabilités. Ainsi la différence de probabilité entre 0 et 0,1 est perçue de manière
plus importante que de 0,3 à 0,4.
Suite au développement de la théorie des perspectives, de nombreuses études
ont tenté de valider ou d’infirmer empiriquement et théoriquement cette nouvelle
approche. Budescu et Weiss (1987) et Kameda et Davis (1990) ont par exemple
validé expérimentalement la forme de la fonction de valeur proposée par Tversky
et Kahneman. En revanche, Levy et Levy (2002) présentent une série de données
obtenues expérimentalement qui iraient à l’encontre de la forme en S de cette
fonction. Ils reprochent à Tversky et Kahneman de n’avoir confronté les sujets
de leurs expérimentations qu’à des perspectives non mixtes (c’est-à-dire à des
prospects n’offrant soit que des gains soit que des pertes). En 2003, les travaux de
Wakker critiquent vivement la méthodologie utilisée par Levy et Levy et démontrent
qu’en réalité leurs résultats viennent plutôt confirmer les conclusions de Tversky et
Kahneman. Cependant, Baltussen, Post, et Van Vliet (2006) prolongent les travaux
de Levy et Levy et démontrent que la théorie des perspectives échoue pour expliquer
les choix entre des prospects mixtes à probabilités modérées. Le pouvoir descriptif
de la théorie des perspectives serait ainsi efficace dans les situations extrêmes où les
probabilités de gains ou de pertes se rapprochent de 0 ou 1. Il resterait alors à définir
comment mieux décrire le comportement des décideurs lorsqu’ils sont confrontés à
des choix ordinaires dont les probabilités d’occurrence sont modérées. Cependant,
malgré ces critiques, aucun autre modèle descriptif du comportement des décideurs
ne parvient à offrir autant d’atouts que la théorie des perspectives.
Références
Allais M. (1953), Le comportement de l’homme rationnel devant le risque, critique des
postulats et axiomes de l’école américaine, Econometrica, n°21, p.503-546.
Baltussen G., Post T., Van Vliet P. (2006), Violations of cumulative prospect theory in mixed
gambles with moderate probabilities, Management Science, n°52, p. 1288-1290.
Barber B., Odean T. (2002), Online investors : Do the slow die first ?, The Review of Financial
Studies, n°15, p. 455- 488.
Béjean S., Midy F., Peyron, C. (1999), La rationalité Simonienne : Interprétations et enjeux
épistémologiques, Document de travail LATEC, n°1999-14.
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
93
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
Benartzi S., Kahneman D., Thaler R. H. (1999), Optimism and overconfidence in asset
allocation decisions, news.morningstar.com.
Bernoulli D. (1738), Specimen theoriae novae de mensura sortis, commentarii academiae
scientiarum imperialis petropolitanae, n°5, p. 175-192.
Broihanne M.H., Merli M., Roger P. (2004), Finance comportementale, Economica.
Budescu D., Weiss W. (1987), Reflection of transitive and intransitive preferences, a test of
prospect theory, Organizational Behavior and Human Decision Processes, n°39, p. 184-202.
Chateauneuf A., Cohen M. (1994), Risk seeking with diminishing marginal utility in a nonexpected utility model, Journal of Risk and Uncertainty, n°9, p.77-91.
Cyert R. M., March J. G. (1963), A behavioral theory of the firm, Englewood Cliffs, N.J.,
Prentice Hall, (Trad. Française : Processus de décision dans l’entreprise, Dunod, Paris,
1970).
Edwards W. (1968), Conservatism in human information processing, Formal Representation
of Human Judgment, B. Kleinmutz, ed, NY, Wiley, p. 17-52.
Friedman M., Savage L. (1948), The utility analysis of choices involving risk, Journal of
Political Economy, n°56, p. 279-304.
Highhouse S., Johnson, M. A. (1996), Gain/loss asymmetry and riskless choice : Loss aversion
in choices among job finalists, Organizational Behavior and Human Decision Processes,
n°68, p. 225-233.
Huard P. (1980), Rationalité et identité : vers une alternative à la théorie de la décision dans les
organisations, Revue Economique, n°3, p. 540-572.
Kahneman D., Slovic P., Tversky A. (1982), Intuitive prediction : biases and corrective
procedures, in Judgment under uncertainty : Heuristics and biases, New-York, Cambridge
University Press.
Kahneman D., Tversky A. (1979), Prospect theory : an analysis of decision under risk,
Econometrica, n°47, p. 263-291.
Kameda T., Davis J. (1990), The function of the reference point in individual and group risk
decision making, Organizational Behavior and Human Decision Processes, n°46, p.55-76.
Knight F.H. (1921), Risk, uncertainty and profit, Boston New York, Houghton Mifflin
Company.
Köbberling V., Wakker P. (2005), An index of loss aversion, Journal of Economic Theory,
n°122, p.119-131.
Lauriola M., Levin I. (2001), Personality traits and risky decision-making in a controlled
experimental task : an exploratory study, Personality and Individual Differences, n°31, p.
215-226.
Laville F. (1998), Modélisations de la rationalité limitée : de quels outils dispose-t-on ?, Revue
Economique, vol 49, n°2, p335-365.
Levy M., Levy H. (2002), Prospect theory : much ado about nothing ?, Management Science,
n°10, p.1334-1349.
Lindblom C. E. (1959), The science of muddling through, Public Administration Review, n°
19, p. 79-88.
Lindblom C. E. (1965), The intelligence of democracy, Free Press, New York.
Mongin P. (1986), Simon, Stigler et les théories de la rationalité limitée, Information sur les
sciences sociales, 25, n° 3, p. 555- 606
Odean T., (1998), Are investors reluctant to realize their losses ?, Journal of Finance, n° 53,
p.1775 - 1797.
Pfiffelmann M. (2011), Le mariage efficace de l’épargne et du jeu : une approche historique du
capital, Revue d’Economie Politique, n°6, p. 893- 914.
Roger P., Pfiffelmann, M. (2010), Finance comportementale et design des actifs financiers, in
Management : enjeux de demain, collection FNEGE, Vuibert
Savage L.J. (1954), The foundations of statistics, New York, Wiley Publications on Statistics
Shefrin H., Statman M. (1985), The disposition to sell winners too early and ride losers too
long : theory and evidence, Journal of Finance, n°40, p.777-790.
Simon H.A. (1947), Administrative behavior, New York, NY : Macmillan.
Simon H.A (1955), A behavioral model of rational choice, Quarterly Journal of Economics,
n°69, p.99-118
Simon H.A (1960), The new science of management decision, N.J. : Prentice Hall, Englewood
94
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
La prise de décision : l’apport de l’économie expérimentale en stratégie
Marie PFIFFELMANN et Patrick ROGER
Cliffs, nouvelle édition, 1977
Simon H.A (1968), The architecture of complexity, in H. A. Simon, The science of the
artificial, Mass : MIT, Press, Cambridge, p. 84-118
Simon H.A. (1976), From substantive to procedural rationality, in Latsis ed : « Method and
appraisal in economics », Cambridge University Press
Simon H.A. (1987), Bounded rationality, in the new Palgrave : A dictionary of economics, ed
John Eatwell, Murray Millgate et Peter Newman, p. 267-268. London, McMillan.
Slattery J.P., Ganster D.C. (2002), Determinants of risk taking in a dynamic uncertain
environment, Journal of Management, n°28 (1), p. 89-106.
Slovic P. (1972), From Shakespeare to Simon : speculations and some evidence about man’s
ability to process information, ORI Research Monograph, 12.
Slovic P., Fischoff B., Lichtenstein S. (1981), Informing the public about the risks from
ionizing radiation, Health Physics, n°41, p.589-598.
Stigler G.J. (1961), The economics of information, Journal of Political Economy, n°69,
p.213-225
Thaler R. (1980), Toward a positive theory of consumer choice, Journal of Economic Behavior
and Organization, n°1, p.39-60.
Thaler R. (1985), Mental Accounting and Consumer Choices, Marketing Science, n°4, p.199214.
Thaler R., Johnson E. (1990), Gambling with the house money and trying to break even : the
effects of prior outcomes in risky choice, Management Science, n°36, p.643-660.
Tversky A., Kahneman D. (1974), Judgment under uncertainty : heuristics and biases, Science,
n°185, p. 1124-1130.
Tversky A., Kahneman D. (1991), Loss aversion in riskless choice : A reference-dependent
model, The Quarterly Journal of Economics, n°106 (4), p. 1039-1061.
Tversky A., Kahneman D. (1992), Advances in prospect theory : cumulative representation of
uncertainty, Journal of Risk and Uncertainty, n°5, p. 297-323.
Von Neumann J., Morgenstern O. (1947), Theory of games and economic behavior, Princeton
University Press (1ed, 1944).
Wakker P. (2003), The data of Levy and Levy (2002) “Prospect theory : much ado about
nothing ?” actually support prospect theory, Management Science, n°49, p. 979-981.
Willamson O.E. (1994), Les institutions de l’économie, InterEditions, Paris.
Willinger M. (1996), Préférences dépendantes du contexte. Une analyse expérimentale, Revue
Economique, n°3, p 577-587.
Wong K. F. E., Kwong, J.Y.Y. (2005a), Between-individual comparisons in performance
evaluation : A perspective from prospect theory, Journal of Applied Psychology, n°90, p. 284294.
Wong K. F. E., Kwong, J. Y. Y. (2005b), Comparing two tiny giants or two huge dwarfs ?
Preference reversals owing to number size framing, Organizational Behavior and Human
Decision Processes, n°98, p. 54-65.
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°5 - janvier/février 2013 - VARIA
95
Téléchargement