2 Introduction à l’étude du 1. Introduction et forces en présence mouvement des satellites artificiels 1.1 Principes fondamentaux de la mécanique David Sénéchal Département de physique et Centre de recherche en physique du solide Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec) J1K 2R1 (version 17/6/98) Table des matières 1. Introduction et forces en présence . . . . . . . . . . . . 1. Principes fondamentaux de la mécanique . . . . . . . . 2. Lois de conservation . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Le champ de gravitation terrestre . . . . . . . . . . . 4. L’influence des autres astres . . . . . . . . . . . . . 5. L’effet de trainée . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Le problème de Kepler . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. Démonstration des trois lois de Kepler . . . . . . . . . 2. Vitesse de l’objet en orbite . . . . . . . . . . . . . . 3. Éléments d’une orbite elliptique . . . . . . . . . . . . 4. Équation de Kepler . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Sommaire des relations importantes . . . . . . . . . . 3. La théorie des perturbations . . . . . . . . . . . . . . . 1. La méthode de variation des constantes . . . . . . . . 2. Exemple simple : l’oscillateur anharmonique . . . . . . 3. Les crochets de Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . 4. Les perturbations causées par la forme aplatie de la Terre 5. Les perturbations causées par la traı̂née atmosphérique . 4. Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2 4 4 8 8 10 10 16 16 18 22 22 22 24 28 30 32 34 La mécanique est l’étude du mouvement des corps, de ses causes comme de sa forme précise. Les principes fondamentaux de la mécanique ont été synthétisés par Newton il y a trois siècles, mais plusieurs théories mathématiques formelles ont été ensuite formulées sur ces principes, notamment par Euler, Lagrange, Hamilton et Jacobi. Par mécanique céleste, on entend plus particulièrement l’étude du mouvement des astres. L’astrodynamique est, quant à elle, l’étude du mouvement des engins spatiaux. Bien sûr, l’astrodynamique repose sur la mécanique céleste, qui elle repose sur la mécanique en général. Les principes de base de la mécanique sont souvent énoncés sous la forme des trois lois de Newton : 1. Tout objet sur lequel n’agit aucune force se déplace à une vitesse constante en grandeur et en direction. 2. L’accélération d’un objet est proportionnelle à la force appliquée et dans la même direction que celle-ci : F = ma, où m est la masse de l’objet. 3. Si un objet A exerce une force FAB sur un objet B, alors l’objet B exerce la même force, mais opposée, sur l’objet A : FBA = −FAB. C’est la loi d’action-réaction. Ces lois sont en fait plus subtiles que leur formulation courante peut lasser croire : 1. L’état de mouvement d’un objet est avant tout une question de référentiel, c’est-à-dire du système d’axes en mouvement utilisé pour décrire le mouvement des objets. La première loi de Newton est essentiellement la définition d’un référentiel inertiel : un référentiel inertiel est tel qu’un objet qui ne subit aucune force (l’idéalisation d’un objet extrêmement éloigné des autres objets) se déplace à vitesse constante. Si l’observateur se place dans un référentiel non inertiel (ou accéléré), par exemple un référentiel en rotation, alors les lois du mouvement doivent être modifiées pour incorporer ce qu’on appelle des forces d’inertie, comme la force centrifuge, la force de Coriolis, etc. 2. La deuxième loi de Newton (F = ma) n’a de sens que si on définit la force F en fonction des distances et vitesses relatives des différents objets en cause. Elle ne constitue pas une définition de la force, mais l’énoncé de son effet. 3. L’un des difficultés importantes pour les étudiants de la mécanique est la nature vectorielle des lois du mouvement. Ce fut aussi une des principales difficultés rencontrées lors de l’élaboration de ces lois au XVIIe siècle. Par exemple, un objet en mouvement circulaire uniforme de rayon r possède une vitesse constante en grandeur, mais pas en direction; donc cet objet est accéléré et son accélération est a = −(v2 /r)r̂, où r̂ est le vecteur unitaire dans la direction radiale à partir de l’origine. 3 Les lois du mouvement décrites plus haut ne sont formulées que pour une particule ponctuelle. Pour des objets plus complexes, composés d’un grand nombre de particules (comme une planète ou un satellite, par exemple), on applique ces lois à chaque particule composant l’objet. Cependant, les lois de Newton restent applicables à l’objet dans son ensemble si la position de l’objet signifie la position de son centre de masse : ! mr (1.1) rcm = !i i i i mi Un objet macroscopique peut aussi être affecté d’un mouvement de rotation sur lui-même, de vibration, d’écoulement, etc. En principe, les conditions de ces mouvements sont dictées par les lois de Newton. Déterminisme classique La deuxième loi de Newton F = ma constitue un ensemble de trois équations différentielles couplées pour la position r d’une particule, où l’on suppose que la force F est une fonction de la position et, à la rigueur, de la vitesse de la particule. La solution de ce système d’équations différentielles est déterminée uniquement par 6 conditions initiales, soit les trois composantes de la position initiale et les trois composantes de la vitesse initiale. Le terme “initial” réfère ici à une “époque” donnée, un temps de référence t0 . Dans le cas d’un satellite, les six conditions initiales constituent les éléments de l’orbite. S’il y a plus d’une particule en jeu (c’est-à-dire si le mouvement de la particule affecte le mouvement des autres objets présents), alors il faut appliquer F = ma à chacune des N particules en jeu, ce qui mène à 3N équations différentielles du deuxième ordre couplées, nécéssitant la donnée de 6N conditions initiales. Une fois ces conditions spécifiées, l’avenir du système est complètement déterminé : c’est le “déterminisme classique”. Notons que ce n’est qu’un déterminisme de principe et non pratique, car beaucoup de systèmes mécaniques ont un comportement chaotique, ce qui fait que d’infimes variations dans les conditions initiales peuvent avoir de très grandes conséquences à long terme. 1.2 Lois de conservation L’analyse de problèmes mécaniques est beaucoup simplifiée par l’existence de lois de conservation, résultant généralement de symétries : homogénéité de l’espace, du temps, isotropie de l’espace, etc. Conservation de l’énergie La plus connue de ces lois est la conservation de l’énergie. En mécanique, ce principe de conservation n’est utile qu’en l’absence de processus dissipatifs (de type frottement) car autrement les formes microscopiques d’énergie (la chaleur) doivent être considérées. La conservation de l’énergie demande que les forces en présence puissent être dérivées d’un potentiel,1 c’est-à-dire 1 Ou qu’elles soient perpendiculaires à la vitesse, comme la force magnétique sur une particule chargée électriquement. 4 qu’elles soient les gradients d’une fonction : F = −∇U (r) ou Fx = − ∂U ∂U ∂U , Fy = − , Fz = − ∂x ∂y ∂z (1.2) C’est le cas des forces fondamentales, dont la gravitation. Sous l’influence d’une telle force, la vitesse d’une particule change, mais l’énergie totale, définie comme 1 (1.3) E = mv2 + U (r) , 2 reste constante. Pour démontrer ce fait, il suffit de vérifier que la dérivée par rapport au temps de E s’annule lorsqu’on applique la deuxième loi de Newton : " # d 1 dE 2 = mv + U (r) dt dt 2 (1.4) dr dv + ∇U (r) · = mv · dt dt = v · (ma − F) = 0 Le premier terme ( 12 mv2 ) est appelé énergie cinétique et le second (U (r)) énergie potentielle. Conservation du moment cinétique Le moment cinétique d’une particule est défini comme J = mr ∧ v (1.5) où ∧ symbolise le produit vectoriel. Le moment cinétique est conservé dans le temps si la force qui agit sur la particule est centrale, c’est-à-dire toujours dirigée vers l’origine (le centre d’attraction). En effet, en vertu de la règle d’enchaı̂nement, dr dv dJ = m ∧ v + mr ∧ = mv ∧ v + mr ∧ a = 0 dt dt dt (1.6) Le premier terme s’annule identiquement et le deuxième s’annule si la force est centrale, c’est-à-dire si a est parallèle à r. La conservation du moment cinétique est très importante dams l’étude du problème à deux corps car elle est à la base de la deuxième loi de Kepler. 1.3 Le champ de gravitation terrestre La force de gravité La force dominante dans le mouvement des astres et de tous les objets macroscopiques suffisamment éloignés les uns des autres est la force de gravité, formulée par Newton : deux objets de masses m1 et m2 exercent l’un sur l’autre une force d’attraction dirigée selon la droite qui les relie, 5 proportionnelle au produit de leurs masses et `a l’inverse du carré de la distance qui les sépare : F12 = −G m1 m2 m1 m2 r̂12 = −G (r − r2 ) 2 r12 |r1 − r2 |3 1 (1.7) où F12 : force exercée sur l’objet 1 par l’objet 2. m1 , m2 : masses des objets 1 et 2. r12 : distance entre les objets 1 et 2. r̂12 : vecteur unité dirigé de l’objet 2 vers l’objet 1. G: constante de Cavendish (6, 67 × 10−11 Nm2 /kg2 ). $ i mi (r − ri ) |r − ri |3 (1.8) La force gravitationnelle est conservative, c’est-à-dire qu’elle dérive d’un potentiel. En effet, on montre facilement que (1.9) $ i mi |r − ri | (1.10) On définit un potentiel gravitationnel V qui ne comprend pas le facteur m, de sorte que le champ gravitationnel est g = −∇V : V (r) = $ m U i = −G m |r − ri | i (1.12) V (r) = −G M⊕ r (1.13) Comme la Terre n’est qu’approximativement sphérique, son champ gravitationnel comporte des corrections qui varient en fonction de r comme 1/r 3 , 1/r 4 , etc, accompagnées de dépendances angulaires. Ces corrections perturbent considérablement l’orbite elliptique des satellites artificiels. En fonction de la densité ρ(r) de la Terre à une position r à l’intérieur de la Terre, le potentiel gravitationnel V (r) à l’extérieur de la Terre s’exprime comme une intégrale : % ρ(r% ) (1.14) V (r) = G d3 r % |r − r% | En substituant le célèbre développement en harmoniques sphériques " % #l 1 $ 4π r 1 ∗ = Ylm (θ % , ϕ% )Ylm (θ, ϕ) % |r − r | r 2l + 1 r (1.15) l,m on trouve % $ 4π 1 ∗ Y (θ, ϕ) d3 r % ρ(r% )(r % )l Ylm (θ % , ϕ% ) V (r) = G 2l + 1 r l+1 lm (1.16) l,m et donc l’énergie potentielle d’une masse m en présence d’une distribution de masses mi (i = 1, 2, . . .) est U (r) = −Gm r̂ r2 où M⊕ est la masse de la Terre et r est la distance au géocentre. Le potentiel gravitationnel correspondant est Ceci rend compte du fait que tous les objets “tombent” de la même manière, quelle que soit leur masse, si seules les forces gravitationnelles sont en cause. C’est aussi la base du principe d’équivalence d’Einstein, qui lui permit d’élaborer la théorie de la relativité générale. L’accélération g causée par une distribution de masse est appelée le champ gravitationnel de cette distribution. 1 1 (r − r% ) = −∇ |r − r% |3 |r − r% | Le potentiel gravitationnel d’une planète aplatie La formule (1.7) ne vaut a priori que pour des particules ponctuelles. Mais Newton a aussi démontré qu’un objet dont la masse est répartie avec symétrie sphérique produit un champ gravitationnel comme si toute sa masse était concentrée en son centre. En première approximation, le champ gravitationnel terrestre g est donc g(r) = −GM⊕ La caractéristique fondamentale de la force gravitationnelle est qu’elle est proportionnelle à la masse de la particule qui subit la force, de sorte que l’accélération de cette particule est la même quelle que soit sa masse. Ainsi, l’accélération d’une particule de masse m située au point r et mise en présence de masses ponctuelles mi (i = 1, 2, . . .) dont les positions sont ri est g=G 6 (1.11) où θ et ϕ sont respectivement les angles polaire et azimutal (θ est mesuré à partir du pôle). Supposons toutefois que la Terre a une symétrie azimutale, c’est-à-dire qu’elle possède une axe de symétrie de rotation : son axe polaire. En coordonnées polaires, ceci signifie que sa densité interne ρ(r, θ) ne dépend que de la coordonnée radiale r et de l’angle polaire θ. Dans ce cas, seuls les termes avec m = 0 contribuent. Comme & 2l + 1 P (cos θ) (1.17) Yl0 (θ, ϕ) = 4π l où Pl (x) est le polynôme de Legendre d’ordre l, on trouve $ P (cos θ) % l V (r) = G d3 r % ρ(r % , θ %)Pl (cos θ % ) r l+1 l=0 (1.18) 7 Signalons qu’on peut aussi utiliser la déclinaison δ (mesurée à partir de l’équateur), telle que sin δ = cos θ. Rappelons aussi la forme explicite des premiers polynômes de Legendre ; P0 (t) = 1 P1 (t) = t 1 P2 (t) = (3t2 − 1) 2 1 3 P3 (t) = (5t − 3t) 2 (1.19) Remarques : 1. Le premier terme de cette série (l = 0) représente la contribution d’une Terre parfaitement sphérique et est de loin le plus important : % GM⊕ G d3 r % ρ(r % , δ % ) = (1.20) V (l=0) = r r 2. Le deuxième terme (l = 1) est nul si on place l’origine des coordonnées au centre de masse de la Terre. 3. Le troisième terme (l = 2) décrit l’aplatissement de la Terre : % 1 1 1 (1.21) d3 r % ρ(r % , δ % )(3 sin2 δ % − 1) V (l=2) = G(3 sin2 δ − 1) 3 2 r 2 on voit que si la Terre est aplatie, cette contribution est négative (elle serait positive si la Terre était alongée). 4. Le quatrième terme (l = 3) décrit l’asymétrie de la Terre entre les hémisphères nord et sud. Pour simplifier, on écrira le potentiel gravitationnel de la Terre comme ' ( " #2 " #3 R R µ 1 − J2 P2 (sin δ) − J3 P3 (sin δ) − · · · (1.22) V =− r r r où les coefficients Jn sont sans dimension (sans unités), R est le rayon moyen de la Terre et µ = GM⊕ . J2 est de l’ordre de 10−3 , alors que J3 est plutôt de l’ordre de 10−6 . 8 important que celui de J3 . Autre paradoxe: le centre de masse Terre-Lune est situé à l’intérieur de la Terre, mais à environ 4 000 km de son centre (les 2/3 de son rayon). La Terre tourne donc autour de ce point en un mois. Pourquoi alors accorder une importance particulière au géocentre? D’autant plus que ce même centre de masse Terre-Lune est en orbite autour du Soleil et se déplace donc à une vitesse considérable. . . Ces soucis sont cependant injustifiés, car un satellite subit du Soleil et de la Lune le même champ gravitationnel que la Terre, à peu de choses près. C’est ce “peu de choses” qu’il faut définir. La différence entre le champ gravitationnel causé par un astre au centre de la Terre et le même champ à la position du satellite est appelée force de marée. C’est effectivement cette différence qui cause les marées et son effet sur un satellite en orbite est assez faible, quoique croissant rapidement avec le rayon de son orbite. En somme, plus le satellite est éloigné de la Terre, moins les perturbations associées à l’aplatissement de la Terre sont importantes et plus celles causées par les autres astres sont importantes. Tableau 1.1 Calcul de la force de marée causée par le Soleil, la Lune et Jupiter, sur un objet situé à la surface de la Terre. astre Soleil Lune Jupiter distance (m) 1, 5 × 10 11 3, 4 × 108 7, 8 × 1011 masse (kg) 2 × 10 30 7, 3 × 1022 1, 9 × 1027 6, 1 × 10 −4 2, 6 × 10−8 4, 3 × 10−6 8, 1 × 10−8 2, 1 × 10−8 1, 7 × 10−13 1.5 L’effet de trainée L’effet de trainée de la haute atmosphère est le facteur principal qui fait perdre au satellite son énergie et qui le fait éventuellement s’écraser sur la Terre ou se désintégrer dans l’atmosphère. Cet effet est difficile à décrire en détail car il dépend de la forme précise du satellite, de son orientation et de la densité de l’atmosphère qui, elle, dépend de l’altitude. Cependant, il est relativement simple de démontrer qu’un objet se déplaçant dans un gaz relativement raréfié au repos subit une force de résistance (provenant des collisions avec les molécules du gaz) proportionnelle à la densité du gaz, au carré de la vitesse de l’objet et à la section (aire transversale) du satellite. On décrit cette force par l’équation suivante : 1.4 L’influence des autres astres À première vue, il peut sembler curieux de tenir compte des effets de la forme aplatie de la Terre (en particulier de J3 , qui est très petit) sur le mouvement d’un satellite et de ne pas tenir compte de l’influence des autres astres, en particulier du Soleil et de la Lune. En effet, le champ gravitationnel du Soleil à la position de la Terre est environ 6 × 10−4 g0 , où g0 est le champ gravitationnel de la Terre à sa surface (9,8 m/s2 ). Cet effet semble donc plus force de marée g/g0 F= 1 C Aρv2 2 D (1.23) où CD est un coefficient sans dimension, qui dépend surtout du libre parcours moyen ' des molécules de l’atmosphère (CD = 2 quand ' est grand en comparaison de la taille du satellite et CD = 1 dans le cas contraire). 9 2. Le problème de Kepler 2.1 Démonstration des trois lois de Kepler Énoncé des lois de Kepler Dans l’histoire de la mécanique, le problème de Kepler, c’est-à-dire le calcul de l’orbite d’une particule sous l’influence d’une force centrale en inverse du carré de la distance, occupe une place très importante. L’astronome allemand Johannes Kepler énonça trois lois qui portent son nom en 1609 (lois I et II) et 1618 (loi III), sur le mouvement des planètes du système solaire : 1. Les planètes décrivent des orbites elliptiques dont le Soleil occupe l’un des foyers. 2. En des temps égaux, les rayons des planètes balaient des aires égales (loi des aires). 3. Le rapport du carré de la période au cube du demi grand axe de l’ellipse (T 2 /a3 ) est le même pour toutes les planètes. Kepler parvint à énoncer ces lois à partir de l’observation seule : ce sont des lois empiriques. C’est Newton qui va démontrer mathématiquement, vers 1686, que les trois lois de Kepler découlent des lois générales du mouvement et de la force de gravité en inverse du carré de la distance (1/r2 ). C B D F A Figure 2.1. Illustration de la loi des aires pour une orbite elliptique. Le foyer F est à l’origine. Les aires des secteurs AFB et CFD sont égales, si les temps pour aller de A à B et de C à D sont égaux. Nous allons nous intéresser au mouvement d’un objet ponctuel de masse m, se déplaçant dans le champ gravitationnel d’un astre de masse m% produisant un champ gravitationnel à symétrie sphérique (on laisse tomber J2 , J3 , etc.). On supposera que m% ( m, de sorte que l’astre est à toutes fins pratiques fixe. Nous allons démontrer les trois lois de Kepler pour ce système, plus certaines autres caractéristiques du mouvement de l’objet. Premièrement, plaçons le centre d’attraction (i.e. le géocentre) à l’origine des coordonnées. Puisque la force exercée sur l’objet est centrale, le moment cinétique J = mr ∧ v de l’objet est constant, ce qui signifie que l’objet se 10 déplace toujours dans le plan perpendiculaire à J (sa position et sa vitesse sont constamment perpendiculaires à J). Ce plan est appelé plan orbital. Utilisons sur ce plan les coordonnées polaires planes (r, ϕ). La vitesse d’un objet se décompose alors de la manière suivante : v = ṙr̂ + r ϕ̇ϕ̂ (2.1) où r̂ et ϕ̂ sont les vecteurs unitaires dans les directions radiale et azimutale respectivement. Comme la position de l’objet est r = rr̂, le moment cinétique s’exprime alors ainsi : J = mrr̂ ∧ (ṙr̂ + r ϕ̇ϕ̂) = mr2 ϕ̇ẑ = mhẑ (h = r 2 ϕ̇) (2.2) D’autre part, en posant µ = Gm% , l’énergie totale de l’objet est 1 µm mv2 − 2 r 1 µm = m(ṙr̂ + r ϕ̇ϕ̂)2 − 2 r 1 1 µm = mṙ 2 + mr2 ϕ̇2 − 2 2 r 2 1 h 1 µm = mṙ 2 + m 2 − 2 2 r r E= (2.3) où nous avons exprimé le deuxième terme en fonction de la constante du mouvement h. Comme E et h sont des constantes (elles ne dépendent que des conditions initiales du mouvement), il est utile d’isoler ṙ, dans le but d’obtenir une expression intégrable pour r : & 2E 2µ h2 + − 2 ṙ = (2.4) m r r Dans un premier temps, nous allons déterminer la forme de l’orbite, sans se soucier de déterminer à quel instant telle partie de l’orbite est parcourue. Autrement dit, nous allons éliminer le temps du problème. À cette fin, nous exprimons la différentielle dr en fonction de dt et des constantes du mouvement E et h: dr (2.5) dt = & 2µ h2 2E + − 2 m r r remarquons ensuite que h = r 2 ϕ̇ =⇒ dt = r2 dϕ h (2.6) On peut donc récrire (2.5) ainsi : dϕ = & dr 2µr 3 2Er 4 + 2 − r2 2 mh h (2.7) 11 12 Notons que la quantité h2 /µ a les unités d’une longueur. Définissons ensuite la variable u ≡ h2 /µr, telle que du = −µu2 dr/h2. La relation (2.7) devient 2h2 E + 2u − u2 mµ2 r (2.8) aphélie du a F (2.9) on trouve alors du dϕ = − * e2 − (u − 1)2 où on a défini e≡ ) 1+ L’intégrale se fait maintenant facilement : " 2Eh2 µ2 m (2.10) (2.11) 1−u ϕ = −arccos e +ω (2.12) où ω est une constante d’intégration. On peut alors écrire u = 1 + e cos(ϕ − ω) =⇒ h2 /µ r(ϕ) = 1 + e cos(ϕ − ω) (2.13) Il s’agit là de l’équation d’une section conique (ou simplement, d’une conique) en coordonnées polaires, avec l’origine au foyer. Rappelons qu’une conique est la courbe d’intersection d’un cône avec un plan. Le paramètre e est appelé excentricité. Si 0 ≤ e < 1, la conique est une ellipse (un cercle si e = 0); si e > 1, il s’agit d’une hyperbole à deux branches; si e = 1, il s’agit d’une parabole. 1 Figure 2.2. Description d’une ellipse en coordonnées polaires (r, ϕ), avec l’un des foyers (F ) comme origine. Le demi grand axe a, le demi petit axe b et c = ea sont indiqués. On a posé ω = 0. Correspondance avec les coordonnées cartésiennes Pour démontrer que l’éq. (2.13) décrit bien une ellipse, une parabole ou ou hyperbole, nous devons comparer cette équation à l’expression plus connue de ces courbes en coordonnées cartésiennes. À cette fin, posons ω = 0 pour simplifier, récrivons cette équation comme r = r0 − re cos ϕ (ou r0 = h2 /µ) et substituons les coordonnées cartésiennes x = r cos ϕ et y = r sin ϕ: ou encore # La différence entre arccos et arcsin n’est qu’une constante (π/2). Il est conventionnel d’utiliser arccos ici. F c b r = r0 − ex 1 ϕ ! Il est maintenant possible de compléter le carré figurant au dénominateur : 2h2 E 2h2 E + 2u − u2 = −(u − 1)2 + 1 + 2 mµ mµ2 périhélie dϕ = − ) P =⇒ r 2 = x2 + y2 = r02 + e2 x2 − 2r0 ex x2 (1 − e2 ) + 2r0 ex + y2 = r02 (2.14) (2.15) Complétons le carré de l’expression en x : " #2 er0 e2 r02 + y2 = r02 + r02 = (1 − e2 ) x + 2 2 1−e 1−e 1 − e2 (2.16) Définissons maintenant la coordonnées x% obtenue de x par une translation de c = er0 /(1 − e2 ): er0 c= (2.17) x% = x + c 1 − e2 L’équation de la courbe se ramène alors à x%2 y2 + =1 2 r0 r02 (1 − e2 )2 (1 − e2 ) (2.18) Considérons mainenant les trois cas possibles : 1. e < 1. Dans ce cas, on peut définir a= h2 /µ 1 − e2 h2 /µ b= √ 1 − e2 c = ae = * a 2 − b2 (2.19) 13 et l’équation de la courbe correspond bien à celle d’une ellipse centrée en x% = 0, y = 0 : x%2 y2 + 2 =1 (2.20) a2 b Le paramètre a est alors le demi grand axe de l’ellipse et b est le demi petit axe. En particulier, si e = 0, la courbe est un cercle de rayon a = b. 2. e > 1. On définit plutôt a= h2 /µ e2 − 1 h2 /µ b= √ e2 − 1 2 x y − 2 =1 a2 b (2.22) L’hyperbole admet une asymptote à un angle ϕ∞ = ±arccos(−1/e) par rapport au foyer. 3. e = 1. Il s’agit du cas limite entre une ellipse et une hyperbole. On ne peut utiliser l’éq. (2.18) directement car on y a divisé par 1 − e2 . Retournons plutôt à l’expression (2.15). On trouve alors x=− r y2 + 0 2r0 2 r ϕ F F ! (2.21) et l’équation de la courbe correspond bien à celle d’une hyperbole à deux branches centrée en x% = 0, y = 0 : %2 14 (2.23) C’est l’équation d’une parabole, tournée d’un angle droit par rapport à sa définition habituelle (x en fonction de y au lieu du contraire). L’origine x = y = 0 est le foyer de la parabole. Figure 2.3. Description d’une trajectoire hyperbolique en coordonnées polaires, avec un des foyers comme origine. L’autre moitié de l’hyperbole (en pointillé) n’est pas parcourue par l’objet. Deuxième loi de Kepler La deuxième loi de Kepler stipule que le rayon vecteur r de l’objet balaie des aires égales en des temps égaux. Considérons la position r de l’objet à un temps t, ainsi que sa position r + dr à un temps t + dt. En raison du caractère infinitésimal de dt, l’aire balayée pendant ce temps est l’aire d’un triangle formé par les vecteurs r, r + dr et dr, où dr = vdt. L’aire de ce triangle est la moitié de l’aire du parallélograme défini par r et r + vdt, qui est donnée par la grandeur du produit vectoriel r ∧ (r + vdt) = r ∧ vdt. Or, la grandeur de ce vecteur est justement hdt. La vitesse aréolaire, c’est-à-dire l’aire balayée par unité de temps, est donc égale à h/2 et est constante. Ceci constitue la deuxième loi de Kepler, valable pour tout mouvement dans un champ de force central, pas nécessairement en 1/r2 . C’est l’énergie de l’objet qui détermine le type de trajectoire suivi : 1. Si l’énergie de l’objet est négative (E < 0), alors l’excentricité e est plus petite que 1 et la trajectoire de l’objet est elliptique avec le centre d’attraction à l’un des foyers. C’est précisément la première loi de Kepler. Notons que l’énergie de l’objet peut s’exprimer en fonction de a seulement : mµ (2.24) E=− 2a Troisième loi de Kepler La troisième loi de Kepler stipule que le carré de la période de l’orbite elliptique d’une planète est proportionnelle au cube du demi grand-axe, la constante de proportionalité étant la même pour toutes les planètes. 2. Si l’énergie est positive (E > 0), alors l’excentricité est plus grande que 1 et la trajectoire est hyperbolique. La particule ne parcourt qu’une seule branche de l’hyperbole, avec une asymptote à ϕ = ±arccos(−1/e). Voir à cet effet la Fig. 2.3. 3. Si l’énergie est nulle (E = 0), la trajectoire est parabolique. Il est clair que ce cas est une singularité mathématique mais on dit qu’une comète a une trajectoire parabolique si la mesure des paramètres de son orbite mène à une excentricité compatible avec e = 1, à l’intérieur des marges d’erreurs. Mais r 2 dϕ est égal à deux fois l’aire balayée par le rayon-vecteur entre l’angle ϕ et l’angle ϕ + dϕ. On peut donc écrire 2 T = × aire de l’ellipse (2.26) h La période de l’orbite est égale à % % 2π 1 2π 2 dt dϕ = r (ϕ)dϕ T = dϕ h 0 0 (2.25) Comme l’aire d’une ellipse est égale à πab = πh4 /µ2 (1 − e2 )3/2 , on trouve finalement h3 2π 2π T = 2 = √ a3/2 (2.27) µ (1 − e2 )3/2 µ 15 Si on définit n = 2π/T (la vitesse angulaire moyenne de l’objet, aussi appelée mouvement moyen), alors la troisième loi de Kepler s’écrit ainsi : n 2 a3 = µ (2.28) Le point important ici est que, pour une astre central donné, le carré de la période ne dépend que du demi grand axe a et rien d’autre. Autrement dit, toutes les orbites ayant une valeur fixe de a ont la même période, quelle que soit leur excentricité e. 2.2 Vitesse de l’objet en orbite 16 Il est aussi utile de connaı̂tre la direction de la vitesse de l’objet, par rapport à la direction de son rayon-vecteur. Soit φ l’angle entre la vitesse v et le vecteur position r de l’objet. Comme la grandeur du produit vectoriel est |r ∧ v| = rv sin φ et connaissant la grandeur de v, on en déduit que sin2 φ = e= 1+ 2Eh2 µ2 m a= h2 /µ 1 − e2 (2.29) (2.34) Enfin, l’angle f entre la position de l’objet et le rayon vecteur du périgée est appelé l’anomalie vraie: f ≡ ϕ − ω. En fonction de a, l’équation de l’orbite devient r= Les paramètres de l’ellipse (le demi grand axe a et l’excentricité e) sont déterminés par l’énergie totale E et par h : ) h2 a2 (1 − e2 ) = 2 2 r v r(2a − r) a(1 − e2 ) 1 + e cos f (2.35) 2.3 Éléments d’une orbite elliptique Inversement, nous pouvons exprimer E et h en fonction de a et e : E=− µm 2a h= * µa(1 − e2 ) orbite (2.30) ita En fonction de ces paramètres, l’équation de l’orbite (2.13) s’écrit ainsi : r(ϕ) = a 1 − e2 1 + e cos(ϕ − ω) n pla h vp = = rp ) µm r et donc v2 = µ " point vernal Figure 2.4. Description d’une orbite elliptique dans l’espace. µ(1 + e) a(1 − e) (2.32) Plus généralement, la vitesse de l’objet se trouve facilement en fonction de sa distance r, car l’énergie totale est simplement E = 12 mv2 − plan équatorial euds µ(1 − e) a(1 + e) ω périgée o des n ) Ω f l ligne Selon cette équation, le périgée de l’orbite – le point le plus rapproché du centre d’attraction – se trouve à ϕ = ω, soit à une distance ra = a(1 − e) = a − c. Pour cette raison, la constante ω est appelée argument du périgée. De même, l’apogée – le point le plus éloigné – se trouve à ϕ = ω + π, à une distance rp = a(1 + e) = a + c. À ces deux points le vecteur vitesse est perpendiculaire au rayon vecteur et donc la grandeur du moment cinétique est simplement le produit mvr = mh. On obtient donc, pour l’apogée et le périgée, respectivement, h = va = ra i (2.31) orb 2 1 − r a # (2.33) Pour spécifier complètement une orbite dans l’espace, il faut donner non seulement les paramètres a et e, mais aussi le plan de l’orbite et l’orientation de l’ellipse dans ce plan. La Fig. 2.4 illustre les paramètres couramment utilisés à cette fin. L’inclinaison i de l’orbite est l’angle entre le plan de l’orbite et le plan équatorial – le plan de l’orbite terrestre (l’écliptique) dans le cas d’une planète ou le plan de l’équateur terrestre dans le cas d’un satellite artificiel de la Terre. La ligne des noeuds est l’intersection de 17 ces deux plans. La longitude2 du noeud ascendant Ω est l’angle entre une direction de référence sur le plan équatorial (le point vernal) et la ligne des noeuds, plus précisément le point où l’orbite traverse le plan équatorial vers le haut. L’angle ω entre la ligne des noeuds et le périgée de l’orbite est l’argument du périgée. Il faut aussi spécifier le moment précis τ où l’objet est passé au périgée (disons, la dernière fois avant l’époque). L’ensemble des six quantités i , Ω , ω , a , e , τ (2.36) sont ce qu’on appelle les éléments de l’orbite elliptique et permettent en principe de trouver la position précise d’un objet (planète, astéroı̈de, satellite, etc.) dans l’espace, à tout instant, du moins dans le cadre du modèle à deux corps. Cependant, il faut garder à l’esprit que les éléments d’un orbite réelle ne sont pas constants, en raison des perturbations causées par les autres planètes ou par d’autres objets. Ainsi, certains éléments, en particulier ω et Ω, ont des variations lentes et progressives dites séculaires. On utilise souvent un ensemble différent d’éléments, dans lequel ω et τ sont remplacés par + et ε, définis comme suit : + = Ω+ω ε = + − nτ (2.37) (2.38) et la longitude vraie ' comme ' =Ω+ω+f =++f (2.39) 2.4 Équation de Kepler L’équation de l’ellipse nous donne la distance r en fonction de l’anomalie vraie f, mais pas le temps écoulé depuis le passage au périgée. Le temps peut s’obtenir à l’aide de l’équation de Kepler, que nous allons démontrer dans cette section. On commence par définir l’anomalie excentrique E, selon la figure 2.6: Le centre d’attraction étant au foyer F et l’objet au point P, traçons un cercle de rayon a concentrique à l’ellipse et traçons une droite RQ parallèle au petit axe de l’ellipse et passant par le point P. Cette droite croise le cercle au point Q. L’anomalie excentrique E est l’angle . RCQ. On dit aussi ascension droite au lieu de longitude. Démonstration : FR = CR − CF = a cos E − ae (2.41) r cos f = a(cos E − e) (2.42) mais FR = r cos f et donc D’autre part, en vertu d’une propriété simple de l’ellipse et de son cercle concentrique, * b PR = = 1 − e2 (2.43) QR a donc * r sin f = 1 − e2 a sin E =⇒ r sin f = a * 1 − e2 sin E (2.44) r 2 = a2 (cos2 E + e2 − 2e cos E + [1 − e2 ] sin2 E) r = a(1 − e cos E) =⇒ (2.45) Par une relation trigonométrique standard, et en utilisant (2.42) et (2.45), Donc ε est la longitude moyenne à l’époque (c’est-à-dire à t = 0) et + est la longitude du périgée. Notons que cette longitude est définie de manière inhabituelle, en comptant l’angle Ω le long de l’équateur céleste et l’angle ω dans le plan orbital. 2 Démontrons la relation suivante entre l’anomalie excentrique et l’anomalie vraie : & f E 1−e tan tan = (2.40) 2 1+e 2 En mettant au carré et en additionnant le carré de (2.42), on trouve Plus généralement, on définit la longitude moyenne L comme L = Ω + ω + n(t − τ) = + + M 18 2r sin2 (f/2) = r(1 − cos f) = a(1 − e cos E) − a(cos E − e) = a(1 + e)(1 − cos E) = 2a(1 + e) sin2 (E/2) (2.46) De même, on trouve 2r cos2 (f/2) = r(1 + cos f) = a(1 − e cos E) + a(cos E − e) = a(1 − e)(1 + cos E) = 2a(1 − e) cos2 (E/2) (2.47) La racine carrée du rapport des deux dernières équations donne bien f tan = 2 & E 1+e tan 1−e 2 (2.48) Nous allons maintenant démontrer l’équation de Kepler proprement dite. Par la deuxième loi de Kepler, t−τ aire(FPA) = aire de l’ellipse T (2.49) 19 20 Comme aire(FRP)= 12 r 2 sin f cos f, on trouve B 1 2 1 r sin f cos f + ab(E − sin E cos E) 2 2 1 * 1 = a2 1 − e2 (cos E − e) sin E + ab(E − sin E cos E) 2 2 1 = ab(E − e sin E) 2 1 = abM 2 aire(FPA) = Q P a r C E F f R A (2.55) et donc M = E − e sin E (2.56) Il s’agit de l’équation de Kepler, qui nous permet, en fonction de M (donc du temps t) de calculer E et ensuite f (par l’éq. (2.40)). Notons que, dans le cas d’une orbite circulaire, les trois anomalies (vraie, excentrique et moyenne) se confondent, mais elles sont toutes les trois différentes dans une orbite elliptique (anomalie est simplement un synonyme d’angle dans ce contexte). Figure 2.5. Diagramme explicatif accompagnant l’équation de Kepler. où τ est le temps de passage au périgée et T la période de l’orbite. Exprimé autrement, 1 πab(t − τ) = abM (2.50) aire(FPA) = T 2 où M est l’anomalie moyenne, le temps écoulé depuis le passage au périgée, exprimé de manière angulaire, c’est-à-dire en fraction de période (×2π). On écrit aussi M = n(t − τ) (2.51) L’aire FPA peut se calculer ainsi : (2.52) D’autre part, b aire(ARQ) a (2.53) ce qui se démontre en divisant l’aire en languettes verticales infinitésimales.3 Aussi, aire(ARQ) = aire(ACQ) − aire(RCQ) = 3 f 2.5 E 2 1 2 1 a E − a2 sin E cos E 2 2 Cette technique fait de Kepler l’un des précurseurs du calcul intégral. (2.54) e = 0,9 M 1.5 1 0.5 0.5 aire(FPA) = aire(FRP) + aire(ARP) aire(ARP) = 3 1 1.5 2 2.5 M 3 Figure 2.6. Solution numérique de l’équation de Kepler pour une excentricité e = 0, 9, présentée pour M ∈ [0, π] (la solution pour M ∈ [−π, 0] s’obtient par réflexion : les fonction f (M ) et E(M ) sont impaires). On remarque que f varie rapidement près du périgée (M = 0) et lentement près de l’apogée (M = π). L’équation de Kepler (2.56) est transcendante et ne peut être résolue que numériquement. Dans le cas de petites excentricités, la méthode de récurrence est la plus indiquée. On récrit l’équation de Kepler ainsi : E = M + e sin E (2.57) On procède ensuite par approximations successives, en posant comme première solution approchée E0 = M. Ensuite, on substitue cette solution 21 22 dans l’équation et on recommence le processus. On obtient ainsi une suite de solutions approchées, qui converge vers la solution exacte : 1. 2. 3. 4. 5. E0 = M E1 = M + e sin E0 = M + e sin M E2 = M + e sin E1 = M + e sin(M + e sin M) etc. (2.58) Cet algorithme, par sa nature itérative, est particulièrement adapté à une solution par ordinateur. Un graphique illustrant les valeurs relatives de M, E et f est présenté à la figure 2.6. Une expression de l’anomalie vraie f en fonction de l’anomalie moyenne M existe aussi sous la forme d’une série de Fourier dont les coefficients sont des fonctions de Bessel. On démontre que ∞ 2(1 − e2 ) $ Jk (ke) cos(kM) cos f = −e + e k=1 ∞ * $ 1 d J (ke) sin(kM) sin f = 2 1 − e2 k de k (2.59) 2.5 Sommaire des relations importantes Résumons ici les principales relations déduites dans ce qui précède et qui nous permettent de calculer la position d’un objet en orbite elliptique en tout temps : tan 3. La théorie des perturbations Le nombre de systèmes mécaniques qui admettent une solution analytique complète comme le problème de Kepler est très petit. En général, il faut avoir recours à des méthodes approximatives de solution. Supposons donc que la force par unité de masse agissant sur un objet est la somme de deux termes : f = f0 + f1 k=1 a(1 − e2 ) 1 + e cos f = a(1 − e cos E) & f 1−e = tan 1+e 2 = E − e sin E = n(t − τ) = µa(1 − e2 ) # " 2 1 − =µ r a Calculer n en appliquant la troisième loi de Kepler (2.67). Calculer l’anomalie moyenne M par l’éq. (2.64). Calculer E en résolvant l’équation de Kepler (2.63). Calculer r en utilisant l’éq. (2.61). Calculer la position angulaire ω + f de l’objet en calculant f par l’éq. (2.62). 6. Calculer la vitesse v en utilisant (2.66). 7. Calculer la direction de la vitesse en utilisant (2.68). 8. Connaissant les coordonnées de l’objet dans le plan orbital, convertir ces données en déclinaison et ascention droite en se servant de i et Ω. (3.1) On suppose que le problème régi par la force f0 admet une solution analytique connue, alors que le problème complet est insoluble. Si la force f1 est petite en comparaison de f0 (supposons qu’elle est proportionnelle à un petit paramètre γ), alors on peut tenter d’obtenir une solution aux équations du mouvement sous forme d’une série de puissances de γ, dont seuls les premiers termes seront calculés. On appelle théorie des perturbations une méthode qui repose sur un tel développement en série. r= (2.60) r (2.61) 3.1 La méthode de variation des constantes (2.62) Supposons que la solution exacte du problème non perturbé (force f0 ) soit une fonction r(t, αi ), où les 6 paramètres αi sont les éléments de l’orbite, déterminés par les conditions initiales (dans ce qui suit, nous considérons un problème général, pas nécessairement du type orbital). La vitesse de l’objet s’obtient par différentiation et est aussi une fonction des paramètres αi et du temps : v(t, αi ). Les paramètres αi sont des constantes si seule la force f0 est en action. Maintenant, si la perturbation f1 est en action, la trajectoire peut encore être décrite par la fonction r(t, αi ), à condition de supposer que les paramètres αi sont des fonctions du temps. Si la perturbation est petite, les αi varient lentement dans le temps. Cette façon de considérer la trajectoire perturbée est appelée la méthode de “variation des constantes” ou de “variation des paramètres” (un titre un peu paradoxal). E 2 M M h2 v2 n 2 a3 = µ a2 (1 − e2 ) sin2 φ = r(2a − r) (2.63) (2.64) (2.65) (2.66) (2.67) (2.68) Les équations ci-dessus nous permettent de déterminer la position et la vitesse de l’objet en orbite, connaissant les six éléments (a, e, τ, i, ω, Ω). On peut suivre les étapes suivantes : Plus précisément, l’équation du mouvement prend la forme r̈ = f0 (r) + f1 (r) (3.2) 23 Considérons la fonction r(t, αi ) comme un changement de variables, qui nous fait passer d’un système de 3 équations différentielles du deuxième ordre pour r(t) à un système de 6 équations différentielles du premier ordre pour les 6 paramètres αi . Dans cette optique, les dérivées totales par rapport au temps de r et v comportent une partie explicite et une partie implicite : ∂r $ ∂r dr = + α̇ dt ∂t ∂αi i i (3.3) ∂v $ ∂v dv = + α̇i dt ∂t ∂αi i L’une des conditions de ce changement de variables est que la vitesse ṙ(t) ainsi calculée coı̈ncide avec la fonction v(t, αi ). Ceci signifie que les paramètres αi , à un instant donné, reproduisent fidèlement la vitesse de l’objet. Autrement dit, si on tient compte de l’évolution temporelle des αi et que la perturbation disparaı̂t subitement au temps t0 , alors la trajectoire de la particule aux temps ultérieurs sera exactement décrite par la fonction r(t, αi (t0 )). On dit alors que les paramètres αi décrivent en tout temps une orbite osculatrice à l’orbite véritable. Mathématiquement, cette condition se résume à ṙ = ∂r/∂t, ou $ ∂r α̇ = 0 (3.4) ∂αi i i orbites osculatrices 24 D’autre part, l’équation du mouvement prend la forme ∂v $ ∂v dv = + α̇ = f0 (r) + f1 (r) dt ∂t ∂αi i Or, le mouvement non perturbé (avec des αi constants) est justement une solution de l’équation ∂v = f0 (3.6) ∂t Il reste donc l’équation $ ∂v α̇ = f1 (r) (3.7) ∂αi i i Les équations (3.4) et (3.7) forment un ensemble de 6 équations linéaires pour les dérivées α̇i , équations qu’il est possible de solutionner par les méthodes matricielles standards afin d’isoler les α̇i en fonction des αi et des paramètres de la perturbation f1 . Les équations résultantes sont exactes, c’est-à-dire qu’aucune approximation n’a été faite. On peut les écrire sous la forme suivante : (3.8) α̇i = γfi (αj , t) où γ est le petit paramètre qui caractérise la perturbation f1 . La solution approximative s’obtient en supposant un développement en puissances de γ pour les paramètres αi : (0) (1) (2) (3) αi (t) = αi (t) + γαi (t) + γ 2 αi (t) + γ 3 αi (t) + · · · B A (3.5) i (3.9) On substitue cette série dans les équations (3.8), en développant les fonctions fi en série de puissance de γ. On identifie ensuite les puissances semblables de γ de part et d’autre de l’équation et on intègre les relations qui en résultent. Cette approche équivaut à procéder par des approximations successives : 1. On suppose premièrement que les αi figurant dans le membre de droite de (3.8) sont constants et on intègre ces équations pour trouver une dépendance temporelle approchée pour les αi . 2. On substitue cette dépendance temporelle dans le membre de droite des équations (3.8) et on recommence le processus. En général, cette procédure devient rapidement très lourde au-delà du premier ordre d’approximation et nous allons nous limiter à ce premier ordre. 3.2 Exemple simple : l’oscillateur anharmonique Figure 3.1. Illustration du concept d’orbite osculatrice. L’orbite véritable part du point A et décrit une ellipse en précession dans le plan de l’orbite. Les orbites osculatrices au points A et B sont indiquées en pointillé. Le fait essentiel est que ces orbites osculatrices sont tangentes à l’orbite véritable. Pour illustrer la méthode de variation des constantes, il est préférable de considérer premièrement un problème plus simple avant de s’attaquer au problème d’un satellite en orbite. Considérons à cet effet un oscillateur harmonique de fréquence ω, perturbé par une force cubique. Spécifiquement, on considère un objet se déplaçant en une dimension, subissant une force 25 proportionnelle à son déplacement x par rapport à sa position d’équilibre et une perturbation proportionnelle à x3 . L’équation du mouvement prend la forme (3.10) ẍ + ω 2 x = γx3 La solution du problème non perturbé (γ = 0) est x(t) = A cos(ωt + φ) (3.11) où les deux constantes A et φ sont déterminées par les conditions initiales (on pose α1 = A et α2 = φ). Le mouvement non perturbé est qualifié d’“harmonique” parce que l’évolution dans le temps comporte une fonction sinusoı̈dale pure (une seule fréquence est en jeu). 26 La solution à ces équations est . γA20 1 − cos4 (ωt + φ0 ) 2 4ω , + 1 1 γA20 3 ωt + sin[2(ωt + φ0 )] + sin[4(ωt + φ0 )] + const. φ(t) = − 2 ω 8 4 32 (3.17) Les constantes sont choisies de sorte que A(0) = A0 et φ(0) = φ0 . On constate que la solution comporte des termes oscillants relativement rapidement : ce sont des variations à court terme. La solution pour A comporte aussi une valeur moyenne différente de la valeur non perturbée : A(t) = A0 − " # 5 A 1A2 = A0 1 − γ 20 32 ω Un exemple pratique d’un tel système est un pendule simple. L’équation différentielle du pendule est ẍ + g sin x = 0 ' (3.12) où g est l’accélération gravitationnelle, ' la longueur du pendule et x est l’angle entre le pendule et la verticale. Si x est petit, on peut faire l’approximation sin x ≈ x et le pendule est harmonique, avec un fréquence * ω = g/'. Si on désire une meilleure approximation , on conserve un terme de plus dans la série : sin x ≈ x − 16 x3 et on trouve 1 ẍ + ω 2 x = ω 2 x3 6 La méthode de variation des constantes consiste à conférer une dépendance temporelle aux paramètres A et φ. Les équations (3.4) et (3.7) ont ici la forme suivante : Ȧ cos(ωt + φ)− φ̇A sin(ωt + φ) = 0 −ω Ȧ sin(ωt + φ) − ω φ̇A cos(ωt + φ) = γA3 cos3 (ωt + φ) Le plus intéressant dans cette solution est que φ(t) comporte un terme qui augmente linéairement avec le temps et qui se superpose à des oscillations périodiques. Cette variation monotone de φ est qualifiée de séculaire.1 La fréquence effective de l’oscillateur sera alors " # 3 A20 ω =ω 1− γ 2 8 ω % (3.13) ce qui est bien de la forme (3.10). (3.14) et la période corrigée T % = 2π/ω % est, au deuxième ordre en A0 , T% = T (3.15) En première approximation, on remplace A et φ dans le membre de droite de (3.15) par leurs valeurs constantes A0 et φ0 . Ensuite, on récrit ces équations en procédant aux simplifications évidentes : γ 2d cos4 (ωt + φ0 ) A 4ω 2 0 + dt , 3 1 1 γ + cos[2(ωt + φ0 )] + cos[4(ωt + φ0 )] φ̇ = − A20 ω 8 2 8 Ȧ = (3.16) (3.19) Avant de quitter cet exemple, revenons au cas du pendule. La première correction anharmonique dans ce cas est γ = 16 ω 2 . La fréquence corrigée est donc " # A2 ω% = ω 1 − 0 (3.20) 16 En isolant Ȧ et φ̇, on trouve γ Ȧ = − A2 cos3 (ωt + φ) sin(ωt + φ) ω γ φ̇ = − A2 cos4 (ωt + φ) ω (3.18) " 1+ A20 16 # (3.21) La période augmente donc avec l’amplitude.2 1 Cette dénomination provient des longues périodes de temps nécessaires à la mise en évidence de ces variations en astronomie. 2 La période d’un pendule simple dépend donc de l’amplitude de l’oscillation, sauf dans la limite des petites amplitudes (on dit que le pendule simple n’est pas isochrone). En principe, le calcul que nous venons d’effectuer démontre qu’une horloge grand-père devrait prendre de l’avance lorsque son mouvement s’épuise. En effet, dans ce cas, son amplitude diminue progressivement et sa période également (la période augmente avec l’amplitude). 27 3.3 Les crochets de Lagrange Très souvent, la force de perturbation f1 peut être dérivée d’un potentiel perturbateur F : f1 = ∇F . Les équations (3.4,3.7) prennent alors la forme $ ∂v ∂F α̇i = ∂αi ∂r i $ ∂r α̇ = 0 ∂αi i i ∂r ∂v ∂r ∂v ∂(r, v) · − · = −{αj , αi } = ∂αi ∂αj ∂αj ∂αi ∂(αi , αj ) i ∂F ∂v ∂r α̇i · = ∂αi ∂αj ∂αj et $ i ∂v ∂r α̇i · =0, ∂αj ∂αi i {αj , αi }α̇i = ∂F ∂αj {p, q}% = {p, q}%% (3.25) (3.29) Cette propriété nous permet de calculer les crochets de Lagrange à l’instant le plus favorable au calcul (au passage au périgée, par exemple). D’autre part, les crochets de Lagrange ont des propriétés simples lorsqu’on procède à des rotations d’axes, ce qui permet facilement de passer d’un système où les axes de l’ellipse sont (x, y) au système conventionnel. Ainsi, une rotation d’angle Ω par rapport à l’axe z affecte le crochet de Lagrange ainsi : ∂(Ω, h) (3.27) {p, q} = {p, q}% + ∂(p, q) G= * µa(1 − e2 ) (3.30) Maintenant, un calcul explicite effectué au périgée dans le plan (x%%% , y%%% ) montre que √ ∂(ε − +, K) K = µa {p, q}%%% = (3.31) ∂(p, q) Donc {p, q} = (3.26) ∂(+ − Ω, G) ∂(p, q) {p, q}%% = {p, q}%%% + (3.24) L’utilité de cette procédure est que les crochets de Lagrange peuvent être calculés relativement facilement (il y a des trucs!). Premièrement, on démontre facilement qu’ils ne dépendent pas du temps. En effet, pour deux éléments p et q, on calcule que ∂ ∂r ∂v ∂r ∂ ∂v · − · ∂t ∂q ∂p ∂q ∂t ∂p ∂v ∂r ∂ ∂F · − · ∂p ∂q ∂q ∂r (3.28) Enfin, on procède à une rotation d’angle ω, vers des coordonnées (x%%%, y%%% , z %%% ) telles que le périgée est le long de l’axe x%%%. On trouve Cette équation peut être résolue pour les dérivées α̇i . ∂ ∂r ∂v ∂r ∂ ∂v ∂ {p, q} = · + · − ∂t ∂t ∂p ∂q ∂p ∂t ∂q ∂v ∂v ∂v ∂r ∂ ∂F · + − = ∂p ∂q ∂p ∂q ∂r ∂q 2 2 ∂ F ∂ F − =0 = ∂p∂q ∂q∂p y = x% sin Ω + y% cos Ω z = z% (3.23) on peut écrire les équations (3.4,3.7) sous une forme plus simple : $ x = x% cos Ω − y% sin Ω Si on procède ensuite à une autre rotation, d’angle i, vers des coordonnées (x%% , y%% , z %% ) telles que le plan (x%% , y%% ) coı̈ncide avec le plan orbital, on trouve Comme, par la règle d’enchaı̂nement, on a $ où le crochet primé fait référence aux coordonnées (x% , y% , z % ) reliées aux coordonnées (x, y, z) par une rotation : (3.22) Définissons maintenant les crochets de Lagrange : {αi , αj } = 28 où K= √ ∂(ε − +, ) ∂(+ − Ω, ) ∂(Ω, h) + + ∂(p, q) ∂(p, q) ∂(p, q) µa G=K * 1 − e2 h = G cos i (3.32) (3.33) Le calcul des crochets de Lagrange pertinents est ensuite relativement simple : {ε, a} = 12 na / 0 * {+, a} = − 12 na 1 − 1 − e2 * {Ω, a} = − 12 na 1 − e2 (1 − cos i) e (3.34) {+, e} = −na2 √ 1 − e2 e {Ω, e} = na2 √ (1 − cos i) 1 − e2 * {Ω, i} = −na2 1 − e2 sin i L’équation (3.25) peut ensuite être écrite et résolue pour les dérivées temporelles des éléments :3 2 ∂F da = dt na ∂ε 3 Voir Ref. [3], p. 284. (3.35a) 29 √ √ 0 ∂F * de 1 − e2 / 1 − e2 ∂F 2 =− − (3.35b) 1 − e 1 − 2 dt na e ∂ε na2 e ∂+ # " tan(i/2) ∂F 1 di ∂F ∂F √ √ =− + − (3.35c) dt ∂+ na2 1 − e2 ∂ε na2 1 − e2 sin i ∂Ω √ √ . 1 − e2 1 − 1 − e2 ∂F 2 ∂F tan(i/2) ∂F dε √ =− + + (3.35d) dt na ∂a na2 e ∂e na2 1 − e2 ∂i √ d+ tan(i/2) ∂F 1 − e2 ∂F √ = + (3.35e) dt na2 e ∂e na2 1 − e2 ∂i 1 ∂F dΩ √ = (3.35f) 2 2 dt na 1 − e sin i ∂i Si on utilise comme variables les éléments ω et χ = −nτ au lieu de + et ε et qu’on exprime χ en fonction de l’anomalie moyenne M, on obtient plutôt l’ensemble d’équations suivant :4 da dt de dt di dt dΩ dt dω dt dM dt 2 ∂F na ∂M √ 1 − e2 ∂F 1 − e2 ∂F = − 2 na e ∂M na2 e ∂ω cos i 1 ∂F ∂F √ √ = − 2 2 2 2 na 1 − e sin i ∂ω na 1 − e sin i ∂Ω 1 ∂F √ = na2 1 − e2 sin i ∂i √ ∂F cos i 1 − e2 ∂F √ =− + na2 e ∂e na2 1 − e2 sin i ∂i 1 − e2 ∂F 2 ∂F =n− − 2 na e ∂e na ∂a = (3.36b) (3.36c) (3.36d) (3.36e) (3.36f) Considérons maintenant le mouvement d’un satellite artificiel autour de la Terre, perturbé par l’aplatissement de la Terre. Le potentiel gravitationnel de la Terre, en tenant compte des coefficients J2 et J3 , est exprimé comme V0 − F , où µ r' ( " #2 " #3 µ R R J2 F =− P2 (sin δ) + J3 P3 (sin δ) r r r (3.37) La force par unité de masse est alors f = f 0 + f1 4 Voir Ref. [2], p. 221. f0 = −∇V0 f1 = ∇F On peut dès lors s’engager dans la méthode de variation des constantes, c’est-à-dire la solution des équations (3.4) et (3.7), où les six paramètres αi sont les six éléments (2.36). Il est cependant coutumier d’utiliser comme éléments l’ensemble i , Ω , + , a , e , ε (3.39) Pour pouvoir utiliser les équations (3.25), il faut exprimer le potentiel F en fonction des six éléments et du temps t, ou du moins être en mesure de calculer ses dérivées par rapport aux éléments. Le potentiel perturbateur F peut ensuite être exprimé en fonction des coordonnées r et f par l’intermédiaire de la relation sin δ = sin i sin(f + ω) (3.38) (3.40) Ensuite, on peut éliminer la coordonnée r en utilisant l’équation de l’ellipse 1 + e cos f a = r 1 − e2 (3.36a) 3.4 Les perturbations causées par la forme aplatie de la Terre V0 = − 30 (3.41) On peut aussi utiliser l’anomalie vraie f au lieu du temps t comme variable indépendante, en vertu de la relation dt = dt dM 1 1 r 22 1 dt √ dM = df = df dM dM df n a 1 − e2 (3.42) On trouve 4 3 + 3 J2 R2 1 a 23 1 1 1 2 2 − sin sin i + i cos 2(f + ω) F =µ 2 a2 r 3 2 2 # 4 , 3" 3 1 24 5 J R a 3 15 sin2 i − sin(f + ω) − sin2 i sin 3(f + ω) sin i − 34 a r 8 2 8 (3.43) Remarquons que F ne dépend que du temps (à travers f) et des éléments a, e, i et ω. Il ne dépend pas explicitement de χ (ou de M) car la perturbation est indépendante du temps. F ne dépend pas non plus de Ω, car on a supposé que la Terre avait une symétrie de révolution autour de son axe. Variations séculaires On distingue trois types de variations dans les éléments causées par les perturbations : 1. Les variations séculaires, qui sont lentes et progressives. Elles proviennent de la moyenne dans le temps des équations (3.36) 2. Les variations à court terme, qui proviennent des termes de (3.36) qui dépendent de l’anomalie vraie f, c’est-à-dire la partie purement oscillante de F . 3. Les variations à long terme, qui proviennent des parties de (3.36) qui, sans osciller à court terme (sur une période) dépendent d’un élément qui subit une variation séculaire, comme ω. 31 Pour obtenir les variations séculaires, il faut calculer la moyenne de F dans le temps, ce qui revient à calculer % 2π 1 F dM (3.44) F̄ = 2π 0 On démontre facilement que 1 a 23 = (1 − e2 )−3/2 1 a 23 1 a 23 sin 2f = cos 2f = 0 r r 1 a 24 cos 2f = e(1 − e2 )−5/2 r 1 a 24 1 a 24 1 a 24 sin f = cos 3f = cos 3f = 0 r r r r (3.45) ā = a0 (3.46) ē = e0 ī = i0 (3.47) (3.48) J 2 R2 n̄(5 cos2 i − 1)t (p ≡ a(1 − e2 )) p2 J R2 Ω̄ = Ω0 − 32 2 2 (n̄ cos i)t p où M̄ = M0 + n̄t 4* 3 2 J R n̄ = n0 1 + 34 2 2 (3 cos2 i − 1) 1 − e2 p 3 4 pas de variations séculaires. En quelque sorte, son effet s’annule d’une moitié à l’autre de l’orbite. Cependant, ce terme produit des variations périodiques lentes de l’inclinaison et de l’excentricité : " # e 1 J3 R cos i sin ω ∆i = 2 J2 a 1 − e2 " # R 1J ∆e = − 3 sin i sin ω 2 J2 a (3.53) Les variations périodiques à court terme ne seront pas reproduites ici, étant donnée la complexité des expressions impliquées. Elles sont reproduites dans l’ouvrage de Roy [2], p. 222-223 et p. 225. 3.5 Les perturbations causées par la traı̂née atmosphérique En substituant F̄ à F dans (3.36), on obtient alors les changements séculaires suivants pour les valeurs moyennes des éléments, en fonction des valeurs à l’époque : ω̄ = ω0 + 32 (3.49) (3.50) (3.51) (3.52) Remarques : 1. a, e et i n’ont pas de changement séculaire. L’aplatissement de la Terre ne peut pas progressivement changer le demi-grand axe de l’ellipse, son excentricité ou son inclinaison. 2. L’argument du périgée ω précesse en fonction du temps. Le sens de cette précession est direct si i < 63, 4◦ et rétrograde si i > 63, 4◦ . 3. La longitude de la ligne des noeuds précesse aussi dans le temps, le sens de cette précession dépend du sens de parcours de l’orbite : direct (i < 90◦ ) ou rétrograde (i > 90◦ ). Pour une orbite polaire (i = π/2), il n’y a pas de précession, ce qui est évident étant donnée la figure symétrique que présente la Terre face au satellite dans ce cas. 4. La période de l’orbite est modifiée (n̄ .= n0 ). 5. Le paramètre J3 , qui caractérise l’asymétrie nord-sud du globe terrestre, n’apparaı̂t pas dans le potentiel perturbateur moyen F̄ et ne produit donc Nous avons mentionné plus haut (Eq. (1.23)) que la force de traı̂née (par unité de masse) sur un satellite en orbite peut être approximativement exprimée comme 1 (3.54) f1 = − CD Aρvv 2 où v est la grandeur de la vitesse du satellite. Cette force s’exerce dans la direction opposée à la vitesse. Dans ce cas, nous ne pouvons appliquer directement les équations (3.36), car la force de traı̂née ne dérive pas d’un potentiel F . Cependant, la méthode des perturbations s’applique quand même. Si l’accélération perturbatrice est dirigée dans la direction opposée à la vitesse et que sa grandeur est T (donc T = |f1 |), alors on montre que les éléments de l’orbite ont les variations suivantes au premier ordre en T : * 2T da =− √ 1 + e2 + 2e cos f dt n 1 − e2 √ 2T 1 − e2 cos f + e de * =− dt na 1 + e2 + 2e cos f di =0 dt dΩ =0 dt √ 2T 1 − e2 d+ sin f * =− dt nae 1 + e2 + 2e cos f + , 2 2T e(1 − e ) sin f 1 1 dε √ * =− − dt na 1 + e2 + 2e cos f 1 − e2 + 1 − e2 1 + e cos f (3.55a) (3.55b) (3.55c) (3.55d) (3.55e) (3.55f) Notons que dans ce cas, l’inclinaison i et la longitude de la ligne des noeuds Ω ne sont pas affectées par la perturbation. 33 Il est préférable d’exprimer la variation non pas en fonction du temps, mais en fonction de l’anomalie vraie f. Encore une fois, la conversion entre les deux s’effectue grâce à la relation r2 (1 − e2 )3/2 dt = = df h n(1 + e cos f)2 Dans le cas de la force de traı̂née, T = 12 CD Aρv2 et il faut exprimer v2 en fonction des éléments : # " n 2 a2 2 1 2 − = (1 + e2 + 2e cos f) (3.56) v =µ r a 1 − e2 On arrive enfin aux relations suivantes : " # A (1 + e2 + 2e cos f)3/2 da =− CD ρa2 df m (1 + e cos f)2 " # A de (1 + e2 + 2e cos f)1/2 =− (cos f + e) CD ρa(1 − e2 ) df m (1 + e cos f)2 " # A d+ a(1 − e2 ) (1 + e2 + 2e cos f)1/2 =− CD ρ sin f df m e (1 + e cos f)2 " # A dε (1 + e2 + 2e cos f)1/2 =− CD ρae(1 − e2 ) df m (1 + e cos f)2 + , 1 1 √ × − sin f 1 + e cos f 1 − e2 + 1 − e2 (3.57a) (3.57b) (3.57c) (3.57d) Remarques : 1. La densité ρ dépend de la distance r. On peut raisonnablement supposer qu’elle diminue exponentiellement avec l’altitude r − R. De toute manière, il suffit de remplacer ρ par une fonction appropriée ρ(r), où r = a(1 − e2 )/(1 + e cos f). 2. Les dérivées de + et ε sont des fonctions impaires de f, en raison du facteur sin f. Donc l’intégrale des variations de ε et + est nulle sur un cycle complet : il n’y a pas de variation séculaire. On peut donc négliger ces variations, car elles sont de toute manières petites. En particulier, l’argument du périgée ω n’est pas affecté par la force de traı̂née (l’ellipse osculatrice ne précesse pas). Ceci est dû essentiellement au fait que cette force est tangentielle à l’orbite. 3. Par contre, les variations de a et de e sont en moyenne négatives, c’est-à-dire que a et e diminuent régulièrement. Ceci implique que l’orientation de l’ellipse dans l’espace et dans le plan orbital reste sensiblement la même au cours du temps, mais que les périgée et apogée diminuent dans le temps, ce dernier plus rapidement que le premier.5 5 Ceci est d’ailleurs clairement visible dans les simulations numériques présentées sur le Web (www.physique.usherb.ca/~dsenech/mec/simul/satellite.htm). 34 4. Dans l’approximation de très petites excentricités (orbite presque circulaire), on trouve " # A da ≈− CD ρa2 df m ce qui nous permet d’affirmer que le changement de rayon au cours d’une révolution est approximativement ∆a = −2πACD ρ/m. Sommaire Nous avons présenté des résultats séparés pour l’effet de la traı̂née et de l’aplatissement de la Terre. En général, l’effet combiné de ces deux facteurs n’est pas la somme des effets obtenus séparément, c’est-à-dire qu’il faut traiter simultanément les deux perturbations. Ceci dit, en première approximation (c’est-à-dire au premier ordre en ρ comme au premier ordre en J2 ), on peut simplement ajouter les deux effets. À cet ordre, les variations séculaires se répartissent comme suit : 1. a diminue en raison de la traı̂née seulement. 2. e diminue en raison de la traı̂née seulement. 3. i reste constant. 4. ω précesse en raison de J2 seulement (éq. (3.49)). 5. Ω précesse en raison de J2 seulement (éq. (3.50)). 6. Le mouvement moyen subit une variation en raison de J2 (éq. (3.52)). 4. Références [1] D. Sénéchal, Mécanique (PHQ-110) : Notes de cours, Faculté des Sciences, Université de Sherbrooke. [2] A.E. Roy, The foundations of Astrodynamics, New York, Macmillan, 1965. [3] D. Brouwer et G.M. Clemence, Methods of Celestial Mechanics, Academic Press, New York, 1961.