Université Panthéon-Assas - Fondation pour le droit continental

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Thèse de Doctorat / novembre 2010
Université Panthéon-Assas
Thèse de doctorat en droit soutenue
le 9 novembre 2010
Étude comparée des sûretés réelles en
droit français et en droit chinois
Auteur Rongxin ZENG
Sous la direction de Monsieur Michel GRIMALDI
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II)
Membres du jury :
Madame Marie GORÉ
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II)
Monsieur Philippe DUPICHOT (Rapporteur)
Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne
Monsieur Augustin AYNÈS (Rapporteur)
Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne
Avertissement
L’Université Panthéon-Assas (Paris II) Droit – économie – sciences sociales
n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
les thèses; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
I
Remerciements
J’aimerais remercier vivement, mon directeur de thèse, Monsieur le
professeur Michel GRIMALDI, de l’attention et du soutien qu’il a porté à mon
travail de doctorant, de tout son dynamisme et ses compétences scientifiques qui
m'ont permis de mener à bien cette étude.
J’aimerais ensuite remercier Monsieur Philippe DUPICHOT et Monsieur
Augustin AYNÈS, Professeurs à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne,
qui m’ont fait l’honneur d’exercer les fonctions de rapporteurs de thèse et de
membres du jury.
Je suis aussi très reconnaissant envers Madame Marie GORÉ, Professeur à
l’Université Paris II, de la présence dans ce jury.
J'exprime également les remerciements à Monsieur René CASSIER,
Conservateur des Hypothèques et chef de la mission immobilière de l’Etat, pour
ses conseils professionnels en matière hypothécaire. Ces remerciements vont
également à Mademoiselle Emilie Chung, aux Mesdames Véronique
MÉNAGER, Laurence FABART et Pascal SADAUNE, et je les remercie pour
leurs efforts apportés à la correction de la thèse et leurs encouragements.
Enfin, l'aboutissement de cette thèse a été encouragé par mes parents et mes
amis. Je ne citerai pas de noms ici, pour ne pas en oublier certains. Merci à eux.
II
Résumé
Cette thèse a pour objet une étude comparative des droits français et
chinois des sûretés réelles.
Au cours de ces dernières années, les sûretés réelles ont connu une
profonde mutation tant en droit français qu’en droit chinois, sous l’influence de
facteurs tantôt identiques tantôt très spécifiques. En droit français, le Code civil
regroupe les sûretés réelles en deux grandes catégories : les sûretés sur les
meubles (le gage avec ou sans dépossession, le nantissement, la fiducie-sûreté,
la réserve de propriété, les privilèges mobiliers) et celles sur les immeubles
(l’hypothèque, le gage immobilier, la fiducie-sûreté et les privilèges
immobiliers). En droit chinois, l’hypothèque (l’hypothèque immobilière et
l’hypothèque mobilière qui est comparable au gage sans dépossession en droit
français), le gage (le gage de meubles corporels et le gage de droits qui
s’approche du nantissement en droit français) et le droit de rétention forment la
structure essentielle du droit des sûretés réelles et, sont les seules sûretés
nommées en droit chinois. À part cette différence formelle, la différence du
fond des régimes des sûretés réelles dans les deux pays mérite aussi une étude
approfondie et, cette étude devrait ainsi toujours être conduite du double point
de vue français et chinois.
Mots clefs : droit chinois, sûretés réelles, droit réel, meuble, immeuble, gage,
nantissement, fiducie-sûreté, réserve de propriété, privilèges, hypothèque, droit
de rétention
III
Principales abréviations
al.
alinéa
art.
article
Bull. civ.
Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de
cassation
C. civ.
Code civil français
C. consom.
Code de la consommation français
C. com.
Code de commerce français
CAE
Conseil des affaires d’État de la RPC
Cass. civ.
Arrêt d’une chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com.
Arrêt d’une chambre commerciale de la Cour de cassation
cf.
se reporter à
contra.
Solution contraire
D.
Recueil Dalloz
D. Affaire
Dalloz affaires
DP
Dalloz périodique
Dr. et patr.
Droit et patrimoine
Éd.
Édition
ELS
Explications sur certaines questions de l’application de la
Loi sur les sûretés de la RPC (2000)
in
dans
infra
ci-dessous
Ibid.
ibidem
JCP
Juris-classeur périodique (Semaine juridique)
LAC
Loi sur l’aviation civile de la RPC (1995)
LC
Loi sur les contrats de la RPC (1999)
IV
LCE
Loi sur les contrats économiques de la RPC (1981)
LCM
Loi sur les commerces maritimes de la RPC (1992)
LDR
Loi sur les droits réels de la RPC (2007)
LFE
Loi sur la faillite d’entreprise de la RPC (2006)
LPC
Loi sur la procédure civile de la RPC (2007)
LS
La Loi sur les sûretés de la RPC (1995)
n°
Numéro
MID
Mesures d’inscription de bâtiments (2008)
op. cit.
opere citato
P.
Page
PGDC
Les Principes généraux du droit civil de la RPC (1987)
RD banc. fin.
Revue de droit bancaire et financier
RD bancaire et bourse
Revue de droit bancaire et de la bourse
RD imm.
Revue de droit immobilier
Rev. Crit. DIP.
Revue critique de droit international privé
Rev. proc. coll.
Revue des procédures collectives
RTD civ.
Revue trimestrielle de droit civil
RTD com.
Revue trimestrielle de droit commercial
s.
et suivants
supra
ci-dessus
t.
tome
v.
Voyez
V
Sommaire
Introduction…………………………………………………………………..20
§ I – L’évolution du droit des sûretés réelles………………………..21
A. La présentation de l’évolution du droit des sûretés réelles………21
a. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit
français…………………………………………………...21
b. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit
chinois…………………………………………………....22
B. Les principes dominant l’évolution contemporaine du droit des
sûretés réelles…………………………………………….36
a. La recherche de la meilleure exploitation de la valeur des biens…37
b. La recherche de l’efficacité maximale……………………………39
§ II - Difficultés et portée de la présente étude……………………...40
A. Difficultés rencontrées dans la présente étude…………………...40
B. Portée de la présente étude comparée……………………………42
Première partie
Théorie générale des sûretés réelles
(études
macroscopiques)……………………………………………………………...45
Titre I – La délimitation de « sûreté réelle » ………………………………….46
Chapitre I – La notion de « sûreté réelle » ……………………………...47
Section I – La définition de « sûreté réelle » ……………………….47
§ I – Les tentatives effectuées par la doctrine française…………….48
VI
§ II – La définition donnée par le législateur chinois………………..49
Section II – Les caractères de « sûreté réelle » ……………………..50
§ I – Un droit réel……………………………………………………50
A. La qualification…………………………………………………..50
B. Les conséquences de la qualification…………………………….52
a. Le principe de légalité (numerus clausus) ……………………….52
b. La règle de spécialité……………………………………………..54
c. La règle d’indivisibilité…………………………………………..56
§ II – Un droit accessoire……………………………………………58
§ III – Un droit sur la valeur du bien………………………………..62
Section III – L’opposition entre la sûreté réelle et le droit de gage
général…………………………………………………………65
§ I – Différence de nature…………………………………………...66
§ II – Différence de finalité………………………………………….67
Chapitre II – La typologie des sûretés réelles…………………………...71
Section I – La classification des sûretés réelles selon leur assiette….71
§ I – Selon l’étendue de l’assiette…………………………………...71
A. Les sûretés générales……………………………………………..71
a. Les sûretés générales en droit français……………………………71
b. Les sûretés générales en droit chinois…………………………….72
B. Les sûretés spéciales……………………………………………...72
a. Les sûretés spéciales en droit français……………………………73
b. Les sûretés spéciales en droit chinois…………………………….73
VII
§ II – Selon la nature de l’assiette…………………………………...74
A. La nature de l’assiette - la classification des biens………………74
a. La dichotomie des biens en droit français………………………...75
b. La trichotomie des biens en droit chinois………………………...76
B. Classification des sûretés réelles selon la nature de l’assiette……76
a. La classification en droit français………………………………...76
b. La classification en droit chinois…………………………………77
Section II – La classification des sûretés réelles selon leur régime…78
§ I – Le critère de la dépossession…………………………………..78
A. La notion et l’effet de dépossession……………………………...78
a. Notion de dépossession…………………………………………...78
b. Effets de dépossession……………………………………………80
B. La classification selon le critère de dépossession………………..80
a. La classification en droit français………………………………...80
b. La classification en droit chinois…………………………………82
§ II – Le critère de la propriété……………………………………...82
A. La reconnaissance de la propriété-sûreté………………………...83
a. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit français……….83
b. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit chinois………..86
B. La classification selon le critère de la propriété………………….88
a. Les sûretés n’emportant pas le transfert de la propriété………….88
b. Les sûretés basant sur la propriété du bien……………………….88
VIII
Titre II – Les modalités de publicité des sûretés réelles………………………92
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application…93
Section I – La publicité en matière mobilière……………………….93
§I – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit
français…………………………………………………...93
§II – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit
chinois……………………………………………………95
Section II – La publicité en matière immobilière…………………...96
§I – La publicité foncière en droit français………………………….97
§II – La publicité foncière en droit chinois………………………….99
Chapitre II – Les finalités de publicité……………………………..…..103
Section I – Les finalités poursuivies en droit français…………......103
§I – L’opposabilité de la sûreté………………………………..…...103
§II – L’attribution d’un rang au créancier……………………….....104
Section II – Les fonctions de la publicité en droit chinois…………105
§I – La validité et l’opposabilité de la sûreté……………………....105
§II – L’attribution d’un rang au créancier……………………….....107
Deuxième
partie
Régimes
des
sûretés
mobilières
(études
microscopiques)…………………………………………………………..…109
Titre préliminaire – Les sûretés mobilières extra-conventionnelles…………111
Chapitre I – Les privilèges……………………………………………..112
Section I – Les privilèges en droit français………………………...112
§ I – Les privilèges généraux………………………………………112
IX
§ II – Les privilèges mobiliers……………………………………..114
A. Les privilèges mobiliers généraux……………………………...114
B. Les privilèges mobiliers spéciaux……………………………....115
§ III – Le classements des privilèges mobiliers……………………118
A. Conflits entre privilèges de même nature……………………….118
a. Entre les privilèges généraux……………………………………118
b. Entre les privilèges spéciaux…………………………………….118
B. Conflit entre privilèges mobiliers généraux et privilèges mobiliers
spéciaux…………………………………………………120
C. Influence de la procédure collective…………………………….120
Section II – Les privilèges en droit chinois………………………..121
§ I – Les privilèges nommés……………………………………….122
§ II – Les privilèges innomés………………………………………123
Chapitre II – Le droit de rétention……………………………………..125
Section I – Les conditions d’existence du droit de rétention………125
§ I – La créance garantie…………………………………………...126
§ II – L’assiette du droit de rétention…………………………..…..126
§ III – La connexité entre la créance et le bien retenu…………..…129
Section II – Les effets du droit de rétention………………………..130
Titre I – Le gage de meubles corporels………………………………………133
Chapitre I – Le gage avec dépossession……………………………….134
Section I – La constitution du gage de meubles corporels…………134
§ I – Les conditions de fond……………………………………..…134
X
A. Les parties du gage……………………………………………...134
a. Le créancier bénéficiaire………………………………………...134
b. La qualité du constituant du gage…………………………..…...135
B. La créance garantie…………………………………………..….138
C. L’assiette du gage……………………………………………….139
§II – Les conditions de forme……………………………………...141
A. Les exigences formelles en droit français………………………141
a. La rédaction d’un écrit…………………………………………..141
b. La dépossession du bien grevé…………………………………..142
B. Les exigences formelles en droit chinois……………………….143
a. La rédaction d’un écrit…………………………………………..143
b. La dépossession du bien grevé…………………………………..144
Section II – Les effets du gage de meubles corporels……………...145
§ I – Les effets du gage avant l’échéance de la créance garantie…..146
A. Les obligations des parties……………………………………...146
a. L’obligation de conserver le bien grevé………………………....146
b. L’obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien
grevé…………………………………………………….147
B. Les droits des parties……………………………………………149
a. Le droit de percevoir les fruits…………………………………..149
b. Le droit de demander un complément du gage………………….150
§ II – Les effets du gage à l’échéance de la créance garantie……...150
A. Le droit de rétention…………………………………………….151
XI
B. Le droit de mettre en œuvre le gage…………………………….152
a. L’attribution du bien gagé……………………………………….152
b. La vente du bien grevé…………………………………………..156
C. Le droit de préférence…………………………………………..157
a. L’étendue du droit de préférence………………………………...157
b. Le classement du droit de préférence…………………………....159
D. Le droit de suite limité………………………………………….160
Chapitre II – Le gage sans dépossession………………………….........162
Section I – Qualifications différentes en droit français et en droit
chinois………………………….....………………………….162
§I – La qualification en droit français………………………….......162
§II – La qualification en droit chinois………………………….......165
Section II – Différents régimes en droit français et en droit
chinois.. …………………………...…………………………166
§ I – Les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun…166
A. Le gage sans dépossession en droit français……………………166
B. L’hypothèque mobilière en droit chinois………………………..168
a. L’hypothèque mobilière classique………………………….........168
b. L’hypothèque mobilière flottante – une sûreté mobilière
spéciale …………………………....……………………175
§II – Les sûretés mobilières sans dépossession de droits spéciaux..180
A. Les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des moyens
de transport…………………………...............................181
XII
B. Le gage du matériel et de l’outillage…………………………....186
C. Le gage sur stocks………………………….... ………………...188
Titre II – Le nantissement de meubles incorporels…………………………..192
Chapitre I – Le nantissement de créance…………………………........195
Section I – La constitution du nantissement de créance…………...195
§ I – Les conditions de fond…………………………......................195
§ II– Les conditions de forme………………………….... ………..197
A. La seule formalité ad validitatem en droit français……………..197
B. Les doubles formalités ad validitatem en droit chinois…………199
Section II – Les effets du nantissement de créance………………..201
§ I – En droit français…………………………................................201
A. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance avant la
créance garantie………………………….......................203
B. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance après la
créance garantie………………………….......................204
§ II – En droit chinois…………………………...............................206
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers……208
Section I – La constitution du nantissement……………………….208
§ I – Les conditions de fond…………………………......................208
§ II – Les conditions de forme…………………………..................210
Section II – Les effets du nantissement…………………………....212
§ I – Effets du nantissement avant l’exigibilité de la créance
garantie……………………………………………….....213
XIII
§ II– Effets du nantissement à l’échéance de la créance garantie….214
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux………………………217
Section I – Le nantissement des droits dans les sociétés présentant un
caractère intuitu personae…………………………................217
§ I – En droit français……………………………………………....217
§ II – En droit chinois…………………………...............................218
Section II – Le nantissement des droits dans les sociétés de
capitaux…………………………............................................222
§ I – En droit français………………………….... ………………...222
§ II – En droit chinois…………………………...............................223
Titre III – La réserve de propriété…………………………............................225
Chapitre I – La constitution…………………………............................226
Section I – La constitution de la réserve de propriété en droit
français…………………………....………………………….226
Section II – La constitution de la réserve de propriété en droit
chinois…………………………....…………………………..228
Chapitre II – La nature juridique…………………………....................230
Section I – La qualification en droit français………………………230
Section II – La qualification en droit chinois………………………231
Chapitre III – Les effets juridiques………………………….................234
Section – La situation de l’acheteur (débiteur) du bien……………234
§ I – La situation de l’acheteur du bien en droit français…………..234
§ II – La situation de l’acheteur du bien en droit chinois………….235
XIV
Section II – La situation du vendeur (créancier) du bien…………..237
§ I – L’exercice du droit de revendication…………………………237
§ II – Les effet de la revendication sur le contrat…………………..242
Titre IV– La fiducie-sûreté………………………….... …………………….244
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français………………………..245
Section I – Le mécanisme de la fiducie-sûreté…………………….246
§ I – Le domaine d’application………………………….................246
§ II – Le formalisme………………………….... …………………247
§ III – La réalisation et l’extinction de la fiducie-sûreté…………...250
Section II – Quelques observations du droit positif………………..252
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit
chinois…………………………....………………………..……....255
Section I – Le régime de la fiducie-sûreté projeté………………....255
Section II – Quelques observations…………………………...........256
Troisième
partie
Régimes
des
sûretés
immobilières
(études
microscopiques) …………………………....…………………………..…...261
Titre préliminaire – Les sûretés immobilières extra-conventionnelles………263
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales…………………………264
Section I – Les privilèges immobiliers………………………….....264
Section II – L’hypothèque légale…………………………..............265
§ I – L’hypothèque légale en droit français………………………...265
A. L’hypothèque légale des époux…………………………............266
B. L’hypothèque légale de personnes en tutelle……………………267
XV
§ II – L’hypothèque légale en droit chinois………………………..267
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires…………………….270
Section I – Les sûretés réelles judiciaires en droit français………..270
§ I – La publicité provisoire…………………………......................270
§ II – La publicité définitive………………………….....................271
Section II – Les débats sur l’existence d’hypothèque judiciaire en
droit chinois………………………….....................................272
Titre I – L’hypothèque conventionnelle…………………………...................275
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque………………………….276
Section I – L’assiette de l’hypothèque…………………………......276
Section II – La créance garantie…………………………................282
§ I – Une ou plusieurs créances futures…………………………....282
A. En droit français…………………………...................................282
B. En droit chinois…………………………....................................283
a. Définition et constitution de l’hypothèque de montant maximal..284
b. Fixation des créances garanties………………………….............286
c. Modification concernant l’hypothèque de montant maximal…...288
§ II – Hypothèque rechargeable…………………………................290
A. Le mécanisme…………………………......................................290
a. Les conditions de constitution et son opposabilité………………290
b. Le domaine d’application………………………….....................293
c. L’extinction de l’hypothèque rechargeable……………………...293
B. Certaines observations de l’hypothèque rechargeable………….294
XVI
§ III – Prêt viager hypothécaire…………………………................295
A. Le prêt viager hypothécaire en droit français…………………...295
a. La constitution………………………….......................................296
b. Le mécanisme………………………….... ……………………..297
B. Le prêt viager hypothécaire en droit chinois……………………299
a. La nécessité d’introduire le prêt viager hypothécaire…………...299
b. Les problèmes à résoudre………………………………………..301
Section III – La qualité du constituant……………………………..302
§ I – Le titre du constituant………………………………………...303
§ II – La capacité…………………………………………………...307
Section IV– Les exigences de forme………………………………309
Chapitre II – L’inscription hypothécaire……………………………….312
Section I – Les mentions obligatoirement requises………………..312
Section II – Délai de l’inscription………………………………….314
Section III – La péremption, la radiation et la réduction…………..315
§ I – La péremption de l’inscription hypothécaire…………………315
§ II – La radiation de l’inscription hypothécaire…………………..317
§ III – La réduction de l’inscription hypothécaire…………………320
Section IV – La mission et la responsabilité de l’organe
d’inscription………………………………………………….321
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque……………………………...326
Section I – Effets de l’hypothèque entre le constituant et le créancier
hypothécaire………………………………………………….326
XVII
§ I – Effets avant la réalisation de l’hypothèque…………………...326
§ II – Effets au moment de la réalisation de l’hypothèque………...331
A. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit français……331
B. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit chinois…….334
Section II – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et
les autres créanciers………………………………………….338
§ I – Assiette du droit de préférence……………………………….339
§ II – L’étendue de la créance bénéficiant du droit de préférence…342
§ III – Exercice du droit de préférence…………………………….343
A. Le rang des créanciers hypothécaires…………………………...343
B. Le classement des créanciers hypothécaires et des créanciers munis
d’autres sûretés réelles………………………………….344
C. Disposition de rang……………………………………………...345
Section III – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et
le tiers acquéreur……………………………………………..347
§ I – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit français…...348
§ II – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit chinois…...352
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque………..355
Section I – Transmission de l’hypothèque…………………………355
Section II – Extinction de l’hypothèque…………………………...358
§ I – Extinction par voie accessoire………………………………..358
§ II – Extinction par voie principale……………………………….359
Titre II – Les autres sûretés immobilières conventionnelles…………………363
XVIII
Chapitre I – Le gage immobilier……………………………………….364
Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière…………………………...366
Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière………...368
Section I – En droit français……………………………………….368
Section II – En droit chinois……………………………………….369
Conclusion générale………………………………………………………...371
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………376
ANNEXES…………………………………………………………………..388
INDEX ALPHABETIQUE………………………………………………...415
XIX
Introduction
Introduction
1. La croissance économique a besoin du crédit1, le crédit a besoin des
sûretés, puisque celles-ci confèrent au créancier une action prioritaire ou
supplémentaire pour réduire les risques d’un défaut de paiement en cas
d’insolvabilité du débiteur. Donc, il n’y a pas d’économie moderne sans crédit,
pas de crédit sans sûretés 2 . Les sûretés ont besoin d’un régime juridique
efficace pour faire face à l’insolvabilité de l’emprunteur. En effet, l’histoire
nous montre que moins les sûretés ont d’efficacité, plus le crédit est rare,
notamment pour les petites et moyennes entreprises3.
2. Le droit des sûretés est donc le prolongement nécessaire du droit du
crédit. Actuellement il ne peut exister de droit du crédit sans droit des sûretés.
Le droit des sûretés rassemble, sous une terminologie commune, deux
catégories de sûretés : les sûretés personnelles et les sûretés réelles. Compte
tenu, d’une part, que la matière des sûretés personnelles est depuis longtemps
considérée soit dans le cadre des études générales du droit des sûretés, soit dans
celui des études du droit des obligations et, d’autre part, que les sûretés réelles
occupent une place de plus en plus importante dans la vie économique et dans
le commerce international, la présente thèse s'attachera uniquement à la
question des sûretés réelles.
3. Il convient, dans cette introduction générale, de présenter l’évolution du
droit des sûretés réelles, d'expliquer les raisons pour lesquelles nous
1
C’est-à-dire qu’un créancier accepte de son débiteur un paiement à terme qui peut
résulter du contrat ou d’un aménagement du contrat.
2
Yves PICOD, Droit des sûretés, Puf, 2008, p. 1.
3
Une étude du Center on Institutional Reform and the Informal Sector (IRIS), à
l’Université du Maryland à College Park, a pu nous montrer que le crédit garanti
représente 80% de la valeur des prêts bancaires faits aux petites entreprises. Citée par
Georges AFFAKI, De la relation perfectible entre le crédit et les sûretés, Repenser le droit
des sûretés mobilières, Institut André Tunc, EJA, 2005, p. 10.
20
Introduction
procéderons à la comparaison des droits chinois et français, et de rappeler les
difficultés rencontrées.
§ I – L’évolution du droit des sûretés réelles
4. Historiquement, les sûretés réelles sont postérieures aux sûretés
personnelles puisque l’apparition de ces premières suppose la distinction entre
la chose et le droit réel qui s'y rapporte. L'histoire nous montre que le
législateur a traité ce sujet en alternant rigueur et laxisme, les sûretés réelles
étant soit extrêmement précises, soit laissées dans le flou.
A. La présentation de l’évolution du droit des sûretés réelles
5. Ces sûretés étaient historiquement fondées sur la propriété : un débiteur
transmet la propriété d’un bien à son créancier qui la lui restituera au
remboursement. Ces sûretés présentent un gros avantage en ce qu’elles
confèrent une sécurité absolue au créancier ; leur défaut tient au fait qu’elles
font courir un risque au débiteur, qu’il ne peut plus se servir du bien et, sur le
plan économique, il y a gaspillage du crédit car un même bien ne pourra faire
l’objet une seconde garantie. Ces sûretés fondées sur la propriété connaissent
un regain de faveur alors qu’elles avaient quasiment disparu.
a. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en
droit français
6. En France, le droit des sûretés réelles n’avait jamais été réformé depuis
1804. Seules certaines additions ou modifications ponctuelles étaient insérées
dans le Code civil ou entraient en vigueur en dehors de celui-ci. Cependant,
compte tenu de sa dispersion, de son ambiguïté et de sa complexité, il était
nécessaire de le réformer dans son ensemble.
7. En 2003, un Groupe de travail présidé par le Professeur Michel
Grimaldi se voyait confier par le garde des Sceaux la mission de concevoir et
de rédiger le texte d’un projet de réforme de l’ensemble du droit des sûretés.
21
Introduction
Cependant, le Gouvernement n’ayant pas été habilité à réformer le
cautionnement et les privilèges que le Parlement considérait comme des
matières trop sensibles, la portée et l’ambition de l’ordonnance du 23 mars
2006 sont beaucoup plus restreintes que dans le projet initial ; le domaine du
droit des sûretés personnelles, notamment, n’a guère été touché par
l’ordonnance (à l’exception de la définition de la garantie autonome et de la
lettre d'intention). En définitive, seules les sûretés réelles ont été vraiment
reformées et actualisées. Les terminologies de « gage » et de « nantissement »
ont été clarifiées, la première concernant l’affectation en garantie de meubles
corporels et la seconde celle de meubles incorporels. Désormais, le gage sans
dépossession est également consacré dans le code, de même que le droit de
rétention, l’antichrèse-bail, l’hypothèque rechargeable et le prêt viager.
En outre, la réforme a amélioré certaines techniques des sûretés réelles qui
les rendent plus efficaces4. En premier lieu, le pacte commissoire par lequel le
bien sera attribué sans formalité au créancier moyennant une simple évaluation
par un expert a été généralement admis tant en matière mobilière qu’en matière
immobilière (dans ce dernier cas, l’immeuble grevé qui constitue la résidence
principale du constituant est exclu, art. 2459, C. civ.). Ensuite, en consacrant
l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué au créancier, les modalités de
réalisation de l’hypothèque sont assouplies en faveur du créancier.
En créant un nouveau livre (Livre IV) qui se fonde sur la distinction
fondamentale entre sûretés personnelles et sûretés réelles, la réforme du droit
des sûretés réorganise le Code civil.
b. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en
droit chinois
4
Laurent AYNÈS, Présentation générale de la réforme, D 2006, n°19, p. 1290.
22
Introduction
8. Depuis l’avènement de la République populaire de Chine (1949), le
système juridique chinois était totalement désorganisé. Même si les sûretés
existaient timidement en pratique, il n’y avait pas de système juridique officiel
dans ce domaine depuis longtemps.
9. Depuis 1978, la Chine a connu un épanouissement économique et
juridique. Il s’agit d’abord du développement de la libre circulation des
marchandises et des capitaux qui est garantie généralement sous l’empire des
Principes généraux du droit civil (PGDC, 1986, min fa tong ze/民法通则) et du
droit des contrats. Le système du droit des contrats, dont plusieurs lacunes
juridiques ont été comblées durant les années qui ont suivi 1978, se
perfectionne graduellement5. Cependant, le seul régime contractuel n’est pas
suffisant pour assurer la poursuite du développement et la stabilité des relations
et de la circulation des biens et des capitaux ; il faut encore instaurer un
système de garantie qui suppose la distinction entre les sûretés personnelles et
les sûretés réelles. Selon la doctrine commune chinoise, les sûretés personnelles
« consistent dans l’adjonction d’un ou de plusieurs débiteurs au créancier
contre le non-paiement du débiteur principal » 6 . Elles se rattachent donc
essentiellement au droit des obligations, comme la doctrine française les
considère. Alors que la sûreté réelle « affecte au créancier garanti un droit de
préférence sur les biens grevés, soit en cas d’insolvabilité du débiteur, soit si les
conditions convenues entre les parties se réalisent, sauf disposition législative
exceptionnelle» (art. 179, Loi sur les droits réels). Pendant cette vingtaine
d'années, le droit des sûretés s’est profondément transformé. Avant la
promulgation de la Loi sur les sûretés (LS, 1995), plusieurs lois ont contribué à
5
Au niveau de la législation nationale, il existait en Chine trois lois spéciales des contrats :
Loi sur les contrats économiques (1981), Loi sur les contrats économiques avec l’étranger
(1985) et Loi sur les contrats techniques (1987). Toutes sont abolies et actuellement
remplacées par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999.
6
CHEN Benhan, Traité du droit des sûretés, Éd. de l’Université de Wuhan, 1998, p. 60.
23
Introduction
l’instauration du système des sûretés, parmi lesquelles la Loi sur les contrats
économiques (LCE, 1981) et les Principes généraux du droit civil (PGDC, 1986)
étaient les plus importants. Cependant, jusqu'à la promulgation de la LS, aucun
régime systématique des sûretés n’avait été érigé. Ce dernier a été récemment
réformé en profondeur par la Loi sur les droits réels (LDR, 2007).
1) Avant la promulgation de la LS
10. La Loi sur les contrats économiques (LCE), quant à elle, s’appliquait
seulement aux relations contractuelles internes. C'est la première loi sur le
contrat en RPC, mais aussi la première loi concernant les sûretés. Elle ne
prévoyait cependant que le cautionnement dans son article 15 et le droit de
rétention dans le cadre du contrat de façonnage dans son article 19, alinéa 4.
Elle a été remplacée par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999.
11. Fondés sur le premier livre consacré aux principes généraux du Projet
de droit civil, les PGDC ont été promulguées le 12 avril 1986. Cette loi, dont
seul l’article 89 au contenu peu élaboré est consacré aux sûretés, ne porte que
sur les principes fondamentaux des relations juridiques civiles. En matière de
sûretés réelles, elle a instauré le système du droit de rétention et de
l’hypothèque (art. 89), mais n’a pas distingué le gage de l’hypothèque. Il
manque aussi des conceptions fondamentales et des dispositions précises,
notamment en ce qui concerne les qualités du constituant des sûretés, la
définition des biens grevés, les droits et les devoirs des parties intéressées, ainsi
que les modes de réalisation des sûretés.
12. Avant la promulgation de la LS, il existait encore d’autres lois qui ont
contribué à l’instauration du régime général des sûretés. Par exemple, la Loi sur
les contrats économiques avec l’étranger de 1985 stipulait dans son article 15
que « les parties du contrat peuvent convenir des sûretés » et que « le garant
assume la responsabilité dans l’étendue convenue de la garantie » ; la Loi sur
les contrats techniques de 1987 prévoyait dans son article 11 que « les parties
24
Introduction
du contrat technique peuvent convenir des sûretés... », ce qui était précisé par la
Réglementation d’exécution de cette loi 7 , dont l’article 17 concernait
l’hypothèque et stipulait que « les parties du contrat technique peuvent
convenir d’une hypothèque. Si l’obligation du contrat n’est pas exécutée, le
créancier hypothécaire a le droit de préférence sur le bien grevé. Après
l’exécution du contrat, le créancier doit rendre le bien grevé. Les biens limités
de circulation par des lois ou des règlements ne peuvent être hypothéqués ».
Ces deux lois importantes sur les contrats sont abolies et remplacées par la Loi
sur les contrats du 15 mars 1999.
13. Cependant, même s’il y avait des normes juridiques en matière de
sûretés à cette époque, il restait encore beaucoup de problèmes importants. Tout
d’abord, la législation sur les sûretés demeurait extrêmement incomplète. Il y
avait seulement deux articles concernant les sûretés en droit commun, à savoir
l’article 89 des PGDC et l’article 15 de la Loi sur les contrats économique
(LCE). Compte tenu de l'importance de cette matière du droit, deux articles ne
pouvaient satisfaire aux besoins de la pratique juridique des sûretés complexes.
En second lieu, beaucoup de notions fondamentales n’étaient pas clarifiées. Par
exemple, les PGDC n’ayant pas consacré un seul chapitre au droit réel, le droit
de rétention et d’hypothèque étaient intégrés au domaine du droit de créance.
Aucune distinction n'était faite entre hypothèque et gage. Leur qualification de
droit réel et leurs effets juridiques se sont vus affaiblis. Ainsi, avant la
promulgation de la Loi sur les sûretés de 1995, les dispositions juridiques
chinoises concernant les sûretés étaient obscures, hétérogènes, voire
impraticables. Cette situation confuse réclamait d’urgence une amélioration.
7
Réglementation d’exécution de la Loi sur les contrats techniques(技术合同法实施条
例), promulguée par la Commission nationale des sciences et techniques (国家科学技术
委员会), ratifiée par le Conseil des affaires d’État (CAE) le 15 février 1989.
25
Introduction
14. Cette nécessité d’améliorer la législation du droit des sûretés était
davantage renforcée par la pratique économique chinoise à cette époque.
15. Pendant les dix premières années qui suivirent la politique de réforme,
à cause du régime de l’économie planifiée et de l’intervention excessive de
l'administration, les entreprises d’État, qui dominaient alors toute l’économie
chinoise, affichaient une rentabilité très faible, quand elles n'étaient pas
déficitaires. C’est pourquoi les contrats non exécutés sont devenus un
phénomène général et courant en Chine à la fin des années 80 et au début des
années 908. De plus en plus de dettes impayées avaient provoqué, après 1989,
un phénomène anormal sans précédent dans l’histoire : les dettes triangulaires9,
c'est-à-dire une chaîne de créances entre plusieurs entreprises. Voici un exemple
typique pour illustrer notre propos: imaginons trois entreprises, si A doit de
l’argent à B, B doit de l’argent à C, et que C doit de l’argent à A, alors les
créances entre ces trois entreprises constituent une dette triangulaire. À la fin
des années 80, ce type de créance était un phénomène général en Chine. Les
créanciers étaient obligés de tout mettre en œuvre pour se faire rembourser.
16. Dans ce contexte, d’une part, les cinq plus grandes banques d’État10
avaient un monopole absolu sur le marché financier. Dans la mesure où environ
8
Selon les statistiques, environ un million de contrats n’ont pas été exécutés en 1992 et ils
concernaient entre 300 et 400 milliards de yuans (RMB). XIAO Yang. L’économie de
marché et l’établissement des régimes du droit, Éd. du droit, 1994, p. 11.
En avril 1994, selon un sondage sur le taux de remboursement des emprunts des
entreprises aux établissements financiers dans la Région économique spéciale de Hainan,
la plus grande région économique de Chine, 4 100 millions de yuans de dettes à échéance
n’ont pas été remboursés, ce qui représente 19% des prêts bancaires. À l’échelle nationale,
15% des prêts bancaires étaient à échéance. Selon d’autres statistiques, jusqu’à la fin de
l’année 1992, les créances douteuses représentaient 15% du capital de crédit des banques.
« Communiqué du Comité de l’Assemblée Populaire Nationale de la République populaire
de Chine »(《 中华人民共和国全国人民代表大会常务委员会公报 》
),1995 N° 4, p.
20-21.
9
LI Shigang, Le droit chinois des sûretés – étude comparative, Thèse Paris II, 2008, p. 42.
10
Les cinq plus grandes banques chinoises d’État sont la Banque industrielle et
commerciale de Chine, la Banque agricole de Chine, la Banque de Construction de Chine
et la Banque de Chine.
26
Introduction
76% de leurs obligations étaient des prêts, dont une partie considérable était
devenue des créances douteuses, ces prêts étaient cruciaux pour ces
établissements. D’autre part, les entreprises endettées ont demandé de
nouveaux prêts sous prétexte qu’elles avaient besoin de poursuivre leurs
affaires afin de rembourser leurs dettes. Même en sachant que ces entreprises se
trouvaient dans des situations très difficiles, les banques n’ont pas eu d'autres
choix que de leur octroyer de nouveaux prêts pour conserver la « possibilité »
d’un remboursement. Et ce, alors que les dettes des entreprises se multipliaient
et que les créances douteuses des banques étaient de plus en plus importantes.
17. En résumé, ce phénomène a provoqué une crise du crédit à la fin des
années 1980. Dans ce cas précis, les banques et autres établissements financiers
se sont mis à consentir des prêts hypothécaires pour éviter les risques crédits.
De même, de plus en plus d’entreprises ont pris des mesures de sûretés dans
leurs affaires commerciales.
18. Par conséquent, la législation chinoise très incomplète du droit des
sûretés à cette époque n’a pas pu satisfaire à la demande pressante des
opérateurs économiques. Le changement spectaculaire en matière économique
et en matière juridique réclamait d’urgence une normalisation du droit des
sûretés.
2) La promulgation de la Loi sur les sûretés (LS)
19. Pour satisfaire aux besoins de la pratique économique et juridique, la
Loi sur les sûretés (LS) promulguée le 1er octobre 1995 constitue le premier
jalon historique dans le domaine du droit des sûretés puisqu’elle a, pour la
première fois, instauré un régime systématique des sûretés. Cette loi est
profondément
influencée
par
la
législation
des
sûretés
du
droit
romano-germanique. Même si elle n’est pas parfaite et que sa technique
législative n’est pas excellente, son rayonnement est important et non
négligeable.
27
Introduction
20. Tout d’abord, c’est grâce à l’application de cette loi, plutôt qu’à celle
des PGDC, que se sont établis le système et le régime contemporains chinois de
base du droit des sûretés. Ses règles sont beaucoup plus systématiques, précises
et claires qu’auparavant. Pour le moment, elle a satisfait les créanciers et a
aussi répondu aux attentes du législateur.
21. Par ailleurs, elle englobe différents modèles de sûretés. Face à
l’urgence de la demande, le législateur chinois a eu l’intention d’intégrer tous
les modèles de sûretés dans une loi, afin d’établir en une seule fois un système
de protection des créances et d’offrir aux créanciers toutes les options
possibles11. Il n’existait ni code civil ni système du droit réel au moment de la
rédaction de la LS en Chine ; il n’y avait donc pas d’entraves limitant la
structure de la loi. Cette caractéristique fait de la LS le droit commun des
sûretés.
22. Cependant, c’est après tout une loi faite dans la précipitation, qui
n'est pas exempte d'imperfections.
En premier lieu, c’est une loi où plusieurs notions de base font défaut. Au
moment de sa rédaction, la Chine ne possédait pas de code civil et les
connaissances relatives à certaines notions de droit civil étaient faibles.
Beaucoup de notions fondamentales n’étaient pas clarifiées, d’autant que le
système du droit réel n’était pas mis sur pied. Il manquait, par exemple, les
notions et les régimes d’immeuble, de meuble, de publicité, de dépossession, de
possession, de compensation, de consignation, etc. De même, l’expression
« droit réel » n’avait pas de source juridique lors de la rédaction de la LS, la
notion de « sûreté réelle » n’y figure pas. Par conséquent, des notions et des
régimes de base qui aurait dû être définis par la loi de base du droit civil sont
régis par la LS elle-même (par exemple, les notions d’immeuble et de meuble).
11
Ibid., p. 45.
28
Introduction
En deuxième lieu, la structure de cette loi n’est pas assez logique et
pertinente. En effet, le législateur n’a pas mis l’accent sur sa structure interne. Il
n’a pas fait la distinction entre sûretés personnelles et sûretés réelles et a
directement prévu les cinq catégories de sûretés. Concernant les sûretés réelles,
des dispositions générales s’appliquant à tous les modèles sont prévues au
Chapitre III intitulé « De l’hypothèque ». La loi n’a pas non plus établi la
distinction entre sûretés mobilières et sûretés immobilières.
En troisième lieu, le régime d’inscription ne satisfait pas à la pratique des
sûretés réelles. Prenons l’exemple de l’inscription immobilière : les dispositions
afférentes sont très fragmentées, réparties entre plusieurs lois spéciales (la LS,
la Loi sur la gestion des biens immobiliers en zone urbaine, etc.). De plus, les
institutions chargées du service de la gestion d’inscription sont assez
nombreuses. Chacun fait à sa guise. Cette situation désordonnée aboutit
inévitablement à des inscriptions redondantes, voire à des inscriptions qui se
contredisent les unes les autres.
Enfin, dans le but de favoriser la réalisation des créances, cette loi crée un
déséquilibre entre l’intérêt du créancier et celui du constituant. Ce dernier se
trouve dès lors en position de faiblesse.
23. En résumé, la LS a établi le régime systématique du droit des sûretés
en Chine, mais elle ne contient que des règles relativement rudimentaires et
commet certaines erreurs du point de vue de la technique législative. Après son
entrée en vigueur, la pratique du crédit a évidemment été encouragée, mais elle
a rencontré aussi de grandes difficultés qui rendaient nécessaires une
amélioration des sûretés réelles.
3) La réforme de la Loi sur les droits réels (LDR)
24. La promulgation de la LDR, qui contient 247 articles et constituera la
partie « Des droits réels » du futur Code civil, est une étape importante sur la
voie de la rédaction du Code civil chinois.
29
Introduction
25. Elle a instauré, pour la première fois en Chine, les notions de base et
les principes généraux des droits réels.
En premier lieu, la LDR précise les notions importantes de « droit réel » et
de « chose ». L’article 2, alinéa 3 dispose que les droits réels sont « les droits du
titulaire d’emprise directe et exclusive sur la chose spécialisée, y compris la
propriété, le droit d’usufruit et les sûretés réelles ». Seules les
« choses »
peuvent fait l’objet du droit réel. Alors, qu’entendons-nous par « chose » en
droit réel chinois ? Selon l’article 2, alinéa 2 de la LDR, « les choses
comprennent les immeubles et les meubles dans le cadre de la présente loi. Si
les droits peuvent être l’objet des droits réels selon certaines lois, celles-ci
s’appliquent». Quant aux notions d’immeuble et de meuble, La LDR les
renvoie à l’article 92 de la LS qui dispose que « dans le cadre de la présente loi,
les immeubles indiquent les fonds de terre et les choses adhérant au sol, tels
que les bâtiments, les arbres, etc. Les meubles indiquent les choses autres que
des immeubles ». Ici, il faut remarquer qu’en droit chinois, bien que les droits
puissent être l’objet des droits réels dans certains cas (par exemple, le gage de
créance), ils ne sont pas des choses, donc ne sont ni des immeubles ni des
meubles. Ce n’est qu’une exception aux droits réels car, selon la théorie
traditionnelle chinoise des droits réels, ces derniers ne touchent en principe que
des choses corporelles. Ce point diffère beaucoup de la règle du droit français
qui traite les droits comme des meubles incorporels.
En deuxième lieu, les règles concernant la classification et les types des
droits réels sont réarrangées et codifiées par la LDR dans son article 2, alinéa 3
qui dispose que les droits réels « comportent la propriété, les droits réels
d’usufruit et les droits réels des sûretés ».
En troisième lieu, bien que son nom, son organisation et ses compétences
ne soient pas encore précisés par des lois et des règlements, un nouvel organe
chargé de l’inscription immobilière sera certainement créé dans le futur proche.
Le régime d’inscription immobilière sera sûrement amélioré et unifié.
30
Introduction
26. Pour protéger la stabilité des relations et la régularité des transactions
de biens, l’article 5 de la LDR, en énonçant que « les types et contenus des
droits réels sont fixés par les lois », consacre expressément le principe de
numerus clausus. De même, la LDR prévoit expressément le principe de la
publicité des droits réels (art. 6, LDR) qui signifie que la constitution, la
modification, la transmission ou l’extinction de ceux-ci est subordonnée à la
remise des choses ou à l’inscription, ainsi que le principe de spécialité selon
lequel les droits réels ne peuvent porter que sur les biens individualisés et
identifiés quant à leurs natures, leurs situations, leurs qualités et leurs quantités
(art. 2, al. 3, LDR).
27. En clarifiant les notions de base et en énonçant expressément les
principes généraux des droits réels, la LDR supprime les obstacles théoriques
des sûretés réelles. Néanmoins, la portée de la LDR en ce qui concerne les
sûretés réelles va plus loin que les points susmentionnés. Elle a aussi apporté
des améliorations directes aux sûretés réelles.
Tout d’abord, la LDR a consacré, pour la première fois en droit chinois, un
chapitre aux « Dispositions générales » (chapitre XV) des sûretés réelles. Après
une simple définition qui met l’accent sur le droit de préférence des sûretés
réelles (art. 170), ce chapitre présente les dispositions nouvelles concernant les
principes et les caractéristiques des sûretés réelles : le principe de numerus
clausus (art. 171, alinéa 1), le caractère accessoire (art. 172) et la subrogation
réelle (art. 174). Il se trouve aussi des dispositions qui répètent des règles déjà
prévues dans la LS : l’étendu de la créance garantie par les sûretés réelles
(art. 173), la transmission de la dette principale (art. 175), la relation entre les
sûretés réelles et les sûretés personnelles (art. 176) et les causes communes
d’extinction (art. 177). Cet arrangement a remédié au problème posé par la
structure illogique de la LS, où les dispositions générale figurent au Chapitre III
intitulé« De l’hypothèque ».
31
Introduction
Quant au régime d’hypothèque, la LDR a pour but d’améliorer et préciser
les règles fixées par la LS. L’hypothèque immobilière entre en vigueur dès
l’inscription de l’hypothèque et non pas au moment de la conclusion du contrat
constitutif (art. 187). Cela a résolu le problème posé par la LS qui confondait la
constitution valable de l’hypothèque avec la validité du contrat constitutif de
l’hypothèque. Pour l’hypothèque mobilière, l’inscription n’est qu’une condition
d’opposabilité, elle entre en vigueur dès la conclusion du contrat hypothécaire.
Le régime du gage est stable. La LDR adopte la solution énoncée par les
« Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés
de la RPC »(2000), disposant que le gage entre en vigueur dès la remise de la
chose grevée et non pas au moment de la conclusion du contrat constitutif. Cela
a résolu le problème posé par la LS, qui a confondu l’entrée en vigueur du gage
avec l’effet du contrat constitutif du gage. D’ailleurs, les assiettes de
nantissement sont élargies parce que, dès l’application de la LDR, les créances
à recevoir peuvent être nanties (art. 223-6o et 228, LDR).
De plus, les champs d’application du droit de rétention, qui étaient limités
aux obligations résultant du contrat de conservation, de transport, de façonnage
et de forfait, de magasinage et de courtage par la LS et la LC, sont nettement
élargis. Ils peuvent comprendre tous types d’obligations, que ce soient des
obligations contractuelles ou délictuelles etc., sous réserve des dispositions des
lois ou des conditions convenues entre les parties12.
4) D’autres normes concernant les sûretés réelles
28. Outre les lois précitées, il existe aussi d’autres normes qui touchent
directement ou indirectement aux sûretés réelles.
12
LI Jianwei, Les 61 thèmes du droit civil – des symposiums de l’examen juridique
national, Éd. de la cour populaire, p. 274.
32
Introduction
29. En premier lieu, nous envisagerons les lois spéciales qui peuvent
relever du droit civil, du droit commercial ou économique13 ou encore des lois
procédurales.
En matière de droit commercial ou économique, il existe deux lois
importantes qui enrichissent beaucoup le droit chinois des sûretés : la Loi sur le
commerce maritime (LCM) de 1992 et la Loi sur l’aviation civile (LAC) de
1995. La première instaure le régime de l’hypothèque, de privilège et du droit
de rétention des navires de mer. La seconde aborde principalement le régime de
l’hypothèque et des privilèges des aéronefs civils. Ces deux lois ont élargi
l’assiette des sûretés réelles.
La nouvelle Loi sur la faillite d’entreprise (LFE) promulguée le
27 août 2006 et appliquée le 1er juin 2007 est très importante pour déterminer
les classements des créanciers ayant sûretés réelles en cas de liquidation
judiciaire. De plus, elle est aussi une source importante du droit en matière de
privilèges, même si la nature de ces droits est beaucoup discutée en doctrine
chinoise.
Par ailleurs, en raison du rôle central des sociétés dans l’activité
économique moderne, la Loi sur les sociétés a un statut majeur dans le système
du droit. En matière de sûretés, elle prévoit des dispositions spéciales relatives
à la procédure à suivre pour la constitution des sûretés fournies par sociétés
(art. 16, 105, 122 et 149). Mais elles concernent principalement la gestion et les
responsabilités internes d’une société.
De plus, la Loi sur la gestion des biens immobiliers en zone urbaine mérite
notre attention. Elle prévoit les règles relatives à la concession et l’allocation
des droits d’usage du terrain (chapitre II), la transaction et l’exploitation
13
En doctrine chinoise, on distingue le droit commercial, le droit économique du droit
civil. XIAO Junyong, LIU Chengwei, De la division des branches du droit, in Quotidien
du système législatif, 2003.
33
Introduction
d’immeubles (chapitre III), ainsi que les règles concernant l’inscription
immobilière (chapitre V). De même, la « Loi sur la gestion des terres » fixe les
biens susceptibles d’être hypothéqués : la propriété et le droit d’usage du
terrain.
Il en est de même des lois qui organisent la liquidation des personnes
physiques ou morales, telles que la Loi sur les assurances, la Loi sur les
banques commerciales, la Loi sur les entreprises associées, la Loi sur les effets
de commerce, la Loi sur la procédure civile, etc.
30. En deuxième lieu, il existe des décrets et des arrêtés qui influencent
les sûretés réelles. Les décrets sont les normes émanant du Conseil des Affaires
d’État (CAE), dont le pouvoir de législation administrative est confié par
l’Assemblée populaire nationale (APN). Ils relèvent souvent du droit civil.
Citons, par exemple, quelques décrets concernant le droit des sûretés : le
« Règlement de la gestion des bâtiments privés en zone urbaine » promulgué
en 1983 mentionne dans son deuxième chapitre l’inscription immobilière ; le
« Règlement provisoire sur la concession et l’aliénation des droits d’usage du
terrain d’État dans les villes et les bourgs», qui se divise en sept chapitres
(Dispositions générales, Concession, Aliénation, Bail, Hypothèque, Session et
Affectation du droit d’usage des terres) suivis d’une annexe, touche directement
les sûretés réelles. De plus, le CAE promulgue aussi des décrets à caractère
explicatif qui peuvent préciser certaines règles civiles posées par la loi, tel que
le « Règlement sur les exécutions de la Loi sur la gestion des terres ». Depuis
l’application de la LS, les arrêtés fixent aujourd’hui principalement les règles
relatives à la gestion de l’inscription administrative (par exemple, les papiers à
fournir, les formulaires à remplir, les organes chargés de l’inscription, etc.). À
titre d'exemple, voici deux arrêtés ministériels : Règles concernant l’inscription
34
Introduction
hypothécaire du droit d’usage des terres collectives rurales 14 et Mesures
provisoires administratives concernant l’inscription des contrats de gage portant
sur les droits de propriété industrielle15. Ces arrêtés ont pour vocation de faire
appliquer les lois de hiérarchie supérieure concernant les sûretés réelles. En
pratique, si l’on procède à une inscription hypothécaire, il faut consulter de
multiples normes qui se situent à différents degrés dans la hiérarchie des
normes. Exceptionnellement, un arrêté peut être la source principale d’un type
de sûreté. Ici, la sûreté à l’étranger mérite une attention particulière. Les
sources principales en sont les Mesures d’administration des sûretés à
l’étranger consenties par les établissements intérieurs édictées par la Banque
populaire de Chine en 1996 et ses Règlements détaillés d’application
promulgués par l’Office national des changes en 1997.
31. En troisième lieu, il convient d’envisager aussi les explications
judiciaires édictées par la cour suprême chinoise. Selon la théorie dominante en
droit chinois, elles ne constituent pas une source du droit. En effet, la cour
suprême n’a pas de pouvoir législatif, ni le pouvoir d’interpréter une loi,
lesquels n’appartiennent qu’au Comité permanent de l’APN et à son organe
délégué. Cependant, pour des raisons historiques (les techniques législatives
chinoises ne sont pas assez accomplies et les juges chinois de base ne sont pas
toujours compétents, par exemple), les explications judiciaires ont force
obligatoire en pratique. Concernant les sûretés réelles, les Explications sur
certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS)
14
Promulgué par l’Administration nationale de la gestion des terres (remplacée par le
Ministère du Territoire et des Ressources) et entre en vigueur le 11 septembre 1995. Cette
loi, qui se compose de 14 articles, fixe les règles concernant l’organe administratif chargé
de l’inscription, le domaine d’inscription de l’hypothèque du droit d’usage des terres
collectives rurales et la requête et procédure d’inscription.
15
Promulgué le 19 septembre 1996 par le Bureau national de la propriété intellectuelle,
entré en vigueur le 1er octobre 1996. Cette réglementation, qui se compose de 24 articles,
précise l’organe administratif chargé de l’inscription de ce type de contrats de gage, la
requête, l’examen et la procédure de l’inscription.
35
Introduction
constituent un bon exemple. En pratique, l’application de cette norme prime
même sur celle de la LS et des autres normes écrites relatives aux sûretés, sauf
la nouvelle LDR16.
32. En outre, les politiques du Parti communiste chinois (PCC) et la
doctrine occupent une place importante en droit chinois. Concernant les
politiques du PCC, il faut remarquer qu’elles ne constituent pas une source du
droit. Toutefois, en raison du caractère du système politique chinois, quand
l’occasion se présente ou le cas échéant, elles peuvent devenir une loi ou un
règlement lorsqu’elles sont adoptées par le législateur. Le régime des privilèges
des employés d’une entreprise d’État en cas de « faillite politique » constitue
un bon exemple en matière du droit des sûretés.
33. Enfin, la doctrine ne constitue pas non plus une source du droit
chinois. Cependant, son rôle gagne en importance, notamment en droit civil,
car des professeurs et des chercheurs s’engagent de plus en plus dans les
organes législatifs et juridiques, participant ainsi directement à la législation ou
à la justice17. De plus, ils fournissent souvent des formations différentes aux
organes législatifs et juridiques. En pratique, il n'est pas rare que les tribunaux
s’inspirent de la doctrine pour rendre un jugement et pallier les lacunes
législatives.
B. Les principes dominant l’évolution contemporaine du droit des
sûretés réelles
34. L’exploitation de la valeur de crédit des biens et l’efficacité des
sûretés réelles sont toujours les buts poursuivis par le droit des sûretés réelles,
quel que soit le système juridique.
16
LI Shigang, op. cit., p. 93.
17
Par exemple, la LDR est profondément influencée par les projets rédigés par les
chercheurs, notamment le projet proposé par le groupe présidé par le professeur LIANG
Huixing, et celui proposé par le professeur WANG Liming.
36
Introduction
a. La recherche de la meilleure exploitation de la valeur des
biens
35. La sûreté réelle la plus ancienne est la fiducie, qui suppose le
transfert de la propriété du bien engagé. Cette sûreté prive le débiteur de l'usage
du bien grevé. La valeur de crédit du bien ne peut donc être utilisée qu’une
seule fois, car un même bien ne pourra plus faire l’objet une seconde sûreté.
Sur le plan économique, il y a évidemment gaspillage du crédit.
36. Sont apparues ensuite progressivement des sûretés réelles qui ne
supposaient plus un transfert de propriété, comme le pignus et l’hypothèque. La
première nécessite le dessaisissement du débiteur, de manière à éviter au
créancier le risque de détournement du bien grevé mais s’accompagne d’un
inconvénient pour le débiteur qui ne peut plus en tirer d’utilité économique ;
alors que la seconde ne nécessite pas le dessaisissement du débiteur. Elle peut
porter sur les meubles ou les immeubles. Elle confère à son créancier titulaire
un droit de préférence et un droit de suite.
37. Le Code civil de 1804 a consacré le gage, l’hypothèque et les
privilèges, les deux derniers ne supposant pas le transfert de propriété, ni le
dessaisissement du débiteur. Depuis lors, le constituant peut constituer
plusieurs hypothèques sur un immeuble, et peut aussi s’en servir. La valeur du
bien peut donc être autant exploitée que possible. Ce qui est regrettable, c’est
que les meubles ne puissent être l’objet d’une telle sûreté.
38. Au fil du temps, le législateur a consacré certaines sûretés mobilières
sans dépossession, tels que l’hypothèque maritime (créée en 1874, elle est
aujourd’hui régie par la loi du 3 janvier 1967, v. infra n° 327), l’hypothèque
fluviale (consacrée par la loi du 5 juillet 1917, elle est maintenant régie par
l’article 95 et s. du Code du domaine public fluvial et de la navigation
intérieure, v. infra n° 327) l’hypothèque aérienne (consacrée par la loi du
31 mai 1924, elle est maintenant régie par l’article L. 122-1 et s. du Code de
37
Introduction
l’aviation civile, v. infra n° 327) et le gage des véhicules terrestres (créé par la
loi de 1934, modifié par le décret de 1953, et intégré par l’ordonnance du
23 mars 2006 dans le Code civil aux articles 2351 à 2353 nouveaux, v. infra n°
326)18.
39. Enfin, la réforme de 2006 a généralisé le gage sans dépossession dans
le Code civil. Désormais, les meubles peuvent généralement faire l’objet de ce
type de sûretés sans dépossession. Ceci offre un avantage évident au débiteur
qui peut postérieurement constituer plusieurs sûretés sur un même bien et/ou
garder l’utilité du bien grevé.
40. En droit chinois, avant la promulgation de la LS, le régime juridique
des sûretés était, pour ainsi dire, impraticable. La valeur du bien contribuait
trop peu à l’octroi du crédit. L’entrée en vigueur de la LS a apporté une nette
amélioration. Les meubles pouvaient alors être affectés en gage pour garantir
une créance. Surtout, certains meubles pouvaient, comme les immeubles, faire
l’objet de l’hypothèque. Ainsi, la valeur du bien à l’égard du crédit était bien
exploitée. Sous l’empire de la LS, ce qui est regrettable, c’est que le constituant
de l’hypothèque ne puisse constituer une nouvelle hypothèque que sur la valeur
du même bien grevé excédant la créance initialement garantie et que
l’hypothèque portant sur les meubles n’ait pas été généralisée. Il demeurait
donc encore des gaspillages de la valeur du bien.
41. Heureusement, la LDR est venue perfectionner le régime des sûretés
réelles. En généralisant l’hypothèque sur les meubles et en supprimant la
restriction imposée par la LS aux hypothèques successives constituées sur un
même bien, le législateur chinois cherche toujours à favoriser la meilleure
exploitation de la valeur du crédit et l’utilité des biens.
18
Ce gage ne nécessitant pas une dépossession matérielle, le constituant peut encore faire
user ou jouir de la chose.
38
Introduction
b. La recherche de l’efficacité maximale
42. L’efficacité des sûretés réelles recherchée par le législateur se
manifeste sous plusieurs aspects.
43. En droit français, l’ordonnance de 2006 renforce nettement
l’efficacité des sûretés réelles relative à la leurs constitutions, leurs
opposabilités et leurs réalisations.
En ce qui concerne la constitution, le gage a perdu son caractère réel et
devient un contrat solennel. Un acte écrit suffit pour sa valable constitution.
Son opposabilité est désormais assurée par la dépossession du bien ou
l’inscription du gage. L’application du Décret n° 2006-1804 du 23 décembre
2006 pris pour l'application de l'article 2338 du Code civil et relatif à la
publicité du gage sans dépossession rend le gage sans dépossession plus
efficace que le gage avec dépossession.
L’efficacité de la réalisation, quant à elle, se manifeste d’abord par la
généralisation du pacte commissoire (v. supra n° 7) par lequel le créancier peut
devenir le propriétaire du bien grevé après une simple évaluation par un expert
en cas de non paiement de sa créance garantie. Ensuite, l’ordonnance généralise
l’attribution en paiement et facilite sa mise en ouvre en faveur du créancier.
Au-delà de l’ordonnance, la Loi de modernisation de l’économie de 2008 a
étendu le droit de rétention au gage sans dépossession (art. 2286, al. 4, C. civ.).
De plus, l’hypothèque rechargeable, qui permet d’affecter successivement
ou simultanément une même hypothèque en garantie de plusieurs créances,
simplifie la constitution de plusieurs hypothèques sur un même immeuble et en
réduit sensiblement les coûts. Elle renforce aussi les droits de préférences des
créanciers qui inscrivent leurs droits après le créancier initialement garanti.
Toutes ces caractéristiques renforcent l’efficacité des sûretés réelles en
droit français.
39
Introduction
44. En droit chinois, l’efficacité des sûretés réelles traditionnelles est
renforcée par la LDR. Par exemple, la publicité de la sûreté, qu’elle soit
réalisée par la remise de la chose grevée ou par l’inscription, était une condition
de la validité du contrat constitutif de sûreté. La LDR l’a modifiée en
distinguant la validité du contrat de celle de la sûreté elle-même. Désormais, le
contrat constitutif de sûreté est valable par la simple conclusion écrite.
Étant donné que l’hypothèque de montant maximal qui « peut garantir,
dans la limite d’un montant maximal, des créances qui se produiront
successivement pendant une période déterminée » est consacrée par la LDR
(art. 203, LDR), les parties de l’hypothèque n’ont pas à constituer plusieurs
hypothèques pour les créances successives. De plus, ce régime est aussi
applicable au gage, c’est ce que l’on appelle gage de montant maximal.
En outre, la LDR a créé l’hypothèque flottante, qui permet au constituant
d’affecter l’ensemble des machines de production, des matières premières, des
produits semi-finis et des produits finis en garantie d’une créance. Cette sûreté
nouvelle, non seulement renforce la fiabilité du droit de sûreté du créancier,
mais aussi réduit les coûts pécuniaires et en temps nécessaires à la constitution
des hypothèques sur chaque bien. Elle est donc plus efficace que les sûretés
réelles traditionnelles.
En résumé, le législateur chinois, comme le législateur français, cherche
toujours à améliorer l’efficacité des sûretés réelles.
§ II - Difficultés et portée de la présente étude
45. La présente étude comparée soulève, sans aucun doute, des difficultés
majeures. Elle revêt aussi une signification importante pour les juristes et les
commerçants des deux pays.
A. Difficultés rencontrées dans la présente étude
40
Introduction
46. La première difficulté rencontrée concerne la traduction, et ceci pour
deux raisons. D'abord, le nombre astronomique des documents à traduire, y
compris les lois au sens strict, les règlements et autres normes juridiques, les
œuvres des juristes, etc. Ensuite, il est toujours difficile de trouver les
terminologies juridiques françaises pour correspondre exactement aux
terminologies juridiques chinoises, car les terminologies juridiques sont
toujours fondées sur leurs propres systèmes juridiques, lesquels sont
intimement liés aux traditions culturelles et sociales propres à chaque pays. Il
ne s’agit pas d’une
traduction purement linguistique, mais plutôt d’une
approche de droit comparé. La traduction est donc un véritable travail de
spécialiste en droit. Nous essaierons d’abord de trouver les terminologies et les
institutions similaires en droit français et en droit chinois relatives aux sûretés
réelles, puis de trouver des expressions françaises qui peuvent bien refléter avec
justesse leurs significations chinoises. Pour ce qui concerne les institutions qui
n’existent pas en droit français, nous les traduirons directement (s’il n’existe
aucune terminologie en droit français qui correspond plus ou moins à leur
signification chinoise, nous utiliserons la transcription en pinyin/拼音), en
précisant leurs notions et fonctions de sorte à être bien compris des juristes
français.
47. La deuxième difficulté réside dans la documentation. Cet aspect
présente toujours une grande difficulté pour le travail de recherche, bien connue
des juristes sino-français : « malgré les efforts entrepris, il n’existe pas encore à
l’instar de nos démocraties occidentales de publication systématique et
exhaustive des lois et règlements, la publication des décisions de justice est un
phénomène nouveau et limité et la doctrine demeure embryonnaire »19. Et
surtout, en raison des réformes récentes des sûretés réelles en droit français et
en droit chinois, les recherches sur ces nouveaux sujets ne sont pas assez
19
Hervé LECLERCQ, Introduction au droit chinois des contrats, Éd. Joly, 1994, p.VII.
41
Introduction
abondantes, a fortiori les études comparées des deux systèmes. Par exemple, le
législateur français a reclassé les sûretés réelles selon leurs assiettes, mais non
plus selon le critère de la possession, il a aussi consacré officiellement dans le
Code civil le « gage sans dépossession ». Sur ces nouveaux points, certains
auteurs ont fait des efforts et rencontré un certain succès, mais ce domaine reste
loin d’être étudié en profondeur.
48. En dépit de ces difficultés, c’est un sujet important et intéressant qui
mérite une étude approfondie.
B. Portée de la présente étude comparée
49. Pour mieux comprendre la portée de la présente étude, il nous semble
judicieux d’invoquer les paroles de monsieur Francesco COSENTINI : « j’ai
toujours considéré comme une grave erreur celle de Montesquieu, qui dans son
Esprit des Lois, prétend que les lois doivent être tout à fait le reflet de leur
milieu social, doivent différer d’un pays à l’autre, comme deux feuilles dont il
n’est jamais possible d’en trouver deux exactement semblables. L’histoire de la
législation et le droit comparé nous montrent tout le contraire. Le droit vise à
l’universalité » 20 . Cette remarque est un appel à la recherche juridique
dynamique, qui peut se résumer en une simple phrase : comparer en unifiant et
unifier en comparant.
50. De nos jours, l’Union Européenne (UE), dont la France est l’un des
pays les plus importants, est le principal partenaire commercial et la première
destination d’exportation de la Chine. Réciproquement, la Chine occupe une
place très importante pour les importations et exportations de l’UE.
En conséquence, d’un côté, de plus en plus d’entreprises chinoises
commencent ou veulent commencer à développer leurs activités en France ; de
20
Francesco COSENTINI, Le droit comparé et l’Américain Common law, cité par Ph.
REYMOND, Les sûretés mobilières aux Étas-Unis et en Suisse, Librairie Droz (Genève),
1983, p. 15.
42
Introduction
l’autre côté, les entreprises françaises en Chine sont de plus en plus
nombreuses21. Les opérations de financement, où les sûretés réelles jouent un
rôle non négligeable, sont essentielles tant pour les entreprises chinoises en
France que pour les entreprises françaises en Chine. Dans ce contexte, une
étude comparée des systèmes de sûretés réelles en Chine et en France revêt une
importante signification, à la fois pratique et théorique :
--- pour les autorités judiciaires confrontées au problème de la
qualification et de la reconnaissance d’une sûreté réelle constituée à l’étranger ;
--- pour les commerçants, les fabricants et les importateurs dont la garantie
réelle constituée à l’étranger est menacée par le déplacement du bien grevé de
la Chine en France ou de la France en chine, ainsi que pour ceux-ci de l’un
pays qui désirent obtenir une sûreté réelle dans l’autres pays ;
--- pour les juristes dans ces deux pays, qui s’intéressent au droit
international privé ou au droit comparé.
51. En résumé, l’objet de cette étude consiste à analyser les points
communs et les divergences entre les systèmes concrets des sûretés réelles en
droit chinois et en droit français. Cependant, auparavant, il convient de
présenter et d’éclairer, sur un point particulier et important, les théories
générales des sûretés réelles dans les deux pays.
Ainsi, le présent travail comprendra trois parties :
Dans la première, nous comparerons la théorie générale des sûretés réelles
en droit chinois et en droit français.
21
Selon la statistique réalisée par le Ministère d’investissement français en 2007, le
nombre des entreprises chinoises en France est d’environ 100 ; selon la statistique réalisée
par l’Ambassade de France en Chine, le nombre des entreprises françaises en Chine est de
plus de 2 000.
43
Introduction
La deuxième partie portera sur la comparaison des systèmes chinois et
français concrets des sûretés mobilières.
La troisième partie sera consacrée aux sûretés immobilières dans les deux
pays.
44
Première partie
Théorie générale des sûretés réelles
(approche macro juridique)
45
Titre I – La délimitation de « sûreté réelle »
46
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
Chapitre I – La notion de « sûreté réelle »
52. L’analyse de notion est l’activité préalable des études juridiques. Elle
est sans aucun doute une condition préalable de la qualification juridique qui
nécessite les connaissances exactes des éléments constitutifs d’un terme
juridique.
53. Le terme de « sûreté réelle » n’était qu’un terme doctrinal en France
ainsi qu’en Chine pour s’opposer aux sûretés personnelles. Cependant, la
réforme française des sûretés et la réforme chinoise des droits réels adoptent,
pour la première fois et sans se donner le mot, officiellement le terme de
« sûreté réelle » dans leurs lois. Il semble donc que nous pouvons mettre cette
question de côté maintenant que le terme de « sûreté réelle » est officiellement
utilisé dans le Code civil français et dans la Loi sur les droits réels (LDR)
chinoise. Cette question nécessite toutefois une étude plus poussée en doctrine,
puisqu’en tant qu’un terme juridique, la « sûreté réelle » est loin d’être assez
précise et stricte : le Code civil ne donne pas la définition ; la LDR ne donne
qu’une définition sommaire. En effet, c’est un terme officiellement employé
par le législateur pour mieux organiser la structure de la loi. Il rassemble
certaines catégories de sûretés de même nature ou de nature similaire, mais
chacune a leur propre particularité.
Donc, l’étude de la notion de « sûreté réelle » est une question prioritaire
à approfondir. Pour mieux procéder aux études de la notion de « sûreté réelle »,
il s'avère d’abord nécessaire de donner la définition de « sûreté réelle », soit les
attributs essentiels qui enferment les sûretés réelles ; et puis d’exposer ses
caractères essentiels. Ceux qui nous permettent de distinguer la sûreté réelle du
gage général figurant dans l'article 2285 du Code civil.
Section I – La définition de « sûreté réelle »
47
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
54. Donner la définition d’un terme juridique, notamment un terme
comme « sûreté réelle » qui rassemble plusieurs catégories de sûretés, n’est pas
une mission facile. Nous envisagerons successivement la définition de « sûreté
réelle » en droit français qui n’est pas précisée par le législateur et qui n’existe
qu’en doctrine et, la définition imprécise donnée par la LDR de 2007.
§ I – Les tentatives effectuées par la doctrine française
55. En droit français, la définition de la sûreté réelle n’existe que dans le
domaine doctrinal et, est en partie incertaine: la sûreté réelle est la technique
spécifique de sûreté visant, d’une part, la rupture d’égalité entre les créanciers
qui est réalisée par le droit de préférence, d’autre part, l’affectation de biens au
paiement de la créance garantie qui est réalisée par le droit de prélèvement
prioritaire sur la valeur du bien22.
56. La réforme aurait du être une occasion de clarification. En effet, un
article de la rédaction de la réforme reprenait les deux critères précités pour
définir ce type de sûreté: la sûreté réelle est l’affectation d’un bien au profit du
créancier, en lui conférant un droit préférentiel 23 . Cette définition n’a
finalement pas été reprise dans l’ordonnance de la réforme de 2006.
57. Heureusement, les auteurs s’accordent pour en délimiter les contours,
ce qui éclaire le régime des sûretés réelles : la sûreté réelle est un mécanisme
qui affecte un ou plusieurs biens déterminés ou encore un ensemble des biens
au paiement préférentiel du créancier ; elle constitue l’accessoire de la créance
garantie et confère à son bénéficiaire un droit réel sur ce ou ces biens24.
22
Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, Traité de droit civil - droit
commun des sûretés réelles, LGDJ, 1996, p.10.
23
Rapport de Michel Grimaldi, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/
054000230/index.shtml.
24
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Puf, 2006, V° Sûreté ; Ph. SIMLER, Ph.
DELEBECQUE, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, Dalloz, 2009, p. 325.
48
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
§ II – La définition donnée par le législateur chinois
58. Avant la promulgation de la LDR, la définition de sûreté réelle en
droit chinois étais aussi partiellement incertaine comme celle en droit français
avant la réforme de 2006. La Loi sur les sûretés (LS) a fixé trois catégories de
sûretés réelles (l’hypothèque, le gage et le droit de rétention) qui formaient
l’ossature du droit chinois des sûretés réelles, sans donner malheureusement la
définition de « sûreté réelle ». En théorie, il y avait principalement quatre
opinions: la première considérait que la sûreté réelle était un droit réel limité
portant sur le bien ou les droits particuliers du débiteur ou des tiers, afin de
garantir le paiement de la dette ; la deuxième était très simple, elle considérait
que la sûreté réelle était un droit réel portant sur la valeur d’échange de la
chose ; la troisième estime que la sûreté réelle était un droit réel d’autrui qui
porte sur le bien particulier du débiteur ou des tiers et qui confère à son titulaire
un droit de préférence, afin de garantir le paiement de la dette ; la dernière
considérait que la sûreté réelle était un droit réel portant directement sur la
valeur d’échange du bien particulier, afin de garantir le paiement de la dette25.
59. Cependant, ces points de vue ne révélaient que certains aspects de la
sûreté réelle. La situation est heureusement en train de s’améliorer après
l’entrée en vigueur de la LDR. Selon la LDR, la sûreté réelle est un droit
préférentiel sur le bien grevé au profit du créancier en cas d’inexécution de la
dette à l’échéance ou quand les conditions convenues par les parties sont
réunies (art. 170, LDR). En plus, étant insérées dans la LDR, les sûretés réelles
sont indiscutablement des droits réels.
60. À travers la définition doctrinale du droit français et celle donnée par
la LDR chinoise, nous pouvons conclure que la sûreté réelle est un droit réel
accessoire qui confère à son titulaire un droit de préférence sur la valeur du
25
YANG Hong, Études sur les sûretés réelles, Éd. des sciences sociales de Chine, 2007, p.
1-2.
49
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
bien grevé. De cette conclusion résultent quelques caractères de « sûreté
réelle ».
Section II – Les caractères de « sûreté réelle »
61. De la définition que la sûreté réelle est un droit réel accessoire qui
confère à son titulaire un droit de préférence sur la valeur du bien grevé, nous
pouvons déduire les trois caractères communs des sûretés réelles en droit
français et en droit chinois.
§ I – Un droit réel
A. La qualification
62. La doctrine dominante française et la loi chinoise qualifient la sûreté
réelle d’un droit réel pour les raisons suivantes.
63. En premier lieu, elle confère à son titulaire un droit de préférence qui
est une inhérence naturelle du droit réel. Le créancier garanti peut se prévaloir
du droit de préférence sur le bien grevé. Cela signifie que la sûreté réelle
confère à son titulaire le droit d’être payé en préférence sur son assiette par
rapport aux autres créanciers chirographaires du constituant. De plus, grâce au
système de publicité, la sûreté réelle constituée antérieurement prime celle
constituée postérieurement. Cette attribution est diamétralement opposée au
principe d’égalité qui est le plus remarquable principe du droit des obligations.
Cela permet aussi de distinguer la sûreté réelle de la sûreté personnelle.
À la différence du droit personnel, la sûreté réelle est souvent assortie d’un
droit de suite, prolongement naturel du jus in re. Le titulaire d’un droit réel est
investi du droit de suivre la chose sur laquelle porte son droit entre les mains
des tiers qui l’auraient acquise par d’autres voies. Ainsi le propriétaire peut agir
en revendication contre le tiers acquéreur ou le simple possesseur de la chose
dont il a été dépouillé (sauf dans les cas où la loi paralyse la revendication,
comme celui prévu par l’article 2279 du Code civil français).
50
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
En matière immobilière, le créancier hypothécaire en droit français, grâce
à l’efficacité de la publicité immobilière, s’il n’est pas payé à l’échéance,
pourra efficacement saisir l’immeuble hypothéqué entre les mains d’un tiers
acquéreur pour le faire vendre et exercer son droit de préférence sur le prix (art.
2461, C. civ.). En droit chinois, bien qu’il ne dispose du droit de suite, le
créancier hypothécaire est spécialement protégé par l’interdiction de
l’aliénation du bien grevé (art. 191, LDR) et, cela permet de la distinguer du
droit personnel.
En matière mobilière, le droit de suite est souvent mis à mal à cause de
l’effet attributif de la possession mobilière en droit français (art.2279 du Code
civil français). Mais la loi intercède en faveur du créancier en lui attribuant un
droit de suite qui appuie sur la publicité de la sûreté26. Grâce au décret du 23
décembre 2006 pris pour l’application de l’article 2238 du Code civil relatif à
la publicité du gage sans dépossession et qui est entré en vigueur le 1er mars
2007, le créancier gagiste bénéficiaire d’un gage de droit commun bénéficie
d’un droit de suite sur le bien grevé dès lors que le gage est sans dépossession
et qu’il a été régulièrement publié. En droit chinois, c’est regrettable que la loi
soit silencieuse sur ce point.
64. En second lieu, la sûreté réelle réalise une emprise sur la chose, bien
que ce pouvoir soit plus faible que d’autres droits réels, tels que la propriété et
le droit d’usufruit. Cette emprise peut être à la foi matérielle et juridique,
comme dans le gage avec dépossession par exemple. Cependant, cette emprise
n’est pas pareille comme celle en cas d’un droit réel principal parce que le
gagiste est mis en possession pour conserver la chose grevée et non pas pour en
user ou jouir. Pour d’autres sûretés réelles comme l’hypothèque, l’emprise est
simplement juridique parce que le créancier hypothécaire n’est pas investi
d’aucune possession sur l’immeuble hypothéqué.
26
Marc MIGNOT, Droit des sûretés, Montchrestien, 2008, p. 291.
51
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
B. Les conséquences de la qualification
a. Le principe de légalité (numerus clausus)
65. Le pouvoir de créer des sûretés réelles est-il monopolisé par le
législateur ? Y a-t-il de la place pour la volonté individuelle de créer des sûretés
réelles ? Cette question se pose en effet tant en droit français qu’en droit
chinois.
66. Etant qualifiées des droits réels, le numerus clausus s’applique en
principe aux sûretés réelles : généralement, il n’y a pas d’autres sûretés réelles
autres que celles énumérées par la loi.
67. En droit français, cette solution a été confirmée par la jurisprudence
du XIXe siècle27. Du point de vue des régimes des sûretés réelles, on peut aussi
trouver des reflets du numerus clausus. Par exemple, l’article 2323 du Code
civil énonce que « les causes légitimes de préférence sont les privilèges et les
hypothèques ». Les espèces des sûretés réelles sont donc limitatives et ne
comprennent que celles prévues par la loi28. De plus, toute sûreté ne saurait
opposable qu’au moment d’accomplissement de la formalité de publicité qui ne
peut être organisée que par le législateur, sauf certaines exceptions
expressément prévues par les dispositions. Aussi, les parties ne peuvent pas
modifier les règles d’une sûreté qui est traitées par la loi comme des règles
fondamentales, par exemple, la forme écrite de l’acte constitutif pour le gage ou
l’hypothèque. C’est aussi pour cela que le droit international privé français ne
27
V. Arrêt Caquelard, Cass. civ., 13 févr. 1834, S. 1834, 1, 205 ; DP 1834, 1, 218.
28
AUBRY et RAU, Droit civil français, 7 éd. par P. Esmein, t. III,Librairies Techniques,
1963, § 256, n° 79 ; Georges RIPERT, Jean BOULANGER, Traité e droit civil –d’après le
traité de PLANIOL, t. III, LGDJ, 1958, no 11.
52
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
reconnait les sûretés constituées à l’étranger que si elles correspondent aux
espèces reconnues en droit français29.
Si on peut librement constituer des sûretés réelles autres que celles
énumérée par la loi, la loi du concours et le classement des créanciers fixés par
la loi seront bouleversés. La sécurité juridique serait alors atteinte.
68. En
droit
chinois,
en
raison
des
mêmes
considérations
susmentionnées30, la même solution a aussi été consacrée par l’article 5 de la
LDR qui énonce expressément que « les espèces et les contenus des droits réels
sont fixés par la loi ».
Cependant, le numerus clausus ne nie pas absolument le rôle des volontés
individuelles : il existe à côté des sûretés stricto sensu, désignées par la loi en
tant que telles, des mécanismes remplissant la même fonction que l’on peut
analyser comme des sûretés réelles. Tels que le gage-espèces en droit français
qui est cité par certains auteurs comme une création de la pratique31 dont la
qualification – gage ou cession fiduciaire – est discutée32 ; l’hypothèque en
droit chinois du droit d’usage des terres dans des zones rurales qui est interdite
par la loi et qui est pratiquement essayée dans certaines régions.
69. Quoi qu’il en soit, la question est aujourd’hui plus que jamais très
théorique eu égard au développement de nouvelles sûretés33.
29
En effet, ce type de conflit ne peut guère se produire que pour les sûretés mobilières. V.
G. KHAIRRALAH, Les sûretés mobilières en droit international privé, Thèse 1984, préf. P.
LAGARDE ; v. également, CA Paris, 19 janv. 1976, Rev. crit.DIP. 1977, 126, obs. P.
LAGARDE, à propos d’une floating charge ; M. CABRILLAC, La reconnaissance en
France des sûretés réelles sans dépossession constituées à l’étranger, Rev. crit. DIP. 1979,
487.
30
YIN Tian, Commentaires et réflexions de la théorie de droits réels, Éd. de l’Université
du peuple de Chine, 2008, p. 122 -126, 135 -137.
31
M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, Droit des sûretés, Litec,
2007, no 553.
32
Yves PICOD, op. cit., p. 322 - 323 et p. 471 - 473.
33
Ibid., p. 240.
53
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
b. La règle de spécialité
70. Le principe de spécialité est aussi une des règles fondamentales du
droit des sûretés réelles en tant que droits réels, au moins en principe. Le
principe s’applique à la créance garantie d’un côté, et à l’assiette de la sûreté
d’autre côté. Autrement dit, une sûreté réelle ne peut garantir que certaines
créances déterminées et ne peut porter que sur certains biens déterminés. Le
principe de spécialité se justifie par le souci de protéger les intérêts du
constituant. Il le protège pour qu’il n’épuise pas toutes ses possibilités d’obtenir
des autres crédits par un seul acte isolé34. Il s’applique aussi bien en droit
français qu’en droit chinois.
71. Cependant, face au besoin du développement du crédit, le principe de
spécialité, bien qu’il n’ait pas été mis en cause dans l’ensemble, a connu des
assouplissements dans les deux systèmes juridiques.
72. En premier lieu, les tempéraments sont apportés quant à l’assiette de
la sûreté réelle.
En matière mobilière, le gage de droit commun se formais par la remise de
la chose grevée et la dépossession était une condition de la validité du gage
jusqu'à la reforme de 2006 en droit français. La dépossession du bien futur est
impraticable. Selon la théorie traditionnelle du principe de la spécialité, la
spécialité de la créance garantie et de l’assiette de sûreté était appréciée au
moment de la constitution de la sûreté. Il était ainsi logique que le gage ne
puisse porter que sur un bien déterminé. Cette situation correspond bien à la
situation actuelle du gage en droit chinois dont la validité nécessite la remise de
la chose grevée. Cependant, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance française
du 23 mars 2006, la dépossession devient une condition d’opposabilité de la
sûreté. Ce changement a rendu possible d’apporter des assouplissements au
34
Dominique LEGEAIS, Travaux dirigés de droit des sûretés, Litec, 2006, p. 197.
54
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
principe de spécialité. Aujourd’hui, l’article 2333 du Code civil énonce que le
gage peut porter sur un bien ou un ensemble de biens présents ou futures. Cette
solution est aussi consacrée par l’article L. 527-1-6o du Code de commerce
concernant le gage des stocks. Ainsi, la sureté peut porter sur un bien futur, à
condition qu’il soit déterminable. En droit chinois, l’assouplissement du
principe de spécialité quant à l’assiette n’a pas été généralisé comme en droit
français. Seules les hypothèques portant sur des navires ou des aéronefs au
cours de construction (art. 180, LDR) ou portant sur des machines de
production, des matières premières, des produits semi-finis et des produits finis
futurs sont consacrées par la loi (art. 181, LDR).
En résumé, le principe de spécialité en matière des sûretés mobilières n’est
pas abandonné, mais est plus ou moins tempéré en droit français et en droit
chinois.
En matière immobilière, le principe de spécialité joue un rôle important.
L’hypothèque doit, en principe, porter sur un bien déterminé afin de pouvoir
être publiée. C’est une même règle qui s’applique aussi bien en droit français
qu’en droit chinois. Cependant, il arrive en droit français que l’hypothèque
puisse porter sur des biens futurs dans certains cas35. Par exemple, celui qui ne
possède pas d’immeubles présents et libres suffisants pour la sûreté de la
créance peut consentir une hypothèque sur chacun des immeubles qu’il
acquerra au fur et à mesure par la suite ; celui dont l’immeuble présents de
l’hypothèque a péri ou subi des dégradations importantes que sa valeur n’est
plus suffisante pour la sûreté de la créance, peut consentit une hypothèque ;
celui qui possède un droit actuel permettant de construire à son profit sur le
fonds d’autrui peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est
commencée ou simplement projetée. S’agissant du gage immobilier français,
35
F. MARTIN, Le principe de spécialité de l’hypothèque – Application et évolution, Dr. et
patrimoine, nov. 2005, p. 58.
55
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
comme la dépossession est une condition de validité pour lui, ne peut porter
que sur des biens présents déterminés. En droit chinois, l’hypothèque de
bâtiment au cours de construction ou simplement projetée est aussi consacrée
par la loi (art. 180, LDR). Mais il n’existe pas d’autre assouplissement.
Ainsi, en matière immobilière, le tempérament du principe de spécialité en
droit chinois est moins important qu’en droit français.
73. En second lieu, tenant compte des exigences de la pratique, les
assouplissements du principe de spécialité sont également apportés à l’égard de
la créance garantie.
En droit français, l’ordonnance admet que les sûretés réelles puissent se
constituer pour la garantie des créances futures à la condition d’être
déterminables. Aujourd’hui, les sûretés réelles, tels que le gage (art. 2333, al. 2,
C. civ.), le nantissement (art. 2357, C. civ.), l’hypothèque (art. 2421 et 2422, C.
civ.), etc., peuvent en principe garantir des créances futures36. Le principe de
spécialité est ainsi considérablement tempéré en droit français.
En droit chinois, en consacrant l’hypothèque de montant maximal (art. 203
et s., LDR ; v. aussi n° 496 et s.) et le gage de montant maximal (art. 222, LDR ;
v. aussi n° 247), la LDR admet expressément que les sûretés réelles peuvent
garantir des créances futures.
74. En résumé, le principe de spécialité des sûretés réelles est
considérablement tempéré dans les deux systèmes juridiques.
c. La règle d’indivisibilité
75. Considérant qu’elles sont qualifiées des droits réels et qu’un droit réel
porte sur la totalité de la chose qui en est l’objet, les sûretés réelles sont
36
Le gage des stocks fait exception à ce principe, puisqu’il garantit toujours le crédit
consenti par un établissement de crédit (art. L. 527-1, C. com.). v. Dominique LEGEAIS,
op. cit., p. 200.
56
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
indivisibles. Même si la dette se divise, le bien grevé répond entièrement de
chaque fraction de la dette. Par exemple, le créancier gagiste ou hypothécaire
peut faire valoir son droit sur le bien qui a été mis au lot d’un cohéritier tant
que la part de la dette d’un autre cohéritier ne lui a pas été payée.
Contrairement, même si la créance se divise, chaque fraction de la créance est
garantie par la totalité du bien grevé. Par exemple, la banque créancière qui
bénéficie d’un nantissement sur 10 000 titres du constituant peut encore saisir
tous ces titres même si une petite partie de sa créance n’a pas été remboursée.
En cas de division du bien grevé, chaque fraction du bien répond quand même
la totalité de la dette. Par exemple, le créancier hypothécaire peut exercer son
droit pour sa créance totale sur une portion détachée du bien qui lui avait été
affecté.
C’est la même règle qui s’applique aussi bien en droit français qu’en droit
chinois37. Ainsi, le bien sur lequel porte le droit de rétention, le gage, le
nantissement, l’hypothèque est entièrement affecté à la garantie de l’ensemble
de la dette.
76. Cette règle présente sans aucun doute des avantages pour la
protection du créancier. Elle emporte aussi des inconvénients parce qu’elle tend
à entraver la circulation des biens38.
En droit français, le législateur lui a apporté plusieurs tempéraments en
matière immobilière. Par exemple, en cas des prêts spéciaux à la construction
consentis par le Crédit foncier de France ou le Sous-comptoir des entrepreneurs,
si l’immeuble est fractionné, l’hypothèque demeure mais pèse sur chaque lot
37
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, Les sûretés – La publicité foncière, Defrénois, 2006, p.
159 ; M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 569. En
droit chinois, v. LIANG Huixing, CHEN Huabin, Droits réels, Éd. du droit, 2007, p. 305 ;
YANG Hong, op. cit., p. 3 ; v. également les articles 71, 72 et 96 de l’ELS.
38
M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 569.
57
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
pour la part du prêt mis à la charge de l’acquéreur39. En outre, le législateur
admet que les parties puissent conventionnellement exclure l’application de la
règle d’indivisibilité.
Le législateur chinois, comme le législateur français, a aussi tempéré la
règle d’indivisibilité. Par exemple, si le créancier permet au débiteur de
transmettre sa dette totale ou partielle sans le consentement du tiers constituant
de sûreté réelle, le dernier n’assume pas la responsabilité de garantie
correspondante de la partie transmise (art. 175, LDR). De surcroît, si le meuble
retenu est divisible, le créancier titulaire ne peut exercer son droit de rétention
que sur la fraction du bien dont la valeur correspond à sa créance impayée (art.
233, LDR). Enfin, il est raisonnable que l’on accepte la solution du droit
français qui ne confère pas le caractère d’ordre public à la règle d’indivisibilité.
Autrement dit, on devrait aussi admettre que la règle d’indivisibilité puisse
conventionnellement être exclue par les parties.
§ II – Un droit accessoire
77. Comme la France est l’héritier fidèle de la tradition du droit romain,
le but poursuivi par le système français des sûretés réelles est la garantie de
paiement de dette. Sur cette prémisse, il n’est pas irraisonnable que la doctrine
et la législation françaises considèrent la sûreté réelle comme l’accessoire de la
créance garantie. C’est un principe fondamental qui fait distinguer le système
français des sûretés réelles de celui du droit allemand qui ne met pas l’accent
sur le caractère accessoire des sûretés réelles. En droit chinois, les juristes
confirment aussi le caractère accessoire des sûretés réelles.
La sûreté réelle est un droit réel, mais c’est un droit réel accessoire de la
créance garantie. Alors qu’un droit réel principal peut exister sans être
39
H. MAZEAUD, La vente d’un logement hypothéqué en garantie d’un prêt à la
construction, Mélanges Juliot de la Morandière, p. 367 et s. Rapporté par M.
CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 955.
58
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
dépendant d’un autre droit, une sûreté réelle ne peut pas être indépendante de la
créance garantie.
En premier lieu, la sûreté réelle ne peut exister que pour garantir une
créance valable, peu importe la date de la naissance de la créance. Cela signifie
que la créance garantie peut être future, mais qui existe au moins dans son
principe. Une sûreté réelle ne peut pas garantir un contrat nul (autrement dit
une créance nulle) tant en droit français qu’en droit chinois. Par exemple, une
entreprise A conclut un contrat de prêt de 1 million d’euros avec l’entreprise B,
hypothéqué par un immeuble de C. Cependant, le contrat de prêt est annulé par
le juge, le contrat ou les clauses d’hypothèque sont donc nuls.
En second lieu, la créance garantie doit être exécutable. La sûreté réelle est
inutile quand l’obligation est inexécutable, qu’elle ne puisse pas être exécutée
du tout ou ne puisse plus être exécutée. Concernant une obligation qui ne peut
pas être exécutée, par exemple, une obligation naturelle, peut-elle être garantie
par une sûreté réelle? Cette question a été discutée en doctrine française. En
principe, la réponse est négative, puisque le débiteur ne peut pas être contraint à
exécuter une obligation naturelle, il ne devrait pas avoir aucune garantie
d’exécution contre lui. Reste à savoir qu’une sûreté réelle, constituée par le
débiteur après que l’obligation est devenue naturelle, est-t-elle valable?
Autrement dit, une telle sûreté constitue-t-elle une promesse d’exécution de
l’obligation naturelle? La doctrine française considère que l’interprétation de la
volonté commune des parties de constituer la sûreté devrait être valable. Dans
cette hypothèse, la promesse de sûreté permet de transformer l’obligation
naturelle en obligation civile40. Concernant une obligation qui ne peut plus être
exécutée, la doctrine française considère que la sûreté réelle ne peut plus
garantir une obligation civile qui devient inexécutable par suite d’une force
majeure lorsque cette force majeure apparaît comme une véritable cause
40
Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 316-317.
59
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
d’effacement de l’obligation garantie41. En droit chinois, les normes écrites
n’ont rien dit sur ces deux questions. Cependant, s’agissant d’une obligation
naturelle, la doctrine dominante chinoise adopte la même solution que la
doctrine française, puisqu’elle considère que « …si le débiteur exécute la
prestation d’une obligation naturelle, ou y constituer une sûreté, il ne pourra pas
demander la restitution en invoquant son négligence de l’expiration de la
prescription »42. S’agissant d’une obligation qui ne peut plus être exécutée,
considérant que le droit du créancier n’existe plus, elle ne peut pas être garantie
par une sûreté réelle43.
En troisième lieu, la modification et la transmission de sûreté réelle
suivent celles du contrat principal. Nous pouvons citer un exemple en droit
chinois pour démontrer le caractère accessoire de sûreté face à modification:
une personne A doit 10 000 euros à B, cette obligation est garantie par une
sûreté réelle. Puis on a consenti de réduire l’obligation principale à 8 000 euros.
Dans ce cas là, le montant garanti par la sûreté réelle réduit de plein droit à 8
000 euros. Exceptionnellement, si la modification du contrat aboutit à
l’augmentation du montant de l’obligation, la différence qui égale au montant
avant et après la modification ne peut pas être garantie de plein droit par la
sûreté constitué s’il existe autres créanciers ayant sûreté réelle sur ce bien grevé.
C’est pour le but de protéger les créanciers intéressés. Concernant la
transmission, en droit chinois, l’art. 192 de la LDR stipulent simplement que
«…l’hypothèque ne peut pas être cédée ou garantir une autre créance en
séparant de la créance garantie. La cession de créance emporte la cession de
l’hypothèque, sauf en cas de disposition légale dérogatoire.» (il existait la
stipulation similaire dans l’article 50 de la Loi sur les sûretés). En droit français,
41
Ibid., p. 316-317.
42
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit.,, p. 312.
43
Ibid., p. 312.
60
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
l’article 1692 du Code civil stipule expressément que « la vente ou cession
d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution,
privilège et hypothèque». De plus, son article 2424 dispose que « l'hypothèque
est transmise de plein droit avec la créance garantie ». De ces articles peut-on
résumer le caractère accessoire de la sûreté en cas de transmission volontaire de
la créance entre vifs. En cas de transmission à cause de mort, le décès du
créancier transfert aux héritiers ses créances et les sûretés qui les garantissent ;
pour les héritiers du débiteur, le décès emporte à eux ses dettes et les biens avec
les sûretés dont ils sont grevés44.
Enfin, la sûreté réelle s’anéantit en cas d’anéantissement de la créance
principale (art. 177, alinéa 1, LDR ; art. 2392 et 2488, C. civ.). Les causes
d’extinction de la créance principale entraînent aussi l’extinction de la sûreté
qui la garantit. De plus, la sûreté s’anéantit aussi en cas de novation de
l’obligation garantie. L’article 1279 du Code civil français prévoit
expressément que « lorsque la novation s'opère par la substitution d'un nouveau
débiteur, les privilèges et hypothèques primitifs de la créance ne peuvent point
passer sur les biens du nouveau débiteur. Les privilèges et hypothèques
primitifs de la créance peuvent être réservés, avec le consentement des
propriétaires des biens grevés, pour la garantie de l'exécution de l'engagement
du nouveau débiteur ». Cela signifie que la novation de l’obligation entraîne
l’extinction de la sûreté qui la garantit, sauf s’il y a le consentement du
constituant de la sûreté. En droit chinois, l’article 175 de la LDR dispose que
« lorsqu’une sûreté est fournie par un tiers, si, sans le consentement écrit de la
part de celui-ci, le créancier permet au débiteur de transférer, totalement ou
partiellement, ses obligations, le garant ne supportera plus la responsabilité
44
M.B EHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Thèse Economica, 1988, préf. G.
Champenois.
61
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
correspondante ». Autrement dit, la novation de l’obligation garantie sans le
consentement écrit du garant tiers libère ce dernier de son engagement.
§ III – Un droit sur la valeur du bien
78. La sûreté réelle est effectivement un droit sur la valeur du bien grevé
plutôt que sur le bien lui-même 45 , ce qui permet d’appliquer la règle de
subrogation réelle au sein des sûretés réelles.
79. La subrogation réelle est le remplacement d’une chose par une autre,
la remplaçante obéissant au même régime juridique que l'élément qu'elle
remplace. Le régime applicable à l'objet subrogé est ainsi le même que celui
auquel était soumis l’élément qu’il remplace. Elle est une qualité remarquable
des sûretés réelles, car sa fonction conservatrice des valeurs permet de
maintenir une sûreté réelle en cas de la perte ou l’aliénation du bien grevé46.
Elle joue donc un rôle important en droit français, ainsi qu’en droit chinois.
80. En droit français, on peut citer à titre d’illustration, la subrogation
réelle en cas de destruction de la chose grevée couverte par une assurance.
Dans une telle hypothèse, toute la sûreté se reporte sur l’indemnité d’assurance
(art. L. 121-13, C. assur.)47. Un autre exemple excellent, c’est que la sûreté
45
Marc MIGNOT, op. cit., p. 555.
46
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 159.
47
Selon l’article L. 121-13 du Code des assurances, cette subrogation réelle sur
l’indemnité d’assurance fonctionne en cas des hypothèques et des privilèges (y compris
des gages puisque le droit de préférence du créancier gagiste est officiellement appelé
privilège). De plus, l’article 2372 du Code civil a consacré la solution d’un arrêt de
principe de la chambre commerciale (Cass. com. 1er oct. 1985, Bull. civ. IV, no 222, D.
1986, 246, n.. M. CABRILLAC) par laquelle la Cour avait reconnu la subrogation réelle en
cas de la réserve de propriété. Davantage, il faut admettre que la subrogation réelle est un
élément de base des sûretés réelles et doit s’appliquer à toute sûreté qui confère un
privilège a son titulaire (sur ce point, v. M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC,
Ph. PETEL, op. cit., no 1042).
62
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
réelle se reporte sur le prix ou l’indemnité d’expropriation 48 . Cependant,
l’application de la règle de subrogation réelle est très limitée en droit français.
A l’exclusion des types d’indemnités spécialement mentionnées par la loi, la
jurisprudence ne reconnait pas la subrogation réelle en cas des autres
indemnités dues, par exemple, par un tiers responsable ou par l’Etat49. Car,
d’une part, la consécration spéciale par la loi de la subrogation réelle dans
certains cas particuliers signifie implicitement que celle-ci n’a pas une vocation
générale, sinon la loi n’a pas à la prévoir spécialement ; d’autre part, l’atteinte
principale au créancier muni de sûreté est l’insolvabilité du débiteur, le sinistre
du bien grevé n’est qu’une atteinte indirecte50.
Néanmoins, l’application limitative de la subrogation réelle est critiquée
par des auteurs. Selon eux, les motifs qui peuvent justifier l’application de la
subrogation réelle sont plus puissants que ceux qui la défavorisent. En effet,
l’indemnité de la réparation est une substitution qui représente la valeur de la
chose initialement grevée en cas de sa perte ou de sa détérioration. De la nature
d’un droit sur la valeur du bien grevé de la sûreté réelle, il est donc logique que
le créancier puisse se faire payer prioritairement sur l’indemnité représentant sa
valeur, peu importe qu’elle soit une indemnité d’assurance ou une indemnité
due par un tiers responsable ou par l’Etat51. De plu, le créancier titulaire d’une
sûreté réelle est la victime directe de la perte ou de la détérioration52. A fortiori,
48
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 159. Il existe en effet certains autres
exemples. Par exemple, la sûreté réelle se reporte sur l’indemnité aux victimes d’un
événement de portée générale, tels que les indemnités causées par des guerres (art. 35, Loi
du 28 oct. 1946) et les indemnités des rapatriés (art. 51, Loi du 15, juill. 1970). De plus,
l’hypothèque maritime peut se reporter sur diverses indemnités de responsabilités, tels que
d’avarie commune, d’opération d’assistance ou de sauvetage etc. (art. 47, Loi du 3 janv.
1967).
49
Cass. req., 31 déc. 1862, DP 1863, 1, 423 ; S. 1863, 1, 531 ; Cass. req., 12 mars. 1877,
DP 1877, 1, 97 ; S. 1877, 1, 206 ; CA Aix, 30 juill. 1940, JCP 1940, II, 1519.
50
M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 1045.
51
Ibid., no 1045.
52
Marcel PLANIOL, Georges RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. VIII, 2e
éd. , par Emile BECQUE, LGDJ, 1953, no 966.
63
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
il n’est pas logique que le sinistre bénéficie aux créanciers chirographaires au
détriment des créanciers titulaires de sûretés réelles en déniant l’application de
la subrogation réelle dans des cas.
81. En droit chinois, vu que la sûreté réelle porte sur la valeur plutôt que
sur le bien grevé lui-même, le législateur considère que la sûreté réelle peut se
reporter sur l’indemnité de la réparation qui est une substitution représentant la
valeur de la chose initialement grevée, peu importe la nature de l’indemnité53.
L’article 174 de la LDR a donc été ainsi formulé : « si le bien grevé est
détérioré, endommagé, perdu ou exproprié etc., le titulaire du droit de sûreté
réelle pourra se faire payer par préférence sur les indemnités d’assurances, les
indemnités, ou les remboursements etc. Si la créance n’choit pas, on peut
également les consigner».
Ayant inséré l’article 174 dans le chapitre consacré aux dispositions
générales des sûretés réelles, le législateur chinois a généralisé la subrogation
réelle en matière des sûretés réelles. La subrogation réelle est considérée
comme une règle fondamentale des sûretés réelles. De plus, elle est considérée
comme le reflet de la qualification du droit sur la valeur du bien grevé de la
sûreté réelle.
A la différence du droit français, l’application de la subrogation réelle est
très étendue en droit chinois. La sûreté réelle peut se reporter non seulement sur
l’indemnité d’assurance, mais aussi sur les indemnités dues par un tiers
responsable ou sur les remboursements par l’Etat en cas d’expropriation et
d’autres indemnités54.
53
WANG Shengming, La lecture de la LDR de la RPC, Éd. du système juridique chinois,
2007, p. 368 ; YANG Hong, op. cit., 2007, p. 3 ; YAO Ruiguang, Des droits réels en droit
civil, Éd. de la SARL des services culturelles, 1995, p. 199 ; LIANG Huixing, CHEN
Huabin, op. cit., p. 305.
54 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, La Loi sur les
droits réels de la RPC, Éd. du système juridique chinois, 2007, p. 59.
64
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
82. Par conséquent, le rôle de la subrogation réelle est plus important en
droit chinois que celui en droit français.
Section III – L’opposition entre la sûreté réelle et le droit de gage
général
83. L’article 2284 du Code civil français dispose que « quiconque s'est
obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens
mobiliers et immobiliers, présents et à venir». Cela signifie que tous les
créanciers du débiteur disposent d’un droit d’action sur le patrimoine du
débiteur, c’est un principe consacré par la Cour de cassation dans plusieurs
décisions55. En droit chinois, aucune disposition législative ne l’a précisé. Mais
tenant compte du but législatif, de la doctrine et des Explications sur certaines
questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS), on y
applique le même principe.
Premièrement, le droit du gage général du créancier porte sur le
patrimoine du débiteur qui est indivisible, mais non sur un bien individualisé.
Alors que la sûreté réelle porte sur un bien individualisé, au moins
individualisable, ou sur un ensemble des biens.
Secondement, le droit du gage général du créancier ne peut pas porter sur
le patrimoine d’autrui, ni sur un bien individualisé du patrimoine d’autrui, sauf
en cas d’apparence ou de simulation, ou de disposition légale dérogatoire56. Or,
une sûreté réelle peut porter sur un bien appartenant à un tiers – par exemple le
gage d’un bien fourni par un tiers.
84. Hormis cette déférence de l’assiette, la sûreté réelle se distingue aussi
du droit de gage général par sa nature et par sa finalité.
55
Cass. civ., 1re, 4 janv. 1995, Bull. civ., I, no 6, p. 5 ; Cass. civ.1re, 6 juill. 1988, Bull. civ.,
I, no 227.
56
Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 101.
65
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
§ I – Différence de nature
85. Étant donné que la doctrine dominante française et celle de la Chine
classent la sûreté réelle parmi les droits réels accessoires. Elle bénéfice donc du
régime applicable au droit réel, un droit de préférence et dans certains cas un
droit de suite. Alors que le droit de gage général n’est pas un droit personnel, ni
un droit réel.
86. On pourrait considérer que le droit de gage général est un droit
personnel. Mais « si l’on examine l’objet sur lequel porte le droit de gage
général, il s’agit d’une enveloppe patrimoniale dont le contenu est variable et
mouvant au gré de la fortune et des revers de fortune du débiteur.
Contrairement au droit personnel, à l’obligation, qui, en vertu de l’article 1129
du Code civil, doit avoir un objet déterminé ou au moins déterminable, le droit
de gage général a un objet au départ nécessairement indéterminé qui n’est fixé
que par la saisie. Si l’on examine le droit de gage général lui-même, il apparaît
comme un droit d’action dont l’objet est également indéterminé au départ, le
créancier mettant en œuvre le droit de gage général au moyen de procédures
civiles d’exécution qui obéissent chacune à des conditions légales particulières,
et entre lesquelles il a le choix, comme l’exprime l’article 2 de la loi du 9 juillet
1991 « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et
exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur
dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution »»57. Donc, le droit de
gage général n’est pas purement un droit personnel puisqu’il a recours au titre
exécutoire et que la force publique est nécessaire pour exécuter celui-ci.
87. Le droit de gage général n’est pas non plus un droit réel. Certes,
certains soutiennent parfois que le droit de gage général est un droit réel, parce
qu’il se traduirait par un pouvoir « d’abusus » sur les bien du débiteur, le
57
Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 102.
66
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
pouvoir de les faire vendre pour en obtenir le prix58. Mais il est difficile
d’assimiler ce pouvoir « d’abusus » sur le bien comme celui du propriétaire.
Parce que, en premier, bien que ce pouvoir « d’abusus » porte sur le bien du
débiteur, il ne peut pas directement être mis en œuvre par son titulaire. Il faut
qu’il soit mis en ouvre par la voie de saisie. La saisie est un droit reconnu par la
loi au créancier de « contraindre le débiteur défaillant à exécuter ses obligations
à son égard ». De plus, la mise en vente du bien saisi s’opère en principe par
voie de vente amiable à laquelle le débiteur procède lui-même en droit chinois.
On ne procède à la vente forcée qu’en cas de l’échec de la vente amiable. En
second, en cas de vente d’un bien, son propriétaire recherche normalement le
prix le plus proche possible de la valeur de celui-ci. Mais pour le créancier, il
ne recherche que le prix équivalant à sa créance que le débiteur n’a pas payée.
Le prix de la vente supérieur à sa créance ne l’intéresse pas parce qu’il n’a
aucun droit sur le surplus à recevoir.
§ II – Différence de finalité
88. Le droit de gage général n’est pas une garantie parce qu’il n’est pas
un accessoire de la créance. Selon l’idée que « l’accessoire ne se confond pas
avec le principal, il est individualisé. Affecté au service du principal, seul son
but relie au principal, sa structure l’en distingue »59, il n’est pas possible de
concevoir le droit de créance et le droit de gage général séparément. De plus,
l’article 2284 du Code civil français envisage la situation du point de vue du
débiteur, mais non de celui du créancier. L’affirmation selon laquelle «les biens
du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue
entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes
légitimes de préférence » (art. 2285 du Code civil) n’apparaît que comme une
58
J. DERRUPPE, La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des
droits réels et des droits de créance, Thèse Bordeaux 1952, no 339 et s.
59
G. GOUBEAU, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, 1969, préf. D. TALLON,
no 18, p. 34.
67
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
conséquence de ce principe. Ce principe selon lequel le débiteur est tenu de
remplir son engagement sur son patrimoine est une émanation de la
personnalité du débiteur. Le droit de gage général est inhérent à la dette car
sans lui l’exigibilité de l’obligation serait dénuée de sens. Le droit de gage
général n’est en définitif que l’expression du caractère civilement obligatoire de
l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de
contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du
débiteur60.
Alors que la sûreté réelle est une garantie qui confère à son titulaire un
droit de préférence, qui est diamétralement opposée au principe d’égalité. Plus
précisément, selon les tentatives effectuées par les législateurs et les auteurs
français et chinois, on peut découvrir que la finalité commune poursuivie par
les législateurs des deux pays est la garantie de paiement ou de crédit.
89. Dans le sens très général, la sûreté est une technique de garantie
contre le risque d’impayé 61 . Cependant, la garantie contre l’impayé peut
poursuivre diverses finalités précisées. Les diverses finalités poursuivies
peuvent être la garantie contre l’insolvabilité, la garantie de paiement et la
garantie de crédit62.
La garantie contre l’insolvabilité signifie que la sûreté est constituée dans
le but d’assurer le débiteur de disposer des biens suffisants pour honorer son
engagement. Alors que la garantie de paiement ou de crédit ne poursuit que le
but d’obtenir le paiement de la dette ou du crédit, elle peut donc ne pas être une
garantie contre l’insolvabilité. Par exemple, rien ne sert de prendre une
hypothèque de troisième rang, en cas des inscriptions des deux premières
hypothèques ont été prises pour des créances tellement importantes qu’elles
60
Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 104.
61
Ibid., p. 2.
62
Ibid., p. 2.
68
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
excèdent toute valeur de l’immeuble hypothéqué. Dans cette hypothèse, le
créancier hypothécaire de troisième rang n’a pris qu’une garantie de crédit,
mais pas une garantie contre l’insolvabilité du débiteur. Alors, est-ce qu’on peut
dire qu’il n’existe pas une véritable garantie contre l’insolvabilité? Si. En droit
français, il y a des sanctions contre l’insolvabilité organisée: sanctions pénales
comme le délit d’organisation frauduleuse de l’insolvabilité (art. 314-7 et s.,
Code pénal), les mesures du droit civil --- par exemple les articles 2295 à 2297
du Code civil qui s’attachent à prévenir l’insolvabilité en cas de cautionnement
préviennent que le débiteur doit donner une caution solvable. En plus, certaines
sûretés personnelles se présentant comme des obligations de résultats
constituent pour leurs créanciers une garantie contre l’insolvabilité du débiteur.
Par exemple, les lettres d’intention par lesquelles une société mère apporte à
une banque sa garantie pour sa filiale, comportent parfois une obligation de
faire, consistant à soutenir la filiale par une augmentation de capitale, un prêt...
Elles constituent pour le banquier une garantie contre l’insolvabilité de sa
filiale63. Enfin, il existe d’autres techniques de garantie contre l’insolvabilité du
débiteur. Citons par exemple dans le domaine de l’assurance, le créancier qui
souscrit une assurance-crédit préfère à l’assurance-aval qui couvre simplement
le risque de non-paiement à l’échéance, et à l’assurance-insolvabilité qui
couvre le risque de l’insolvabilité du client64.
90. Quant aux sûretés réelles qui font l’objet de la présente thèse, leur
finalité poursuivie, qu’elles soient les sûretés réelles françaises ou chinoises,
appartiennent surtout au domaine de la garantie de paiement ou de crédit. Du
point de vue de l’utilité économique, il existe des différences délicates entre ces
deux types de garantie. La garantie de crédit proprement dite est le corollaire du
paiement à l’échéance ou échelonné des dettes, cela signifie qu’elle participe au
63
Ibid., p. 3.
64
Ibid., p. 3.
69
Chapitre I – La notion de « sûretés réelles »
financement des activités des entreprises et des besoins des consommateurs.
Elle est donc un régime nécessaire dans une économie fondée sur l’endettement.
Bien que l’économie chinoise ne soit pas fondée sur l’endettement, ce dernier
est un phénomène social de plus en plus fréquent. La garantie de crédit prend
donc une place de plus en plus importante. Cependant, l’acquittement des
dettes ne s’accompagne d’aucune idée de crédit, il existe aussi la garantie de
paiement. Leur utilité économique peut sembler moindre, mais les impératifs
qui les fondent ont une légitimité incontestable. Par exemple, les salariés ne
font pas crédit à l’employeur mais lui prêtent leur force de travail, et, comme le
salaire est pour eux en partie une créance alimentaire, il est juste de privilégier
cette créance. Le fisc ne fait pas crédit, mais l’intérêt général exige que leur
créance soient privilégié.
91. La finalité poursuivie par les sûretés réelles en droit français et en
droit chinois --- la garantie de paiement ou de crédit --- justifie la différence
entre la sûreté réelle et le droit de gage général. La sûreté réelle s’oppose donc
au droit de gage général. Le créancier va ainsi prendre une sûreté réelle pour
rompre à son profit cette égalité de tous les créanciers chirographaires, et cette
rupture d'égalité va se réaliser au travers de l'affectation qui lui sera faite d'un
bien ou d'un ensemble de biens sur lesquels il aura un droit de prélèvement
prioritaire, un droit de préférence.
70
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
Chapitre II – La typologie des sûretés réelles
92. Concernant les sûretés réelles, il ne suffit pas d’énumérer toutes les
sûretés réelles pour en avoir une idée précise. Il vaut mieux les regrouper en
fonction de leurs assiettes et de leurs régimes pour qu’on puisse mieux
comprendre la typologie des sûretés réelles.
Section I – La classification des sûretés réelles selon leur assiette
93. L’assiette des sûretés réelles peut être étudiée de deux points de vue:
son assiette et son étendue.
§ I – Selon l’étendue de l’assiette
94. Suivant l’étendu de l’assiette, les sûretés réelles, qu’elles portent sur
des meubles ou des immeubles, peuvent se diviser en deux groupes: les sûretés
réelles générales et les sûretés réelles spéciales.
A. Les sûretés générales
95. Nous envisagerons successivement les sûretés générales dans les
deux pays.
a. Les sûretés générales en droit français
96. En droit français, les sûretés générales sont normalement celles qui
relèvent la généralité des meubles et des immeubles du constituant (tels que les
privilèges pleinement généraux – le privilège des frais de la justice, le privilège
des salaires et créances assimilées, v. art. 2375, C. civ.) ou l’ensemble des
meubles du constituant ( tels que les privilèges mobiliers généraux qui
comprennent le privilège des frais funéraires, celui des frais de la dernière
maladie et celui des fournitures de subsistance…, v. art.2331, C. civ.)ou
l’ensemble des immeubles du constituant (certaines hypothèques légales, v. art.
2400, C. civ.).
71
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
97. Cependant, selon la définition de l’article 2333 du Code civil, le gage
peut également porter sur « ... un ensemble de biens mobiliers corporels... ». De
la même façon, la définition du nantissement prévoit aussi que le nantissement
peut porter sur « ... un ensemble de biens meubles incorporels... » (art. 2355, C.
civ.).
b. Les sûretés générales en droit chinois
98. Contrairement à la situation française dans ce domaine, une sûreté
réelle générale en droit chinois ne désigne que la sûreté portant sur l’ensemble
des meubles et des immeubles du constituant, tels que les privilèges innommés
qui n’existent qu’en cas de procédure collective (v. infra n° 214 et s.) et qui
constituent les exceptions en droit chinois des sûretés réelles.
99.
L’instauration du régime de floating charge ou dite hypothèque
flottante dont les assiettes susceptibles sont l’ensemble des biens appartenant au
constituant au moment de l’exécution de la sûreté, était une occasion de créer
une nouvelle sûreté réelle qui peut porter sur l’ensemble des meubles et des
immeubles du constituant. Les deux projets de la LDR énoncés par des auteurs
proposaient que les biens susceptibles d’être grevés d’hypothèque flottante
soient l’ensemble des biens appartenant au constituant de la sûreté. Cependant,
les biens susceptibles d’être grevé d’hypothèque flottante prévus par la LDR se
bornent aux quatre catégories de meubles corporels, présents ou futurs:
machines de production, matière première, produits semi-finis et produits finis
(art. 181, LDR).
100. D’ailleurs, il n’existe aucune sûreté réelle en droit chinois qui porte
uniquement sur l’ensemble des meubles ou sur l’ensemble des immeubles.
B. Les sûretés spéciales
101. Comme nous l’avons vu, le principe de spécialité, qui accentue
d’une part, la spécialité de la créance garantie, d’autre part, la spécialité de
l’assiette de la garantie, est un principe insisté par le droit français et chinois
72
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
des sûretés réelles. En conséquence, il est logique que la majorité des sûretés
réelles en droit français et en droit chinois soient les sûretés spéciales. Elles
portent donc, en principe, sur un ou des biens déterminés. Nous l’étudierons
respectivement de l’approche française et de l’approche chinoise.
a. Les sûretés spéciales en droit français
102. En droit français, la plupart des sûretés réelles sont spéciales. Elles
ne peuvent porter que sur un ou des biens déterminés.
103. Selon les définitions fixées par le Code civil, le gage et le
nantissement peuvent respectivement porter sur un meuble corporel et
incorporel (art. 2333, C. civ., art. 2355, C.civ). Ce sont les cas les plus
fréquents pour les constituants de constituer ces deux types de sûreté.
104. Parmi les privilèges, à l’exclusion des privilèges pleinement
généraux qui comprennent quatre catégories et des privilèges mobiliers
généraux qui comprennent huit catégories, il n’existe pas de privilège portant
seulement sur l’ensemble des immeubles. Les privilèges mobiliers spéciaux ne
peuvent porter que sur certains meubles (art.2332, C. civ.).
105. En matière immobilière, il n’existe que les privilèges spéciaux qui
portent sur certains immeubles (art.2374, C. civ.). Le gage immobilier ne peut
porter que sur un immeuble déterminé (art.2387, C. civ.). S’agissant des
hypothèques, sauf certaines hypothèques légales, toutes les hypothèques
conventionnelles et judiciaires ne peuvent porter que sur des immeubles
déterminés (art.2413, C. civ.).
106. En outre, le titulaire d’un droit de rétention ne peut exercer son droit
que sur le bien qu’il détient. En ce qui concerne la propriété-sûreté, il est
corollaire qu’elle est une sûreté spéciale, puisque la propriété porte
nécessairement sur un bien déterminé.
b. Les sûretés spéciales en droit chinois
73
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
107. A l’exclusion des privilèges innomés qui n’existent que dans la
procédure collective, toutes les sûretés réelles en droit chinois sont spéciales.
108. Le gage dont la constitution valable nécessite la dépossession du
bien grevé ne peut porter que sur un (des) bien(s) déterminé(s). Car la
dépossession d’un ensemble des biens du constituant est difficile à effectuer.
De même, le nantissement porte sur un droit subjectif déterminé ou un type de
droits déterminés puisqu’il est considéré comme une sûreté réelle avec
dépossession. L’hypothèque mobilière, y compris l’hypothèque flottante, est
aussi une sûreté spéciale qui ne peut porter que sur certains biens déterminés.
109. Quant à l’hypothèque immobilière, elle ne peut porter que sur des
immeubles déterminés. Puisqu’une propriété immobilière ne peut pas porter sur
plusieurs immeubles ou un ensemble des immeubles d’un individu.
110. S’agissant du droit de rétention, étant donné que son existence
nécessite la détention du bien, il ne peut aussi porter que sur des biens
déterminés.
111. En ce qui concerne la propriété-sûreté, considérant que la
fiducie-sûreté n’a pas été consacrée par la loi chinoise et que les juristes chinois
ne traitent pas la réserve de propriété comme une sûreté, c’est donc pas la peine
d’en discuter ici.
§ II – Selon la nature de l’assiette
112. Si nous choisissons la nature de l’assiette comme critère de
classification des sûretés réelles, il faut d’abord étudier la nature de l’assiette ou
plus précisément, la distinction des biens qui constitue la notion de base de ce
type de classification. Cependant, la classification des biens en droit français et
en droit chinois n’est pas pareille. Cette différence implique nécessairement une
différence entre les sûretés réelles dans les deux pays.
A. La nature de l’assiette - la classification des biens
74
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
113. Nous étudierons ici la différence entre les classifications des biens
en droit français et en droit chinois. Pour mieux comprendre cette différence,
un schéma est visuellement faite comme ainsi :
Classification des biens
En droit français
En droit chinois
Immeubles
Immeubles
Meubles corporels
Meubles
Meubles incorporels
Droits
Meubles
a. La dichotomie des biens en droit français
114. L’article 516 du Code civil prévoit que « tous les biens sont
meubles ou immeubles ». Cette double classification des biens est une
classification exhaustive. Les biens se divisent donc en deux parties: les
immeubles et les meubles. L’article suivant du même code stipule que « les
biens sont immeubles ou, par leur nature ou, par leur destination ou, par l'objet
auquel ils s'appliquent». Il énumère davantage les biens appartenant aux
immeubles.
115. Quant aux meubles, le code énumère aussi concrètement ceux qui
sont les meubles. Or, on peut résumer simplement que les biens qui
n’appartiennent pas aux immeubles sont meubles. Les meubles se divisent
davantage en deux catégories : meubles corporels et meubles incorporels. Cette
classification influence profondément la législation française et la classification
des sûretés réelles.
75
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
b. La trichotomie des biens en droit chinois
116. Différant de la classification des biens en droit français, le droit
chinois classifie les biens en trois catégories.
La première catégorie est celle des immeubles. Selon l’article 92, alinéa 1
de la LS, le terme « immeuble » désigne les terres et les choses adhérant aux
terres telles que des bâtiments, des arbres, etc.
La deuxième est celle des qui correspondent à celle des meubles corporels
en droit français. Selon l’article 92, alinéa 2 de la LS, le terme « meuble »
désigne les choses à l’ exclusion des immeubles. Ce qui reste à remarquer est. il
convient de préciser que le terme « chose » en droit réel chinois ne désigne que
la chose corporelle.
La troisième est celle des droits subjectifs, qui correspondent aux meubles
incorporels en droit français. En principe, les droits subjectifs ne peuvent pas
faire l’objet d’un droit réel, sauf en cas de disposition légale dérogatoire.
117. Cette classification est profondément influencée par le droit réel
allemand dans lequel les choses ne désignent que les choses corporelles. C’est
une
classification importante pour les sûretés réelles chinoises, mais la
classification législative de celles-ci n’est pas faite selon cette classification.
B. Classification des sûretés réelles selon la nature de l’assiette
118. Les biens constituent les assiettes des sûretés réelles. En raison de la
différence de la classification des biens, la classification des sûretés réelles
française et chinoise est certainement différente.
a. La classification en droit français
119. Par suite de la double classification des biens, selon la nature
mobilière ou immobilière de l’assiette, les sûretés réelles peuvent être classées
en trois catégories : les sûretés mobilières, les sûretés immobilières et les
sûretés mixtes (soit mobilière soit immobilière, par exemple, les privilèges
76
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
pleinement généraux et la fiducie-sûreté). Cette classification constitue la base
de la structure du Titre II, Livre IV du nouveau Code civil français qui est
consacré aux sûretés réelles et qui comporte trois sous-titres « Dispositions
générales », « Des sûretés sur les meubles » et « Des sûretés sur les
immeubles ». Parmi les sûretés mobilières, il existe le gage de meubles
corporels, le nantissement de meubles incorporels qui correspondent
parfaitement à la classification des meubles et la réserve de propriété qui
s’insère dans le chapitre IV, sous titre II intitulé « Des sûretés sur les meubles»
du titre consacré aux sûretés réelles. Néanmoins, il existe encore des sûretés
réelles qui portent indifféremment sur les meubles ou les immeuble du débiteur
--- les privilèges pleinement généraux. Ainsi, on peut dire que la distinction des
biens est cruciale pour la classification législative des sûretés réelles en droit
français.
b. La classification en droit chinois
120. Selon la triple-classification des biens en droit chinois, les sûretés
réelles peuvent se deviser en : des sûretés immobilières (nécessairement sans
dépossession) qui portent sur les immeubles, tels que l’hypothèque de bâtiment ;
des sûretés mobilières qui portent sur les meuble corporels, tels que
l’hypothèque de meubles (nécessairement sans dépossession), le gage de
meubles (nécessairement avec dépossession) ; des sûretés de droits qui portent
sur les droits autres que la propriété des meubles et immeubles, par exemple,
nantissement de créance ; des sûretés mixtes qui peuvent porter sur n’importe
quelle catégorie de biens - meubles, immeubles ou droits, par exemple les
privilèges généraux, la réserve de propriété qui est fixée par l’article 134 de la
Loi sur les contrats de 1999 et qui peut être utilisé en matière mobilière ou
immobilière.
121. Cependant, cette classification des sûretés réelles en droit chinois est
seulement doctrinale. La classification législative se fait en fonction de leur
régime.
77
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
Section II – La classification des sûretés réelles selon leur régime
122. Les sûretés réelles peuvent également être classées au regard de leur
régime. D’une part, certaines sûretés réelles entraînent la dépossession du bien
grevé du constituant, les autres n’exigent pas la dépossession. D’autre part,
certaines sûretés réelles confèrent à son créancier la propriété du bien sur lequel
elles portent, alors que les autres n’emportent pas le transfert de la propriété.
§ I – Le critère de la dépossession
123. Selon ce critère de classification, les sûretés avec dépossession
s’opposent à celles sans dépossession. Auparavant, il faut d’abord aborder la
notion et l’effet de dépossession.
A. La notion et l’effet de dépossession
124. S’exposeront successivement ici la notion et l’effet de dépossession.
a. Notion de dépossession
125. En droit français, l’article 2255 du Code civil prévoit que la
« possession » est « la détention ou la jouissance d’une chose ou d'un droit que
nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient
ou qui l'exerce en notre nom». Le possesseur doit l’être à titre de propriétaire.
C’est un pouvoir de fait sur le bien. Est donc exclue la simple détention et les
« actes de pure tolérance » (par exemple, une personne accepte qu'une autre
utilise provisoirement son fond) ou « actes de pure faculté » (par exemple,
quand une personne a un terrain mais ne veut pas construire tout de suite).
C’est le sens de la « possession » en droit des biens. En matière du droit des
sûretés réelles, il n’existe aucun texte qui définit les termes de « possession » et
de « dépossession ». Cependant, aux termes de l’article 2345 du code civil65,
65
Cet article dispose que « sauf convention contraire, lorsque le détenteur du bien gagé est
le créancier de la dette garantie, il perçoit les fruits de ce bien et les impute sur les intérêts
ou, à défaut, sur le capital de la dette ».
78
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
nous remarquons que le législateur emploie le mot « détenteur ». Cela signifie
que la « possession » en droit des sûretés réelles désigne une simple détention
du bien grevé. Concernant la « dépossession », elle est étymologiquement liée à
la « possession ». Le préfixe «dé- » signifie qu’elle est l’antonyme de la
dernière. La dépossession désigne donc « la perte de la possession, soit par
violence ou voie de fait, soit à un titre juridique »66. Du point de vue statique,
c’est la privation effective de la détention et la jouissance matérielle d’une
chose. D’une approche dynamique, c’est le transfert de la détention matérielle
d’une chose.
126. En droit chinois, il n’existait pas de régime de possession avant la
LDR de 2007. C’est au moment de l’entrée en vigueur de la LDR que le régime
de possession a été instauré. Mais il est regrettable qu’il n’y ait quand même
aucune norme écrite qui donne une définition de la possession et de la
dépossession. Concernant la possession, influencée par le droit civil allemand,
la doctrine et la pratique judiciaire chinoises préfèrent la qualifier d’un « fait »,
ce qui diffère du droit français qui la qualifie d’un pouvoir de fait. Par exemple,
l’article 270 du Projet no 7 de la LDR (qui n’est pas inséré dans la LDR
promulguée) définissait la possession comme « le contrôle matériel de
l’immeuble ou le meuble ». Cette définition de possession rapproche
formellement celle en droit français, à ceci près qu’elle ne comprend pas
l’élément subjectif. Quant à la dépossession, nous ne pouvons pas trouver une
simple terminologie chinoise qui correspond bien à la notion de dépossession
du droit français. Les chercheurs emploient plutôt le « transfert de la
possession » en droit chinois, qui correspond justement à la dépossession dans
l’approche dynamique en matière du droit français des sûretés réelles. Dans les
suites de la présente étude, nous employons les termes de « dépossession » et
de « transfert de la possession » dans un même sens.
66
Gérard CORNU, op. cit., p. 292.
79
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
b. Effets de dépossession
127. En comparaison des sûretés sans dépossession, les sûretés avec
dépossession ont certains avantages, mais aussi certains inconvénients. D’une
part, la dépossession renforce la protection du créancier en lui conférant un
droit de rétention qui lui permet d’éviter toute concurrence avec les autres
créanciers. D’autre part, la dépossession prive le constituant de son droit
d’usufruit et laisse la conservation du bien grevé au créancier. Pour ces raisons,
le droit moderne favorise les sûretés sans dépossession et laisse le choix aux
parties contractuelles.
En droit français, la dépossession constituait, pour les sûretés avec
dépossession, une condition de validité. Après la réforme de 2006, les sûretés
avec dépossession perdent leur nature de contrat réel. La dépossession n’est
donc plus une condition de validité pour les sûretés elles-mêmes. Elle devient
une condition de l’opposabilité des sûretés. Par exception, la dépossession
constitue bien une condition de validité pour le gage immobilier qui porte sur
des immeubles et emporte nécessairement la dépossession du bien grevé67.
En droit chinois, la dépossession constitue toujours pour les sûretés réelles
avec dépossession une condition de validité de la sûreté elle-même.
B. La classification selon le critère de dépossession
128. Comme
les
études
précédentes
des
classifications,
nous
l’envisagerons respectivement selon l’approche française et l’approche
chinoise.
a. La classification en droit français
67
G. PIETTE, La nature de l’antichrèse après l’ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006,
Dalloz, 2006, Chron., p.1690.
80
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
129. Auparavant, le gage (qui porte désormais par définition sur un bien
meuble corporel, avec ou sans dépossession) devait s'opérer avec dépossession.
L'avantage de la dépossession est qu'elle confère au créancier bénéficiaire un
droit de rétention sur la chose grevée dont le propriétaire a été dépossédé. Ce
droit permet au créancier bénéficiaire de l’opposer à tout créancier, et lui
permet de retenir la chose qu’il détient jusqu'au complet paiement de la dette
corrélative. Le droit de rétention lui permet d'être protégé lors des procédures
collectives, il est donc très recherché par les créanciers. Cependant, ce droit est
selon la jurisprudence insusceptible d'abus. Malgré cet avantage, la
dépossession s’accompagne d’un lourd inconvénient : elle prive le constituant
du droit d’usufruit et empêche le propriétaire d’user du bien grevé pour obtenir
un autre crédit. Ceci entraîne un gaspillage important du crédit économique.
130. Heureusement, la réforme de 2006 a apporté une nette amélioration
à cette situation. Désormais, le gage de meuble corporel peut être constitué
avec ou sans dépossession. C’est un choix pour les parties contractuelles. On
peut donc constituer un gage sans dépossession qui, pour avoir l’opposabilité
aux tiers, fait l’objet d’inscription.
Le nantissement, qui porte désormais par définition sur un bien meuble
incorporel, n'opère pas de dépossession : le plus souvent, sa constitution fait
l'objet d'une publicité qui informe les tiers de la présence d'un nantissement sur
le bien grevé.
En matière immobilière, le gage immobilier est sans aucun doute une
sûreté avec dépossession (art. 2387, C. civ.). L’hypothèque, qui ne peut porter
que sur les immeubles, n’emporte pas de dépossession de l’immeuble grevé.
Quant au droit de rétention, selon le dernier alinéa de l’article 2286 du
Code civil, son titulaire ne peut exercer ce droit que dès lors que le bien est en
sa possession. Autrement dit, ce droit suppose la dépossession du bien grevé.
81
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
Enfin, la propriété-sûreté emporte nécessairement la dépossession du bien
grevé.
b. La classification en droit chinois
131. Nous pouvons découvrir que les termes – « gage », « nantissement »,
« hypothèque » – utilisés en droit chinois ne sont pas en même sens que l’on les
utilise en droit français. Les deux premiers emportent nécessairement la
dépossession du bien grevé et qu’ils ne peuvent constituer respectivement que
sur des meubles corporels et des droits subjectifs. L’hypothèque est une sûreté
sans dépossession qui peut porter sur des meubles (on utilise le terme
hypothèque mobilière), des immeubles (hypothèque immobilière) et des droits
(hypothèque des droits).
§ II – Le critère de la propriété
132. Normalement et traditionnellement, les sûretés réelles ne confèrent
pas à bénéficiaire la propriété du bien grevé. Il arrive cependant, en pratique,
que certaines sûretés réelles soient fondées sur l’utilisation de la propriété du
bien grevé. En effet, la propriété-sûreté n’est pas une nouveauté mais plutôt une
redécouverte. En effet, sous l’empire du droit romain et de l’ancien droit, il
était normal que la propriété puisse être utilisée pour garantir une créance. Dans
ce cas, le constituant transférait la propriété du bien grevé à son créancier qui
s’engageait à la lui restituer si le débiteur s’acquittait de la dette garantie. C’est
ce que l’on l’appelait fiducie cum creditore. Après l’apparition des mécanismes
de l’hypothèque et du gage, ce type de sûreté était abandonné car les deux
premiers étaient considérés comme satisfaisants pour les créanciers et les
débiteurs. Mais, l’historique se répète souvent. Face au déclin des sûretés
réelles mobilières, les créanciers remirent au goût du jour les techniques de cet
ancien mécanisme.
133. En France, ce furent dans un premier temps les créanciers vendeurs
qui amorcèrent ce mouvement avec la réapparition de la clause de réserve de
82
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
propriété qui jusqu’en 1980 était de peu d’intérêt, puisque la Cour de cassation
l’a déclarée inopposable aux créanciers. En Chine, cette pratique n’est admise
que jusqu’en 1999.
Par la suite, la propriété utilisée à des fins de garantie est apparue
progressivement dans la pratique en droit français, ainsi qu’en droit chinois.
Désormais, il est expressément admis que l’on peut bien constituer une
propriété-sûreté sur des meubles ou des immeubles. On envisagera
successivement sa reconnaissance en droit français et en droit chinois, et sa
classification.
A. La reconnaissance de la propriété-sûreté
134. Nous l’étudierons respectivement du point de vue français et de
celui chinois.
a. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit français
135. La propriété-sûreté telle que la fiducie, n’a pas été retenu dans le
Code civil de 1804, parce qu’elle heurtait les principes fondamentaux du droit
civil français.
En premier lieu, la propriété-sûreté serait contraire à des règles
impératives des droits réels, un exemple illustré par excellence est la règle de
numerus clausus. Pour assurer la sécurité juridique, il est traditionnellement
admis que les droits réels sont en nombre limité. Il ne serait pas possible
d’adjoindre une nouvelle sûreté au nantissement (au sens avant la réforme de
2006), à l’hypothèque et aux privilèges qui sont fixés par la loi. Une autre est la
règle de prohibition du pacte commissoire. Le droit français était
traditionnellement hostile au pacte commissoire jusqu’à l’ordonnance du 23
mars 2006. La consécration de la propriété-sûreté permettrait de faire échec à la
prohibition du pacte commissoire, ce qui rendrait la protection du constituant
83
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
illusoire. En cas de défaillance du débiteur, le créancier pourrait conserver la
propriété du bien sans contrôle du juge68.
En second lieu, la nature même de la propriété ne lui permettait d’être
utilisé comme une sûreté. Selon la théorie traditionnelle, les droits réels se
devisent en deux parties: les droits réels principaux et les droits réels
accessoires. La propriété est l’exemple par excellence des droits réels
principaux. C’est un droit éternel. Le propriétaire d’un bien peut bien exercer
toutes les prérogatives attachées à cette qualité : le droit d’usus, du fructus et de
l’abusus. Alors que les sûretés réelles traditionnelles ont un caractère accessoire
et constituent les droits réels accessoires. Or, quand la propriété est utilisée à
des fins de garantie, elle a un caractère temporaire et les droits du propriétaire
sont limités car il s’est engagé à restituer le bien grevé au constituant et il doit
agir dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires.
136. De plus, on a rencontré plusieurs difficultés sur ce point dans le
droit continental. Par exemple, l’Allemagne est un des pionniers à consacrer
l’utilisation de propriété à des fins de garantie. Les sûretés fondées sur la
propriété en Allemagne ne donnent pas lieu à une publicité, car celle-ci en la
matière mobilière est difficile à mettre en jeu. Cela suscite les conflits entre les
créanciers titulaires de propriété sur les mêmes biens grevés, ainsi que les
conflits entre les créanciers titulaires de propriété et les créanciers titulaires
d’autres sûretés réelles.
137. Cependant, il y a aussi dans des années 80 en France un retour de
propriété-sûreté. La propriété utilisée à des fins de garantie est à nouveau
pratiquée. D’une part, le contexte pratique était favorable à la reconnaissance
de la propriété-sûreté en France. Les praticiens cherchaient à introduire un
mécanisme qui est comparable au trust dans la Commun Law. Les autorités
68
Dominique LEGAIS, Sûretés et garantie du crédit, LGDJ, 2008, p. 492-493.
84
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
françaises préféraient aussi modifier la pratique du crédit. Les effets des sûretés
réelles traditionnelles étaient affaiblis. Les droits du créancier gagiste ou
hypothécaire étaient limité face à l’ouverture d’une procédure collective. La
propriété-sûreté qui confère à un créancier bénéficiaire la qualité de propriétaire
du bien grevé redevenait donc attractive. D’autre part, la théorique favorable à
l’affirmation de propriété-sûreté tend progressivement à s’imposer. En effet, les
obstacles cités dans le texte plus haut n’existent pas vraiment. Un de ces
obstacles est la prohibition du pacte commissoire. Depuis la réforme de 2006
du droit des sûretés, le pacte commissoire est admis dans la majorité des cas.
Un autre obstacle est la règle de numerus clausus. En effet, cette règle subsiste,
mais elle n’aurait pas la portée absolue comme elle était dans le passé. Car,
premièrement, des décisions reconnaissant la valeur à des droits réels nouveaux
ont été recensées, deuxièmement, les auteurs prétendent qu’aucun droit réel
nouveau est crée en cas de l’utilisation de propriété à des fins de garantie69,
enfin, selon le point de vue matérialiste dialectique, c’est l’infrastructure
économique de la société qui en décide de la superstructure. Autrement dit,
c’est le besoin de la vie pratique économique qui décide la législation, le
législateur n’a rien fait que de répondre aux besoins de la vie pratique.
138. Dans ces contextes, le législateur a consacré l’opposabilité de la
réserve de propriété par la loi du 2 janvier 1981 et la cession de créance à titre
de garantie par la loi Dailly du 3 janvier 1982. La consécration de ce type de
sûreté est continue. Le Code monétaire et financier l’a consacré aussi dans son
article L. 431-7-3. La loi du 19 février 2007, qui s’insère dans l’article 2011 à
2031 du Code civil, a fait de la fiducie un mécanisme de droit commun en
réservant le bénéfice à certains professionnels70. Là-dessus, l’utilisation de la
fiducie à des fins de garantie était seulement implicitement autorisée par la
69
Ibid., p. 496.
70
Ibid., p. 497.
85
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
référence de l’article 2011 du Code civil à un « but déterminé »71. Ensuite, la
loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 énonce expressément que
toute personne, que ce soit personne physique ou morale, peut bien constituer
une fiducie sur des meubles ou des immeubles. Enfin, l’ordonnance du 30
janvier 2009 place la fiducie-sûreté dans le Code civil auprès des sûretés réelles
classiques. Lé régime propre de fiducie-sûreté est alors vraiment instauré.
b. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit chinois
139. Pour connaître la propriété-sûreté en droit chinois, il faut
nécessairement aborder l’évolution du droit chinois moderne. À la fin de la
Dynastie des Qing, le gouvernement faisait rédiger un premier projet du Code
civil qui se référait principalement au code civil allemand, suisse et japonais et
dans lequel la propriété-sûreté était consacrée. Malheureusement, ce code ne
s’appliquait jamais. Le deuxième projet du code civil a vu le jour en 1925. Il
contenait aussi les dispositions concernant la propriété-sûreté, mais son sort
était tout à fait pareil comme celui du précédent. C’est après la fondation du
gouvernement national de Nanjing que le législateur a promulgué le code civil
en 1931. Ce code, influencé par les deux projets précédents, contient aussi des
dispositions concernant la propriété-sûreté. Ce code s’appliqua sur tout le
territoire chinois jusqu’à la fondation de la RPC et, il est toujours en vigueur à
Taïwan. Depuis l’avènement de la RPC, le système juridique était totalement en
désordre. Il connaissait une interruption de son histoire. Jusqu’en 1999, la
réserve de propriété, la fiducie et le crédit-bail sont successivement admis par
la loi chinoise.
140. Cependant, leur nature juridique est encore discutable. En tant qu’un
pays appartenant à la famille de droit continental, le droit chinois persiste à
71
Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER,
Droit des sûretés, Dalloz, 2010, p. 367.
86
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
maintenir les règles fondamentales de sûretés réelles, tels que la règle de la
prohibition du pacte commissoire et la règle numerus clausus.
La première est expressément maintenue par la LDR de 2007. Or, la
discussion concernant ce problème est vive en doctrine. Certains auteurs
s’opposent de consacrer le pacte commissoire, alors que certains favorisent sa
consécration 72 . Du point de vue de la tendance législative mondiale, la
prohibition du pacte commissoire se desserre. Mais, la consécration de sa
validité en droit chinois n’est pas possible dans un court temps. Cette
prohibition fait obstacle à utiliser la propriété à la fin de garantie.
La règle numerus clausus est admise en doctrine chinoise depuis des
dizaines d’années. En effet, cette règle suscite beaucoup de discussions au
cours de la rédaction de la LDR. Certains auteurs favorisent l’assouplissement
de la règle. Certains préconisent le retrait de la règle. Certains font un compris.
Ils considèrent que la flexibilité juridique est aussi importante que la stabilité
juridique. S’inspirant davantage du Code de commerce uniforme des Etats-Unis,
ils favorisent l’adoption de la règle numerus clausus, mais cette règle n’a pas le
même sens qu’elle avait par le passé. Selon eux, les types et les contenus des
droits réels ne soient pas fixés par la loi, mais la procédure de la qualification
doive être fixée par la loi73. Cela veut dire que pour être admis comme un droit
réel, le nouveau droit réel doit être conforme aux procédures légales.
Pourtant, l’article 5 de la LDR stipule expressément que « les types et les
contenus sont fixés par la loi », sans n’avoir admis aucun assouplissement de
celle-ci. C’est pour ceux-là que la qualification des différentes utilisations de
propriété à des fins de garantie est encore ambiguë. Différant de la situation
française, il y a, en Chine, très peu d’études qui traitent expressément les
72
YANG Hong, op. cit., p. 34-58.
73
YANG Yuxi, De la règle numerus clausus, in Recherche de droit comparé, 2002, I, p.
34.
87
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
différentes utilisations de propriété à des fins de garantie comme les sûretés
réelles.
141. Nous pouvons donc résumer que la propriété-sûreté a connu un vrai
retour en droit chinois moderne. Son histoire est beaucoup plus longue que
celle de la propriété-sûreté en droit français.
B. La classification selon le critère de la propriété
142. La classification des sûretés réelles se fait d’après ce critère que si la
sûreté réelle confère à son bénéficiaire la propriété.
a. Les sûretés n’emportant pas le transfert de la propriété
143. La majorité des sûretés réelles ne supposent pas la propriété du bien.
Elles confèrent souvent soit un droit de préférence, tels que les privilèges en
droit français, les privilèges innomés et les hypothèques en droit chinois, soit
un droit de préférence et un droit de suite, tels que l’hypothèque en droit
français, soit un droit de préférence et aussi un droit de retenir le bien grevé,
tels que les exemples du gage, du nantissement, de le gage immobilier et du
droit de rétention en droit français, ainsi que du gage et du droit de rétention en
droit chinois.
b. Les sûretés basant sur la propriété du bien
144. Il arrive parfois qu’une sûreté réelle soit constituée sur la base de la
propriété du bien grevé.
145. En droit français, le propriétaire d’un bien peut constitue une
propriété-sûreté sous deux formes: soit s’en réserver la propriété jusqu’au
paiement de la créance, par exemples dans l’hypothèse de réserve de propriété
(art. 2367 à 2372, C. civ.) ou crédit-bail (art. L.313-7 à L.313-11, CMF), soit le
propriétaire d’un bien ou le titulaire d’une créance en transfère la propriété à
titre de garantie qui est également désigné fiducie, prévue dans les articles 2011
à 2031 du Code civil.
88
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
Au mécanisme du crédit-bail, l’établissement de crédit, qui finance
l’acquisition d’un bien, acquiert lui-même ce bien (mobilier ou immobilier), au
lieu d’en prêter la somme au demandeur de crédit. Ce dernier loue la chose,
avec la possibilité de l’acquérir en fin de bail, déduction faite des redevances
déjà versées. L’intérêt de cette opération est le même que celui de la réserve de
propriété : le créancier demeure propriétaire du bien jusqu’à la fin du
financement, ce qui lui permet de le revendiquer en cas de procédure collective
ou de redressement judiciaire du débiteur. Dans l’hypothèse de fiducie, la
propriété du bien grevé est transférée au fiduciaire qui le détient jusqu’à la fin
de l’opération.
Donc, dans toutes hypothèses de propriété-sûreté, la propriété du bien
grevé n’a jamais appartenu au débiteur. La propriété ne lui sera transférée qu’à
la fin de l’opération, c’est-à-dire lorsqu’il aura payé la totalité de la dette.
146. En droit chinois, existe-il ces trois types de propriété-sûreté? La
réponse est ambiguë. D’une part, il existe certainement les utilisations de
propriété à des fins de garantie. Bien que la réserve de propriété n’ait pas été
prévue par la LS, ni par la LDR, l’article 134 de la Loi sur les contrats de 1999
dispose que « les parties peuvent convenir dans le contrat de vente que si
l’acheteur n’exécute pas les obligations qu’il a engagées telle que le paiement
ou autres, la propriété de l’objet appartient au vendeur ». Concernant le
crédit-bail, il est prévu dans l’article 5 d’un arrêté ministériel - Règles
comptables des entreprises modernes qui sont promulguées par le Ministère des
finances en 2006 et est défini comme « un bail qui en effet transfert tous les
risques et rémunérations concernant la propriété du bien » . Quant à la fiducie,
elle est instaurée par la Loi de la fiducie de 2001 et est défini dans son article 2
comme «l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent, basant
sur la confiance, des droits patrimoniaux à un ou plusieurs fiduciaires qui
89
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
agissent à son propre titre et dans un but déterminé ou au profit d'un ou
plusieurs bénéficiaires ».
D’autre part, en Chine, la qualification des différentes utilisations du droit
de propriété à des fins de garantie est différente de celle qui existe en droit
français pour des raisons précitées. Normalement, il y a très peu d’études qui
les traitent expressément comme les sûretés réelles.
147. En outre, sur le plan théorique, nous pouvons aussi classer les sûretés
réelles selon leurs sources. Nous opposons donc les sûretés conventionnelles
aux sûretés non conventionnelles qui désignent les sûretés légales et les sûretés
judiciaires. La sûreté est conventionnelle lorsqu’elle est née d’un contrat. A
l’exception des privilèges, toutes les sûretés peuvent être conventionnellement
constituées dans les deux systèmes juridiques en cause.
Par exception, il arrive dans des différents systèmes juridiques que
certaines sûretés soient conférées à certains créanciers ou attachées à certaines
créances, sans qu’une convention ait été conclu ente le créancier et le
constituant. Ce sont les sûretés réelles non conventionnelles qui rassemblent en
effet les sûretés légales et les sûretés judiciaires.
La sûreté est légale lorsqu’elle est accordée par la loi à raison de la qualité
de créance. Les sûretés réelles en droit français répondant à cette définition sont
les privilèges et les hypothèques légales. En droit chinois, les privilèges
généraux, les privilèges spéciaux qui ne contiennent que les privilèges sur les
aéronefs et les privilèges sur les navires, et l’hypothèque légale qui est fixé par
l’article 284 de la Loi sur les contrats de 1999 correspondent à cette sûreté. La
sûreté est judiciaire lorsqu’elle est accordée dans une décision judiciaire. En
droit français, l’hypothèque judiciaire conservatoire crée en 1950 répond à cette
définition. Cependant, cette hypothèque judiciaire du droit français n’a jamais
été admise par le législateur chinois.
90
Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles »
148. Enfin, la sûreté réelle est en principe constituée par le débiteur de la
créance garantie. Cependant, il est tout à fait possible, tant en droit français
qu’en droit chinois, pour un tiers de s’engager sur l’un de ses biens pour
garantir la dette d’autrui. Il s’agit là de la classification des sûretés réelles
fondée sur la qualité du constituant. Quant à la qualification de la sûreté réelle
pour autrui, il y avait pendant longtemps une confusion en droit français. La
réforme de 2006 l’a précisé expressément dans l’article 2334 du Code civil qui
prévoit que dans une telle hypothèse, « le créancier n’a d’action que sur le bien
affecté en garantie », le constituant tiers ne souscrit donc aucun engagement
personnel. Cette affirmation tombe d’accord avec le système juridique chinois
qui bien qu’il n’ait pas expressément fixé l’étendue de l’engagement du
constituant tiers dit que « le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en
garantie » est un principe implicite consacré par la doctrine et les textes de la
LS, des ELS et de la LDR.
91
Titre II – Les modalités de publicité des sûretés réelles
149. Les tiers, surtout les créanciers d’un débiteur, doivent être informés
des sûretés réelles qui grèvent les biens qu’ils ont acquis ou qu’ils vont acquérir,
puisque leurs droits sur ces biens sont profondément influencés par les sûretés
réelles afférentes. Les sûretés réelles sont donc intimement liées aux modalités
de la publicité des sûretés réelles qui sont réalisées soit par l’inscription des
sûretés réelles, soit par la dépossession du bien grevé.
150. Sachant
que
les
législateurs
français
et
chinois
mettent
particulièrement l’accent sur la transparence des sûretés réelles, ces mesures
jouent donc un rôle déterminant.
Cependant, les modalités de publicité des sûretés réelles et leurs champs
d’application, ainsi que les finalités poursuivies, varient d'un pays à l’autre.
92
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
151. Le régime et les effets des différentes modalités de publicité en
matière mobilière ou immobilière ne sont pas identiques tant en droit français
qu’en droit chinois.
Section I – La publicité en matière mobilière
152. En raison de l’énorme quantité et de la mobilité des meubles, les
modalités de publicité des sûretés mobilières n’ont pas été unifiées, que ce soit
en droit français ou en droit chinois.
§I – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit
français
153. En droit français, les sûretés mobilières conventionnelles et non
conventionnelles ne sont pas soumises aux mêmes règles de publicité.
S’agissant des sûretés mobilières conventionnelles, tels que le gage et le
nantissement, elles doivent en principe être publiées pour être opposables aux
tiers. L’opposabilité de la clause de réserve de propriété fait exception, elle ne
dépend d’aucune publicité obligatoire (v. infra n° 405).
S’agissant des sûretés mobilières légales ou judiciaires, elles n’ont pas en
principe à être publiées. La plupart des privilèges généraux ou spéciaux sont
occultes. Exceptionnellement, afin de limiter l’importance des sommes
privilégiées74 et de mieux protéger les intérêts des tiers, notamment les autres
créanciers du débiteur, la loi impose à certains créanciers de publier leurs
privilèges sur un registre spécial, tels que le privilège du Trésor public et celui
de la sécurité sociale (art. 1929 quater 1, CGI ; art. L. 245-5, al. 1er, CSS).
74
Marc MIGNOT, op. cit., p. 309.
93
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
154. Il existe deux modalités de publicité des sûretés mobilières : soit par
une mesure matérielle, c’est-à-dire la dépossession du bien grevé ; soit par une
mesure immatérielle, c’est-à-dire l’inscription de la sûreté réelle.
En effet, le gage, avant la réforme de 2006, était un contrat réel qui
supposait la dépossession du débiteur. Cette dernière était considérée par la
jurisprudence comme une modalité de publicité du gage75. Depuis l’entrée en
vigueur de l’ordonnance du 23 mars 2006, le gage n’est plus un contrat réel.
Les parties peuvent convenir de constituer un gage avec ou sans dépossession.
Dans le premier cas, la dépossession peut tout de même être considérée comme
une modalité de publicité au sens large76, puisqu’elle joue, comme l’inscription
pour le gage sans dépossession, vis-à-vis des tiers un rôle de publicité
rudimentaire et permet d’individualiser les biens objets de la sûreté. Dans le
second cas, la publicité du gage au sens strict se réalise par une inscription sur
un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce, c’est-à-dire par
une publicité proprement dite. Cette publicité s’applique aussi au gage des
stocks (art. L. 527-4, C. com.), au gage du matériel et de l’outillage
(art. L. 525-3, al. 2, C. com.).
155. Cependant, pour certaines sûretés mobilières, le registre chargé de la
publicité est tenu par d’autres autorités. Par exemple, le gage des véhicules
terrestres est publié dans un registre spécial tenu par la préfecture qui a délivré
la carte grise (art. 2351, C. civ.) ; l’hypothèque fluviale, dans un registre tenu
par le greffe du tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du bateau
hypothéqué ; l’hypothèque maritime, dans un registre spécial tenu par les
conservateurs des hypothèques maritimes ; l’hypothèque aérienne, dans le
registre de l’immatriculation des aéronefs tenu par la Direction Générale de
75
Cf. Marc MIGNOT, op. cit., p. 310.
76
C’est dans ce sens que messieurs Bernard BEIGNIER et Marc MIGNOT ont utilisé,
dans le manuel Droit des sûretés publié par Montchrestien en 2007, la notion de publicité
pour couvrir la dépossession du bien grevé et l’inscription de la sûreté.
94
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
l’Aviation civile ; le privilège de la sécurité sociale, dans un registre public tenu
par le greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance
(art. L. 245-5, al. 1, CSS). Les modalités de publicité des sûretés mobilières se
répartissent ainsi entre plusieurs registres, tenus par les différentes autorités
concernées. Cette dispersion présente un réel inconvénient dans la mesure où il
est difficile pour les tiers de connaitre l’ensemble du passif privilégié grevant
un même bien. Il convient donc de saluer le fait que ce problème soit en partie
résolu par le décret du 23 décembre 2006 relatif à la publicité du gage, lequel a
créé un fichier national des gages de droit commun. Il est toutefois regrettable
que ce dernier ne rassemble pas toutes les sûretés mobilières et ne puisse pas
vraiment garantir aux intéressés une information complète sur ce sujet.
§II – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit
chinois
156. Par comparaison au droit français, la notion de publicité des sûretés
mobilières conventionnelles et non conventionnelles est plus flexible en droit
chinois. Selon l’article 6 de la LDR qui fixe les règles de la publicité des droits
réels, la publicité des sûretés réelles peut être réalisée selon deux modalités qui
ne soumettent pas aux mêmes règles : la dépossession du bien grevé et
l’inscription de la sûreté.
En ce qui concerne les sûretés mobilières conventionnelles, les règles sont
les mêmes qu’en droit français. Autrement dit, le gage, l’hypothèque mobilière
et le nantissement doivent être publiés pour avoir l’opposabilité aux tiers.
L’opposabilité de la clause de réserve de propriété fait exception, qu’elle ne
dépend d’aucune publicité obligatoire (v. infra n° 408).
Quant aux sûretés mobilières légales, elles n’ont pas à être publiées. Le
droit de rétention est dispensé de publicité. Les privilèges innomés sont
occultes, sans aucune exception (v. infra n° 214 et s.).
95
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
157. Comme en droit français, la publicité des sûretés mobilières en droit
chinois se réalise soit par la dépossession de la chose grevée, soit par
l’inscription de la sûreté.
Le gage en droit chinois suppose nécessairement la dépossession du bien
grevé. Cette dépossession a en réalité une double fonction : elle assure
simultanément la validité et l’opposabilité du gage. Ce principe s’applique
aussi au privilège sur l’aéronef qui doit être inscrit auprès du bureau compétent
pour être valide et opposable.
La publicité de l’hypothèque mobilière, qui correspond au gage sans
dépossession en droit français, est assurée par l’inscription sur des registres
spéciaux. L’hypothèque mobilière portant sur des machines de production, des
matières premières, des produits semi-finis et finis, doit être inscrite sur un
registre tenu par le bureau de l’industrie et du commerce ; celle portant sur des
bateaux, des aéronefs et des véhicules, auprès des organes d’administration
compétents. Quant à la publicité de l’hypothèque portant sur d’autres meubles,
la loi n’en a rien dit.
S’agissant du nantissement, la publicité se réalise soit par la remise du titre
des droits, soit par l’inscription auprès des organes compétents. Elle assure
aussi la validité et l’opposabilité du nantissement.
158. Ainsi, les modalités de publicité des sûretés mobilières sont aussi
diverses en droit chinois qu’en droit français. Elles se différencient de la
publicité en matière immobilière, qui est parfaitement centralisée.
Section II – La publicité en matière immobilière
159. Que ce soit en droit français ou en droit chinois, les sûretés
immobilières doivent être publiées pour être opposables et efficaces. Mais cette
publicité n'est-elle qu’une condition d’opposabilité ou constitue-t-elle une
condition de validité ? Les réponses données par les différents régimes
juridiques varient selon les sûretés immobilières. En effet, le régime de
96
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
l’inscription des sûretés immobilières est un problème qui est intimement lié au
principe de la publicité foncière, même si chaque système possède ses propres
règles.
§I – La publicité foncière en droit français
160. Le droit français des contrats soumet au principe du consensualisme.
Le contrat de vente, qu’il soit contrat d’échange ou de donation etc., réalise en
principe le transfert instantané de la propriété du bien par le seul échange des
consentements77. C’est le principe du transfert de propriété solo consensus. La
publicité n’est pas constitutive de droits réels, mais elle rend les droits réels
opposables à tous les tiers. Ce régime de publicité est fondé, en effet, sur les
décrets du 4 janvier 1955 et du 14 octobre 1955.
Selon le décret du 4 janvier 1955, seuls des actes translatifs ou constitutifs
de droits réels, tels que des restrictions au droit de disposer, des clauses
affectant rétroactivement le droit du titulaire, des droits personnels altérant la
valeur du bien etc., sont soumis à publicité à peine d’inopposabilité aux tiers.
Les hypothèques, ainsi que les privilèges, appartiennent à cette catégorie de
droits devant nécessairement être publiés.
Il existe en droit français trois registres – un registre des inscriptions, un
registre des publications et un registre des saisies immobilières – qui
accueillent les dépôts de bordereaux. Grâce aux fichiers immobiliers
systématiquement établis, qui se présentent sous trois formes – les fichiers
établis d’après les immeubles, d’après les titulaires de droits réels et d’après les
parcelles cadastrales – l’accès aux informations sur les immeubles est
nettement facilité. Toute personne peut demander la communication des
documents déposés dans les conservations dans les cinquante dernières
77
Michèle MULLER, Droit civil, Sup’ Foucher, 2006, p. 94.
97
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
années78. Le fait que seuls des actes authentiques puissent être publiés renforce
la fiabilité de la publicité foncière, allège le fardeau des conservateurs des
hypothèques qui se chargent uniquement de vérifier la régularité formelle des
actes déposés. De plus, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 dispose que
« aucun acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un bordereau des
hypothèques ne peut être publié au fichier immobilier si le titre du disposant ou
dernier titre n’a pas été préalablement publié, conformément aux dispositions
du présent article ». Il en découle le principe de l’effet relatif qui renforce
davantage la fiabilité du régime de publicité foncière.
161. Si un acte, soumis à publicité, n’est pas publié, il n’est pas
opposable aux tiers mais reste encore valable entre les parties, ce qui n’est
qu’une hypothèque "fantôme". Seuls les tiers intéressés qui, sur le même
immeuble, ont acquis du même auteur un droit réel concurrent, peuvent
invoquer l’inopposabilité de l’acte au sens de la publicité foncière. Cependant,
un tiers peut, dans certains cas, avoir connaissance d’un acte soumis à publicité,
sans que cette formalité ait été accomplie ; par exemple, si un créancier
hypothécaire peut prouver qu’un tiers a eu connaissance de l’hypothèque, cette
sûreté lui est-elle opposable ? Autrement dit, la connaissance effective peut-elle
remplacer la publicité foncière ? Il existe sur ce point deux courants de pensée.
Le premier, qui retient la conception subjective de la publicité, répond par
l’affirmative : il estime que le but poursuivi par la publicité étant l’information
des tiers, l’existence de cette information suffit à cette finalité, quel que soit le
moyen utilisé. Cette approche permet donc de sanctionner les tiers de mauvaise
foi et de privilégier la sécurité du crédit. Le second, qui fait valoir que la
publicité exigée est constitutive du droit d’opposabilité, privilégie une approche
objective et répond par la négative79. La jurisprudence navigue entre les deux.
78
Dominique LEGEAIS, Sûretés et garantie du crédit, LGDJ, 2008, p. 418.
79
Ibid., p. 419.
98
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
Elle retient, en effet, la conception subjective en cas de conflits des cessions
successives d’un même immeuble, et la conception objective s’agissant de
l’hypothèque80. Le régime de l’inscription hypothécaire est donc différent de
celui des autres droits réels immobiliers sur ce point. Les autres règles
gouvernant la publicité s’appliquent en principe à l’inscription de l’hypothèque.
162. Ainsi, les sûretés immobilières, qu’elles soient conventionnelles ou
non, doivent en principe être publiées pour être opposables aux tiers. Par
exception, l’article 2378 admet que les privilèges généraux et le privilège
spécial du syndicat des copropriétaires ne le soient pas. En outre, à la différence
de la publicité dispersée des sûretés mobilières, celle des sûretés immobilières,
qu’elle soit d’hypothèque, d’antichrèse ou des privilèges spéciaux immobiliers,
est centralisée à la conservation des hypothèques. Cette centralisation n’est
certainement pas considérée d’un point de vue géographique, mais plutôt
matériel, puisque toutes les sûretés sur un même immeuble doivent être
publiées en un seul et même lieu81.
§II – La publicité foncière en droit chinois
163. À la différence du droit français, le droit civil chinois est fortement
imprégné de l’influence des droits allemand et suisse. Les règles de
l’inscription foncière ont connu une grande évolution au fil du temps. La Loi
sur la gestion des terres de 1986 instaurait dans ses articles 9 et 10 le principe
de l’inscription foncière, en disposant que « les droits de propriété et d’usage
du terrain légalement inscrits sont protégés par la loi et personne ne peut
empiéter sur ces droits ». Mais ces dispositions étaient tellement générales
80
Cass. 3e civ., 17 juill. 1986, Bull.civ. III, no118, Defrénois 87, art. 34056, no78, p.1178,
n. L.AYNES : la circonstance, à la supposer établie, que (les tiers acquéreurs) aient eu une
connaissance personnelle des prêts consentis par la banque et des sûretés les ayant garantis
ne pouvait suppléer à l’inscription, seul mode légal de publicité.
81
Marc MIGNOT, op. cit., p. 311.
99
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
qu’elles sont restées pratiquement inexécutables par manque de mesures plus
précises.
164. Par la suite, la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en
zone urbaine de 1994 a introduit dans la section III du chapitre IV des
stipulations spéciales sur l’hypothèque immobilière et, dans le chapitre V, sur la
gestion de l’inscription de la propriété foncière. Cependant, elle ne prévoyait
pas les effets de cette inscription. De toute façon, ces lois ont instauré le
principe simple selon lequel les droits réels immobiliers devaient être inscrits à
peine de nullité. La Loi sur les sûretés (LS) de 1995 a ensuite instauré le
système relativement complet de l’inscription de l’hypothèque qui constitue
encore la base du régime de nos jours. Ses articles 41 et 42 stipulaient que
l’inscription était une condition de validité pour le contrat de l’hypothèque
immobilière et le contrat de l’hypothèque de certains meubles assimilés aux
immeubles.
165. Enfin, la LDR de 2007 a repris l’esprit de l’inscription foncière en
affinant le système : elle distingue la validité du contrat de l’hypothèque et celle
de l’hypothèque elle-même. Selon ses termes, le contrat est parfait dès lors
qu’il est conclu sous forme écrite et que l’inscription est une condition de la
validité de l’hypothèque immobilière. En effet, au cours de la rédaction de la
LDR ont prévalu deux conceptions sur l’effet de l’inscription : la première
prétendait abandonner la modalité de l’« inscription-validité » et adopter celle
de l’« inscription-opposabilité » pour toutes les hypothèques, à l’exemple du
droit français82; la seconde, sous l’influence de la théorie de l’acte juridique
réel en droit allemand, optait pour la modalité allemande83. L’une comme
82
WANG Liming, Recherche sur le droit civil et commercial (II), Éd. du droit, 1999,
p.185.
83
SUN Xianzhong, Études sur la théorie de l’acte juridique réel, Éd. de sciences sociales
de Chine, 2001, p. 135 ; SUN Xianzhong, Études sur les droits réels, Éd. du droit, 2001, p.
55.
100
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
l’autre a rencontré un écho positif dans la LDR promulguée : aujourd’hui, la
modalité de l’ « inscription-opposabilité » s’applique à toutes les hypothèques
mobilières et celle de l’ « inscription-validité » à toutes les hypothèques
immobilières. Ce sont les règles en droit positif chinois. Il a consacré
expressément le principe de la « publicité du changement » de droits réels. Le
changement de droit de propriété ou d’autres droits réels reposant en principe
sur un acte juridique ne sera considéré comme réalisé qu’une fois accomplie la
formalité de publicité (enregistrement pour des immeubles et délivrance pour
des meubles), même si l’acte juridique sur lequel ce changement repose est déjà
effectif. Autrement dit, aucune translation ou constitution de droit réel, par la
voie d’acte juridique, ne peut en principe être valablement réalisée sans la
formalité de publicité requise au préalable. Néanmoins, il existe certaines
exceptions pour les meubles ; par exemple, l’inscription n’est pas une condition
de validité pour l’hypothèque mobilière, mais une condition d’opposabilité aux
tiers. Pour les autres droits réels, tels que l’hypothèque immobilière,
l’inscription est donc une condition de validité. Si la connaissance effective de
l'existence de l'hypothèque peut jouer le rôle de la publicité et si un tiers a eu
connaissance de l'hypothèque, le problème de l'opposabilité aux tiers qui existe
en droit français ne se posera pas en droit chinois, puisque le non-exercice de
l’inscription rend l’hypothèque invalide, a fortiori son opposabilité.
166. Selon la LDR, le requérant doit, suite à sa réquisition, fournir les
dossiers nécessaires à l’inscription immobilière, notamment les titres
représentant ses droits, les documents et les indications sur les dimensions et la
localisation (art. 11). L’organe compétent devra les examiner, demander au
requérant le motif de l’inscription, enregistrer immédiatement et exactement les
éléments relatifs à l’inscription et, le cas échéant, demander au requérant de
fournir des dossiers complémentaires et procéder à l’observation sur place de
l'état de l'immeuble (art. 12). Cet organe exerce donc un contrôle complet sur la
forme mais non sur le fond. Après tout, l’état des droits réels concernant un
101
Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application
immeuble figure sur les « registres d’immeuble » qui sont le support de la
publicité immobilière, la source de l’attribution et le contenu du droit réel
(art. 16, LDR). Les frais d’inscription doivent être fixés et ne peuvent varier
proportionnellement à la surface, au volume ou au prix de l’immeuble (art. 20,
LDR). Les dossiers d’inscription tenus par l’organe susmentionné, y compris
les registres d’immeuble, peuvent être consultés et copiés par le titulaire du
droit et les tiers intéressés (art. 18, LDR).
167. Il est regrettable que persistent encore aujourd’hui des problèmes en
matière d’inscription foncière en droit chinois. Ces derniers découlent en
définitive de la diversité des lois fixant les inscriptions des différents
immeubles ; par exemple, la nouvelle Loi sur la gestion des terres et ses
mesures d’application (1998), la nouvelle Loi sur la gestion des bâtiments et
des terrains en zone urbaine (2007), la Loi sur les forêts, la Loi sur la pêche, la
LS, la LDR etc. Selon une statistique incomplète, il existe une dizaine de lois
sur l’inscription foncière. Cette situation est source de problèmes : une
multitude d’organes en charge des inscriptions, des conflits entre certaines lois,
l’impossibilité de faire inscrire certains immeubles, la répétition des
inscriptions pour un même immeuble etc. Ces problèmes réduisent
considérablement l’efficacité des sûretés réelles et sont une forte entrave au
développement du crédit. Il est donc très urgent d’uniformiser les différentes
inscriptions foncières.
Le législateur chinois a la volonté d'apporter des
solutions et d’établir le plus tôt possible un système unitaire d’inscription des
droits réels correspondant au besoin du crédit et de la pratique internationale.
102
Chapitre II – Les finalités de publicité
Chapitre II – Les finalités de publicité
168. Quel que soit le système juridique, la publicité remplit plusieurs
fonctions qui visent principalement à : assurer l’opposabilité des sûretés aux
tiers ; constituer une condition de validité des sûretés dans certains cas ;
permettre d’attribuer un rang au créancier. Cependant, les finalités poursuivies
par le législateur varient selon les pays.
Section I – Les finalités poursuivies en droit français
169. En droit français, la publicité des sûretés permet d’abord de rendre
les sûretés opposables aux tiers et, ensuite, de fixer le rang des créanciers.
§I – L’opposabilité de la sûreté
170. Comme nous l’avons exposé, la publicité n’est pas en principe un
élément constitutif de droits réels, mais un élément relevant de l’opposabilité
du droit. Ainsi, la publicité de la sûreté réelle sert principalement à assurer son
opposabilité aux tiers. La sûreté conventionnelle demeure normalement valable
bien qu’elle n’ait pas été publiée. Elle est quand même valable entre les parties,
à l’instar du gage et du nantissement en matière mobilière, de l’hypothèque en
matière immobilière, et de la clause de réserve de propriété en matière
mobilière ou immobilière.
171. Néanmoins, l’opposabilité résultant de la publicité mobilière ou
immobilière ne présente pas le même degré d’efficacité. Par exemple, la
propriété-sûreté mobilière est opposable à l’acquéreur et à ses créanciers ; mais
elle n’est pas opposable au sous-acquéreur de bonne foi qui peut invoquer la
disposition de l’article 2276 du Code civil. De même, face au tiers acquéreur de
bonne foi, le créancier bénéficiaire d’un gage avec dépossession ne peut pas
faire valoir son droit de gage sur le bien grevé. Par exception, dans l’hypothèse
du gage sans dépossession, une fois que le gage a été régulièrement inscrite, les
ayants cause à titre particulier ne peuvent plus se prévaloir de l’article 2276 du
Code civil.
103
Chapitre II – Les finalités de publicité
En matière immobilière, la publicité est plus efficace : elle rend toujours la
sûreté opposable aux tiers84. Cette différence d’efficacité entre les publicités
des sûretés mobilières et immobilières peut s’expliquer par la fiabilité du
système de publicité foncière et par l’intervention systématique du notaire dans
la pratique des opérations immobilières. Ainsi, toute opération immobilière
aboutit à la formalité de publicité et suppose la consultation préalable de la
publicité foncière. En matière mobilière, en revanche, la pluralité des registres
mobiliers et l’absence d’intervention systématique du notaire diminuent
nécessairement la fiabilité de la publicité.
§II – L’attribution d’un rang au créancier
172. Comme la publicité rend, en principe, la sûreté réelle opposable aux
tiers, il est logique qu’elle contribue à fixer le rang des différents créanciers.
Ainsi, dès lors qu’une sûreté est régulièrement publiée, son rang est en principe
déterminé par la date de l’accomplissement de la formalité de publicité. Cette
fonction de la publicité suppose que plusieurs sûretés réelles puissent être
successivement constituées sur un même bien. Ainsi, l’attribution d’un rang aux
créanciers ayant publié leurs droits sur le même bien est intimement liée au
classement des créanciers en conflit. Ces derniers sont classés selon l’adage
prior tempore potior jure. Celui qui a publié son droit à une date antérieure
l’emporte sur les suivants.
Dans cette hypothèse, la fonction d’attribuer un rang au créancier n’est, en
principe, concevable que s’agissant des sûretés conventionnelles traditionnelles,
tels que le gage avec dépossession et le gage sans dépossession, les
nantissements, les hypothèques, non s’agissant des propriétés-sûretés85 et des
sûretés extra-conventionnelles. Par exemple, la remise de la chose entre les
84
Marc MIGNOT, op. cit., p. 311.
85
Ibid., p. 312.
104
Chapitre II – Les finalités de publicité
mains du créancier rend le gage avec dépossession opposable aux tiers ;
l’inscription rend le gage sans dépossession, le nantissement et l’hypothèque
opposables aux tiers, du moins en principe. Par dérogation, les privilèges
spéciaux prennent rang à la date de conclusion de l’acte donnant naissance à la
créance privilégiée. La conclusion de l’acte n’est pas une publicité proprement
dite.
173. À titre exceptionnel, la publicité de la sûreté réelle remplit certaines
autres fonctions. Par exemple, elle est parfois une condition de validité de la
sûreté. La sûreté doit être publiée, à peine de nullité. C’est le cas du gage des
stocks de droit spécial (art. L. 527-4, C. com.) et de la fiducie (art. 2019,
C. com.). S’agissant du gage immobilier, son régime de publicité est
exceptionnel, puisque les deux modalités de publicité – la remise de la chose
grevée et l’inscription – sont respectivement exigées pour la validité et
l’opposabilité de la sûreté. Autre exemple, la publicité de la sûreté réelle est
prise en compte par le législateur dans certains cas pour faire bénéficier son
titulaire d’une mesure de faveur. Lors de l’ouverture de la procédure de
sauvegarde, redressement ou liquidation, les créanciers antérieurs doivent
déclarer leur créance (art. L. 622-24, L. 631-14-I, L. 641-3, al. 1er, C. com.).
Section II – Les fonctions de la publicité en droit chinois
174. La publicité des sûretés réelles en droit chinois ne joue pas le même
rôle que celle en droit français. Sa fonction primordiale est d’assurer la validité
de la sûreté. Elle permet ensuite de rendre les sûretés opposables aux tiers et,
enfin, de fixer le rang des créanciers.
§I – La validité et l’opposabilité de la sûreté
175. Comme le système juridique chinois accepte la théorie allemande
selon laquelle aucune constitution et aucun changement de droit réel ne
pourraient en principe être valablement réalisés. Étant qualifiée du droit réel, la
validité d’une sûreté réelle suppose sa publicité, sauf dispositions contraires.
105
Chapitre II – Les finalités de publicité
Ainsi, la publicité de la sûreté réelle, surtout de la sûreté conventionnelle, sert
d’emblée à assurer la validité de celle-ci. La sûreté réelle conventionnelle n’est
valable qu’une fois accomplies les formalités régulières de publicité. Par
exemple, le gage (avec dépossession) n’est valablement constitué qu’au
moment de la remise de la chose grevée entre les mains du créancier ; le
nantissement des droits n’est valable qu’à partir de la réalisation de la remise
du titre des droits ou de l’inscription ; la validité d’une hypothèque
immobilière suppose l’inscription hypothécaire ; le privilège sur l’aéronef doit
être inscrit auprès du bureau compétent pour être valablement constitué. Pour
ces sûretés réelles, la publicité assure aussi leur opposabilité aux tiers.
176. Dans certains cas, la publicité n’est pas une condition de validité,
mais une simple condition d’opposabilité de la sûreté elle-même. Par exemple,
l’hypothèque mobilière demeure valable entre les parties bien qu’elle n’ait pas
été publiée. De même, la validité de la clause de réserve de propriété en matière
mobilière ou immobilière ne suppose pas la publicité. Pour ces deux types de
sûretés réelles, la publicité assure simplement leur opposabilité, non leur
validité.
En effet, en tant qu’une modalité de la publicité des sûretés réelles, la
remise de la chose grevée et l’inscription ont pour même objet de porter l’état
de la sûreté réelle à la connaissance des tiers. Pourquoi jouent-elles des rôles
différents selon qu'il s'agit d'une sûreté avec dépossession (le gage) ou sans
dépossession (l’hypothèque mobilière) portant sur des meubles corporels ?
Pour l’instant, l’imperfection du système de l’inscription mobilière apporte une
explication peu convaincante à cette dualité. Or, dans une perspective à long
terme, cette situation compromet la simplicité et la logique du droit des sûretés.
177. En raison, d’une part, de la multiplicité des registres mobiliers et de
l’absence d’intervention systématique du juriste et, d’autre part, de la fiabilité
du système de publicité foncière et de la pratique des opérations immobilières
où interviennent souvent le notaire ou l’avocat, l’opposabilité résultant de la
106
Chapitre II – Les finalités de publicité
publicité des sûretés mobilières présente une moindre efficacité que celle des
sûretés immobilières. Ainsi, le créancier gagiste régulièrement publié ne peut
pas l’emporter sur le tiers acquéreur de bonne foi. En matière immobilière, la
publicité est plus efficace ; elle rend toujours la sûreté opposable aux tiers.
Cette disposition se rapproche du droit français.
178. Par exception, la publicité n’est exigée ni pour la validité ni pour
l’opposabilité de la sûreté. C’est le cas pour le droit de rétention, le privilège
nommé sur le navire et les privilèges innommés.
§II – L’attribution d’un rang au créancier
179. Comme en droit français, le rang de la sûreté en doit chinois est en
principe déterminé par la date de la réalisation de la publicité régulière. La
publicité fixe donc le rang des créanciers ayant publié leurs droits sur un même
bien. Celui dont la publicité des droits est antérieure l’emporte sur les suivants.
Ce principe est tout à fait semblable à celui appliqué en droit français.
180. De
même,
cette
fonction
suppose
que
plusieurs
sûretés
conventionnelles se constituent sur un même bien. S’il n’y a qu’une sûreté
réelle sur un bien, sa publicité n’a aucun sens. Par exemple, si un bien fait
l’objet d’une propriétés-sûreté, d’autres créanciers du débiteur ne peuvent en
principe pas valablement constituer une sûreté réelle sur ce bien dont le
débiteur n’est plus le propriétaire. Ainsi, la remise de la chose entre les mains
du créancier rend le gage opposable aux tiers ; l’inscription rend l’hypothèque
mobilière, le nantissement et l’hypothèque immobilière opposables aux tiers,
comme en droit français.
181. Par dérogation, les privilèges innommés ne sont pas soumis à
publicité pour leur opposabilité. Ils sont automatiquement opposables aux tiers
dès leur naissance. Cependant, cette opposabilité n’est pas aussi forte que celle
des privilèges en droit français puisqu’elle n’est pas valable devant les
créanciers ayant des sûretés réelles portant sur un bien déterminé du débiteur.
107
Chapitre II – Les finalités de publicité
182. En outre, la publicité de la sûreté réelle est aussi prise en compte par
le législateur chinois dans certains cas pour faire bénéficier son titulaire d’une
mesure de faveur. Lors de l’ouverture de la procédure collective, les créanciers
antérieurs doivent déclarer leurs créances, même si celles-ci ne sont pas échue
(art. 45 et s., LFE).
108
Deuxième partie Régimes des sûretés mobilières (approche
micro juridique)
109
183. Dans cette partie, nous mettrons en parallèle les dispositions du droit
français et du droit chinois en matière de sûretés mobilières, en soulignant leurs
similitudes et leurs divergences.
Il est à remarquer que la notion de « meubles » en droit français n’est pas
la même que celle en droit chinois. En droit français, les « meubles » inclurent
non seulement les « biens corporels » mais aussi les «biens incorporels ». Avant
la réforme du 23 mars 2006, le législateur français établissait une distinction
entre le gage qui nécessitait la dépossession et le nantissement qui était sans
dépossession. La réforme a abandonné le critère de dépossession mais retient la
nature de l’assiette de sûreté. La sûreté portant sur des meubles corporels se
nomme « gage », celle portant sur des meubles incorporels, « nantissement »,
qu’elles soient avec dépossession ou non.
En droit chinois, les « meubles » ne concernent que les biens corporels. Le
législateur distingue donc les sûretés de droits (des biens incorporels) des
sûretés mobilières (v. supra n° 113 et n° 120). Ainsi, à proprement parler, les
sûretés mobilières en droit chinois ne comportent pas les sûretés de droits ;
elles correspondent uniquement à la notion de gage en droit français.
Cependant, pour mener à bien cette étude, nous emploierons ici la notion
de « sûretés mobilières » au sens du droit français.
184. Dans les deux systèmes juridiques, nous distinguons, selon les
sources, les sûretés mobilières non conventionnelles des sûretés mobilières
conventionnelles. Celles-ci, qui sont soumises aux régimes juridiques différents,
seront successivement étudiées dans le texte suivant.
110
Titre préliminaire – Les sûretés mobilières non conventionnelles
185. Il arrive souvent que dans les différents systèmes juridiques, afin de
promouvoir le développement du commerce et de satisfaire au besoin des
politiques sociales, certaines sûretés soient conférées à certains créanciers ou
attachées à certaines créances, sans qu’une convention ait été conclue entre les
parties. Ce sont les sûretés réelles non conventionnelles qui rassemblent les
privilèges, le droit de rétention et certaines autres sûretés judiciaires.
111
Chapitre I – Les privilèges
Chapitre I – Les privilèges
186. En droit français, le privilège est définit comme « un droit que la
qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers,
même hypothécaires » (art. 2324 C. civ.). Sa définition est bien simple, mais
ses formes et ses régimes sont relativement complexes. Il est en effet une
catégorie de droits qui existe depuis le droit romain et qui joue toujours un rôle
en droit des sûretés français. Cette définition est aussi reconnue par la doctrine
chinoise, bien que le régime général des privilèges ne soit pas reconnu par le
législateur.
Section I – Les privilèges en droit français
187. Le législateur confère un privilège aux créanciers, en raison de la
qualité de leur créance, par exemple ceux ayant intérêts que l’État tend à
préserver, basés sur la justice sociale ou fondés sur la notion de gage. Chaque
privilège traduit un choix politique86. Nous envisagerons successivement les
différents privilèges en droit français.
§ I – Les privilèges généraux
188. Ce sont les privilèges pleinement généraux qui portent sur
l’ensemble des biens d’un débiteur. Il existe aujourd’hui quatre privilèges
généraux : celui des frais de justice, celui des salaires, celui de la période de
conciliation de l’article L.611-11 et celui de la période d’observation consacré
par l’article L.622-17 du Code de commerce. Comme toute sûreté réelle, ils
sont soumis à la règle de spécialité: il s’exerce sur tout élément d’actif pour la
totalité qu’il garantit. Particulièrement, il se soumet aussi au principe de
subsidiarité : les privilèges doivent s’exercer d’abord sur les meubles de son
débiteur avant la vente de ses immeubles. C’est une règle qui traduit la volonté
traditionnelle du législateur de protéger la propriété immobilière. Ce principe
86
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 455.
112
Chapitre I – Les privilèges
peut expliquer pourquoi nous l’abordons dans cette partie consacrée aux sûretés
réelles.
189. Les frais de justice sont toujours privilégiés (art. 2331, C. civ.). Il est
logique que les frais qui concourent à la procédure collective, tant à la
conservation, à la liquidation qu’à la réalisation des biens de son débiteur,
soient payés avant les autres créanciers, puisqu’ils sont dépensés dans l’intérêt
de tous les créanciers et qu’ils profitent à tous87. Cependant, afin de protéger les
intérêts des autres créanciers, le législateur a introduit par la loi du 7 juillet
1991 la limite d’utilité des frais de justice. Seuls les frais utilement engagés
sont opposable aux autres créanciers qui profiteront de cet acte88.
190. Les privilèges des salaires peuvent s’expliquer par le fait que, d’une
part le salarié ne participe pas aux profits de l’entreprise, il est donc logique
qu’il ne supporte pas le risque d’insolvabilité de l’entreprise ; d’autre part, le
salaire a un caractère alimentaire, ce qui est une raison humaine plus
importante. Le privilège garantit les six derniers mois du salaire et de tous ses
accessoires (indemnité de congé payé ou de licenciement) (art. 2331, 4o et 2375,
C. civ.). Les auteurs, compositeurs et artistes bénéficient de ce privilège pour le
paiement des redevances et rémunérations qui leur sont dues (art. L131-8, C.
prop. intell.) 89 . La créance privilégiée est exigible à la date du jugement
d’ouverture de redressement judiciaire. Elle doit être payée dès que les fonds
sont disponible et au plus tard dans les trois mois du jugement90. En cas de
procédure collective, les soixante derniers jours de salaires (de travail ou
apprentissage) et les indemnités de congés payés, et pour les marins du
commerce (art. L.143-10, C. trav.), les quatre-vingt-dix jours (art. L.742-6 et
87
Marc MIGNOT, op. cit., p. 387.
88
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 460.
89
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 182.
90
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 461.
113
Chapitre I – Les privilèges
L.751-15, C. trav.), sont garantis par un super-privilège qui passe avant tous les
autres créancier et qui ne se soumet pas à la règle de subsidiarité. Sa finalité est
de permettre un paiement rapide des salaires et de les garantir au salarié.
L’administrateur ou le débiteur, s’il a en mains les fonds nécessaires, doit payer
la créance calculée sur la base du dernier bulletin de salaire et sans pouvoir
excéder le plafond, sur simple ordonnance du juge-commissaire dans les dis
jours du jugement déclaratif. Si les fonds détenus ne sont pas suffisants, il doit
l’acquitter dès les premières rentrées de fonds91.
191. Le privilège de la période de conciliation (art. L.611-11, C. com.,
consacré par la loi du 26 juillet 2005) et celui de la période d’observation (art.
L.622-17, C. com.) visent à aider les entreprises en difficulté. L’objectif de ce
privilège à ceux qui offrent un nouvel investissement à l’entreprise en difficulté,
en liquide ou en nature, ou à ceux qui continuent les affaires avec l’entreprise
en difficulté, est de faciliter la renaissance d’entreprises en difficulté.
§ II – Les privilèges mobiliers
192. Les privilèges mobiliers peuvent être divisés en deux catégories :
ceux qui portent sur l’ensemble des meubles – les privilèges mobiliers
généraux (art.2331, C. civ.) et ceux qui portent sur des meubles déterminés –
les privilèges mobiliers spéciaux (art.2332, C. civ.).
A. Les privilèges mobiliers généraux
193. Les privilèges mobiliers généraux énoncés par l’article 2331 du
Code civil sont au nombre de huit. Parmi lesquels les privilèges des frais de
justice et des salaires sont en effet les privilèges pleinement généraux, ceux des
frais funéraires et des frais de dernière maladie sont rendus inutiles par le
système de Sécurité sociale. Les autres sont beaucoup moins importants que les
privilèges fiscaux et ceux de la Caisse de Sécurité sociale qui ont leurs sources
91
Ibid., p. 462.
114
Chapitre I – Les privilèges
spéciales – les lois hors Code civil92. Aujourd’hui, afin d’écarter l’atteinte à la
sécurité juridique, le rang des privilèges est fixé par l’article 2332-2 du Code
civil. Celui du privilège du Trésor public est déterminé par les lois qui lui sont
propres ; celui de la Caisse de Sécurité sociale vient au même rang que celui de
salaires.
194. Le privilège du Trésor public garantit la somme due par des
commerçants et personne morale de droit privé au titre des impôts et taxes. Il
doit être publié depuis la loi du 10 juin 1994. Lorsque la somme due par un
redevable pour un poste comptable ou service assimilé est inférieur au seuil de
12 200 euros, l’inscription est facultative ; si elle le dépasse, l’inscription est
obligatoire. Le défaut d’inscription obligatoire rend le privilège inutile en cas
de redressement ou de liquidation judiciaire du redevable93.
195. Le privilège de Sécurité sociale garantit les cotisations dues aux
caisses pendant un an à compter de leur exigibilité. La publicité est exigée
depuis la loi du 1er mars 1984 et est renforcée par la loi du 10 juin 1994.
L’exigence de l’inscription est similaire à celle du privilège fiscal. L’inscription
obligatoire doit être prise dans les trois mois de l’exigibilité de la créance
lorsque la somme dépasse un seuil fixé. À défaut de cette formalité, le privilège
est inexécutable à l’encontre du redevable.
B. Les privilèges mobiliers spéciaux
196. Les privilèges mobiliers spéciaux sont les droits énoncés par l’article
2332 du Code civil à certains créanciers, en raison de gage tacite (le privilège
du bailleur d’immeuble, le privilège sur navire – articles L.31-L.42 de la loi du
3 janvier 1967 et celui sur aviation – article L.122-14 du Code de l’aviation
civile), de conservation de la chose, de l’augmentation de valeur du patrimoine
92
Ibid., p. 249.
93
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 471.
115
Chapitre I – Les privilèges
du débiteur (privilège du vendeur de meuble) ou de la fixation des lois
spéciales. En raison de la concurrence des autres régimes qui concourent à
protéger le vendeur, tels que la réserve de propriété, le droit de rétention,
l’action en revendication, et l’action en résolution de droit commun, le
privilège du vendeur de meuble n’a plus qu’une fonction subsidiaire.
L’application du privilège de conservation du bien par la Cour de cassation est
étroite. Elle ne confère le privilège qu’à celui qui a contribué à faire naître une
créance dans le patrimoine du débiteur94. De même, le privilège ne bénéficie
pas à celui qui a fait des améliorations ou a assuré l’entretien d’une chose95,
puisqu’il n’a pas pour objet d’empêcher la perte de la chose96. De même le
remplacement ne donne droit au privilège que s’il était nécessaire et urgent97.
Le privilège mobilier spécial le plus important est donc celui du bailleur
d’immeuble.
197. Tout bailleur d’immeuble peut se payer en priorité sur les meubles du
locataire. Pourvu que son privilège soit exigible, le créancier doit avoir la
qualité de bailleur avec un véritable bail à la date de l’exercice de ce privilège.
Le locataire principal dans ses relations avec le sous-locataire peut aussi en
bénéficier, mais le fournisseur du crédit-bail est exclu car celui-ci n’est pas un
véritable bail. La somme garantie est le loyer plus les indemnités de toute
nature liées à la location. Tous les loyers échus impayés sont garantis s’ils ne
sont pas prescrits (art.2332-1o, al.1, C. civ.). Il existe des exceptions : le
94
Cass. com., 27 oct. 1965, Bull civ. III, no 535; D., 66.38, n. Ph. Bourdon: le sous-traitant
n’a pas le privilège du conservateur sur les sommes que l’entrepreneur principal reçoit du
maître d’ouvrage.
95
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 477.
96
Cass. com., 8 mars 1961, Bull civ. III, no 195 ; D., 62.2, n. R. Rodière: pose de radios sur
un chalutier.
97
Cass. com., 16 mai 1965, Bull civ. III, no 254; D., 67.139, n. Ph. Bourdon: remplacement
de pièces cassées ou usagées sur une automobile, alors que la réparation n’était ni urgente
ni nécessaire. Au contraire, le remplacement du moteur d’un camion donne naissance au
privilège, parce qu’il est indispensable : Cass. com.,12 janv. 1988, Bull civ. III, no 23.
116
Chapitre I – Les privilèges
privilège du bailleur est limité au deux dernières années de loyer en cas de bail
commercial, et à deux ans échus (l’année courante et l’année suivante) en cas
de bail à ferme. Le privilège peut porter sur tous les meubles garnissant
l’immeuble loué, que le locataire soit propriétaire ou non, à moins qu’il soit
établi que le bailleur ait eu connaissance de l’origine des meubles lors de leur
entrée dans le local. Des objets accidentels ou personnels, tels que des bijoux,
des biens de banque etc., ne peuvent pas être l’assiette du privilège. En cas de
bail à ferme, l’assiette s’étend à tous ce qui sert à l’exploitation de la ferme98.
Le bailleur a un droit de préférence sur le prix de vente ou sur l’indemnité de
remplacement en cas de destruction des meubles.
198. Malgré que les privilèges soient une ancienne catégorie de sûretés
réelles en droit français, ils sont encore critiquables dans leur principe même. Il
existe toujours deux courants en droit français dont l’un favorise beaucoup la
multiplication des privilèges, l’autre tend à limiter leur portée et récemment
occupe la position dominante sur le plan doctrinal99. Pour le dernier courant,
« d’une part, il y a souvent de l’arbitraire lors de la reconnaissance, d’autre part,
le grand nombre de privilège et le caractère occulte de certains d’entre eux nuit
gravement à la cohérence de notre système juridique »100. En effet, la tendance
mondiale et irrésistible du développement du système juridique contemporain
est d’assurer une plus grande transparence des relations juridiques, les
privilèges occultes sont à contre-courant dans cette optique. Afin de réduire les
incertitudes causées par les privilèges occultes, le décret du 4 janvier 1955 a
profondément modifié le régime des privilèges en réduisant évidemment leur
nombre et soumettant les privilèges immobiliers à la publicité. Depuis ce décret,
il y successivement certaines lois qui visent, soit à limiter les portées de
98
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 475.
99
Ibid., p. 456.
100
Ibid., p. 456.
117
Chapitre I – Les privilèges
privilèges, soit à les soumettre à la publicité. Il faut admettre que la suppression
complète des privilèges est sûrement une mission impossible à court terme,
mais il est indéniable qu’ils sont en recul.
199. Ces problèmes attirent beaucoup d’attention des juristes chinois et
c’est pour cela que le législateur chinois hésite toujours à instaurer des régimes
de privilèges.
§ III – Le classements des privilèges mobiliers
200. Le classement des privilèges est une question difficile en droit
français. Le législateur ne donne pas une réponse unique et générale mais des
réponses diverses en fonction de la nature des privilèges fortement influencés
par la procédure collective.
A. Conflits entre privilèges de même nature
a. Entre les privilèges généraux
201. En principe, le classement des privilèges généraux s’opère selon
l’ordre déterminé par l’article 2331 du Code civil. Les créanciers privilégiés qui
sont dans le même rang sont payés par concurrence (art. 2326, C. civ.).
Toutefois, cet ordre connait des exceptions. D’abord, le privilège du trésor
public déterminé par la loi spéciale a normalement le premier rang, à
l’exception du privilège des frais de justice101. Ensuite, le privilège des caisses
de sécurité sociale vient au même rang que le superprivilège des salariés (art.
2332-2, C. civ.)102.
b. Entre les privilèges spéciaux
101
Yves PICOD, op. cit., p. 343.
102
Les articles L. 243-4 al. 1er, L. 243-5, al. 1er et 3e du CSS limite l’effet de ce privilège
pendant un an à compter de la date d’exigibilité de la somme et sous réserve que le
privilège ait été régulièrement publie.
118
Chapitre I – Les privilèges
202. Le classement des privilèges spéciaux se fait d’après l’ordre suivant
fixé par l’article 2332-3 du Code civil:
1° Le privilège du conservateur, lorsque les frais de conservation sont
postérieurs à la naissance des autres privilèges ;
2° Le privilège du bailleur d'immeuble, qui ignorait l'existence des autres
privilèges ;
3° Le privilège du conservateur, lorsque les frais de conservation sont
antérieurs à la naissance des autres privilèges ;
4° Le privilège du vendeur de meuble ;
5° Le privilège du bailleur d'immeuble, qui connaissait l'existence des
autres privilèges.
203. Entre les conservateurs du même meuble, la préférence est donnée au
plus récent. Cette solution est traditionnelle et s’explique par une considération
de justice élémentaire. Sans intervention de celui qui a exercé le dernier acte de
conservation, la chose se serait détérioré ou aurait péri en toute ou une partie.
Celui qui profite de la conservation doit donc s’effacer derrière celui qui y a
contribué103. De même, le privilège de la créance pour frais de conservation
postérieure à la constitution du gage ou d’autres privilèges fondé sur l’idée de
gage prime ces derniers104, alors que celui postérieure n’est pas préféré.
204. Entre les privilèges fondés sur l’introduction d’une valeur dans le
patrimoine du débiteur, tels que les privilèges des vendeurs du même meuble,
103
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p 716.
104
Tels que le privilège du commissionnaire, du bailleur, du créancier nanti sur le fonds de
commerce etc.
119
Chapitre I – Les privilèges
elle est donnée au plus ancien : il est absurde que un sous-acquéreur d’un
meuble qui ne l’a pas payé et qui l’a revendu prime son propre vendeur.
B. Conflit entre privilèges mobiliers généraux et privilèges
mobiliers spéciaux
205. Dans ce cas, sauf dispositions contraires, on applique l’adage
specialia generalibus derogant. Autrement dit, les privilèges spéciaux priment
les privilèges généraux (art. 2332-1, C. civ.). La solution se fonde sur l’idée
d’équité : plus l’assiette est réduite, plus son rang doit être élevé105. Sinon, les
privilèges spéciaux seraient inefficaces.
206. Néanmoins, le principe connait des exceptions. Tout d’abord, le
privilège général des frais de justice qui sont dépensés dans l’intérêt de tous les
créanciers se voit attribuer le premier rang. Ensuite, le privilège du Trésor
public de premier rang prime tous les autres privilèges et sûretés réelles (art.
1920, 1926, 1927, CGI). Et, aux termes de l’article 1929 du Code générale des
impôts, le privilège de second rang prend rang immédiatement après celui de
premier rang. Alors, il prime aussi les autres privilèges et sûretés réelles106.
Enfin, le superprivilège des salaires prime aussi les privilèges spéciaux.
C. Influence de la procédure collective
207. Afin de sauver l’entreprise en difficulté, le législateur établit des
privilèges destinés à inciter les créanciers postérieurs à financer la période
suivant l’ouverture de la sauvegarde ou du redressement.
208. Pendant cette période, le classement des sûretés réelles se fait suivant
l’ordre suivant : 1o superprivilège des salaires ; 2o privilège des frais de justice ;
3o privilège de conciliation (art. L. 611-11, L. 622-17, II, C. com.) ; 4o privilège
105
Marc MIGNOT, op. cit., p. 386.
106
Ibid., p. 387 ; v. contr. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 719.
120
Chapitre I – Les privilèges
des créanciers postérieurs pour les créances utiles (parmi eux, le classement est
déterminé par l’article L. 622-17, III, C. com.) ; 5o créances antérieures
garanties par d’autres sûretés (parmi eux, le classement est fixé par le droit
commun) ; 6o créances antérieures chirographaires.
209. Ces incitations prévues dans la phase de sauvegarde et de
redressement n’existent plus en période de liquidation judiciaire. Pendant cette
période, le classement des sûretés réelles se fait suivant l’ordre suivant : 1o
superprivilège des salaires ; 2o privilège des frais de justice ; 3o privilège de
conciliation ; 4o créances antérieures garanties par des sûretés immobilières ou
par des sûretés mobilières assorties d’un droit de rétention, tels que gage de
droit commun avec dépossession, nantissement de compte d’instruments
financiers, gage automobile ou gage sur le matériel et l’outillage (art. 525-1 et
s., C. com.) ; 5o privilège des créanciers postérieurs pour les créances utiles
(dont le classement se fait selon l’article L. 641-13, III, C. com.) ; 6o créances
antérieures garanties par d’autres sûretés (selon le classement de droit
commun) ; 7o créances antérieures chirographaires.
210. En résumé, les règles des privilèges en droit français sont très
compliquées et, très fouillées tant pour les créanciers que pour le constituant de
sûretés. Ses expériences riches sont sans aucun doute des bonnes références
pour la Chine où le régime général des privilèges n’est pas encore
systématiquement consacré par la loi.
Section II – Les privilèges en droit chinois
211. À la différence du droit français, aucun texte juridique chinois ne fixe
un régime de base, ni un principe général des privilèges.
Le terme « privilèges » n’apparaît que dans les deux lois spéciales qui
traitent des affaires s’agissant d’un élément étranger: la Loi sur le commerce
maritime et la Loi sur l’aviation civile. D’autres lois, par exemple la Loi sur la
faillite d’entreprise (LFE), la Loi sur la procédure civile (LPC), bien qu’elles
121
Chapitre I – Les privilèges
traitent certaines créances privilégiées lors de la phase de faillite, n’emploient
pas le terme « privilège » et n’en fixent pas les règles générales. Au cours de la
rédaction de la LDR, il existait une vive controverse sur l’introduction du
régime des privilèges. Cependant, en raison du manquement de la théorie
générale, du problème du régime général des privilèges, le législateur ne traite
pas ce sujet dans la loi promulguée. Le régime général des privilèges n’existe
donc pas en droit chinois. Il n’existe que les « privilèges » épars et non
systématiques. Néanmoins, on peut les classer en deux sortes : les privilèges
nommés et les privilèges innommés.
§ I – Les privilèges nommés
212. Cette première sorte des privilèges ne désigne que les deux privilèges
spéciaux en droit chinois : le privilège sur le navire et celui sur l’aéronef civil.
Le premier est prévu dans la section III intitulée « Privilège sur le navire »
du chapitre II de la Loi de la RPC sur le commerce maritime (LCM). Selon son
article 22, il y a cinq catégories de créances bénéficiant du privilège. Tout peut,
sans besoin d’inscription, être payé avant les créances hypothécaires et du droit
de rétention, mais après les frais de justice, de conservation, de vente de navire
et de distribution du prix de la vente, et ceux dépensés pour les intérêts
communs des créanciers.
Le privilège sur l’aéronef, prévu dans la section III intitulée « Privilège sur
l’aéronef civil » du chapitre III de la Loi de la RPC sur l’aviation civile (LAC)
bénéficie à deux types de créanciers : les rémunérations dues pour sauvetage de
l’aéronef civil et les frais nécessaires de conservation et de maintien de celui-ci.
La créance doit être inscrite auprès du bureau compétent dans les trois mois de
l’accomplissement de mission. Il passe avant des créances hypothécaires et du
droit de rétention, mais après ceux dépensés pour les intérêts communs des
créanciers, les frais de vente et d’exécution du jugement.
122
Chapitre I – Les privilèges
213. La reconnaissance de ces deux privilèges s’inspire respectivement de
la convention internationale des droits sur l’aéronef signée à Genève le 19 juin
1948 et la convention internationale de 1926. Il ne mérite donc pas d’étude
profonde dans le présent texte.
§ II – Les privilèges innomés
214. Les privilèges innommés sont les privilèges prévus dans la Loi sur la
faillite d’entreprise (LFE). Ils portent sur le patrimoine du débiteur et il n’existe
pas de privilège mobilier ou immobilier général en droit chinois. Ils peuvent se
classer en deux sortes : les privilèges instantanés qui peuvent toujours être
payés de préférence et qui existent pendant toute procédure de collectivité ; les
privilèges en liquidation qui n’existent que dans la phase de liquidation
judiciaire.
215. Les privilèges instantanés sont consacrés aux « frais de faillite et les
dettes pour les intérêts communs des créanciers » prévus par le chapitre V de la
LFE. Ces privilèges peuvent s’exercer à tout moment dès leur naissance à
condition qu’elles soient après l’ouverture de la procédure collective. Lorsque
l’actif du débiteur ne suffit pas pour acquitter les deux créances, le premier
prime le deuxième. Au sein des frais de faillite et des dettes, les créanciers se
paye au prorata.
216. Les privilèges en liquidation énumérés par l’article 113 de la LFE
sont ainsi : (1) les salaires dus, les frais de maladie, les allocations médicales et
les allocations pour les blessures et l’infirmité, les pensions, les frais dus à
l’assurance médicale de base et l’assurance de retraite de base ainsi que les
autres compensations fixées par la loi ou le décret ; (2) les frais dus aux
assurances sociales autres que ceux précités et les impôts dus.
217. De ce même article, les privilèges instantanés priment ceux en
liquidation. Et au regard de l’article 109, tous ces privilèges sont toujours
primés par les créances assorties de sûretés réelles portant sur un bien spécial
123
Chapitre I – Les privilèges
du débiteur, tels que le gage, l’hypothèque, le droit de rétention et les privilèges
spéciaux. L’ordre de paiement des créances en cas de liquidation est donc ainsi
déterminé:
- les créances assorties de sûretés réelles portant sur un bien déterminé du
débiteur ;
- les frais de faillite et puis les frais pour les intérêts communs ;
- les salaires dus et ses accessoires ;
- les frais dus aux assurances sociales et les impôts dus ;
- les créances chirographaires.
124
Chapitre II – Le droit de rétention
Chapitre II – Le droit de rétention
218. Le droit de rétention est une sûreté légale émanant de la disposition
directe de la loi. Il est le droit reconnu au détenteur d’une chose d’en refuser la
restitution à son débiteur tant que ce dernier n’a pas exécuté son obligation107.
219. En France, le droit de rétention est crée par le Code civil 1804 qui le
limitait dans certaines situations particulières. Il est récemment généralisé par
l’article 2286 du Code civil introduit par l’ordonnance du 23 mars 2006. Le
domaine de ce droit est aujourd’hui beaucoup plus élargi qu’auparavant.
Néanmoins, le droit positif français ne suffit pas à lever des nombreuses
incertitudes entourant la nature juridique de ce droit qui ne confère ni droit de
préférence ni droit de rétention au bénéficiaire.
En Chine, le Code civil de la RC avait instauré le régime du droit de
rétention à l’instar des codes civils suisse et japonais. Il le traitait comme une
véritable sûreté réelle indépendante. Puisqu’il permettait non seulement au
créancier détenteur d’une chose d’en refuser la restitution au débiteur lorsque
ce dernier n’exécute pas son obligation, mais aussi, à la différence de celui du
droit français, conférait un droit de préférence au créancier. Après l’avènement
de la RPC, le droit de rétention était admis par la pratique juridique et par la
doctrine, même si aucun texte juridique ne le disposait expressément. Depuis
les PGDC, il est officiellement admis par la loi et devient une sûreté légale
indépendante.
220. Nous envisagerons le profil du droit de rétention en droit français et
en droit chinois actuels, y compris les conditions d’existence et les effets.
Section I – Les conditions d’existence du droit de rétention
107
A. AYNES, Le droit de rétention – unité et pluralité, Economica, 2005, préf. Ch.
LARROUMET.
125
Chapitre II – Le droit de rétention
221. Tant en droit chinois qu’en droit français, le droit de rétention
s’exerce au sein des rapports des obligations, surtout dans les rapports actuels, à
condition qu’il remplisse les conditions fixées par la loi qui s’agissent de la
créance, de l’assiette et de la connexité.
§ I – La créance garantie
222. En droit chinois, avant la réforme de 2007, seules les créances
résultant du contrat de dépôt, le contrat de transport, le contrat de façonnage
(fixés par la LS) et le contrat de mandat (fixé par la LC) pouvaient bénéficier
du droit de rétention. La LDR 2007 a éliminé les limites. Elle n’exige que la
créance contractuelle soit certaine, exigible et liquide. Ce sont les mêmes
exigences qui s’appliquent en droit français.
La certitude ne rencontre guère de difficulté. La liquidité n’est pas exigée
au moment où le créancier obtient le droit de rétention, mais au moment de
l’exercice du droit où, soit le juge peut même liquider la créance en droit
français, soit la créance est liquidée par le juge ou par le consentement des
parties. Quant à l’exigibilité, elle est une condition nécessaire de la constitution
du droit de rétention. En principe, le créancier ne peut pas bénéficier de ce droit
avant que sa créance soit exigible. Néanmoins, ce principe subit une exception
en cas de l’insolvabilité du débiteur, si le créancier peut prouver que son
débiteur est insolvable, l’exigibilité de la créance n’est plus imposée. Elle est
prévue dans l’article 112 des Explications sur certaines questions de
l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) qui s’inspire du droit
suisse108, et dans l’article1612 et suivants du code civil français.
§ II – L’assiette du droit de rétention
108
L’article 897 du Code civil suisse dispose que « lorsque le débiteur est insolvable, le
créancier peut exercer son droit de rétention même pour la garantie d’une créance non
exigible …».
126
Chapitre II – Le droit de rétention
223. En droit français, le bien corporel, notamment le bien mobilier
corporel constitue le support naturel du droit de rétention. L’immeuble peut
aussi l’être. Cependant, le bien incorporel peut-il l’être? L’article 2363 du Code
civil dispose que « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement
paiement de la créance donnée en nantissement tant en capitale qu’en intérêt ».
Il confère donc au créancier un droit de rétention puisqu’en notifiant au
débiteur, il a le pouvoir de bloquer le paiement de la créance à son seul profit.
Donc, l’esprit de la réforme 2006 est de confirmer que le bien incorporel peut
être l’objet du droit de rétention.
La chose objet du droit de rétention ne doit pas être nécessairement dans le
commerce, ainsi la carte grise, le passeport etc., des choses hors de commerce
peuvent aussi l’être. La seule limite est constituée par l’ordre public109, par
exemple, la prothèse, le corps du défunt, les drogues ou les marchandises
contrefaites ne peuvent pas être l’objet du droit de rétention110.
224. Le droit chinois nous montre cependant un autre paysage. Avant la
LDR, bien qu’aucune loi n’ait limité l’étendu du bien retenu, le bien objet du
droit de rétention était nécessairement un meuble. L’article 230 de la LDR
énonce expressément que le droit de rétention ne peut porter que sur des
meubles corporels. Étant donné que le droit chinois confère au créancier un
droit de préférence et un droit de réaliser son droit de rétention par les mêmes
moyens que de la réalisation du gage ou de l’hypothèque, les choses hors du
commerce, tels que le passeport, les dossiers comptables ou des objets illégaux
ne peuvent pas être l’assiette du droit de rétention. De plus, les meubles
légalement ou conventionnellement exclus du droit de rétention ne peuvent pas
être l’objet de ce droit (art. 232, LDR).
109
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 483.
110
Cass. 1re civ., 9 oct. 1985, Bull. civ. I, no 251; Seine, 20 nov. 1923, S., 23. II 44 ; D.,
2000, som. p. 388, obs. S. PIEDELIEVRE.
127
Chapitre II – Le droit de rétention
225. Quid si le créancier perd la détention de la chose? Il faut distinguer la
perte volontaire ou involontaire. Dans la première hypothèse, si la perte est
volontaire, par exemple le créancier restitue volontairement le bien au débiteur,
il perd alors le pouvoir de bloquer le bien, ainsi que son droit de rétention sur
ce bien, même s’il retrouve sa détention de ce bien. Par exemple, le garagiste
qui sans être payé de ses réparations restitue le véhicule à son débiteur, quelque
mois plus tard, ce dernier le confie à nouveau pour une autre réparation. Dans
ce cas-là, le garagiste peut-il exercer son droit de rétention pour sa première
créance? Les réponses données par le les deux systèmes juridiques sont
négatives, sauf certaines exceptions. L’exception en droit français est que si les
créances successives résultent d’un contrat unique – un contrat global111, le
créancier peut aussi exercer son droit de rétention dans l’hypothèse. Celle en
droit chinois est que le créancier bénéficiaire du droit de rétention énonce
expressément la conservation de ce droit112. Dans la deuxième hypothèse, le
droit de rétention subsiste. Par exemple, en cas de décision judiciaire ou de
saisie, grâce au principe de la subrogation réelle, le droit de rétention se
transporte sur le prix du bien113. L’article 2286, alinéa 2 du Code civil français,
inséré de l’ordonnance du 23 mars 2006 a consacré cette solution
jurisprudentielle. En droit chinois, la loi est silencieuse sur ce point. En
doctrine, certains auteurs s’alignent à la position du droit français, certains
autres qui se réfèrent au Code civil taïwanais prétendent que le droit de
rétention n’existe plus114. Il faut dire que la première opinion est plus logique et
111
Cass. Com., 29, janvier 1974, D., 74.245 ; n.p.B.Rap., affirmant que le commissaire de
transport ne peut valablement exercer son droit sur des marchandises confiées après le
jugement d’ouverture (de la procédure collective de son débiteur) pour obtenir le paiement
des créances antérieures, Cass. Com., 13 nov. 2001, Bull. civ. IV, no179 ; JCP, Éd. G.,
2002.I.120, no 7, obs. Ph. DELEBECQUE.
112
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 374.
113
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ,op. cit., p. 181.
114
DONG Xueli, Les causes spéciales d’extinction du droit de rétention, http://www.
civillaw.com.cn/article/default.asp?id=15591.
128
Chapitre II – Le droit de rétention
raisonnable : d’une part, le droit de rétention est une sûreté réelle indépendante,
il est logique que le principe de la subrogation réelle s’y applique de plein droit,
sauf s’il y a des dispositions spéciales ; d’autre part, si on adapte l’opinion
négative, cela pourrait conduire le débiteur à nuire aux intérêts du créancier par
des procédés déloyaux, par vol par exemple.
226. Il reste à savoir que ce droit peut-il porter sur un bien d’autrui? Le
droit français le confirme. Parce que le droit de rétention français n’est en effet
qu’un pourvoir de blocage et ne peut pas aboutir à en disposer. En droit chinois,
la réponse est négative, sauf que le créancier soit de bonne foi115.
227. En outre, le titulaire de la rétention exigé par les deux systèmes n’est
pas pareil. Alors que la détention peut être le fait même du créancier ou par un
tiers convenu pour le compte du créancier en droit chinois, elle ne peut être le
fait même du créancier en droit français.
§ III – La connexité entre la créance et le bien retenu
228. En droit français, pour que le droit de rétention soit valablement
existant, il faut qu’il existe le lien de connexité entre la créance et la détention
du bien ou le pouvoir de blocage du bien. La connexité, non la détention,
constitue en effet le véritable fondement de cette garantie 116 . Grâce au
développement progressif doctrinal et jurisprudentiel, la connexité peut être
juridique, matérielle, voire conventionnelle. Le no 2 de l’article 2286 du Code
civil consacre la connexité juridique en disposant que « … la créance impayée
résulte du contrat qui l’oblige (le rétenteur) à la livrer (la chose) », tel est le cas
qu’un commissaire aux comptes impayé peut retenir des documents comptables.
115
L’article 108 de l’ELS dispose que « lorsque le créancier se trouve également en
possession de biens remis par le débiteur, dans la mesure où ce créancier ignore que le
débiteur n’a pas le droit d’en disposer, il peut exercer son droit de rétention ». Cela
s’inspire de l’article 895, alinéa 3 du Code civil suisse.
116
Augustin AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, Economica, 2005, préface
de Christian LARROUMET.
129
Chapitre II – Le droit de rétention
La connexité matérielle existe lorsque le droit de rétention est « reconnu à celui
dont la créance est née à l’occasion de la détention de la chose »117. L’exemple
par excellence est la créance de réparation impayée du garagiste qui retient le
véhicule. A la lecture du no1 de l’article 2286, un droit de rétention est reconnu
« à celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance », si le
débiteur ne lui l’avait remis en tant que gage. Il y existe la connexité
conventionnelle.
229. En Chine, auparavant, le droit de rétention se limitait dans les quatre
types de contrats, la connexité entre la créance et le bien détenu était simple.
Elle n’était pas explicitement exigée par la loi, mais était admise par la doctrine
et la jurisprudence. Ayant généralisé le droit de rétention et disposant dans son
article 231 que « le bien détenu par le créancier et la créance garantie doivent
se rattacher à un même rapport juridique …», le lien de connexité juridique et
seuls ce lien entre le bien détenu et la créance garantie est ainsi obligatoirement
et explicitement exigé par la loi. Mais le droit de rétention entres des
entreprises fait une exception (art. 231, LDR).
Section II – Les effets du droit de rétention
230. Le droit de rétention en droit français est purement négatif : c’est un
droit de blocage du bien pour obliger le débiteur à payer. Il est opposable à tous
créanciers, notamment aux créanciers saisissants. Il est indivisible si la chose
retenue est indivisible : le créancier peut détenir la entière chose tant que sa
créance n’est pas complètement payée. Il est accessoire à la créance garantie. Il
s’éteint et transmet avec la créance. La seule limite de droit de rétention est que
son titulaire ne peut pas l’exercer si le bien a déjà fait l’objet d’un gage sans
dépossession. Le courant doctrinal et la jurisprudence favorisent à une autre
117
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 486.
130
Chapitre II – Le droit de rétention
limitation qui est concevable mais qui n’a pas été adapté par l’ordonnance de
2006 : celle de l’abus ou de l’exercice de mauvaise foi du droit de rétention118.
231. En cas de procédures collectives, en énonçant que « les dispositions
de présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas
d’ouverture d’une procédure de sauvegarde … », l’article 2387 du Code civil
consacre la subsidiarité du droit des sûretés au droit des procédures collectives.
L’effet de droit de rétention est ainsi réduit. Il n’est pas opposable aux
créanciers d’une procédure collective, sauf disposition spéciale119.
232. Néanmoins, le droit de rétention en droit chinois est une sûreté
indépendante expressément énumérée par la loi (art. 230 et s., LDR). Il est à la
foi un droit négatif et un droit positif. Il permet donc à son bénéficiaire de se
défendre et d’attaquer120. Il confère à son bénéficiaire un droit de refuser la
restitution du bien détenu pour obliger le débiteur à payer. Si le débiteur ne
paye pas la créance totale dans le délai de grâce fixé par le créancier ou par le
consentement des deux parties (afin d’équilibre les intérêts des deux parties, ce
délai de grâce est un étape obligatoire et en principe ne peut pas inférieur à
deux mois, à l'exclusion de la chose périssable, art. 236 de la LDR), le créancier
peut réaliser son droit de rétention par le moyen de procéder à la vente du bien
retenu (amiable ou par adjudication), sans avoir besoin d’un accord du débiteur,
ni d’une décision judiciaire, de s’approprier le bien (avec le consentement du
débiteur), ou de demander au juge de la vendre. Si le prix du bien retenu excède
le montant dû de la créance, le créancier doit verser la différence au débiteur ;
s’il n’est pas suffisant, il devient créancier chirographaire du débiteur. L’étendu
couvert par ce droit est tout à fait pareil comme les autres sûretés réelles,
118
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 487.
119
Pierre CROCQ, La réforme des procédures collectives et le droit des sûretés, D. 2006,
1306.
120
LI Shigang, op. cit., p. 138.
131
Chapitre II – Le droit de rétention
autrement dit, la créance principale et ses intérêts, les dédits, les dommages et
intérêts, les frais de conservation du bien et de la réalisation du droit (art.83,
LS ; art.173, LDR).
233. Au surplus, il existe aussi en droit français quelques sûretés
judiciaires ou conservatoires mobilières : le nantissement judiciaire du fonds de
commerce et celui sur les actions, parts sociales et valeurs mobilières.
Considérant toutefois que la loi du 9 juillet 1991 les soumet, pour l’essentiel, au
même régime que celui de l’hypothèque judiciaire conservatoire (v. infra n°
474 et s.), et que ce genre de sûreté n’existe pas en droit chinois, nous ne les
approfondirons donc pas dans le présent texte.
234. Outre les sûretés non conventionnelles susmentionnées, les parties
dans les deux systèmes juridiques peuvent conventionnellement constituer de
plusieurs façons, sur des meubles du constituant, des sûretés mobilières.
Elles peuvent d’abord constituer un « gage » avec dépossession ou sans
dépossession qui transfère ou non la possession du meuble corporel grevé au
créancier.
Elles peuvent ensuite constituer un « nantissement » sur des meubles
incorporels en garantie de la créance.
Elles peuvent également convenir de transférer la propriété d’un bien en
garantie de la créance, tout en stipulant que le créancier doit restituer au
constituant le bien grevé après le paiement total de la créance garantie. C’est ce
que l’on l’appelle la « fiducie-sûreté ».
Elles peuvent enfin s’accorder à réserver la propriété du bien jusqu’au
paiement total de la créance garantie. C’est le régime de la « réserve de
propriété ».
132
Titre I – Le gage de meubles corporels
235. La classification des sûretés françaises se fonde aujourd’hui sur
l’assiette des sûretés. À l’exclusion de la fiducie-sûreté et de la réserve de
propriété, toutes les sûretés conventionnelles portant sur des meubles corporels
sont principalement réunies sous le terme de « gage », qu’elles soient avec
dépossession ou non. Les règles applicables sont en majorité communes.
Cependant, cela ne signifie pas que la dépossession du bien grevé importe peu
pour le gage ; celle-ci influence tout de même le régime du gage121.
La situation est différente en droit chinois, qui retient le critère de
dépossession. Le législateur chinois emploie le terme de « gage » pour désigner
la sûreté mobilière avec dépossession et le terme d’« hypothèque mobilière »
pour la sûreté mobilière sans dépossession, qui correspondent respectivement
au gage avec dépossession et au gage sans dépossession en droit français. La
distinction entre le gage avec et sans dépossession demeure donc pertinente.
121
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 349.
133
Chapitre I – Le gage avec dépossession
Chapitre I – Le gage avec dépossession
236. En droit français, le gage avec dépossession consacré par
l’ordonnance du 23 mars 2006 est l’héritier de l’ancien gage du Code civil.
Cependant, ses régimes de constitution, d’opposabilité et leurs effets ont été
modifiés.
En droit chinois, le gage impliquant nécessairement la dépossession existe
depuis la Loi sur les sûretés (LS) de 1995. La nouvelle Loi sur les droits réels
(LDR) de 2007 a repris le régime fondamental du gage instauré par la LS avec
certaines modifications et des ajouts importants.
237. En raison des spécificités des législations, il subsiste des différences
entre les régimes du gage dans les deux systèmes juridiques. Cependant,
compte tenu du rayonnement du Code civil français et de la transplantation en
droit chinois de dispositions juridiques étrangères122, leurs régimes ne sont pas
aussi éloignés qu’il y paraît. Nous procéderons ci-après à la comparaison, sur
des bases concrètes, de leurs constitutions et de leurs effets.
Section I – La constitution du gage de meubles corporels
§ I – Les conditions de fond
238. Les conditions de fond concernent les parties du gage, la créance
garantie et l’assiette du gage.
A. Les parties du gage
239. Les parties intéressées à une opération de gage sont le créancier
bénéficiaire et le constituant.
a. Le créancier bénéficiaire
122
En matière de droit des sûretés, la législation française influence profondément la
législation japonaise, et la législation chinoise du droit des sûretés s’inspire beaucoup du
droit japonais.
134
Chapitre I – Le gage avec dépossession
240. D’après l’article 2333 du Code civil, le droit français ne pose aucune
restriction explicite quant au créancier gagiste. Toutefois, conformément à la
théorie générale du droit civil, le créancier bénéficiaire doit implicitement être
capable d’aliéner la chose, dans la mesure où la réalisation du gage peut
entraîner la transmission du bien au créancier ou à un tiers. À cet égard, la
situation en droit chinois est tout à fait identique.
b. La qualité du constituant du gage
241. Le nouvel article 2334 du Code civil français prévoit que le gage peut
être « consenti par le débiteur ou par un tiers ». Pour qu’un gage soit
valablement constitué, le constituant doit être capable de disposer de la chose
grevée. Si le gage a été constitué par un débiteur ou un tiers n’ayant pas la
capacité d’aliéner, le contrat est entaché de nullité relative et l’incapable peut,
après avoir fait prononcer la nullité, réclamer la restitution de la chose123. Sur
ce point, les articles 179 et 208 de la LDR chinoise posent la même exigence.
1) Un tiers en tant que constituant
242. Le gage peut être consenti par un tiers tant en France qu’en Chine.
Dans cette hypothèse, l’article 2334 du Code civil français précise que «... le
créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie ». Par cet article, la
réforme consacre la récente jurisprudence qui refuse de voir dans ce qu’on
appelait jusqu’alors un cautionnement réel un engagement personnel du tiers.
Le tiers n’est donc pas tenu de payer la dette. Il ne peut être poursuivi que sur le
bien affecté en garantie. Le créancier ne dispose que d’un simple droit
préférentiel sur le bien gagé. C’est donc un principe en cas de gage constitué
par un tiers.
En droit chinois, il n’existe aucun texte qui traite expressément cette
question. Dans la théorie et la jurisprudence, ce principe a cependant toujours
123
Marc MIGNOT, op. cit., p. 318.
135
Chapitre I – Le gage avec dépossession
été appliqué 124 . En effet, l’on considère sinon que la situation serait très
défavorable pour le tiers et que de moins en moins de personnes consentiraient
à donner un gage pour autrui.
Cette règle s’applique à toute sûreté réelle conventionnelle (gage,
nantissement, gage immobilier et hypothèque) constituée par un tiers.
243. Toutefois, il existe un cas particulier dans cette hypothèse, celui où
un tel gage est consenti par un époux commun en biens. L’article 1422 du Code
civil a ajouté un alinéa 2 en ce sens, stipulant que les époux « ...ne peuvent non
plus l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un
tiers ». Dans ce cas-là, le concours du conjoint est requis. En effet, c’est une
règle de cogestion sanctionnée par la nullité125.
La législation chinoise n’a pas de disposition expresse sur ce point. Selon
les dispositions de l’article 17 de la Loi sur le mariage et de l’article 17
des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur le
mariage de la RPC (I)
126
, l’un des époux doit discuter avec l’autre sur la
disposition de leurs biens communs. Cependant, si le gage est valablement
constitué, l’un des époux ne peut s’opposer à un tiers de bonne foi se fiant aux
124
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 310.
125
Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND, Le gage de meubles corporels, Évolution des
sûretés réelles: regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 34.
126
L’article 17 de la Loi sur le mariage dispose que « Les biens acquis au cours de
mariages sont réputé acquêt de communauté : 1° salaires, primes ; 2° revenus de la
production ou des exploitations ; 3° revenus de la propriété intellectuelle ; 4° biens acquis
par héritage ou donation, sous réserve de l’article 18, alinéa 3 de la loi présente ; 5°
d’autres biens qui doivent être considérés comme acquêt de communauté. Chacun des
époux a le même pouvoir de disposer seul des biens communs.»
L’article 17 des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur le
mariage de la RPC dispose que « la disposition de l’article 17 de la Loi sur le mariage
chacun des époux a le même pouvoir de disposer seul des biens communs doit être ainsi
comprise : 1° chacun des époux a le même pouvoir de disposer des biens communs. L’un
des époux a le droit de disposer seul des biens communs pour satisfaire les besoins
quotidiens ; 2° hors des besoins quotidiens, si l’un des époux veut disposer des biens
communs, il est nécessaire qu’il obtienne le consentement de l’autre. Si un tiers a lieu de
croire qu’il y a une manifestation de la volonté commune des époux, l’un des époux ne
peut pas invoquer son ignorance pour s’opposer au tiers. »
136
Chapitre I – Le gage avec dépossession
apparences que la disposition est de la volonté commune des époux et, c’est à
lui de prouver que le tiers n’est pas de bonne foi.
Les différences en matière d’exigences découlent des spécificités des
concepts sociaux attachés à la famille dans chaque pays. La société française
met l’accent sur la volonté individuelle des époux, alors que la société
traditionnelle chinoise penche pour l’affirmation selon laquelle la volonté d’un
des époux vaut la volonté commune des époux, sauf preuve contraire.
2) Propriété du constituant
244. En droit français, après la réforme de 2006, certains auteurs,
invoquant l’article 2335 du Code civil qui énonce que « le gage de la chose
d'autrui est nul. Il peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque le
créancier a ignoré que la chose fût à autrui », considèrent que le créancier
gagiste, avec dépossession ou non, n’est plus protégé par sa possession de
bonne foi127 mais peut engager la responsabilité du constituant s’il a ignoré que
ce dernier n’était pas propriétaire de la chose gagée, à condition qu’il justifie
d’un préjudice. D’autres, en revanche, se réfèrent à la jurisprudence française
avant la réforme de 2006, à savoir que tout créancier gagiste peut bénéficier de
la protection de sa bonne foi128. En effet, l’article 2335 vise à empêcher le
constituant de donner en gage un bien appartenant à autrui. De plus, le
gouvernement ne veut pas écarter l’application du nouvel article 2276. Il faut
en conclure que « la loi donne au gagiste découvrant que le constituant n’est
pas propriétaire du bien le droit de se débarrasser du gage contre indemnisation
sans attendre une éventuelle éviction par le verus dominus »129.
127
Marc MIGNOT, op. cit., p. 318.
128
M.FARGE considère que l’article 2279 continue à s’appliquer. Cf. Marc MIGNOT, op.
cit., p. 318.
129
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 212.
137
Chapitre I – Le gage avec dépossession
245. En droit chinois, la LDR de 2007 n’inclut aucune disposition sur ce
point. Cependant, les ELS adoptent une solution similaire à celle de la
jurisprudence française avant la réforme de 2006, laquelle appliquait l’ancien
article 2279 (nouvel art. 2276, C. civ.) au gagiste tenant la chose donnée en
gage d’un non-propriétaire. Si le gage est valablement constitué130, le gagiste
peut confondre l’action en revendication du véritable propriétaire en invoquant
la possession de son droit réel de gage. Pour ce faire, il faut que le gagiste soit
de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ait ignoré que le constituant n’était pas
propriétaire de la chose grevée. S’il ne pouvait l’ignorer ou s’il en était informé,
il n’est pas de bonne foi, et le gage est donc nul. Ainsi, le créancier de bonne foi
peut acquérir un gage sur un bien dont la propriété n’appartient pas au
constituant. Dans ce cas, c’est le constituant qui est responsable du préjudice
subi par le vrai propriétaire du bien gagé et qui lui doit réparation.
B. La créance garantie
246. Comme toute sûreté réelle, le gage est l’accessoire de la créance
qu’il garantit. Par conséquent, il ne peut exister que si la créance existe et est
valable. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit liquide, il peut s’agir d’une créance à
terme ou conditionnelle.
247. De surcroît, le droit français prévoit expressément la possibilité de
constituer un gage en garantie d’une créance future déterminable, voire
simplement une créance éventuelle. Il existe donc deux cas démontrant le
caractère accessoire de la sûreté : premièrement, le gage est l’accessoire de la
créance déjà existante ; deuxièmement, le gage sera l’accessoire de la créance
future. En droit chinois, la LS et les ELS ne disposaient pas expressément que
le gage peut être consenti pour garantir une créance future. Certains auteurs
130
CA Douai, 2e Ch., 17 juin 1999, Juris-Data no 1999-045431 ; JCP G 2000, I, 259, no 17,
obs. Ph. DELEBECQUE (revendication du véritable propriétaire admise en raison de la
dépossession irrégulière du débiteur).
138
Chapitre I – Le gage avec dépossession
chinois soutenaient toutefois qu’il suffisait que la créance soit valable au
moment de l’exercice du gage et de l’hypothèque, et qu’il était possible de
constituer un gage ou une hypothèque pour garantir la créance future131.
La LDR, en instaurant le régime du gage de montant maximal (art. 222,
LDR), permet aux parties de constituer un gage pour des créances futures. En
effet, l’alinéa 2 de l’article 222 de cette loi dispose que « le régime du gage de
montant maximal se réfère aux dispositions de la section II du chapitre XVI,
sans préjudice de l’application des dispositions de cette section (qui est
consacré au gage)». Autrement dit, s’agissant de la fixation, du transfert de la
créance garantie et de la modification du contrat constitutif du gage de montant
maximal, ce sont les règles relatives de l’hypothèque de montant maximal qui
sont applicables ; concernant la constitution, l’opposabilité, la conservation du
bien grevé, la réalisation etc., ce sont les règles propres du gage qui
s’appliquent.
C. L’assiette du gage
248. À partir de la réforme du 23 mars 2006, les règles françaises
relatives à l’assiette du gage ont été assouplies. Toutes les choses peuvent être
données en gage, pourvu qu’elles soient des meubles corporels et qu’elles
soient aliénables. En droit chinois, en principe, tout meuble aliénable peut aussi
constituer l’assiette du gage.
131
Selon eux, il suffirait que la créance garantie existe et que sa somme soit déterminée
lors de la mise en œuvre du gage ou de l’hypothèque, peu importe que la créance
principale existe ou non au moment de la constitution du gage ou de l’hypothèque. Le gage
ou l’hypothèque peut parfaitement garantir une créance conditionnelle ou à terme dont seul
le fait générateur a été créé, étant entendu qu’il faudra attendre sa liquidation avant de
pouvoir mettre en œuvre la sûreté. WANG Liming, GUO Mingrui, YANG Lixin, Étude sur
la théorie et la juridiction chinoise du droit civil chinois : droit réel, Éd. du droit, 2003, p.
240 ; CHEN Xiangjian, Étude sur les droits réels de sûretés, Éd. du parquet, 2004, p. 53.
ZOU Hailin, CHANG Min, Les méthodes de la garantie des créances et leur application,
Éd. du droit, 1998, p. 130.
139
Chapitre I – Le gage avec dépossession
La chose donnée en gage doit être aliénable. C’est une règle commune aux
deux systèmes juridiques. Si elle est indisponible, elle ne peut faire l’objet d’un
gage, puisque la réalisation de ce dernier peut entraîner la transmission du bien.
L’inaliénabilité est soit légale soit conventionnelle. Dans le premier cas, la
constitution en gage n’est pas autorisée. Par exemple, les drogues sont
légalement interdites d’aliénation dans le monde entier, et ne peuvent donc être
l’assiette du gage. Dans le second cas, la chose ne peut pas non plus être
l’assiette du gage ; par exemple un bien rendu inaliénable par un testament ou
une donation.
249. Le gage peut porter sur un bien mobilier ou un ensemble de biens
mobiliers corporels en droit français. Dans le dernier cas, il suffit qu’un meuble
appartienne à un ensemble. Cette règle ne comporte pas d’exception. Un
meuble gagé, devenu immeuble par destination, est soustrait de l’assiette du
gage132.
250. En droit chinois, le caractère réel du gage avec dépossession est
toujours un obstacle à la constitution de ce type de gage sur des choses futures,
faute d’une remise concevable entre les mains du créancier. De plus, la
législation interdit le gage des matériels pédagogiques, médicaux et autres
biens destinés au bien-être de la population, appartenant aux institutions ou
organismes ayant pour mission l’intérêt général.
251. Enfin, des objets fongibles peuvent être l’assiette du gage. Ce dernier
peut porter indifféremment sur un corps certain ou sur des choses fongibles. Il
ne soulève aucune difficulté lorsqu’il s’agit d’un corps certain déterminé ou
déterminable.
En
revanche,
un
problème
de
détermination
ou
d’individualisation se pose lorsqu’il porte sur des choses fongibles. C’est la
raison pour laquelle la loi exige que le créancier les tienne séparées des choses
132
Marc MIGNOT, op. cit., p. 319.
140
Chapitre I – Le gage avec dépossession
de même nature qui lui appartiennent (art. 2341, C. civ.). En Chine, la LS et la
LDR ne disent rien sur ce point. Selon la doctrine dominante, les choses
fongibles ne peuvent en principe être l’objet d’un gage, sauf si elles peuvent
être déterminées ou individualisées. Cependant, en raison de l’absence de
dispositions détaillées relatives à la détermination ou à l’individualisation, le
gage portant sur des choses fongibles n’est pas faisable en pratique. Cette
situation doit être précisée et améliorée à l’avenir.
§II – Les conditions de forme
252. Pour être valablement constitué, un gage doit aussi remplir quelques
conditions formelles.
A. Les exigences formelles en droit français
253. Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, le contrat de gage en France
n’est plus un contrat réel, la seule solennité de la rédaction d’un écrit suffit pour
que le contrat et le gage lui-même soient parfaits. La dépossession n’est qu’une
condition d’opposabilité pour le gage avec dépossession.
a. La rédaction d’un écrit
254. Selon l’article 2336 du Code civil, « le gage est parfait par
l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la
quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Le
terme « parfait » vise en effet la validité du gage plutôt que l’existence propre
du contrat.
Avant l’ordonnance du 23 mars 2006, l’établissement d’un écrit était
également exigé (anc. art. 2074 et 2075, C. civ.), mais uniquement pour la
preuve du gage entre les parties et pour l’opposabilité du gage aux tiers. Ce rôle
de l’écrit a été modifié par l’ordonnance. Selon le nouvel article 2336 du Code
civil, le gage doit être constaté par écrit, à peine de nullité du contrat. Le gage
est dorénavant un contrat solennel, du moins en principe. Cette exigence de
141
Chapitre I – Le gage avec dépossession
l’écrit comporte toutefois une exception : elle n’est pas requise pour un gage
commercial constitué par un commerçant ou un non-commerçant.
255. L’acte écrit doit contenir les mentions relatives respectivement à la
créance garantie et à la chose grevée. Quant à la créance garantie, il faut que
l’acte contienne « la désignation de la dette garantie », autrement dit les
mentions qui permettent d’identifier la créance, comme sa cause et ses
caractères principaux. Quant à la chose grevée, l’acte doit mentionner « la
quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Ces
mentions visent à d’empêcher « les fraudes que pourrait réaliser un créancier
qui se prétendrait gagiste, à l’encontre d’autres créanciers, sur des biens qui ne
lui appartiennent pas et qui se trouvent entre ses mains pour une autre cause ou
à l’occasion d’une créance qui n’est pas celle qui a justifié la remise».133 Si la
désignation de la créance et de la chose n’est pas assez précise, le gage ne sera
pas valable.
b. La dépossession du bien grevé
256. Dans l’ancien système, le gage était un contrat réel, la dépossession
était donc obligatoire. Depuis 2006, il a perdu son caractère réel et la
dépossession n’est plus une condition de sa validité. Le gage est valablement
constitué lorsque l’acte écrit de la constitution est établi. La dépossession
devient une modalité de la publicité du gage et elle est facultative (art. 2333 et
2337, C. civ.). Lorsque l’acte écrit prévoit que le gage est constitué avec
dépossession, il se pourrait que le créancier pût contraindre par voie judiciaire
le constituant récalcitrant à remettre la chose134. Pour ce type de gage, la
publicité résulte de la dépossession elle-même.
133
Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, Sûretés – publicité foncière, Dalloz, 2007, p.
69.
134
Ibid., p. 69.
142
Chapitre I – Le gage avec dépossession
257. La dépossession peut se faire au créancier gagiste lui-même ou à un
tiers convenu entre les parties, sous la forme de la remise effective
traditionnelle de la chose elle-même, ou de la remise des clefs d’un local dans
lequel se trouvent les biens grevés et de celle de documents juridiques, tels que
les lettres de voiture et les connaissements représentant des marchandises. Quel
que soit le mode choisi, la remise doit être au moins apparente de manière à
avertir les tiers du dessaisissement des objets grevés du patrimoine du
constituant. Les exigences relatives à l’effectivité pour le créancier gagiste
d’exclure les autres créanciers du constituant et la permanence, qui figuraient
dans le système avant l’ordonnance, ont été abandonnées. La dépossession est
aujourd’hui une simple condition d’opposabilité aux tiers pour le gage avec
dépossession.
B. Les exigences formelles en droit chinois
258. En droit chinois, la validité du gage avec dépossession est aussi
soumise à deux exigences formelles. Le contrat de gage doit se conformer au
droit commun des contrats et être conclu sous forme écrite. En outre, sa validité
et son opposabilité supposent aussi la dépossession du bien grevé.
a. La rédaction d’un écrit
259. Tout contrat de gage, qu’il soit avec ou sans dépossession, doit être
passé sous forme écrite. Cette exigence est commune à la LS et à la récente
LDR. L’acte écrit doit comporter aussi les mentions nécessaires, notamment
« la désignation de la dette garantie », par exemple le genre et la cause de la
créance, etc. Il doit aussi mentionner « la dénomination et la quantité des biens
donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Ces deux clauses sont
nécessaires et obligatoires pour le contrat de gage. Si elles ne sont pas prévues
dans le contrat, le gage n’est pas valablement constitué. Les raisons qui
motivent ces exigences sont à peu près comparables à celles susmentionnées en
droit français (v. supra n° 255). Néanmoins, l’exigence de l’acte écrit a été
143
Chapitre I – Le gage avec dépossession
assouplie : le gage constitué sous une forme non écrite est valable à condition
qu’une partie ait exercé son obligation principale et que l’autre partie l’ait
accepté.
260. À la différence du droit français, sous l’empire duquel le contrat écrit
est la seule solennité de la validité d’un gage, qu’il soit avec dépossession ou
non, et sous l’influence du droit allemand qui fait la distinction entre la validité
de l’acte personnel et la validité de l’acte réel, le droit chinois distingue la
validité du contrat de gage de la validité du gage lui-même. Le contrat écrit
suffit à garantir la validité du contrat de gage. Toutefois, la validité du gage est
plus complexe que celle de son contrat constitutif.
b. La dépossession du bien grevé
261. En droit chinois, le contrat constitutif du gage avec dépossession
était un contrat réel avant la LDR. La dépossession était donc requise pour sa
validité (art. 64, LS). Les juristes chinois critiquaient beaucoup cette règle,
estimant qu’elle confondait la validité de gage avec la validité du contrat de
gage et qu’elle était défavorable au créancier gagiste : si le constituant refusait
de remettre la chose grevée, aucun contrat valable n’existant entre les parties, le
créancier gagiste ne pouvait ni exiger cette remise, ni demander la
compensation de ses dommages-intérêts. C’est pourquoi les ELS disposaient
que le constituant du gage n’ayant pas réalisé la remise du bien grevé dans le
délai prévu au contrat et ayant causé des dommages au créancier, devait
assumer sa responsabilité corrélative. Cette responsabilité relevait de la culpa
in
contrahendo.
Le
créancier
pouvait
demander
le
versement
des
dommages-intérêts et la somme de la créance impayée qui aurait dû être
garantie par le bien grevé. Il n’avait en revanche aucun droit de préférence car
il n’existait aucun contrat de gage valable.
262. La loi LDR, qui fait perdre au contrat de gage son caractère réel par
essence, a finalement fait évoluer les choses. La forme écrite est la seule
144
Chapitre I – Le gage avec dépossession
solennité pour la perfection du contrat de gage. Mais la situation n’est pas
simplifiée pour autant. Son article 212 dispose de plus que le droit de gage
n’entre en vigueur qu’au moment où le constituant du gage remet la chose
grevée. En d’autres termes, une fois remplie l’exigence de la forme écrite, le
contrat de gage s’applique. Le créancier peut exiger la remise de la chose
grevée. Si le constituant ne la lui remet pas, il doit assumer la responsabilité du
dédit. En résumé, la dépossession de la chose grevée est une condition de la
validité du droit de gage, mais non du contrat de gage. Pour ce type de gage, la
publicité résulte sans aucun doute de la dépossession elle-même.
Constatation
263. Au sujet de la constitution du gage, les législateurs français et
chinois poursuivent des finalités différentes. Le premier vise à faire tomber la
cloison qui sépare le gage avec dépossession et celui sans dépossession. La
forme écrite suffit à garantir la validité tant du contrat de gage que du gage
lui-même. La publicité (dépossession ou inscription) n’est qu’une condition
d’opposabilité du gage.
264. Le législateur chinois, en revanche, cherche à installer une cloison de
séparation entre ces deux types de gage. Le système chinois des sûretés réelles
se fonde, en effet, sur la dépossession du bien grevé. Le gage sans dépossession
est considéré comme une hypothèque mobilière. Il est à noter que, depuis la
promulgation de la LDR, une distinction a été établie entre la validité du contrat
du gage et celle du gage lui-même. La validité d’un contrat de gage avec
dépossession implique qu’il soit conclu sous forme écrite. Quant au gage
lui-même, en dehors de l’exigence d’un contrat valable, sa validité exige aussi
la remise de la chose grevée, c’est-à-dire que la dépossession constitue à la fois
une condition de validité et une condition d’opposabilité aux tiers.
Section II – Les effets du gage de meubles corporels
145
Chapitre I – Le gage avec dépossession
265. Il convient de procéder par paliers pour étudier les obligations et les
droits des parties résultant du gage. Selon que l'on se situe avant ou à
l’échéance de la créance garantie, les effets du gage sont bien différents.
§ I – Les effets du gage avant l’échéance de la créance garantie
266. Nous envisagerons respectivement les obligations et les droits des
parties du gage en droit français et en droit chinois.
A. Les obligations des parties
267. Avant l’échéance de la créance garantie, les obligations principales
des parties consistent à conserver le bien remis en gage et à s’abstenir d’en user
ou d’en disposer.
a. L’obligation de conserver le bien grevé
268. Lorsque le gage est avec dépossession, il confère au créancier
gagiste la possession de la chose, avec obligation pour ce dernier de la
conserver. Selon la doctrine dominante, le créancier est tenu à une obligation de
moyen, c'est-à-dire à conserver la chose avec tout le soin d’un bon père de
famille. Par conséquent, si la chose remise périt ou est détériorée par un fait
imputable au créancier gagiste, celui-ci doit réparer le préjudice causé et peut
être condamné à des dommages-intérêts et à la restitution anticipée du bien
grevé. Les dispositions sont les mêmes en droit français et en droit chinois (art.
2344, al. 1er, C. civ. ; art. 215, LDR). La différence tient au fait que le créancier
ne satisfaisant pas à cette obligation est passible d’une sanction pénale en droit
français, mais aucunement en droit chinois.
269. À l’inverse, cette obligation du créancier confère des droits au
constituant.
En droit français, le constituant peut réclamer la restitution anticipée du
bien gagé, sans préjudice des dommages-intérêts, si le créancier ne satisfait pas
à son obligation de conservation du gage (art. 2344, al. 1er, C. civ.).
146
Chapitre I – Le gage avec dépossession
En droit chinois, la disposition est plus précise. Si le comportement du
créancier est susceptible de causer la perte ou la détérioration de la chose
grevée, le constituant a le droit de demander soit la consignation du bien, soit le
paiement anticipé et la restitution anticipée du bien (art. 215, LDR). Quiconque
peut être choisi comme tiers chargé de la consignation, mais en principe il
s’agit de l’établissement notarial.
Nous pouvons nous demander si, en droit français, le constituant peut
réclamer la consignation du bien ou le paiement anticipé. Compte tenu de la
finalité législative des sûretés réelles, qui vise à garantir le paiement de la
créance, nous penchons pour l’affirmative.
270. Au surplus, si le gage porte sur un bien fongible, le droit français
dispose que le créancier doit le tenir séparé des choses de même nature qui lui
appartiennent, à défaut, le constituant peut se prévaloir de la restitution du bien
gagé, poursuivre également le créancier pour sa responsabilité contractuelle
dans les termes du droit commun (art. 2344, al. 1er, C. civ.). Cependant, les
parties peuvent convenir de dispenser le créancier de cette obligation, à charge
pour lui de restituer au constituant une chose de même qualité et même quantité.
La loi chinoise n’a rien prévu sur ce point. Cette lacune n’est pas favorable à la
conservation de la valeur du bien grevé et à la protection des intérêts du
constituant.
271. Si le bien grevé est confié à un tiers convenu, celui-ci est considéré
comme un dépositaire qui s’occupe de la conservation du bien. Cette obligation
est aussi une obligation de moyen pour lui.
b. L’obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du
bien grevé
272. Dans le gage avec dépossession, le créancier est normalement
détenteur du bien grevé, mais il n’est investi ni de l’usus et ni de l’abusus, sauf
clause contraire.
147
Chapitre I – Le gage avec dépossession
Avec la disposition relative à l’usus, la loi entend écarter le risque lié à
l’usure ou à la détérioration de la chose. L’obligation de ne pas user de la chose
est civilement sanctionnée par la responsabilité contractuelle du créancier. Cette
sanction s’applique tant en droit français qu’en droit chinois (art. 2344, C. civ. ;
art. 214, LDR). En outre, le créancier utilisant la chose sans autorisation du
constituant se rend coupable d’un abus de confiance au sens de l’article 314-1
du Code pénal, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros
d’amende en droit français. Cependant, aucune sanction pénale ne s’applique
pas en droit positif chinois. Les dispositions françaises apparaissent ainsi plus
rigoureuses.
Le créancier gagiste est aussi tenu de ne pas disposer de la chose grevée,
parce qu’il doit la restituer au constituant lorsque sa créance est complètement
payée à l’échéance. Cette règle est commune aux deux systèmes juridiques135.
273. Il nous reste ici deux questions à approfondir.
Premièrement, le créancier gagiste peut-il affecter le bien grevé en
garantie de sa propre dette ou d’une dette d’un tiers envers une autre personne ?
Le droit français est silencieux sur ce point. Cependant, selon une jurisprudence
de la Cour de cassation136, il apparaît que le créancier gagiste ne peut pas
mettre la chose grevée au service d’un tiers. En revanche, en droit chinois,
l’article 217 de la LDR dispose que si le créancier gagiste affecte, sans le
consentement du constituant, le bien grevé en garantie d’une dette à l'égard
d’un tiers, qu’elle soit sa propre dette ou celle d’autrui, il doit verser au
constituant des dommages-intérêts en cas de détérioration ou de perte de la
chose grevée. Autrement dit, si le constituant donne son accord, le créancier
gagiste peut mettre la chose grevée au service d’un tiers ; sans le consentement
135
Cf. M. CABRILAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, P. PETAL, op. cit., p. 510 ;
article 214 de la LDR de la RPC.
136
Cass. com., 26 mai 1961, Bull. civ., III, no 237, RTD com. 1962, 292, obs. HÉMARD.
148
Chapitre I – Le gage avec dépossession
du constituant, le créancier peut tout de même le faire, en assumant la
responsabilité des dommages-intérêts si la chose grevée est détériorée ou
perdue.
Deuxièmement, si le gage porte sur des choses fongibles, le créancier
gagiste peut-il en disposer ? En France, la convention du gage peut dispenser le
créancier de l’obligation de conserver les choses fongibles séparées de ses
propres biens de même nature. Il acquiert alors la propriété des choses gagées à
charge de restituer la même quantité de choses équivalentes (art. 2341, al. 2,
C. civ.). Cela signifie que le créancier gagiste peut en disposer dans ce cas-là.
En droit chinois, en revanche, l’utilisation d’une chose fongible comme assiette
de gage étant très rare (v. supra n° 251), ce problème ne se pose guère pour
l’instant. Il sera néanmoins possible que la situation évoluera dans le futur, et il
sera donc nécessaire de clarifier ce point. La législation et la pratique françaises
sont ici une source d’inspiration pour les juristes chinois.
B. Les droits des parties
a. Le droit de percevoir les fruits
274. Si le gage est avec dépossession, comme le bien grevé est remis
entre les mains du créancier, ce dernier est le seul à percevoir les fruits du bien.
Selon l’article 2345 du Code civil, sauf convention contraire, le créancier
gagiste perçoit les fruits du bien grevé et les impute sur les intérêts ou, à défaut,
sur le capital de la dette.
En droit chinois, le créancier gagiste a le même droit de perception qu’en
droit français. Toutefois, la loi stipule que, sauf convention contraire, les fruits
doivent être imputés sur les frais de leur perception. Reste à savoir si les fruits
peuvent être imputés sur les intérêts et sur le capital de la dette. La loi
n’éclaircit pas ce point, mais la Cour suprême chinoise va toujours dans ce sens.
En définitive, les fruits du bien gagé sont imputés, successivement, sur les frais
de leur perception, sur les intérêts et sur le capital de la dette.
149
Chapitre I – Le gage avec dépossession
b. Le droit de demander un complément du gage
275. Selon l’article 216 de la LDR, s’il y a une détérioration ou une
diminution évidente de la valeur du bien gagé pour des causes non imputables
au créancier gagiste, et si cela porte atteint au droit du créancier, ce dernier peut
demander au constituant de lui fournir une sûreté correspondante. L’application
de cette disposition, qui est le droit de demander le complément du gage,
implique de remplir deux conditions. Premièrement, la détérioration ou la
diminution de la valeur du bien gagé ne doit pas avoir de causes, naturelles ou
non, imputables au créancier gagiste. Deuxièmement, la diminution de la valeur
du bien gagé doit être évidente. En effet, en raison notamment de la fluctuation
du marché, il est possible que le bien perde de sa valeur. Cette diminution
normale doit être prévue par le créancier gagiste. Ce dernier peut uniquement
demander au constituant de lui fournir une sûreté correspondante, autrement dit
un complément du gage, égale à la valeur détériorée ou diminuée de manière
évidente. Si le constituant ne le fait pas, le créancier peut vendre le bien grevé à
l’amiable ou en justice, puis se faire payer en avance sur le prix de vente ou le
consigner par voie de convention avec le constituant. Cette disposition vise à
renforcer le droit du créancier gagiste et à encourager les établissements
financiers ou d’autres fournisseurs de capitaux à développer le crédit. En
disposant que « … le créancier peut …solliciter un complément de gage si le
constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage », l’article
2344, alinéa 2 du Code civil français confère aussi au créancier gagiste le droit
de demander un complément du gage ; mais ce droit ne bénéficie qu’au
créancier bénéficiaire du gage sans dépossession.
§ II – Les effets du gage à l’échéance de la créance garantie
276. Considérant que le gage est l’accessoire de la créance garantie, le
créancier doit restituer au constituant la chose grevée à l’échéance de la créance
garantie, si cette dernière a été entièrement désintéressée, puisque son gage n’a
plus de raison d’être. Quant à l’objet de la restitution, le droit français l’a
150
Chapitre I – Le gage avec dépossession
expressément prévu : il s’agit normalement du meuble même qui a été affecté
en gage ; si la chose grevée est fongible et si la convention du gage a dispensé
le créancier de la séparer de ses biens propres de même nature, ce dernier est
seulement tenu de restituer une chose de même qualité et même quantité137. Le
droit chinois, en revanche, n’a rien précisé sur ce point.
277. À l’inverse, si la créance à échéance n’a pas été désintéressée, le
créancier gagiste dispose de plusieurs droits pour protéger ses intérêts.
A. Le droit de rétention
278. Lorsque le gage est avec dépossession, le créancier dispose d’un
droit de rétention sur la chose. Si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette
exigible, le créancier gagiste peut exercer le droit de rétention pour l’obliger à
effectuer le paiement.
279. En droit français, cette prérogative est peu discutable aujourd’hui
puisque l’ordonnance du 23 mars 2006 consacre directement le droit de
rétention en matière de sûretés réelles. L’article 2286 du Code civil dispose que
« peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose celui à qui la chose a été
remise jusqu'au paiement de sa créance ». Le créancier bénéficiaire du gage
avec dépossession est donc directement concerné. La reconnaissance du droit
de rétention lui assure une position très favorable en cas d’ouverture d’une
procédure collective puisque celle-ci ne l’affecte pas. Le droit de rétention est
indivisible : la chose gagée peut donc être entièrement retenue pourvu que la
totalité de la dette garantie ne soit pas payée ; il en va de même en cas de la
division de la dette du débiteur au moment de la succession. Le droit de
rétention est aussi opposable aux tiers. Le créancier gagiste peut interdire la
saisie de la chose gagée par un autre créancier, sauf si ce dernier occupe un
137
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 544.
151
Chapitre I – Le gage avec dépossession
rang préférable. De plus, le créancier titulaire du droit de rétention ne peut en
être privé que par la perte volontaire de la dépossession de la chose.
280. En droit chinois, la LDR ne contient aucune disposition concernant
directement le droit de rétention du créancier gagiste. Cette lacune peut
s’expliquer par le fait que la validité du gage suppose, à la différence du droit
français, la détention matérielle du bien grevé. La perte de celle-ci rend le gage
inopposable aux tiers ; elle entraîne aussi l’extinction du gage. Par conséquent,
si le gage est exécutable au moment de la réalisation, il en découle
nécessairement que le créancier détient le bien grevé. Certes, l’article 95 des
ELS stipulait que le créancier pouvait exercer son droit de rétention sur le bien
grevé jusqu’au complet paiement de sa créance.
Cependant, selon la théorie générale, les explications judiciaires ne sont
pas les sources du droit. Elles supposent la validité de la loi qu’elles
interprètent. Selon le principe général appliqué en cas de conflit entre la LDR et
la LS, l’article 75 de la LS sur les effets du gage n’est plus valide ; l’article 95
des ELS qui l’interprète est ainsi devenu invalide. Il semble donc que le droit
de rétention du créancier gagiste n’est plus admis par la LDR.
De plus, le créancier gagiste se trouve déjà dans une position très
favorable même en cas de procédure collective (v. supra n° 217). Donc, il
bénéficie ou non du droit de rétention importe peu.
B. Le droit de mettre en œuvre le gage
281. Si la créance arrive à terme et le débiteur ne s’en acquitte pas en
totalité, le créancier peut exercer son droit de réaliser le gage par plusieurs
moyens. En droit français, il dispose d’un droit de préférence qui peut être
exercé soit par l’attribution du bien gagé au créancier, soit par la vente du bien
grevé. Ces deux moyens peuvent également être mis en œuvre en droit chinois.
a. L’attribution du bien gagé
152
Chapitre I – Le gage avec dépossession
282. En droit français, le créancier non payé à l’échéance peut demander
au tribunal que la chose lui soit attribuée en paiement (art. 2347, C. civ.). En
cas de gage avec dépossession, le créancier est dispensé de la saisie puisqu’il en
est déjà détenteur. Le juge a la possibilité de désigner un expert pour évaluer le
bien, mais peut aussi procéder lui-même à l’estimation s’il possède les éléments
d’appréciation suffisants. En outre, les parties peuvent convenir d’une
évaluation conventionnelle138. Si la valeur du bien grevé excède ses droits, le
créancier gagiste doit rendre la différence au constituant ou, s’il existe d’autres
gagistes, la consigner. Si la valeur est inférieure à la créance, le reste non
couvert devient une créance chirographaire.
Comme l’ordonnance du 23 mars 2006 a consacré le pacte commissoire,
l’attribution du bien grevé peut aujourd’hui être extrajudiciaire si ce pacte est
convenu entre les parties. Ce pacte est une convention accessoire au gage, par
laquelle les parties conviennent que le bien grevé sera attribué au créancier
gagiste de plein droit s’il n’est pas payé à l’échéance. Pour protéger les intérêts
du constituant et parvenir à un point d’équilibre dans l’estimation du bien grevé,
il est nécessaire de recourir à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement,
lorsque cette cotation ne peut être déterminée sur un marché organisé au sens
du Code monétaire et financier. Le recours à un expert est obligatoire, toute
clause contraire est réputée non écrite (art. 2348, C. civ.). Néanmoins, la
validité du pacte commissoire connaît certaines exceptions lorsque le débiteur
est fragile ou en difficulté. Par exemple, est nul le pacte commissoire conclu
après le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de
redressement judiciaire (art. L. 622-7 al. 1 et L. 631-14, C. com.) ou dans un
contrat de crédit à la consommation (art. L. 311-32, al. 3, C. consom.).
283. En droit chinois, le créancier peut aussi se faire attribuer le bien
grevé, mais uniquement par voie conventionnelle. Il convient alors avec le
138
Marc MIGNOT, op. cit., p. 331.
153
Chapitre I – Le gage avec dépossession
constituant de s’approprier le bien grevé. C’est la « prise en paiement du bien
grevé » (art. 219, al. 1, LDR).
Concernant le pacte commissoire, celui conclu lors de la constitution d’un
gage était expressément interdit par la loi sur les sûretés (art. 66, LS). La
nouvelle LDR a repris et renforcé cette interdiction dans son article 211.
Aujourd’hui, non seulement le pacte commissoire conclu lors de la constitution
du gage, mais aussi celui conclu après sa constitution et avant l’échéance de la
créance garantie, sont prohibés par la loi. Cependant, cette interdiction
complète du pacte commissoire ne fait pas taire les vives controverses en
doctrine. En effet, au cours de la rédaction de la LDR, les deux projets présidés
respectivement par les professeurs WANG Liming et LIANG Huixing
proposaient d’interdire le pacte commissoire ; mais ils préconisaient toutefois
que seul le pacte commissoire conclu au moment de la constitution du contrat
de sûreté réelle soit interdit, et que celui conclu postérieurement soit valide.
Pour justifier l’interdiction du pacte commissoire, les raisons suivantes sont
principalement invoquées :
1o protéger le débiteur contre les pressions du créancier et éviter que le
créancier ne puisse obtenir la propriété du bien grevé dont la valeur excède
sensiblement le montant de sa créance139 ;
2o protéger le tiers constituant du gage contre l’inexécution de mauvaise
foi du débiteur et la fraude entre le débiteur et son créancier140;
3o protéger les autres créanciers d’un débiteur. Dans l’hypothèse où la
valeur du bien grevé excède sensiblement le montant de la créance garantie, en
permettant au créancier bénéficiaire de devenir le propriétaire du bien grevé, le
pacte commissoire nuirait aux intérêts des autres créanciers du débiteur ;
139
XIE Zaiquan, Des droits réels au droit civil, Éd. de l'Université de science politique et
de droit de Chine, 1999, p. 675.
140
YANG Hong, op. cit., p. 46-47.
154
Chapitre I – Le gage avec dépossession
4o éviter la fuite des biens publics. En Chine, les entreprises nationales
occupent une place importante dans la vie économique, il est donc fréquent que
des biens publics soient affectés en garantie. En admettant que le créancier
devienne le propriétaire d’un bien public grevé sans requérir l’estimation de la
valeur, le pacte commissoire permet aux dirigeants des entreprises nationales
d’éluder facilement la supervision des biens publics141.
En effet, le nœud de la question tient à l’idée si l’essence du pacte
commissoire est d’écarter d’avance la possibilité de réévaluation du prix du
bien grevé au moment de l’exercice de la sûreté. Si, comme en droit français,
on admet l’estimation de la valeur du bien grevé au moment de la réalisation du
pacte commissoire et la liquidation de la dette, la question se résout sans
problème. A fortiori, la prohibition du pacte commissoire déroge au principe
autonome de la volonté des parties.
De plus, le pacte commissoire n’aboutit pas nécessairement au transfert de
propriété du bien grevé. Il constitue une force qui contraint le débiteur à
exécuter son obligation. Si le débiteur s’est acquitté de sa dette, le pacte s’éteint
avec la sûreté. Si, à l’échéance de la dette, le débiteur ne s’en est acquitté à
cause de sa insolvabilité, auquel cas le créancier peut s’approprier le bien grevé
avec l’accord du débiteur (art. 219, al. 2, LDR), autrement dit, le pacte
commissoire conclu après l’échéance de la créance est valide ; si le débiteur ne
s’en est acquitté pas à cause de sa mauvaise foi, il n’y a alors aucune raison de
le protéger.
141
WANG Liming, Livre consacré aux droits réels du Projet proposé par des experts et
arguments législatifs du code civil chinois, Éd. du droit, 2005, p. 358.
155
Chapitre I – Le gage avec dépossession
C’est pourquoi de nombreux auteurs sont favorables à la consécration du
pacte commissoire142.
284. L’attribution du bien grevé n’est certes pas toujours favorable au
créancier. Elle présente certains inconvénients. Elle oblige le créancier gagiste à
devenir le propriétaire du bien grevé dont la revente n’est pas nécessairement
aisée ou fructueuse. Les banques, par exemple, ne veulent faire ce choix qu’en
désespoir de cause143. En effet, le créancier opte plutôt pour la vente du bien
grevé que pour l’attribution de la propriété.
b. La vente du bien grevé
285. En droit français, pour procéder à la vente du bien grevé, le créancier
garanti par un gage avec dépossession n’a pas à saisir ce bien puisqu’il est déjà
en sa possession. Toutefois, la vente doit impérativement être ordonnée en
justice selon les modalités prévues par les procédures civiles d’exécution
(art. 2346, C. civ.). Les formalités imposées par les voies d’exécution sont
d’ordre public. La vente du bien grevé est donc nécessairement forcée. La
clause de voie parée, dans laquelle les parties conviennent que le créancier
pourra vendre le bien engagé à l’amiable sans autorisation de justice, est
prohibée par la loi. La raison en est que cette clause est dangereuse pour le
débiteur et ses autres créanciers : si le créancier gagiste pouvait procéder à une
vente à l’amiable, il risquerait parfois de se contenter d’un prix inférieur à la
valeur réelle de la chose, pourvu que ce prix suffise à le désintéresser.
Par exception, les formalités sont simplifiées lorsque le gage est
commercial : le créancier peut faire procéder à la vente publique sans
142
YANG Hong, op. cit., p. 56-58 ; MA Xinyan, La modernisation du régime et le
modernisme du droit civil, Éd. populaire du Jilin, 2002, p. 170, 175 ; ZHENG Yafang, Il
faut consacrer le pacte commissoire dans la législation chinoise, in Administration et
droit, 2003, VII ; JI Xiuping, Du déblocage du pacte commissoire, in Droit du Hebei,
2005, IV ; WANG Shengming, Des réflexions sur certains problèmes de la LDR, www.
civillaw.com. cn/ article/ default.asp?id=23104.
143
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 220.
156
Chapitre I – Le gage avec dépossession
autorisation préalable de la justice et la vente peut se faire par courtier
(art. L. 521-3, C. com.) ou par les prestataires de services d’investissement
lorsque l’objet du gage le requiert.
Lorsque la chose gagée a été vendue suivant les formes susmentionnées, le
créancier gagiste est payé sur le prix réalisé par privilège et préférence aux
autres créanciers (art. 2332, 2o, C. civ).
286. À la différence du droit français, le droit chinois prévoit que tout
créancier gagiste peut librement choisir de procéder à la vente conventionnelle
ou judiciaire du bien grevé (art. 219, LDR), dont les régimes sont similaires à
celui en vigueur pour l’hypothèque, à ceci près que le créancier n’a pas à faire
saisir le bien avant la vente (v. infra n° 578).
C. Le droit de préférence
a. L’étendue du droit de préférence
287. Le créancier gagiste peut exercer son droit de préférence sur le prix,
ainsi que sur les fruits naturels ou légaux de la chose (art. 2345, C. civ. ;
art. 213, LDR). Il peut aussi se prévaloir d’un droit contre l’assureur en cas de
destruction du bien objet du gage (art. L. 121-13, C. ass. ; art. 174, LDR). Ces
règles sont claires dans les deux systèmes juridiques. Cependant, peut-il exercer
son droit de préférence sur les indemnités versées en dédommagement en cas
de perte ou d’expropriation de la chose grevée ? En France, la jurisprudence
classique refuse d’appliquer la subrogation réelle et décide que les indemnités
de remplacement reçues par le constituant doivent être distribuées au marc le
franc entre tous les créanciers du débiteur, sauf dispositions spéciales144. En
Chine, le principe de la subrogation réelle est généralement consacré par la loi,
qui s’applique indifféremment à toutes les sûretés réelles (art. 174, LDR). Le
144
Req., 12 mars 1877, DP 1877, 1, 97 ; 2 août 1880, DP 1881, 1, 227. Rappr. À propos
de primes d’arrachages.
157
Chapitre I – Le gage avec dépossession
créancier gagiste peut exercer son droit de préférence sur toutes les valeurs de
remplacement dues par les tiers.
288. Nous nous demandons encore si l’étendue de la créance garantie
couverte par le droit de préférence du gage se limite au principal de la créance.
En droit français, le constituant doit rembourser les dépenses nécessaires
et utiles que le créancier gagiste a faites pour la conservation du bien gagé
(art. 2343, C. civ.). Ce remboursement porte sur toutes les dépenses nécessaires,
quand bien même l’objet aurait ensuite péri. Le créancier bénéficie du privilège
des frais de conservation d’un meuble pour se faire rembourser les sommes
engagées. Pour les dépenses utiles ou d’amélioration, le remboursement est
égal à la différence entre la valeur réelle et la valeur originale du bien gagé par
application des règles sur l’enrichissement sans cause145. Le créancier bénéficie
du droit de rétention pour ce type de dépenses. Quant aux dépenses superflues,
le créancier n’a pas le droit d’en réclamer le remboursement, sauf si elles ont
été faites avec le consentement du constituant. De même, les frais de réalisation
du gage sont également couverts par le droit de préférence du créancier gagiste.
En droit chinois, aux termes de l’article 173 de la LDR, le créancier, qui
doit exercer son obligation de conservation en bon père de famille146, dispose
aussi du droit de demander le remboursement des frais de conservation du bien
grevé engagés par lui. Ces frais bénéficient aussi du droit de préférence. Selon
cet article, les intérêts légalement convenus de la créance initiale, les dédits
légalement convenus, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de réalisation
du gage sont également couverts par le droit de préférence du créancier gagiste.
Notons que l’article 173 de la LDR, qui s’applique à toutes les sûretés
réelles, confère au créancier garanti le droit de préférence sur les dommages et
145
Marc MIGNOT, op. cit., p. 327.
146
Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 59.
158
Chapitre I – Le gage avec dépossession
intérêts forfaitaires et les dommages-intérêts qu’il a subis, une disposition qui
est vivement critiquée par la doctrine (v. infra n° 590). De plus, l’article 220 de
la LDR confère au constituant le droit de demander au créancier d’exercer
« promptement » son droit de gage à l’échéance de la dette garantie, puisque le
législateur estime que l’exercice tardif du droit de gage pourrait être
défavorable au constituant. En l’absence de réponse de la part du créancier, le
constituant a le droit de demander en justice la vente à l’amiable ou la vente
aux enchères publiques du bien grevé ; le créancier est alors aussi tenu de
réparer les dommages-intérêts causés par son retard.
b. Le classement du droit de préférence
289. Le droit de préférence permet au créancier d’être payé avant tous les
créanciers chirographaires du débiteur. Dans le cas où les autres créanciers sont
munis d’une sûreté réelle conventionnelle ou extra-conventionnelle, le
créancier gagiste entre en concours avec eux. Alors que les effets du droit de
préférence sont similaires en droit français et en droit chinois, les classements
des créanciers munis de différentes sûretés réelles n’obéissent en revanche pas
tout à fait aux mêmes règles.
290. En droit français, il arrive que le gage avec dépossession entre en
concurrence avec le gage sans dépossession. C’est l’ordre chronologique de la
publicité (de la dépossession et de l’inscription) qui détermine leur rang.
Autrement dit, si un bien donné en gage avec (sans) dépossession fait aussi
l’objet d’un gage sans (avec) dépossession, le droit de préférence du créancier
qui est antérieurement publié est opposable à celui qui est postérieurement
publié, nonobstant le droit de rétention.
Il est aussi possible que le gage avec dépossession viennent en
concurrence avec les privilèges résultant de la loi. Le législateur n’a pas
expressément prévu de règles pour résoudre ce conflit. Toutefois, étant donné
l’accent mis sur la transparence des privilèges, il est logique que ce soit l’ordre
159
Chapitre I – Le gage avec dépossession
de la publicité qui détermine le rang du droit de préférence du créancier gagiste
et des privilèges, sauf pour certains privilèges qui restent prioritaires, tels que
les privilèges des frais de justice, du Trésor public et des caisses de sécurité
sociale.
En principe, il ne peut y avoir conflit entre le gage avec dépossession et la
réserve de propriété, puisque le constituant du gage doit normalement être le
propriétaire du bien grevé. Cependant, étant donné que le créancier peut
invoquer sa bonne foi pour faire valoir son gage sur un bien grevé
n’appartenant pas au constituant (v. supra n° 244), ce conflit est possible. Dans
cette hypothèse, le droit de préférence du créancier gagiste de bonne foi est
ainsi opposable au vrai propriétaire du bien grevé.
291. En droit chinois, il arrive souvent que le gage avec dépossession
entre en concurrence avec l’hypothèque mobilière. La résolution de ce conflit
suit les mêmes règles qu’en droit français – l’ordre chronologique de la
publicité (de la dépossession et de l’inscription) détermine leur rang.
En cas de conflit entre le gage avec dépossession et les privilèges, leur
rang est expressément réglé par la loi : le gage avec dépossession prime
toujours les privilèges innomés ; les privilèges nommés (qui ne désignent que le
privilège sur le navire et le privilège sur l’aéronef) priment le gage avec
dépossession.
S’agissant du conflit entre le gage et la réserve de propriété, la situation et
la résolution en droit chinois sont tout à fait identiques à celles en droit français
(v. supra n° 290).
Il arrive aussi qu'il y ait conflit entre le gage et le droit de rétention, qui est
une sûreté indépendante en droit chinois. La LDR en fixe expressément la règle
de résolution : si un meuble affecté en gage ou en hypothèque est retenu, le
droit de rétention prime toujours le gage et l’hypothèque (art. 239, LDR).
D. Le droit de suite limité
160
Chapitre I – Le gage avec dépossession
292. Le droit de suite permet au créancier d'exercer son droit sur un bien,
même entre les mains de celui qui a acquis le fonds du débiteur.
293. En droit français, il ne pose guère de problème pour le gage avec
dépossession, puisque la chose grevée est en possession du créancier gagiste et
que cette dépossession empêcherait le constituant de transférer la propriété et la
détention de la chose grevée à autrui. En cas de perte involontaire de la
détention du meuble grevé, le créancier gagiste peut reprendre le meuble par la
vindication pignoris ou la saisie-revendication, sauf si l’acquéreur est de bonne
foi.
294. En droit chinois, ce sujet n’est pas traité par la loi et les juristes le
mettent rarement au cœur de leurs discussions. Ils considèrent cependant, qu’en
cas de perte de la détention d’un meuble grevé, le gage subsiste si le créancier
gagiste peut reprendre le meuble par la vindication pignoris ou la
saisie-revendication ; sinon, le gage n’existe plus. Ce droit de reprendre le
meuble grevé n'est cependant pas considéré comme le droit de suite 147 ,
puisqu’il est fondé sur la protection de « possession » figurant dans le titre V de
la LDR. Les juristes n’admettent donc pas le droit de suite du gage.
147
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 357.
161
Chapitre II – Le gage sans dépossession
Chapitre II – Le gage sans dépossession
295. S’inspirant du régime du security interest américain, le législateur
français a consacré la sûreté portant sur des meubles corporels sans
dépossession, ce qui constitue l’une des innovations majeures de la réforme de
2006148. Alors qu’en droit chinois, ce type de sûreté existe depuis la LS de 1995.
Néanmoins, sa qualification et son régime dans les deux pays sont divergents et,
méritent donc des études approfondies.
Section I – Qualifications différentes en droit français et en droit
chinois
§I – La qualification en droit français
296. En droit français, la qualification des sûretés mobilières sans
dépossession est un élément méritant d’être approfondie pour tenter de résoudre
les problèmes soulevés par « la réalité face aux carences et aux obscurités des
textes législatifs »149. Quelle est vraiment la nature de la sûreté portant sur les
véhicules, les matériels et outillages, ou encore sur les stocks? Doit-on les
qualifier des gages ou des hypothèques?
297. Un courant doctrinal considère qu’il est regrettable de recourir au
même terme --- «gage» --- pour désigner la sûreté sans dépossession portant sur
des meubles corporels qui est « fondamentalement différente » de celle
comportant la dépossession du créancier150. Considérant que sa publicité est
assurée par inscription sur un registre qui ne confère pas de droit de rétention à
148
Dominique LEGEAIS, op. cit., p.361.
149
M. CABRILLAC, La protection du créancier dans les sûretés mobilières
conventionnelles sans dépossession, Thèse Montpellier, 1953, no 31 ; C.
LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelle sur meubles incorporels, Litec
2001.
150
Dominique LEGEAIS, op. cit., p.361.
162
Chapitre II – Le gage sans dépossession
son bénéficiaire, ce courant doctrinal incline plutôt à traiter les sûretés
mobilières sans dépossession en hypothèques.
298. Un autre courant considère en revanche que la qualification de ces
sûretés dépend de l’analyse du gage et de l’hypothèque151. D’une part, si on
considère que la dépossession de la chose grevée est l’essence du gage, on ne
pourrait pas qualifier les sûretés en cause de gages. La dépossession de la chose
grevée qui protège le créancier bénéficiaire contre les éventuels détournements
du débiteur, il est logique de caractériser le gage par la dépossession et, de ne
pas admettre qu’une sureté portant sur des choses restées entre les mains du
constituant est un gage. Cette analyse classique est critiquée par plusieurs
auteurs. Selon eux, la dépossession est un élément naturel du gage, mais non
son élément essentiel. Elle n’est qu’une mesure de publicité pouvant être
remplacée par d’autres modalités de publicité, telle que l’inscription sur un
registre. Compte tenu aussi des inconvénients économiques de la dépossession
et grâce au perfectionnement des mesures de la publicité, il est séduisant
d’admettre l’existence de gages sans dépossession 152 . D’autre part, la
qualification des sûretés sans dépossession portant sur des meubles corporels
suppose aussi que l’on admet l’existence d’hypothèque mobilière. Aux termes
des articles 2397 et 2398 du Code civil, on s’aperçoit que le législateur français
entretient le doute systématique sur ce point. Cependant, tout ce qui est réel
n’est pas nécessairement rationnel. Dans les économies modernes, les meubles
représentent des valeurs de plus en plus considérables et, peuvent être
individualisés par des mesures de publicité efficace. Rien ne semble donc
justifier l’interdiction maintenue par les dispositions précitées153. C’est au vu de
151
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 601.
152
Ibid., p. 602.
153
M. CABRILLAC, op. cit., no 32 ; comp. E. PUTMAN, Sur l’origine de la règle « …
meubles n’ont pas de suite par hypothèque », RTD civ., 1994, 543.
163
Chapitre II – Le gage sans dépossession
ces considérations que la plupart des auteurs admettent que le droit des sûretés
n’exclut nullement de son domaine les hypothèques mobilières154.
Or, il apparaît que ce courant de pensée n’est pas celui auquel s’est rangé
le législateur français, puisque jusqu’à présent la loi française ne reconnait
expressément que trois hypothèques mobilières spéciales dont l’assiette
s’apparente à l’immeuble155 – celle portant sur les bateaux maritimes, celle sur
les bateaux fluviaux et celle sur les avions civils. Cette position peut
s’expliquer par la cause apparente privilégiée par le législateur à savoir une
classification prenant pour critère la nature de l’assiette de garantie156. Mais
cette cause ne justifie pas la qualification des trois hypothèques mobilières
spéciales. Il faut donc chercher d’autres raisons plus convaincantes.
299. Un troisième courant de pensée propose un critère de distinction
fondé sur les prérogatives attribuées au créancier bénéficiaire 157 . Si on
considère que le gage confère toujours au créancier le droit de préférence, le
droit de suite et le droit de rétention, alors que l’hypothèque ne lui confère que
les deux premiers, il est possible de distinguer les gages sans dépossession des
hypothèques mobilières. Par conséquent, la sûreté mobilière sans dépossession
qui confère globalement au créancier bénéficiaire un droit équivalant à celui
conféré par le gage avec dépossession est un gage ; celle qui lui confère des
prérogatives appartenant au créancier hypothécaire est une hypothèque. Ce
critère peut expliquer pourquoi on qualifie les suretés portant sur les trois
meubles corporels spéciaux (les bateaux maritimes, les bateaux fluviales et les
avions civils) d’hypothèques mobilières et certains autres de gages. Néanmoins,
154
Charles BEUDANT, Cours de droit civil français, 2e éd., t. 13 par VOIRIN, no 329 ; M.
CABRILLAC, op. cit., passim. ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 603.
155
Yves PICOD, op. cit., p. 348.
156
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 361.
157
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 603.
164
Chapitre II – Le gage sans dépossession
ce critère n’est pas non plus la panacée d’une distinction non ambigüe, dès lors
que certaines sûretés mobilières sans dépossession n’attribuant pas des droits
équivalents à ceux conférés par le gage avec dépossession sont néanmoins
qualifiées de gage par le Code civil (v. infra n° 329 et s., le gage du matériel et
de l’outillage).
300. En résumé, force est de constater que le critère de la distinction entre
le gage et l’hypothèque est empreint d’une grande relativité. En résistant à la
généralisation de l’hypothèque mobilière, le législateur français qualifie des
sûretés mobilières sans dépossession du gage sans dépossession. En effet, de
nombreuses législations, telles que celles des pays de common law 158 , du
Québec, du Japon, de Taiwan ainsi que celle de la RPC, ont reconnu
l’hypothèque mobilière.
§II – La qualification en droit chinois
301. Comme nous l’avons exposé supra, le critère de la distinction
fondamental (summa divisio) des sûretés réelles en droit chinois est la
dépossession : celles nécessitant la dépossession du bien grevé sont des gages
et, celles ne réalisant pas la dépossession sont des hypothèques. Selon l’article
180 de la LDR qui dispose que « les biens suivants … sont susceptibles
d’hypothèques : …4o des machines de production, des matières premières, des
produits semi-finis et des produits finis ; 5o des véhicules… 7o les autres biens
non interdits par la loi et le décret…», les sûretés sans dépossession portant sur
des meubles sont des hypothèques mobilières.
158
Selon leurs législations, les créanciers peuvent, par le mortgage, obtenir du moins un
droit de préférence et un droit de suite sur la chose. V. Commission des communautés
européennes, Le droit des biens dans la communauté européenne, Bruxelles 1972, p. 217 ;
V. aussi, A.M. MORGAN DE RIVERY-GUILLAUD, Le droit nord-américain des sûretés
mobilières, LGDJ, 1990.
165
Chapitre II – Le gage sans dépossession
302. Malgré les différentes qualifications exposées ci-dessus en droit
français et en droit chinois, la consécration des suretés sans dépossession
portant sur des meubles corporels est une tendance mondiale irréversible.
Section II – Différents régimes en droit français et en droit chinois
§ I – Les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun
A. Le gage sans dépossession en droit français
303. Pour les auteurs de la réforme de 2006, le gage en droit français peut
désormais se constituer avec ou sans dépossession. Ainsi l’ordonnance de 2006
n’a pas consacré de place spéciale au gage sans dépossession. Ce gage ne se
distingue pas fondamentalement du gage avec dépossession. Comme le gage
avec dépossession, il doit aussi être conclu par la rédaction d’un écrit à peine de
nullité. Il peut aussi porter sur tout type de meuble corporel, présent ou futur. Il
peut même porter sur des choses fongibles. Ainsi conçu, les parties peuvent
constituer un gage sans dépossession sur des stocks. Elles ont dès lors le choix
de le soumettre au droit de commun ou au droit spécial du gage sur stocks. Les
règles applicables au gage avec dépossession s’appliquent également aux
contractants et à la créance garantie du gage sans dépossession.
304. En effet, le gage sans dépossession s’oppose au gage ordinaire avec
dépossession par la modalité de publicité qui accompagne sa constitution. Pour
être opposable aux tiers, il doit être publié, à la requête du créancier gagiste, sur
un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce du lieu
d’immatriculation du constituant ou du lieu de son domicile quand il n’est pas
soumis à l’obligation d’immatriculation. Au reçu de l’acte constitutif du gage le
greffier lui donne un numéro d’ordre et vérifie qu’il est accompagné d’un
bordereau en deux exemplaires comportant sept mentions obligatoires dont
l’indication de la catégorie du bien affecté en garantie est définie par référence
à une nomenclature fixée par un arrêté du 1er février 2006. Cette modalité de
publicité diffère en conséquence de celle du gage avec dépossession qui se
166
Chapitre II – Le gage sans dépossession
traduit par la dépossession de la chose grevée. La substitution de la
dépossession de la chose par l’inscription comporte les conséquences suivantes.
Il rend d’abord possible la constitution de plusieurs gages successifs sur le
même bien classés par l’ordre de leur inscription (art. 2340, C. civ.).
De plus, une fois que le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à
titre particulier ne peuvent plus se prévaloir de l’article 2276 du Code civil159
et, le constituant ne peut demander la radiation de l’inscription jusqu’au
complet paiement de la créance garantie, le principal, intérêts et frais.
305. Toutefois, dès lors que l’objet du gage reste entre les mains du
constituant, le créancier bénéficiaire se trouve exposé à un certains nombres de
risques que la réforme de 2006 s’est efforcée de pallier en introduisant des
règles spécifiques.
Ainsi le constituant, à l’obligation de conserver le bien grevé ; s’il ne
satisfait pas à cette obligation, le créancier peut se prévaloir de l’échéance du
terme de la créance garantie ou solliciter un complément de gage (art. 2344, al.
2, C. civ.). Lorsque l’assiette du gage est constituée de choses fongibles, le
constituant peut les aliéner si la convention le prévoit, mais à charge de les
remplacer par la même quantité de choses équivalentes (art. 2342, C.civ.).
Le créancier, quant à lui, bénéficie de toutes les prérogatives d’un
créancier gagiste avec dépossession. Il dispose en premier lieu du droit de
préférence dont l’exercice suppose la vente forcée du bien grevé : cette vente
suit le régime de celle du gage avec dépossession, assortie toutefois de
l’obligation pour le créancier de faire préalablement saisir la chose.
L’ordonnance du 23 mars 2006 lui a de surcroît expressément accordé un droit
159
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 605 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p.
363.
167
Chapitre II – Le gage sans dépossession
de suite qu’il peut exercer dans des conditions particulièrement favorable160.
Afin de réaliser son gage, le créancier gagiste bénéficie d’un droit de saisir la
chose grevée dans les mains de tout ayant cause du débiteur ou du fiduciaire
auquel le débiteur-fiduciant aurait transmis le bien en exécution d’un contrat de
fiducie. Néanmoins, celui qui achète un bien grevé d'inscriptions, peut libérer
ce bien des inscriptions en payant le prix du bien selon la procédure de purge.
Le créancier gagiste peut également se faire attribuer judiciairement ou
conventionnellement le bien grevé à l’instar du créancier garanti par un gage
avec dépossession ; néanmoins, en raison de l’absence de dépossession, il doit
préalablement faire saisir le bien grevé avant de se le faire attribuer. Quant au
droit de rétention (qui était pendant longtemps logiquement privé pour le
créancier gagiste sans dépossession en raison de l’absence de dépossession), il
a été expressément conféré à celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession
par la loi du 4 août 2008 sur la modernisation de l’économie. Mais ce droit de
rétention peut être paralysé par l’ouverture de la procédure collective du
débiteur (art. 622-7-I, al. 2, C. com.).
B. L’hypothèque mobilière en droit chinois
a. L’hypothèque mobilière classique
306. Alors qu’en droit chinois, les sûretés mobilières sans dépossession
ont été qualifiées d’hypothèques mobilières (v. supra n° 301), le législateur
chinois, comme son homologue français, ne consacre que peu de place spéciale
à cette catégorie de sûreté : seules quelques dispositions concernant la publicité
spéciale ou les hypothèques mobilières spéciales sont expressément stipulées
dans la LDR. Cependant, à la différence du gage sans dépossession en droit
160
En effet, le droit de suite du créancier gagiste sans dépossession n’est pas absolu. Le
créancier ne peut pas l’exercer quand il se trouve en concurrence avec le sous-acquéreur du
bien qui n’est plus un ayant cause à titre particulier du constituant. V. R. BOFFA,
L’opposabilité du nouveau gage sans dépossession, D. 2007, chr. p. 1361. Cité aussi par
Dominique LEGEAIS, op. cit, p. 364.
168
Chapitre II – Le gage sans dépossession
français qui soumet quasiment au même régime que le gage avec dépossession,
le régime de l’hypothèque mobilière en droit chinois se rapproche de celui de
l’hypothèque immobilière, à ceci près que l’inscription hypothécaire est une
condition d’opposabilité pour elle.
307. Les auteurs ne sont pas unanimes sur la question de savoir si
l’hypothèque mobilière doit être généralisée à l’ensemble des meubles
corporels. Un courant radical considère même qu’en raison de la publicité
imparfaite de l’hypothèque mobilière et de la souplesse de la fiducie-sûreté, il
vaut mieux remplacer l’hypothèque qui existe déjà par la fiducie-sûreté161. Un
deuxième courant considère qu’il faut faire une interprétation restrictive de
l’article 180 de la LDR, l’assiette de l’hypothèque mobilière étant alors limitée
aux meubles expressément énumérés par le no 4 de cet article 162 . En se
prévalant du 7o de l’article 180 de la LDR qui énonce que peuvent être
hypothéqué « d’autres biens non interdits par la loi et le décret », un troisième
courant se déclare enfin favorable à la généralisation de l’hypothèque
mobilière163.
308. Cette dernière ligne doctrinale paraît tout à la foi la plus logique et
séduisante. Les meubles occupent en effet une place de plus en plus importante
dans la société moderne, notamment dans les petites et moyennes entreprises
qui ont peu de biens immobiliers et qui sont les demandeurs de crédits les plus
161
CHEN Benhan, Repenser le régime de l’hypothèque mobilière, in Droit chinois, 2003,
II ; ZOU Hailin, op. cit., p. 125-127.
162
ZHAO Shuxia, Le conflit entre le régime de l’hypothèque mobilière et le droit réel
traditionnel et l’option législative, Mémoire de l’Université des sciences politique et du
droit de Chine, 2007, p. 27-30;WANG Liming, De l’hypothèque mobilière, in Droit, 2007,
I;LIU Guosheng, Des analyses du régime de l’hypothèque mobilière, http://www.lw-cn.cn/
Lunwen/faxue/sfzd/200711/4477.html.
163
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.307 ; Bureau des affaires juridiques
relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63 ; YU Kun, La généralisation
de l’assiette de l’hypothèque mobilière et ses influences, http://52fyfz.fyfz.cn/blog/52fyfz/
index.aspx?blogid=373720.
169
Chapitre II – Le gage sans dépossession
pressants. La fiducie-sûreté n’ayant pas été introduite en droit chinois positif, la
consécration générale d’hypothèque mobilière revêt donc une importance
majeure pour des emprunteurs. D’autre part, l’évolution même de la
terminologie utilisé par le législateur, la formulation « d’autres biens non
interdits par la loi et le décret » de la LDR (art. 180, LDR) se substituant à
l’expression « autres biens hypothécables fixés par la loi» de la LS (art. 34, LS)
manifeste sa volonté d’accroître l’assiette de l’hypothèque mobilière. Il ne
paraît dès lors pas pertinent de limiter strictement l’assiette de l’hypothèque
mobilière en ne faisant isolément référence qu’au 4° de l’article 180 et en
négligeant le 7° de ce même article et le but du législateur. En résumé, en droit
chinois, tout meuble, présent ou futur, à condition que le constituant ait le droit
d’en disposer, et qu’il ne soit pas interdit d’hypothéquer par la loi et le décret164,
peut servir d’assiette à l’hypothèque mobilière.
309. Dans un tel cas, le créancier de bonne foi peut-il acquérir une
hypothèque mobilière sur un bien qui n’appartient pas au constituant? La
législation chinoise était silencieuse sur ce point. La LDR ne donne pas non
plus une réponse directe. Certains auteurs refusent encore de reconnaître la
protection de bonne foi en considérant que l’inscription de l’hypothèque
mobilière n’est qu’une condition d’opposabilité et que ce type de sûreté
n’implique pas la dépossession. Selon eux, le propriétaire peut toujours
revendiquer le bien donné en gage par le possesseur et le gage ne peut jamais
valablement être constitué165. D’autres, en revanche, se prononcent pour la
protection de bonne foi du créancier gagiste. En nous référant à l’article 106
placé dans son chapitre consacré aux « Dispositions spéciales de l’acquisition
de propriété » qui dispose que la propriété mobilière et immobilière peut être
164
Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op.
cit., p. 63.
165
JIN Liting, L’acquisition de bonne foi du droit de l’hypothèque, www.kjwt.com/kjwt
/llyj/20087162.html.
170
Chapitre II – Le gage sans dépossession
acquise de bonne foi et que « ...les deux premiers alinéas s’appliquent aussi à
l’acquisition des autres droits réels par une personne de bonne foi ...», y
ajoutant la difficulté pour un tiers de connaître le véritable propriétaire des
meubles, nous penchons pour confirmer que le créancier peut préconiser la
constitution de l’hypothèque mobilière en invoquant sa bonne foi. En pratique,
des décisions jurisprudentielles a confirmé notre position166.
310. Si l’on excepte son assiette, l’hypothèque mobilière présente
plusieurs analogies avec son équivalent immobilier : elle doit ainsi, à peine de
nullité, être conclue par écrit, les règles applicables aux parties et à la créance
garantie dans l’hypothèque immobilière s’y appliquent aussi. Cependant, le
principe de l’inscription-opposabilité permet de distinguer l’hypothèque
mobilière de l’hypothèque immobilière qui est soumise au principe de
l’inscription-validité (art. 187, 188 et 189, LDR).
311. Pour être opposable aux tiers, l’hypothèque mobilière doit être
inscrite auprès des organes compétents. Cependant, la loi positive n’a pas
instauré le régime unique de l’inscription des hypothèques mobilières. Ainsi,
l’hypothèque portant sur les machines de production, matières premières,
produits semi-finis et produits finis doit-elle être inscrite auprès du bureau de
l’industrie et du commerce auquel est rattaché selon le cas, le domicile ou le
siège du constituant (art. 2, Mesures d’inscription des hypothèques mobilières
promulguées par l’Administration nationale de l’industrie et du commerce) ;
celle portant sur les bateaux, les aéronefs et les véhicules doit l’être auprès des
organes d’administration compétents. Actuellement, il est difficile de procéder
à l’inscription des hypothèques portant sur d’autres meubles, ce qui entrave
sérieusement le développement des hypothèques mobilières et les besoins du
166
Dans l’affaire la Coopérative de crédit Lao Ba Gang / la SARL Ai Zhi Yuan, le juge a
consacré que l’hypothèque mobilière est valable car le créancier était de bonne foi.
171
Chapitre II – Le gage sans dépossession
financement des petites et moyennes entreprises. L’urgence est donc d’unifier
l’organe d’inscription des hypothèques mobilières.
De plus, il n’existait pas de règles communes relatives à l’inscription de ce
type de gage avant la LS. Il n’existait que des règles différentes, voire
contradictoires fixées par certaines lois spéciales. Par exemple: l’article 17 du
« Règlement administratif relatif au crédit hypothécaire de la Zone Economique
Spéciale de Guangdong » de 1990 stipulait que l’inscription devait être faite
dans les 15 jours suivant la signature du contrat et que l’hypothèque ne prenait
effet juridique qu’à la date d’inscription. Selon cette disposition, l’inscription
était alors une condition de validité de l’hypothèque. Au contraire, aux termes
de la Loi sur le commerce maritime de 1992, l’inscription n’était qu’une
condition d’opposabilité aux tiers pour l’hypothèque de navire civil.
La LS de 1995 fixait complètement, pour la première fois, le régime de
l’inscription hypothécaire. S’agissant du régime d’inscription d’hypothèque
mobilière, elle établissait ainsi un système dualiste: pour une hypothèque
portant sur « les biens spéciaux » énumérés par l’article 42, y compris les
aéronefs, les navires, les voitures, les équipements et d’autres biens mobiliers
d’entreprise, l’inscription était une condition de validité du contrat
d’hypothèque (inscription-validité). Pour une hypothèque portant sur les autres
meubles en revanche, l’inscription hypothécaire n’était requise que pour son
opposabilité aux tiers (inscription-opposabilité). Cependant, l’application du
principe selon lequel « le droit spécial prime le droit commun »167, veut que
l’inscription des aéronefs et des navires civils soit requise à peine
d’inopposabilité aux tiers.
167
Ici, le droit spécial s’agit de l’article 13 de la Loi sur le commerce maritime, des
articles 2 et 6 de la Réglementation sur l’inscription des navires, et de l’article 16 de la Loi
sur l’avion civile.
172
Chapitre II – Le gage sans dépossession
Ce régime dualiste a finalement été modifié par la LDR de 2007. Selon les
articles 188 et 189 de cette loi, le droit d’hypothèque portant sur les biens
suivants prend effet juridique dès que le contrat hypothécaire est valablement
constitué:
--- les machines de production, les matières premières, les produits
semi-finis et les produits finis ;
--- les navires ou aéronefs qui sont en cours de construction ;
--- les véhicules.
La seule solennité exigée pour que le contrat soit valablement constitué,
est qu’il soit conclu sous forme écrite. L’inscription n’est plus une condition de
validité de l’hypothèque, mais une condition d’opposabilité aux tiers.
L’hypothèque ne peut être opposable aux tiers qu’à partir de l’inscription.
312. L’inscription fixe le rang des créanciers hypothécaires sur un même
bien (art. 199, LDR): les créanciers hypothécaires inscrits prennent rang en
fonction de l’ordre d’inscription ; si l’ordre est identique, ils sont payés au marc
le franc. Les créanciers hypothécaires inscrits priment les créanciers non
inscrits. Pour les gages valables sans inscription, les créanciers sont payés au
marc le franc.
313. La question se pose néanmoins de savoir qui est chargé de
l’inscription mobilière? Concernant les moyens de transport, la LS prévoit que
l’inscription doit être requise auprès des organes administratifs chargés de
l’immatriculation et de la gestion de ces biens. Par exemple, l’inscription
d’hypothèque des aéronefs civils se fait auprès du département aéronautique ;
celle des bateaux civils aux départements de gestion de transport par eau ; celle
des voitures aux départements de police, etc. S’agissant de l’hypothèque des
équipements et d’autres biens mobiliers d’entreprise, ce sont les bureaux
administratifs locaux de l’industrie et du commerce du ressort du siège des
biens grevés qui sont chargés de l’inscription. Si un bien mobilier est
173
Chapitre II – Le gage sans dépossession
hypothéqué par une personne ou une association, son inscription doit être faite
auprès de l’établissement notarial du domicile du constituant. La LS attribuait
la compétence de l’inscription aux établissements notariaux car ces derniers
faisaient alors partie des organes administratifs. Aujourd’hui, ce ne sont plus
des organes administratifs et certains juristes proposent de les priver de cette
compétence. Cependant, considérant qu’il n’existe pas d’autre organe
administratif en charge de ce type d’inscription, la LDR maintient ce régime.
En bref, seul l’organe administratif ayant réalisé l’immatriculation
originale du bien grevé a compétence pour procéder à l’inscription
hypothécaire sur ce bien. A défaut, c’est l’établissement notarial du domicile du
constituant qui est chargé de l’inscription.
314. Ainsi, cette « diversité » des organes chargés de l’inscription
constitue le problème principal et apporte désordre et inefficacité dans les
inscriptions hypothécaires mobilières.
En effet, la première difficulté réside dans le fait qu’il existe plusieurs
organes d’inscription appartenant à différentes administrations qui ont
elles-mêmes défini par arrêtés les règles d’inscription. Ces règles ont donc des
sources différentes et leurs contenus sont souvent divergents voire
contradictoires.
En second lieu, la division du travail entre ces organismes est délicate et
quelque peu équivoque. Par exemple, l’organe d’inscription du secteur du
transport se divise même en différents départements, tels que l’aéronautique,
l’agriculture, la police, les chemins de fer, ou encore l’eau. Ainsi, quel est
l’organe chargé de l’inscription d’un véhicule terrestre principalement utilisé
pour l’agriculture? Il arrive souvent que les intéressées ne sachent ni auprès de
quel organe doit se faire l’inscription et ni même que les organes d’inscription
requièrent l’inscription du bien grevé.
174
Chapitre II – Le gage sans dépossession
En dernier lieu, les coûts d’hypothèque mobilière sont très élevés. Ils
varient selon les organes et les régions. Mais dans la plupart des cas, les frais
d’inscription pesant sur les charges des parties ne sont pas calculés à la pièce,
mais proportionnellement à la valeur du bien grevé. De plus, il n’est pas facile
pour les tiers intéressés de consulter les registres hypothécaires. En effet, d’une
part, la consultation est payante 168 , d’autre part, les organes chargés de
l’inscription agissant comme des administrateurs contrôlent sévèrement
l’identité des personnes qui souhaitent consulter les registres sous prétexte de
protéger les informations personnelles relatives aux parties hypothécaires169.
315. En pratique, force est de constater que les difficultés de la publicité
ont pour effet de limiter les effets positif de l’hypothèque mobilière. La LDR
aurait du être une bonne occasion d’améliorer ce régime, mais cela n’a
malheureusement pas été le cas, du fait des résistances issues des coalitions
visant à maintenir les avantages acquis. Le régime relatif aux organes
d’inscription persiste encore. En effet, les chercheurs et les praticiens sont
parvenus à un consensus pour l’établissement d’un organe unificateur
indépendant de l’administration chargé de l’inscription. Pour promouvoir
l’application des hypothèques, le législateur chinois a décidé d’établir le plus
tôt possible un régime d’inscription des droits réels qui s’inscrit dans
l’évolution constatée au plan internationale.
b. L’hypothèque mobilière flottante – une sûreté mobilière
spéciale
316. La « floating charge », crée par le droit anglais, est une institution
ayant une grande influence tant dans les systèmes juridiques de commun law
168
Bureau de droit civil de la Commission du travail législative du CAPN, Référence
relatives au Projet de Loi sur les droits réels, Éd. de démocratie et droit de Chine, juillet
2005, p.115 -118.
169
LI Shigang, op. cit., p. 342-343.
175
Chapitre II – Le gage sans dépossession
que dans les systèmes juridiques de droit civiliste170. Elle offre à son constituant
une voie pour obtenir des financements et ne nécessite pas la dépossession du
bien grevé. La LDR de 2007 a finalement introduit en droit chinois cette
institution baptisée « hypothèque flottante» (art. 181, LDR).
317. Considérant, d’une part que cette institution provient du droit anglais,
d’autre part que les juristes chinois ont souvent l’habitude de se référer au droit
civil japonais, notamment sur les problèmes concernant les droits réels171, il est
donc signifiant d’envisager l’hypothèque flottante en droit chinois par
comparaison avec ses équivalents en droit anglais et en droit japonais.
318. Quant au constituant de l’hypothèque flottante, le droit anglais
stipule expressément que seules des sociétés ayant la qualité de personne
morale peuvent être le constituant de la floating charge. Le droit japonais
permet uniquement aux sociétés anonymes de constituer l’hypothèque flottante
afin de garantir leurs obligations sociales émises (art. 1 de la Loi sur la sûreté
réelle grevant l’entreprise). Mais en pratique, comme les sociétés peuvent
émettre des obligations sans besoin de garantie, elles utilisent rarement cette
sûreté. En revanche, d’autres entreprises souhaitant d’en user pour leur propre
financement sont écartées par la loi. L’hypothèque flottante est plutôt une
décoration qu’une institution fréquemment utilisée.
Le constituant d’hypothèque flottante en droit chinois s’étend à trois
catégories de personnes – entreprise (tout type d’entreprise), commerçant
indépendant (ge ti gong shang hu/个体工商户) ou exploitant agricole (art. 181,
170
Frédérique DAHAN, La floating charge dans les rapports internationaux de droit
privé – essai sur la reconnaissance d’une institution étrangère, Thèse Paris I, 1995, p. 212
et s.
171
En ce qui concerne l’hypothèque flottante, elle «résultait originellement des études sur
le droit japonais des sûretés plutôt que de l’influence directe de commun law», v. LI
Shigang, op. cit., p. 305. V. également, LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.
337-340 : dans la partie consacrée à l’hypothèque flottante, tous les ouvrages cités sont
ceux des auteurs japonais.
176
Chapitre II – Le gage sans dépossession
LDR) ; ceci peut s’expliquer par l’objet du législateur de faciliter le
financement des petites et moyennes entreprises et des agriculteurs172. Mais,
cette extension suscite des vives critiques sur le plan doctrinal car elle
augmente le risque du créancier garanti à cause du changement assez facile de
capital et du régime relativement lâche des comptabilités des entreprises autres
que les sociétés173.
319. En ce qui concerne l’assiette de l’hypothèque flottante, tant en droit
anglais qu’en droit japonais, les biens susceptibles d’être l’objet de cette sûreté
sont constitués de l’ensemble des biens appartenant à la société constituante au
moment de l’exécution de la sûreté174. Mais, selon la disposition de l’article
181 de la LDR chinoise, seuls des machines de production, les matières
premières, les produits semi-finis et les produits finis sont susceptibles d’être
l’assiette de l’hypothèque flottante. Les immeubles et les biens incorporels
(actions, obligations, propriétés intellectuelles etc.) du constituant sont ainsi
exclus. Cette restriction déraisonnable détourne sans aucun doute le régime et
la valeur initiale de cette sûreté; elle est fortement critiquée par la doctrine
chinoise. Parce que les immeubles et les biens incorporels revêtent toujours une
grande valeur, s’ils constitueraient aussi l’assiette de cette hypothèque (avec
des meubles précités), les intérêts du créancier pourraient sûrement être mieux
172
La section du droit civile de la Commission des affaires juridiques de la Comite
permanent de l’APN, Explications, motifs législatifs et règlements relatifs des articles de la
LDR de la RPC, Éd. de l’Université de Pékin, 2007.
173
LIANG Huixing, Il ne faut pas aveuglément d’instaurer l’hypothèque mobilière
flottante, www.civillaw.com.cn/wqf/weizhang.asp?id=24443 ; WANG Jianzhong, Etudes
sur le régime d’hypothèque mobilière flottante, www.fl168.com/Lawyer10124/View/
140245/.
174
XU Donggen, La contribution de la jurisprudence anglaise au développement de la
floating charge, in Droit, 2003, VII, p. 110. V. également l’article 2 de la Loi japonaise
sur la sûreté réelle grevant l’entreprise.
177
Chapitre II – Le gage sans dépossession
protégés175. A fortiori, les régimes de la publicité des immeubles et des biens
incorporels, notamment des actions, obligation, propriété intellectuelle, sont
relativement parfaits par rapport à celui des meubles corporels.
320. Quant aux conditions formelles de la constitution de cette sûreté, le
droit anglais exige seulement que l’intention de la constitution de cette sûreté
soit expressément exprimée, par écrit ou par oral. De plus, la sûreté doit être
inscrite auprès de l’organe chargé de l’inscription pour avoir l’opposabilité aux
tiers176. En droit japonais, la sûreté doit être conclue par un acte notarié, et doit,
à peine de nullité, être inscrite sur le registre des sociétés anonymes du lieu du
siège de la société émettrice (art. 4 de la Loi sur la sûreté réelle grevant
l’entreprise). En droit chinois, l’hypothèque flottante doit être conclue par écrit
(art. 181, LDR) et, doit, à peine d’inopposabilité aux tiers, être inscrite sur le
registre auprès du bureau de l’industrie et du commerce dont dépend le
domicile ou le siège du constituant (art. 189, LDR). La divergence des trois
systèmes juridiques sur ce point peut simplement s’expliquer par les différentes
traditions juridiques.
321. S’agissant de la cristallisation, elle est la clé de l’hypothèque
flottante. Elle termine la situation flottante de cette sûreté et, la concrétise en
biens déterminés. Elle est donc la condition préalable de l’exécution de cette
sûreté. En droit anglais, il y a trois causes prévues qui peuvent aboutir à la
cristallisation des biens hypothéqués: la cessation de l’activité sociale (telles
que la dissolution et la liquidation de la société) ; sous l’autorisation judiciaire,
l’intervention du créancier en cas de l’insolvabilité du constituant pour
175
LIANG Huixing, Il ne faut pas aveuglément d’instaurer l’hypothèque mobilière
flottante, http://www.civillaw.com.cn/wqf/weizhang.asp?id=24443 ; WANG Jianzhong,
Etudes sur le régime d’hypothèque mobilière flottante, http://www. fl168.com/Lawyer
10124/View/140245/ ; CHEN Chi, MIN Bo, Cherches des défauts et des imperfections du
régime de l’hypothèque flottante en droit chinois, http://www.chinacourt.org/
html/article/200908/06/368472.shtml.
176
REN Qing, De la floating charge en droit anglais, http://www.civillaw.com.cn/Article/
default.asp?id=8376.
178
Chapitre II – Le gage sans dépossession
sauvegarder l’entreprise constituante (l’exemple par excellent est la désignation
du receiver) ; les autre causes convenues. Parmi celles-ci, l’intervention du
créancier est le régime le plus important pour la protection des intérêts du
créancier hypothécaire. En droit japonais, cette sûreté ne peut être cristallisée
que par voie juridique (art. 2, al. 1 de la Loi sur la sûreté réelle grevant
l’entreprise), ce qui entraîne la désignation du receiver (régisseur des biens
hypothéqués). Elle aboutit à la vente globale de l’entreprise ou seulement de
certains biens.
L’article 196 de la LDR chinoise prévoit quatre causes de la cristallisation
de l’hypothèque flottante : le non acquittement de la créance garantie à
l’échéance ; la déclaration de faillite ou la dissolution du constituant ;
l’apparition de cas convenus par les parties ; la réalisation d’autres cas
menaçant fortement la réalisation de la créance garantie (art. 196, LDR). Mais,
le droit chinois n’a pas instauré le régime de la désignation du régisseur des
biens hypothéqués comme le droit anglais et japonais. Puisque, extérieurement,
la dernière cause énumérée par l’article 196 de la LDR correspond à la
désignation du régisseur des biens hypothéqués qui n’aura lieu qu’en cas de
menaces graves pour la réalisation de la créance garantie, et, tous deux causent
la cristallisation de l’hypothèque. De plus, la limitation de l’assiette de cette
sûreté à une partie des biens (quatre catégories de meubles) du constituant ne
justifie pas l’intervention du créancier à l’opération du constituant. Mais nous
avons exposé que la limitation devrait être écartée dans la réforme future. Pour
l’essentiel, le régime du régisseur des biens hypothéqués équilibre les intérêts
du constituant pour sa sauvegarde et son redressement et les intérêts du
créancier, alors que l’arrangement de la LDR ne revêt pas cet avantage.
322. Enfin, le créancier garanti par cette sûreté bénéficie du droit de
préférence dans les trois systèmes juridiques. Simplement, l’efficacité de ce
droit n’est pas tout à fait pareille. En droit anglais, parmi les floatings charges,
179
Chapitre II – Le gage sans dépossession
la date d’inscription fixe le rang du droit de préférence ; entre la floating charge
et la sûreté disant fixe, la dernière prime toujours la première. En droit japonais,
le droit de préférence du créancier garanti n’est opposable qu’à l’égard des
créanciers chirographaires ; mais il est primé par les autres créanciers
bénéficiaires de sûretés réelles, même s’ils sont inscrits après l’inscription de
l’hypothèque flottante (art. 7 de la Loi sur la sûreté réelle grevant l’entreprise).
Alors qu’en droit chinois, la loi chinoise n’y consacre aucune disposition
spéciale. Mais, en vertu de la structure législative de la LDR, il est logique que
le rang se fixe selon la disposition de l’article 199 : l’ordre d’inscription
détermine le rang du droit de préférence des hypothèques, qu’elle soit
hypothèque flottante ou hypothèque normale. Le créancier garanti par
l’hypothèque flottante est ainsi mieux protégé que les créanciers dans les deux
situations précitées.
323. En outre, l’hypothèque flottante n’empêche pas la libre disposition
des biens hypothéqués du constituant avant sa cristallisation, les biens
normalement vendus se dégagent de la charge hypothécaire177. C’est l’avantage
le plus remarquable de cette sûreté et, c’est le point commun des trois systèmes
juridiques.
§II – Les sûretés mobilières sans dépossession de droits spéciaux
324. Il est regrettable que la réforme de 2006 n’ait pas unifié les
différentes formes du gage. Les règles de droit commun du gage de meubles
corporelles se combinent avec les applications spéciales prévues en matière
commerciales et avec celles inscrites dans le Code civil relatives au gage
automobile.
177
Sur ce point, le droit chinois met l’accent sur le prix raisonnable des biens vendus (art.
189, al. 2, LDR).
180
Chapitre II – Le gage sans dépossession
A. Les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des
moyens de transport
325. Rappelons que le droit français distingue les sûretés mobilières sans
dépossession portant sur des véhicules terrestres des celles portant sur des
moyens de transport nautiques ou aériens, en qualifiant les premières de gages
et les dernières d’hypothèques.
326. Le régime du gage de véhicules terrestres, résultant d’une loi de
1934 et d’un décret de 1953, a été intégré par l’ordonnance du 23 mars 2006
dans le Code civil aux articles 2351 à 2353 nouveaux, et a été l’occasion d’une
simplification de ce régime178. Aujourd’hui, tout véhicule terrestre à moteur,
ainsi que ses remorques, peut constituer l’assiette de ce gage. En outre, les
bénéficiaires ne sont plus réservés à certaines personnes. Comme en droit
commun, le gage de véhicule peut garantir toute créance. La seule solennité du
gage est que le contrat soit rédigé par écrit. La déclaration n’est qu’une
condition d’opposabilité aux tiers et doit être faite à la préfecture qui a délivré
la carte grise. La préfecture doit délivrer au créancier gagiste un reçu de la
déclaration qui est considéré comme le titre de la dépossession du véhicule
grevé. Cette dépossession est fictive qui confère au créancier gagiste le droit de
rétention et le droit de suite. Néanmoins, le débiteur étant le détenteur réel de la
chose grevée, l’obligation de conservation de la chose lui incombe, en
contrepartie de quoi il peut en user ou jouir. Ce gage est donc en réalité un gage
sans dépossession qui peut être réalisé par les voies prévues par le droit
commun.
327. A la différence du gage des véhicules terrestres régi par le code civil,
les hypothèques portant sur les véhicules fluviaux, maritimes et aériens relèvent
de lois spéciales.
178
Dominique LEGEAIS, Le nouveau droit du gage automobile, JCP E 2007, 1482.
181
Chapitre II – Le gage sans dépossession
La première, dont l’assiette est constituée par des bateaux (existants ou en
construction) de navigation intérieure jaugeant plus de 20 tonneaux, a reçu en
pratique le nom d’hypothèque fluviale (art. 95 du Code du domaine public
fluvial et de la navigation intérieure). Selon la théorie générale de sûretés
réelles, il est exigé que les parties de l’hypothèque (le créancier et le constituant)
soient capables et que le constituant soit propriétaire du bateau grevé. La
créance garantie peut être présente ou future, mais cette hypothèque ne garantit
au même rang que le capital et trois ans d’intérêts en plus de l’année courante
(art. 107 du même code). Elle doit aussi être constatée, à peine de nullité, par
écrit (acte sous seing privé ou acte authentique). Ce titre constitutif
d'hypothèque peut être à ordre et, dans ce cas, sa négociation par voie
d'endossement emporte la translation du droit hypothécaire (art. 96 du même
code). En simplifiant la formalité de la libre négociation, cette disposition
renforce considérablement le caractère attractif de cette sûreté. Pour être
opposable aux tiers, elle doit être inscrite sur un registre tenu au greffe du
tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué. Elle
confère au créancier bénéficiaire le droit de préférence et le droit de suite.
Néanmoins, elle ne lui confère aucun droit de rétention. Dans ce cas là, afin de
renforcer l’efficacité de cette sûreté, la loi sanctionne « tout fait tendant à
détourner frauduleusement un bateau grevé d’une hypothèque régulièrement
inscrite » par les peines prévue en cas de l’abus de confiance179.
L’hypothèque maritime, crée en 1874, est aujourd’hui régie par la loi du 3
janvier 1967. Tous les bâtiments de mer présents ou en construction
immatriculés auprès de l’administration des douanes, quel que soit leur tonnage,
peuvent être hypothéqués. Mais l’hypothèque de flotte portant sur l’ensemble
des bâtiments de mer appartenant à un même propriétaire n’est pas autorisée180.
179
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 637.
180
Yves PICOD, op. cit., p. 349 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 635.
182
Chapitre II – Le gage sans dépossession
Comme toute sûreté réelle conventionnelle, l’hypothèque maritime doit être
constituée, à peine de nullité, par écrit. Comme l’hypothèque fluviale, le titre
constitutif d'hypothèque à ordre peut être négocié par voie d'endossement qui
emporte la translation d’hypothèque (art. 53, Loi du 3 janvier 1967). Elle n’est
opposable aux tiers qu’à partir de sa publication sur un registre spécial tenu par
les conservateurs des hypothèques maritimes dans la circonscription duquel se
trouve le port d'attache du navire. Cette hypothèque ne garantit au même rang
que le capital et deux ans d’intérêts en sus de l’année courante (art. 52 de la
même loi). Elle confère au créancier garanti le droit de préférence et le droit de
suite.
L’hypothèque aérienne est réglementée par le Code de l’aviation civile (art.
L. 122-1 et s.)181. Comme son homologue fluvial, elle doit aussi être constatée
par écrit, à peine de nullité de l’acte et, elle garantit au même rang que le
capital trois ans d’intérêts en sus de l’année courante. A peine d’inopposabilité
aux tiers, elle doit être inscrite sur le registre de l’immatriculation de l’aéronef
tenu par la Directions générales de l'Aviation civile (art. L. 122-7, Code de
l’aviation civile). Les créanciers inscrits bénéficient aussi du droit de
préférence et du droit de suite.
328. Cependant, en droit chinois, toutes les sûretés sans dépossession
portant sur des véhicules, qu’ils soient véhicules terrestres, nautiques ou
aériennes, sont qualifiées d’hypothèques (art. 180, LDR).
Le régime de l’hypothèque des véhicules terrestres est aujourd’hui régi par
la LDR et les Règles de l’inscription des véhicules à moteur (promulguées par
le Ministère de la Sécurité publique en 2008). Tout véhicule terrestre à moteur
peut constituer l’assiette de cette hypothèque. Comme l’hypothèque de droit
181
Cette hypothèque est introduite par la Loi du 31 mai 1924.
183
Chapitre II – Le gage sans dépossession
commun, elle peut garantir toute créance. Ainsi, tout créancier peut être
bénéficiaire de celle-ci. La seule solennité exigée est que le contrat soit conclu
par écrit. L’inscription n’est qu’une condition d’opposabilité aux tiers et qu’elle
doit être réalisée à la demande commune du constituant propriétaire de véhicule
hypothéqué et du créancier bénéficiaire, auprès de l’organe dans le ressort
duquel est immatriculé le véhicule grevé. Ces dispositions sont en conséquence
très proches de celles du droit français. En revanche, alors qu’en France la
préfecture française qui a reçu l’inscription est chargée de la délivrance au
créancier bénéficiaire d’un reçu de la déclaration du gage, en droit chinois,
l’organe chargé de l’inscription ne délivre rien : il indique simplement le
contenu et la date de l’inscription hypothécaire sur le registre des véhicules.
C’est pourquoi le créancier gagiste de cette sûreté en droit français bénéficie du
droit de suite immédiatement, alors que ce n’est pas le cas en droit chinois.
Comme l’hypothèque de droit commun, l’obligation de conservation du bien
grevé incombe au constituant et, ce dernier peut donc faire user ou jouir de la
chose ; le créancier garanti bénéficie de tout droit conféré au créancier garanti
par l’hypothèque de droit commun.
Quant à l’hypothèque portant sur des bateaux, il faut distinguer les bateaux
de navigation intérieure des bateaux maritimes.
L’hypothèque portant sur les premiers doit répondre aux dispositions de la
LDR, alors que celle sur ces derniers est régie par la Loi sur le commerce
maritime (LCM). La première hypothèque peut porter sur des bateaux existants
ou en construction, de tout tonnage. La LDR n’y consacre qu’un seul article
(art. 188, LDR) relatif à son inscription : celui-ci stipule que, pour être
opposable aux tiers, l’hypothèque doit être inscrite (auprès de l’organe charge
de l’inscription hypothécaire du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué.),
à la demande commune du constituant et du créancier. A l’exception de cette
disposition, c’est l’ensemble du droit commun de l’hypothèque mobilière qui
184
Chapitre II – Le gage sans dépossession
s’applique à cette hypothèque. A la différence du droit français, il n’est donc
pas prévu de limite pour les intérêts garantis, pas d’avantage de possibilité de la
négocier par endossement. Enfin, le créancier garanti ne bénéficie que du droit
de préférence.
A la différence du système juridique français dans lequel tout bâtiment de
mer présents ou en construction dès lors qu’il est immatriculé peut être l’objet
d’une hypothèque, en droit chinois (art. 3 et 11, LCM), seuls les bateaux
maritimes civils jaugeant de plus de 20 tonnages (présents ou en construction)
peuvent être hypothéqués. La question se pose cependant de savoir si les
bateaux inferieurs à 20 tonneaux peuvent constituer l’assiette de cette
hypothèque? La LCM ne répond pas à cette question. Mais, selon les articles 24,
180 et 188 de la LDR, ces navires peuvent également être hypothéqués et sont
donc soumis aux mêmes règles de l’hypothèque portant sur les bateaux de
navigation intérieure. S’agissant de l’hypothèque de flotte, aucune loi ne
l’ayant pas prévue, elle est donc considérée comme étant interdite. En tant
qu’une sûreté réelle conventionnelle, l’hypothèque portant sur des bateaux
maritimes doit être constituée, à peine de nullité, par écrit. Mais, aux termes de
l’article 11 de la LCM, seuls le débiteur peut être constituant de cette sûreté ; en
conséquence, un tiers ne put être constituant. Cette limite suscite des critiques
de la doctrine, certains auteurs ayant n effet proposé de s’aligner sur les
dispositions relatives de la LS en ouvrant la possibilité aux tiers d’être
constituant182. Cette opinion est plus ou moins représentative de la tendance qui
pourrait présider à la future reforme de la LCM. Comme les autres hypothèques
mobilières, l’hypothèque portant sur des bateaux maritimes doit aussi, à peine
d’inopposabilité aux tiers, être inscrite à la demande commune du constituant et
du créancier sur un registre tenu par l’organe compétent. L’ordre d’inscription
182
SI Yuzhuo, HU Zhengliang, Des propositions, des références et des n.s pour la
modification de la LCM, Éd. de l’Université maritime de Dalian, 2003, p. 2 ; LIANG
Yuxian, Droit commercial, Éd. de l’Université du peuple de Chine, 2004, p. 341.
185
Chapitre II – Le gage sans dépossession
détermine le rang des créanciers. Comme l’hypothèque portant sur les bateaux
de navigation intérieure, elle ne confère au créancier garanti que le droit de
préférence.
Par analogie au régime des hypothèques fluviale et maritime, la Loi sur
l’aviation civile prévoit que seuls les aéronefs civils peuvent être l’objet
d’hypothèque. L’hypothèque aérienne doit également être constatée par écrit, à
peine de nullité de l’acte. A peine d’inopposabilité aux tiers, elle droit être
inscrite, à la demande commune du constituant et du créancier, sur le registre
de l’aéronef tenu par l’Administration générale de l’aviation civile (art. 16, Loi
sur l’aviation civile). Les créanciers inscrits bénéficient seulement du droit de
préférence.
B. Le gage du matériel et de l’outillage
329. Créé par une loi de 1951 pour faciliter le renouvellement du matériel
professionnel, le régime juridique de ce type de gage s’apparentait à la foi à
celui du gage et à celui de l’hypothèque. Mais la réforme de 2006 le qualifie
désormais de gage. Aujourd’hui, le bénéfice de ce gage est réservé au vendeur
ou au prêteur des deniers ayant permis le financement du bien par l’acheteur
(art. L.525-1, C. com.). N’importe quel débiteur peut constituer ce gage qui ne
peut cependant garantir que la créance du prix d’acquisition du matériel ou
celle du prêt ayant permis son financement. Le but législatif est donc bien
évident : financer le rajeunissement des installations des producteurs.
330. Tout outillage et matériel d’équipement professionnel par sa
destination, qu’il soit d’occasion ou neuf, peut constituer l’assiette de ce gage.
Sont toutefois écartés certains biens sur lesquels une sûreté sans dépossession a
été spécialement aménagée : les véhicules terrestres ; les navires de mer et les
bateaux de navigation intérieure ; les aéronefs, ainsi que les marchandises (art.
L. 525-18, C. com.).
186
Chapitre II – Le gage sans dépossession
331. Pour que le gage soit valablement constitué, il faut qu’il soit consenti
par un acte authentique ou un acte sous seing privé enregistré, conclu dans le
délai de deux mois à compter du jour de la livraison du matériel sur les lieux où
il devra être installé (art. L. 525-3, al. 1er, C. com.). Il devra aussi être publié, à
peine de nullité et d’inopposabilité, au greffe du tribunal de commerce dans les
quinze jours à compter de la date de l’acte constitutif. Cette inscription
conserve le droit de préférence pendant cinq ans ; ce droit est renouvelable
deux fois et qui s’étend au capital assorti de deux ans d’intérêts de la créance
garantie.
332. En outre, le créancier peut exiger que les biens grevés soient revêtus
d’une plaque fixée à demeure indiquant le lieu, la date et le numéro
d’inscription du gage. Ce droit du créancier est facultatif et son absence
n’affecte pas la validité du gage, mais sans cette plaque, le créancier gagiste ne
bénéficie pas du droit de suite.
333. Ne réalisant pas la dépossession des biens grevés, l’obligation de
conservation incombe donc au débiteur qui ne peut conclure aucun acte de
disposition sur les biens grevés, sans le consentement préalable du créancier ou
une autorisation de justice. À défaut de paiement à l’échéance, le créancier
gagiste bénéficie du droit de préférence, du droit de suite limité lié à la
publicité du gage, mais il ne jouit d’aucun droit de rétention183. Il peut réaliser
son gage en faisant procéder à la vente publique ou en se le faisant attribuer en
paiement des biens grevés.
334. En droit chinois, les matériels et des outillages peuvent constituer
l’une des assiettes de l’hypothèque flottante (v. supra n° 319), ils peuvent aussi
constituer l’assiette de l’hypothèque ordinaire (art. 180 et 181, LDR). Dans ce
dernier cas, tout matériel et outillage du constituant présent ou futur peut faire
183
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 617.
187
Chapitre II – Le gage sans dépossession
l’objet de l’assiette de cette hypothèque, sauf ceux qui sont spécialement visés
par un autre dispositif législatif, tels que les véhicules.
335. Il demeure cependant une ambiguïté sur le constituant de cette
hypothèque. En effet, aux termes de l’article 181 de la LDR, seules les
entreprises (tout type d’entreprise), les commerçants indépendants (ge ti gong
shang hu/个体工商户) et les exploitants agricoles (art. 181, LDR) peuvent être
constituants de l’hypothèque. Mais ce texte est majoritairement considéré
comme une disposition qui n’a trait qu’à l’hypothèque flottante184. Ce courant
doctrinal considère que l’hypothèque fixe portant sur des matériels et des
outillages n’a pas à répondre à ce texte. Elle serait donc soumise aux
dispositions régissant l’hypothèque mobilière ordinaire et, elle serait une quasi
hypothèque mobilière ordinaire. Ainsi, tout débiteur propriétaire des matériels
et des outillages peut constituer une hypothèque sur ces biens. Tout type de
créance peut être garanti par cette sûreté. L’hypothèque doit, à peine de nullité,
être constatée par écrit et à peine d’inopposabilité, être inscrite auprès du
bureau de l’industrie et du commerce dans le ressort du quel est situé le
domicile ou le siège du constituant. Le créancier garanti bénéficie du même
droit que le créancier garanti par une hypothèque mobilière ordinaire.
C. Le gage sur stocks
336. Ce gage sans dépossession en droit français peut garantir tout crédit
consenti par un établissement de crédit à une personne physique ou morale
professionnelle (art. L. 527-1, C. com.). Tous les stocks de matières premières
et d’approvisionnement, les produits intermédiaires, résiduels et finis, ainsi que
les marchandises appartenant au débiteur et estimées en nature et en valeur à la
date du dernier inventaire, peuvent être donnés en gage (art. L. 527-6, C. com.).
184
Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63 ;
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 340 ; YANG Hong, op. cit., p. 124.
188
Chapitre II – Le gage sans dépossession
Le contrat de gage contenant certaines mentions obligatoires doit être conclu
par écrit. De plus, ce type de gage est soumis à l’inscription-validité selon les
mêmes conditions de l’inscription du gage du matériel et de l’outillage. Ce qui
déroge au principe de la publicité-opposabilité du gage de droit commun.
337. Néanmoins, par dérogation au principe de l’indivisibilité des sûretés
réelles, les parties peuvent consentir que la part des stocks engagés diminue à
proportion du désintéressement du créancier (art. L. 527-8, C. com.).
338. Le constituant doit agir en bon père de famille pour conserver les
choses grevées. Il doit assurer les stocks contre les risques d’incendie et de
destruction (art. L. 527-6, C. com.). Il tient aussi à la disposition du créancier
un état des stocks engagés ainsi que la comptabilité de toutes les opérations les
concernant. D’ailleurs, il s’engage à ne pas diminuer la valeur des stocks de son
fait. Lorsqu’il y a une diminution de 20% de leur valeur, le créancier peut
mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la garantie, soit de rembourser
une partie des sommes prêtées en proportion de la diminution constatée. S’il ne
lui pas donné satisfaction, le créancier peut exiger le remboursement total de la
créance, considéré comme échu (art. L. 527-7, C. com.). Ce droit de demander
le complément du gage est un droit du créancier garanti par le droit commun en
droit chinois (v. supra n° 275). Il est évident que le législateur chinois et le
législateur français doivent mutuellement tirer partie de leur l’expérience
réciproque. Du côté chinois, il faut préciser ce qu’est la « diminution évidente ».
Comment évaluer la diminution de la valeur? A partir de quelle valeur peut-on
considérer qu’il y a une « diminution évidente »? Il n’y a rien à gagner mais
tout à perdre de laisser une ambiguïté sur ce point important. Du côté français,
cette mesure visant à protéger le créancier et à promouvoir le crédit devrait être
généralisé en droit commun de gage, notamment dans la situation difficile
comme aujourd’hui. Face à la crise financière, les valeurs des biens fluctuent
fortement et fréquemment. D’une part, les établissements de crédit et les
prêteurs des deniers sont circonspects et compriment leurs crédits pour éviter
189
Chapitre II – Le gage sans dépossession
les risques. D’autre part, le relèvement économique exige d’accroître les crédits
pour promouvoir la production et la consommation. Mais pour l’instant, la
sécurité des crédits est de première importance pour tous prêteurs des capitaux.
Il se peut que la consécration de ce droit soit une mesure effective pour
diminuer leurs risques et puisse promouvoir le développement des crédits.
339. Mais, ce gage n’empêche pas l’aliénation des biens grèves. Dans ce
cas là, la subrogation réelle permet de reporter le gage sur les choses qui
remplacent les stocks aliénés (art. L. 527-5, al. 2, C. com.).
340. Le créancier gagiste a, à tout moment et à ses frais, le droit de faire
constater l’état des stocks gagés (art. L. 527-5, al.3, C. com.). Il bénéficie aussi
du droit d’information nécessaire concernant les stocks engagés (art. L. 527-7,
C. com.). À défaut de paiement à l’échéance, il dispose des mêmes moyens de
réaliser son gage que les créanciers gagistes de droit commun, sauf le pacte
commissoire.
341. Alors qu’en droit chinois, le terme « stock » n’est pas utilisé par la
loi proprement dite. Il est en revanche définit par les Normes No 1 des
comptables d’entreprises promulguée par le Ministère des financements, qui
désigne en effet les mêmes choses qu’en droit français (art. 3 de la Norme No 1).
Tous les stocks peuvent faire l’objet de l’assiette de cette hypothèque.
342. Comme des matériels et des outillages, des stocks peuvent aussi être
l’une des assiettes de l’hypothèque flottante (v. supra n° 319), ou être l’assiette
de l’hypothèque ordinaire (art. 180 et 181, LDR). Dans ce dernier cas, il existe
donc la même ambiguïté relative au constituant comme en cas d’hypothèque
des matériels et des outillages. Étant donné qu’aucune loi spéciale ne la prévoit,
cette sûreté est soumise aux règles de l’hypothèque mobilière de droit commun.
La solution devrait être la même que pour cette dernière. Autrement dit, tout
débiteur propriétaire des matériels et des outillages peut constituer une
hypothèque sur eux. Tout type de créance peut être garanti par cette sûreté.
190
Chapitre II – Le gage sans dépossession
L’hypothèque doit, à peine de nullité, être conclue par écrit et, à peine
d’inopposabilité, être inscrite. Le créancier garanti bénéficie du même droit que
le créancier garanti par une hypothèque mobilière ordinaire.
343. Ce qui nous rappelle qu’en droit français, on peut aussi constituer un
gage sans dépossession selon les règles du gage de droit commun sur un
ensemble de biens présents ou futurs, donc sur des stocks. Et, son régime est
plus souple que le gage spécial sur des stocks. Alors, on se demande quel rôle
jouera ce dernier gage en droit français 185 . Est- il vraiment nécessaire de
consacrer une sûreté spéciale qui soumet au régime spécial et qui a atténué le
succès de la reforme de 2006, alors qu’elle peut être couverte par le droit
commun?
344. Il existe aussi un autre gage spécial -- le warrant. Il s’agit d’un gage
pour lequel le constituant n’a pas à mettre son créancier en possession effective
des éléments gagistes de leur exploitation. C’est un gage propre aux
professionnels. Il peut porter sur les marchandises. Il peut être agricole,
commercial, industriel ou pétrolier. Cependant, ce type de gage est rarement
utilisé en pratique tant en droit français qu’en droit chinois. Il ne sera donc pas
utile de l’approfondir dans la présente thèse.
185
Yves PICOD, op. cit., p. 294 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 624.
191
Titre II – Le nantissement de meubles incorporels
345. L’article 2355 du Code civil dispose expressément que « le
nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble
incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ».
Grâce à la réforme de 2006, les sûretés sur les meubles incorporels sont
aujourd’hui regroupées dans une seule catégorie. Cependant, l'unité de cette
notion n’implique pas forcément l’unification des régimes qui y sont rattachés.
Ceux-ci restent encore assez complexes et hétérogènes en raison de la diversité
de la nature de l’assiette du nantissement.
Le législateur chinois emploie le terme de « gage de droits » pour désigner
le « nantissement » au sens du droit français ; dans les textes suivants, nous
employons les termes de « gage de droits » et de « nantissement » dans un
même sens.
346. Pour être l’objet d’un nantissement, les meubles incorporels (les
droits selon la législation chinoise) doivent être des droits patrimoniaux
aliénables. La LDR pose expressément ces deux exigences. Les droits
extrapatrimoniaux, comme le droit de la personnalité et le droit au nom, ne
peuvent pas être gagés car ils n’ont pas de valeur économique. Les droits
inaliénables ne peuvent pas non plus faire l’objet d’un nantissement ; c’est le
cas des droits inaliénables par nature (par exemple, le droit de succession,
l’obligation alimentaire réciproque entre ascendants et descendants), des droits
inaliénables convenus par les parties, des droits non saisissables (le droit à la
pension de retraite, etc.) et des droits interdits de cession, de saisie ou de gage
en vertu de lois spéciales, etc.. En effet, en cas de non-paiement de la créance
garantie, la réalisation du nantissement aboutit éventuellement au transfert de la
créance nantie.
192
Le Code civil français est tacite sur ces points. Il ne mentionne que les
« meubles incorporels », mais il est tout logique que l'objet d'un nantissement
soit un droit patrimonial et aliénable en droit français.
347. Le Code civil français n’énumère pas les droits susceptibles d’être
nantis et n’unifie pas leurs régimes. Le chapitre consacré au nantissement de
meubles incorporels ne précise pas ce que recouvre cette notion car il ne traite
que du nantissement de créances. Les autres nantissements de meubles
incorporels sont soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues
pour le gage de meubles corporels (art. 2355, al. 4 et 5, C. civ.). Cette méthode
législative est singulière, car les termes de « gage » et de «nantissement »
touchent des assiettes bien différentes : l’assiette du gage est corporelle, celle
du nantissement est incorporelle186. S’il n’existe aucun nantissement autre que
le nantissement de créance et les nantissements réglés par lois spéciales, le
renvoi posé à l’article 2355 n’apporte donc aucun sens. S’il existe d’autres
nantissements autres que le nantissement de créance et les nantissements réglés
par lois spéciales, et si le même régime du gage de droit commun s’y applique,
il nous semble qu’il n’est pas nécessaire de distinguer les deux catégories
indépendantes de sûretés mobilières dans le code. Il est plus logique et plus
simple d’employer un seul terme, gage ou nantissement, pour couvrir le gage et
le nantissement en droit positif. S’agissant du nantissement de créance et des
nantissements spéciaux, il suffit de les traiter comme une application spéciale
du droit commun. Cette approche ne posera aucun problème structurel et
logique. De plus, elle s’adaptera mieux à la tendance à l’unité qui caractérise le
développement des sûretés mobilières internationales. Instaurer plusieurs
régimes de sûretés mobilières est sans aucun doute un point regrettable
important de la réforme de 2006.
186
Marie-Élisabeth MATHIEU, Les nouvelles garanties de financement, EFE, 2007, p. 41.
193
348. Si cette situation en droit français relève plutôt d’un problème
technique inhérent à la structure du Code civil, il s'agit en droit chinois d’un
problème de fond. La LDR énumère avec précision sept catégories de droits
susceptibles d’être nantis : lettre de change, chèque, billet à ordre ; titre de
créance, livret d’épargne ; récépissé d’entrepôt, connaissement ; parts sociales
ou parts de fonds aliénables ; droits patrimoniaux aliénables des propriétés
intellectuelles ; effets à recevoir (ying shou zhang kuan/应收账款) ; droits
patrimoniaux susceptibles être nantis prévus par les lois ou décrets spéciaux.
Toutefois, cette loi ne compte que sept articles concernant le nantissement. Ces
dispositions sont évidemment insuffisantes pour une sûreté d’une telle
importance. C’est la raison pour laquelle son article 229 renvoie aux
dispositions du gage de droit commun, «à part les dispositions de la présente
section, le nantissement soumet également aux dispositions du gage situées
dans la première section du chapitre ». Malheureusement, deux types de sûretés
portant sur les assiettes de différentes natures soumettent au même régime, tout
comme le droit français. Le pire, c’est que le droit chinois maintient la
prohibition du pacte commissoire entravant la pratique du nantissement qui
aboutit souvent au transfert de la propriété du bien grevé.
349. De par la diversité des solutions offertes, les systèmes des
nantissements en droit français et en droit chinois sont l’un comme l’autre
d’une rare complexité.
Nous limiterons ici notre propos au nantissement de créance, qui constitue
le nantissement le plus emblématique des meubles incorporels, au nantissement
de compte d’instruments financiers et au nantissement de droits sociaux,
lesquels existent aussi bien en droit français qu’en droit chinois.
194
Chapitre I – Le nantissement de créance
Chapitre I – Le nantissement de créance
350. Le nantissement de créance est une sûreté assez complexe à deux
égards : d’une part, la créance nantie est incorporelle et sa possession est un
peu abstraite ; d’autre part, sa relation juridique est complexe car elle implique
une opération entre trois personnes – le créancier, le créancier et le débiteur de
la créance nantie. Il est à noter que le nantissement de créance recouvre une
notion assez distincte en droit français et en droit chinois. Nous l’analyserons
successivement par sa constitution et par ses effets.
Section I – La constitution du nantissement de créance
351. Pour constituer un nantissement de créance, certaines conditions de
forme et de fond sont à remplir.
§ I – Les conditions de fond
352. Est-ce que toute créance peut être donnée en garantie d’une créance ?
Si la réponse est négative, quel genre de créance peut l’être?
353. Le Code civil ne précise aucune condition de fond pour l’assiette du
nantissement. Toutefois, la créance nantie doit implicitement être patrimoniale
et aliénable. Autrement dit, toute créance disponible peut être nantie en droit
français. Il est possible notamment de donner en nantissement l’ensemble de la
créance nantie ou une fraction de celle-ci, si elle est divisible. Cette faculté
s’avère utile en matière de nantissement d’assurance-vie ou de police
d’assurance ; l’article L. 132-10 du Code des assurances autorise un tel
nantissement par renvoi exprès aux articles 2355 et suivants du Code civil187.
La créance présente ou future peut être nantie à la seule condition
d’assurer son individualisation. La créance future pouvant être l’assiette du
nantissement est explicitement visée aux articles 2355, alinéa 1 et 2356,
187
Marie- Élisabeth Mathieu, op. cit., p. 57.
195
Chapitre I – Le nantissement de créance
alinéa 3 du Code civil. Une créance future se définit comme une créance non
encore née mais dont les éléments permettant de l’identifier et d’assurer sa
naissance sont déterminés. La créance de prix d’un contrat de vente à terme est
l’exemple par excellence d’une créance future. En effet, l’article 2356, alinéa 3
stipule que « ...si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation
ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le
lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur
échéance ». Les éléments d’identification ne sont pas impératifs, les parties
sont libres de les déterminer. En pratique, il suffit que les créances puissent être
identifiées de quelque manière que ce soit. Dans cette hypothèse, le créancier
n’acquiert un droit sur la créance nantie qu’à la date de sa naissance (art. 2357,
C. civ.).
354. En droit chinois, la créance donnée en nantissement doit être
patrimoniale et aliénable. De plus, il faut distinguer les créances avec titre des
créances sans titre. Quant au nantissement de créance avec titre, il est soumis, à
défaut de dispositions spéciales, au régime du gage de droit commun. Quant au
nantissement de créance sans titre, la situation est beaucoup plus compliquée.
Afin de satisfaire les besoins des petites et moyennes entreprises et de
permettre l’épanouissement des activités bancaires de crédit, la LDR a instauré
un régime particulier du gage des effets à recevoir, suite aux demandes
pressantes des quatre banques commerciales d’État et de la banque centrale.
Issu de la comptabilité, le terme d’« effets à recevoir » est consacré par la LDR.
Mais les dispositions concernant ce gage sont trop simples : le gage ne prend
effet qu’une fois l’inscription faite auprès de l’organe de notation du crédit188,
le constituant ne peut transférer ses effets à recevoir après l’inscription, sauf
clause contraire (art. 228, LDR). L’article 4 des « Mesures d’inscription du
188
Il s’agit en effet du « centre d’administration de la notation du crédit » de la banque
centrale de Chine.
196
Chapitre I – Le nantissement de créance
gage des effets à recevoir » (promulguées le 30 septembre 2007 par la Banque
populaire de Chine) en donne la définition, stipulant que les effets à recevoir
désignent les droits à paiement, présents ou futurs, du créancier en fournissant
des marchandises, des services ou des équipements. Selon le texte, ils
comprennent : les créances résultant de la vente, telles que les créances de
vente de marchandises, de fourniture d’eau, d’électricité, de gaz, de chauffage
et d’autorisation de propriété intellectuelle, etc. ; les créances résultant de la
location mobilière ou immobilière ; les créances résultant de la fourniture de
services ; les péages de route, de pont, de tunnel, d’embarcadère etc. ; les
créances résultant de prêts ou d’autres crédits. En revanche, ils ne comprennent
pas en principe les créances portant sur les effets de commerce ou les autres
titres de valeur mobilière, lesquelles sont considérées comme des créances
normales. Le terme d’« effets à recevoir » est ainsi un terme assez ouvert, à tel
point que nous pouvons nous demander s’il existe des créances sans titre autres
que les effets à recevoir au sens de la LDR. Selon le principe du numerus
clausus, seuls les effets à recevoir peuvent faire l’objet du nantissement de la
créance normale en droit positif chinois, sans préjudice de l’existence ou non
de créances normales autres que les effets à recevoir.
§ II– Les conditions de forme
355. Il y a deux conditions de forme : l'une est l’écrit qui constate la
convention du nantissement, l'autre est la publicité du nantissement.
A. La seule formalité ad validitatem en droit français
356. Quant aux conditions de forme, la réforme de 2006 a introduit une
simplification à deux égards.
357. D’une part, l’acte authentique ou enregistré qui était requis
avant 2006 est remplacé par un acte sous seing privé ou authentique. Sur ce
point, le législateur a abandonné la formalité impérative et laisse une plus
grande place à l’autonomie de la volonté des parties : c’est à elles qu’il revient
197
Chapitre I – Le nantissement de créance
de choisir la forme de l’écrit. L’écrit demeure une condition ad validitatem d’un
nantissement de créance, qu’il porte sur la totalité ou une fraction de la créance
déterminé ou indéterminé : « à peine de nullité, le nantissement de créance doit
être conclu par écrit » (art. 2356, al. 1er, C. civ.). L’acte doit contenir la
désignation de la créance garantie et de la créance nantie (art. 2356, al. 2,
C. civ.). Si la créance est future, il doit contenir les éléments qui permettent de
la rendre individualisable : le débiteur, le montant de la créance ou son
évaluation, la date d’échéance ou bien la cause efficiente de la créance, etc. Dès
que cette seule formalité est remplie, le nantissement prend effet entre les
parties. Si le nantissement porte sur un objet particulier, tel qu'un compte
courant, l’article 2360 du Code civil le qualifie comme le nantissement du
solde du compte. L'objet visé est le « ... solde créditeur, provisoire ou définitif,
au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des
opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles
d'exécution ». Compte tenu de l’incertitude de l’assiette du nantissement, le
solde créditeur demeure éventuel tant que la sûreté n’est pas réalisée et la
créance nantie est susceptible de fluctuation ; l’intérêt de ce type de
nantissement est ainsi fortement limité dans la pratique189.
358. D’autre part, la dépossession n’est plus une condition de validité du
nantissement. Auparavant, le nantissement de créance était assimilé au gage de
droit commun, où la mise en possession de la créance nantie était une autre
condition de validité. La signification du nantissement au créancier (pour les
créances sans titre) ou la remise du titre de créance (pour les créances avec titre)
étaient les modalités principales de dépossession. Désormais, tout nantissement
de créance, présente ou future, prend effet entre les parties et devient opposable
aux tiers à la date de l’acte du nantissement sans que cette opposabilité ne soit
189
Ibid., p. 61.
198
Chapitre I – Le nantissement de créance
soumise à une quelconque formalité190. Il est intéressant de noter la réserve
selon laquelle « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le
nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l'acte.
À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance »
(art. 2362, C. civ.). Avant la notification, seul le créancier de la créance nantie
(le constituant du nantissement) reçoit valablement paiement ; après la
notification, « seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance
donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts » ( art. 2363, C. civ.).
L’exigence stricte de signification du nantissement à peine de nullité est donc
remplacée par une simple notification qui rend le nantissement opposable au
débiteur de la créance nantie. La remise du titre résultant d’une jurisprudence
traditionnelle 191 avait été cependant écartée par un arrêt lorsqu’elle était
impossible192. La réforme de 2006 consacre cette évolution jurisprudentielle en
abondant totalement dans le sens de l’exigence d’une remise du titre et réalise
ainsi une simplification du nantissement193.
B. Les doubles formalités ad validitatem en droit chinois
190
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 235.
191
Cass. Req., 11 juin 1846, DP, 46. I. 252 : « le contrat de nantissement, même lorsqu’il a
pour objet une créance, n’est parfait que par la remise de la chose faite par le débiteur à
une époque où il a capacité pour en disposer ; la signification ne peut suppléer à la remise
du titre ».
192
Cass. Civ. 1re, 10 mai 1983, sté Suisse d’assurances Winterturh, Bull. civ. I, no 141 ;
D., 84.433, no Légier ; Defrénois 83, art. 33161, p. 1394, n. Piédelièvre ; D., 84, IR, 82,
n. Vasseur. En l’espèce, les juges relèvent que la remise du titre était impossible parce que,
d’une part, la dette n’était pas liquide (ce qui n’aurait pourtant pas empêché le créancier
d’avoir un titre) et que, d’autre part, la mise en gage ne portait que sur une partie de la
créance (cette fois, il y a, non pas vraiment impossibilité mais de graves inconvénients à
obliger le cédant à se priver du titre dont il peut avoir besoin pour se faire payer la fraction
de la créance qui n’a pas été cédée) : « si le privilège ne subsiste sur la chose donnée en
gage qu’autant que celle-ci a été mise et est restée en possession du créancier
conformément à l’article 2076, cette mise en possession est suffisamment réalisée au cas
où le gage porte sur une créance et où la tradition est matériellement impossible par la
signification au débiteur de la créance donnée en gage prévue par l’article 1690 ». Le
revirement par rapport à l’arrêt de 1846 est clair.
193
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 236.
199
Chapitre I – Le nantissement de créance
359. En droit chinois, la situation actuelle est similaire à celle qui
prévalait en droit français avant la réforme. La forme écrite et la dépossession
sont les deux conditions de validité du nantissement.
360. L’écrit est toujours une condition ad validitatem d’un nantissement
de créance. Cette exigence est tout à fait comparable à celle en vigueur en
France. L’acte doit contenir la désignation de la créance garantie et de la
créance nantie ou, si la créance est future, les éléments permettant de la rendre
individualisable.
361. Néanmoins, le nantissement de créance en droit chinois est assimilé
au gage de droit commun. Le législateur chinois employant le terme de « gage
de droits » pour désigner le nantissement de meubles incorporels, la remise de
la créance nantie au créancier est donc une autre condition de validité.
Concrètement, il faut distinguer les créances avec titre de celles sans titre.
Si la créance est avec titre (par exemple, lettre de change, chèque ou billet
à ordre), le gage de droits ne prend effet qu’à la remise matérielle du titre de la
créance (art. 224, LDR). La dépossession constitue à la fois une condition de
validité et d’opposabilité aux tiers. Par exception, si le titre de créance est à
ordre, c’est-à-dire que seul le créancier ou porteur indiqué sur le titre peut
exercer son droit de créance ou en jouir, le gagiste doit endosser le titre,
indiquant le fait du gage, avant de le remettre au créancier gagiste.
Si la créance est sans titre, soit une créance normale, il n’existe aucune
disposition qui la vise directement. La législation chinoise n’a pas reconnu
expressément, au sens général, le nantissement de créance comme c’est le cas
en droit français. Cette situation suscite une vive controverse. Certains auteurs
considèrent que l’objet du nantissement consacré par la loi ne comprend pas la
créance normale, telles que l’obligation du contrat, l’obligation de
l’enrichissement sans cause, etc. La doctrine majoritaire, toutefois, penche pour
200
Chapitre I – Le nantissement de créance
l’affirmation du gage de créance normale194. Dans cette hypothèse, la remise
matérielle du titre est remplacée par la notification au débiteur de la créance
nantie. Cette notification vaut la dépossession de la créance nantie. Après
notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance
donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts. Sans autorisation du
créancier, le débiteur de la créance nantie ne peut régler sa dette au constituant
qui est créancier de la dette nantie. La notification au débiteur de la créance
nantie est alors une condition ad validitatem.
Il nous semble alors que le régime du nantissement de la créance est clair,
au moins sur le plan doctrinal. Cependant, Nous nous demandons si la
notification au débiteur de la créance nantie constitue une condition de validité
ou, au moins une condition qui lui serait opposable. Selon l’article 228 de la
LDR qui stipule que « ...le nantissement des effets à recevoir est valablement
constitué dès qu’il remplit la condition de la forme écrite et de l’inscription ...»,
il est logique de considérer que la notification constitue plutôt une condition
d’opposabilité au débiteur de la créance nantie. Le nantissement des effets à
recevoir est valablement constitué dès lors qu’il remplit la condition de la
forme écrite et de l’inscription.
Section II – Les effets du nantissement de créance
§ I – En droit français
362. Avant la réforme de 2006, il n’existait qu’un seul article consacré
aux effets du nantissement de créances, qui ne portait que sur les intérêts de la
créance nantie. Il ne disait rien du capital de la créance nantie sur lequel le
créancier garanti peut exercer son droit de nantissement. C’était donc le droit
194
WANG Liming, Titre consacré aux droits réels de l’avant-projet et les raisons
législatives du Code civil chinois, Édition du droit, 2005, p. 509-511 ; LIANG Huixing,
CHEN Huabin, op. cit., p. 360 ; FEI Anling, Études comparées du droit des sûretés, Éd. de
l’Université de droit et de sciences politiques de Chine, 2004, p. 311.
201
Chapitre I – Le nantissement de créance
commun du gage qui s’appliquait, bien qu’il fût inadéquat en la matière.
Cependant, ce règlement posait deux difficultés majeures.
La première avait trait aux modalités de la réalisation du nantissement. En
théorie, ni la vente aux enchères, ni l’attribution judiciaire après estimation par
des experts n’avaient de sens pour une créance. Il ne restait ainsi qu’une seule
modalité de réalisation du nantissement, à savoir l’obtention du paiement direct
de la créance nantie. Cette pratique était consacrée par une jurisprudence195.
Cette modalité se heurtait peut-être au principe de prohibition du pacte
commissoire. Certains auteurs prétendaient qu’il n’en était rien lorsque la
créance avait pour objet une somme d’argent car la valeur du nantissement
sautait aux yeux, qu’il suffisait que le créancier garanti reçût un mandat ou une
délégation pour le paiement ; cela ne constituait pas un pacte commissoire196.
Cependant, cette solution comportait une faiblesse importante : le mandat était
caduc en cas de faillite du mandant (constituant du nantissement), dans
l’hypothèse où le créancier garanti avait besoin de plus d’exercer son droit de
mandat. En outre, le créancier garanti pouvait être primé par d’autres créanciers
titulaires d’une action directe contre le débiteur de la créance nantie.
La seconde difficulté concernait la discordance entre la créance nantie et la
créance garantie : « si la créance nantie venait à échéance avant la créance
garantie, aucun des deux créanciers ne pouvait recevoir seul le paiement -- ni le
constituant, car il n’était pas en possession de la créance, ni le créancier nanti,
car son droit n’était pas exigible – ils devaient le recevoir ensemble, à moins
que le débiteur de la créance nantie ne se libérât en faisant consigner le
paiement »197. Certains auteurs préconisent que le nantissement de créance dans
195
Cass. Com., 5 mars 1985, Bull. civ. IV, no 86, p. 75 ; 28 av. 1987, Bull. civ. IV, no 96,
p. 73 ; D. 1988, somm. p.73, obs. F. DERRIDA ; 19, janv. 1988, Bull. civ. IV, no 43, p. 30.
196
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 239.
197
Ibid., p. 240.
202
Chapitre I – Le nantissement de créance
un tel cas se transformait en un nantissement de compte car le créancier
bénéficiaire avait en principe le devoir de consigner sur un compte productif
d’intérêts ; alors que certains autres n’est pas d’accord198.
363. Heureusement, l’ordonnance du 23 mars 2006 innove et pallie ces
faiblesses en affirmant que le créancier bénéficiaire du nantissement peut seul
recevoir valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en
intérêts. Cependant, la créance nantie n’est pas toujours à échéance à la même
date que la créance garantie. À cet égard, l’ordonnance apporte des solutions
claires.
A. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance avant la
créance garantie
364. Dans cette hypothèse, la créance nantie devient exigible, alors même
que la créance garantie ne l’est pas encore. Le créancier ayant effectué la
notification au débiteur de la créance nantie peut poursuivre l’exécution.
Cependant, le créancier de la créance nantie (constituant du nantissement) peut
aussi poursuive l’exécution. Les deux peuvent donc agir en paiement contre le
débiteur à condition, chacun, de prévenir l’autre créancier de son action. Mais,
quel que soit l’auteur de l’action, « seul le créancier nanti reçoit valablement
paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts »
(art. 2363, C. civ.). L’article 2364 alinéa 1 précise que « les sommes payées au
titre de la créance nantie s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est
échue ». Ce paiement s’impute donc sur la créance nantie et sur la créance
garantie. Dans le cas contraire, l’alinéa 2 stipule, à l'égard des fonds perçus, que
« le créancier nanti les conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès
d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si
198
Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 2002, no437 ; Contra,
Cl. BRENNER, L’acte conservatoire, Bibl. de droit privé, t. 323, LGDJ, 1999, no 745, et
invoquant la protection de droits concurrents éventuels, M. CABRILLAC et C. MOULY,
Droit des sûretés, Litec, 2002, no 687.
203
Chapitre I – Le nantissement de créance
l'obligation garantie est exécutée ». Mieux encore, le créancier garanti affecte
les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées,
en cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une
mise en demeure restée sans effet.
365. Dans une telle hypothèse, le créancier garanti peut ainsi exiger le
paiement de la créance nantie, et le consigner sur un compte séquestre pour
protéger les intérêts du constituant du nantissement. Le propriétaire des
sommes ainsi consignées est le constituant. Le créancier de la créance garantie
ne peut pas percevoir ses intérêts. Le nantissement se transforme donc en un
gage-espèces jusqu’à l’échéance de la créance garantie, à charge de restituer les
espèces grevées au constituant.
B. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance après la
créance garantie
366. Cette hypothèse suppose que le constituant tombe en faillite, sinon il
n’a pas besoin de réaliser le nantissement. La législation offre alors plusieurs
possibilités au créancier garanti.
En premier lieu, invoquant l’article 2365 du Code civil, le créancier
bénéficiaire du nantissement peut demander directement l’attribution judiciaire
de la créance nantie ou invoquer le bénéfice du pacte commissoire
éventuellement convenu dans l’acte constitutif du nantissement, sans attendre
l’échéance de la créance nantie. L’attribution peut donc être judiciaire ou
conventionnelle. Dans ce cas-là, l’estimation faite par expertise de la valeur de
la créance nantie n’est pas exigée car elle n’a pas de sens. Le créancier de la
créance nantie en devient alors le titulaire. Il peut donc se faire payer
directement par le débiteur de la créance nantie. Certes, en cas d’ouverture
d’une procédure collective à l’encontre du constituant, en application de
l’article L. 622-7 du Code de commerce, le pacte commissoire ne fonctionne
pas. Toutefois, cette gêne n’est que temporaire pour le créancier bénéficiaire du
204
Chapitre I – Le nantissement de créance
nantissement car il a une seconde possibilité de réaliser son droit. En cas de
liquidation du constituant, rien n’empêche le créancier bénéficiaire de
demander l’attribution de la créance nantie.
En second lieu, il peut bien sûr attendre l’échéance de la créance nantie
pour agir en paiement contre son débiteur. Il n’y a pas grand risque pour le
créancier s’il a notifié le débiteur car lui seul peut recevoir le paiement après la
notification. La notification prive en effet le créancier de la créance nantie
(constituant du nantissement) du droit de percevoir le paiement. Elle constitue
alors un pouvoir de blocage et une forme du droit de rétention.
367. Cependant, le nantissement ne confère au créancier de la créance
garantie qu’un droit réel sur celle-ci. En principe, aucun droit personnel direct
ne le lie au débiteur de la créance nantie. Le paiement direct par le débiteur de
la créance nantie résulte de l’effet du droit réel de préférence du nantissement.
Pour créer un droit personnel direct, certains contrats fixent la délégation du
débiteur de la créance nantie agissant comme délégué, au créancier de la
créance garantie agissant comme délégataire. C’est pour cela que l’acte de
nantissement d’une police d’assurance-vie peut prévoir que l’assureur-délégué
paiera le créancier nanti délégataire199.
368. Un autre problème se posera si le créancier bénéficiaire du
nantissement ayant perçu le paiement peut le conserver quand un créancier
d’un rang préférable se manifeste et lui demande la restitution de cette somme.
C’est un problème difficile à résoudre. En principe, le créancier peut opposer
une exception de compensation entre sa dette de restitution du paiement perçu
et le montant de la créance garantie dû encore par le constituant. En effet, le
créancier d’un rang préférable n’a plus de droit sur la créance nantie déjà payée
puisque son débiteur (ici le constituant du nantissement) n’en avait pas
199
Marc MIGNOT, op. cit., p. 352.
205
Chapitre I – Le nantissement de créance
lui-même et puisqu’une telle exception de compensation aurait été opposable
au constituant, elle l’est nécessairement aussi à ce créancier. La Cour de
cassation a suivi ce raisonnement dans le cas du conflit opposant une banque
bénéficiant d’une cession Dailly et une autre banque réceptionnaire du
paiement de la créance cédée, donnant gain de cause à la seconde. Un tel
raisonnement suppose bien que la réception du paiement a une cause opposable
à celui qui agit en restitution ; si tel n’est pas le cas, la restitution du paiement
doit avoir lieu et la jurisprudence en donne une autre illustration : dans le
conflit opposant, d’une part, une banque bénéficiant d’une cession Dailly et
ayant reçu le paiement de la créance cédée et, d’autre part, un sous-traitant,
gain de cause a été donné au second au motif que, en application de
l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, la cession Dailly est inopposable
au sous-traitant200.
369. En outre, quelle que soit l’hypothèse, en application du principe
selon lequel la réalisation d’une sûreté ne peut jamais apporter au créancier une
satisfaction plus grande que la valeur de sa créance garantie, « s'il a été payé au
créancier nanti une somme supérieure à la dette garantie, celui-ci doit la
différence au constituant » (art. 2366, C. civ.).
§ II – En droit chinois
370. Le régime du nantissement de créance de droit commun en France
est ainsi nettement amélioré par la réforme du droit des sûretés de 2006, alors
qu’en droit chinois subsistent les deux difficultés susmentionnées. Comme nous
l’avons vu, le nantissement de créance avec titre ne pose guère de problème. En
revanche, le nantissement des effets à recevoir (soit des créances sans titres) est
difficile. Dans la mesure où la LDR ne consacre qu’un seul article à ce
nantissement, son régime renvoie en principe à celui du gage de droit commun.
200
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 241.
206
Chapitre I – Le nantissement de créance
Ainsi, les problèmes qui existaient en droit français sous l’empire du droit
avant la réforme de 2006 apparaissent au grand jour en droit chinois.
371. D’une part, les modalités de réalisation du gage de droit commun ne
sont pas parfaitement adaptables au nantissement de créance. En particulier, la
vente aux enchères et la vente amiable n’ont pas de sens en matière de créance.
Il ne reste qu’une seule modalité – l’attribution conventionnelle de la propriété
de la chose grevée à travers la compensation sur estimation des parties lorsque
le gage est à échéance. L’estimation n’a guère de sens ici, car la créance nantie
est en principe pécuniaire. Nous considérons que cette modalité peut
s’appliquer parce que le créancier peut devenir le « propriétaire » (ici plutôt le
« titulaire », non au sens strict du droit des biens) de la créance nantie et ainsi
se substituer au constituant pour agir en paiement contre le débiteur de la
créance nantie. Le nantissement impliquerait alors nécessairement le transfert
de la propriété, lequel se heurte toutefois au principe de la prohibition du pacte
commissoire, toujours maintenu en droit chinois.
Les trois modalités de réalisation du gage de droit commun sont alors
impraticables dans le nantissement de créance. La doctrine propose que seul le
créancier de la créance garantie puisse valablement recevoir le paiement de la
créance nantie, après la constitution valable du nantissement et la notification
au débiteur. Cette modalité n’est cependant pas encore admise par la loi et
n’existe qu’en doctrine. Elle n’est pas applicable en pratique.
372. D’autre part, la créance garantie et la créance nantie n’arrivent pas
toujours à échéance en même temps. Si l’échéance de la créance nantie est
antérieure ou postérieure, comment réaliser le nantissement ? Ni la LDR ni les
autres textes législatifs ne donnent de réponse. Ce problème rend le
nantissement de créance impraticable en pratique. Le législateur et les
chercheurs chinois peuvent ainsi s’inspirent du droit français pour combler le
plus vite possible cette lacune législative.
207
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
373. Nous envisagerons successivement les conditions de la constitution
du nantissement de compte d’instruments financiers et leurs effets en droit
français et en droit chinois.
Section I – La constitution du nantissement
§ I – Les conditions de fond
374. En France, les « instruments financiers » sont une catégorie juridique
créée par la loi du 2 juillet 1996, aujourd’hui intégrée au Code monétaire et
financier. La loi n’admet la constitution du nantissement que sur certains
instruments financiers : des valeurs mobilières (actions, obligations), les parts
ou actions d’organismes de placement collectifs et les instruments financiers à
terme. Aujourd’hui, la plupart sont dématérialisés mais inscrits sur un compte
ouvert au nom de leurs titulaires et tenu par un tiers : une personne morale
émettrice, un intermédiaire habilité ou un dépositaire central. Le nantissement
d’instruments financiers semble porter sur un compte. En outre, l’objet du
nantissement peut être considéré comme une universalité de fait constituée par
le compte, un bien distinct des objets qui le composent. Le nantissement ne
porte pas sur le compte lui-même, qui est un simple portefeuille, mais sur tel
instrument figurant au compte au moment de la constitution. Cela permet une
gestion dynamique de l’assiette initialement figurée au compte pendant la durée
du nantissement, par le jeu de la subrogation réelle, de l’accessoire, de
l’accession... Telle est la position de l’ordonnance du 24 février 2005 qui ajoute
une phrase à l’article L. 431-1 du CMF affirmant que « les instruments
financiers et les sommes en toute monnaie postérieurement inscrits au crédit du
compte gagé, en garantie de la créance initiale du créancier gagiste, sont soumis
aux mêmes conditions que ceux y figurant initialement et sont considérés
comme ayant été remis à la date de déclaration de gage initiale ». L'objet du
nantissement comprend donc les instruments financiers y figurant initialement,
208
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
ceux qui y sont substitués par subrogation réelle, ainsi que ceux qui les
complètent par clause d’arrosage. Il comprend également les fruits et produits
de ces instruments financiers. Ces dispositions expliquent l’attrait de ce type de
nantissement dans la pratique du crédit.
375. En droit chinois, en revanche, aucune loi ne définit expressément les
« instruments financiers ». Se référant aux Normes comptables internationales
No 32 (IAS 32), certains auteurs les définissent comme des contrats « qui
constituent des actifs financiers dans une entreprise et à la fois, des passifs
financiers dans une autre entreprise »201. Il s’agit alors d’un terme comptable au
sens très large. En effet, grâce à la mondialisation économique, les régimes des
instruments financiers dans les différents pays sont plus ou moins proches. En
matière de ce genre de nantissement, le régime chinois est proche de celui du
droit français. Seuls certains instruments financiers peuvent faire l’objet d’un
nantissement : des valeurs mobilières (actions, obligations), les parts ou actions
d’organismes de placement collectifs et leurs produits dérivés. Récemment ils
sont pour l'essentiel dématérialisés sur un compte ouvert au nom de leurs
titulaires et tenu par un tiers : une personne morale émettrice, un intermédiaire
habilité ou un dépositaire central. Le nantissement d’instruments financiers
semble ainsi porter sur le compte. Or, ce n’est pas sur le compte proprement dit,
mais sur les valeurs qui y figurent au moment de la constitution. La gestion
courante des biens initialement inscrits au compte se poursuit pendant la durée
du nantissement. Outre les instruments financiers y figurant initialement,
l’assiette du nantissement s’étend à ceux qui leur sont substitués par
subrogation réelle, ceux qui les complètent par clause d’arrosage, ainsi que
leurs fruits et produits.
201
HUANG Huoping, Des instruments financiers, http://www.chinapostnews.com.cn
/1070/10700706.htm.
209
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
376. Cependant, la loi française, pas plus que la loi chinoise, ne prévoit
expressément la créance garantie. Ce sont donc les règles du droit commun des
sûretés réelles qui s’appliquent.
§ II – Les conditions de forme
377. Comme toute sûreté réelle, le contrat du nantissement doit être
conclu sous forme écrite entre le constituant et le gagiste, en précisant les
éléments essentiels de la convention et les règles de fonctionnement du compte
pendant la durée de la garantie. C’est la même exigence dans les deux systèmes
juridiques.
378. Cependant, en droit français, le nantissement n’est valablement
constitué, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et
des tiers, que par une déclaration signée par le titulaire du compte à
l'établissement teneur du compte. Cette déclaration est maintenant une
condition de validité du nantissement (art. L. 431-1 et L. 431-4, CMF). La
constitution du nantissement ne peut donc résulter que de la déclaration
adressée au teneur du compte (en respectant les conditions de forme énoncées
par l’article 1er du décret du 21 mai 1997), mais non de la dépossession des
instruments financiers au profit du créancier, qui était antérieurement acceptée
par la Cour de cassation dans la mesure où la déclaration ne constituait pas une
condition de validité de gage202. Donc, le nantissement de compte d'instruments
financiers ne prend effet qu'à compter de la date de réception de la déclaration
par le teneur du compte.
S’agissant du contenu de la déclaration, celle-ci doit comporter certaines
mentions obligatoires fixées par décret203: la dénomination « déclaration de
202
Cass. Com., 7 mars 1995, Bull. civ. IV, no 73, Defrénois 95, art. 36091, no 2, n.
Hovasse ; sous l’empire de l’article 29 dans sa version initiale, les formalités n’étaient pas
des conditions de validité du contrat de nantissement ; seul importe le fait que des valeurs
mobilières aient été « entiercées » ; Contra : Dominique LEGEAIS, op. cit., no 22.
203
Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 2008, p. 392.
210
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
gage de comptes d'instrument financiers » ; les mentions stipulant que la
déclaration est soumise aux dispositions de l'article L. 431-4 du Code
monétaire et financier ; le nom ou la dénomination sociale, ainsi que l'adresse
du constituant et du créancier gagiste ; le montant de la créance garantie ou, à
défaut, les éléments permettant d'assurer l'identification de cette créance ; les
éléments permettant l'identification du compte spécial ; la nature et le nombre
des instruments financiers inscrits initialement au compte gagé.
Le constituant du nantissement, ainsi que le créancier nanti, peuvent
obtenir, sur simple demande de leur part, une attestation du teneur de compte
leur indiquant l’inventaire des instruments financiers et les sommes en toute
monnaie inscrits dans le compte nanti à la date de délivrance de cette
attestation.
En énonçant que « le créancier gagiste définit avec le titulaire du compte
les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des instruments
financiers et des sommes en toute monnaie figurant dans le compte gagé »
(art. L. 431-4 IV, CMF), le CMF confirme que la déclaration ne réalise pas la
dépossession de l’assiette du nantissement du constituant, lequel reste en
possession du bien nanti. Il peut donc gérer son compte nanti, ou en disposer,
par exemple constituer plusieurs nantissements successifs.
379. À la différence de l’exigence de signification en droit français, la loi
chinoise exige que le nantissement soit inscrit auprès d’organes chargés de
l’inscription si les instruments nantis sont dématérialisés ; s’il existe encore des
titres matériels, la loi requiert la dépossession des titres du constituant (art. 224
et 226, LDR). L’inscription ou la dépossession est une condition de validité de
la constitution du nantissement. La dépossession des titres se réalise par la
remise entre les mains du créancier garanti et ne suscite aucun problème. En
revanche, l’inscription du nantissement se heurte à des difficultés car la loi
n’unifie ni le procédé ni le contenu de l’inscription. Seuls deux règlements
traitent des nantissements des actions (y compris les parts des fonds de
211
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
placement en valeurs mobilières) cotées à la Bourse des valeurs de Shanghai et
à celle de Shenzhen204.
380. Il existe aussi un texte normatif sur le nantissement des obligations :
La lettre De la promulgation de la procédure des opérations du nantissement
des obligations205. Cependant, ses articles traitent tous du nantissement des
instruments financiers détenus par les établissements financiers. En pratique et
en doctrine, les instruments financiers détenus par des individus n’attirent guère
l’attention des praticiens et des juristes ; or, aux termes des articles 223, 224 et
226 de la LDR, rien ne s’oppose à leur nantissement. Les obstacles sont plutôt
d’ordre pratique, en raison de l’extrême déstabilisation des valeurs de ce type
de bien (notamment le fait que les marchés chinois des actions soient
relativement défectibles par rapport aux pays où l’économie de marché est
relativement développée et, contreviennent souvent aux lois économiques
fondamentales).
381. Par conséquent, le nantissement des instruments financiers en droit
chinois est plutôt restrictif et inefficace comparé au système établi par le droit
français. Il sera nécessaire de combler cette lacune, pour ne pas dire de
révolutionner tout le système.
Section II – Les effets du nantissement
382. Les instruments financiers sont des produits artificiels géniaux et
complexes. Leur nantissement implique au moins trois parties : le créancier
garanti, le constituant et la société émettrice ou un intermédiaire financier. Les
204
V. Les guides des opérations d’inscription du nantissement des actions détenues par les
sociétés de portefeuille rendus par la succursale à Shenzhen de la société à responsabilité
limitée (SARL) chargée des inscriptions et des règlements des valeurs mobilières et les
Règlements détaillés d’application d’inscription du nantissement des actions rendus par la
Bourse des valeurs à Shanghai.
205
La lettre De la promulgation de la procédure des opérations du nantissement des
obligations est promulguée par la SARL chargée des inscriptions et des règlements des
obligations nationales.
212
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
effets varient selon que l’on se situe avant ou après l’échéance de la créance
garantie.
§ I – Effets du nantissement avant l’exigibilité de la créance
garantie
383. En premier lieu, pendant la période qui suit la constitution du
nantissement et avant l’échéance de la créance garantie, les valeurs des
instruments financiers varient toujours selon le cours du marché. Il est donc très
important, non seulement pour le constituant lui-même, mais aussi dans
l’intérêt du créancier nanti, de permettre au titulaire de gérer quotidiennement
son compte.
Dans cette optique, le droit français reconnaît le droit de gestion au
constituant. Par exemple, si les cours des marchés boursiers ou des instruments
financiers à terme sont en baisse, le titulaire peut vendre immédiatement afin
d’éviter l’accroissement de la perte. Ce mécanisme, ajouté au fait que le
nantissement est constitué par la seule déclaration signée par le constituant,
rend concevable la constitution de plusieurs nantissements successifs206.
Sur ce point, le droit chinois est trop rigoureux et archaïque car il interdit
au constituant de céder les biens nantis, sauf consentement préalable du
créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR), alors que les marchés boursiers varient et
réagissent aujourd'hui en un clin d’œil. L’exigence du consentement préalable
augmente le délai de transaction et donc les risques de perte. Cette rigidité
s’explique par le fait que les juristes chinois ne réalisent pas très bien que le
nantissement ne porte pas directement sur les instruments eux-mêmes mais sur
le compte, qui est considéré comme une universalité de fait en droit français207.
206
G. FERREIRA, Le nantissement de second rang, JCP E 2005, 80.
207
D. R. MARTIN, Du gage d’actifs scripturaux, D. 1996, Chron. no 12, p. 265 ; F.
ZENATI, L’immatériel et les choses, APD 1999, t. 43, p. 94 ; Ph. SIMLER, Ph.
DELEBECQUE, op. cit., p. 580.
213
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
De toute façon, après la constitution du nantissement, le constituant en droit
chinois ne peut ni aliéner librement les instruments nantis, ni les affecter pour
garantir une autre créance. S’il les aliène avec le consentement du créancier
garanti avant l’échéance de la créance, il doit consigner le prix acquis ou
procéder à l’acquittement anticipé de sa dette (art. 226, al. 2, LDR).
384. En deuxième lieu, le contenu du contrat du nantissement est
relativement libre. La convention initiale conclue entre les parties peut préciser
les règles de fonctionnement du compte et les pouvoirs respectifs des parties208.
Dans la pratique du crédit français, les parties conviennent souvent d’une
obligation pour le constituant de reconstituer la valeur de la garantie dès lors
qu'elle atteint un plancher fixé par les parties. Alors qu’en droit chinois, elles
accordent souvent au créancier garanti le droit de solder les actions ou d’autres
instruments financiers à terme figurant sur le compte si l’abaissement de leur
valeur atteint le seuil fixé par les parties.
385. En troisième lieu, au cours du nantissement, le créancier bénéficie
des droits patrimoniaux des instruments mais ne peut exercer les droits
personnels qui s’y rattachent. En tant que titulaire des instruments, le
constituant exerce, sauf convention contraire, les droits de vote et les droits
pécuniaires les concernant. Les droits français et chinois adoptent ici la même
solution.
§ II– Effets du nantissement à l’échéance de la créance garantie
386. À l’échéance de la créance garantie, le créancier garanti peut exercer
ses droits attachés au nantissement, lesquels apparaissent à l'énoncé des règles
relatives aux droits conférés au créancier gagiste. Afin de renforcer les
avantages de cette garantie, le législateur a instauré un régime relativement
souple qui facilite l’exercice des prérogatives reconnues au créancier.
208
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 393.
214
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
387. Tout d’abord, le créancier garanti en droit français bénéficie du droit
de rétention sur le compte nanti, qui peut s’exercer aussi bien sur les
instruments financiers nantis que sur la somme en toute monnaie figurant au
compte nanti, comme la loi le reconnaît expressément (art. L. 431-4 IV, CMF).
Cette disposition est le corollaire de l’universalité de fait qui qualifie le compte
nanti. Selon certains auteurs, une telle reconnaissance du droit de rétention était
une condition du succès de ce type de sûreté, mais elle n'allait pas de soi dès
lors que l'on considérait que le nantissement avait pour assiette des biens
dématérialisés 209 ; d’autres, à l’inverse, analysent que la reconnaissance se
fonde sur la nature corporelle des instruments nantis210. En droit chinois, le
droit de rétention ne peut s’exercer que sur des meubles (art. 230, LDR) et la
notion de meuble ne comprend pas les droits qui sont des biens incorporels. Le
créancier du nantissement ne bénéficie donc pas du droit de rétention. Dans ce
cas, afin de protéger les intérêts du créancier garanti, la loi interdit au
constituant d’aliéner les instruments nantis. Cette interdiction est toutefois
difficile à mettre en pratique car l’inscription du nantissement n'équivaut pas au
blocage du compte, le constituant peut aussi gérer son compte ; pour ces raisons,
le nantissement des instruments financiers détenus par des individus est presque
impraticable en droit chinois.
388. Par ailleurs, le créancier garanti bénéficie du droit de préférence sur
la valeur des instruments financiers nantis. En effet, cette valeur est facilement
réalisable puisqu’il existe des procédures particulières de mise en vente des
instruments financiers nantis. Grâce à l’organisation des marchés boursiers et
au fait que la majorité des instruments financiers sont cotés en bourse, la loi
française confère au constituant la possibilité de les vendre directement, sans
209
Ibid., p. 394.
210
D. R. MARTIN, op. cit., p. 265.
215
Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers
avoir besoin de l’autorisation judiciaire ou de celle du créancier211. Ce dernier
exerce son droit de préférence sur la valeur figurant sur le compte, grâce à la
qualification de l’universalité du compte nanti. En droit chinois, l’exercice de
ce droit rencontre des problèmes : les instruments financiers nantis restant sur
le compte du constituant, le créancier ne peut les vendre lui-même directement
sans le concours du constituant et, qu’il ne peut donc que faire une demande en
justice, dont le traitement prend du temps.
389. Enfin, en droit français, le créancier garanti peut se faire attribuer les
instruments financiers nantis jusqu’à concurrence du montant de sa créance.
Par rapport au droit commun du gage, l'attribution est largement facilitée. Le
problème de l’estimation des biens nantis et le risque de fraude disparaissent
dès lors que les instruments financiers sont cotés en bourse. En droit chinois, en
revanche, il manque là encore des règles pour assurer le fonctionnement de ce
mécanisme.
211
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 394.
216
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
390. Les droits sociaux sont des droits personnels et patrimoniaux
conférés au profit de chaque associé contre la société. Ils se matérialisent soit
dans une part sociale seulement cessible, soit dans une action négociable plus
ou moins librement. Ils sont maintenant susceptibles d’être l’objet d’un
nantissement tant en France qu’en Chine. Quant à la technique législative, les
législateurs français et chinois emploient, aux termes respectifs de
l’article 2355, alinéa 5 du Code civil et de l’article 229 de la LDR, la même
méthode de renvoi au droit commun du gage de meubles corporels s’il n’existe
pas de dispositions spéciales. Néanmoins, il convient d’établir une distinction
entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux puisque les règles qui
s'appliquent sont bien différentes.
Section I – Le nantissement des droits dans les sociétés présentant un
caractère intuitu personae
§ I – En droit français
391. Selon l’article 1866 du Code civil, les parts sociales de sociétés
civiles peuvent faire l’objet d’un nantissement. Ce dernier est constaté par un
écrit authentique ou sous seing privé qui doit être signifié à la société ou
accepté par elle dans un acte authentique. La signification peut être considérée
comme une forme de dépossession212. Aucune remise du titre n’est exigée. En
revanche, la publicité 213 est requise pour son opposabilité, dont la date
détermine le rang des créanciers nantis. Quant à la réalisation du nantissement
par attribution en paiement ou vente forcée, il faut distinguer deux cas, selon
que le nantissement a été préalablement autorisé ou non par les associés autres
que l’associé constituant. Dans le premier cas, l’autorisation préalable
212
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 578.
213
Cette publicité exige que le nantissement soit inscrit sur un fichier tenu au greffe du
tribunal de commerce du lieu de l’immatriculation de la société dont les parts sont nanties.
217
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
« emporte agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts
sociales à la condition que cette réalisation soit notifiée un mois avant la vente
aux associés et à la société » (art. 1867, C. civ.). Pour éviter l’irruption d’un
associé étranger dans la société, celle-ci peut racheter les parts sans délai et
réduire son capital. Dans le second cas, la réalisation forcée du nantissement se
heurte principalement à l’intuitu personae qui caractérise les sociétés de
personnes. Les associés n’acceptant pas la réalisation du nantissement et
l’entrée d’un étranger dans la société peuvent demander la dissolution de la
société ou se substituer au cessionnaire dans un délai de cinq jours à compter
du jour de la vente (art. 1867 et s., C. civ.).
392. S’agissant des sociétés en nom collectif (SNC) et à responsabilité
limitée (SARL), leurs parts sociales peuvent aussi être nanties214. Il n’existe
cependant aucun texte spécial concernant ce type de nantissement et,
conformément au renvoi fixé par l’article 2355 du Code civil, c’est le droit
commun du gage de meubles corporels qui s’applique. Le nantissement est
donc un contrat solennel qui doit prendre la forme écrite. La publicité sur un
registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l’immatriculation de
la société dont les parts sont nanties assure son opposabilité. Quant aux effets
de ce type de nantissement, comme il ne réalise pas de dépossession, il ne revêt
aucun droit de rétention. Régie par l’article L. 223-15 du Code de commerce, sa
réalisation s’approche de celle du nantissement en droit des sociétés civiles215.
§ II – En droit chinois
393. La définition des parts sociales qui peuvent être l’objet d’un
nantissement est ambiguë en droit chinois. L’article 223 de la LDR énonce
simplement que des droits sociaux aliénables peuvent être nantis. En invoquant
214
Marc MIGNOT, op. cit., p. 358 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 314 ;,
Yves PICOD, op. cit., p. 578.
215
Marc MIGNOT, op. cit., p. 358 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 578.
218
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
les articles 75 et 78 de la LS, certains auteurs considèrent que les droits sociaux
objets du nantissement ne visent que les parts sociales de SARL et les actions
de SA216. D’autres s’opposent à cette restriction, en arguant du fait que les parts
des entreprises en coopération (assez comparables aux sociétés en nom collectif
en droit français) peuvent aussi faire l’objet de ce type de nantissement217.
Si nous nous référons à l’article 25 de la Loi sur les entreprises en
coopération, qui énonce expressément que « si un associé affecte sa part sociale
en nantissement, il doit avoir le consentement unanime de tous les associés.
Sinon, le nantissement est nul … », il nous faut admettre la dernière opinion.
Pour constituer ce type de nantissement, il faut donc qu’il soit conclu par acte
écrit, ait le consentement unanime préalable de tous les associés, et soit inscrit
auprès du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de
l’entreprise (art. 226, al. 1, LDR). Après la constitution, l’associé ne peut pas
aliéner ses parts, même si l’aliénation est conforme au statut de l’entreprise,
sauf avoir le consentement du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR).
Néanmoins, ce type de nantissement soulève des difficultés quant à sa
réalisation, qui résident principalement dans la responsabilité des associés. En
effet, les associés d’une entreprise en coopération sont tenus solidairement et
indéfiniment des dettes de l’entreprise. Si un associé constitue un nantissement
sur sa part sociale, qui est accordée par tous les associés, comment réaliser le
droit du créancier nanti en cas de non paiement de la créance ? Le cessionnaire
devient-il l’associé de l’entreprise ou cette dernière rachète-t-elle les parts
nanties comme en droit français ? En effet, l’associé constituant du
nantissement va sûrement chercher par n’importe quel moyen à se retirer de
l’entreprise. Il en découlera inévitablement un changement de solvabilité de
216
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 362-363 ; Bureau des affaires juridiques
relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 84.
217
YANG Hong, op. cit., p. 259-261.
219
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
l’entreprise. Deux hypothèses sont envisageables pour protéger les intérêts des
créanciers. Dans la première hypothèse, si l’entreprise rachète les parts nanties,
l’associé constituant se trouve évincé de l’entreprise. Les intérêts du créancier
bénéficiaire du nantissement sont assurés, mais les associés doivent procéder au
règlement de compte lors de la mise à l’écart. Dans la seconde hypothèse, le
créancier nanti devient associé de l’entreprise. Il a donc le droit de gérer
l’entreprise, de bénéficier des profits, et il est tenu solidairement et
indéfiniment aux dettes de l’entreprise. Dans les deux cas, l’associé constituant
n’est pas complètement libéré des dettes de l’entreprise, il est encore tenu des
dettes qui sont nées avant son départ (art. 53, Loi sur les entreprises en
coopération).
394. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée (SARL), le
principe du nantissement des parts rencontre peu d’opposition. Pour la valable
constitution, il faut qu’il soit conclu sous forme écrite et inscrit auprès du
Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de la société
(art. 226, al. 1, LDR). La loi ne prévoyant pas d’autre texte spécial pour ce type
de nantissement, c’est le droit commun du gage de meubles corporels qui
s’applique, conformément au renvoi fixé par l’article 229 de la LDR. Ce renvoi
s’avère en fait la source des difficultés. En effet, l’article 178 de la LDR énonce
un principe général selon lequel « il faut appliquer la présente loi en cas de
conflit entre celle-ci et la LS ». L’article 78 de la LS stipule que « il faut
appliquer au nantissement de parts de SARL les règles concernant la cession de
parts dans la Loi sur les sociétés ». Vu que la règle sur les conflits énoncée par
l’article 178 de la LDR et la règle de renvoi fixée par l’article 229 de cette
même loi, il ne reste aucune place pour appliquer les règles concernées de la
Loi sur les sociétés. Cependant, les auteurs se réfèrent toujours aux règles de
cession de parts prévues par la Loi sur les sociétés. Il faut donc établir une
distinction entre le nantissement de parts d’une SARL pour le créancier
intérieur, associé de la société, et le nantissement pour le créancier extérieur à
220
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
la société. Dans le premier cas, les auteurs s’accordent à dire que le
consentement de la majorité (majorité simple) ne doit pas être exigé. Dans le
second cas, en revanche, certains auteurs insistent sur le fait que le
consentement majoritaire est exigé en vertu de l’article 72 de la Loi sur les
sociétés 218 ; d’autres considèrent que cette exigence ne s’applique qu’à la
cession de parts, c’est-à-dire pour la réalisation du nantissement, et n’est pas
nécessaire pour sa constitution219. Cette dernière opinion est plus raisonnable
car, d’une part, le nantissement n’entraîne pas nécessairement la cession de
parts nanties et, d’autre part, l’exigence de consentement préalable provoque
inévitablement l’augmentation du délai et des coûts pécuniaires associés à la
constitution d’un nantissement.
Avant l’échéance de la créance, le constituant ne peut pas aliéner les parts
nanties sans le consentement du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR). Ce
dernier bénéficie des droits patrimoniaux des parts nanties. Il en perçoit donc
les fruits et les impute sur les intérêts et le principal de la créance comme en cas
du gage de meuble corporel. Quant aux droits personnels, tels que le droit de
vote, de gestion etc., seul l’associé a le droit de les exercer en sa qualité
d’associé de la société. En cas de non paiement de la créance à l’échéance, le
créancier peut exercer ses droits découlant du nantissement. Il peut choisir de
devenir associé de la société, si la majorité des associés sont d’accord ; si tel
n’est pas le cas, les associés autres que l’associé constituant doivent acheter les
parts nanties et, s’ils ne les achètent pas, cela équivaut à un consentement à la
cession (art. 72, Loi sur les sociétés). Il peut également choisir de vendre les
parts nanties et, dans ce cas là, les autres associés ont le droit de préemption
dans les mêmes conditions. Or, la société ne peut pas racheter les parts nanties
218
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 363 ; GUO Mingrui, Droit des sûretés, Éd.
de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1998, p. 228.
219
YE Jinqiang, La théorie du droit des sûretés, Éd. de science, 2002, p. 217 ; YANG
Hong, op. cit., p. 258.
221
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
car une telle opération entraînerait la diminution du capital social et affaiblirait
sa solvabilité.
395. Quant à la société civile, ce type de société n’existe pas en droit
chinois.
396. Par conséquent, le nantissement des parts sociales des sociétés de
personnes est plus restrictif en droit chinois qu’en droit français. De plus, leurs
règles s’appliquant aux différents types de sociétés sont plus diverses que le
dernier.
Section II – Le nantissement des droits dans les sociétés de capitaux
§ I – En droit français
397. En ce qui concerne le nantissement de parts des sociétés de
capitaux 220 , le législateur français n’a rien prévu. Selon le renvoi posé à
l’article 2355 du Code civil, il est soumis aux dispositions du droit commun du
gage de meubles corporels. En effet, les juristes français consacrent peu de
recherches fouillées sur ce point. Certains estiment qu’il convient aussi de faire
une distinction selon que la société anonyme a consenti ou non au nantissement
d’actions 221 . Dans le premier cas, la solution est similaire à celle du
nantissement des parts de sociétés de personnes. Dans le second cas, il semble
que la société ne peut que racheter les actions du cessionnaire. Cependant, une
société de capitaux ne présente aucun caractère intuitu personae propre aux
sociétés de personnes. Il s’agit d’une société ouverte dont les actions sont
librement négociables et transmissibles. Rien n’empêche les actionnaires de
librement aliéner ses actions, sauf dans certains cas particuliers. Il n’est donc
pas raisonnable d’appliquer par analogie les règles en vigueur pour les sociétés
220
Considérant le petit nombre des sociétés en commandite par actions en pratique, il vise
principalement les sociétés anonymes (SA).
221
Marc MIGNOT, op. cit., p. 359.
222
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
de personne. La lacune législative sur ce point doit être comblée dans la
réforme à venir.
§ II – En droit chinois
398. En droit chinois, personne ne s’oppose à la possibilité du
nantissement des actions de société anonyme (SA). À la différence des parts de
SARL, celles-ci sont en principe librement négociables et transmissibles. Un
actionnaire peut donc, en principe, librement affecter la totalité ou une partie de
ses actions en nantissement, sans avoir besoin du consentement des autres
actionnaires. Toutefois, comme pour le nantissement de parts de SARL, la
constitution du nantissement est soumise à la forme écrite et à une inscription
auprès de l’établissement chargé des inscriptions et des règlements des actions
ou, du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de la société
si les actions ne sont pas émises publiquement et le nombre des actionnaires est
inférieur à 200 (art. 226, al. 1, LDR). Cependant, il n’existe pas d’autre texte
spécial dans la LDR concernant ce type de nantissement et le droit commun du
gage de meubles corporels s’applique comme pour le nantissement de parts de
SARL.
399. Il existe en particulier des actions dont la libre aliénation est limitée
par la Loi sur les sociétés. Ce sont les actions détenues par les fondateurs de la
société qui ne peuvent être aliénées pendant un an à compter de la constitution
de la société, celles par les administrateurs, les membres du conseil de
surveillance et les gérants de la société qui ne peuvent être aliénées, chaque
année, que dans la limite de 25% de la totalité du portefeuille détenu etc.
(art. 42, Loi sur les sociétés). Ces actions limitées peuvent-elles être nanties ?
La doctrine témoigne d’une vive controverse sur ce point. Certains auteurs
estiment que, dans la mesure où elles ne peuvent pas être aliénées pendant une
période ou dans une quantité restreinte, il est logique qu’elles ne puissent pas
223
Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux
être l’objet d’un nantissement dans le cadre de cette restriction222. D’autres
considèrent que la prohibition du nantissement de ce type d’actions est trop
sévère pour leurs titulaires, puisque c’est la réalisation du nantissement qui va
entraîner la cession des actions nanties, non sa constitution. Par conséquent, la
constitution du nantissement des actions dans la période limitée ne posera
aucun problème si l’échéance de la créance nantie est postérieure à celle-ci223.
Il faut dire que ce dernier point de vue est beaucoup plus favorable au
développement du crédit. Maintenant que des biens futurs (qui ne sont pas
aliénables lors de la constitution de la sûreté réelle) peuvent être l’objet de
sûreté réelle, il n’est donc pas judicieux d’interdire le nantissement des actions
limitées qui sont comparables aux biens futurs, puisque celles-ci sont
temporairement inaliénables et seront aliénables dans le futur. Il suffit donc que
les actions nanties ne soumettent plus aux limites posées au moment de sa
réalisation, d'autant plus que le nantissement n’entraîne pas nécessairement la
cession de parts nanties.
222
GUO Mingrui, op. cit., p. 227 ; YAN Tianhuai, Du nantissement de droits sociaux, in
Droit chinois, 1999, I ; HU Ji, De la constitution du nantissement de droits sociaux, in
Droit, 1998, VI.
223
YANG Hong, op. cit., p. 256-257.
224
Titre III – La réserve de propriété
400. La réserve de propriété est une disposition contractuelle par laquelle
les parties d’un contrat conviennent de réserver au vendeur le droit de propriété
du bien vendu jusqu’au complet règlement du prix. Elle a pour but d’assurer au
vendeur qui consent un crédit à l'acheteur le paiement au prix de la chose
vendue, sans avoir à courir le risque de subir des éventuels créanciers de
l'acquéreur.
401. La réserve de propriété fait échec, en droit français, à celui énoncé
par l’article 1583 du Code civil « la propriété est acquise de droit à l’acheteur à
l’égard du vendeur, dès lors qu’on est convenu de la chose et du prix… », et, en
droit chinois, au principe énoncé par l’article 133 de la LC « la propriété (de la
chose vendue) est transférée dès la remise de la chose…». Le transfert normal
de la propriété de la chose vendue est ainsi retardé jusqu’au jour du paiement
total. Nous envisagerons ici sa constitution, sa nature juridique et ses effets
juridiques.
225
Chapitre I – La constitution
Chapitre I – La constitution
402. La réforme française de 2006 réglemente très précisément la réserve
de propriété sur les meubles. En cette matière, en permettant au vendeur de
revendiquer la chose vendue en tant que propriétaire et de déjouer ainsi la
concurrence des autres créanciers, la réserve de propriété joue vraiment un rôle
de garantie du crédit224. La réserve de propriété peut donc être utilisée en
matière immobilière comme en matière mobilière, à condition d’être conclue
dans le contrat de vente, ou dans tout autre contrat 225 comme un contrat
d’entreprise226.
403. En droit chinois, l’article 134 de la LC consacrant la réserve de
propriété énonce simplement que « les parties peuvent convenir dans le contrat
de vente que si l’acheteur n’exécute pas ses obligations convenues telle que le
paiement ou d’autres, la propriété de l’objet appartient au vendeur ». Ainsi,
seule la clause de réserve de propriété conclue dans le contrat de vente est
valable, celle conclue dans tous autres types de contrat est inutile. Cependant,
la disposition ne traite pas expressément de son domaine d’application en
matière mobilière ou immobilière. Pratiquement et théoriquement, personne ne
met pas en question son application en matière mobilière.
Nous envisagerons successivement sa constitution dans les deux systèmes
juridiques.
Section I – La constitution de la réserve de propriété en droit français
404. La réserve de propriété est une opération de nature conventionnelle.
Elle doit donc faire l’objet de l’accord des volontés des parties intéressées.
224
Yves PICOD, op. cit., p. 452.
225
Cass. com., 19 nov. 2003, JCP G 2004, I, 113, p. 336, n. Ch. CARON ; RD banc. fin.,
mars-avr., 2004, comm. 70, obs. D. L. ; D. Affaires, 2004, J. 801, n. A. et E-X. Lucas ;
Yves PICOD, op. cit., p. 452.
226
Cass. com., 21 mai 2001, RTD civ. 2001, no 6, p. 930, obs. Pierre CROCQUE.
226
Chapitre I – La constitution
405. En droit français, seule la créance qui constitue la contrepartie du
transfert de propriété peut être garantie par cette opération. Cette créance
garantie peut résulter de tout type de contrat, mais en pratique, c’est dans les
contrats de vente mobilière qu’elle présente le plus d’utilité227.
Le consentement de la réserve de propriété doit être exprimé sous forme
écrite en matière civile (art.2368, C. civ.). Il doit aussi l’être au plus tard au
moment de la livraison de l’objet s’il s’agit de la matière commerciale (art.
L.624-16, C. com.). Dans le dernier cas, la clause de réserve de propriété peut
figurer dans le contrat qui ne vise que cette opération ou dans le contrat qui
régit un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties (art.
L.624-16, al.2, c. com.). La clause écrite doit être suffisamment apparente,
claire et lisible pourvu qu’elle puisse être acceptée par l’acheteur en
connaissance de cause. Dès que la clause est ainsi conclue, l’exécution du
contrat par l’acheteur vaut acceptation 228 . L’acceptation de la réserve de
propriété par l’acheteur ne doit pas nécessairement être écrite. Mais, en
l’absence de l’accord des parties, la réserve de propriété ne produit aucun
effet229. Cette exigence vise à préserver les tiers contre le risque de fraude entre
vendeur et acquéreur en ce qui concerne la date de l’écrit230.
Cependant, le simple écrit est loin d’être suffisant pour la transparence et
la sécurité du commerce juridique. Il est dommage que la généralisation de la
227
F. DERRIDA, A propos de la réserve de propriété dans les ventes immobilières à crédit,
Defrénois, 1989, 1089 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p.503.
228
Cass. Com., 13 juin 1989, Bull. civ. IV, no186, p.124 ; 11 juill. 1995, Bull. civ. IV,
n 210, p.196 ; D. 1996, comm.. p.211, obs. F. PEROCHON.
o
229
En réalité, afin de favoriser les petits fournisseurs qui face aux grandes surfaces
refusant généralement et systématiquement la réserve de propriété, l’article L.621-122,
alinéa 2 du Code de commerce énonçait que « nonobstant toute clause contraire, la clause
de réserve de propriété est opposable à l’acheteur et aux autres créanciers, à moins que les
parties n’aient convenu par écrit de l’écarter ou de la modifier ». Ce qui suscitait des
difficultés (v. Pierre CROCQUE, RTD civ. 1996, no7, p.675). L’ordonnance du 23 mars
2006 a enfin supprimé cette disposition.
230
Yves PICOD, op. cit., p.452.
227
Chapitre I – La constitution
publicité de réserve de propriété que préconisait la commission de réforme ait
été refusée par l’ordonnance promulguée. Désormais, l’opposabilité de la
réserve de propriété ne dépend d’aucune publicité obligatoire. Mais pour
pouvoir plus facilement faire valoir ses droits, le vendeur peut procéder à la
publicité facultative organisée de la réserve de propriété.
Section II – La constitution de la réserve de propriété en droit chinois
406. En droit chinois, la disposition de la loi concernant la réserve de
propriété est loin d’être suffisante. Elle ne consacre que la possibilité de
l’application de la réserve de propriété et ne dit rien sur son régime. Sur le plan
de la doctrine, de nombreux auteurs se consacrent à la recherche de la réserve
de propriété. Mais il y a très peu de recherche touchant son régime concret, tels
que sa constitution, son formalisme, etc.
407. Considérant qu’elle est prévue dans le chapitre IX de la Loi sur les
contrats (LC) intitulé « Le contrat de vente », la réserve de propriété ne peut
donc être utilisée que pour garantir la créance résultant du contrat de vente. Ce
qui signifie que la réserve de propriété ne peut résulter que de l’accord entre les
parties intéressées. Mais, le champ de la créance garantie est plus étroit que
celui en droit français. Par contre, l’élément commun est que seule la créance
en contrepartie du transfert de propriété peut être garantie par la réserve de
propriété.
408. Quant à la forme de la clause de réserve de propriété, la loi ne pose
aucune exigence spéciale. A la lecture de l’article 10 de la LC, le contrat peut
être conclu sous la forme écrite, orale ou autres formes. Par conséquent, la
clause de réserve de propriété peut aussi théoriquement être convenue par écrit,
oral ou sous une autre forme. Cependant, la réserve de propriété qui est une
disposition du droit réel joue un rôle de garantie, il est donc raisonnable d’y
appliquer la règle de sûreté réelle. Autrement dit, la clause de réserve de
propriété devrait être conclue par écrit. Étant donné que le contrat de la réserve
228
Chapitre I – La constitution
de propriété est un contrat solennel, il faut mieux qu’il soit conclu le plus tôt
possible.
229
Chapitre II – La nature juridique
Chapitre II – La nature juridique
Section I – La qualification en droit français
409. La réserve de propriété, qui n’est pas un mécanisme traditionnel du
droit français, a en premier lieu été analysée au regard des principaux
mécanismes de droit des obligations231. Tenant compte de son effet retard du
transfert de propriété, la jurisprudence, guidée par la doctrine, l’a analysé soit
comme un terme suspensif 232 , soit comme une condition suspensive233 de
l’obligation de transférer la propriété du bien. Aucune d’entre elles n’est
pourtant parfaitement satisfaisante. D’une part, le « terme » est un événement
certain alors que le non-paiement du prix est incertain. Qualifier la clause de
réserve de propriété d’un terme suspensif n’est pas complètement convaincante.
D’autre part, l’analyse en une condition suspensive suppose que le paiement en
totalité du prix de vente soit considéré comme une modalité de l’exécution de
l’obligation de transfert de propriété234. Mais selon le principe solo consensu, le
transfert de propriété, objet de la réserve, n’est pas une obligation de donner
mais un effet légal automatiquement attaché au contrat par la loi235.
410. La doctrine se tourne vers la nature de sûreté de la réserve de
propriété236. Retenant une conception large de la sûreté, certains auteurs la
231
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 501.
232
Cass. com., 9 janv. 1996, no 93-12667, JCP 1996, I, 3935, no 19, obs. M.
CABRILLAC ; Dr. et part. Mai 1996, n01345, p. 85, obs. M.-H MONSERIE ; JCP 1996, I,
3942, no 4, obs. Ph. DELBECQUE ; RTD civ. 1996, no4, p. 436, obs. Pierre CROCQUE ; D.
1996, p. 184, obs. F. DERRIDA ; RTD com. 1997, obs. A. MARTIN-SERF.
233
Cass. com., 1er oct.1985 et CA Nancey, 19 déc. 1985, D. 1986, p. 246, n. M.
CABRILLAC. Contra: Cass. com., 24 sep. 2002, JCP G 2003, I, 134, no 5, obs. J.-J.
CAUSSAIN, F. DEBOISSY et G. WICKER.
234
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 501.
235
Marc MIGNOT, op. cit., p. 483.
236
En réalité, on s’est demandé si la propriété pouvait constituer une véritable sûreté réelle
dès qu’elle apparaît en pratique. V. Marc MIGNOT, op. cit., p. 483.
230
Chapitre II – La nature juridique
considèrent comme une véritable sûreté237. Or, la doctrine dominante ne la
considère pas comme une véritable sûreté, en estimant que la réserve de
propriété ne s’ajoute pas au rapport d’obligation mais qu’elle résulte du
montage contractuel lui-même, et que sa mise en œuvre n’a pas non plus pour
effet l’extinction par exécution de la créance qui est l’une des fonctions de la
sûreté238.
411. En plaçant la réserve de propriété dans la partie consacrée aux
sûretés réelles, l’ordonnance du 23 mars 2006 a mis fin à cette controverse. Elle
est désormais une véritable sûreté, et est donc l’un des accessoires de la créance
garantie239.
Section II – La qualification en droit chinois
412. À la différence du droit français, la nature juridique de la réserve de
propriété n’est pas jusqu’ici clarifiée par la loi. Pour rendre compte de son effet
retard du transfert de propriété, les chercheurs ont proposé plusieurs solutions :
certains la qualifie d’un terme suspensif ou d’une condition suspensive du
transfert de la propriété, certains la qualifie d’un transfert partiel de propriété,
certains la qualifie d’une sûreté réelle …240
413. Tenant compte de la même raison évoquée par les auteurs français (v.
supra n° 409), la qualification de terme suspensif n’est pas très justifiée.
237
Ch. LARROUMET, Le vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété
peut-il revendique sans avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l’acheteur, D.
Affaire 1996, p. 603.
238
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 503.
239
Le caractère de l’accessoire de la réserve de propriété est consacré par la jurisprudence
depuis longtemps. V. Cass. com., 15 mars 1988, 330, n. F. PEROCHON ; Defrénois 1988,
p.1990, n. L. AYNES ; RTD civ., 19791, n. M. BANDRAC. Cependant, la jurisprudence ne
déduisait pas toutes les conséquences de la qualification d’accessoire. Par exemple, le
vendeur conservait la propriété du bien, alors que la créance du prix était éteinte faute de
déclaration. V. Cass. com., 9 janv. 1996, JCP 1996, I, 3935, no 19, obs. M. CABRILLAC ;
RTD civ. 1996, p. 436, obs. Pierre CROCQ. V. aussi, Dominique LEGEAIS, op. cit., p.
502.
240
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 391.
231
Chapitre II – La nature juridique
414. S’agissant de la qualification de transfert partiel de propriété donnée
par l’auteur allemand Ludwig Raiser, c’est une théorie imaginative. Selon cette
qualification, en cas de vente avec la réserve de propriété, une partie de la
propriété est transférée à l’acheteur dès la remise de la chose. Puis, le transfert
partiel de la propriété à l’acheteur se réalise à chaque paiement échelonné,
jusqu’au transfert total de la propriété au moment du paiement total du prix de
vente241. Cela s’attache au caractère abstrait du droit civil allemand et rencontre
des problèmes théoriques de la propriété. Elle n’a pas été acceptée par la
doctrine chinoise.
415. Certains auteurs ont insisté pour la réglementer dans la LDR 242
comme une sûreté réelle, mais leur proposition n’a pas été reprise par la loi qui
a été promulguée. Étant donné que le droit chinois retient toujours la règle de la
prohibition du pacte commissoire (v. supra n° 140) et la règle numerus clausus
(v. supra n° 68), et que la réserve de propriété est expressément prévue dans la
LC, il y a peu d’auteurs qualifiant expressément la réserve de propriété de
sûreté réelle.
416. Enfin, étant donné que le transfert de propriété en droit chinois
suppose la remise de la chose pour des meubles et l’inscription immobilière
pour des immeubles, la vente fait naître une obligation de donner. La clause de
réserve de propriété a temporairement suspendu cette obligation. La
qualification de condition suspensive est alors la qualification la plus acceptée
en droit chinois et occupe donc le rôle dominant dans la doctrine243. Cependant,
241
LIU Dekuan, Les problèmes et perspectives du droit civil, Éd. de l’Université des
sciences politiques et du droit de Chine, 2002, p. 7-8.
242
LIANG Huixing, CHEN Huabin, Les droits réels, Éd. du droit, 1997, p. 367.
243
LIANG Huixing, CHEN Huabin, Les droits réels, Éd. de droit, 2007, p. 391 ; HE Zhi,
op. cit., http://www.civillaw.com.cn/article/default.asp?id=27707.
232
Chapitre II – La nature juridique
personne ne peut refuser de reconnaître le rôle de garantie de la réserve de
propriété244.
244
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 392.
233
Chapitre III – Les effets juridiques
Chapitre III – Les effets juridiques
417. Au cours de l’exécution du contrat avec la clause de réserve de
propriété, le vendeur remet l’objet entre les mains de l’acheteur, mais conserve
la propriété de l’objet jusqu’au paiement total du prix de vente. La clause de
réserve de propriété crée donc une situation compliquée. Ses effets doivent être
appréciés vis-à-vis de l’acheteur, et vis-à-vis du vendeur.
Section – La situation de l’acheteur (débiteur) du bien
§ I – La situation de l’acheteur du bien en droit français
418. En tant que détenteur de l’objet, l’acheteur en droit français dispose
du droit d’en user et d’en jouir. La réserve de propriété entraîne en réalité la
dissociation entre, d’un côté, la propriété et, de l’autre, l’usage et la
jouissance245. Certains auteurs, considèrent que cette dissociation est difficile à
expliquer. Parce que, d’une part, le vendeur demeure pleinement propriétaire de
la chose vendue, que la réserve de propriété ne réalise pas de démembrement de
la propriété ; d’autre part, que l’usage et la jouissance de la chose par l’acheteur
dépendent du vendeur. L’acheteur se voit concéder un droit personnel par le
vendeur pour la jouissance de la chose et se trouve dans une situation voisine à
celle d’un locataire246. Certains autres essayent de l’expliquer par la théorie de
la séparation entre la propriété juridique et la propriété économique247. D’après
eux, le vendeur et l’acheteur conserveraient respectivement la propriété
juridique et la propriété économique du bien. L’acheteur exerce les prérogatives
245
Marc MIGNOT, op. cit., p.487.
246
Ibid., p. 487.
247
G. BLANLUET, Brèves réflexions sur la propriété économique, Dr. et patr., mars 2001,
p. 80. Il définit la propriété économique comme « le droit de disposer … de la totalité de la
substance économique d’un bien dont la propriété appartient à autrui ».
234
Chapitre III – Les effets juridiques
du propriétaire, use et jouit du bien acquis comme s’il était le sien. Mais cette
théorie demeure largement descriptive248.
419. Quant à la disposition du bien, théoriquement, l’acheteur n’en a pas
le droit. Mais en pratique, il apparaît qu’il en dispose souvent soit
matériellement, soit juridiquement
249
. Comme l’acheteur n’est pas le
propriétaire du bien, le contrat de disposition du bien est donc susceptible
d’être confirmé. Si le prix de la vente est finalement payé par l’acheteur, le
contrat est rétroactivement valable. Au contraire, il faut distinguer la disposition
matérielle de la disposition juridique. Si elle est matérielle, la revendication du
vendeur aboutit à la liquidation des comptes entre les parties. Si elle est
juridique, le tiers acquéreur de bonne foi peut invoquer l’article 2279 du code
civil pour s’opposer au droit de revendication du vendeur.
§ II – La situation de l’acheteur du bien en droit chinois
420. Le droit chinois admet aussi que l’acheteur dispose du droit d’usage
et de jouissance du bien250, mais les chercheurs chinois font peu de recherches
sur ce point. Influencés par le droit civil allemand, ils s’intéressent plutôt au
droit d’expectative (qui s’oppose au droit acquis) de l’acheteur251. Le droit
d’expectative est le droit d’acquérir un droit252. C’est un droit indépendant
protégé par la loi. En ce qui concerne la réserve de propriété, il désigne le droit
de l’acheteur d’acquérir la propriété du bien réservé. La nature de ce droit
suscite des vives controverses sur le plan de la doctrine. En droit allemand,
certains auteurs le considèrent comme un droit réel 253 ; certains autres
248
Marc MIGNOT, op. cit., p. 487.
249
Ibid., p. 487.
250
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 392 ; CHEN Benhan, op. cit., p. 392.
251
Le droit d’expectative est un terme traduisant du mot « anwartschaftsrecht » en
allemand qui est crée par la doctrine et la jurisprudence allemande.
252
CHEN Benhan, op. cit., p. 392.
253
RAISER, Dingliche anwartschaftsrecht, J, C.B. Mohr, Tubingen, 1961.
235
Chapitre III – Les effets juridiques
considèrent que ce droit d’expectative se rapproche du gage avec le pacte
commissoire 254 . En droit taïwanais, des auteurs considèrent que le droit
d’expectative est un droit mixte: il a en même temps des caractéristiques du
droit réel et du droit personnel255. En droit chinois, certains penchent pour ce
dernier courant256 ; d’autres refusent de le qualifier de droit réel ou de droit
personnel 257 , considérant que la distinction entre le droit réel et le droit
personnel, et celle entre le droit acquis et le droit d’expectative sont deux
classifications de natures différentes. Il n’y a donc pas de place pour classer le
droit d’expectative lui-même parmi les droits réels ou les droits personnels.
Mais l’objet du droit d’expectative peut être un droit réel ou un droit personnel.
Le droit d’expectative de l’acheteur dans la réserve de propriété est donc un
droit d’expectative du droit réel, plus précisément, un droit d’expectative de la
propriété du bien réservé.
421. En tant que titulaire du droit d’expectative, l’acheteur a le droit d’en
disposer. S’il ne dispose que de son droit d’expectative, cela ne posera aucun
problème. S’il dispose du bien, avec le consentement du vendeur, le problème
ne se posera pas non plus. Dans le cas contraire, la disposition arbitraire du bien
par l’acheteur pose un réel problème. Comme en droit français, il faut aussi
faire la distinction entre la disposition matérielle et la disposition juridique. Si
elle est matérielle, la revendication du vendeur aboutit à la liquidation des
comptes entre les parties. Si elle est juridique, selon l’article 51 de la LC, les
effets du contrat de disposition du bien sont suspendus. Si l’acheteur s’est
finalement exécuté le paiement total du prix de vente, le contrat est
rétroactivement valable. Au contraire, les effets du contrat dépendent de
254
BLOMEYER, Bedingungslehre, II, s. 186ff.
255
WANG Zejian, op. cit., p.158-159.
256
CHEN Benhan, op. cit., p. 394.
257
YU Nengbin, HOU Xianglei, Études comparées de la vente avec réserve de propriété,
Éd. du droit, p.86-87.
236
Chapitre III – Les effets juridiques
l’inscription de la réserve de propriété. Si elle a été inscrite, le contrat de
disposition du bien est nul. Si elle n’a pas été inscrite, le tiers de bonne foi peut
acquérir la propriété du bien, celui de mauvaise foi ne peut pas l’acquérir.
422. En outre, l’acheteur doit exercer son obligation de payer selon les
dispositions du contrat dans les deux systèmes juridiques. Dans le cas contraire,
le vendeur peut exercer son droit résultant de la réserve de propriété.
Section II – La situation du vendeur (créancier) du bien
423. En tant que propriétaire du bien, le vendeur peut intenter une action
de revendication contre l’acheteur pour la restitution du bien dont la propriété
est conventionnellement réservée.
§ I – L’exercice du droit de revendication
424. En droit français, il faut distinguer le régime de revendication du
droit commun du Code civil de celui du droit spécial du Code de commerce.
Les dispositions spéciales du Code de commerce ne prévoient que la
revendication des meubles lorsque l’acheteur est soumis à une procédure
collective (art. L.624-9 et s. ; art. R.624-13 et s., C. com.). Donc, selon la
théorie générale que toute dérogation au droit commun doit être interprétée de
façon restrictive, l’action en revendication de meubles dont l’acheteur sera in
bonis et d’immeubles258 sont soumises au droit commun ; celle dont l’acheteur
sera soumis à une procédure collective est soumise au droit spécial du Code de
commerce
259
. Ainsi, dans la première hypothèse, l’action n’est pas
prescriptible260. Dans la dernière hypothèse, l’action doit être exercée dans les
258
On applique le droit commun de la revendication à la revendication des immeubles par
nature ou par destination, même si son acheteur soit soumis à une procédure collective.
Pour un immeuble par destination, v. cass. com., 5 fév. 2002, no 99-19425, Rev. Proc. coll.
2003, p. 306, obs. M.-H. MONSERIE-BON.
259
Marc MIGNOT, op. cit., p. 489.
260
Cass. civ. 3e, 23 janv. 2007, n° 06-10491, www.lexinter.net/JPTXT4/JP2005/ action_
en_revendication_et_prescription.htm
237
Chapitre III – Les effets juridiques
trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective
(art. L. 624-9, al.1er, C. com.) ; si le créancier ne l’exerce pas dans ce délai, son
droit est inopposable à la procédure collective du débiteur.
425. La revendication s’opère en principe sur les marchandises
elles-mêmes. Cette opération suppose que les marchandises vendues se
trouvent encore en nature dans le patrimoine du débiteur au moment de
l’ouverture de la procédure261. Et, c’est au revendiquant de prouver l’existence
en nature des biens revendiqués. Aux termes de l’article 2370 du Code civil et
de l’article L. 624-16 du Code de commerce, la revendication peut s’exercer
malgré l’incorporation de la chose objet de la réserve de propriété dans un autre
meuble ou immeuble, à condition que la séparation des choses peut être
effectuées sans subir de dommage. En tant qu’une véritable sûreté, la valeur du
bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie ; si elle est supérieur à la
dernière, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence (art.
2371, C. civ.).
426. Selon l’article 2369 du Code civil et l’article L. 624- 18 du Code de
commerce, la revendication peut également s’exercer sur des biens fongibles,
de même nature et de même qualité, détenus par le débiteur ou pour son compte.
Or, quel fondement justifie cette revendication ? Trois interprétation sont
proposées en doctrine: la première la justifie par la présomption de propriété
des biens retrouvés dans les mains du débiteur au bénéfice du vendeur ; la
seconde la considère comme une règle de fond attribuant la propriété de ces
choses au revendiquant et, la troisième, à l’instar d’autres sûretés réelles,
considère que la réserve de propriété se transforme en un droit sur la valeur262.
261
Cass. com., 2 mars 1999, Bull. civ. IV, no 50, p. 41 ; JCP G 1999, I, 177, no 15, obs. P.
PETEL ; Rev. proc. Coll., mars 2001, p. 25, obs. B. SOINNE ; D 2000, somm., p.69, 2e
esp., obs. F. PEROCHON et D. MAINGUY.
262
Yves PICOD, op. cit., p.454 : le fait que les biens fongibles de même espèce et de
même qualité retrouvés dans le stock de marchandises ne soient pas ceux qui avaient été
vendus par le créancier importe peu, ce qui laisse place à une rotation rapide des stocks.
238
Chapitre III – Les effets juridiques
La jurisprudence a fait valoir la seconde interprétation. Le droit de propriété du
vendeur disparaît au moment de la revente des marchandises par l’acheteur,
mais se reporte sur les marchandises nouvelles de même nature et de même
qualité entrant dans ses mains263.
427. En cas de revente du bien objet de la réserve de propriété, la
revendication n’est pas opposable au sous-acquéreur de bonne foi 264 . Le
vendeur initial ne peut donc pas revendiquer la chose elle-même, mais son droit
se reporte sur la créance du prix à l’égal du sous-acquéreur (art. 2372, C. civ. ;
art. L. 624-18, C. com.). Cette revendication se justifie par la subrogation de la
créance de prix au bien en nature qui a été revendu. Pour ce faire, le créancier
doit adresser sa demande en revendication à l’administrateur du bien ou, à
défaut, au débiteur après accord du mandataire (art. L. 624-17, C. com.). Il peut
revendiquer le prix contre le sous-acquéreur dès qu’il a revendiqué les biens en
nature dans le délai légal contre l’acquéreur 265 . De plus, pour que la
revendication puisse être effectivement effectuée, il faut remplir deux
conditions. La première exige que les biens vendus au sous-acquéreur par le
premier acquéreur se retrouvent en nature comme ils étaient, au moment de leur
livraison au sous-acquéreur266. Si les biens ont été transformés avant la revente
ou ont perdu leur identité dans le patrimoine du premier acquéreur, la
revendication du prix de revente n’est pas possible. La seconde exige que le
sous-acquéreur n’ait pas payé le prix au revendeur au moment du jugement de
l’ouverture de la procédure contre lui. Si les conditions sont remplies, le
263
Cass. Com., 5 mars 2002, D. 2002, AJ, 1139, obs. A. LIENHARD ; Marc MIGNOT, op.
cit., p. 491.
264
CA Versailles, 14e Ch., 21 févr. 1990, D. 1991, somm., p. 44, obs. F. PEROCHON. En
effet, si la réserve de propriété est inscrite, elle est opposable à tous, le sous-acquéreur ne
peut donc pas invoquer sa bonne foi en vertu de l’article 2279 du Code civil.
265
Cass. com, 24 mai 2005, Bull. civ. IV, no 110, p. 116 ; Cass. Com., 24 nov. 1998, Bull.
civ. IV, no 279, p. 233.
266
CA Paris, 3e Ch. C, 28 mai 1999, Juris-Data no 1999-023119 ; Rev. Proc. Coll. Mars
2001, p. 20, obs. B. SOINNE.
239
Chapitre III – Les effets juridiques
vendeur initial peut demander à être payé par le sous-acquéreur 267 . Cette
demande n’est pas vraiment une revendication du prix268, mais ressemble plutôt
à une action directe par laquelle le sous-acquéreur paye sa dette au vendeur
initial au lieu du premier acquéreur pour éteindre les deux créances à la fois. Le
sous-acquéreur peut mettre des sommes dues dans les mains du mandataire
judiciaire qui va ensuite les remettre au revendiquant à concurrence de sa
créance (art. R. 624-16, C. com). Il peut aussi exerce le paiement direct au
revendiquant, ce qui est plus logique et plus efficace269. Si le sous-acquéreur a
déjà payé le prix, il se trouve dans la même situation qu’un sous-acquéreur de
bonne foi, la réserve de propriété ne lui est plus opposable.
428. La revendication peut enfin s’exercer sur l’indemnité d’assurance
subrogée au bien en cas de perte des biens vendus, s’il y en a (art. 2372, C. civ. ;
art. L. 624-18, C. com.). Sinon, selon l’adage res perit domino, c’est le vendeur
qui assume la perte, à moins que les parties en aient disposé autrement dans le
contrat.
429. Se différenciant du droit français, le droit chinois ne fait pas la
distinction entre le droit commun et le droit spécial, en raison de la seule
disposition traitant de la réserve de propriété270. Considérant que l’action de
revendication est une action poursuivant la restitution de la propriété, elle n’est
pas prescriptible.
430. Comme en droit français, l’objet de la revendication en droit chinois
concerne généralement les marchandises elles-mêmes, à condition que les
267
Cass. Com., 3 déc. 2003, Bull. civ. IV, no 191, p. 215 ; D. 2004, AJ, p.140, obs. A.
LIENHAR. V. aussi, Marc MIGNOT, op. cit., p. 493.
268
La revendication est une action qui poursuive à la restitution d’une chose dont le
revendiquant est propriétaire. Alors que l’hypothèse envisagée n’est pas le cas.
269
Marc MIGNOT, op. cit., p. 494.
270
Comme nous l’avons vu dans le texte précité, on ne peut trouver que l’article 194 de la
LC qui traite la réserve de propriété.
240
Chapitre III – Les effets juridiques
marchandises vendues se retrouvent encore en nature dans le patrimoine du
débiteur au moment de l’ouverture de la procédure. La responsabilité de
prouver l’existence en nature des biens revendiqués incombe aussi au
revendiquant. En cas d’incorporation des biens vendus, les juristes chinois ne
donnent pas de réponse expresse. Ils énoncent simplement que le droit doit
s’exercer selon les règles générales d’accession 271 . Autrement dit, si
l’incorporation est détachable, il faut les détacher ; la revendication s’exerce
donc sur les biens vendus (art. 86, Opinions sur certaines questions de
l’exécution et l’application des PGDC, application à titre d’essai). Si
l’incorporation n’est pas détachable ou la séparation des biens va entraîner des
dommages, la revendication ne peut ni s’exercer sur les biens vendus, ni sur le
bien nouveau après l’incorporation. En l’occurrence, comment protéger le droit
de revendication du créancier? Il est logique que la revendication se reporte sur
l’indemnité par l’incorporation272; à défaut, elle se reporte sur la valeur des
biens représentés dans le patrimoine du débiteur.
431. En cas de revente du bien objet de réserve de propriété, la doctrine
chinoise se rapproche des dispositions françaises. Soit, le créancier exerce la
revendication sur le prix trouvé dans les mains du premier acquéreur s’il a été
payé par le sous-acquéreur, selon le mécanisme de subrogation réelle ; soit, il
exerce directement la revendication contre le sous-acquéreur, selon le
mécanisme de subrogation personnelle.
432. En cas de perte des biens objets et, s’il y a des indemnités, la
revendication s’exerce sans aucun problème sur l’indemnité grâce à la
généralisation de subrogation réelle. Sinon, on applique aussi l’adage res perit
domino comme en droit français.
271
YU Nengbin, HOU Xianglei, op. cit., p.89.
272
En cas d’incorporation des biens du premier acquéreur à d’autres biens appartenant à
un tiers, si la séparation ne peut être effectuée, le premier acquéreur obtient souvent une
somme d’indemnité de ce dernier.
241
Chapitre III – Les effets juridiques
433. Concernant le problème de la revendication par le créancier des
biens fongibles, les juristes chinois font beaucoup moins d’attention que ses
homologues français. C’est un problème important, surtout pour des
fournisseurs qui approvisionnent, sous réserve de propriété, les grandes
surfaces en marchandises, ou en cas de perte d’identité des biens objets de
réserve de propriété dans le patrimoine du débiteur avant la revente. La solution
française est indubitablement une bonne référence.
§ II – Les effet de la revendication sur le contrat
434. En droit français, la revendication n’aboutit pas à la résolution du
contrat. Les deux actions sont bien différentes : la résolution du contrat suppose
une demande en justice et appelle une appréciation du juge, alors que la
revendication est une action visant à reconnaître un droit de propriété sur une
chose, qui peut être doublée d’une action en restitution pour récupérer
matériellement la chose273. Ainsi, les effets passés du contrat subsistent. Cela
signifie que le vendeur n’a pas à rendre au débiteur les sommes déjà perçues
par l’acheteur avant l’action de revendication ; l’acheteur pour sa part restitue
au vendeur la chose dans l’état lors de l’action et ne rembourse pas la valeur
représentant son usure naturelle lorsqu’il a été utilisé. Après la revendication, la
valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie ; si elle est
supérieure à la dernière, le créancier doit au débiteur une somme égale à la
différence (art. 2371, C. civ.). Dans la mesure où la réserve de propriété est une
véritable sûreté, le créancier ne peut pas s’enrichir de la sûreté. Cependant, la
détermination de la valeur du bien repris est une véritable difficulté.
Alors qu’en droit chinois, quatre appréciations sont proposées sur le plan
doctrinal pour qualifier l’effet de la revendication. La première considère que
273
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.646.
242
Chapitre III – Les effets juridiques
l’action de revendication entraîne directement la résolution du contrat274. La
seconde considère que la revendication aboutit à une résolution à terme du
contrat275. La troisième, tenant compte du fait que la réserve de propriété est
une garantie, estime que la revendication n’entraîne pas la résolution du contrat
et, que la valeur des biens revendiqués s’impute sur le solde de la créance
garantie 276 . La quatrième soutient que la revendication n’entraîne pas la
résolution du contrat et, le vendeur doit, au moins en principe, revendre les
biens revendiqués277. Parmi eux, la troisième appréciation joue en fait un rôle
dominant. La solution est donc la même que celle choisie par les juristes
français. Le créancier peut aussi être protégé par une clause pénale de
dédommagement du préjudice entraîné par l’inexécution du contrat ou, à défaut,
les dommages réels doivent être remboursés par le débiteur 278 . Après la
revendication, la valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance
garantie et sur les dommages-intérêts ; si elle est supérieure à ceux-ci, le
créancier doit au débiteur une somme égale à la différence.
274
LIN Yongrong, Des commentaires de la Loi de sûreté mobilière, Éd. Wunan de Taiwan,
1987, p. 705.
275
HUANG Jingjia, La loi de sûreté mobilière, Banque de Taiwan, 1980, p. 44 et s. Après
la revendication de la chose, le contrat n’est pas immédiatement résolu. Le débiteur
dispose d’un délai d’exercer son obligation de paiement. A l’échéance du délai, si le
débiteur a exercé son obligation, il peut reprendre la chose entre ses mains ; sinon, le
contrat est résolu.
276
WANG Zejian, op. cit., p. 45-48 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 394.
277
CHEN Benhan, op. cit., p. 398.
278
ZONG Xuejun, La théorie et pratique du régime de vente avec la réserve de propriété,
Éd. des sciences sociales de Xinjiang, 2005, II, p. 70-71. Selon son opinion, le créancier
peut aussi demander le remboursement de l’usure naturel de la chose objet. Il faut dire que
ce n’est pas très justifié. Car, d’une part, le contrat n’a pas été résolu, ses effets passés
subsistent ; d’autre part, si le créancier a ce droit, pour équilibre les intérêts des parties, il
est aussi logique que le débiteur puisse demander les intérêts légaux des sommes déjà
payées.
243
Titre IV– La fiducie-sûreté
435. Ayant été officiellement consacré dans le Code civil, il reste encore,
pour la fiducie-sûreté, des problèmes difficiles à résoudre en droit français. En
droit chinois, bien que la fiducie-sûreté ne soit pas consacrée par la loi, les
idées issues de la discussion chronique en doctrine peuvent quand même
fournir des renseignements utiles pour des juristes français.
244
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
436. La fiducie en droit français est définie comme « l'opération par
laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des
sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à
un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre,
agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires »
(art.2011, C. civ.). Sa généralisation a connu un processus progressif (v. supra
n° 135 et s.), mais elle répond enfin au souhait exprimé par de nombreux
praticiens279. Il s’agit aujourd’hui d’une institution permettant de faciliter la
gestion des biens (fiducie-gestion) et d’assurer la fonction de garantie
(fiducie-sûreté), qui s’approche du trust dans les pays anglo-saxons.
Conformément au sujet du présent texte, nous n’envisagerons que la
fiducie-sûreté.
En ajoutant la section II intitulée « De la propriété cédée à titre de
garantie » au chapitre IV « De la propriété retenue ou cédée à titre de garantie »
qui se place sous la partie consacrée à « Des sûretés sur les meubles » dans le
Code civil, et un chapitre intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie » se
plaçant dans la partie consacrée à la « Des sûretés sur les immeubles » dans le
même code, l’ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la fiducie énonce
expressément que tous meubles et immeubles peuvent être cédés à titre de
garantie d'une obligation en vertu d'un contrat de fiducie. Cette ordonnance a
ainsi divisé les règles de la fiducie-sûreté en deux corps, ce qui peut s’expliquer
par la classification bipartite du Code civil en matière des sûretés réelles qui
distingue les sûretés réelles portant sur des meubles de celles portant sur des
immeubles. Certes, la coexistence n’est point source d’incohérence, puisque du
point de vue substantiel, les articles relatifs à la fiducie-sûreté immobilière sont
279
A. CERLES, La propriété, nouvelle reine des sûretés, Mélanges M. VASSEUR,
Banque éditeur, 2000, p. 39 ; J.-P. BORNET, Marchés financiers, vers la fin de l’aliénation
fiduciaire, Mélanges AEDBF, II, 1999, p.97.
245
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
les reproductions de ceux qui relatifs à la fiducie-sûreté mobilière. Cependant,
pourquoi nous ne remplaçons pas ces reproductions par un simple renvoie aux
règles relatives à la fiducie-sûreté mobilière? D’autant plus que du point de vue
formel, ce double emplacement entrave l’accessibilité et lisibilité matérielle du
droit de la fiducie, dont le régime est déjà compliqué par le cumul nécessaire
entre ces règles spéciales et le régime général instauré par les articles 2011 à
2030 du Code civil.
437. De toute façon, le mécanisme de la fiducie-sûreté a été bien amélioré
et, est aujourd’hui beaucoup plus praticable qu’auparavant.
Section I – Le mécanisme de la fiducie-sûreté
§ I – Le domaine d’application
438. S’agissant des parties de la fiducie, il était initialement limité par la
loi du 19 février 2007 qui a instauré le régime général de la fiducie: seule une
personne morale soumise de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés
pouvait être le constituant ; seul des établissements de crédit, des entreprises
d’investissement, des entreprises d’assurance ou des établissements assimilé
pouvaient être le fiduciaire. Heureusement, la loi de modernisation de
l’économie du 4 août 2008 a supprimé les restrictions imposées au constituant.
Toute personne capable, peu importe qu’elle ne soit personne physique ou
morale, peut être constituant de la fiducie. Quant à la fiducie-sûreté elle-même,
c’est la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et
d'allègement
des
procédures
qui
consacre
expressément
que
toute
personne morale et physique peut être constituant de la fiducie-sûreté. Toutefois,
« sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, le constituant peut, à tout
moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts
dans le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la
loi accorde au constituant. Lorsque le constituant est une personne physique, il
ne peut renoncer à cette faculté» (art.2017, c. civ.) (il s’agit donc d’une
246
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
fiducie-sûreté avec entiercement)280. On se demande ici que soient les intérêts
de cette restriction. Existe-il des exigences spéciales pour être le tiers ?
Malheureusement, le code civil est tacite sur ce point. Il doit être clarifié dans
la réforme à venir.
439. Quant aux restrictions au fiduciaire, la loi de 2008 du 4 août 2008
maintient les restrictions posées par la loi du 19 février 2007, en ajoutant qu’un
membre de la profession d'avocat peut aussi être le fiduciaire. Si, dans une
opération de fiducie-sûreté, le créancier bénéficiaire est un établissement
financier ou un avocat, cela va sans dire qu’il peut être le fiduciaire de celle-ci.
Cependant, quid si le créancier est une personne physique ou un établissement
non précité? Le code civil ne le traite pas expressément. En déduisant de
l’article 2372-3, 2488-3 et de l’article 2015 du code civil, il faut dire qu’une
personne physique ou un établissement non précité peut aussi être le créancier
bénéficiaire de la fiducie-sûreté. Mais l’opération est plus compliquée. Il faut
prévoir dans le contrat constitutif que, pendant la durée du crédit accordé, le
bien affecté en garantie sera transféré à un établissement ou un avocat énuméré
par l’article 2015 du Code civil. Se référant à l’article 2017, alinéa 2 du code
civil, la mission de ce dernier est d'assurer la préservation des intérêts dans le
cadre de l'exécution du contrat.
440. Au surplus, en consacrant expressément la possibilité de recharger la
fiducie-sûreté, la Loi du 12 mai 2009 a apporté une innovation très favorable.
Désormais, le constituant peut l'offrir en garantie, non seulement au créancier
originaire, mais aussi à un nouveau créancier, encore que le premier n'ait pas
été payé. Ça va sans aucun doute réduire les couts du temps et pécuniaires de
l’utilisation de ce genre de sûreté, et ainsi favorise à la pratique du crédit.
§ II – Le formalisme
280
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 350.
247
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
441. La fiducie-sûreté se constitue par un contrat écrit qui doit
expressément prévoir de constituer une fiducie-sûreté. De plus, le contrat doit
comporter, à peine de nullité, certaines mentions obligatoires:
1° la dette. Le contrat constitutif doit désigner, à peine de nullité, la dette
garantie. Cette exigence correspond au principe de spécialité en matière de
sûretés réelles conventionnelles. Ce principe n’entrave pas que l’affectation de
la fiducie en garantie de plusieurs créances ou, des créances futures
déterminables. Cependant, le principe de spécialité en matière de fiducie,
comme en matière d’autres sûretés réelles conventionnelles, a été tempéré par
la loi du 12 mai 2009 introduisant la fiducie-sûreté rechargeable. La
fiducie-sûreté peut dès lors être ultérieurement affectée à la garantie de dettes
autres que celles mentionnées par l'acte constitutif pourvu que celui-ci le
prévoie expressément (art. 2372-5 et 2488-5, C. civ.).
2° les biens transférés, et leurs valeurs. L’article 2018, 1° impose
initialement seulement que les biens eux-mêmes doivent été précisés dans le
contrat constitutif. Alors que les nouveaux articles 2372-2 et 2488-2 du Code
civil créés par l’ordonnance du 30 janvier 2009 y ajoutent une exigence
supplémentaire – l’estimation de la valeur des biens transférés, ce qui s’est
expliquée par le souci de « garantir une parfaite connaissance par le constituant
personne physique de la portée de son engagement », puisque « la fiducie peut
avoir de graves conséquences sur le patrimoine du constituant »281. Cependant,
ces motifs révélant surtout la méfiance déplacée du droit français envers la
fiducie ne sont pas parfaitement convaincants282, puisque le pacte commissoire
en cas de sûreté réelles traditionnelles peut aussi engendre de graves
conséquences sur le patrimoine du constituant, alors que l’estimation de la
281
V. Rapport au président de la République relative à l’ordonnance n° 2009-112 du 30
janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie, JO 31 janv. 2009, p. 1851.
282
Ph. DUPICHOT, La fiducie-sûreté en pleine lumière. À propos de l’ordonnance du 30
janvier 2009, JCP 2009. I. 132, n° 7.
248
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
valeur des biens grevés n’y est pas exigée à peine de nullité. En outre, étant une
opération radicale pour le constituant qui perd définitivement la propriété des
biens grevés, la réalisation de la fiducie-sûreté devrait impérativement
s’accompagner d’une estimation de la valeur des biens au moment où elle a lieu,
au lieu d’une estimation au moment de la constitution de la fiducie-sûreté283.
3° certaines autres mentions, telles que la durée du transfert (ne peut
excéder 99 ans) ; l’identité du constituant (ou des constituant) et du fiduciaire
(ou des fiduciaires), ou à défaut, les règles permettant de l’identifier ; l’étendue
des pouvoirs du fiduciaire (ou des fiduciaires) et sa mission.
442. Peu importe qu’il ait pour l’assiette mobilière ou immobilière, le
contrat constitutif et ses avenants doivent d’abord être enregistrés, à peine de
nullité, au registre national des fiducies dans le délai d’un mois auprès du
service des impôts du siège du fiduciaire (ou des non-résidents si le fiduciaire
n’est pas domicilié en France (art.2019, al.1, C. civ.). Cependant, cet
enregistrement n’a pas pour fonction d’assurer la publicité des opérations284,
mais pour la fin de contrôler des activités illicites, tels que le blanchiment,
l’évasion fiscale, etc. Ce n’est donc pas un registre consultable.
443. D'ailleurs, si la fiducie-sûreté porte sur des immeubles ou des droits
immobiliers, il doit faire l’objet d’une publicité foncière, à peine de nullité
(art.2019, al.2, C. civ.). Dans ce cas là, les formalités de l'enregistrement du
contrat et ses avenants de la fiducie-sûreté et de la publicité foncière sont
fusionnées pour les actes publiés au fichier immobilier. La nouvelle formalité
prend nom de "formalité fusionnée" qui doit être procédé au bureau des
hypothèques de la situation de l'immeuble (art.647 et 657, C. imp.). Si la
fiducie-sûreté porte sur des meubles corporels ou incorporels, le Code civil ne
283
Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER,
op. cit., p. 370.
284
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.598.
249
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
l’a pas précisé ; la fiducie-sûreté reste donc occulte, puisque l’enregistrement
obligatoirement requis ne constitue pas une mesure d’information à l’égard des
tiers. Alors, la fiducie-sûreté n’est généralement opposable qu’au moment où
les meubles corporels grevés ou les titres des meubles incorporels grevés sont
remis entre les mains du fiduciaire285. Toutefois, ce principe subit une exception:
selon la loi du 4 août 2008, la fiducie-sûreté portant sur la créance est
opposable au débiteur de la créance cédée par la notification qui lui en est faite
par le constituant (le créancier de la dette cédée) ou le fiduciaire, et est
opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la
constate (art.2018-2, C. civ.). Ce qui s’inspire directement des solutions
admises en matière de nantissement de créance et est en voie d’exprimer le
droit commun de la cession de créance286. Mais, pendant la période suspecte, la
conclusion de la fiducie-sûreté est nulle de plein droit (art. L.632-1 9o, C.
com.).
§ III – La réalisation et l’extinction de la fiducie-sûreté
444. À l’échéance de la durée fixée, si la créance garantie n’a pas été
totalement payée, le bénéficiaire peut réaliser la fiducie-sûreté. Cependant, la
loi du 19 février 2007 n’a rien prévu sur ce sujet. Il s’avérait opportun, pour
combler cette lacune, d’appliquer le régime commun de la réalisation des
sûretés réelles conventionnelles, plus précisément les règles relatives au pacte
commissoire 287: la détermination de la valeur des biens grevés devait recourir à
un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, sauf s’il s’agissait de sommes
d’argent, de créances ou d’instruments financiers admis aux négociations sur un
marché réglementé ; le créancier ne pouvait pas s’approprier la différence entre
285
Ibid., p.598.
286
Ibid., p.598.
287
Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER,
op. cit., p. 375.
250
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
la valeur des biens grevés et la solde de la créance garantie, toute clause
contraire était réputée non écrite (art.2348, 2366 et 2460, C. civ.).
445. L’ordonnance du 30 janvier 2009 a comblé la lacune de la loi de
2007 relative à la réalisation de la fiducie-sûreté, en introduisant dans le Code
civil les règles différentes selon que le fiduciaire est le créancier bénéficiaire
lui-même ou un tiers.
Si le fiduciaire est le créancier bénéficiaire, la réalisation de la
fiducie-sûreté s’opère très simplement : sauf stipulation contraire, le fiduciairebénéficiaire acquiert la libre disposition du bien ou du droit cédé à titre de
garantie. Celui-ci peut donc s’approprier du bien grevé, le vendre ou le faire
vendre etc.
Si le bénéficiaire n’est pas le fiduciaire, il peut lui demander de le remettre
entre ses mains, puis il peut en disposer librement (art.2372-3, C. civ.). La
difficulté réside en la juste évaluation des biens. Il faut obligatoirement recourir
à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement pour déterminer la valeur du
bien, sauf s’il existe, pour le bien grevé, une cotation officielle sur un marché
organisé au sens du code monétaire et financier ou si le bien est une somme
d'argent (art.2372-3, al.3, et art.2488-3, al.3, C. civ.). Étant donné que la
fiducie-sûreté a pour fin de garantie, le créancier ne peut pas s’en enrichir. Il
doit verser au constituant la différence entre la valeur d’expertise des biens
grevé et la solde de la créance garantie, sous réserve du paiement préalable des
dettes nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire.
446. L’extinction de la créance garantie peut entraîner l’extinction de la
fiducie-sûreté, c’est l’extinction de la fiducie-sûreté par voie accessoire.
Cependant, ça dépend de la stipulation du contrat constitutif. S’il y a une clause
de rechargement, l’extinction de la dette initialement garantie n’entraîne pas de
plein droit l’extinction de la fiducie-sureté et, cette dernière reste réutilisable en
couverture de nouvelles créances; si la fiducie n’est pas rechargeable,
251
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
l’extinction de la dette garantie entraîne de plein droit l’extinction de la
fiducie-sûreté.
L’article 2029 du Code civil prévoit que « le contrat de fiducie prend fin
par le décès du constituant personne physique », autrement dit, le décès du
constituant personne physique est une clause d’extinction du contrat constitutif
dans le régime général de la fiducie. Dans ce cas là, le patrimoine fiduciaire fait
de plein droit retour à la succession et, l’efficacité de la fiducie utilisée à des
fins de garantie s’en trouve complètement ruinée pour le créancier bénéficiaire.
Heureusement, la loi du 12 mai 2009 a supprimé cette source d’inefficacité de
la fiducie-sureté, en disposant que « par dérogation à l’article 2029, le décès du
constituant personne physique ne met pas fin au contrat de fiducie constitué en
application de la présente section » (art. 2372-1 et 2488-1, C. civ.). Par
conséquent, la fiducie-sûreté dans un tel cas constituera avec l’héritier ou les
héritiers. L’efficacité de la fiducie-sûreté est ainsi désormais forcée.
Section II – Quelques observations du droit positif
447. Comme toute institution juridique nouvelle, même si y a déjà
plusieurs lois qui ont contribué à l’améliorer288, il existe encore des difficultés à
résoudre pour la fiducie-sûreté.
En premier lieu, la fiducie-sûreté présente deux avantages indéniables
pour ses bénéficiaires. L’un réside dans la situation d’exclusivité sur les biens
grevés qui permet aux bénéficiaires d’échapper à tout concours avec les autres
créanciers du constituant. L’autre est sa souplesse de la réalisation par rapport à
d’autres sûretés réelles traditionnelles : certaines prohibitions en cas de gage ou
d’hypothèque, telles que l’interdiction de la clause de voie parée et
l’interdiction de stipuler un pacte commissoire dans le contrat d’hypothèque
288
Après la promulgation de la loi du 19 février 2007, il y a la loi du 4 août 2008, la loi du
30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009 qui ont traité des problèmes de la fiducie-sûreté.
252
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
portant sur la résidence principale du constituant, n’ont pas cours pour la
fiducie-sûreté. Le constituant de la fiducie-sûreté peut même conserver l'usage
ou la jouissance du bien grevé si la convention constitutive l’a prévu (art.
2018-1 et 2372-3, al. 2, C. civ.,). Cependant, ces avantages de la fiducie-sûreté
supposent plus ou moins son opposabilité aux tiers. Alors, comment assurer son
opposabilité aux tiers dans la mesure où la loi ne prévoit aucune règle de
publicité? Si celles portant sur des immeubles peuvent être portées à la
connaissance des tiers par le régime de publicité habituel et relativement parfait,
celles portant sur des meubles autres que des créances en droit positif, en
revanche, ne devraient devenir opposable aux tiers que les meubles corporels
grevés ou les titres des biens incorporels grevés entre en possession du
fiduciaire. La fiducie-sûreté mobilière priverait alors le constituer d’en user,
d’en jouir et de l’affecter en garantie pour une autre créance. Cet inconvénient
s’approche de celui du gage traditionnel. Ou, nous pouvons pencher pour
l’autre solution : « modifier le fonctionnement du registre appelé à recevoir les
déclarations de fiducie pour le transformer d’un registre à des fin d’ordre public
en un registre à des fins de publicité, au moins pour les fiducie-sûreté
mobilière »289.
En second lieu, il faut dire que les dispositions concernant la fiducie-sûreté
(ou dite la fiducie) changent trop vite. Cela n’est pas favorable à la sécurité
juridique et à l’accessibilité et la compréhensibilité de loi. Une telle instabilité
entraîne aussi l’augmentation des coûts législatifs. Cela ne vaut pas dire que les
dispositions de la loi ne peuvent pas être modifiées, mais la fréquence de
promulgation de quatre lois en trois ans est vraiment inimaginable. La loi du 19
février 2007 limitait le constituant de la fiducie à une personne morale soumise
de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés, qui a été rapidement
289
Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER,
op. cit., p. 371.
253
Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français
modifié par la loi du 4 août 2008. Elle énonce une simple consécration que la
fiducie peut être utilisée à la fin de garantie, et ne dit rien sur le fonctionnement
de l’institution. Il nous semble que ce manquement peut se justifier par le fait
que la loi relève principalement de la matière d’opération financière, mais non
de la matière de sûreté. Étant basé sur ce fil de la pensée, les règles principales
de la fiducie-sûreté, qui sont principalement énoncé par la loi du 30 janvier
2009 et la loi du 12 mai 2009, auraient dues être énoncées dans l’ordonnance
du 23 mars 2006 qui procède une réforme du droit des sûretés.
448. En résume, il ne faut pas exagérer la signification de la fiducie-sûreté.
Elle ne peut ni être le droit commun de sûreté, ni être la reine de sûreté comme
certains auteurs le considèrent290.
290
A. CERLES, La fiducie, nouvelle reine des sûretés, JCP E, 2007, 2054.
254
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
449. En droit chinois, la fiducie a été consacrée par la Loi de la fiducie de
la RPC en 2001. Étant donné que la loi s’inspire directement du régime
hongkongais qui suit le droit anglais, le régime de la fiducie fixé par cette loi
s’approche plutôt du trust en droit anglais, et ne peut pas être utilisée à la fin de
garantie.
En effet, intéressés par le régime de fiducie-sûreté en droit japonais et
taïwanais, de nombreux juristes se consacrent à la recherche de son régime
pendant ces dernières années291. Même, au cours de la rédaction de la LDR,
certains projets (no1, no4, et no5) de la loi en déjà prévoyaient des règles
principales. Enfin, la LDR promulguée ne l’a pas consacré. Mais le refuse
législative n’a pas éteint les vives controverses en doctrines sur l’introduction
de la fiducie-sûreté. Avant d’approfondir le débat, il faut d’abord montrer le
régime de la fiducie-sûreté projeté en doctrine chinoise.
Section I – Le régime de la fiducie-sûreté projeté
450. Malgré des vives controverses, les juristes s’accordent plus ou moins
sur le mécanisme de la fiducie-sûreté. Selon les recherches achevées, la
fiducie-sûreté est une opération par laquelle un constituant (débiteur ou tiers)
transfère à un créancier un bien (des choses, des droits ou des sûretés) en
garantie de sa créance, à charge pour le créancier de le restituer en cas de
paiement de sa créance.
451. Selon les idées des souteneurs, la fiducie-sûreté présente des
avantages qui peuvent compléter les inconvénients des sûretés réelles
traditionnelles.
291
Il existe une centaine d’essais de recherche concernant la fiducie-sûreté sur le site de
Périodiques chinois (www.cnki.net). Si on utilise le moteur de recherche Google
(www.google.com), il y a 291 000 de résultats en chinois concernant la fiducie-sûreté.
Alors qu’on utilise le même moteur de recherche, il n’y a que 9430 de résultats en français
concernant la fiducie-sûreté.
255
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
En premier lieu, l’assiette de la fiducie-sûreté est très étendue. Les biens
corporels ou incorporels, présents ou futurs, mobiliers ou immobiliers, peuvent
indifféremment être son assiette, à condition qu’ils soient aliénables. Il n’existe
non plus de striction spéciale concernant le constituant ou le créancier.
En second lieu, la fiducie-sûreté a pour objet le transfert de propriété ou
d’autres droits, mais ne réalise pas la dépossession du bien grevé. Alors le
constituant peut encore en user et jouir.
Enfin, la réalisation de la fiducie-sûreté est simple. À l’échéance de la
créance et en cas de non-paiement de celle-ci, le créancier devient propriétaire
du bien grevé et donc dispose de la priorité sur tous les autres créanciers de son
débiteur, sans avoir à soumettre à la procédure des sûretés réelles traditionnelles
qui dure éventuellement longtemps et qui coûte cher.
452. Néanmoins, les mérites ci-dessus suffisent-elles pour justifier
l’introduction de la fiducie-sûreté en droit chinois? Pas forcément. Il faut
examiner des observations sur ce point.
Section II – Quelques observations
453. Pour la transplantation dans notre système juridique d’une institution
venue d’autres pays, il est très important de rechercher son contexte. Parce que
c’est lui qui décide la nécessité de l’instauration et le but législatif, et encadre le
mécanisme de l’institution. Considérant que les juristes chinois se réfèrent
principalement à la fiducie-sûreté en droits allemand, japonais et taïwanais,
nous étudierons respectivement les contextes différents dans ces pionniers de
l’institution.
454. Parmi
les
systèmes
juridiques
romano-germaniques,
celui
d’Allemagne et celui de Japon sont les devanciers les plus importants qui ont
instauré l’institution de la fiducie-sûreté. Le droit taïwanais, pour des causes
historiques, influence beaucoup le droit chinois continental.
256
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
Le code civil allemand de 1896 distingue strictement la sûreté mobilière
de la sûreté immobilière. Le prototype de la sûreté immobilière est
l’hypothèque qui n’emporte pas la dépossession du bien grevé, alors que la
seule sûreté mobilière est le gage qui nécessite la dépossession du bien grevé.
Jusqu’à maintenant, le code civil allemand ne consacre pas la sûreté mobilière
sans dépossession ou dite l’hypothèque mobilière. Le pacte commissoire, peu
importe qu’il soit conclu lors de la constitution ou postérieure à la constitution,
est toujours interdit par le code. En outre, en cas de procédure collective, il
existait certaines créances privilégiées jusqu’à 1999292 qui primaient la sûreté
réelle traditionnelle. Les effets de l’hypothèque et du gage sont donc entamés.
Mais du côté de la pratique de crédit, l’hypothèque immobilière et le gage
mobilier ne peuvent plus offrir des garanties suffisantes. Les biens mobiliers,
tels que les équipements de production, occupent une place de plus en plus
importante. La seule possibilité de les affecter en garantie est de constituer un
gage sur eux. Mais une telle sûreté empêchera les activités courantes de
l’entreprise. Par conséquent, comment offrir assez de garantie pour le crédit,
mais n’emporter pas la dépossession du bien grevé saute aux yeux des juristes
allemands. Étant donné que les juristes n’ont pas voulu entamer la théorie et la
typologie traditionnelle de sûreté réelle, les jurisprudences allemandes ont
consacré successivement la fiducie-sûreté293.
En droit japonais, le code civil n’aborde que l’hypothèque immobilière, le
gage immobilier et le gage mobilier avec dépossession. L’hypothèque mobilière
292
La priorité de ces créances privilégiées a été supprimée par la nouvelle loi de faillite
(Insolvenzordnung) qui entre en vigueur le 1er janvier 1999. Depuis ce jour là, il n’existe
plus les créances privilégiées et toutes ces créances sont créances chirographaires.
293
La fiducie-sûreté en droit allemand est une institution issue de vente à réméré. Elle a
été successivement consacrée par la jurisprudence. Par un arrêt rendu le 11 mars 1903, la
Cour d’Empire a refusé de qualifier la fiducie-sûreté de vente, puis par un arrêt du 10 avril
1906, la même cour l’a qualifié d’une fiducie. V. WANG Na, L’institution de la
fiducie-sûreté en droit allemand, in Collection des essais de droit allemand et chinois, Éd.
du droit, 2003, p. 450.
257
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
est consacrée par des lois spéciales, tels que la Loi sur l’hypothèque des
véhicules à moteur, la Loi sur l’hypothèque des aéronefs et la Loi sur
l’hypothèque des machines à construire, mais son domaine d’application est
très strict. Elle est donc limitée à des véhicules à moteur, des aéronefs et des
machines à construire. Elle n’a donc pas été généralisée à d’autres meubles. De
plus, le pacte commissoire est interdit par le code civil. Et, les créanciers
hypothécaires ou gagistes sont probablement primés par les privilèges qui sont
plus ou moins occultes. L’hypothèque et le gage sont donc précaires. Cherchant,
d’une part, à affecter des meubles en garantie et n’empêcher pas leur usage et
jouissance, d’autre part, à assurer la fiabilité de garantie, la jurisprudence a
consacrée enfin la fiducie-sûreté294.
En droit taïwanais, les juristes ont discuté avec véhémence sur
l’introduction de la fiducie-sûreté à l’instar du droit allemand. Mais ils ont
finalement démarré cette intention en se tournant vers la modalité américaine.
Enfin, il a promulgué la Loi des sûretés mobilières en 1963, dans laquelle sont
consacrés trois modalités de sûretés mobilières: l’hypothèque mobilière, la
vente conditionnelle et la fiducie-sûreté. Pourquoi la loi juxtapose l’hypothèque
et la fiducie-sûreté ? Selon les auteurs, les raisons principales sont ainsi295:
premièrement, les meubles susceptible de l’hypothèque sont limités 296 ;
secondement, l’ensemble des meubles, tel que le stock, ne peut pas être
l’assiette de l’hypothèque mobilière ; enfin, les coûts de réalisation de la
fiducie-sûreté sont moins onéreux que ceux de l’hypothèque et du gage.
294
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 384.
295
XIE Zaiquan, Les droits réels (volume II), Éd. de l’Université des sciences politiques et
du droit de Chine, 1999, p. 899-900.
296
V. l’article 4 de la Loi des sûretés mobilières en 1963, sont susceptibles d’être
hypothéqués des machines, des équipements, des outils, des matières premières, des
semi-produits, des produits finis, des véhicules, des produits agricoles, sylvicoles, pêcheurs
ou des élevages, des bestiaux, des bateaux cinétiques de tonnage inférieur à 20 ton et des
autres bateaux de tonnage inférieur à 50 ton.
258
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
455. En résume, la consécration de l’institution de la fiducie-sûreté
suppose généralement l’inexistence de l’hypothèque mobilière (au moins la
limitation
des
assiettes
susceptibles
de
l’hypothèque
mobilière),
le
fléchissement des efficacités de l’hypothèque ou du gage à cause de l’existence
des sûretés réelles non conventionnelles occultes, ou l’interdiction complète (ou
au moins partielle) du pacte commissoire.
456. Alors, la situation juridique chinoise correspond-t-elle aux situations
susmentionnées?
En ce qui concerne l’hypothèque mobilière, tous les meubles, sauf ceux
qui sont interdits par la loi (art.184, LDR), sont théoriquement susceptibles
d’être hypothéqué. En pratique du crédit, la cause de l’utilisation faible de
l’hypothèque mobilière portant sur des meubles généraux réside en désordre de
l’inscription. Force est d’unifier et d’éclairer le régime de l’inscription
hypothécaire mobilière, non de recourir à d’autre institution nouvelle.
S’agissant de leurs efficacités, il n’existe point de sûretés légales occultes
primant l’hypothèque et le gage. En cas de procédure collective, ils sont payés
en premier rang et priment les soi-disant privilèges. De plus, considérant que
« … sans consentement du créancier hypothécaire, le constituant ne peut pas
aliéner le bien grevé …» (art.191, al.2, LDR), l’hypothèque exclu en effet la
disposition du bien grevé du constituant. Par conséquent, si on fait abstraction
du bien-fondé de la disposition, on peut même dire que, dans n’importe quel
pays, aucune sûreté ne peut être plus efficace que l’hypothèque en droit chinois.
Enfin, concernant le pacte commissoire, il est partiellement interdit: seul le
pacte commissoire conclu lors de la constitution de sûreté est interdit. Il nous
semble que cette prohibition peut, d'un certain point de vue, justifier la
fiducie-sûreté. En effet, le pacte commissoire est un véritable dilemme pour les
auteurs favorables à la fiducie-sûreté. Si on maintient le pacte commissoire,
259
Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois
cela signifie que l’appropriation du bien grevé par le créancier garanti est
interdite. Alors, pourquoi on introduit la fiducie-sûreté qui permet, lors de sa
constitution, au créancier garantit de devenir propriétaire du bien grevé en cas
de non-paiement de sa créance, ce qui se heurte nécessairement à la prohibition?
Si on admet complètement la validité du pacte commissoire, les efficacités de
l’hypothèque ou du gage peuvent alors être davantage renforcées. Tenant
encore les analyses plus hautes, il nous semble qu’il est encore moins
nécessaire d’introduire la fiducie-sûreté en droit chinois. A fortiori, l’institution
de la fiducie-sûreté a elle-même des problèmes d’efficacité, par exemple, les
coûts de deux transferts de propriété et les coûts de réalisation ne sont pas très
bas, et la réalisation n’est pas aussi simple que l’on l’imagine297.
297
Par exemple, la Cour suprême japonaise impose le créancier de restituer au constituant
la différence entre la valeur du bien et le montant de la dette due. Et, pour la détermination
de la valeur du bien, si le créancier s’approprie du bien grevé, il ne peut pas l’estimer
arbitrairement, les auteurs considèrent qu’elle doit être déterminée par le juge compétent.
Ce recours au juge nécessite sûrement des coûts pécuniaires et du temps. S’il l’a vendu à
un tiers, la valeur du bien se convertit donc en prix de la vente. Mais dans ce cas là, le
créancier se contenterait d’un prix égal à sa créance, même si la valeur du bien grevé est
beaucoup importante. S’il l’a vendu à un prix inférieur à la valeur véritable du bien grevé,
quid? V. Masamichi NOZAWA, le transfert de propriété à titre de garantie en droit
français et en droit japonais, RIDC, 2001, no 3, p. 670-671.
260
Troisième partie Régimes des sûretés immobilières (approche
micro juridique)
261
457. Selon les sources, les sûretés immobilières dans les deux systèmes
juridiques, comme les sûretés mobilières, peuvent aussi être classées en deux
catégories qui sont soumises aux régimes juridiques différents: les sûretés
immobilières
non
conventionnelles
et
les
sûretés
immobilières
conventionnelles.
262
Titre
préliminaire
–
Les
sûretés
immobilières
non
conventionnelles
458. Comme en matière mobilière, il arrive aussi que certaines sûretés
soient, hors le cadre de convention entre les parties, conférées à certains
créanciers ou attachées à certaines créances : les sûretés réelles immobilières
non conventionnelles qui rassemblent les sûretés légales et les sûretés
judiciaires.
263
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
459. Les sûretés immobilières légales comprennent les privilèges
immobiliers et les hypothèques légales.
Section I – Les privilèges immobiliers
460. Les privilèges immobiliers ici ne désignent que les privilèges
spéciaux. Ils sont accordés aux créanciers qui introduisent une valeur dans le
patrimoine du débiteur. Leur régime est assez proche de celui de l’hypothèque
conventionnelle: principe de spécialité, non dépossession du bien, droit de suite
et de préférence au créancier, transmission et extinction, ainsi que la publicité.
La différence est que la publicité des privilèges a un effet rétroactif qui permet
au créancier de prendre rang à la date antérieure à la publicité. Cela peut
s’expliquer par le fait que la créance « naît privilégiée » de certains actes :
vente d’immeuble, prêt de deniers…298, puisque dans l’hypothèse, le débiteur
s’enrichit de ces actes.
461. Selon l’article 2290 du Code civil, les privilèges immobiliers
spéciaux sont au nombre de huit, parmi lesquels celui de la vente d’immeuble
et celui reconnu au prêteur de deniers sont les plus importants. En effet,
transférer tous les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèque légale était
l’ambition tenue par le Group Grimaldi, ce qui n’a pas été finalement accepté
par le législateur299.
462. Le vendeur d’immeubles dispose du privilège qui le protège du
risque de non paiement du prix de vente. Le privilège prend effet à la date de
l’inscription qui doit être faite dans les deux mois de la vente (art. 2379, C. civ.).
298
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 318.
299
Ph. DUPICHOT, La réforme du régime hypothécaire, D. 2006, 1291 ; Ph.
DELEBECQUE, L’hypothèque, no spécial JCP 17 mai 2006, 8 ; Dossier Le renouveau de
l’hypothèque, Dr. et patr. mai 2007, p. 41.
264
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
Si le vendeur laisse passer ce délai, l’effet rétroactif de l’inscription est perdu,
le privilège prend rang alors à la date de l’inscription300.
Ce privilège permet au vendeur d’être payé en priorité par rapport aux
autres créanciers sur le prix provenant de la vente de l’immeuble impayé. Le
prix impayé, les frais de vente mentionnés dans l’acte et les intérêts légaux ou
conventionnels dans la limite de trois ans sont couvert par ce privilège.
463. En comparaison du privilège de vendeur d’immeuble, celui du
prêteur de deniers est plus important, car le crédit immobilier contemporain est
généralement consenti par eux. Selon l’article 2374, 2o du Code civil, le prêteur
bénéficie du privilège à la condition que l’acte d’emprunt ait authentiquement
constaté que la somme était destinée à l’achat du immeuble et que la quittance
du vendeur constate authentiquement que la somme a été constituée à partir des
deniers empruntés. Les deniers accordés sont utiles pour tous les créanciers
d’emprunteur, ce qui justifie ce privilège. Ce privilège garantit le principal du
prêt et les intérêts conventionnels pour trois ans. L’exigence de publicité est en
tout point identique à celle du privilège du vendeur d’immeuble. Il est à noter
que ce privilège du prêteur est inférieur à celui du vendeur d’immeuble. Certes,
les parties du prêt peuvent l’écarter par voie conventionnelle à l’occasion de
l’octroi de crédit.
Section II – L’hypothèque légale
§ I – L’hypothèque légale en droit français
464. L’article 2400 du Code civil énumère les créances dont le titulaire
bénéficie d’une hypothèque légale sur immeubles. Une hypothèque légale est
donc reconnue aux époux, aux mineurs ou majeurs en tutelle, aux personnes
morales de droit public, ainsi aux titulaires des privilèges mobiliers généraux,
300
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 465.
265
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
sauf le créancier du frais de justice. Parmi eux, certaines hypothèques sont
issues des anciens privilèges immobiliers occultes. Ce genre d’hypothèque leur
confère une protection particulière. Elle prend rang à la date de son inscription,
ce qui la distingue des privilèges immobiliers. Elle doit respecter le principe de
spécialité quant à l’inscription à peine de nullité301.
465. Nous n’envisagerons que l’hypothèque des époux et celle de
personnes en tutelle, les autres dont les particularités relèvent de droits spéciaux
(droit fiscal, droit de la copropriété etc.) ne seront pas traitées dans la présente
thèse.
A. L’hypothèque légale des époux
466. Cette hypothèque a un lien intime avec le régime matrimonial302.
Elle est en effet l’héritière de l’hypothèque légale de la femme mariée et, est
utilisé par la loi du 13 juillet 1965 pour accentuer l’égalité entre les époux303.
Aujourd’hui, non seulement le mari, mais également la femme, peuvent
bénéficier de cette hypothèque. Cependant, son rôle est réduit et ne présente un
intérêt que dans une situation de crise, puisque sa procédure de constitution
devient lourde : l’hypothèque doit être inscrite et, prend rang à la date
d’inscription ; l’inscription doit être demandée au juge accompagnant
normalement d’une inscription provisoire et avec une inscription définitive
intervenant après l’autorisation judiciaire (art.2403, C. civ.). Néanmoins,
l’autorisation judiciaire n’est pas nécessaire dans le régime de participation aux
acquêts (art.2402, C. civ. ). L’inscription sera donc désormais exceptionnelle et
n’apparaîtra que lorsque l’entente conjugale a été rompue, et que deux
conjoints sont dans un rapport de défiance304.
301
Ibid., p.443.
302
J. FLOUR, Cours de droit civil, 1965-1966, Les Cours des droits, ronéo, p.653 et 654.
303
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op.cit., p.323.
304
Ibid., p.324.
266
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
B. L’hypothèque légale de personnes en tutelle
467. Le tuteur de mineurs et de majeurs incapables est responsable sur ses
propres biens, mais ce n’est qu’un gage général qui reste insuffisant pour
protéger les incapables. Le régime de cette hypothèque vise justement à mieux
protéger les mineurs ou majeurs sous tutelle qui courent le risque de voir leurs
biens dilapidés par leurs représentants.
Grâce à la loi du 14 décembre 1964 qui a élargi l’étendu des bénéficiaires
de cette hypothèque, tous mineurs et majeurs en tutelle peuvent en bénéficier.
De plus, face à l’accroissement de l’importance des biens mobiliers, le régime
de la protection s’est assoupli. La protection peut être remplacée par la
constitution d’un gage (art. 2409, al. 1 et 3, C. civ.) lorsque le tuteur a peu de
biens immobiliers, mais a un patrimoine mobilier important.
468. Malheureusement, la constitution de cette hypothèque devient lourde
à cause du décret de 1955. L’hypothèque doit être inscrite à la diligence du
conseil de famille en cas de tutelle ou du juge des tutelles en cas
d’administration légale. L’inscription doit aussi respecter le principe de
spécialité. Cette formalité lourde rend ce régime moins praticable, et en fait
même une mesure de crise en déclin comme l’hypothèque des époux305.
§ II – L’hypothèque légale en droit chinois
469. L’article 286 de la Loi sur les contrats de 1999, qui figure au chapitre
XVI intitulé « Contrats de construction », dispose que « si le donneur
d’ouvrage n’a pas payé l’entrepreneur du montant prévu par le contrat de
construction, le dernier peut le mettre en demeure de le payer dans un délai
raisonnable. Si le donneur manque du paiement dans le délai fixé,
l’entrepreneur pourra, avec l’accord du donneur, soit prendre en paiement la
305
Ibid., p.324.
267
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
construction, soit demander au tribunal de vendre aux enchères la construction.
Son paiement est fait en priorité sur la valeur de la construction ».
Par là, on peut conclure que la prérogative de l’entrepreneur résulte de la
loi, mais pas du contrat de construction. Seul l’entrepreneur entrant directement
en contact avec le donneur et faisant des travaux peut bénéficier de cette
prérogative, négatif pour tous les autres. Outre cet article, on ne peut trouver
d’autre règle concernant cette prérogative.
470. L’ambiguïté de la nature de cette prérogative - l’article 286
n’utilisant ni le terme d’« hypothèque », ni celui de « privilège » - entraîne des
controverses sur sa qualification : certains juristes la qualifient de privilège,
certains la considèrent comme un droit de rétention, d’autres comme une
hypothèque légale306. C’est un problème assez important, puisque le régime
d’hypothèque légale, de droit de rétention et de privilège sont très différents.
Alors que le premier prend rang à la date de son inscription, le deuxième est
soumis à un régime spécial et le dernier prend rang à la date de l’acte qui lui
donne naissance. Considérant, d’une part que cet article s’inspire de l’article
513 du Code civil de la RC et que ce dernier la considère comme l’hypothèque
légale, d’autre part que le système général de privilège n’est pas instauré et que
l’objet du droit de rétention en droit chinois est un meuble, les juristes ont
tendance à accepter la qualification d’hypothèque légale.
471. Depuis la Dynastie des Qing jusqu’à aujourd’hui, aucun texte
juridique ne reconnaît l’hypothèque légale des conjoints ou des incapables
comme c’est le cas en France.
L’absence de ces régimes est due, d’une part, au régime particulier de la
famille chinoise qui diffère beaucoup de celui de la France. Historiquement, les
306
V. XU Jie, ZHAO Jingwen, Droit des contrats, Éd. du droit, 2000, p. 486 ; JIANG Ping,
Lecture de la Loi sur les contrats de la RPC, 1999, p. 223 ; ZHANG Xuewen, L’études sur
certains problèmes de prérogative de l’entrepreneur, in Étude du droit, 2000, III, p. 102.
268
Chapitre I – Les sûretés immobilières légales
membres d’une même famille habitaient tous ensemble, sur plusieurs
générations et formaient une « grande famille », une sorte de communauté
solide en Chine. Surtout dans les campagnes, où dominaient les hommes, « la
personnalité des femmes et des enfants mineurs et même des interdits, se
trouvant absorbée par ce genre d’association » 307 . Dans ce contexte,
l’hypothèque légale des conjoints ou des incapables n’a pas eu d’opportunité de
se développer. Elle « ne se manifestait donc ni dans les coutumes, ni dans la
législation historique en Chine, où la structure sociale était encore plus ou
moins communautaire et patriarcale »308. D’autre part, le gouvernement chinois
appliquait un système unique de propriété publique, supprimait les régimes et
les notions du droit privé, intervenait dans la vie familiale par tous les moyens,
voire celui d’administration309. L’État intervenait dans les affaires des individus
dès leur naissance jusqu’à leur mort. Il n’y avait donc ni possibilité ni nécessité
pour le régime de l’hypothèque légale de se développer.
472. Cependant, la situation sociale chinoise évolue progressivement :
l’organisation familiale s’effrite sous l’impulsion de l’urbanisation et du
contrôle des naissances ; le taux de divorce augmente progressivement… Dans
ce contexte, la nécessité de mieux protéger les intérêts des femmes mariées et
des mineurs devient une problématique réelle pour les juristes. L’hypothèque
légale française des conjoints ou des mineurs est sans doute un choix valable.
307
YU Tchen-pong, L’hypothèque dans le droit coutumier chinois, Bosc Frère et Riou,,
Thèse de l’Université de Lyon, 1940, p.24.
308
Ibid., p.25.
309
LI Shigang, op. cit., p.266.
269
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires
473. Les sûretés immobilières judiciaires ne désignent ici que les
hypothèques judiciaires résultant de décisions judiciaires.
Section I – Les sûretés réelles judiciaires en droit français
474. En droit français, l’hypothèque judiciaire est une sûreté réelle créée
par la loi du 12 novembre 1955 et reprise avec certaines modifications par la loi
du 9 juillet 1991. Elle permet d’empêcher le débiteur poursuivi en paiement de
tirer profit des longs délais de procédure pour organiser son insolvabilité, et de
créer en faveur du créancier une stratégie d’anticipation310.
Il s'agit d’une sûreté réelle portant sur des immeubles appartenant au
débiteur. Tous les créanciers du débiteur, quels qu’il soient, incapables ou
établis hors de France (art. 89 de la Loi du 9 juillet 1991), peuvent demander au
juge l’inscription d’une hypothèque conservatoire, s’ils peuvent prouver que la
créance paraît fondée en son principe qui est fonction de l’appréciation
souveraine du juge et si les circonstances sont susceptibles d’en menacer le
recouvrement (art. 67, al. 1er de la Loi du 9 juillet 1991 et art. 210 du Décret du
31 juillet 1992). Donc, à la différence de l’état du droit avant 1991, l’urgence,
qui ne pouvait être caractérisée que par le péril du recouvrement de la créance,
n’est plus requise.
Après l’autorisation rendue par le juge, le créancier doit procéder à la
publicité de son hypothèque pour qu’elle soit opposable aux tiers.
§ I – La publicité provisoire
475. L’hypothèque est soumise à une publicité provisoire opérée sur
l’autorisation d’un juge ou sur justification de la dispense de l’autorisation.
Dans le premier cas, le créancier doit, à peine de caducité, procéder à la
310
Yves PICOD, op. cit., p. 399 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 421-422.
270
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires
publicité de son hypothèque auprès du bureau des hypothèques dans les trois
mois de l’autorisation rendue et, dans le dernier cas, aucun délai n’est requis.
Sous même peine, le débiteur doit être informé de cette mesure dans les huit
jours par acte d’huissier. Il peut contredire l’inscription de l’hypothèque en
tentant une action tendant à la mainlevée de l’inscription. Sa demande de
mainlevée peut être approuvée par le juge s’il peut prouver que la créance ne
paraît pas fondée en son principe et les circonstances menaçant le recouvrement
de la créance ne sont pas établies ; ou que les règles procédurales n’ont pas été
pas respectées et l’engagement de procédure au fond dans le délai requis est
manqué311. Une fois que la mainlevée est ordonnée par le juge, le créancier
peut être condamné à indemniser le débiteur des dommages-intérêts pour le
préjudice causé par la mesure conservatoire (art. 75, al. 2 de la Loi du 9 juillet
1991).
476. Après l’accomplissement de l’inscription provisoire, l’hypothèque
est opposable aux tiers, et le rang de l’inscription définitive est par avance fixé
par celle-ci. L’inscription provisoire n’est valable que pour trois ans, sauf être
renouvelée312. Et elle n’empêche pas l’aliénation du bien grevé. Si le bien est
vendu, le créancier ne pourra recevoir sa part que s’il accomplit dans les délais
prescrits la publicité définitive. Mais, elle confère au bénéficiaire un droit de
préférence et un droit de suite, juste comme une sûreté conventionnelle ou
légale les confère à leur titulaire (art. 77 de la Loi du 9 juillet 1991).
§ II – La publicité définitive
477. Comme le créancier ne peut se prévaloir que d’une créance
provisoire, la part qui lui revient dans la distribution est consignée et ne lui sera
311
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 427.
312
Cass. civ. 3e, 24 avr. 1974, D. 1975, 107. Le renouvellement de la publicité provisoire
doit se faire dans la même forme et pour la même durée (art. 257, Décret du 31 juillet
1992). V. également l’Instruction du 28 févr. 1997, Defrénois 1997, 1216.
271
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires
remise que s’il accomplit les formalités de publicité définitive. La chambre
commerciale de la Cour de cassation a statué, par un arrêt du 12 mai 2009, qu’à
défaut de publicité définitive, la publicité provisoire ne peut pas conserver
l’hypothèque judiciaire et donc l’hypothèque judiciaire est inopposable aux
tiers313.
Si le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire préalable, il doit
assigner le débiteur au fond. La publicité définitive interviendra dans les deux
mois à partir du moment où le jugement est passé en force de chose jugée.
Si le créancier dispose d’un titre exécutoire préalable qui est un jugement
exécutoire par provision, le créancier doit attendre que le jugement passe en
force de chose jugée. Il doit aussi procéder à la publicité définitive dans les
deux mois qui suivent.
Si le créancier dispose d’un titre exécutoire préalable définitif autre qu’un
jugement passé en force de chose jugée, le délai de deux mois ne court qu’à
compter de l’expiration du délai de huit jours après le dépôt des bordereaux
d’inscription pour l’hypothèque judiciaire conservatoire ou après la
signification de l’hypothèque.
478. Une foi que la publicité définitive est correctement accomplie dans
les délais, elle donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale dans la
limite des sommes conservées par cette dernière. La publicité définitive
rétroagit à la date de la publicité provisoire. Egalement à peine de caducité, le
débiteur doit être informé dans les huit jours par acte d’huissier comme pour la
publicité provisoire.
Section II – Les débats sur l’existence d’hypothèque judiciaire en
droit chinois
313
Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-11. 421.
272
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires
479. Les sûretés réelles judiciaire ne sont pas reconnues par le droit
chinois ancien, puisque « le pouvoir public s’abstenait toujours d’intervenir
dans les activités économiques du peuple en employant les méthodes du droit
civil»314. Sous l’empire de la féodalité, « si, dans un cas extrême où le créancier
était poussé au pire, c’est-à-dire à assigner le débiteur devant le tribunal, le
jugement comportait plutôt des châtiments --- une exécution forcée sur les
biens du débiteur. Ne pas payer des dettes était un crime contre la morale »315.
La qualification du non paiement de dettes comme « crime » n’a désormais
plus cours. Néanmoins, aucun texte juridique ne prévoit de sûretés judiciaires.
480. Certains considèrent qu’il existe des sûretés judiciaires en droit
chinois positif. Certes, on retrouve des soi-disant sûretés judiciaires. L’article
92 de la Loi de la procédure civile dispose que « le tribunal peut, à la demande
d’une partie, adopter des mesures conservatoires sur les biens de l’autre partie
qui est susceptible de rendre le jugement de condamnation impossible ou
gênant à exécuter. Le cas échéant, le juge peut en adopter d’office. Si le juge
décide d’adopter des mesures conservatoires, il peut sommer le demandeur de
fournir des sûretés… ».
481. Cependant, ces sûretés judiciaires ne sont pas du tout les sûretés
judiciaires au sens du droit français. Les premières sont constituées par les
créanciers qui demandent au juge d’adopter des mesures conservatoires
empêchant le débiteur de gérer son bien grevé. Elles constituent donc la
garantie des mesures conservatoires et visent à protéger les intérêts du débiteur.
Pour gérer son bien grevé, le débiteur peut offrir une sûreté inversée. C’est un
processus scolastique et complexe. Les secondes visent, en revanche, à protéger
les intérêts du créancier dont le recouvrement de créance est menacé ou est
susceptible d’être menacé, et constituent à la foi une mesure conservatoire et
314
LI Shigang, op. cit., p. 266.
315
YU Tchen-pong, op. cit., p. 6.
273
Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires
une sûreté réelle. Même si leur inscription de ces dernières est un peu lourde et
compliquée, elles présentent certains avantages importants : d’une part, elles
confèrent à leur bénéficiaire un droit de préférence et un droit de suite ; d’autre
part elle n’empêche pas le débiteur de gérer son bien et établisse un équilibre
entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur. Le droit chinois d’exécution
civile peut s’inspirer de l’expérience du droit français.
274
Titre I – L’hypothèque conventionnelle
482. L’hypothèque est une sûreté immobilière conventionnelle par
excellence dans les deux systèmes juridiques, grâce à son régime de
l’inscription relativement parfait et à sa souplesse.
En effet, l’ « hypothèque » en droit chinois est une sûreté réelle sans
dépossession portant indifféremment sur des meubles ou des immeubles (v.
supra n° 131). Cependant, l’hypothèque mobilière ayant été étudiée dans la
partie consacrée aux sûretés mobilières et que l’hypothèque en droit français ne
portant que sur l’immeuble (ou certains meubles qui s’apparentent à un
immeuble, tels que des navires et avions civils, v. supra n° 327), nous
n’envisagerons ici que l’hypothèque immobilière, en examinant successivement
sa constitution, sa publicité et ses effets.
275
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
483. Pour qu’une hypothèque soit valablement constituée, il faut que
soient remplies les trois conditions de fond relatives à son assiette, à la créance
garantie et au constituant, auxquelles s’ajoutent un certain nombre de
conditions de forme.
Section I – L’assiette de l’hypothèque
484. Selon l’article 2397 du Code civil, sont seuls susceptibles
d'hypothèques :
1° les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs accessoires
réputés immeubles ;
2° l'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée.
L’assiette de l’hypothèque n’est donc toujours constituée par des choses, mais
par les droits portant sur ces biens316. Par une coïncidence singulière, la Loi sur
les droits réels de la RPC (LDR) a remplacé l’expression de « chose
hypothéquée » par celle de « bien hypothéqué », le premier était utilisé par la
Loi sur les sûretés (LS) visant en effet des biens corporels ainsi que des biens
incorporels.
485. Sauf les deux exceptions précitées, l’hypothèque en droit français a
nécessairement pour assiette des droits immobiliers et en principe des biens
présents.
486. Puisque la réalisation de l’hypothèque peut entraîner la transmission
du bien grevé, son assiette doit donc être aliénable. Certains droits immobiliers,
tels que le droit d’usage, d’habitation, et les servitudes, ne peuvent donc pas
constituer l’assiette de l’hypothèque. Les articles L.526-1 et L.526-6 du Code
de commerce permettent au commerçant entrepreneur individuel d’exclure son
316
LI Shigang, op. cit., p.267
276
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
immeuble de résidence du champ de l’hypothèque. En revanche, les autres
droits immobiliers, que sont par exemples, la propriété, la nue-propriété, le
droit d’usufruit, le droit de superficie et l’emphytéose, peuvent naturellement
être hypothéqués.
487. Néanmoins, le droit chinois sur ce point est beaucoup plus
compliqué. Ainsi la LDR consacre quatre articles (art. 180, 182, 183 et 184)
d’une particulière complexité au régime de l’assiette de l’hypothèque
immobilière. Les critères de biens susceptibles d’hypothèque prennent en
compte non seulement la nature des biens, mais aussi leurs titulaires et leurs
moyens d’acquisition. De plus, le législateur chinois délimite expressément les
biens susceptibles d’hypothèque de ceux qui ne peuvent pas l’être. Ainsi,
l’article 180 de la LDR énumère d’une manière positive les biens immobiliers
pouvant être hypothéqués : les bâtiments et autres choses adhérant au sol d’une
manière fixe (tels que les cultures, les arbres, tunnels, barrages etc.) ; le droit
d’usage du terrain à bâtir ; le droit forfaitaire d’exploitation du terrain en friche
acquis par appel d’offre, adjudication ou négociation publique ; les bâtiments
en cours de construction ; et enfin les autres biens qui ne sont pas interdits
d’hypothèque par la loi ou le décret.
A l’inverse, l’article 184 de la LDR issu de l’article 37 de la LS stipule
d’une manière négative les biens immobiliers interdits d’hypothèque :
1o les terrains. Alors que ces biens représentent une part importante de la
propriété privée en France et dans d’autres pays, ils ne peuvent faire l’objet
d’une hypothèque en droit chinois. La Constitution de la RPC déclare en effet
qu’une personne de droit privé ne peut pas être propriétaire de terrains qui sont
l’objet de la propriété exclusive de l’État ou de la collectivité, «… aucun
groupe ou individu ne peut s’approprier, ni acheter, ni louer, ni transférer
illégalement les terres sous d’autre formes…» (art.10, Con.). Conformément à
la constitution, la LDR interdit donc l’hypothèque de la propriété du terrain.
277
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
2o le droit d’usage du terrain collectif rural, tels que la terre cultivée, la
terre servant au logement, la parcelle et les champs dans les montagnes réservés
à usage individuel, sauf disposition contraire de la loi spéciale 317 . Cette
interdiction vise en effet à maintenir la totalité des superficies des terres
cultivées et à protéger les intérêts des collectivités rurales et de leurs membres.
La sollicitude du gouvernement chinois peut s’expliquer par l’importance de la
population et, en regard, la faiblesse de la superficie moyenne des exploitations
agricoles. Cette interdiction résulte donc d’un choix politique et humain.
3o les immeubles appartenant à des établissements d’utilité publique ou à
des organismes sociaux ayant pour objet les intérêts publics, tels que les
établissements d’éducation, les hôpitaux, les hospices etc. Cela vise clairement
à assurer le fonctionnement normal de ces établissements ou organismes et,
ainsi à protéger les intérêts publics.
4o les biens dont la propriété ou le droit d’usage est litigieux ou n’est pas
clairement établi ;
5o les biens légalement scellés, saisis ou mis sous la garde (garde
douanière par exemple) ;
6o les biens interdits d’hypothèque par la loi ou le décret.
Toutefois le régime foncier chinois est très particulier. L’hypothèque de
propriété de terrain étant interdite par la Constitution et la loi, la LDR admet
l’hypothèque de bâtiment et celle de droit d’usage du terrain à bâtir pour
satisfaire le besoin urgent du développement de crédit. Les régimes juridiques
317
Les exceptions sont principalement visées par l’article 180 et 183 de la LDR : le droit
forfaitaire d’exploitation du terrain en friche qui est acquis par le moyen d’appel d’offre,
d’adjudication ou de négociation publique peut être hypothéqué ; l’hypothèque de
bâtiments d’entreprise rurale s’étend au droit d’usage de terrain sur lequel les bâtiments se
situent.
278
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
de ceux-ci méritent donc un examen plus approfondi. En réalité, afin de
simplifier la relation juridique foncière, le droit chinois a suscité le principe de
l’indivisibilité entre le droit d’usage du terrain et la propriété de bâtiment sur
celui-ci, qui est énoncé plus précisément par la doctrine comme « le bâtiment
suit la terre, la terre suit le bâtiment ». La LDR, et la LS appliquent
explicitement ce principe à l’hypothèque. Ainsi, l’hypothèque du bâtiment
s’étend au droit d’usage du terrain sur lequel il se situe, même si les parties
n’ont pas entendu l’étendre à ce dernier ou, vice versa (art.182, LDR). Le droit
chinois limitant strictement le changement de la destination du terrain collectif
rural, il faut donc distinguer le régime du bâtiment et du droit d’usage dans les
zones rurales et suburbaines où le terrain est la propriété de la collectivité de
celui dans les zones urbaines où le terrain est la propriété de l’État. Dans cette
dernière hypothèse, l’hypothèque de bâtiment ou celle de droit d’usage du
terrain respecte strictement le principe de l’indivisibilité précitée. Dans la
première hypothèse, en revanche, l’hypothèque de bâtiment n’est pas
théoriquement interdite par la loi, mais le droit d’usage du terrain est
inaliénable et ne peut donc être hypothéqué (art.153, 184, LDR). Cela interdit
en réalité l’hypothèque de bâtiment rural et réduit les droits du propriétaire du
bâtiment. Cette interdiction subite toutefois une exception. L’hypothèque de
bâtiment rural constituée par une entreprise se situant dans les zones rurales
s’étend naturellement au droit d’usage du terrain s’attachant au bâtiment
hypothéqué318. En résumé, cela interdit en pratique l’hypothèque de bâtiment
rural, alors même que l’essentiel du patrimoine de la majorité des agriculteurs
est précisément constitué de biens de cette nature. Cette restriction crée un
traitement discriminatoire, au demeurant fort critiqué, entre les immeubles
318
Selon l’article 183 de la LDR, l’hypothèque constituée par une entreprise rurale peut
porter sur le bâtiment situé dans les zones rurales et suburbaines. Dans ce cas là, elle
s’étend au droit d’usage du terrain occupé.
279
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
ruraux et les immeubles urbains. Toutefois, la pratique du crédit rural ne tient
toujours pas compte de cette distinction.
488. En droit français, l’assiette de l’hypothèque peut être étendue du fait
du mécanisme propre au droit des biens. Ainsi, tous les accessoires du bien
hypothéqué, qu’ils soient juridiques ou matériels, qu’ils soient inscrits ou non
lors de l’inscription hypothécaire, peuvent servir d’assiette à l’hypothèque. De
même, l’hypothèque s’étend à toutes les améliorations apportées à l’immeuble
grevé (dernier alinéa, art.2397, C. civ.). Cela a une grande importance en
pratique car l’amélioration accroît souvent la valeur d’immeuble hypothéqué.
Le droit chinois consacre aussi l’extension de l’hypothèque à tous les
accessoires du bien grevé319 et, à toutes les améliorations apportées, sauf que
les biens apportés à l’amélioration sont séparables du bien grevé et que cette
séparation ne nuit pas à la valeur du bien.
489. L’hypothèque porte en principe sur les biens présents. Généralement,
les biens à venir ne peuvent être hypothéqués. Cela peut s’expliquer par
l’application du principe de spécialité relative à l’assiette d’hypothèque d’une
part 320 , et d’autre part, par la sollicitude morale qui veut que l’on «ne
mange pas son blé en herbe »321. Ce principe de prohibition est expressément
maintenu par la réforme française du droit des sûretés (art.2419, C. civ.), qui
admet toutefois trois exceptions (art.2420, C.civ) justifiées par les exigences du
crédit:
1o celui qui ne possède pas d’immeubles présents et libres suffisants pour
la sûreté de la créance peut, au fur et à mesure, consentir une hypothèque sur
319
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.314.
320
F. Martin, op. cit., p.59.
321
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p.287 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUEE,
op. cit., no 401, p. 358.
280
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
chacun des immeubles qu’il acquerra par la suite. La question se pose ici de
savoir si le débiteur qui n’a aucun immeuble actuel peut hypothéquer ses
immeubles futurs. Cela entraîne une controverse en doctrine. Certains auteurs
apportent la réponse négative
322
qui se justifie par l’exigence de
« l’insuffisance » de biens présents fixée par la loi. D’autres au contraire y
apporte la réponse affirmative, mais insistent sur l’inopportunité de la première
opinion : si tel qui n’a pas assez de biens mérite une concession, celui qui n’en
pas du tout y a droit davantage 323 . Il faut dire que l’exigence de
« l’insuffisance » de biens présents n’est qu’un pavillon suspendu dans les airs,
puisqu’il suffirait au débiteur d’acquérir un petit bien (voire un mètre carré
dans une terre aride) pour satisfaire à la condition de « l’insuffisance ». De plus,
pour obtenir plus de crédits en utilisant l’hypothèque d’immeubles futurs, le
débiteur dira toujours que ses immeubles sont insuffisants.
2o celui dont l’immeuble présent grevé d’une hypothèque a péri ou subi
des dégradations importantes que sa valeur n’est plus suffisante pour la sûreté
de la créance, peut consentir une hypothèque prévue dans le cas 1o ;
3o celui qui possède un droit actuel permettant de construire à son profit
sur le fond d’autrui peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est
commencée ou simplement projetée324.
490. En droit chinois, l’hypothèque de bâtiment en cours de construction
ou simplement projetée est aussi consacrée par la loi. En réalité, le principe de
prohibition était retenu depuis la LS même si elle n’y consacrait aucun article.
Cependant, à la lumière du régime de mortgage du droit anglais, la Loi sur la
322
MARTY, RAYNAUD, JESTA, III, no 184 ; MZEAUD, CHABAS, no 273 ; Laurent
AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 288.
323
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 288.
324
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 405.
281
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
gestion des bâtiments et des terrains urbains de 1994 a contrevenu ce principe,
en admettant la vente des bâtiments commerciaux en construction. En 2000, la
Cour suprême a consacré la validité de l’hypothèque grevant sur les bâtiments
en cour de construction ou même simplement projetés, sous l’autorisation des
autorités compétentes (art.43, ELS). La LDR a repris la consécration et l’a
étendu, en disposant dans son article 180 que l’hypothèque peut porter sur des
« bâtiments, navires ou aéronefs en cours de construction », à la seule condition
qu’elle soit légalement approuvée.
Section II – La créance garantie
491. Afin de se conformer aux impératifs de la publicité foncière et de
protéger les intérêts du constituant, le principe de spécialité s’impose tant en
droit français qu’en droit chinois. Étant un droit réel accessoire, l’hypothèque
ne peut, du moins en principe, que garantir une ou plusieurs créances existante
et valable.
492. Néanmoins, l’ordonnance française du 23 mars 2006 et la LDR ont
tous les deux abandonné les critères immobiles de spécialité, en l’assouplissant
toutefois quant aux créances garanties. Les parties peuvent aujourd’hui
constituer une hypothèque pour créances futures ou une hypothèque
rechargeable. Le droit français permet aussi aux parties de constituer une
hypothèque renversée, qui n’est pas admise par le droit chinois positif mais qui
attire beaucoup d’attention des chercheurs et du législateur chinois.
§ I – Une ou plusieurs créances futures
A. En droit français
493. Jusqu’à la réforme de 2006 du droit des sûretés, dans un souci de ne
pas ruiner entièrement le crédit du débiteur et ne le priver pas de son droit
282
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
d’aliénation de ses immeubles325, l’hypothèque ne pouvait pas être constituée
pour garantir des créances futures. Dans la pratique du crédit, cette prohibition
était néanmoins largement atténuée par les banques, puisque les prêts
hypothécaires (la créance garantie), surtout les crédits à consommation,
naissaient souvent après la constitution de l’hypothèque.
494. La réforme de 2006 a heureusement clarifié l’ambigüité sur ce point.
Aux termes de l’article 2421 du Code civil, « l’hypothèque peut être consentie
pour sûreté d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures. Si elles sont
futures, elles doivent être déterminables ». Il n’est donc pas nécessaire que la
créance garantie soit liquide et, elle peut être une créance à terme ou
conditionnelle, à condition que l’acte constitutif a fixé les conditions de sa
détermination. En l’occurrence, l’hypothèque sera l’accessoire de la créance
future.
495. Si l’hypothèque est constituée pour sûreté de créances futures et pour
une durée indéterminée, le Code civil confère au constituant la faculté de la
réaliser à tout moment sauf pour lui à respecter un préavis de trois mois. Une
fois réalisée, l’hypothèque ne demeure que pour la garantie des créances nées
antérieurement (art. 2423, al. 3, C. civ.).
B. En droit chinois
496. À la différence du droit français, aucun texte en droit chinois ne
dispose expressément que l’hypothèque classique peut être consentie pour
garantir une créance future. Cependant, la LS de 1994, s’inspirant du droit
japonais 326 , a consacrée une section spéciale à l’hypothèque de montant
maximal qui est considérée comme une modalité particulière de l’hypothèque
325
Yves PICOD, op. cit., p. 364.
326
Une section intitulée « L’hypothèque de montant maximal », qui comprend vingt et un
articles (de l’article 398-2 à l’article 398-22), a été ajoutée pour la première fois au Code
civil japonais le 3 juin 1971.
283
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
et qui « peut garantir, dans la limite d’un montant maximal, des créances qui se
produiront successivement pendant une période déterminée » (art. 59, LS).
Cette technique législative a été reprise et précisée par la LDR de 2007, dans la
section II du chapitre XVI intitulée « L’hypothèque de montant maximal ».
a. Définition et constitution de l’hypothèque de montant
maximal
497. L’hypothèque de montant maximal peut porter indifféremment sur
les meubles ou immeubles. Cependant, sur la base de la structure de la présente
thèse, nous aborderons ici uniquement l’hypothèque de montant maximal
portant sur des immeubles.
498. L’hypothèque immobilière de montant maximal se constitue par un
contrat écrit dans lequel les parties conviennent de constituer une hypothèque
de montant maximal. À peine de nullité, cet acte doit être inscrit et, le montant
maximal doit figurer en marge de cette inscription hypothécaire.
499. De par sa définition et sa constitution, nous constatons deux
caractères essentiels de l’hypothèque de montant maximal :
-- l’hypothèque de montant maximal apparaît comme ayant une
indépendance relative. D’une part, les créances garanties sont principalement
futures, et ne se produisent pas encore lors de la constitution de l’hypothèque.
Le nombre de créances garanties et leurs sommes finales sont indéterminés,
voire même indéterminables, lors de sa constitution. Qui plus est, l’existence de
la créance initiale, qui est exigée en droit français, n’est pas nécessaire à sa
constitution. De plus, le non-paiement, le transfert ou l’extinction de certaines
créances garanties n’influence pas l’hypothèque elle-même. C’est son caractère
indépendant qui déroge au principe d’accessoriété et de spécialité de
l’hypothèque normale. D’autre part, elle comporte aussi le caractère accessoire
car ses effets sont également sujets à des créances garanties : le montant garanti
par cette hypothèque dépend du plus élevé des deux montants, à savoir le
284
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
montant effectivement réalisé et le plafond fixé dans l’acte constitutif. C’est la
raison pour laquelle l’indépendance de l’hypothèque de montant maximal est
relative.
-- l’hypothèque de montant maximal a aussi un caractère de limitation. Les
limitations se trouvent sur deux plans:
1° sur le plan de la nature des créances : seules les créances régies par une
relation successive (qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle327) de même
nature entre les mêmes créanciers et débiteurs peuvent être garanties par cette
hypothèque. Ces limitations affectent beaucoup la portée de l’hypothèque. Elle
explique aussi pourquoi cette hypothèque spéciale, qui existe en droit chinois
depuis 16 ans, n’a jamais connu un grand essor et ne joue qu’un rôle mineur.
L’introduction de cette hypothèque calquée sur le droit japonais poursuit un but
législatif qui vise principalement à satisfaire les besoins des banques et des
grands négociants. Sans nul doute, cet objectif trop étriqué manque totalement
d’ambition. Mieux vaut se référer au droit français pour libérer cette
hypothèque de ses entraves, afin de réduire le gaspillage du crédit et
d’équilibrer les intérêts des parties concernées328, et afin de promouvoir la
concurrence entre les établissements de crédit et de contribuer au
développement des crédits pour les consommateurs et pour les petites et
moyennes entreprises.
2° sur le plan quantitatif, le montant maximal des créances garanties est
fixé dans le contrat de constitution de l’hypothèque. Après l’inscription,
l’hypothèque est valablement constituée. Les créances prévues au contrat nées
327
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 333.
328
Selon le régime de l’hypothèque de montant maximal en droit positif chinois, le
gaspillage du crédit de la valeur du bien hypothéqué est difficile à éviter : des créanciers,
afin d’accaparer la valeur du bien grevé et de diminuer le risque de non-paiement de sa
créance, préfèrent toujours obtenir une hypothèque dont le montant excessif ne répond
souvent à aucune nécessité commerciale. Sur ce point, v. LIANG Huixing, CHEN Huabin,
op. cit., p. 332 ; YANG Hong, op. cit., p. 193.
285
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
successivement se glissent automatiquement dans l’hypothèque dans la limite
du montant maximal.
500. Hormis les particularités exposées ci-après, le régime de
l’hypothèque normale s’y applique aussi.
b. Fixation des créances garanties
501. Avant la fixation, les créances garanties par l’hypothèque de montant
maximal ne sont pas déterminées. Elles devront l’être pour l’exercice de
l’hypothèque. Cette procédure fait de l’hypothèque de montant maximal une
hypothèque normale. Dès la fixation, les créances nées postérieurement ne sont
plus garanties par cette hypothèque et, les règles d’hypothèque normale
s’appliquent (art. 83, al. 1, ELS). Selon l’article 206 de la LDR, les causes de la
fixation des créances garanties sont au nombre de six, dont la plus fréquente et
la plus importante est l’échéance du délai de liquidation.
502. Le délai de liquidation désigne « la durée d’existence du droit
d’hypothèque » fixée dans le contrat constitutif de l’hypothèque329. Il permet de
déterminer l’étendue et la somme finale des créances garanties dans la limite du
montant maximal. Lorsque le délai est à échéance, la somme finale des
créances garanties est établie automatiquement ; pour se réaliser, l’hypothèque
de montant maximal aboutit donc à la liquidation.
Cependant, l’hypothèque de montant maximal ne garantit que les créances
qui se produiront pendant une période déterminée (art. 203, LDR). Cela
signifie-t-il que cette période doit être fixée dans le contrat constitutif, à peine
de nullité ? Autrement dit, l’hypothèque de montant maximal peut-elle être
valablement constituée à défaut de période fixée dans le contrat constitutif ? La
LS n’a apporté aucune réponse. Les auteurs considèrent que les parties peuvent
329
ZOU Hailin, CHANG Min, La théorie et la pratique des sûretés de créances, Éd. des
documentations des sciences sociales, 2005, p. 226.
286
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
modifier le délai de liquidation avant son échéance, et donc convenir de fixer la
durée après la constitution du contrat330. Selon la disposition de l’article 206, 2o
de la LDR, l’hypothèque de montant maximal peut valablement se constituer
sans que « la durée d’existence du droit d’hypothèque » soit stipulée dans le
contrat constitutif. Dans ce cas ou si la convention est floue, le créancier
hypothécaire ou le constituant peut demander la fixation de la somme finale des
créances garanties dans les deux ans de la constitution valable de l’hypothèque.
503. Outre l’échéance du délai de liquidation, d’autres causes peuvent
aussi entraîner la fixation des créances garanties. Un exemple par excellence est
l’impossibilité de naissance d’une nouvelle créance (art. 206, 3o, LDR), comme
lors de la cessation définitive de la relation de base entre une banque et son
client causée par la résiliation de tout contrat d’affaire ; alors, le créancier ou le
constituant de l’hypothèque de montant maximal peut demander la liquidation
de la somme finale garantie afin d’exercer l’hypothèque ou de l’éteindre par
anticipation.
De même, la fixation des créances peut résulter de la saisie du bien
hypothéqué (art. 206, 4o, LDR), de la faillite ou de la résolution du débiteur ou
du constituant (art. 206, 5o, LDR). En effet, du point de vue de la technique
législative, la disposition 5o de l’article 206 apparaît comme la cinquième roue
du carrosse. D’une part, la faillite ou la résolution du débiteur est une cause
d’impossibilité de naissance d’une nouvelle créance, déjà prévue par la
disposition 3o du même article. D’autre part, le régime de faillite d’une
personne physique n’existe pas en droit chinois. D’autant plus qu’il n’est pas
possible de « résoudre » une personne physique. Par conséquent, la
disposition 5o de cet article ne vise que des personnes morales en tant que
330
Se référant au droit japonais, certains considèrent que « les parties peuvent en convenir
dans les cinq ans de la constitution du contrat », v. CHEN Benhan, op. cit., p. 269 ;
certains estiment simplement que les parties peuvent en convenir après la constitution du
contrat, sans limite de durée, v. LI Shigang, op. cit., p. 314.
287
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
constituant de l’hypothèque de montant maximal. Or, cette hypothèque est
ouverte aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales. Il faut
donc supprimer la disposition 5o de cet article dans la réforme à venir.
Enfin, les créances garanties peuvent aussi être fixées dans « les autres cas
prévus par la loi » (art. 206, 6o, LDR).
c. Modification concernant l’hypothèque de montant
maximal
504. La modification concernant l’hypothèque de montant maximal s’agit
de deux points : le transfert de créance garantie et la modification du contrat
constitutif.
505. Quant au transfert de la créance principale, il avait était refusé par la
LS qui disposait dans son article 61 que « les créances principales garanties par
l’hypothèque de montant maximal ne peuvent être cédées ». Selon cet article,
les créances principales ne pouvaient être cédées qu’après leur fixation (où
l’hypothèque de montant maximal se transforme en hypothèque normale). Cette
restriction, qui privait le créancier de la libre disposition de son droit, suscitait
de vives critiques. Elle a été abandonnée par la LDR, qui consacre dans son
article 204 la possibilité de céder les créances principales avant leur fixation331.
Dans ce cas, si une créance principale a été cédée avant sa fixation,
l’hypothèque de montant maximal qui la garantit n’est pas transférée avec elle ;
la créance cédée devient une créance chirographaire, sauf dispositions
contraires des parties. En pratique, les parties peuvent convenir de transmettre
l’hypothèque de montant maximal avec la créance principale cédée dans deux
hypothèses332 :
331
Cet article s’inspire en effet des articles 398-12 et 398-12 du Code civil japonais.
332
Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 73.
288
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
1o la cession de la créance principale entraîne la transmission partielle de
l’hypothèque (la quote-part de l’hypothèque transférée est fixée par les parties) ;
l’hypothèque qui garantit la créance cédée doit être réinscrite. Le plafond
garanti par l’hypothèque ancienne de montant maximal doit alors
corrélativement abaissé et, cette hypothèque doit ainsi faire l’objet d’une
inscription de modification.
2o la cession de la créance principale entraîne la transmission totale de
l’hypothèque de montant maximal. Les créances principales non cédées
deviennent alors des créances chirographaires.
506. En ce qui concerne la modification du contrat de l’hypothèque de
montant maximal, la LS est silencieuse. Les Explications sur certaines
questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) ont traité
cette question pour la première fois, en disposant dans l’article 82 que la
modification du plafond ou du délai de liquidation de l’hypothèque de montant
maximal par les parties au contrat constitutif ne peut s’opposer aux créanciers
hypothécaires de rang postérieur333. L’article 205 de la LDR précise que « avant
la fixation des créances garanties, le créancier hypothécaire et le constituant
peuvent modifier, par convention, le délai de fixation, l’étendue et le montant
maximal des créances garanties, cette modification ne pouvant néanmoins
défavoriser les autres créanciers hypothécaires ». Si cette règle n’est pas
respectée par les parties, quelle est la sanction ? En d’autres termes, quelle est
la sanction en cas de modification du contrat de l’hypothèque de montant
maximal défavorable aux autres créanciers hypothécaires : la nullité ou
l’inopposabilité ? La disposition de la LDR n’est pas claire. Compte tenu du but
législatif poursuivi par cet article, qui cherche à équilibrer la liberté
333
Cette disposition se référait à l’article 398-5 du Code civil japonais qui prévoit que « le
plafond de l’hypothèque de montant maximal ne peut être modifié sauf consentement de
tous les intéressés ».
289
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
contractuelle et les intérêts des autres créanciers hypothécaires, la sanction
d’inopposabilité apparaît comme la plus raisonnable.
507. Nous nous demandons encore qu’une hypothèque soi-disant normale
peut-elle garantir des créances futures. Certains auteurs chinois soutiennent
qu’il suffit que la créance soit déterminée et valable au moment de l’exercice de
l’hypothèque. En effet, il faut admettre que l’hypothèque normale peut aussi
garantir de créances futures. Dans la pratique du crédit, en particulier du crédit
à consommation, le prêt hypothécaire - la créance garantie - nait souvent après
la constitution de l’hypothèque. Donc, on peut tout à fait constituer une
hypothèque traditionnelle pour garantir une créance future, à condition d’être
légale et déterminable.
§ II – Hypothèque rechargeable
508. L’hypothèque rechargeable, qui est l’« innovation la plus médiatisée
de la réforme des sûretés opérée par l’ordonnance du 23 mars 2006 »334 vise à
stimuler le crédit hypothécaire en diminuant le coût du recours à cette sûreté335,
puisqu’elle peut garantir des crédits successifs, et que les formalités et le coût
sont considérablement allégés.
A. Le mécanisme
509. Selon la définition donnée par l’article 2422 du Code civil,
l’hypothèque rechargeable est une hypothèque qui « peut être ultérieurement
affectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées par l’acte
constitutif ».
a. Les conditions de constitution et son opposabilité
334
Alain GOURIO, L’hypothèque rechargeable, RD banc. fin., 2006, p. 39.
335
Michel GRIMALDI, L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire, D,
2006, no 19, p. 1294.
290
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
510. La constitution de l’hypothèque rechargeable est soumise à certaines
conditions. Son mécanisme requiert impérativement deux actes : l’acte
constitutif de l’hypothèque initial, encore appelé l’acte de recharge, et celui de
rechargement. Dans un premier temps, l’acte constitutif de l’hypothèque doit
prévoir expressément une clause de recharge par laquelle le constituant se
constitue une réserve hypothécaire (il l’affecte ultérieurement à la garantie de
créances autres que celles visées par l’acte constitutif) ; celle-ci doit être
publiée avec l’inscription de l’hypothèque (art. 2428, al. 3, 3o, C. civ.). Les
conditions
de
validité
sont
celles
exigées
pour
toute
hypothèque
conventionnelle ordinaire, sauf certaines particularités propres aux créances
garanties par l’hypothèque rechargeable. Dans la mesure où les créances
garanties ne sont pas prévues dans l’acte constitutif, ni connues, ni déterminées
ou déterminables, il y a une dérogation au principe de spécialité et
d’accessoriété quant à la créance garantie. Les créances, qu’elles soient déjà
nées lors de la constitution de l’hypothèque ou qu’elles lui soient postérieures,
peuvent être garanties par cette hypothèque si le constituant le consent. Seul le
montant maximal de la créance garantie est fixé dans l’acte, à peine de nullité.
511. Dans un second temps, le constituant peut recharger l’hypothèque
par une convention de rechargement passée avec le créancier initial ou d’autres
créanciers. Cette créance glissée ultérieurement dans l’hypothèque ne pourra
être efficacement garantie que dans la limite du montant du plafond fixé –
diminué des créances antérieures restant à acquitter336. Une question se pose
ici : ce plafond peut-il être supérieur au montant de la créance initiale ? Il nous
semble que non puisque, en vertu du principe de spécialité et d’accessoriété, il
n’y a aucune raison que ce montant dépasse la créance initiale. Cependant, la
logique même de l’hypothèque rechargeable, qui détache la sûreté de la créance,
justifie théoriquement qu’il n’y ait rien d’incongru à ce que leurs montants
336
Ibid., p. 1295.
291
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
soient différents337. De plus, plusieurs textes contiennent des dispositions qui
consacrent implicitement ce principe, tel que l’article L. 313-14-1, 3o et 4o du
Code de la consommation, lequel dispose que l’offre de crédit doit mentionner
à la fois le montant maximal garanti et le montant du crédit initial souscrit, ce
qui sous-entend que ces deux montants peuvent bien être différents338. Dans la
pratique, imaginons qu’un immeuble ait une valeur de 100, le premier prêt une
valeur de 50, et que le montant du plafond de l’hypothèque rechargeable soit
fixé à 80. Même en cas de non-paiement du premier prêt, le créancier pour
lequel l’hypothèque est rechargée ultérieurement recevrait encore 30. À
l’inverse, si le montant maximal ne peut excéder la créance initiale, l’efficacité
du rechargement subordonnerait complètement au paiement de cette dernière.
Le créancier ultérieur ne recevrait rien en cas de non-paiement de la première
créance et l’hypothèque rechargeable ne serait qu’un régime fantôme. En
résumé, le montant du plafond de l’hypothèque rechargeable peut excéder la
créance initiale.
512. La convention de rechargement doit être notariée et publiée par une
mention en marge de l’inscription initiale à peine d’inopposabilité aux tiers
(art. 2430, al. 3, C. civ.). Ce régime permet aux créanciers inscrits de prendre
rétroactivement le rang de l’hypothèque initiale à l’égard des tiers, ce qui
permet de la distinguer de l’hypothèque pour des créances futures. ; entre eux,
c’est leur ordre d’inscription qui détermine leur rang. Imaginons qu’une
337
Ibid., p. 1295.
338
Il existe aussi d’autres textes, par exemple l’instruction de la direction générale des
impôts du 1er décembre 2006 concernant l’hypothèque rechargeable et l’allongement de la
durée des inscriptions, qui mentionnent que la taxe de publicité foncière est payée sur la
plus élevée des deux sommes : la somme rechargeable fixée dans l’acte ou la valeur du
capital de la créance. Ceci signifie expressément que les deux montants puissent être
différents. L’article 10, III, alinéa 2 de la loi no 2007-212 du 20 février 2007 énonce que
« par dérogation à l’article 2423 du même code, la somme garantie ne peut être supérieure
au montant en capital de la créance privilégiée » ; comme il s’agit d’une « dérogation »,
la règle normale est au contraire que « la somme garantie peut être supérieure au montant
en capital de la créance initialement souscrite ».
292
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
hypothèque rechargeable inscrite le 1er janvier bénéficie à A, puis que B ait
inscrit une hypothèque ordinaire le 1er février, et que C ait publié une
convention de rechargement le 1er mars, leur rang de paiement sur le prix de
l’immeuble serait comme suit : A, puis C et enfin B.
b. Le domaine d’application
513. L’hypothèque rechargeable est ouverte à tous : personnes physiques
ou personnes morales, consommateurs ou professionnels, à condition qu’ils
aient implicitement la capacité d’aliéner. Cependant, quand elle garantit un
crédit relevant du Code de la consommation, la loi impose un formalisme
informatif protecteur
du
consommateur (et
des
petits
entrepreneurs
hypothéquant leur résidence principale 339 ). L’offre de crédit (crédit à la
consommation au sens strict ou crédit immobilier) doit comprendre un
document annexe, intitulé « situation hypothécaire », comportant certaines
mentions obligatoires, sous peine pour le prêteur de perdre son droit aux
intérêts et d’être puni d’une amende de 3750 euros (art. L.313-14-1 et
L.313-14-2, C. consom.). De plus, l’hypothèque ne peut pas garantir un crédit
revolving à la consommation (art. L.313-14, C. consom.).
c. L’extinction de l’hypothèque rechargeable
514. La spécificité de l’hypothèque rechargeable tient aussi à son mode
d’extinction.
339
Solange BECQUÉ-ICKOWICZ, Les réformes de l’hypothèque, Évolution des sûretés
réelles : regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 87 : ces règles s’appliquent
aussi pour les petits entrepreneurs en vertu du nouvel article L. 526-5 du Code de
commerce, les étendant aux personnes physiques immatriculées à un registre de publicité
légale à caractère professionnel, aux personnes physiques exerçant une activité
professionnelle, agricole ou indépendante ou au gérant associé unique d’une SARL quand
ils concluent un prêt garanti par une hypothèque rechargeable inscrite sur l’immeuble où
ils ont leur résidence principale.
293
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
D’une part, elle ne s’éteint pas par l’extinction d’une des créances qu’elle
garantit (art. 2422, C. civ.). Elle subsiste et reste disponible entre les mains du
constituant qui peut l’affecter en garantie de nouvelles créances.
D’autre part, elle ne peut pas faire l’objet de la renonciation du créancier
inscrit (art. 2488, 2o, C. civ.), mais est sujette à la renonciation du constituant
ayant cette capacité, que la durée de l’hypothèque soit déterminée ou
indéterminée. Cette renonciation ne prend effet que dans le futur et n’est donc
pas opposable aux créanciers déjà inscrits (art. 2423, al. 3, C. civ.). Après la
renonciation, s’il existe encore des créances à rembourser, une mention doit
être portée en marge de l’inscription hypothécaire précisant que l’hypothèque
n’est plus rechargeable ; s’il n’existe plus de créance garantie, une radiation
pure et simple est requise.
B. Certaines observations de l’hypothèque rechargeable
515. L’avantage le plus remarquable de l’hypothèque rechargeable est que
son constituant peut ultérieurement l’affecter en garantie, dans la limite du
montant du plafond fixé, au créancier initial ou à un nouveau créancier, avant
que le premier n’ait été payé (art. 2423, C. civ.). Le nouveau créancier se
trouvant à un rang postérieur au premier, son risque est particulièrement élevé
lorsque la créance initiale absorbe l’intégralité de la valeur du bien hypothéqué,
notamment lorsque la première créance est une créance future au montant
incertain, tel que le prix de la fourniture à venir de biens ou services, ou un
crédit revolving à un non-consommateur340. L’hypothèque rechargeable n’offre
une garantie au second créancier que dans la mesure où le montant du plafond
fixé est supérieur à celui de la créance initiale. C’est là le risque normal auquel
est exposé tout créancier de sûreté de second rang. Dans ce sens, cette sorte
d’hypothèque n’est rechargeable et favorable que pour le constituant. Quant
340
Michel GRIMALDI, op. cit., p. 1296.
294
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
aux créanciers inscrits garantis par l’hypothèque rechargeable, ils se trouvent
dans la même situation que dans le cas d’hypothèques ordinaires inscrites sur
un même immeuble – le créancier hypothécaire antérieurement inscrit prime le
suivant. En théorie, l’hypothèque rechargeable est aussi favorable aux
créanciers qu’elle garantit, puisqu’ils priment les créanciers intermédiaires
bénéficiant des hypothèques ordinaires. Si nous reprenons l’hypothèse précitée,
leur rang est A, C et enfin B. Dans la pratique, le créancier intermédiaire B se
montrerait rationnel et n'aurait donc pas choisi de constituer une hypothèque
ordinaire en connaissant l’existence de l’hypothèque rechargeable. En effet,
l’hypothèque ordinaire se trouve ici en second rang et elle ne revêt un intérêt
pour B que dans la mesure où le montant de sa créance est supérieur à celui
disponible de l’hypothèque rechargeable (le montant maximal fixé dans l’acte
constitutif diminue le montant des créances antérieures qui est encore garanti
par l’hypothèque) et où la valeur de l’immeuble est supérieure au montant du
plafond de l’hypothèque rechargeable. Donc, en toute hypothèse, le meilleur
choix pour B est de publier une convention de rechargement qui se glisse
ultérieurement dans l’hypothèque rechargeable et, dans le même temps,
d’inscrire une hypothèque ordinaire en second rang.
§ III – Prêt viager hypothécaire
516. Le prêt viager hypothécaire, encore appelée l’hypothèque renversée,
est introduite en droit français par l’ordonnance du 23 mars 2006. Dans un
contexte de vieillissement de la population chinoise, ce nouvel instrument de
crédit éveille aussi un vif intérêt parmi les chercheurs chinois.
A. Le prêt viager hypothécaire en droit français
517. Sans reprendre la définition précise donnée par l’article L.314-1 du
Code de la consommation, disons simplement que le prêt viager hypothécaire
est un prêt destiné aux personnes âgées propriétaires d’un bien immobilier
(résidence principale ou secondaire) qui ont un besoin de financement et ne
295
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
souhaitent pas vendre leur bien immédiatement. Nous envisagerons
successivement sa constitution et son mécanisme de fonctionnement.
a. La constitution
518. L’article L. 314-1 du Code de la consommation stipule que le prêt
viager hypothécaire ne peut avoir lieu qu’entre un établissement de crédit ou un
établissement financier, qui est le prêteur de deniers, et une personne physique
capable, qui est l’emprunteur.
Quant à l’objet de cette hypothèque, l’immeuble doit appartenir à
l’emprunteur et être affecté à un usage exclusif d’habitation. Cette disposition
exclut l’immeuble affecté à une activité professionnelle, mais pas celui affecté
à l’habitation d’un tiers.
Quant à la créance garantie, un prêt in fine dont le capital et les intérêts ne
sont exigibles qu’à l’échéance du terme peut être garanti par l’hypothèque. Il ne
peut être destiné à financer les besoins d'une activité professionnelle. Il vise à
financer les besoins de la vie quotidienne des consommateurs, mais non des
investisseurs (art. L. 314-2, C. consom.).
519. Outre les conditions de fond précitées, il faut remplir aussi certaines
conditions de forme.
L’opération du prêt viager hypothécaire est strictement encadrée. Elle ne
peut faire l'objet d'un démarchage au sens du Code monétaire et financier
(art. L. 314-4, C. consom.), sous peine d’un emprisonnement de cinq ans, d’une
amende de 375 000 euros et de peines complémentaires (art. L. 314-18, 19,
C. consom.). Elle commence normalement par la publicité du prêt émanant du
banquier. Cette publicité, quel qu’en soit le support, doit être loyale et
informative, et comprendre les mentions obligatoires, telles que l'identité du
prêteur, la nature et les modalités du terme de l'opération proposée etc.,
permettant aux intéressés potentiels d’apprécier le prêt, (art. L. 314-3,
C. consom.).
296
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
Toute personne intéressée peut obtenir une offre préalable du banquier qui
contient un certain nombre d’informations, telles que l'identité des parties et la
date d'acceptation de l'offre, l’identification de l’immeuble hypothéqué, la
valeur du bien hypothéqué estimée par un expert choisi, et les modalités du prêt,
notamment les dates et les conditions de mise à disposition des fonds etc. (art.
L. 314-5, C. consom.). L’offre est valide pendant une durée qui ne peut être
inférieure à trente jours ; son acceptation ne peut intervenir que dix jours après
sa réception par l'emprunteur ; avant cette acceptation, tout versement de fonds
sous quelque forme que ce soit est exclu (art. L. 314-6, 7, C. consom.). Le
prêteur qui ne respecte pas les règles ci-dessus s’expose à des sanctions civiles
et pénales : la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts et une amende
de 3 750 euros (art. L. 314-15, 16, C. consom.).
Enfin, le contrat du prêt doit être conclu sous la forme d’un acte notarié
(art. L. 314-7, C. consom.). La raison en est simplement que le prêt est garanti
par une hypothèque341.
b. Le mécanisme
520. Après la conclusion du contrat du prêt, le prêteur est tenu de remettre
le crédit selon les modalités convenues. Le prêt peut être versé en une seule fois
sous forme d'un capital, ou suivant un échéancier de versements périodiques
(art. L. 314-1, C. consom.).
Le prêt a pour but de permettre au débiteur d'obtenir des liquidités de son
immeuble sans s'en dessaisir, pour améliorer ses revenus, faire face à des
dépenses imprévues (dépendance, réparation du logement) ou aider sa
descendance (études des petits-enfants...)… Il lui laisse l’usage et la jouissance
de son bien immobilier. En contrepartie, il est tenu, jusqu’à l’échéance du terme
d’apporter à l’immeuble hypothéqué tous les soins d’un bon père de famille, de
341
Michel GRIMALDI, op. cit., p. 1297.
297
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
n’en pas changer l’affectation et de permettre au prêteur d’accéder à
l’immeuble pour en vérifier l’état (art. L. 314-8, C. consom.).
521. Le montant du remboursement ne peut être exigé qu’à l’échéance du
terme, autrement dit, au moment du décès de l’emprunteur ou, avant son décès,
de l’aliénation de l’immeuble ou du démembrement de la propriété
immobilière
342
. Exceptionnellement, le prêt peut être remboursé par
anticipation si l'emprunteur en fait la demande. La banque est toutefois en droit
de refuser cette demande si le montant du remboursement partiel anticipé est
inférieur à 10% du capital versé (art. R*314-1, C. consom.). Dans l'hypothèse
où la demande est acceptée, il faut distinguer deux cas de figure pour la fixation
du plafond de l'indemnité éventuellement due par l'emprunteur : le cas où le
capital du prêt a été versé en une seule fois ou a fait l’objet de versements
périodiques (art. R*314-2, C. consom.)343. Dans le premier cas, c’est-à-dire le
versement en une seule fois, le montant maximal de l'indemnité sera fonction
de l'année à laquelle interviendra la demande de remboursement anticipée
(entre la 1ère et la 4ème année / entre la 5ème et la 9ème année, à partir la
10ème année) et s'exprimera en nombre de mois d'intérêts sur le capital à
rembourser (4 mois / 2 mois / 1 mois). Dans le second cas, le montant maximal
de l'indemnité sera fonction de l'année à laquelle interviendra la demande de
remboursement anticipée (entre la 1ère et la 4ème année / entre la 5ème et la
9ème année, etc.) et s'exprimera en nombre de versements mensuels dus ou
versés au titre de la 1ère année (5 mois, 3 mois, 2 mois).
En tout état de cause, le montant du remboursement ne peut dépasser le
plafonnement de la valeur de l’immeuble à l’échéance du terme (art. L. 314-9,
C. consom.) ; c’est une disposition logique, dans la mesure où le prêt ne peut
342
Ibid., p. 1297.
343
V. Décret n° 2006-1540 du 6 décembre 2006 pris en application de l'article L. 314-10
du Code de la consommation relatif au remboursement anticipé des prêts viagers
hypothécaires, qui a créé les articles R*314-1 à R*314-2 du Code de la consommation.
298
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
rendre le débiteur insolvable. Le plafonnement est fixé soit par l’estimation
convenue entre le prêteur et les héritiers ou par un expert désigné amiablement
en cas de décès de l’emprunteur, soit par la valeur effectivement réalisée en cas
d’aliénation de l’immeuble hypothéqué. Si la valeur du bien s'avère supérieure
à la dette, la différence doit être versée à l’emprunteur ou à ses héritiers. Si elle
est inférieure, la perte est alors supportée par l'établissement de crédit.
522. En cas de décès de l’emprunteur, la succession peut choisir de garder
le bien, en remboursant le prêt, qui peut alors être rééchelonné. À défaut, elle
bénéficie de la valeur résiduelle du bien après remboursement (l'excédent de la
valeur du bien après le remboursement de la dette). Si les héritiers refusent la
succession, ils laissent l'établissement de crédit soit se voir attribuer la propriété
de l'immeuble (attribution judiciaire ou pacte commissoire), soit revendre le
bien pour se rembourser.
B. Le prêt viager hypothécaire en droit chinois
523. À la différence du droit français, la loi chinoise n’a pas prévu
expressément l’hypothèque renversée. Toutefois, son régime est actuellement
étudié et il se peut qu’elle soit instaurée par la loi dans la réforme à venir. Nous
étudierons ici la nécessité de son instauration et les problèmes qui se posent.
a. La nécessité d’introduire le prêt viager hypothécaire
524. Au fur et à mesure du vieillissement démographique de la société, le
nombre des personnes de plus de 60 ans s’accroît rapidement344, et ce alors que
le régime chinois des retraites est pour le moins imparfait. La plupart des
retraités perçoivent une pension très faible qui ne suffit pas à couvrir les
dépenses de la vie quotidienne, alors que leurs besoins financiers sont bien
344
Selon la statistique de la Commission nationale des affaires du vieillissement, les
personnes âgées de plus de 60 ans représentaient 10% de la population totale en 1999 ; et
ce pourcentage a atteint 12.5% en 2010 et, atteindra environ 18% en 2020 et 30% en 2050.
299
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
supérieurs à la solvabilité du Trésor public345. Du fait de cette situation, à
laquelle s’ajoute la tradition familiale, l’obligation alimentaire à l’égard des
personnes âgées incombe en principe à leurs héritiers. Si cette solution n’a
guère posé de problème jusqu’à présent, elle rencontre et va rencontrer de plus
en plus de difficultés pratiques. D’une part, en raison de la politique de
planification familiale, une personne née dès la fin des années 1970 est
généralement enfant unique. Cela signifie que les deux époux nés à cette
période doivent généralement assumer l’obligation alimentaire à l’égard des
parents des deux parties, autrement dit, de quatre personnes âgées. C’est donc
un fardeau très lourd pour les jeunes couples, d’autant plus que le coût de la vie
dans les villes, notamment le prix immobilier, a atteint un niveau très élevé,
voire insupportable pour certains jeunes. Pour subvenir aux besoins de la
famille, ils n’ont d’autre choix que de réduire leurs dépenses quotidiennes et ce
changer leur train de vie. Il en résulte une contraction de la demande intérieure
et des obstacles plus importants au développement sain de l’économie de la
Chine. Afin de faire face à ce défi, les chercheurs se creusent la tête pour
trouver des solutions adéquates. Certains regardent vers l’Amérique du nord et
préconisent l’introduction en droit chinois le modèle américain du reverse
mortgage346 qui correspond à l’« hypothèque renversée » en droit français. En
effet, une société d’assurance appelée SA Happy Insurance (xing fu ren shou/
幸福人寿), dont l’activité principale est le prêt viager hypothécaire, a été mise
sur pied depuis 2007. Ce mode d’opération, où le prêt viager hypothécaire est
géré par une société d’assurance, diffère du régime appliqué en droit français.
345
Selon l’estimation du Conseil d’administration national des fonds de protection sociale,
le déficit des fonds de protection sociale a atteint mille milliards de Yuan en 2006 et il va
s’accroître rapidement.
346
En effet, selon l’énoncé de la Fédération Bancaire Française (FBF), le prêt viager
hypothécaire en droit français s’est aussi inspiré du « modèle américain du reverse
mortgage ». V. http://www.senioractu.com/pret-viager-hypothecaire-hypotheque- inverseecomment-fonctionne-t-il_a6501.html. Dans ce sens, le prêt viager hypothécaire en droit
français correspond en effet à l’hypothèque renversée en droit chinois.
300
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
Cependant, il ne signifie pas que le prêt viager hypothécaire doive
nécessairement être régi par une société d’assurance. D’après certains
chercheurs, il est en effet plus logique qu’il soit géré par des banques ou
d’autres établissements financiers spéciaux. Par conséquent, les prêts viagers
hypothécaires dans les deux pays ne sont pas substantiellement différents ; le
contenu des opérations en droit chinois est similaire à celui en droit français,
puisqu’il désigne là aussi le prêt destiné aux personnes âgées propriétaires d’un
immeuble qui ont un besoin de financements mais ne souhaitent pas vendre
immédiatement leur bien.
525. Compte tenu de l’absence de dispositions concrètes concernant ce
type d’opération en droit chinois, nous ne procéderons pas à une étude détaillée
du régime existant, comme nous l’avons fait pour le prêt viager hypothécaire en
droit français, mais nous nous attacherons plutôt à analyser les problèmes à
résoudre pour l’instauration du prêt viager hypothécaire en droit chinois.
b. Les problèmes à résoudre
526. En premier lieu, comme le prêt viager hypothécaire est une opération
financière à long terme (une dizaine ou une vingtaine d’années, en principe), la
prolongation de la durée du droit d’usage du terrain est donc un problème
crucial. Selon le droit positif chinois, les terrains dans les zones urbaines
appartiennent à l’État. Un individu ne peut jouir du droit d’usage du terrain que
dans la durée maximale de 70 ans. Par exemple, une personne de 20 ans a
acheté un immeuble de 100 m2. Quand il a 60 ans, il affecte cet immeuble en
hypothèque renversée pour un prêt viager. Le prêteur estime sa durée de vie à
80 ans. Dans ce cas-là, à l’échéance de la créance (le décès de l’emprunteur), la
durée du droit d’usage du terrain de l’immeuble n’est plus que de 10 ans. Si elle
ne peut être prolongée gratuitement ou, tout au moins à bas coûts, la valeur de
l’immeuble hypothéqué sera considérablement réduite et les intérêts du
créancier hypothécaire seront donc menacés. La question de la prolongation de
la durée du droit d’usage du terrain fait maintenant partie de la révision de la
301
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
Loi sur la gestion des terrains. Le sort du prêt viager hypothécaire en droit
chinois dépend plus ou moins des mesures qui seront prises.
527. En second lieu, le prêteur ne peut être remboursé qu’à l’échéance de
la créance, soit, en principe, dans une dizaine d’années. Comme la pratique du
prêt viager hypothécaire se développe progressivement, ses besoins en capitaux
représenteront une proportion de plus en plus importante des capitaux du
prêteur. L'établissement financier se mettant à exercer cette activité doit donc
disposer de capitaux suffisants pour éviter le défaut de liquidité des créances. À
cet égard, les chercheurs sont favorables à la titrisation des créances nées du
prêt viager hypothécaire, afin d’améliorer la fluidité de la circulation des
capitaux des établissements financiers347.
528. Enfin, il reste encore des problèmes techniques qui portent sur
l’estimation de la durée de vie de l’emprunteur, sur la fixation de l’échéancier
et du montant des versements périodiques. Il vaut mieux que les sociétés
d’assurance, qui sont normalement expérimentées sur ce point, soient invitées à
participer. Etant donné que cette opération nécessite des sommes astronomiques,
et qu’elle vise principalement à compléter et améliorer la couverture sociale, le
prêt viager hypothécaire doit être progressivement exercé par les banques, avec
la participation des sociétés d’assurance et sous la direction du ministère du
Travail et de la Protection sociale.
Section III – La qualité du constituant
529. Le constituant d’hypothèque est en principe le débiteur, mais un tiers
peut aussi l’être. Dans ce dernier cas, les règles applicables s’approchent de
celles du gage. En tout cas, le constituant doit être propriétaire d’immeuble
grevé ou titulaire de droits immobiliers ; il doit également avoir la capacité
347
XIAO Yao, Les études des modalités de titrisation du prêt viager hypothécaire –
économie coopérative, in sciences et techniques, oct. 2007, p. 56 ; WANG Pan, Le prêt
viager hypothécaire doit être essayé, in Finances foncières, 2007, III, p. 74.
302
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
d’aliéner le bien grevé. Ce sont les conditions communes exigées par le droit
français et le droit chinois.
§ I – Le titre du constituant
530. En exigeant que le constituant soit propriétaire ou titulaire du bien
grevé, le législateur vise en effet à interdire l’hypothèque de la chose d’autrui,
ce qui participe du même principe que celui d’interdire l’hypothèque des biens
à venir. Sur ce point, les législateurs français et chinois ont adopté les mêmes
règles, tout en poursuivant des finalités différentes : alors que le premier vise à
protéger les intérêts du constituant 348 , le dernier prétend principalement à
protéger les intérêts des biens publics349. Le non-respect de ce principe est
sanctionné dans les deux systèmes juridiques par la nullité absolue de la sûreté,
quand bien même le constituant viendrait à acquérir la propriété du bien.
531. Certes, ce n’est pas un principe immobile ou absolu. Il subsiste
certains tempérament : l’hypothèque peut porter sur des biens à venir dans
certains cas (v. supra, n° 489 et n° 490). D’ailleurs, la prohibition est rendue
inapplicable par la théorie de l’apparence en droit français350 et par la théorie
de l’acquisition de bonne foi en droit chinois. La première théorie exige que
l’apparence existe vraiment. Du côté du constituant, il doit avoir un titre et se
comporte comme un propriétaire apparent. Du côté du créancier bénéficiaire, il
doit être de bonne foi, c'est-à-dire ignorer la cause de la nullité du titre ; en
348
«… (Le principe de la prohibition de l’hypothèque de la chose d’autrui) se rattache à la
prohibition de l’hypothèque des biens à venir :la chose d’autrui est souvent l’immeuble
que le constituant envisage d’acquérir » et que la dernière vise à « …éviter qu’une
personne, sous la pression du besoin ou de ses créanciers, ne prenne des engagements
qu’elle risque de regretter par la suite ». Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 289 ;
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 411.
349
En Chine, il arrive souvent que des dirigeants d’entreprises publiques hypothèquent des
biens d’entreprises pour leurs propres intérêts.
350
La théorie qui permet de se fonder sur l’apparence d’une situation pour lui faire
produire des effets juridiques qui ne lui sont pas normalement attachés puis qu’en réalité,
au delà de l‘apparence, elle ne remplit pas les conditions nécessaires à cette fin.
303
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
outre la cause doit nécessairement avoir été ignorée de tous351. La théorie de
l’acquisition de bonne foi en droit chinois exige que le créancier bénéficiaire
doive ignorer que le constituant n’ait pas le droit d’en disposer, que
l’acquisition du droit est réalisée à un prix raisonnable, et que la publicité du
droit doive déjà avoir été effectuée (art. 106, LDR).
532. L'indivision est une « situation juridique qui existe, jusqu’au partage
d’une chose ou d’un ensemble de choses, entre ceux qui ont sur cette chose ou
cet ensemble un droit de même nature, chacun pour une quote-part, aucun
n’ayant de droit privatif cantonné sur une partie déterminée et tous ayant des
pouvoirs concurrents sur le tout » 352 . Un indivisaire ne peut donc pas se
prévaloir de sa qualité de propriétaire avant la décision du partage, alors même
que pour pouvoir constituer une hypothèque, il faut que le constituant soit le
propriétaire de l'immeuble en question. Se pose donc ici la question de savoir si
on peut constituer une hypothèque sur un bien indivis avant la décision du
partage.
533. En droit français, les immeubles indivis peuvent aussi être
hypothéqués, sans l’accord d l’ensemble des indivisaires. Sa validité ne pose
aucun problème. Toutefois, lorsque l’hypothèque porte sur l’immeuble indivis,
son efficacité est différente selon qu’elle a été consentie par l’ensemble des
indivisaires ou non. L’article 2414, alinéa 2 du Code civil fixe expressément les
règles applicables à ces deux situations. Dans la première hypothèse 353 ,
l’hypothèque produit tous les effets de l’hypothèque ordinaire, quel que soit le
résultat du partage. Le créancier bénéficiaire prend rang de créancier de
351
Dominique, LEGEAIS, op. cit., p.412.
352
Gérard CORNU, op. cit., p.476.
353
Il arrive souvent en pratique, que lorsque tous les indivisaires sont débiteurs du même
créancier ou lorsqu’ils acceptent d’affecter la totalité de l’immeuble pour permettre à l’un
d’entre eux de se procurer le crédit dont il a besoin. V. Dominique LEGEAIS, op. cit., p.
413.
304
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
l’indivision. La jurisprudence de la Cour de cassation lui permet de saisir le
bien alors même qu’on se trouve dans le cadre d’une procédure collective354.
En cas de non paiement de sa créance, le créancier hypothécaire pourra faire
saisir et vendre le bien même avant le partage. Dans la dernière hypothèse,
l’efficacité de l’hypothèque dépend des résultats du partage. Le partage fait
disparaître rétroactivement les droits indivis et donne à chacun des attributaires
un droit de propriété exclusif depuis la naissance de l’indivision. L’hypothèque,
si elle est consentie par l’attributaire ou un des attributaires, porte donc sur les
biens acquis par lui ou par eux ; si elle est consentie par un indivisaire non
attributaire, l’hypothèque est rétroactivement anéantie355. Si le bien indivis est
vendu à un tiers, l’hypothèque se reporte sur la fraction du prix acquis par le
constituant.
Quant à l’hypothèque d’une quote-part dans un ou plusieurs immeubles
indivis, elle ne conserve son effet que si l’indivisaire constituant est alloti du ou
des immeubles indivis. Si l’immeuble grevé est vendu à un tiers, l’hypothèque
porte sur le prix que le constituant a alloti (art.2414, al.2, C. civ.).
Dans les hypothèses où l’hypothèque n’est consentie que par l’un des
indivisaires ou qu’elle porte sur une quote-part d’un ou des immeubles indivis,
comment réaliser le droit du créancier hypothécaire lorsque l’immeuble grevé
n’a pas été partagé, ni vendu à un tiers lors de sa réalisation? Le créancier
hypothécaire peut-il demander immédiatement le partage pour réaliser son droit?
Il est conduit à l’admettre, à défaut de quoi l’hypothèque ne revêtirait guère
d’intérêt. Le créancier hypothécaire peut alors provoquer le partage pour se
prévaloir ses prérogatives356.
354
« …le créancier pouvait saisir le bien alors même qu’une procédure collective est
ouverte au nom des coindivisaires ». Cass. 1re civ., 28 juin 2005, JCP N 2006, 1025, n. V.
BRÉMOND.
355
Cass. 3e civ., 27 mai 1986, JCP N 1987, II, 13, n. M. DAGOT.
356
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 414.
305
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
534. En droit chinois, la possibilité de l’hypothèque des immeubles
indivis dépend de la situation de l’indivision. Sous l’empire des PGDC, l'accord
unanime de tous les indivisaires est nécessaire pour chaque acte de gestion,
d'administration et disposition sur le bien commun 357 , parmi lesquels
l’hypothèque. L’hypothèque de l’immeuble ou des immeubles indivis sans
l'accord unanime de tous les indivisaires est donc interdite. La LDR a repris
cette exigence dans son article 97 en distinguant l’indivision commune de
l’indivision par quote-part358: la disposition du bien indivis sous régime de
l’indivision commune exige le consentement unanime de tous les indivisaires,
tandis que celle sous régime de l’indivision par quote-part n’a pas besoin d'être
prise à l'unanimité, mais à la majorité des deux tiers des droits indivis.
Cependant, dans les deux cas, une stipulation contraire dans la convention
d'indivision suffit à rendre caduques les effets de cette loi (art.97, LDR).
535. Cependant, il convient de distinguer la situation de la disposition de
quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis de celle de la disposition
totale de l’immeuble ou des immeubles. Si la dernière disposition concerne les
intérêts de tous les indivisaires et, exige donc leur consentement unanime, la
première ne concerne que la quote-part du disposant qui sera alloti dans le futur
partage, et ne porte en conséquence pas atteinte aux intérêts des autres
indivisaires. En conclusion, on peut dire que l’article 54 des ELS admet
expressément les effets de l’hypothèque de quote-part, dont le régime
357
V. L’article 89 des Opinions sur certaines questions de l’exécution et l’application des
PGDC (application à titre d’essai) rendu par la Cour suprême l3 26 janvier 1988 dispose
que « les indivisaires ont les mêmes droits sur des biens indivis et assurent les mêmes
obligations. Sans avoir le consentement de tous les indivisaires, la disposition des biens
indivis avant la décision du partage est en principe nulle. Sauf que le tiers acquéreur est
de bonne foi et l’a acquit à titre onéreux… ». Cet article ne vise que l’indivision commune
(共同共有/ gong tong gong you) et ne dit rien de l’indivision par quote-part (按份共有/ an
fen gong you).
358
V. n. 134. L’article 89 des Opinions sur certaines questions de l’exécution et
l’application de la PGDC ne vise que l’indivision commune et ne dit rien de l’indivision
par quote-part.
306
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
s’assimile à celui en droit français: elle ne conserve son effet que si l’indivisaire
constituant est alloti du ou des immeubles indivis, et ne porte que sur le prix
alloti au constituant si l’immeuble grevé est vendu à un tiers.
536. Cette analyse démontre donc que les règles en droit français sont
beaucoup plus souples que celles en droit chinois.
§ II – La capacité
537. L’article 2400 du Code civil français exige que le constituant ait la
capacité d’aliéner le bien grevé à peine de nullité relative. C’est logique dès
lors que la réalisation de l’hypothèque puisse entraîner la vente ou le transfert
du bien. C’est une règle visant à protéger le constituant. Pour la constitution
d’hypothèque, la capacité d’agir des mineurs, et des majeurs sous tutelle est en
conséquence limitée.
Le droit chinois des sûretés ne prévoit pas de dispositions spéciales sur ce
point. Or, selon la théorie générale de la capacité, les incapables n’ont pas la
capacité d’exercice (art.12 à 14, PGDC). Ils ne peuvent ni exercer eux-mêmes
une action civile, ni assurer une responsabilité civile. Il est donc raisonnable
qu’ils ne puissent pas être constituants d’hypothèque.
538. D’ailleurs, les droits français et chinois exigent également que le
constituant doive disposer du pouvoir nécessaire pour consentir une
hypothèque. Les restrictions au pouvoir de consentir une hypothèque ont
toutefois des sources différentes.
En droit français, les restrictions sont principalement les suivantes :
1o l’hypothèque des biens des incapables et ceux des absents, ne peut être
constituée que pour les causes légales et dans les formes établies par la loi, ou
en vertu de jugements (art.2415, C. civ.).
307
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
2o dans les régimes matrimoniaux, l’hypothèque portant sur le logement
familial (art.215, C. civ.) ou sur l’immeuble appartenant aux biens communs
(art.1422 et 1424, C. civ.) doit recueillir le consentement des deux conjoints.
L’hypothèque consentie par l’un des époux peut être annulée à la demande de
l’autre.
3o il existe aussi certaines restrictions particulières, telles que la limite de
la constitution d’hypothèque sur les biens d’une société qui nécessite des
délibérations ou délégations de pouvoir établies sous signatures privées
(art.1814-2, C. civ.) ou celle de la constitution d’hypothèque après l’ouverture
d’une procédure collective.
Ce sont en réalité des restrictions qui s’appliquent à toute sûreté réelle
conventionnelle.
Les restrictions en droit chinois se trouvent leurs sources dans :
1o les régimes des incapables (art. 12 et s., PGDC) et des absents (art.21,
PGDC). Le curateur des biens des incapables et des absents ne peut donner les
biens en hypothèque que pour les dettes ou les intérêts de la personne sous sa
curatelle.
2o dans les régimes matrimoniaux, les règles appliquées au gage sont
également applicables à l’hypothèque. Autrement dit, l’hypothèque constituée
par l’un des époux sans consentement de l’autre conjoint est en principe nulle,
sauf si le créancier bénéficiaire est de bonne foi et se fie à l’apparence qui lui
semble que c’est la volonté commune des époux. La responsabilité de preuve
de mauvaise foi du créancier incombe à celui
qui poursuit la nullité de
l’hypothèque.
308
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
3o selon le droit chinois des sociétés, la limite de la constitution
d’hypothèque sur les biens d’une société exige aussi des délibérations ou
délégation spéciales.
Section IV– Les exigences de forme
539. Quel que soit le système juridique dans lequel elle s’inscrit,
l’hypothèque doit satisfaire à certaines conditions formelles.
540. Le contrat d’hypothèque est un acte solennel par excellence en droit
français359. L’article 2415 du Code civil exige que l’hypothèque ne puisse se
constituer que par un acte notarié. C’est donc une condition obligatoire de la
validité d’hypothèque. L’inobservation de cette exigence est sanctionnée par la
nullité absolue de l’hypothèque. L’hypothèque est donc un acte solennel plus
sévère que la vente d’immeuble qui peut valablement se passer par un acte sous
seing privé. Cela peut s’expliquer par les faits suivants:
Premièrement, l’hypothèque est vraiment un acte plus grave que la vente.
En effet, alors que celui qui vend l’immeuble peut recevoir immédiatement une
contrepartie raisonnable, celui qui l’hypothèque ne voit pas sa situation se
modifier et risque de s’engager à la légère360. L’intervention du notaire vise
donc à protéger le constituant qui a besoin de ses conseils professionnels.
Deuxièmement, le notaire étant responsable de la validité de l’hypothèque
tant pour son efficacité que pour son évaluation (sauf la dépréciation ultérieure
et imprévisible de l’immeuble), l’acte authentique protège également les
intérêts du créancier bénéficiaire.
359
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 415.
360
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 281.
309
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
541. En vertu du principe général qui veut la procuration permettant
d’accomplir un acte solennel est soumise à la même forme que celui-ci,
l’exigence d’acte notarié s’applique aussi au mandataire dans la constitution
d’hypothèque. Ce principe souffre cependant des exceptions relatives à
l’hypothèque constituée au profit de l’État ou à celle constituée par
représentants statutaires des sociétés (art.1844-2, C. civ.). Cette dernière
exception peut s’expliquer « par les nécessités pratiques et le fait qu’une société
n’a pas besoin d’être protégée »361.
542. En outre, cette exigence ne s’applique pas à la promesse
d’hypothèque, par laquelle le promettant s’engage à constituer une hypothèque
à la demande du créancier. La promesse d’hypothèque sous seing privé est donc
valable.
On considérait qu’en cas de refus du promettant de respecter son
engagement, le créancier pourrait l’y contraindre. Mais la Cour de cassation
consacre avec constance que celui qui ne respecte pas son engagement de faire
est seulement sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts. L’exécution
forcée n’y est pas applicable parce que l’acte notarié est une condition de
validité de l’hypothèque. La promesse d’hypothèque est donc « une vraie
fausse garantie »362.
543. L’acte notarié doit mentionner: les conditions permettant de
déterminer les créances garanties, celles déterminant les biens hypothéqués
(art.2418, C. civ., tels que la nature et la situation de chacun des immeubles), le
montant de la créance garantie (art.2423, C. civ.), la cause d’hypothèque
361
Ibid., p. 282.
362
Cass. com., 3 mai 1988: D. 1989, 58, n. Ch. GAVALDA ; Cass. 3e civ., 7 avr. 1993:
JCP E 1993, I, 300, no 12, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE ; M. MATHIEU, Une
vraie fausse garantie: la promesse d’affectation hypothécaire, RD bancaire et bourse 1992,
48.
310
Chapitre I – La constitution de l’hypothèque
(art.2421, ali.2), la mention que l’hypothèque est rechargeable ou non (art.2422,
C. civ.).
544. À la différence du droit français, la validité du contrat de
l’hypothèque en droit chinois ne soumet qu’à une solennité restreinte – comme
le contrat de gage ou de nantissement – la forme écrite du contrat. C’est une
condition de validité du contrat d’hypothèque consacrée par la LS et la LDR.
Les mentions nécessaires, que doit comporter l’acte écrit, sont la désignation de
la dette garantie – la nature et le montant de la créance - et le siège, l’état et la
nature des immeubles donnés en hypothèque. Ce sont les deux clauses
nécessaires et obligatoires à la validité du contrat d’hypothèque363.
545. Mais comme pour la vente ou la transmission d’immeubles, l’acte
authentique n’est toutefois pas obligatoirement exigé pour la validité de
l’hypothèque en droit chinois. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce
formalisme limité: premièrement, le recourt au notaire dans les transmissions
de droits réels n’est pas habituel, il ne serait donc pas approprié de l’imposer
par la loi ; deuxièmement, le législateur chinois estime que le recours
obligatoire au notaire engendrerait un coût de transaction supplémentaire non
nécessaire ; troisièmement, les notaires chinois étaient des fonctionnaires et
nombre d’entre eux n’étaient pas suffisamment compétents. Par conséquent, le
notariat chinois ne jouait le rôle majeur qui est le sien en droit français.
546. Il faut remarquer également que, comme dans la situation du gage, le
droit chinois distingue aussi la validité du contrat de l’hypothèque de celle de
l’hypothèque elle-même. La validité du contrat de l’hypothèque n’emporte pas
nécessairement celle de l’hypothèque. Alors que l’acte écrit suffit pour la
validité du contrat de l’hypothèque, la validité de l’hypothèque est soumise à la
formalité de l’inscription hypothécaire immobilière.
363
YANG Hong, op. cit., p. 141.
311
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
547. Conformément à leurs propres principes de publicité foncière,
l’inscription hypothécaire en droit français et celle en droit chinois poursuivent
des finalités différentes. Dans le premier cas, l’inscription joue principalement
un rôle dans la condition d’opposabilité et dans l’attribution du rang au
créancier. En droit chinois, l’inscription hypothécaire remplit les fonctions plus
importantes que celles qui lui sont dévolues en droit français. Hormis les deux
fonctions précitées qu’elle joue en droit français, l’inscription hypothécaire est
aussi une condition de validité de l’hypothèque elle-même en droit chinois.
Néanmoins, cela ne signifie pas que les inscriptions hypothécaires dans les
deux pays sont complètement différentes. Si on fait abstraction des différences
relatives aux effets d’inscription, leurs régimes sont largement comparables.
Section I – Les mentions obligatoirement requises
548. La validité de l’inscription hypothécaire est impérativement
subordonnée à l’observation des règles posées par le droit de la publicité
foncière.
549. En droit français, l’inscription doit obéir à un certain ordre : le
créancier doit d’abord déposer à la conservation des hypothèques (une
institution française administrative et fiscale de la direction générale des
finances publiques) une copie signée et certifiée de l’acte constitutif de
l’hypothèque (soit l’acte notarié de l’hypothèque). Puis il doit également y
déposer un bordereau en deux exemplaires comportant les mentions exigées par
l’article 2428 du Code civil ; ces mentions doivent permettre de désigner les
parties, l’immeuble hypothéqué et la créance garantie. Le dépôt doit donc
mentionner, à peine d’être refusé, l’indication du titre générateur de la sûreté. Il
doit respecter le principe de l’effet relatif gouvernant la publicité foncière qui
oblige le bordereau à viser la publication préalable du titre de propriétaire de
312
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
l’immeuble hypothéqué 364 . Le principe de spécialité s’applique aussi à
l’inscription hypothécaire, ainsi le bordereau doit mentionner :
- la désignation de l’immeuble hypothéqué, par référence au cadastre ;
- le titre générateur de la créance garantie, ainsi que sa cause et son
montant, et le cas échéant, la clause de rechargement (les indications permettant
de déterminer le montant de la créance garantie).
Les accessoires de la créance garantie sont couverts par l’hypothèque si
l’inscription les a mentionnés. Cependant, tous les accessoires ne sont pas
automatiquement garantis. Cette inscription principale ne garantit que les
intérêts et arrérages échus avant l’inscription et ceux échus après l’ouverture de
la procédure de la distribution du prix365. De plus, elle ne les couvre que « pour
trois années seulement, au même rang que le principal ». Certes, le créancier
peut procéder à une inscription particulière portant hypothèque à compter de
leur date, pour les intérêts et arrérages autres que ceux conservés par
l'inscription primitive (art. 2432, C. civ.).
Après l’inscription, l’un des bordereaux sera retourné au requérant avec
mention de l’accomplissement de la formalité. Sauf dispositions contraires, ces
règles s’appliquent aussi aux privilèges immobiliers, hypothèques légales et
judiciaires.
550. En droit chinois, bien que la LDR exige dans son article 10
l’établissement d’un « organe unique » chargé de l’inscription foncière, il est
regrettable que l’inscription hypothécaire n’ait pas encore été uniformisée.
364
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 420.
365
Ibid., p. 421.
313
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
Le créancier doit procéder à l’inscription hypothécaire auprès du bureau
des bâtiments ou/et des terrains, ou encore d’autres organes chargés de
l’inscription immobilière en vertu de lois spéciales (tels que le bureau des forêts
qui est chargé de l’inscription de l’hypothèque portant sur des forêts). Le
créancier doit y déposer une demande de l’inscription hypothécaire, l’acte
constitutif de l’hypothèque et l’acte constitutif de l’obligation principale. Il doit
ensuite y déposer un bordereau comportant les mentions nécessaires à la
désignation des parties, de l’immeuble hypothéqué et de la créance garantie.
Pour ce faire, le créancier doit également présenter la pièce d’identité du
demandeur, et le certificat de propriété immobilière. Le cas échéant, d’autres
mentions sont également requises (telles que les indications permettant de
déterminer le montant de la créance garantie).
Dès que les conditions légales de l’inscription sont remplies, l’organe
chargé d’inscription mentionne sur le registre les parties intéressées à
l’hypothèque, le montant de la créance garantie (s’il s’agit d’une créance
indéterminée, les conditions permettant de la déterminer) et la date de
l’inscription.
Section II – Délai de l’inscription
551. Contrairement aux règles qui prévalent pour l’inscription de
mutations immobilières, en droit français, il n’existe pas d’exigence expresse
du délai d’inscription hypothécaire. Le créancier bénéficiaire peut l’inscrire
quand il veut. Mais il faut remarquer qu’il existe en droit français quatre
événements qui arrêtent le cours d’inscription et rendent l’inscription inefficace.
Ces événements visent toujours à protéger les intérêts de tiers366. Ce sont les
arrêts du cours d’inscription :
366
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 293.
314
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
--- en cas de décès du constituant, l’inscription hypothécaire est empêchée
si la succession est acceptée à concurrence de l’actif net par un ou plusieurs
héritiers (art.792-2, C. civ.) ;
--- en cas de mutations immobilières, l’inscription hypothécaire
postérieure à la publication de l’aliénation sera rejetée par le conservateur367 ;
--- s’il y a un commandement de saisie publiée, le débiteur titulaire de
l’immeuble n’a plus le droit d’en disposer (interdiction de l’aliéner ou de
constituer sur lui un droit réel), l’inscription hypothécaire postérieure est donc
inutile ;
--- en cas d’ouverture d’une procédure collective ou de surendettement
personnel, l’inscription hypothécaire postérieure est interdite selon les articles
L.622-30, L.634-14 et L.641-3 du Code de commerce. Considérant que ces
procédures rendent l’inscription inutile, et que l’inscription est attributive du
rang, il va sans dire que le créancier l’inscrira le plus rapidement possible.
552. Le droit chinois n’impose pas non plus d’exigence quant au délai
d’inscription hypothécaire. Le créancier bénéficiaire peut procéder à
l’inscription à tout moment. Le droit chinois retenant le principe de
l’inscription-validité pour les droits immobiliers, le créancier procède
normalement à l’inscription hypothécaire le plus rapidement possible.
Section III – La péremption, la radiation et la réduction
553. L’inscription hypothécaire n’est pas absolue tant en droit français
qu’en droit chinois, puisqu’elle peut faire l’objet de péremption, de radiation ou
de réduction.
§ I – La péremption de l’inscription hypothécaire
367
Cass. 3e civ., 12 juin 1996, Bull. civ. III, no 145 ; D., 1997, som.p257, obs. S.
PIEDELIÈVRE ; RD imm. 1997, p.114, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE.
315
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
554. En droit français, les parties peuvent librement convenir de la durée
de l’inscription en se conformant aux exigences fixées par l’article 2434 du
Code civil : l’inscription prend fin au plus tard un an après l’échéance de la
créance et cinquante ans après l’inscription ; si l’échéance de la créance est
indéterminée ou s’il y a une clause de rechargement, la durée maximum de
l’inscription est de cinquante ans après l’inscription ; si la créance est déjà
échue, la durée maximum de l’inscription est de dix ans après l’inscription.
Au bout de ce délai, l’hypothèque subsiste mais perd son opposabilité. Le
créancier peut certainement l’inscrire à nouveau, mais cette nouvelle inscription
ne garde pas le rang de l’inscription primitive. Il risque donc de subir les
conséquences des quatre événements précités ou d’autres contingences. Afin
d’éviter ces risques, le créancier peut, sans requérir le consentement du débiteur,
procéder à un renouvellement de l’inscription avant que la péremption ne
s’accomplisse. Ce renouvellement garde le rang primitif de l’inscription de
l’hypothèque et fait échec à la péremption antérieure. La nouvelle péremption
court de la date de la nouvelle inscription. Antérieurement, lorsque l’immeuble
hypothéqué avait été transformé en prix (l’effet légal de l’hypothèque), le
renouvellement de l’inscription était inutile. De plus, on distinguait
déraisonnablement les prix résultant de la vente volontaire, de la saisie ou de
l’indemnité versée en cas de perte ou d’expropriation de l’immeuble. La
nouvelle rédaction de l’article 2435, alinéa 3 du Code civil met fin à cette
distinction. Aujourd’hui, le renouvellement de l’inscription est obligatoire
jusqu’au paiement total ou à la consignation du prix (la consignation du prix
s’assimile au paiement, parce qu’elle permet ensuite de distribuer le prix aux
créanciers hypothécaires d’après leur rang). Si le paiement ou la consignation
du prix est partiel, le créancier doit procéder au renouvellement de l’inscription
avant la péremption pourvu que le montant restant de la créance soit garanti par
l’hypothèque.
316
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
555. À la différence du droit français, la loi chinoise ne limite pas la durée
de l’inscription hypothécaire. Il n’est pas non plus nécessaire pour les parties de
convenir de la durée de l’inscription, car les juristes chinois considèrent que la
durée convenue n’affecte pas l’hypothèque en raison du principe de numerus
clausus.
Il découle du caractère accessoire de l’hypothèque que la durée de
l’inscription hypothécaire dépend de la créance qu’elle garantit. Selon l’article
12 des ELS, « la durée de sûreté réelle est indépendante de la durée de
l’inscription de celle-ci convenue par les parties ou fixée par l’organe
d’inscription. Après la prescription de la créance garantie, si le créancier garanti
exerce son droit de sûreté réelle dans les deux ans à compter de la prescription,
le tribunal populaire doit le soutenir ». Autrement dit, la durée implicite de
l’hypothèque équivalait à la durée convenue de l’exercice de la créance
garantie majorée de quatre ans (2 ans de la durée de prescription de la créance
garantie plus 2 ans). Néanmoins, l’article 202 de la LDR a modifié la règle, en
énonçant que le créancier hypothécaire doit exercer son droit avant la
prescription de la créance garantie ; sinon, il perdra le bien-fondé du procès. En
synthétisant les deux dispositions, nous pouvons conclure que la durée de
l’hypothèque égale à la durée convenue de l’exercice de la créance garantie
plus deux ans (la durée de prescription de la créance garantie), qu’à l’expiration,
l’hypothèque subsiste mais perd son opposabilité tant à l’égard des tiers qu’à
l’égard du constituant.
§ II – La radiation de l’inscription hypothécaire
556. La radiation est une opération qui consiste en une mention en marge
de l’inscription et qui informe les tiers. Qu’elle soit volontaire ou judiciaire368,
368
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 498.
317
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
son effet est identique en droit français : la radiation rend l’hypothèque
inexistante (art.2440, C. civ.). C’est donc un acte grave.
La radiation d’une inscription peut résulter du consentement des parties
intéressées. C’est ce que l’on l’appelle la « radiation volontaire ». La réforme
de 2006 a facilité la formalité de radiation. Néanmoins, considérant la gravité
de l’acte, la radiation doit être exécutée sous forme d’un acte notarié, à
l’exception toutefois de la radiation consentie par un dirigeant de société qui
procède par le dépôt « d’une copie authentique d’un acte notarié certifiant que
le créancier, à la demande du débiteur, a donné son accord à cette radiation ».
Le conservateur doit s’assurer de la capacité et des pouvoirs du requérant de
radiation ; son contrôle ne se limite pas à la régularité formelle de l’acte, sauf
en cas de radiation simplifiée369. Ce contrôle excède la prescription du droit
commun.
De plus, le créancier doit avoir la « capacité » de donner la mainlevée. Si
la mainlevée est faite après le paiement, le créancier doit avoir la capacité de
recevoir le paiement. Si elle est faite en l’absence du paiement, le créancier doit
avoir la capacité de renoncer à un droit réel immobilier. Après la radiation,
l’hypothèque est éteinte, mais la créance subsiste en tant qu’une créance
chirographaire.
Lorsque l’hypothèque est éteinte ou si l’inscription est prise après l’arrêt
du cours de l’inscription, le refus indu de radiation du créancier constitue une
faute. Il doit rembourser les dommages et intérêts si le constituant a subi un
préjudice.
369
Cass. Civ. 3e, 16 juill. 1975, D. 1975, 593. Dans l’arrêt, la Cour de cassation a décidé
que le contrôle exercé par le conservateur ne se limite pas à la régularité formelle de la
mainlevée, mais s’étend à sa validité au fond.
318
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
La radiation judiciaire d’une inscription hypothécaire est ordonnée par le
juge. Compte tenu de la gravité de l’acte de radiation, l’article 2440 du Code
civil exige que le jugement soit en dernier ressort ou passé en force de chose
jugée.
557. En droit chinois, les Mesures d’inscription de bâtiments (MID) du 15
février 2008 rendu par le ministère de la construction disposent dans l’article 48
que les parties peuvent demander la radiation de l’hypothèque en cas
d’extinction de la créance garantie, de réalisation de l’hypothèque, de
renonciation du créancier hypothécaire. D’autres cas de l’extinction
d’hypothèque sont en outre expressément prévus par la loi ou le décret.
La radiation peut aussi être ordonnée par un jugement en dernier ressort ou
passée en force de chose jugée.
La radiation peut donc résulter du consentement des parties intéressées,
plus précisément, de la renonciation du créancier bénéficiaire370. Pour ce faire,
ce dernier doit déposer au bureau d’inscription une demande de la radiation de
l’hypothèque, la pièce d’identité du demandeur, l’acte constatant l’extinction de
l’hypothèque (tel que la renonciation sous forme écrite du créancier, etc.), le
certificat du droit réel autre que la propriété, et le cas échéant, d’autres
documents (art.49, MID). Cela signifie implicitement que la radiation de
l’hypothèque nécessite la participation du créancier hypothécaire, car lui seul
détient le certificat du droit réel autre que la propriété. Le créancier doit bien
sûr avoir la « capacité » de donner la mainlevée. Ce qui s’apparente au régime
du droit français. Après la radiation, l’hypothèque n’existe plus. La créance
antérieurement garantie subsiste mais devient chirographaire.
370
Le constituant poursuit toujours à libérer son bien hypothéqué le plus vite et le plus
simplement possible.
319
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
En cas de refus indu de radiation du créancier, la loi chinoise ne dit rien.
Cette lacune devrait être comblée à l’avenir. Il est pertinent de qualifier de faute
ce refus, et comme en droit français, de le sanctionner par des dommages et
intérêts.
La radiation peut être complète ou partielle. Dans ce dernier cas, elle
constitue une réduction de l’hypothèque.
§ III – La réduction de l’inscription hypothécaire
558. Le droit chinois, comme le droit français, prévoit la réduction
volontaire de l’hypothèque : elle est alors soumise aux mêmes conditions que la
radiation.
559. En droit français, la réduction hypothécaire peut aussi être judiciaire,
ce qui n’est pas possible en droit chinois en raison de l’inexistence
d’hypothèque judiciaire, puisqu’elle ne peut pas porter sur l’immeuble grevé
d’une hypothèque conventionnelle, même si la valeur de l’immeuble
hypothéqué excède le montant de la créance garantie. En effet, l’hypothèque
conventionnelle est le fruit du consentement des parties ; l’intervention du juge
qui constituera une révision du contrat nuirait à la liberté contractuelle. Cette
réduction est donc interdite, sauf si le montant de l’inscription est
unilatéralement évalué par le créancier des créances conditionnelles,
éventuelles ou indéterminées (art.2445, C. civ.). S’il s’agit d’une hypothèque
légale ou judiciaire, la réduction judiciaire est possible lorsque l’inscription
hypothécaire est excessive par rapport au montant de la créance garantie.
« Sont réputées excessives les inscriptions qui grèvent plusieurs immeubles
lorsque la valeur d'un seul ou de quelques-uns d'entre eux excède une somme
égale au double du montant des créances en capital et accessoires légaux,
augmenté du tiers de ce montant » (art.2444, C. civ.). La réduction porte donc
sur la quantité de biens grevés ou sur le montant de l’inscription. La réduction
320
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
étant une radiation partielle, le jugement de réduction doit aussi être en dernier
ressort ou passé en force de chose jugée.
Section IV – La mission et la responsabilité de l’organe d’inscription
560. Alors que les dispositions relatives à la mission et à la responsabilité
de l’organe chargé de l’inscription sont en droit français relativement abouties,
cette question fait jusqu’ici l’objet d’une grande sollicitude des juristes chinois.
Les règles du droit français offrent en effet de très bonnes références aux
juristes chinois.
561. En droit français, c’est le bureau des hypothèques, ou plus
précisément le conservateur des hypothèques en charge de ce service qui est
responsable de l’inscription. Le conservateur est un fonctionnaire dépendant du
ministère des finances dont le statut est un peu particulier, car il est rémunéré
par les émoluments versés par l’usager de la publicité foncière371. Il est chargé
de procéder, sur réquisition, aux inscriptions des actes qui doivent être soumis à
la publicité et aux radiations correspondantes ; de conserver les registres,
fichiers et archives ; de renseigner le public sur l’état juridique des biens
figurant sur les registres et fichiers372. Outre le salaire, il perçoit également
certaines taxes (la taxe de publicité foncière, TVA …) pour le compte de l’état
ou des collectivités locales373.
562. Cependant, le conservateur des hypothèques n’exerce qu’un contrôle
de la régularité formelle des actes qui lui sont présentés. Il n’est pas juge de la
validité des actes, ni de la réalité des droits du requérant374. Ses pouvoirs, qui
371
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.789.
372
C’est l’objet fondamental de tout système de publicité foncière.
373
Cette dualité des fonctions du conservateur des hypothèques est particulièrement
évidente dans le cadre de la formalité unique de publicité foncière et d’enregistrement. V.
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.790.
374
Il existe ne exception : en cas de radiation de l’hypothèque, le conservateur des
hypothèques exerce un contrôle particulier. V. supra n° 556.
321
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
sont prévus par les décrets du 4 janvier et du 14 octobre 1955, se divisent en
deux: le pouvoir de refuser le dépôt et le pouvoir de rejeter la formalité.
Le conservateur peut refuser le dépôt de la requête en cas d’irrégularité
grave ou flagrante375, s’il s’aperçoit immédiatement l’irrégularité des actes. Il
doit le notifier au requérant dans le délai maximum de quinze jours à compter
de la remise des documents. Il lui restitue les documents présentés, avec une
décision datée et signée indiquant succinctement les causes du refus. Le dépôt
refusé ne produit aucun effet. Le requérant, après avoir complété ou rectifié les
documents, peut présenter une nouvelle requête, qui ne prendra rang qu’à la
date de ce nouveau dépôt si elle est acceptée. Ce type de refus est donc très
grave, puisqu’il peut conduire à anéantir ce droit si un autre acte a été publié
entre-temps376.
Si le conservateur constate une ou plusieurs irrégularité des actes377 après
l’acceptation du dépôt, il peut encore refuser de les publier (rejet de la
formalité). Dans ce cas, le conservateur doit notifier au requérant un rejet
provisoire dans le délai d’un mois à compter du dépôt. Une annotation
375
Peuvent être considérées comme cas d’irrégularité grave ou flagrante: 1o les
expéditions, copies ou bordereaux présentés ne mentionnent pas les références de la
publicité du titre du disposant du droit ou si la publicité du titre ou de l'attestation n'est pas
effectuée au plus tard en même temps que la formalité nouvelle (art. 34, Décr. 14 oct.
1955) ; 2o les actes présentés n’ont pas été dressés en la forme authentique (Ibid., art. 68) ;
3o si la requête se rapporte totalement ou partiellement à des immeubles situés hors du
ressort du bureau des hypothèque demandé ((Ibid., art. 68-1) ; 4o si les même documents
ne sont pas conformes aux prescriptions, notamment quant à la certification de l’identité
des parties, à la désignation des biens et à la remise simultanée de l’extrait cadastral (Ibid.,
art.64, art.34, 2, Décr. 4 janv.1955) ; 5o si la demande de renouvellement d’une inscription
hypothécaire est présentée après péremption ou radiation (art.64, Décr. 14 oct. 1955). Sur
ce point, v. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.791-792.
376
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p.279. Par exemple, après le refus de
dépôt de l’hypothèque et avant le nouveau dépôt, un autre acquéreur publie une vente du
même bien, l’hypothèque est inopposable à l’acquéreur.
377
L’irrégularité peut être l’une des irrégularités justifiant le refus du dépôt (V. n. précitée
153) ou d’autres irrégularités moins graves, telles que des discordances être le contenu des
actes et les mentions du bordereau ou entre le contenu des actes à publier et celui d’acte
précédemment publiés (art. 34, 3, Décr. 4 janv. 1955). V. aussi Ph. SIMLER, Ph.
DELEBECQUE, op. cit., p.792.
322
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
sommaire et provisoire doit, en même temps, être mentionnée au fichier
immobilier. Le rejet laisse un délai d’un mois au requérant pour compléter ou
rectifier sa demande ou le contenu des actes. Une fois que la régularisation est
achevée dans le délai, le conservateur procède à la publication effective et, la
publication prend rang au jour initial du dépôt. À l’inverse, le conservateur va
notifier au requérant un rejet définitif dans le délai de huit jours à compter de
l’expiration du délai d’un mois de régularisation.
En cas du refus du dépôt ou du rejet de formalité, le requérant dispose du
recours contre la décision du conservateur des hypothèques. Le recours est
porté, dans les huit jours de la notification de cette décision, devant le président
du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles
qui statue comme en matière de référé (art.26, Décr. 4 janv.1955) 378 .
L’ordonnance de celui-ci n’est pas susceptible d’exécution provisoire, elle est
susceptible de recours et, en ce cas, le juge statue par priorité et d'extrême
urgence. Dès que la décision judiciaire est passée en force de chose jugée, la
formalité en cause est, soit définitivement refusée ou rejetée, soit exécutée dans
les conditions ordinaires. Autrement dit, si le rejet de la formalité est annulé, le
conservateur doit accomplir celle-ci, qui prend rang au jour initial du dépôt ; si
le refus du dépôt est annulé, la partie intéressée procède à un nouveau dépôt qui
ne prend rang qu’à la date du nouveau dépôt. Dans ces deux cas, le
conservateur des hypothèques engagent sa responsabilité.
563. Le conservateur des hypothèques est responsable des fautes
commises dans l’exercice de ses fonctions qui ont causé un préjudice aux
378
En effet, la disposition initiale de l’article 26 du Décret n°55-22 du 4 janvier 1955
portant réforme de la publicité foncière n’ouvrait ce recours au requérant qu’en cas de rejet
définitif de la formalité. Rien n’était prévu en cas de refus du dépôt. Les auteurs voulaient
l’y faire étendre, mais la jurisprudence n’admettait pas l’extension (Cass. civ. 3e, 30 mai
1978, Bull. civ. III, no225). C’est l’article 17 de la Loi n°98-261 du 6 avril 1998 qui a
modifié l’article 26 de la loi précédente et qui a ouvert le même recours dans les deux
hypothèses.
323
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
parties intéressées. Selon l’article 2450 du Code civil, il est responsable du
préjudice résultant:
1° du défaut de publication des actes et décisions judiciaires déposés à son
bureau, et des inscriptions requises, toutes les fois que ce défaut de publication
ne résulte pas d'une décision de refus ou de rejet ;
2° de l'omission, dans les certificats qu'ils délivrent, d'une ou de plusieurs
des inscriptions existantes, à moins dans ce dernier cas, que l'erreur ne
provienne de désignations insuffisantes ou inexactes qui ne pourraient lui être
imputées.
De plus, il est aussi responsable du refus ou du rejet mal fondé du dépôt ou
de la formalité (art. 2452, C. civ.), et plus généralement, de l’ensemble de
l’accomplissement de sa mission379.
564. Corrélé à la modalité particulière de sa rémunération, la
responsabilité du conservateur des hypothèques est une particularité de ce
système. En effet, bien qu’il soit agent de l’État, sa responsabilité civile est
complètement personnelle, même si elle est engagée dans l’accomplissement de
sa mission. C’est donc la juridiction judiciaire du siège du bureau des
hypothèques qui est compétente pour connaître des litiges en cause, et non la
juridiction administrative. Elle se prescrit donc par cinq ans selon la règle du
droit commun (art. 2224, C. civ.).
Cette responsabilité est garantie soit par un cautionnement traditionnel qui
est en réalité une sûreté réelle, soit par un système de garantie collective, par le
truchement de l’Association des conservateurs des hypothèques agréée à cet
379
V. CA Orléans, 21 juill. 1952, s. 1954, p.277 ; CA Paris, 29 nov. 1968, D. 1969, p.401 ;
CA Paris, 15 oct. 1976, GAZ. Pal. 1977, 1, p. 159. V. aussi Ph. SIMLER, Ph.
DELEBECQUE, op. cit., p. 794.
324
Chapitre II – L’inscription hypothécaire
effet et qui souscrit une assurance collective380. En outre, la contravention aux
dispositions qui régissent le statut du conservateur est sanctionnée par une
amende de 30 à 300 euros pour la première infraction et par la destitution en
cas de récidive (art. 2455, C. civ.).
565. En droit chinois, comme nous l’avons vu dans le texte plus haut (v.
supra, n° 550), l’organe chargé de l’inscription n’est pas unique, il existe encore
plusieurs organes dépendant des ministères différents dont leurs missions et
leurs responsabilités sont tellement flous qu’elles devraient être éclaircies le
plus vite possible. Ainsi, l’expérience concluante française sur ce point est sans
aucun doute une bonne référence pour les juristes chinois.
380
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.795.
325
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
566. L’hypothèque est une sûreté réelle qui affecte un immeuble au
paiement de la créance garantie. Elle produit de nombreux effets car elle
intéresse non seulement le constituant et le créancier, mais également les autres
créanciers du débiteur et, éventuellement, les tiers acquéreurs de l’immeuble
hypothéqué.
Section I – Effets de l’hypothèque entre le constituant et le créancier
hypothécaire
567. L’hypothèque produit ses effets entre le constituant et le créancier
hypothécaire dès la constitution du contrat de l’hypothèque en droit français et
dès l’inscription hypothécaire en droit chinois. Même si le moment de la
naissance est différent dans les deux systèmes juridiques, il est néanmoins
possible de procéder à la comparaison des effets de l’hypothèque lors de deux
phases spécifiques : avant la réalisation de l’hypothèque et au moment de sa
réalisation.
§ I – Effets avant la réalisation de l’hypothèque
568. Dans cette phase, le constituant conserve la propriété de l’immeuble
hypothéqué et jouit donc des prérogatives liées à cette qualité. Tant que le
créancier n’a pas réalisé l’hypothèque, le constituant conserve toutes les
prérogatives de propriété sur l’immeuble hypothéqué : les droits d’usus,
d’abusus et de fructus. Cependant, les droits et les devoirs sont indissociables.
L’exercice des droits du constituant ne peut pas nuire à la valeur du bien grevé,
comme le justifie le principe selon lequel « le propriétaire de l'immeuble
hypothéqué ne peut, au détriment du créancier hypothécaire, faire aucun acte de
326
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
disposition matérielle ou juridique qui directement ou de sa nature même aurait
pour conséquence de diminuer la valeur de cet immeuble »381.
569. En premier lieu, rien n’empêche le constituant de disposer de
l’immeuble hypothéqué en droit français. Il peut l’affecter en garantie d’une
nouvelle créance, voire l’aliéner, sans avoir l’autorisation du créancier ni l’en
informer. En effet, si l’hypothèque est inscrite, le créancier hypothécaire n’a
pas à craindre un tel acte qui est postérieur à l’inscription et qui lui est
inopposable. En outre, si cet acte est de nature à dégrader la valeur de
l’immeuble grevé, le créancier a aussi le droit d’y faire opposition par les
mesures conservatoires, par la nomination d’un séquestre ou par la
consignation du prix de vente. Ce droit est souvent exercé par le créancier
hypothécaire en cas de vente des immeubles par destination, où le tiers
acquéreur du bien peut invoquer sa bonne foi pour s’opposer au créancier. Il est
donc très important pour le créancier d’exercer son droit d’opposition, soit pour
empêcher la délivrance du bien, soit pour obtenir la consignation du prix.
La loi chinoise n’interdit pas non plus au constituant de grever une
nouvelle hypothèque sur l’immeuble hypothéqué, ou d’exercer certains droits
réels accessoires, tels que le droit d’usus, le droit de construire, etc. Quant à
l’aliénation du bien grevé, la LS imposait au constituant d’en informer le
créancier hypothécaire (art. 49, LS). Cependant, la LDR interdit au constituant
d’aliéner l’immeuble grevé sans l’autorisation du créancier hypothécaire
(art. 191, al. 2, LDR). Il faut dire que cette interdiction n’est pas judicieuse,
puisqu’elle déroge aux principes généraux du droit des biens et de l’hypothèque
d’une part, et est trop rigoureuse pour le constituant d’autre part382. La LDR
381
AUBRY et RAU, Droit civil français, 7 éd. par P. Esmein, t. II,Librairies Techniques,
1963, § 286, no 317.
382
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 318.
327
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
marque donc un recul historique sur ce point. En effet, la règle selon laquelle le
créancier hypothécaire doit être informé de l’aliénation du bien grevé, laquelle
entraîne le paiement anticipé de la créance ou la consignation du prix de la
vente, suffit à protéger le créancier hypothécaire.
570. En second lieu, le constituant dispose du droit d’administration de
l’immeuble hypothéqué. Cependant, ce droit est limité par le souci de conserver
au bien sa valeur, puisqu’un immeuble occupé a en principe moins de valeur
qu’un immeuble vacant. En droit français, les baux légalement constitués et
publiés avant l’inscription de l’hypothèque sont opposables au créancier
hypothécaire pour toute sa durée. Les baux constitués après l’inscription de
l’hypothèque sont plus compliqués. Ceux d’une durée inférieure à douze ans
sont des actes d’administration et donc valables et opposables aux créanciers
hypothécaires. Ceux d’une durée supérieure à douze ans sont considérés
comme des actes de disposition. Peu importe qu’ils soient publiés ou non, ils ne
sont opposables aux créanciers hypothécaires que pour une période de douze
ans. Par ailleurs, grâce à l’intervention du notaire en bail immobilier, la
publicité du bail ne posera guère de problème en pratique.
En droit chinois, l’article 190 de la LDR dispose que « si le bien
hypothéqué a été loué avant la constitution du contrat de l’hypothèque, le
louage est opposable à l’hypothèque. Si le bien est loué après la constitution de
l’hypothèque, le louage n’est pas opposable à l’hypothèque ». C’est le principe
« l’hypothèque ne détruit pas le bail » qui découle du principe « la vente ne
détruit pas le bail ». Il s’applique indifféremment au bail à long ou à court
terme. Cette disposition est cependant critiquable, dans la mesure où le droit
chinois distingue la validité du contrat de l’hypothèque et celle de l’hypothèque
elle-même. D’une part, le contrat de l’hypothèque immobilière est parfait par sa
seule forme écrite, mais l’hypothèque proprement dite n’est ni valide ni
opposable avant l’inscription. Il est alors logique que le louage immobilier
intervenu après la conclusion du contrat hypothécaire, mais avant l’inscription
328
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
hypothécaire, soit opposable à une telle hypothèque. D’autre part, l’hypothèque
mobilière est valablement constituée entre les parties dès lors que le contrat
constitutif est valable, mais elle n’est pas opposable avant l’inscription. Il est
donc pertinent que le louage mobilier conclu après la constitution de
l’hypothèque, mais avant son inscription, lui soit encore opposable. En résumé,
cet article doit être reformulé.
En outre, l’inscription de bail d’immeuble étant facultative en Chine, le
problème se pose de la publicité du bail à l’encontre de l’hypothèque. Comme
nous l’avons exposé, un immeuble occupé a toujours moins de valeur qu’un
immeuble vacant. Afin d’obtenir le plus de crédit possible, le constituant a donc
intérêt à cacher le bail existant sur l’immeuble hypothéqué. Dans cette
hypothèse, la preuve que le bail a été conclu avant l’inscription
hypothécaire est un sujet très important. En réalité, l’article 53 de la Loi sur la
gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine exige que le bail
d’immeuble soit enregistré auprès du bureau compétent, sans pour autant
préciser la nature de cet enregistrement. La doctrine dominante considère que
l’enregistrement est instauré dans un souci de gestion administrative et qu’il
n’est donc pas une condition de validité du bail. Cet enregistrement
constitue-t-il une condition d’opposabilité au tiers ? Théoriquement, il nous faut
répondre par l’affirmative. Mais, dans la pratique, l’enregistrement du bail n’est
pas publié et ne produit pas d’effet de publicité383. De plus, peu de parties
procèdent à cette formalité de baux. La jurisprudence ne peut donc faire
autrement que de parvenir à un compromis. Citons, par exemple,
l’arrêt « société He Bang/Huang Jinfu et Chen Liqin » rendu par le tribunal
populaire de deuxième instance de Xia Men, qui a statué que la remise de
l’immeuble loué est une condition nécessaire et opposable au tiers acquéreur ;
383
DAI Shaoxiong, Jugement civil de la Cour populaire d’arrondissement Luohu de
Shenzhen, http://www.szlhfy.gov.cn/flws_detail.php?InfoID=0404000020041220002.
329
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
nous pouvons en déduire que, pour obtenir l’opposabilité à l’hypothèque, le
bail antérieurement conclu doit être effectif sur le plan matériel, c’est-à-dire
que le locataire doit occuper l’immeuble hypothéqué.
De surcroît, compte tenu de la possibilité pour le créancier de demander la
réalisation anticipée de l’hypothèque (art. 193, LDR), l’inopposabilité absolue
de baux constitués après l’inscription hypothécaire est-elle trop rigoureuse ?
Est-il nécessaire d’introduire en droit chinois la notion d’administration
d’immeuble comme en droit français ? Imaginons que le constituant ait mis un
bâtiment en hypothèque pour une durée de 20 ans et que l’hypothèque soit déjà
inscrite. Ce bâtiment est ensuite rapidement loué à un tiers, pour une durée de
10 ans par exemple (un bail ne peut excéder 20 ans en droit chinois). Deux ou
trois ans après, le créancier hypothécaire obtient le droit de réalisation anticipée
de l’hypothèque. Dans cette hypothèse, le bail n’est pas du tout opposable au
créancier hypothécaire selon l’article 190 de la LDR. Dans la mesure où la
réalisation de l’hypothèque est anticipée et le locataire ne peut prévoir cette
situation, il n’apparaît pas raisonnable qu’il doive en subir l’inconvénient. Ainsi,
l’immeuble hypothéqué serait difficile à louer car le risque est trop important
pour le locataire. Pour équilibrer les intérêts du créancier hypothécaire et ceux
du constituant et du locataire, le législateur chinois peut sûrement s’inspirer de
l’expérience française sur ce point.
571. En troisième lieu, l’article 2423, alinéa 2 du Code civil stipule que
« l’hypothèque s’étend de plein droit aux intérêts et autres accessoires » mais,
en tant que propriétaire de l’immeuble, c’est le constituant qui a le droit de
percevoir librement les fruits de l’immeuble hypothéqué avant l’exercice de
celle-ci. La perception anticipée peut toutefois nuire aux intérêts futurs du
créancier hypothécaire. Le droit français impose donc certaines restrictions à ce
droit. Si la perception des fruits de plus de trois ans a été publiée avant
l’inscription hypothécaire, elle est intégralement opposable au créancier
hypothécaire. Si elle n’est pas publiée, ou si elle est publiée après l’inscription
330
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
hypothécaire, cette perception par avance n’est opposable au créancier
hypothécaire que pour une durée maximum de trois ans384. À la différence du
droit français, les effets de l’hypothèque en droit chinois ne s’étendent pas aux
fruits perçus avant la réalisation de l’hypothèque. Autrement dit, la perception
des fruits avant la saisie de l’immeuble hypothéqué est opposable au créancier
hypothécaire. La loi chinoise est silencieuse sur la question de la perception
anticipée, mais la doctrine courante insiste sur le fait que la perception doive
être normale. Par exemple, la perception de la récolte d’arbres fruitiers qui n’est
pas mature est considérée de mauvaise foi et donc inopposable au créancier
hypothécaire385. De même, la perception anticipée de fruits légaux - des loyers,
par exemple - pour une longue durée entraîne la même sanction. Après la saisie,
c’est le créancier hypothécaire qui a le droit de percevoir les fruits, sauf qu’il
n’en informe pas le constituant (art. 197, LDR).
§ II – Effets au moment de la réalisation de l’hypothèque
572. À défaut de paiement de la créance échue, le créancier hypothécaire
dispose de plusieurs moyens pour réaliser son droit.
A. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit français
573. En consacrant l’attribution judiciaire et le pacte commissoire, la
réforme des sûretés de 2006 a marqué une profonde évolution des règles de
mise en œuvre de l’hypothèque. Le créancier hypothécaire peut, à son choix,
procéder à la réalisation de l’hypothèque, soit par la voie judiciaire, soit par la
voie extrajudiciaire.
574. La voie judiciaire vise, en effet, la vente de l’immeuble hypothéqué
et l’attribution judiciaire.
384
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 434.
385
LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 315.
331
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
575. La vente du bien grevé permet au créancier hypothécaire d’exercer
son droit de préférence sur le prix acquis. Dans la pratique du crédit, les
prêteurs créanciers sont souvent les banques, qui ne s’intéressent pas à la
propriété du bien grevé. La vente constitue donc la voie principale de réaliser
l’hypothèque. Considérant le danger de la clause de voie parée, qui dispense le
créancier de faire saisir le bien grevé, sa prohibition est maintenue (art. 2458, C.
civ.) en cette matière comme en matière de gage ou de nantissement, sauf dans
le cas où la clause est conclue postérieurement à la constitution de
l’hypothèque386. Pour obtenir la vente du bien grevé, le créancier hypothécaire
doit impérativement mettre en œuvre la procédure de saisie immobilière, qui
peut être engagée par tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une
créance exigible et liquide (art. 2191, C. civ.). Le créancier hypothécaire doit
respecter les formalités de la saisie immobilière. La procédure de saisie s’ouvre
par un commandement de payer adressé au débiteur, qui rend le bien grevé
indisponible et restreint ainsi sensiblement les droits de jouissance et
d’administration du débiteur. Même si le bien est encore en sa possession, il ne
peut plus l’aliéner, ni le grever de droits réels, ni en percevoir les fruits
(art. 2198, al. 2, C. civ.). La procédure se poursuit par l’intermédiaire de
l’avocat du créancier saisissant, qui doit déposer un cahier des charges
précisant les conditions nécessaires de la vente de l’immeuble (telles que la
mise à prix, la détermination de l’immeuble, etc.) au greffe du tribunal du lieu
de situation de l’immeuble, et en informer les créanciers inscrits387. Après ces
formalités, la procédure aboutit enfin à la vente de l’immeuble hypothéqué, qui
s’effectue soit par la vente amiable sous l’autorisation du juge, soit par la vente
aux enchères. Après la consignation du prix et le paiement des frais de vente,
l’acheteur ou l’adjudicataire obtient la propriété du bien vendu. Le prix est
386
Cass. Civ., 25 mars 1903, DP 1904, n. Guenée.
387
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 437
332
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
distribué entre les créanciers poursuivants, ceux inscrits sur l’immeuble à la
date de la publication du commandement de payer, ceux inscrits avant la
publication du titre de vente, ceux intervenant dans la procédure et ceux
titulaires d’un privilège général388. Les créanciers ayant omis de déclarer leurs
créances perdent leur droit de sûreté sur le prix du bien vendu.
576. Grâce à la réforme des sûretés de 2006, le créancier peut aussi
réaliser son droit sur l’hypothèque par le pacte commissoire – une voie
conventionnelle (art. 2459, C. civ.). Le pacte commissoire est une clause par
laquelle les parties consentent à ce que, à défaut de paiement à l’échéance, le
créancier puisse devenir le propriétaire de l’immeuble grevé sans autorisation
judiciaire. En effet, contrairement à l’hypothèse du gage et du gage immobilier
(anciens art. 2978 et 2088, C. civ.), ce genre de pacte n’a jamais été
expressément interdit par le Code civil en cas d’hypothèque. De fait, la
jurisprudence était réticente à appliquer la prohibition du pacte commissoire à
l’hypothèque389. La doctrine se montrait-elle aussi réticente390. En consacrant la
validité du pacte commissoire, la réforme a radicalement changé la règle. C’est
un grand progrès, mais cette consécration ne lève pas toutes les incertitudes.
D’une part, la valeur de l’immeuble hypothéqué doit être évaluée par un expert
compétent. Ce dernier joue donc un rôle très important. Les questions liées à sa
rémunération, à sa responsabilité, ainsi que les effets de l’évaluation, qui ne
sont pas résolus par le Code civil, doivent être éclaircies par les textes
juridiques. D’autre part, des conflits existent aussi entre le créancier
hypothécaire bénéficiant du pacte commissoire et les tiers ayant des droits de
préemption. C’est un problème technique qui doit être résolu. Enfin, le pacte
388
Ibid., p. 438.
389
Cass. civ. 1re, 25 mars 1957, Bull. civ. I, no149. Dans le même sens, Cass. civ. 1re,
26 déc. 1961, Bull. civ. I, no622, D.1962, 381, n. Voirin : refuse d’étendre la prohibition du
pacte commissoire à l’hypothèque. Contra, Cass. civ. 1re, 5 nov. 1958, Bull. civ. I, n° 476,
attribution à une opération similaire un caractère abusif.
390
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 431.
333
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
commissoire est exclu en cas de procédure collective (art. L.622-7, C. com.), ce
qui limite sensiblement les intérêts de ce nouvel instrument.
B. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit chinois
577. Comme en droit français, le créancier hypothécaire en droit chinois
dispose aussi de deux voies de réalisation de l’hypothèque : la voie judiciaire et
la voie conventionnelle. Sous l’ancien régime de la LS, la voie conventionnelle
était la procédure préalable de la voie judiciaire, puisque son article 53 était
ainsi formulée : « si, à l’échéance de l’obligation, le créancier hypothécaire
n’est pas désintéressé, il peut, après accord du constituant de l’hypothèque,
prendre en paiement la chose hypothéquée ou se désintéresser sur le prix de
vente ou d’adjudication de la chose hypothéquée ; si les parties ne sont pas
parvenues à conclure une convention, le créancier peut intenter un procès
auprès de la Cour populaire ». Cette disposition obligeait paradoxalement le
créancier à négocier avec le constituant avant d’avoir recours à la justice.
Heureusement, en énonçant que « …si les deux parties n’ont pas convenu du
moyen de réalisation de l’hypothèque, le créancier hypothécaire peut demander
à la Cour populaire de vendre le bien hypothéqué », la LDR a abandonné
l’ancienne disposition. Maintenant, le créancier hypothécaire a le choix de
réaliser son hypothèque soit par voie conventionnelle, soit par voie judiciaire,
sans qu’il existe d’ordre de priorité.
578. Quant à la voie conventionnelle de la réalisation de l’hypothèque, le
droit chinois est bien différent du droit français, où la seule voie
conventionnelle est le pacte commissoire. En disposant que « avant l’échéance
de la créance garantie, le créancier hypothécaire ne peut pas convenir par
contrat avec le constituant qu’il devient propriétaire du bien grevé à défaut de
paiement de la dette échue », la prohibition du pacte commissoire en matière
d’hypothèque est donc maintenue par la nouvelle LDR (art. 186, LDR), comme
elle l’est en matière de gage. Cependant, cette énonciation légale n’est pas
parfaitement convaincante et il subsiste de vives controverses en doctrine. En
334
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
effet, au cours de la rédaction de la LDR, les deux collèges d’experts présidés
respectivement par les professeurs Wang Liming et Liang Huixing proposaient
d’interdire le pacte commissoire. Ils préconisaient toutefois que seul le pacte
commissoire conclu au moment de la constitution du contrat de l’hypothèque
fût interdit, celui conclu postérieurement étant valide. Il existe aussi certains
auteurs favorables à la consécration du pacte commissoire391. Bien que la voie
conventionnelle par le pacte commissoire soit interdite, le législateur chinois
consacre d’autres voies conventionnelles, en raison de leur efficacité et de leurs
économies de coûts pour réaliser l’hypothèque. Faute de paiement de la créance
échue, les parties peuvent conclure une clause selon laquelle le créancier peut
s’approprier le bien grevé d’hypothèque ou le vendre sans autorisation
judiciaire. Le créancier hypothécaire chinois dispose aujourd’hui de trois
moyens conventionnels autorisés par la loi.
Le premier est la prise en paiement du bien grevé – une opération par
laquelle les deux parties consentent à ce que le créancier prenne en paiement le
bien hypothéqué en le convertissant en argent.
Le deuxième est la vente amiable par négociation du bien grevé – une
opération par laquelle les parties concluent une clause par laquelle l’une est
autorisée à vendre le bien hypothéqué de gré à gré, permettant ainsi de choisir
librement et directement l’acheteur par simple accord entre les intéressés. Il
existe ici une possibilité de fraude – la possibilité de fraude entre le constituant
et le créancier hypothécaire, qui nuit aux intérêts des autres créanciers en
premier cas, et la possibilité de fraude du créancier hypothécaire, qui nuit aux
intérêts du constituant et des autres créanciers en deuxième cas, car le créancier
391
YANG Hong, op. cit., p. 56-58 ; MA Xinyan, La modernisation du régime et le
modernisme du droit civil, Éd. populaire de Jilin, 2002, p. 170 et 175 ; WANG
Shengming, Des réflexions sur certains problèmes de la LDR, http://www.civillaw.
com.cn/ article/default.asp?id=23104.
335
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
hypothécaire se contente du prix égal à sa créance, même si le bien hypothéqué
a une valeur supérieure.
Afin de protéger les intérêts du constituant et des autres créanciers, la loi
exige, pour ces deux moyens conventionnels précités, que la détermination de
la valeur du bien grevé se réfère au prix du marché (art. 195, al. 3, LDR). Si le
prix réalisé est excessivement bas et, nuit aux intérêts des autres créanciers, ces
derniers peuvent exercer leur droit de révocation dans un an à compter du
moment où il a été pris ou aurait dû être pris connaissance de la survenance de
la cause de révocation (art. 195, LDR). De plus, ce droit s’éteint au bout de
cinq ans à compter de la date du transfert du bien vendu (art. 75, LC).
Le troisième moyen conventionnel possible est l’adjudication volontaire
du bien grevé : l’une des parties peut, après consentement des deux parties,
vendre le bien hypothéqué par adjudication. Dans ce cas, le demandeur doit
obligatoirement avoir recours à une entreprise d’adjudication. Cette dernière se
charge d’organiser la vente aux enchères et le constituant ou le créancier
hypothécaire peuvent aussi être enchérisseurs. Le contrat de vente se forme au
moment du coup de marteau ou tout autre moyen qui met fin aux enchères.
L’adjudicataire est alors tenu de payer le prix de vente et les frais afférents
(art. 39, Loi sur l’adjudication) ; en contrepartie, le vendeur est alors obligé de
lui transmettre l’immeuble vendu. Après paiement des frais de vente, le solde
du prix de vente est distribué entre les créanciers selon leur classement.
En tout cas, si le prix réalisé est supérieur au montant de la créance
garantie, le créancier hypothécaire doit la différence au constituant ; en
revanche, la créance non couverte devient chirographaire (art. 198, LDR).
579. Outre les moyens conventionnels, le créancier hypothécaire peut
aussi avoir recours à la voie judiciaire, qui consiste en la vente de l’immeuble
hypothéqué. À la différence du droit français où le créancier hypothécaire peut
engager directement la procédure d’exécution civile, l’ancien régime chinois
336
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
fixé par la LS exigeait un jugement préalable pour l’exécution civile (art. 53,
LS). C’était donc une procédure longue, coûteuse et peu efficace. Après
l’entrée en vigueur de la LDR, le jugement préalable n’est plus obligatoire
(art. 195, al. 2, LDR). Néanmoins, il faut avoir un titre exécutoire pour mettre
en œuvre la procédure d’exécution civile. Malheureusement, la loi chinoise
n’exige pas que le contrat d’hypothèque soit conclu par un acte notarié. Ce
contrat ne vaut pas un titre exécutoire. Ainsi, les bénéfices de la nouvelle
disposition de la LDR ne peuvent pas être mis en pratique. Le créancier doit
encore intenter une action civile pour obtenir le titre exécutoire - le jugement.
Concrètement, si le contrat de l’hypothèque n’est pas notarié, le créancier
hypothécaire doit d’abord intenter une action civile auprès du tribunal et subir
donc toutes les étapes d’un procès – comparution, audience, jugement. Il lui
faut aussi attendre que le jugement ait force de la chose jugée. Il passe ensuite à
l’étape exécutoire. Le constituant doit exercer les obligations fixées par le
jugement, à défaut le créancier peut demander l’exécution forcée auprès du
Bureau d’exécution du tribunal. Cette étape est également longue. Le juge
chargé de l’exécution doit d’abord envoyer une notification d’exécution au
constituant, par laquelle ce dernier est tenu d’exercer ses obligations fixées par
le jugement en une durée déterminée. À défaut, le juge applique les mesures
d’exécution forcée. Il scelle ou saisit le bien hypothéqué, puis procède à la
vente amiable ou à la vente par adjudication (art. 220, Loi de procédure civile).
580. En pratique, les parties, surtout le créancier hypothécaire, recourent
souvent au notariat au moment de la conclusion du contrat de l’hypothèque,
afin d’échapper à cette procédure compliquée. Les parties conviennent alors
d’une clause d’exécution forcée devant notaire pour lui conférer l’effet
authentique. À l’échéance de la créance, si le débiteur ne s’acquitte pas de sa
dette, le créancier hypothécaire peut demander au notaire de faire un acte
337
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
authentique d’exécution forcée392. Avec ce titre exécutoire, il peut demander au
juge l’exécution forcée, laquelle aboutit enfin à la vente du bien hypothéqué
soit par négociation (vente amiable) soit par adjudication. Entre ces deux voies,
la vente par adjudication est prioritaire393, puisqu’elle est le meilleur moyen de
protéger le créancier et les tiers intéressés. À la demande du créancier
hypothécaire ayant titre exécutoire, le bureau d’exécution du tribunal peut
directement confier à une entreprise d’adjudication le soin de vendre le bien
hypothéqué aux enchères. À la différence du droit français, le tribunal en droit
chinois ne peut pas lui-même procéder à la vente par adjudication ; le recours à
une entreprise d’adjudication est donc obligatoire. Les formalités de la vente
sont similaires à celles par voie conventionnelle. La vente amiable par
négociation est souvent appliquée en cas de vente d’objets prévue par
l’interprétation judiciaire précitée ou dans les petits districts ou les zones
rurales souvent dépourvus d’entreprises d’adjudication.
Section II – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et
les autres créanciers
581. Si le bien hypothéqué est vendu, le droit du créancier hypothécaire
se transforme essentiellement en droit de préférence sur le prix réalisé par la
vente. Ce droit lui permet d’être payé en priorité par rapport aux autres
créanciers sur la totalité de la valeur de l’immeuble. Bien que les effets de
l’inscription d’hypothèque soit différents en droit français et en droit chinois, le
droit de préférence du créancier hypothécaire dans les deux pays ne peut
s’exercer qu’après l’accomplissement de l’inscription hypothécaire. L’exercice
du droit de préférence exige que le bien grevé soit converti en argent. L’assiette
392
GAO Shengping, Les études de la réalisation de l’hypothèque, http://www.civillaw.
com.cn/article/default.asp?id=27539.
393
V. Les fixations relatives à la vente amiable et par adjudication du bien en exécution
civile de la Cour populaire, interprétation judiciaire promulguée par la Cour suprême
populaire en 2005.
338
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
de l’hypothèque – l’immeuble grevé – est alors libérée de sa charge
hypothécaire, l’hypothèque produit donc son effet légal394.
Nous étudierons tout d’abord la détermination de l’assiette touchée par le
droit de préférence et l’étendue de la créance bénéficiant de ce droit, avant
d’énoncer les règles de son exercice.
§ I – Assiette du droit de préférence
582. L’assiette du droit de préférence n’est pas forcément identique à
l’assiette de l’hypothèque. Certes, le droit de préférence ne peut s’exercer que
sur la valeur représentée par l’assiette de l’hypothèque ; mais au moment de
l’exercice, cette assiette n’existe plus dans la relation hypothécaire, elle a déjà
été transformée en argent qui constitue l’assiette du droit de préférence.
583. Le droit de préférence s’exerce normalement sur le prix réalisé par la
vente de l’immeuble hypothéqué, à condition que celui-ci ait été payé ou
consigné. Dans le cas d’une action en nullité, rescision ou résolution, les droits
du créancier hypothécaire s'anéantissent au cours du procès, le droit de
préférence ne s’exerce donc pas sur les sommes à payer ou à restituer au
débiteur395. En cas de dissimulation du prix, le créancier hypothécaire peut
quand même exercer son droit de préférence sur le prix total, y compris la
partie dissimulée, d’autant plus que la loi stipule que « est nulle et de nul
effet… toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente
d'immeubles » (art. 1321-1, C. civ.). Ces règles s’appliquent aussi en droit
chinois.
584. Cependant, il arrive souvent que le bien hypothéqué soit affecté par
des vicissitudes imprévisibles ; les exemples par excellence sont les indemnités
394
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, Les sûretés – la publicité foncière,
Defrénois, 2008, p. 317.
395
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 462.
339
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
en dédommagement ou les indemnités d’assurance reçues par le constituant.
Alors, le droit de préférence peut-il se reporter sur ces valeurs de
remplacement ?
585. En droit français, l’article L.121-13 du Code des assurances dispose
expressément que « les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie,
contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont
attribuées, sans qu’il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers
privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang ». Le droit de préférence du
créancier hypothécaire peut donc se reporter directement sur les indemnités
d’assurance, sans que ces dernières ne transitent dans le patrimoine de l’assuré
qui est le constituant de l’hypothèque dans cette hypothèse. Il n’existe
cependant aucun principe général de la subrogation réelle 396 . Quant aux
indemnités en dédommagement en cas de perte ou d’expropriation de la chose
hypothéquée, la jurisprudence classique refuse d’appliquer la subrogation réelle
et décide que les indemnités de remplacement reçues par le constituant doivent
être distribuées au marc le franc entre tous les créanciers du débiteur, sauf
dispositions spéciales 397 . Toutefois, cette position est critiquable, puisque
l’hypothèque est une sûreté réelle portant plutôt sur la valeur du bien grevé que
sur la chose grevée elle-même. La subrogation devrait s’appliquer dans tous les
cas où il s’agit de conserver à sa destination la valeur d’un bien soumis à
affectation spéciale398. Maintenant que l’on admet la subrogation réelle dans le
cas des indemnités d’assurance, il est logique de l’appliquer à toute valeur
remplaçant le bien grevé lui-même. De plus, le créancier hypothécaire
risquerait beaucoup plus en l’absence de subrogation en cas de perte ou
d’expropriation de la chose grevée. En effet, cette solution favorable à la
396
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 433.
397
Req., 12 mars 1877, DP 1877, 1, 97 ; 2 août 1880, DP 1881, 1, 227. Rappr. À propos
de primes d’arrachages.
398
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 462-463.
340
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
subrogation réelle est de plus en plus admise399. Cependant, les indemnités
peuvent-elles être accordées au créancier avant l’échéance de la créance ? On
considère que le créancier n’a pas le droit d’obtenir le paiement tant que la
créance n’est pas échue. Compte tenu du droit de préférence reconnu au
créancier sur ces valeurs, le constituant ne peut pas non plus percevoir le
paiement. Jusqu’à l’échéance, les indemnités restent donc bloquées dans les
caisses de l’assureur, sauf à ce que les parties ne trouvent une solution
consentie400. En pratique, le créancier hypothécaire préfère souvent obtenir une
nouvelle hypothèque sur les nouvelles constructions ; en contrepartie, il
autorise le débiteur à recevoir le paiement des indemnités401.
586. En droit chinois, le principe de la subrogation réelle est généralement
consacré par la loi (art. 174, LDR). Il s’applique indifféremment à toutes les
sûretés réelles. Le créancier hypothécaire peut donc bénéficier du mécanisme
de la subrogation réelle sur les valeurs de remplacement dues par les tiers. Sur
la question de savoir si le créancier peut avoir le droit d’obtenir le paiement
avant l’échéance de la créance, le droit chinois distingue les causes des valeurs
de remplacement. S’il s’agit de la cession du bien hypothéqué (sous
l’autorisation du créancier hypothécaire), le prix de la cession doit, avant
l’échéance de la créance et avec le consentement des parties, désintéresser la
créance garantie ou être consigné par le tiers choisi (art. 191, LDR). Dans les
autres cas, tels que les indemnités de la perte de la chose grevée et les
indemnités d’assurance, le créancier hypothécaire peut aussi recevoir le
paiement anticipé, après le consentement des parties, et, à défaut, les consigner
(art. 174, LDR). Ainsi, le mécanisme de la subrogation réelle en droit chinois
est plus souple et plus pratique que celui en droit français.
399
Ibid., p. 463.
400
Ibid., p. 463.
401
George DURRY, Hypothèque et assurance, L’évolution du droit des sûretés, RJ com.
1982, 27, s., spéc. p. 30.
341
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
§ II – L’étendue de la créance bénéficiant du droit de préférence
587. Nous nous interrogeons ici sur la question de savoir si la créance
garantie est limitée aux seuls capitaux de la créance, ou peut être étendue à ses
intérêts, indemnités, dommages-intérêts et aux frais nécessaires à la réalisation
de l’hypothèque.
588. Quel que soit le système juridique, il va sans dire que la créance
principale est de plein droit garantie par l’hypothèque. Cependant, le contrat de
l’hypothèque est l’accessoire du contrat principal d’obligation et, il arrive que
le montant de la créance inscrite dans le contrat hypothécaire ne soit pas
identique à celui de la créance née du contrat principal d’obligation. Dans ce
cas, selon la théorie générale du droit civil et le principe d’opposabilité, si le
montant de la créance effectivement née est supérieur à celui de la créance
inscrite, c’est la somme inscrite qui est garantie par l’hypothèque ; à l’inverse,
l’hypothèque ne garantit que le montant de la créance effectivement née car le
créancier ne peut pas s’enrichir de la sûreté. Cette règle s’applique en droit
français et en droit chinois.
589. Quant aux intérêts de la créance, ils sont régis par des règles
complexes en droit français. Pour les intérêts sur trois ans à compter de
l’inscription, la simple mention dans l’inscription suffit pour qu’ils prennent le
même rang que le capital. Pour les intérêts sur une période supérieure aux trois
dernières années, une inscription complémentaire est requise pour qu’ils soient
opposables402. En droit chinois, l’article 273 de la LDR dispose que « l’étendue
de la créance garantie par les sûretés réelles comprend la créance principale et
ses intérêts, les dommages et intérêts forfaitaires, les dommages-intérêts, les
frais de conservation du bien grevé et de la réalisation de la sûreté réelle ». Les
juristes considèrent donc que la mention ou l’inscription spéciale des intérêts
402
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p. 303.
342
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
lors de l’inscription hypothécaire n’est pas nécessaire pour leur opposabilité.
Les intérêts de la créance sont automatiquement garantis par l’hypothèque, sauf
disposition contraire dans le contrat. Étant donné que les intérêts sont souvent
lourds et que la charge doit être publiée dans l'intérêt des tiers, il n’apparaît pas
judicieux que tous les intérêts de la créance garantie, qu’ils soient inscrits ou
non, soient automatiquement garantis par l’hypothèque.
590. En ce qui concerne les dommages et intérêts forfaitaires et les
dommages-intérêts, ils sont automatiquement garantis par l’hypothèque au
même rang que la créance principale en droit chinois, sauf si la convention de
l’hypothèque les écarte expressément. Ce sont les caractéristiques les plus
spécifiques de l’hypothèque chinoise. L’objectif du législateur est évidemment
de renforcer les droits du créancier hypothécaire. Néanmoins, considérant
d’une part que ces deux types de dommages et intérêts sont normalement
stipulés dans le contrat principal d’obligation qui n’a pas à être inscrit, d’autre
part qu’ils sont aléatoires et potentiellement lourds, il est donc très difficile
pour les tiers (notamment ceux qui veulent obtenir aussi une hypothèque sur
l’immeuble hypothéqué) d’estimer le montant véritable de la créance garantie
sur l’immeuble hypothéqué. En réalité, cette disposition empêche le
développement de l’hypothèque et cause un gaspillage du crédit. Elle doit être
supprimée dans la réforme à venir. 0
591. Enfin, les frais de réalisation de l’hypothèque ne posent guère de
problème, tant en droit français qu’en droit chinois, puisqu’ils doivent être
payés avant la distribution du prix réalisé aux créanciers.
§ III – Exercice du droit de préférence
592. En pratique, le cas le plus fréquent est l’existence de plusieurs
sûretés immobilières sur un même immeuble. Il faut donc fixer un ordre de
paiement.
A. Le rang des créanciers hypothécaires
343
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
593. En droit français, le rang des créanciers hypothécaires est fixé
d’après l’ordre chronologique de l’inscription. S’il existe plusieurs hypothèques
inscrites le même jour sur un même immeuble, la préférence est donnée au
créancier dont le titre est le plus ancien (art. 2425, al. 2, C. civ.). Toutefois,
l’hypothèque légale et judiciaire prime toutes les autres hypothèques inscrites le
même jour. De plus, s’il y a compétition entre des titres de même date ou entre
des créanciers dispensés de titre, les inscriptions prises le même jour viennent
en concurrence403.
En droit chinois, le rang des créanciers hypothécaires est fixé aussi par
l’ordre chronologique de l’inscription. De plus, selon les dispositions de
l’interprétation judiciaire « Réponse au problème de la prérogative de
l’entrepreneur résultant du contrat de construction » rendue par la Cour
suprême de la RPC, l’hypothèque légale l’emporte sur l’hypothèque
conventionnelle dans les six mois à compter de l’achèvement de la construction.
Cependant, dans le cas où plusieurs hypothèques sont inscrites le même jour
sur un même immeuble, le droit chinois les classe au même rang (les créanciers
sont payés au marc le franc, art. 199, LDR), quelle que soit la date du titre
constitutif de l’hypothèque. Cette approche est plus judicieuse que les
dispositions du droit français, puisque c’est l’inscription qui rend l’hypothèque
opposable aux tiers, il n’y a pas à tenir compte de l’ordre du titre de la créance
elle-même, qui n’a aucun effet d’opposabilité aux tiers.
B. Le classement des créanciers hypothécaires et des créanciers
munis d’autres sûretés réelles
594. En droit français, en cas de conflit entre une hypothèque et un
privilège sur un même immeuble du constituant, la situation est complexe. En
principe, c’est l’ordre de la date d’inscription hypothécaire et la date qui donne
403
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 456.
344
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
naissance au privilège (v. supra n° 460) qui détermine le rang entre la créance
privilégiée et celle hypothécaire. La règle de conflit entre l’hypothèque et les
privilèges généraux qui n’ont pas à publier, en cas d’avoir eu lieu404, fait une
exception : les derniers priment toujours la première. Alors que la règle de
conflit entre l’hypothèque et les privilèges en droit chinois est très simple :
l’hypothèque prime tous les privilèges en droit chinois (art. 109 et 113, LFE).
Il arrive aussi en droit français que l’hypothèque entre en conflit avec le
droit de rétention résultant par exemple d’une convention ou d’un gage
immobilier, c’est la publicité foncière qui le règle : prior tempore potior jure.
Autrement dit, l’hypothèque antérieurement publiée est opposable au droit de
rétention en droit français. Le conflit du genre n’est pas possible en droit
chinois puisque des immeubles ne peuvent pas être l’assiette du droit de
rétention.
C. Disposition de rang
595. Le rang fixé peut être modifié par une convention de cession de rang
ou d’antériorité (art. 2424, C. civ.; art. 194, LDR), à savoir qu’un créancier
hypothécaire cède son antériorité à un créancier de rang postérieur ou de même
rang. Cette cession convenue entre créanciers hypothécaires ne prend effet
qu’entre eux, sans modifier les droits ou les obligations des autres créanciers, ni
de toute personne intéressée. Les effets de la cession de rang dépendent à la fois
de la situation du bénéficiaire et de celle du cédant. D’un côté, le droit
hypothécaire du bénéficiaire doit subsister ; de l’autre, la créance du cédant doit
exister et son droit hypothécaire doit être conservé405. En fait, le cédant et le
bénéficiaire sont payés sur le prix de la vente réalisée du bien hypothéqué selon
404
Les privilèges généraux ne peuvent s’exercer sur les immeuble qu’à titre subsidiaire (v.
supra n° 188).
405
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 434 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit.,
p. 320.
345
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
leur rang initial ; mais sur le paiement obtenu par ces deux parties, c’est le
bénéficiaire qui sera payé avant le cédant.
Imaginons qu’un immeuble valant 400 000 € est affecté en hypothèque
pour garantir quatre créances de 200 000 €, 150 000 €, 50 000 €, 200 000 €
dont les titulaires sont respectivement A, B, C, D. Parmi eux, A prend le
premier rang, B et C prennent le deuxième, D le troisième. Selon leur rang,
après la réalisation de l’hypothèque, A obtiendra 200 000 €, B obtiendra
150 000 €, C obtiendra 50 000 €, D obtiendra 0 €.
Si, avant la réalisation, A cédait son rang à D, alors le montant obtenu
après la réalisation par A et D serait de 200 000 €, dont 200 000 € serait
distribué à D, et il ne resterait rien à distribuer à A ; les montants que B et C
obtiendraient seraient encore de 150 000 € et 50 000 €, et ils ne seraient pas
influencés par la cession entre A et D. La même règle est appliquée en droit
français et en droit chinois.
Si la cession est faite entre les créanciers hypothécaires de même rang,
(dans notre hypothèse, B cèderait son rang à C), la solution est aussi la même
en droit chinois et en droit français : la distribution finale du prix que A et D
obtiendraient (A : 200 000 €, D : 0 €) ne serait pas influencée par la cession, le
montant que B et C obtiendraient serait de 200 000 €, dont 50 000 € serait tout
d’abord distribué à C, le reste – 150 000 € – étant distribué à B. Cependant, la
qualification diffère d’un pays à l’autre : le droit français l’analyse comme une
renonciation de rang faite par un créancier au profit d’un autre, alors que le
droit chinois la considère comme une cession de rang. En effet, en droit chinois,
la distribution du prix n’est pas la même en cas de renonciation de rang et en
cas de cession de rang précitée. Dans le cas de la renonciation de rang, les
créanciers hypothécaires en cause seront encore payés selon leur rang initial sur
le prix réalisé du bien hypothéqué. Les sommes reçues seront cependant
346
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
distribuées proportionnellement à leurs créances garanties respectives406. Par
exemple, dans l’hypothèse précitée, si A renonce à son rang au bénéfice de D,
le résultat final de la distribution du prix serait le suivant : A (100 000 €), B
(150 000 €), C (50 000 €), D (100 000 €).
596. La question la plus délicate est le régime de la publicité de cession
ou de renonciation de rang. En droit français, on considère que l’article 2430 du
Code civil est applicable407. L’opération de cession ou de renonciation doit être
mentionnée en marge de l’inscription existante. Toutefois, considérant que les
effets de cession ou de renonciation de rang ne peuvent ni nuire ni bénéficier
aux droits des tiers, cette mention n’est requise par la jurisprudence qu’à titre
d’information408. En droit chinois, la mention de cession ou de renonciation de
rang doit aussi figurer en marge de l’inscription existante pour l’information
des tiers intéressés409.
Section III – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et
le tiers acquéreur
597. Les effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et le tiers
acquéreur se manifestent normalement par le droit de suite. Ce droit est
généralement admis comme un caractère principal de l’hypothèque, tant en
droits allemand ou suisse qui sont profondément influencés par le droit
germanique qu’en droit français qui est l’héritier du droit romain. Le droit
chinois, qui refuse de conférer le droit de suite au créancier hypothécaire, fait
exception sur ce point.
406
XIE Zaiquan, op. cit., p. 75 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 321.
407
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 484.
408
Cass. Civ. 3e, 19 déc. 1990, Bull. civ. III, no 269 ; Cass. civ. 3e, 20 déc. 1989, Bull. civ.
III, no 246, D. 1990. somm. 389, obs. L. AYNES, RD imm. 1990, 234 ; 16 juill. 1987. Bull.
civ. III, no 145, RD imm. 1988, 331, obs. Ph. SIMLER.
409
GUO Mingrui, Études sur l’évolution des droits réels des sûretés, in Droit, 1996, II,
p. 129.
347
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
§ I – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit français
598. Dans la mesure où le droit d’aliéner le bien grevé est conservé au
constituant, l’article 2166 du Code civil confère au créancier hypothécaire,
comme au créancier privilégié, le droit de suite qui lui permet de saisir
l’immeuble aliéné et de le vendre pour réaliser son droit de préférence sur le
prix de la vente.
599. Pour que le créancier puisse exercer son droit de suite, il faut que la
créance garantie soit exigible. L’hypothèque ou le privilège doit aussi avoir été
inscrit pour être opposable aux tiers. En outre, le créancier doit avoir un titre
exécutoire qui ne pose pas de problème pour l’hypothèque et le privilège
constitué par un acte notarié ou par un jugement. Le droit de suite s’exerce
contre les seuls tiers détenteurs de l’immeuble, à savoir les ayants cause à titre
particulier, tels que l’acquéreur, le donataire ou le légataire410. En revanche, les
ayants cause à titre universel ne sont pas tiers détenteurs parce qu’ils sont
successeurs de la personne du constituant.
600. Après que le créancier a adressé un commandement au débiteur et
une sommation au tiers détenteur du bien grevé, ce dernier dispose en réalité de
cinq choix.
1o Il peut tout d’abord invoquer une exception appartenant au débiteur ou
une exception personnelle pour se défendre.
2o Il peut choisir de payer le créancier poursuivant, au lieu de payer le
débiteur. C’est le choix le plus simple et peut être le plus intéressant quand le
prix de la vente n’a pas encore été payé. S’il a payé la totalité des créances
hypothécaires, les créanciers sont alors tous désintéressés, les hypothèques
grevées sur l’immeuble sont ainsi éteintes. Si le paiement est partiel, le tiers
détenteur ne paye les créanciers par le rang que dans la limite du prix de la
410
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 436.
348
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
vente. Dans ce cas, il bénéficie de la subrogation légale aux créanciers
désintéressés (art. 1251-2o, C. civ.) et obtient ainsi les hypothèques que ceux-ci
avaient sur l’immeuble même qu’il détient. Il en résulte une situation curieuse :
le tiers détenteur a désormais une hypothèque sur lui-même 411 . Le tiers
détenteur ne risque donc guère d’être poursuivi par les autres créanciers
subséquents qui, compte tenu du droit de préférence du tiers détenteur prenant
souvent le premier rang, ont peu d’intérêt à faire vendre l’immeuble
hypothéqué. Cependant, si la valeur de l’immeuble hypothéqué augmente et
dépasse sensiblement le montant que le tiers détenteur peut prélever compte
tenu de son droit de préférence, les autres créanciers subséquents retrouvent un
intérêt à vendre ce bien.
3o Pour éviter les tracas causés par les procédures judiciaires éventuelles,
le tiers détenteur peut aussi délaisser l’immeuble (art. 2467, C. civ.). Il déclare
au greffe du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble qu’il
abandonne la détention matérielle de l’immeuble à un curateur désigné par ce
tribunal. 412 En effet, le délaissement présente peu d’intérêt pour le tiers
détenteur, hormis un moyen d’échapper à la procédure de saisie.
4o Le tiers détenteur peut ne rien faire et laisser se dérouler la procédure de
saisie engagée par le créancier hypothécaire. Cette procédure aboutit à un
jugement d’adjudication, lequel vaut purge. Les droits des créanciers
hypothécaires se reportent donc sur le prix de vente. La propriété du tiers
détenteur sur l’immeuble sera expropriée et transférée à l’adjudicataire. Le tiers
détenteur a le droit de recevoir le reliquat éventuel du prix de vente après
411
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 469 ; J. MESTRE, La subrogation
personnelle, LGDJ, 1979, no 120. Dans ce cas-là, l’intéressé a encore intérêt à renouveler
les inscriptions hypothécaires.
412
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 436.
349
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
désintéressement des créanciers inscrits 413 . Ces derniers doivent aussi
l’indemniser pour la plus-value apportée au bien. En outre, le tiers détenteur
peut exercer un recours en garantie d’éviction contre son vendeur, qui lui
permet de percevoir une indemnisation complète s’il a acheté l’immeuble
(art. 1630, C. civ.). Lorsqu’il a payé pour d’autres, il peut aussi exercer un
recours subrogatoire contre son débiteur principal (art. 1251-3o, C. civ.).
5o La procédure de purge permet à l’acquéreur du bien hypothéqué
d’éviter les conséquences de l’exercice du droit de suite des créanciers
hypothécaires. L’idée est que, lorsque l’immeuble hypothéqué est transformé en
argent correspondant à sa véritable valeur, le droit de préférence des créanciers
hypothécaires inscrits s’exerce alors sur cette somme et il n’est donc plus
nécessaire de maintenir le droit de suite. Dans certaines hypothèses, le prix de
l’aliénation est déjà réalisé par la voie publique, ou sous autorisation du
créancier hypothécaire, ou pour des raisons particulières. Dans ces cas-là, la
revente ne présente guère d’intérêt. Les aliénations, telles que la vente
volontaire autorisée (le débiteur peut convenir avec tous les créanciers
hypothécaires inscrits d’affecter le prix de vente à leur désintéressement,
art. 2475, C. civ.) 414 , la vente forcée à la procédure de saisie immobilière
(art. 2213, C. civ.), la vente aux enchères publiques et l’expropriation pour
cause d’utilité publique415, valent donc purge par elles-mêmes. Le paiement ou
la consignation du prix purge l’hypothèque sur l’immeuble grevé, qui se trouve
ainsi libéré de toutes ses charges hypothécaires.
601. Dans tous les autres cas, il est nécessaire de procéder aux formalités
requises pour produire les effets de purge (art. 2476 et s., C. civ.). L’acquéreur
413
PLANIOL RIPERT et BECQUE, no 1159. Comp. Req., 15 déc. 1862, S. 1863, 1, 57,
DP 1863, 1, 161.
414
Jacques COMBARIEU, La purge amiable des privilèges et hypothèques, JCP N 2008,
1059 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 476.
415
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 320.
350
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
doit tout d’abord notifier aux créanciers inscrits un extrait de son titre
d’acquisition, un extrait de la publication de l’acte de vente, et un état
hypothécaire sommaire sur formalités faisant apparaître les charges réelles qui
grèvent l'immeuble (art. 2478, C. civ.). Dans ce document, l’acquéreur leur
notifie aussi le prix qu’il doit payer, ou qu’il détermine en cas d’acquisition à
titre gratuit. Les créanciers disposent de quarante jours pour décider de leur
option. acceptent l’offre (le silence vaut acceptation), ils se payent sur le prix.
L’immeuble est libéré des hypothèques au moment du paiement ou de la
consignation du prix (art. 2481, C. civ.). S’ils rejettent l’offre, ils doivent
demander la mise en vente aux enchères de l’immeuble hypothéqué en offrant
eux-mêmes un prix supérieur d’un dixième si aucune surenchère n’est proposée.
Après la vente, le prix sera distribué aux créanciers hypothécaires selon leur
rang ou être consigné. L’immeuble sera ainsi libéré de toutes ses charges
hypothécaires.
602. La purge est cependant rarement utilisée, puisque la pratique
notariale emploie souvent d’autres moyens.
Si la créance n’est pas exigible au moment de l’aliénation, l’acquéreur
peut prendre généralement à sa charge la dette hypothécaire due. Étant donné
que cette dernière est à terme, il y trouve un avantage416. La pratique notariale
utilise souvent la technique de la délégation et celle de l’indication de paiement.
Dans le premier cas, où le concours du créancier est nécessaire à la vente, le
vendeur (délégant) délègue à l’acquéreur (délégué) le paiement de la dette du
créancier hypothécaire (délégataire). La délégation peut être parfaite si le
délégant est libéré ou, être imparfaite s’il reste tenu envers le délégué. En cas
d’indication de paiement qui ne nécessite pas le concours du créancier à la
416
Ibid., p. 321. Par exemple, la dette hypothécaire due est de 5 000 €, le prix de vente est
de 10 000 €, l’acquéreur verse donc 5 000 € au vendeur et prend la charge de la dette à
terme de 5 000 €.
351
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
vente, le débiteur donne mandat à l’acquéreur de payer la dette en son nom,
mais il n’est pas ainsi libéré.
Il arrive souvent qu’une clause d’exigibilité anticipée soit prévue dans
l’acte constitutif de l’hypothèque. Dans un tel cas, l’acquéreur confie souvent le
prix de vente au notaire, qui se chargera d’obtenir l’accord des créanciers et qui
l’utilisera pour désintéresser les créanciers inscrits.
§ II – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit chinois
603. Sous l’influence de la doctrine selon laquelle le droit de suite
s’applique dans l’hypothèse où il n’existe aucune restriction au droit de
disposition du constituant de l’hypothèque417, ni la LS, ni la LDR ne confère le
droit de suite au créancier hypothécaire en droit chinois.
604. Sous l’empire de la LS, le constituant devait informer le créancier
hypothécaire et le tiers détenteur de la cession, à peine de nullité. Si cette
formalité avait été accomplie avant la cession, le créancier hypothécaire ne
bénéficiait pas du droit de suite sur le bien cédé. Il disposait cependant du droit
de demander au constituant le paiement anticipé de sa créance garantie sur le
prix de la cession, ou de le consigner chez un tiers choisi par le constituant et le
créancier. S'il était évident que le prix de la cession était inférieur à la valeur du
bien cédé, le créancier pouvait demander au constituant de fournir une autre
sûreté correspondante ; en cas de refus, la cession était nulle. Le législateur
chinois pensait que ces restrictions au droit de disposition du constituant
suffisaient à protéger les intérêts du créancier hypothécaire. Mais dans la
pratique, le tiers payait en général directement le constituant au lieu du
créancier hypothécaire ; ce dernier pouvait certes lui demander les dommages
417
PENG Wanlin, Le droit civil, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de
Chine, 1999, p. 405 ; YANG Hong, op. cit., p. 171 ; MEI Ruiqi, WANG Shuhua,
Réflexion sur le droit de suite de l’hypothèque, www.law-lib.com/lw/lw_view.asp?no
=1353.
352
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
et intérêts qui n’étaient qu’une créance chirographaire, « il en résultait que
l’article 49 (de la LS) n’aurait pas à s’appliquer dans un pays idéal »418.
605. Soutenue par la doctrine, la Cour suprême énonçait avec audace dans
l’article 67 des ELS que « lorsque le constituant cède son bien hypothéqué sans
en informer le créancier hypothécaire ou le tiers, le créancier hypothécaire
inscrit peut exercer son droit d’hypothèque ». Il résultait de cet article que
l’information du créancier hypothécaire ou du tiers n’était plus une condition
de validité de la cession, mais une condition qui décidait de l’existence du droit
de suite du créancier hypothécaire. Si le constituant cédait le bien hypothéqué
sans informer le créancier hypothécaire, ce dernier disposait ainsi du droit de
suite sur le bien cédé. Un autre cas dans lequel le créancier hypothécaire
disposait du droit de suite était prévu par l’article 68 des ELS : « lorsque le bien
grevé d’hypothèque est donné à autrui ou lui échoit en succession, le créancier
hypothécaire peut exercer son droit d’hypothèque ». Cependant, ne pouvant pas
excéder sa compétence judiciaire en matière d’interprétation, la Cour suprême
ne peut généraliser le droit de suite.
606. La LDR ne reprend pas l’esprit des ELS qui recouraient au droit de
suite pour protéger le créancier hypothécaire, mais continue à renforcer les
restrictions au droit de disposition du constituant. Elle dispose que « le
constituant de l’hypothèque ne peut aliéner son bien qu’avec le consentement
du créancier hypothécaire, sauf si le tiers détenteur paye la dette à la place du
débiteur en vue d’éteindre le droit d’hypothèque » (art. 191, al. 2, LDR), et que
« le prix de la cession doit être utilisé pour le paiement anticipé de la créance
garantie ou être consigné » (art. 191, al. 1, LDR) en cas de cession du bien
hypothéqué avec le consentement du créancier hypothécaire.
418
CAO Shibing, La résolution et la perspective des problèmes de sûretés chinoises, Éd.
du droit, 2001, p. 218.
353
Chapitre III – Les effets de l’hypothèque
Jusqu’à présent, le droit de suite de l’hypothèque n’est donc pas consacré
par la loi chinoise. Étant donné qu’il n’existe pas de droit de suite pour les
créanciers hypothécaires, elle ne prévoit pas expressément de régime de purge.
Toutefois, il existe implicitement certaines aliénations qui valent purge par
elles-mêmes, telles que la vente volontaire autorisée, la vente sans autorisation
en cas de paiement des dettes hypothécaires par le tiers acquéreur au lieu du
débiteur (art. 194, LDR) et l’expropriation de l’immeuble hypothéqué. Dans
ces cas-là, le paiement ou la consignation du prix purge l’hypothèque sur
l’immeuble grevé. L’immeuble grevé est ainsi libéré de toutes ses charges
hypothécaires.
354
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
Section I – Transmission de l’hypothèque
607. Selon l’article 2424 du Code civil français « l’hypothèque est
transmise de plein droit avec la créance garantie » ; selon l’article 192 de la
LDR chinoise « …si une créance est transmise, l’hypothèque qui la garantit est
cédée avec elle …». Dans les deux pays, l’hypothèque peut donc être transmise
à titre accessoire. Cette transmission peut être à titre universel en cas de
succession, ou à titre particulier en cas de cession d’une créance hypothécaire
ou en cas de paiement de subrogation.
608. En cas de succession, les héritiers du créancier sont les ayants cause
à titre universel. Quel que soit le système juridique, ce cas de figure ne pose
aucun problème.
609. En cas de cession, il existe un marché des créances hypothécaires en
France. La loi du 15 juin 1976 distingue la cession entre particuliers et celle
entre établissements de crédit. Dans la première hypothèse, si la créance est
constatée par un acte sous seing privé et revêt une hypothèque ou un privilège
spécial immobilier, les parties de la cession doivent signifier le transport au
débiteur ou obtenir l’acceptation du transport du débiteur dans un acte
authentique (art. 1690, C. civ.). Si la créance est constatée par un acte notarié,
l’établissement de copies exécutoires à ordre doit être expressément prévu dans
cet acte ou un acte notarié subséquent. Les copies exécutoires à ordre peuvent
se transmettre par endossement qui doit être, sauf dispense en faveur des
établissements de crédit419, notarié ou notifié au notaire rédacteur de l’acte
constatant la créance. L’endossement est opposable aux tiers soit à la date de la
notification au débiteur, soit à la date de notification au notaire 420 .
419
Cass. com., 9 mars 1999, Bull. civ. IV, no 55, RD imm. 1999, 451, obs. Ph. Théry, D.
1999, somm. 304, obs. S. PIEDELIEVRE, JCP 1999, I, 158, no 10.
420
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 440.
355
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
L’endossataire bénéficie aussi du principe de l’inopposabilité des exceptions. À
savoir que les exceptions qui peuvent être invoquées par le débiteur contre le
bénéficiaire initial ou les subséquents ne sont pas opposables à l’endossataire
définitif. Toutefois, les endosseurs (les titulaires précédents de la copie
exécutoire à ordre) ne sont pas en solidarité pour la créance cédée421. En cas de
cession entre établissements de crédit, la cession est beaucoup plus simple et
efficace. Il suffit que l’établissement de crédit cédant souscrive un effet de
commerce endossable, tel que le billet à ordre, au profit d’un autre
établissement de crédit cessionnaire. En cas de cession par endossement, seul
l’émetteur est garant de cet effet. Le cessionnaire peut aussi demander la mise à
sa disposition du contrat principal d’obligation, ce qui vise à affecter les prêts
en gage au profit du cessionnaire et lui permet d’en devenir le propriétaire en
cas de défaillance de l’émetteur (art. L.313-46, C. mon. et fin.). Au surplus, il
est possible pour les banques de rendre négociables les créances qu’elles
détiennent dans leurs bilans depuis 1988422. C’est la tendance à la titrisation des
créances bancaires. Pour alléger leurs bilans et économiser leurs fonds propres,
les banques peuvent céder leurs créances hypothécaires au fonds commun de
créances. La cession s’opère par la seule remise d’un bordereau contenant
certaines mentions obligatoires et prend effet, aussi bien entre les parties qu’à
l’égard des tiers, à la date apposée sur ce bordereau. La remise du bordereau
entraîne de plein droit le transfert des sûretés garantissant chaque créance
(art. 34, al. 7, Loi du 23 décembre 1988). Dès la cession, c’est le fonds
commun de créances qui a le droit de percevoir les paiements effectués par les
emprunteurs initiaux et de les transformer en parts négociables qui sont
assimilées aux obligations 423 . Plus récemment, la mobilisation des prêts
421
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 481.
422
Ce qui est consacré par la loi du 23 décembre 1988 relative aux organismes de
placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de
créances.
423
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 482.
356
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
hypothécaires a été encore facilitée par la loi du 25 juin 1999. Le régime précité
s’applique aussi à la cession des prêts aux sociétés de crédit foncier et à la
cession financée par l’émission d’obligations foncières.
En Chine, il n’existe pas de marché des créances hypothécaires. Or,
certains auteurs appellent de leurs vœux son établissement pour favoriser
davantage le développement du marché financier424. À cet égard, l’expérience
de la titrisation en droit français est une référence idéale pour le législateur
chinois. De toute façon, l'instauration de ce régime juridique n'est pas encore
achevée pour l’instant. La transmission d’une créance et de l’hypothèque qui la
garantit ne peut se réaliser que selon la modalité traditionnelle, c'est-à-dire sans
distinguer la cession entre particuliers de celle impliquant des établissements de
crédit : l’hypothèque est transmise avec la créance qu’elle garantit (art. 192,
LDR). L’une des parties (cédant ou cessionnaire) de la cession doit signifier le
transport au débiteur. Cette signification ne vaut qu’à titre d’information, son
acceptation n’est donc pas nécessaire. En ce qui concerne l’inscription de la
transmission de l’hypothèque, la loi est silencieuse. Certains auteurs
considèrent que l’inscription est une condition de validité de la transmission,
d’autres insistent sur le fait que l’inscription est simplement une condition
d’opposabilité aux tiers. Cette incertitude entraîne beaucoup de problèmes dans
la pratique. Il conviendra donc de la lever dans la réforme à venir.
610. L’hypothèque peut aussi être transférée à titre principal en droit
français. Elle s’exerce sous la forme de cession de rang ou d’antériorité. Cette
catégorie de cession, qui a déjà été évoquée plus haut, existe aussi en droit
chinois, mais elle n’est pas considérée comme la transmission à titre principal
424
XU Jianming, La conception de l’établissement du marché des créances bancaires,
Journal de finance de Shanghai, 2003-08-30 ; XIAO Jinquan, YANG Rongxu, La
pratique juridique de l’acquisition de mauvais actifs, Journal de commerce de Chine,
2001-02-01.
357
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
de l’hypothèque. L’hypothèque en droit chinois ne peut donc faire l’objet que
d’un transfert à titre accessoire (art. 192, LDR).
Section II – Extinction de l’hypothèque
611. En raison de son caractère mixte, l’hypothèque est affectée par toutes
les vicissitudes qui touchent la créance garantie d’une part et, par des facteurs
qui lui sont propres d’autre part. Elle peut donc s’éteindre par voie accessoire et
par voie principale.
§ I – Extinction par voie accessoire
612. En tant qu’accessoire de la créance garantie, l’hypothèque disparaît
en même temps que l’obligation principale qu’elle garantit (art. 2488-1o,
C. civ. ; art. 177-1o, LDR). Dans les deux pays, l’extinction doit être totale,
pure et simple425 ; sinon, l’hypothèque, compte tenu de son caractère indivisible,
subsiste sur tout le bien grevé, à l’exclusion de l’hypothèque rechargeable, de
la subrogation légale. Autrement dit, toutes les causes d’extinction totale de
l’obligation principale peuvent éteindre l’hypothèque par voie accessoire, que
ce soit le paiement total, la dation en paiement ou la compensation.
613. En cas de novation de créance, s’il s’agit de la subrogation d’une
obligation nouvelle à l’obligation garantie initiale, cette dernière n’existe plus.
Cela entraîne alors l’extinction de l’hypothèque qui la garantit, sauf dans le cas
où cette subrogation a obtenu le consentement du constituant de l’hypothèque
et que l’acte de changement stipule expressément de la conserver. Cette
solution est commune dans les deux pays étudiés (art. 1278, C. civ. ; art. 72,
ELS). S’il s’agit d’un changement de débiteur, les solutions diffèrent selon les
systèmes législatifs. En droit français, l’hypothèque qui garantit la dette de
l’ancien débiteur s’éteint automatiquement, qu’elle soit constituée par le
débiteur ou par un tiers. Il est toutefois possible de réserver cette hypothèque,
425
Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p. 326 ; LI Shigang, op. cit., p. 371.
358
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
puisque « les privilèges et hypothèques primitifs de la créance peuvent être
réservés, avec le consentement des propriétaires des biens grevés, pour la
garantie de l'exécution de l'engagement du nouveau débiteur » (art. 1279, al. 2,
C. civ.). Le droit chinois, quant à lui, distingue l’hypothèque constituée par le
débiteur de celle constituée par un tiers. Dans le premier cas, le créancier
conserve son hypothèque, à moins qu’il y renonce expressément ou que le
nouveau débiteur accepte d’offrir une nouvelle sûreté. Dans le second cas, il ne
peut conserver son hypothèque, à moins que le tiers constituant donne son
consentement au changement de débiteur426. Nous pouvons déduire de cette
différence que le législateur chinois met l’accent sur la protection des
créanciers hypothécaires, alors que le législateur français met en avant
l’équilibre des intérêts entre créanciers hypothécaires et constituants.
614. De surcroît, le droit français présente une particularité dans la
mesure où, en cas de prêt spécial à la construction garanti par le Crédit foncier,
l’hypothèque qui garantit le prêt est maintenue de plein droit lors du transfert
du prêt de plein droit aux acquéreurs successifs de l’immeuble 427 ; les
propriétaires intermédiaires sont libérés de la charge hypothécaire.
§ II – Extinction par voie principale
615. L’hypothèque peut disparaître aussi par voie principale, sans qu’il
soit tenu compte de la créance garantie. Ainsi en est-il de la renonciation du
créancier à son hypothèque. Aucune formalité particulière n’est requise pour la
renonciation de l’hypothèque par le créancier hypothécaire capable. Elle peut
être expresse, tel qu’un acte sous seing privé, ou tacite, tel qu’un acte
impliquant l’intention de renonciation du créancier. Cette renonciation entraîne
l’abandon de son droit réel et profite donc à tous les créanciers du constituant.
426
Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 59.
427
H. MAZEAUD, op. cit., 367 et s. ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 487.
359
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
616. La renonciation de l’hypothèque doit être distinguée de la
« promesse d’abstention » en droit français, par laquelle le créancier
hypothécaire s’engage à ne pas exercer son droit de préférence dans le seul
intérêt d’un créancier de rang inférieur. Cette promesse n’éteint donc pas
l’hypothèque. Le créancier bénéficiaire conserve son hypothèque pour le cas où
le bénéficiaire ne recevrait rien en exerçant la promesse d’abstention, en raison
de la présence des créanciers inscrits intercalés entre le promettant et le
bénéficiaire428. Cette notion est appelée « renonciation de rang hypothécaire »
en droit chinois et elle soumet à certaines règles particulières (v. supra n° 595 et
n° 596).
617. En cas de perte totale du bien hypothéqué, l’hypothèque s’éteint s’il
n’y a pas de valeur de remplacement (sinon, elle se reporte sur celle-ci)429.
L’exemple par excellence en droit chinois est celui concernant l’hypothèque sur
un terrain. Un terrain, et plus précisément le droit d’usage obtenu sur ce terrain,
doit être utilisé conformément au but prévu dans le contrat de concession. De
plus, afin de diminuer les actions de stockage des terrains à des fins
spéculatives et de stabiliser le marché immobilier en zone urbaine, le
concessionnaire doit exploiter les terrains dans les deux ans qui suivent la
428
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 443 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit.,
p. 490 : « il s’agit le plus souvent pour le créancier hypothécaire de faciliter l’obtention
d’un prêt par son débiteur en renonçant à exercer son hypothèque contre le prêteur… La
promesse d’abstention n’équivaut donc pas à une renonciation, car l’hypothèque conserve
sa valeur à l’égard des autres créanciers. Elle n’équivaut pas non plus à une renonciation
translative, car le bénéficiaire de la convention n’obtient pas le droit d’être colloqué au
rang du promettant comme le ferait une cession de priorité : elle oblige simplement le
promettant à ne pas produire à l’ordre si sa collocation est de nature à nuire au
bénéficiaire ».
Il faut dire que la dernière distinction n’est plus nécessaire. En effet, en cas de cession
de rang hypothécaire (renonciation translative), la publicité n’est requise qu’à titre
d’information (v. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 484). La cession de rang
non publiée est donc valable entre les parties, le cessionnaire bénéficiaire n’obtient pas le
droit d’être colloqué au rang du promettant contre le constituant et les autres créanciers,
mais il peut l’invoquer contre le cédant promettant. En ce sens, la promesse d’abstention
équivaut à la renonciation translative.
429
En droit français, étant donné l’absence de subrogation réelle générale, l’hypothèque
s’éteint en cas de perte du bien hypothéqué, sauf s'il existe des indemnités d’assurance.
360
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
conclusion du contrat. Sinon, les terrains inexploités peuvent être récupérés
sans indemnisation par le gouvernement local430. L’hypothèque portant sur ces
terrains disparaît ; une telle situation est fréquente en Chine.
618. Quant à la prescription, il est à noter qu’en droit français, si le bien
hypothéqué est resté la propriété du constituant, la créance garantie peut
s’éteindre par sa prescription et entraîner, par voie accessoire, la disparition de
l’hypothèque (art. 2488-4o, C. civ.) ; si le bien hypothéqué est passé aux mains
d’un tiers acquéreur, la prescription de l’hypothèque suppose deux conditions
qui ne peuvent souvent pas être réunies en pratique431: elle tient, d’une part, à
l’échéance de la créance garantie pour que la prescription extinctive de
l’hypothèque commence à courir, d’autre part, à la prescription acquisitive qui
s’accomplit par la possession prolongée du tiers acquéreur.
En droit chinois, la prescription de la créance garantie n’entraîne ni
l’extinction de la créance, ni celle de l’hypothèque qui la garantit. À
l’expiration de la prescription, la créance garantie devient en effet obligation
naturelle, à savoir que le créancier perd gain de cause devant le tribunal.
Concernant l’hypothèque, l’article 202 de la LDR dispose explicitement que
« le titulaire du droit d’hypothèque doit exercer son droit avant l’expiration de
la prescription de la créance garantie ; s’il ne le fait pas, il perd gain de cause
devant le tribunal ». Si le constituant de l’hypothèque exerce son devoir
hypothécaire, le créancier pourra encore réaliser son hypothèque.
619. Au surplus, il existe certainement des autres causes qui peuvent aussi
provoquer l’extinction de l’hypothèque, telle que la purge de l’hypothèque
(v. supra n° 600 et s.) ou la radiation de l’inscription (v. supra n° 556 et n° 557)
430
V. « Notification relative au stockage des terrains » rendue par le CAE en 2008 et
l’article 26 de la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine.
431
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 443.
361
Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque
qui sont abordées dans les textes précités. Nous nous abstenons donc de les
réétudier ici.
362
Titre II – Les autres sûretés immobilières conventionnelles
620. L’article 2373, alinéa 1 du Code civil français énonce deux types de
sûretés immobilières conventionnelles traditionnelles: l’hypothèque et le gage
immobilier (l’ancien antichrèse jusqu’à la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de
simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures). En
disposant que « la propriété de l’immeuble peut également être retenue en
garantie », son alinéa 2 ajoute une nouvelle modalité - la réserve de propriété
immobilière. Plus récemment, la Loi du 12 mai 2009 de simplification et de
clarification du droit et d'allègement des procédures crée un nouveau chapitre
intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie » qui se place dans la partie
consacrée à « Des sûretés sur les immeubles ». Cela signifie expressément que
la fiducie-sûreté peut porter sur les immeubles. Cependant, l’hypothèque ayant
été étudiée dans le titre précédent, nous aborderons dans ce titre uniquement les
sûretés immobilières autres que l’hypothèque : le gage immobilier, la
fiducie-sûreté immobilière et la réserve de propriété immobilière.
363
Chapitre I – Le gage immobilier
Chapitre I – Le gage immobilier
621. Le gage immobilier est défini par l’article 2387 du Code civil
comme l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation, il emporte la
dépossession de celui qui le constitue. Traditionnellement, le débiteur ne peut
plus disposer, jouir ou user de l’immeuble grevé après la constitution du gage
immobilier; il ne peut pas non plus affecter cet immeuble en garantie pour un
nouveau crédit. Quant au créancier gagiste, il doit conserver et maintenir le
bien gagé. D’autant plus que ce genre de gage nécessite une double publicité :
la dépossession du bien pour sa validité et l’inscription pour son opposabilité432,
ce qui est très lourde et est donc un régime mal construit dès son origine. Car la
possession et l’inscription sont les deux modalités différentes de publicité des
droits réels. Elles ont toues deux pour objet de rendre l’état des droits réels
connaissable par les tiers. En tout cas, il n’est pas judicieux d’exiger à la fois la
possession et l’inscription pour un acte.
622. Le gage immobilier ne présente guère d’intérêt pour les praticiens et
les chercheurs433. En effet, les arrêts rendus par la Cour de cassation concernant
le gage immobilier sont beaucoup moins nombreux qu’en matière
d’hypothèque ou de privilèges immobiliers. Il est même qualifié de « garantie
marginale » par certains auteurs434, « d’archaïque » par d’autres435. Son régime
est certes amélioré par la consécration de l’antichrèse-bail et par la réalisation
facilitée achevées par la réforme de 2006. Il restera toutefois une sûreté
immobilière peu utilisée, non pas seulement à cause des inconvénients exposés
plus haut qui ne sont pas complètement rédhibitoires et qui peuvent
partiellement être améliorés, mais plus sûrement à cause des améliorations des
432
Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 450; Marc MIGNOT, op. cit., p.406.
433
Sébastien ROBINNE, L’antichrèse, Évolution des sûretés réelles - regards croisés
Université-Notariat, Litec, 2007, p. 94.
434
S. PIÉDELIÈVRE, Les sûretés, Armand Colin, 2001, p. 253.
435
M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, Litec, 2002, no 814.
364
Chapitre I – Le gage immobilier
autres sûretés immobilières, telles que la consécration du pacte commissoire à
l’hypothèque, la généralisation de la fiducie-sûreté etc.
623. Chose non moins importante, il n’existe pas en droit chinois le
régime du gage immobilier au sens du droit français ; les juristes n’ont pas non
plus l’intention d’introduire un tel régime en droit chinois. Certains auteurs
considèrent que le régime de Dian s’en approche436. Étant donné toutefois que
la durée de Dian ne peut pas excéder six mois, que seule la société de Dian
peut être la bénéficiaire de Dian, et que le bénéficiaire de Dian ne peut pas user
ou jouir du bien grevé, le régime de Dian n’est pas du tout comparable à celui
du gage immobilier en droit français.
Par conséquent, il n’est pas possible d’exécuter une comparaison entre le
gage immobilier en droit français et le Dian en droit chinois.
436
FEI Anling, Études comparatives du droit des sûretés, Éd. de l’Université des sciences
politiques et du droit de Chine, 2004, p. 237.
365
Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière
Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière
624. La fiducie-sûreté en matière immobilière est aujourd’hui consacrée
par le Code civil français. Son régime fixé par les articles 2488-1 et suivants du
Code civil est quasiment identique à celui de la fiducie-sûreté en matière
mobilière fixé par les articles 2372-1 et suivants du même code (v. supra n° 436
et s.) ; nous n’allons donc pas détailler ce point. Il faut toutefois rappeler que si
ce type de sûreté immobilière deviendra une nouvelle reine de sûreté
immobilière.
625. Malgré ses avantages, la fiducie-sûreté présente tout de même des
inconvénients. D’abord, étant donné que la fiducie joue un rôle de garantie, le
fiduciaire doit restituer l’immeuble grevé au constituant après le paiement de la
créance garantie. Cela entraîne nécessairement des coûts fiscaux relativement
élevés en raison de deux mutations de propriétés de l’immeuble. Ensuite, le
transfert de propriété empêchait le constituant d’aliéner le bien grevé ou de
constituer une nouvelle sûreté sur ce bien. Cela entraînait un gaspillage grave
du crédit. Cet inconvénient est heureusement amélioré par la consécration de la
fiducie rechargeable par la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et
de clarification du droit et d'allègement des procédures. Enfin, sa réalisation
n’est pas aussi simple que l’on l’imagine437. Il faut aussi recourir à un expert
pour déterminer la valeur du bien, ce qui entraîne une augmentation des coûts.
De plus, le créancier bénéficiaire doit restituer au constituant la différence entre
la valeur du bien et le montant de la dette encore due. Tout cela nécessite des
charges supplémentaires en argent et en temps. De ce point de vue, la
fiducie-sûreté portant sur des immeubles ne présente pas beaucoup de
supériorités que l’hypothèque immobilière. En effet, par comparaison à
l’hypothèque immobilière qui concède sa priorité à certains privilèges nés
437
En théorie, en cas de non paiement de la créance garantie, le créancier bénéficiaire
devient propriétaire du bien grevé. Mais en pratique, son application est beaucoup plus
complexe.
366
Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière
ultérieurement, l’avantage le plus remarquable de la fiducie-sûreté en matière
immobilière réside dans son efficacité en cas d’ouverture d’une procédure
collective, puisque le patrimoine fiduciaire ne sera pas affecté par l'ouverture
d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire au profit du fiduciaire (art.2024, C. civ.). De plus, le créancier
bénéficiaire n’a pas à craindre la concurrence des autres créanciers (créanciers
hypothécaires ou créanciers privilégiés) de son débiteur, car les immeubles
affectés en garantie n’appartiennent plus au débiteur constituant.
626. Alors qu’en droit chinois, considérant, d’une part, que le régime
général de fiducie-sûreté n’a pas été consacré par la loi (v. supra n° 449),
d’autre part, que l’hypothèque immobilière est assez efficace, même en cas de
procédure collective du débiteur constituant de l’hypothèque (v. supra n° 449 et
s.), peu de juristes prêtent une attention suffisante à l’assiette mobilière ou
immobilière de la fiducie-sûreté.
627. Ainsi, la fiducie-sûreté en matière immobilière ne mérite pas une
étude détaillée dans le présent texte.
367
Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière
Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière
Section I – En droit français
628. La clause de réserve de propriété en matière immobilière n’est pas
précisément règlementée par le Code civil français. Par comparaison à la
consécration d’une section complète à la réserve de propriété en matière
mobilière (art.2367 à 2372, C. civ.), le Code civil évoque simplement à titre de
disposition générale que la réserve de propriété à titre de garantie sur un
immeuble est possible (art.2373, al.2, C. civ.).
629. La réserve de propriété en matière immobilière, qui est fréquente
lorsque le compromis de vente prévoit que le transfert de propriété ne sera
réalisé qu’au jour de la signature de l’acte authentique et du paiement du prix438,
est plutôt étrangère à toute finalité de crédit439. La réserve de propriété n’est
guère pratiquée en tant que sûreté dans le domaine immobilier, puisque, d’une
part, elle présente certains inconvénients, tels que la situation ambiguë de
l’acheteur ( car on ne sait pas s’il est locataire ou détenteur précaire?)440, la date
d’exigibilité des droits de mutation, la publicité de l’acte…; d’autre part, le
vendeur des immeubles n’a pas à recourir à la clause de réserve de propriété
comme garantie, puisqu’il est déjà protégé par son privilège (v. supra n° 462)
dans 95% des cas sa créance est intégralement désintéressé par le prêteur de
deniers auquel son cocontractant s’est adressé441.
438
Elle a donc pour objet de donner du temps à l’acquéreur pour organiser son plan de
financement, et au notaire pour accomplir toutes les formalités que requiert l’inscription
des privilèges : du privilège du vendeur dans lequel le prêteur de deniers est subrogé et du
privilège du prêteur de deniers accordé en propre à ce dernier créancier.
439
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 348.
440
V. la note de l’Institut d’études juridiques de Conseil supérieur du notariat, Les dangers
de la clause de réserve de propriété dans les ventes immobilières, JCP CI 1986, Prat. 9976.
441
Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 348.
368
Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière
Section II – En droit chinois
630. En droit chinois, la Loi sur les contrats (LC) consacrant la réserve de
propriété ne traite pas expressément du domaine d’application de l’institution.
Du point de vue de certains auteurs, la réserve de propriété ne peut être utilisée
en matière immobilière442, puisqu’en droit chinois, seul le registre immobilier
fait foi pour le droit immobilier. Si on maintient que le transfert de propriété
immobilière ne se réalise que par l’inscription, et permet en même temps la
réserve de propriété contractuelle, on se trouvera donc face à un dilemme443. La
force de foi du registre immobilier sera ainsi entamée. D’autant plus que le
paiement total du prix de vente n’entraîne pas de plein droit le transfert de
propriété immobilière. Il n’est donc pas nécessaire de stipuler dans le contrat de
vente que la propriété n’est pas transférée que jusqu’au paiement total du prix
de vente. Il suffit pour le vendeur de transférer la propriété immobilière à
l’acheteur et de constituer une hypothèque sur l’immeuble vendu444.
631. Mais pour d’autres auteurs, les arguments que les opposants
évoquent ne sont pas vraiment soutenables, puisque la propriété immobilière
n’est pas transférée avant le paiement total du prix de vente, il n’est pas
nécessaire de procéder à l’inscription immobilière. La force de foi du registre
n’est donc pas entamée. De plus, il est vrai que le vendeur de l’immeuble,
même s’il ne réserve pas la propriété, peut aussi être garanti par une
hypothèque. Mais les coûts d’hypothèque sont relativement élevés445, parce que
442
LONG Zhuhua, Le droit de revendication du vendeur dans la vente avec la réserve de
propriété, in Recherche de Droit et de Commerce, 2000, 4, p. 73; CHEN Benhan, op. cit., p.
390.
443
SHI Shangkuan, Des droits réels, Éd. de Rongtai, p.48; WANG Zejian, Le droit de
l’acheteur dans la vente conditionnelle, in La théorie et la recherche de jurisprudence du
droit civile, I, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1997, p. 133.
444
QU Zonghong, La réserve de propriété immobilière, in Le système juridique et la
société, p. 13.
445
YU Nengbin, Des études comparées de la réserve de propriété, in Études du droit,
2000, V, p.81.
369
Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière
le vendeur de l’immeuble doit procéder au transfert de la propriété à l’acheteur,
à l’inscription du transfert de propriété, à l’estimation de l’immeuble, à
l’inscription hypothécaire etc. En outre, étant donné que la propriété
immobilière est transférée par l’inscription, les parties ne peuvent pas procéder
à l’inscription que jusqu’au paiement total du prix de vente. Il suffit pour le
vendeur de refuser de procéder à l’inscription immobilière pour réserver la
propriété immobilière. La stipulation de la réserve de propriété dans le contrat
est simplement une justification légale du non-exercice de son obligation de
transférer la propriété du bien vendu. Cela ne posera donc aucun problème à
l’inscription immobilière. De surcroît, la réserve de propriété est vraiment plus
séduisante que l’hypothèque tant en termes de coûts que d’efficacités.
632. De toute façon, la disposition de la loi chinoise concernant la réserve
de propriété est loin d’être suffisante. Tenant compte de cette situation et de la
situation en droit français, la réserve de propriété en matière immobilière ne
sera pas approfondie dans la présente thèse.
370
Conclusion générale
Conclusion générale
633. La présente thèse a pour objet de comparer les systèmes de sûretés
réelles en droit français et en droit chinois.
634. Le terme de « sûreté réelle » en droit français est officiellement
employé mais n’a pas été défini par l’ordonnance du 23 mars 2006. Sur le plan
théorique, les auteurs considèrent que « les sûretés réelles sont un mécanisme
qui affecte un bien ou des biens au paiement préférentiel au créancier » (v.
supra n° 57). En droit chinois, en revanche, en disposant que « le titulaire de
droit réel de sûreté a le droit de préférence sur le bien grevé de sûreté, lorsque
le débiteur n’exécute pas son obligation échu ou lorsqu’il y a des cas de la
réalisation de l’hypothèque prévus par les parties, sauf si la loi en dispose
autrement», l’article 170 de la LDR donne expressément la définition de
« sûreté réelle ».
635. Etant qualifiées des droits réels, les sûretés réelles doivent, au moins
en principe, respecter le principe de légalité (numerus clausus), la règle de
spécialité et la règle d’indivisibilité. Une sûreté réelle est aussi l’accessoire de
la créance garantie et un droit réel sur la valeur du bien grevé.
636. En effet, les sûretés réelles regroupent plusieurs catégories de sûretés
dans les deux systèmes juridiques étudiés.
La classification officielle des sûretés réelles, et la plus importante en droit
français, se fonde sur leur assiette (et plus précisément, sur la nature de
l’assiette). Elle se distingue de la classification selon le critère du régime
(c'est-à-dire la dépossession du bien grevé), qui avait été adoptée par le
législateur français et, qui est officiellement retenue par le législateur chinois à
l’heure actuelle.
La classification suivant l’assiette prend en compte deux critères : son
étendue (les sûretés générales et les sûretés spéciales) ou sa nature (les sûretés
371
Conclusion générale
mobilières les sûretés immobilières en droit français ; à ces deux catégories
s'ajoute la sûreté de droits en droit chinois). La classification selon la nature de
l'assiette constitue la classification légale des sûretés réelles en droit français.
La classification selon le régime appliqué opère une distinction selon la
dépossession du bien grevé ou selon le critère de propriété. Dans le premier cas,
le droit français classe les sûretés réelles comme sûretés avec dépossession et
sûretés sans dépossession, alors que le droit chinois établit une distinction entre
les gages (les sûretés avec dépossession) et les hypothèques (les sûretés sans
dépossession). Quant à la classification selon le critère de propriété, les deux
systèmes juridiques distinguent les sûretés réelles ne supposant pas la propriété
et les propriétés-sûretés. Seul le critère de dépossession du bien est adopté par
le législateur chinois.
En outre, les sûretés réelles peuvent théoriquement être classées en sûretés
conventionnelles et sûretés non conventionnelles désignant les sûretés légales
et les sûretés judiciaires.
637. Les sûretés mixtes portant soit sur des meubles, soit sur des
immeubles, l’étude comparée détaillée prend donc en compte deux types de
sûretés : les sûretés mobilières et les sûretés immobilières.
638. En matière des sûretés mobilières, nous opposons les sûretés non
conventionnelles à celles conventionnelle.
Les sûretés mobilières non conventionnelles couvrent principalement les
privilèges et le droit de rétention qui sont conférées à certains créanciers ou
attachées à certaines créances hors cadre conventionnel. S’agissant des
privilèges, le droit chinois ne reconnaît que deux privilèges nommés --- sur le
navire et sur l’aéronef civil. Les autres privilèges prévus par la Loi sur la faillite
d’entreprise (LFE) sont les privilèges innomés : les privilèges instantanés qui
existent pendant toute la durée de la procédure de collectivité ; les privilèges en
liquidation qui n’existent que dans la phase de liquidation judiciaire.
372
Conclusion générale
Concernant le droit de rétention, son champ d’application a été généralisé par la
réforme française de 2006, mais sa nature de sûreté n’a pas été clarifiée ; en
droit chinois, en revanche, il constitue une sûreté indépendante depuis l’entrée
en vigueur de la Loi sur les sûretés (LS, 1995).
Les sûretés mobilières conventionnelles, qui désignent les sûretés nées des
conventions, comprennent le gage de meubles corporels, le nantissement de
meubles corporels, la réserve de propriété et la fiducie-sûreté en droit français,
dont les trois premières sont légalement reconnues en droit chinois.
Quant au gage de meubles corporels, il se divise en gage avec
dépossession et gage sans dépossession en droit français. La dépossession ou
l’inscription est toujours une condition d’opposabilité aux tiers, sauf certaines
exceptions (tels que le gage du matériel et de l’outillage et le gage sur stocks).
Alors qu’en droit chinois, la dépossession est toujours une condition de validité
pour le gage avec dépossession ; l’inscription est une condition d’opposabilité
pour l’hypothèque mobilière qui correspond au gage sans dépossession en droit
français.
En ce qui concerne le nantissement de meubles incorporels, la
dépossession ou l’inscription est aussi une condition d’opposabilité en droit
français. Cependant, ce type de sûreté est connu en droit chinois sous le nom
de « gage de droits » dû à la différence de la notion chinoise de « meubles »,
pour lequel la dépossession ou l’inscription est toujours une condition de
validité.
S’agissant de la réserve de propriété, la publicité n’est en principe pas
requise en droit français. Elle existe aussi en droit chinois, mais elle n’est pas
officiellement considérée comme une sûreté réelle.
Concernant la fiducie-sûreté, l’inscription est à la fois une condition
d’opposabilité et une condition de validité pour la fiducie-sûreté en droit
français.
373
Conclusion générale
639. En matière des sûretés immobilières, comme en matière des sûretés
mobilières, nous opposons aussi les sûretés non conventionnelles aux sûretés
conventionnelles.
Les sûretés immobilières non conventionnelles désignent les sûretés
immobilières légales et les sûretés immobilières judiciaires.
Au sein des sûretés immobilières conventionnelles, l’hypothèque joue un
rôle principal dans les deux systèmes juridiques qui sont l’objet de notre étude.
Cependant, la propriété du terrain qui est une propriété privée importante et
constitue une assiette essentielle de l’hypothèque en droit français, n’est jamais
individuelle et ne peut donc faire l’objet d’une hypothèque en droit chinois. En
l’occurrence, le droit d’usage du terrain et le bâtiment se situant sur ce terrain
constituent les assiettes les plus importantes de l’hypothèque immobilière en
droit chinois. L’inscription, qui est une condition d’opposabilité de
l’hypothèque en droit français, est à la fois une condition de validité et une
condition d’opposabilité de l’hypothèque en droit chinois. Après l’inscription
hypothécaire, c’est le principe suivant qui s’applique : le bâtiment suit la
terre (le droit d’usage du terrain) ; la terre (le droit d’usage du terrain) suit le
bâtiment.
640. Du point de vue du droit comparé, il reste principalement les
problèmes suivants à résoudre en droit chinois :
Tout d’abord, le droit chinois montre une indifférence à l’égard de la
protection des intérêts des parties faibles. Il en résulte une situation
déséquilibrée entre créanciers et débiteurs, dans la mesure où, pour renforcer la
protection des intérêts du créancier, le droit chinois méprise voire sacrifie les
intérêts du débiteur. C’est aussi la raison pour laquelle, en cas de faillite d’une
entreprise, les créances garanties par les sûretés priment toujours les privilèges
des salaires. À ce sujet, la réforme de 2006 du droit français des sûretés est
riche d’enseignement : elle reste fidèle à l’équilibre des intérêts qui constitue
374
Conclusion générale
l’un des traits majeurs de la tradition juridique française et qui maintient ou
crée des régimes de la protection des parties faibles (tel que le superprivilège
des salaires).
Ensuite, le traitement inégal entre les droits d’usage du terrain rural et
celui du terrain urbain devrait être éliminé dans la réforme à venir. Le droit
d’usage du terrain dans les zones rurales devrait pouvoir être aliéné et donc être
hypothéqué, tout comme celui dans les zones urbaines.
Enfin, pour renforcer la transparence et la sécurité du transfert de bien, un
organe unitaire chargé de l’inscription des droits réels devrait être établi dans
les plus brefs délais.
375
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ANNEXES
I – La loi de la République populaire de Chine sur les sûretés…………..389
II – La loi de la République populaire de Chine sur les droits réels…….401
388
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
I – Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
(promulguée le 30 juin 1995, appliquée le 1er octobre 1995) (extrait)
Sommaire
Chapitre I
Dispositions générales
Chapitre II
Du cautionnement
Chapitre III
De l'hypothèque
Chapitre IV
Du gage
Chapitre V
De la rétention
Chapitre VI
Des arrhes
Chapitre VII Dispositions diverses
……………………………………………………………………………………
Chapitre III
Section I
De l'hypothèque
De l’hypothèque et des choses hypothéquées
Article 33. Le terme d'hypothèque dans la présente loi signifie qu'un
débiteur ou un tiers prend (un des) biens énumérés à l'article 34 de la présente
loi, sans transmettre la possession, comme une garantie d'une créance. Si le
débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier a le droit de, conformément
aux dispositions de la présente loi, se désintéresser de manière prioritaire en
prenant en paiement le bien ou sur le prix de vente ou d'adjudication de ce bien.
Le débiteur ou tiers évoqué dans l'alinéa précédent s'appelle constituant de
l'hypothèque, le créancier s'appelle créancier hypothécaire, le bien grevé
d'hypothèque s'appelle la chose hypothéquée.
Article 34. Les biens ci-dessous sont susceptibles d'hypothèque:
(1) les bâtiments et les autres choses adhérant au sol d'une manière fixe,
qui appartiennent au constituant de l'hypothèque ;
(2) les machines, les véhicules de transport et les autres biens dont le
constituant de l'hypothèque est propriétaire ;
(3) les droits d'usage du terrain d'Etat, les bâtiments et les autres choses
adhérant au sol appartenant à l'Etat que le constituant de l'hypothèque a le droit
de disposer ;
(4) les machines, les véhicules de transports et les autres biens d'Etat que le
constituant de l'hypothèque (qui ne sont pas la propriétaire) a le droit de
disposer ;
389
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
(5) les droits d'usage des terrains en friche, y compris les montagnes, ravines,
collines, plages en friche, que le constituant de l'hypothèque ont légalement
loués, à condition que le louant consente (l'hypothèque sur ce droit) ;
(6) les autres biens susceptibles d'hypothèque selon les dispositions des lois.
Le constituant de l'hypothèque peut hypothéquer l'ensemble des biens énumérés
à l'alinéa précédent.
Article 35. La créance garantie par l'hypothèque ne peut excéder la valeur de la
chose hypothéquée.
Dans la mesure où la valeur de la chose hypothéquée excède la créance garantie
par l'hypothèque, cette chose peut être grevée d'une autre hypothèque (afin de
garantir une autre créance). Cependant, la somme de cette nouvelle créance
garantie ne peut dépasser sa valeur non grevée.
Article 36. En cas d'hypothèque d'un bâtiment sur le terrain d'Etat, on doit
hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain d'Etat qui est occupé par
ce bâtiment.
En cas d'hypothèque d'un droit d'usage du terrain d'Etat concédé, on doit
hypothéquer simultanément le bâtiment sur ce terrain.
Le droit d'usage du terrain de l'entreprise de la campagne ne peut être grevé
isolement d'hypothèque. En cas d'hypothèque d'un bâtiment de l'entreprise de la
campagne, par exemple le bâtiment de production, on doit hypothéquer
simultanément le droit d'usage du terrain occupé par le bâtiment.
Article 37. Les biens ci-dessous ne peuvent être hypothéqués :
(1) les propriétés des terrains.
(2) les droit d'usage des terrains collectifs, tels que la terre labourée, la terre
servant à la constitution d'un bâtiment, la parcelle individuelle, la montagne
individuelle, sauf les cas prévus par l'article 34, alinéa 5 et l'article 36, alinéa 3
de la présente loi.
(3) les instruments d'enseignement, médicales et les autres biens servant au
bien-être public qui appartiennent à des établissements d'utilisation publique ou
des organisations sociales ayant pour objectif le bien-être public, notamment les
établissements d'éducation, les hôpitaux, les crèches.
(4) les biens desquels le droit de propriété ou le droit d'usage n'est pas clair ou
est litigieux ;
(5) les biens scellés, saisis ou placés sous la garde;
(6) les autres biens interdits d'être hypothéqués par les lois
Section II
Du contrat hypothécaire et de l'inscription de la chose
hypothéquée
390
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Article 38. Le constituant de l'hypothèque et le créancier hypothécaire doivent
conclure le contrat d'hypothèque sous la tonne écrite
Article 39. Un contrat hypothécaire comprend les points suivants :
(l) la catégorie et la somme de la créance principale garantie par l'hypothèque;
(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ;
(3) le nom, la quantité, la qualité, l'état, le lieu et le titulaire de propriété ou de
droit d'usage de la chose hypothéquée ;
(4) l'étendue (de l'engagement) de l'hypothèque ;
(5) les autres points que les parties trouvent nécessaires.
A défaut de présenter un ou plusieurs des éléments susmentionnés, le contrat de
d'hypothèque peut être complété par les parties.
Article 40. Lorsque le créancier hypothécaire et le constituant de l'hypothèque
passent le contrat hypothécaire, ils ne peuvent stipuler qu'à défaut de paiement à
l'échéance, la propriété de la chose hypothéquée appartient au créancier
hypothécaire.
Article 41. Lorsque l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'article 42,
les parties doivent faire une inscription de la chose hypothéquée et le contrat
hypothécaire ne prend effet qu'à partir de la date de l'inscription.
Article 42. Les organes chargés d'inscription sont :
(1) établissements administratifs des terrains qui approuvent et confèrent les
titres du droit d'usage des terrains lorsque les hypothèques portent sur les
terrains sans immeubles;
(2) établissements désignés par le gouvernement soit du district, soit de
l'échelon supérieur, lorsque les hypothèques grèvent les biens fonciers dans les
zones urbaines ou les constructions des entreprises de la campagne ;
(3) établissements administratifs, soit du district, soit de l'échelon supérieur, des
forêts et bois, lorsque les hypothèques grèvent les forêts et bois ;
(4) établissements d'inscription des véhicules de transport, lorsque les
hypothèques portent sur des aéronefs, des navires, des voitures ;
(5) établissements locaux administratifs des industries et commerces, lorsque les
hypothèques portent sur des équipements et d'autres biens mobiliers
d'entreprise.
391
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Article 43. Lorsque l'hypothèque grève d'autres biens, l'inscription de la chose
hypothéquée est facultative et le contrat hypothécaire en prend effet entre les
parties dès la conclusion du contrat.
Une hypothèque sans inscription est toutefois inopposable aux tiers. Si les
parties veulent faire une inscription de la chose hypothéquée, les établissements
notariaux locaux du domicile du constituant de l'hypothèque sont ceux
d'inscription.
Article 44. Les documents ci-dessous ou leurs copies doivent être fournis aux
organes d'inscription :
(1) le contrat principal et celui d'hypothèque ;
(2) le titre de propriété ou celui du droit de l'usage.
Article 45. Les documents inscrits dans les organes d'inscription doivent
pouvoir être consultés, notés ou copiés.
Section III
De l'effet d'hypothèque
Article 46. Rentrent dans l'étendue de la garantie hypothécaire : la créance
principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la
clause pénale éventuellement stipulée, les indemnités, les dommages-intérêts et
les Irais de la réalisation du droit de l'hypothèque. Si les parties en ont convenu
autrement, leur convention prévaudra.
Article 47. Lorsque la chose hypothéquée est saisie par un Tribunal
Populaire suite au défaut du débiteur d'exécuter son obligation, le créancier
hypothécaire n'a le droit de percevoir fruits naturels et civils de la chose
hypothéquée qu'à partir du jour où cette assiette est saisie. Le créancier est
obligé d'avertir de la saisie les débiteurs des fruits civils, à défaut le droit
d'hypothèque n'étend pas à ces fruits civils.
Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent d'abord être imputés sur
les frais de leur perception.
Article 48: Lorsque la chose hypothéquée a été louée, le constituant doit
énoncer l'hypothèque au locataire sous la forme écrite, et le contrat de louage
reste en vigueur.
Article 49. Pendant l'hypothèque, lorsque le constituant de l'hypothèque
veut céder la chose hypothéquée inscrite, il doit annoncer la cession au
créancier hypothécaire et avertir le cessionnaire du fait de l'hypothèque ; la
cession est nulle s'il ne fait pas cette annonce ou cet avertissement.
392
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Si le prix de la cession de la chose hypothéquée est nettement inférieur à
sa valeur, le créancier hypothécaire peut demander au constituant de
l'hypothèque de lui offrir une autre sûreté correspondante ; si le constituant ne
lui en offre pas une, il ne peut céder la chose hypothéquée.
Le prix de la cession de la chose hypothéquée doit d'abord désintéresser la
créance garantie ou être consigné au tiers désigné par le créancier et le
constituant. La part au-delà de la créance appartient au constituant ; si le prix
est insuffisant, le créancier doit être désintéressé par le débiteur.
Article 50. Le droit d'hypothèque ne peut isolément ni être cédé ni garantir
les autres créances.
Article 51. Lorsqu'un acte du constituant de l'hypothèque est susceptible
de diminuer la valeur de l'assiette hypothéquée, le créancier hypothécaire a le
droit de lui demander d'arrêter. Et si la valeur de l'assiette hypothéquée a
diminué, le créancier a le droit de demander au constituant de la restituer ou de
lui fournir une (autre) sûreté correspondante à la baisse de valeur.
Si le constituant n'a pas commis de faute dans la diminution de la valeur
de la chose hypothéquée, le créancier ne peut lui réclamer de fournir une sûreté
que dans le cadre des dommages-intérêts ; le solde de valeur sert alors de
garantie pour la créance principale.
Article 52. Le droit d'hypothèque existe à la fois avec la créance principale
garantie par elle, si la créance principale s'éteint, le droit d'hypothèque aussi.
Section IV De la réalisation du droit d'hypothèque
Article 53. Si, à l'échéance de l'obligation, le créancier hypothécaire n'est
pas désintéressé, il peut, après accord du constituant de l'hypothèque, prendre
en paiement la chose hypothéquée ou se désintéresser sur le prix de vente ou
d'adjudication de la chose hypothéquée ; si (les parties n'ont) pas réussi à
conclure une convention, le créancier peut intenter un procès auprès de la Cour
populaire.
Après la vente à l'amiable ou l'adjudication de la chose hypothéquée ou la
prise en paiement, si le prix est supérieur à la créance garantie, la différence
appartient au constituant. S'il est inférieur, c'est le débiteur qui se charge de la
part insuffisante.
Article 54. En cas de concurrence de plusieurs hypothèques sur le même
bien, le prix provenant de la vente ou de l'adjudication les satisfait selon la
disposition suivante :
(1) Lorsque les contrats hypothécaires prennent effet dès l'inscription
393
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
hypothécaire, l'ordre de paiement suit le rang d'inscription ; si le rang est
identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances ;
(2) Lorsque les contrats hypothécaires prennent effet dès la signature du
contrat, si les hypothèques sont inscrites, l'alinéa l du présent article s'applique ;
pour les hypothèques sans inscription, leur rang est déterminé par l'ordre
d'entrée en vigueur des contrats. Si l'ordre est identique, le paiement se fait
proportionnellement aux créances. Des hypothèques inscrites priment celles
sans inscription.
Article 55. Dans le cas qu'un bien foncier dans les zones urbaines est
hypothéqué, les nouveaux bâtiments, constitués sur les terrains après la
signature du contrat hypothécaire, ne sont pas la chose hypothéquée. Lors de
l'adjudication, le bien foncier et les nouveaux bâtiments peuvent se mettre aux
enchères ensemble, mais le créancier n'a pas le droit de préférence sur le prix
des nouveaux bâtiments.
On ne peut illégalement changer la propriété de la collectivité des terrains
ni la destination des terrains après la réalisation de l'hypothèque, lorsque
l'assiette hypothéquée est le droit d'usage du terrain en friche procédé des
contrats forfaitaires ou des terrains qu'occupent les constructions des
entreprises, tels que les bâtiments de produit, dans la campagne.
Article 56. Le créancier hypothécaire n'a le droit de préférence sur le prix
de vente du droit de l'usage du terrain d'Etat alloué qu'après avoir versé la
somme correspondante aux frais de concession du droit d'usage de ce terrain.
Article 57. Après l'exercice de droit d'hypothèque, le constituant
hypothécaire, s'il avait grevé son bien d'hypothèque pour garantir la dette
d'autrui, a le droit de recours contre le débiteur garanti et de lui demander de
rembourser.
Article 58. L'hypothèque s'éteint toutes les fois que la chose hypothéquée
est détériorée ou perdue. L'indemnité pour la détérioration doit servir au bien
hypothèque pour garantir la même créance
Section V De l'hypothèque de montant maximal
Article 59. On parle d'hypothèque de montant maximal lorsque le
créancier hypothécaire et le constituant de l'hypothèque conviennent de, dans la
limite d'un montant maximal de créance, affecter la chose hypothéquée à la
garantie des créances qui se produiront successivement pendant une période
déterminée.
394
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Article 60. Des contrats de prêt peuvent être accompagnés du contrat de
l'hypothèque de montant maximal.
Des contrats de transactions successives d'un genre de marchandise
pendant une période déterminée peuvent être accompagnés du contrat de
l'hypothèque de montant maximal.
Article 61. Les créances principales garanties par l'hypothèque de montant
maximal ne peuvent être transférées. '
Article 62. L'hypothèque de montant maximal obéit aux dispositions de
cette section ainsi qu'aux autres dispositions du présent chapitre.
Chapitre IV Du gage
Section I
Du gage de meubles
Article 63. Un gage de meubles est (l'acte par lequel) le débiteur ou un
tiers transfert son bien mobilier au créancier afin de garantir une créance.
Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier, conformément à
la présente loi, aura le droit de prendre ce bien en paiement ou de se
désintéresser par préférence sur le prix de la vente ou d'adjudication de ce bien.
Ce débiteur ou tiers s'appelle constituant du gage, ce créancier s'appelle
titulaire du droit de gage (créancier gagiste), le bien mobilier s'appelle chose
gagée.
Article 64. Le constituant du gage et le créancier gagiste doivent conclure
le contrat de gage sous la forme écrite.
Le contrat de gage n'entre en vigueur qu'au moment où la chose gagée est
mise en la possession du créancier gagiste.
Article 65. Le contrat de gage doit comprendre les clauses suivantes :
(1) la catégorie et la somme de la créance principale garantie ;
(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur;
(3) le nom, la quantité, la qualité et l'état du bien gagé ;
(4) l'étendue de la garantie ;
(5) le moment de la remise du bien gagé ;
(6) les autres contenus que les parties trouvent nécessaires.
A défaut de présenter un ou plusieurs des éléments susmentionnés, le
contrat de gage peut être complété par les parties.
395
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Article 66. Dans le contrat de gage, le créancier gagiste ne peut conclure
avec le constituant du gage une convention par laquelle, à l'échéance de la dette
garantie, à défaut de paiement à l'échéance, le bien gagé appartiendra au
créancier.
Article 67. Le gage garantit (au créancier) la créance principale et ses
intérêts, les dommages intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale
éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de
conservation du bien gagé et ceux de réalisation du droit de gage, sauf si le
contrat de gage en dispose autrement.
Article 68. Sauf si le contrat du gage en dispose autrement, le créancier
gagiste a le droit de percevoir les fruits du bien gagé.
Les fruits prévus à l'alinéa précédent doivent être imputés sur les frais de
leur perception.
Article 69. Le créancier gagiste est tenu de conserver précieusement la
chose remise en gage. En cas de détérioration ou de perte causée par son
imprudence (en la conservant), il doit assumer la responsabilité civile.
Lorsque des comportements du créancier sont susceptibles d'entraîner la
perte ou la détérioration de la chose gagée, le constituant peut se prévaloir de
consigner la chose gagée ou réclamer le paiement de sa dette garantie avant la
déchéance du terme et la restitution de la chose gagée.
Article 70. S'il est possible que le bien gagé soit détérioré ou que sa valeur
diminue certainement beaucoup, si cette possibilité est suffisante pour
compromettre le droit du créancier gagiste, celui-ci peut demander au
constituant du gage de lui fournir une sûreté correspondante. Si le constituant
du gage ne lui en fournit pas une, le créancier gagiste a le droit de vendre la
chose gagée à l'amiable ou par adjudication, et puis de se désintéresser par
préférence sur le prix de vente en avance ou de le consigner chez un tiers
convenu.
Article 71. Si le débiteur a exécuté son obligation à l'échéance ou le
constituant a payé en avance la créance garantie, le créancier gagiste a
l'obligation de restituer la chose gagée.
Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation à l'échéance, le créancier
peut, par voie de convention avec le constituant du gage, prendre en paiement
la chose gagée ; il peut aussi se désintéresser sur le prix de vente ou
d'adjudication de la chose gagée.
Après la prise en paiement ou la vente à l'amiable ou par adjudication,
lorsque le prix de la chose gagée excède le montant garanti, la différence
396
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
appartient au constituant ; s'il est insuffisant pour satisfaire la créance, le
débiteur est tenu de désintéresser le créancier.
Article 72. Si le gage est donné par un tiers pour le débiteur, ce tiers aura
le droit de recours contre le débiteur après la réalisation du droit de gage.
Article 73. Le gage s'éteint toutes les fois que la chose gagée est détériorée
ou perdue. L'indemnité pour la détérioration doit servir au bien gagé (pour
garantir la même créance).
Article 74. Le gage doit exister ensemble avec la créance principale
garantie, (par conséquent,) si celle-ci s'éteint, le gage s'éteint également.
Section II
Du gage de droits
Article 75. Les droits suivants sont susceptibles d'être grevés de gage :
(1) la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le
certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt, le connaissement ;
(2) les parts transférables et les actions transférables ;
(3) les droits patrimoniaux transférables du droit d'exclusion (d'utilisation)
de marque commerciale, du droit de brevet d'invention et du droit d'auteur ;
(4) les autres droits suivant les autres lois ou les règlements administratifs.
Article 76. Lorsque le gage porte sur la lettre de change, le chèque, le
billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé
d'entrepôt, ou le connaissement, le constituant doit, conformément au délai fixé
dans le contrat, transférer au créancier le titre de droit. Le contrat de gage entre
en vigueur à partir du jour du transfert du titre.
Article 77. Si la date d'échéance ou de la prise de livraison de la lettre de
change, du chèque, du billet à ordre, des obligations, du certificat de placement
(d'épargne), du récépissé d'entrepôt ou du connaissement arrive avant
l'échéance de l'obligation principale, le créancier peut le(s) encaisser ou prendre
la livraison à la date prévue, et, par conséquent, il peut, avec l'accord du
constituant du gage, se désintéresser sur le prix encaissé ou les marchandises
prises ou les consigner au tiers convenu par le constituant du gage.
Article 78. Lorsque le gage porte sur les actions transférables, le
constituant et le créancier gagiste doivent conclure le contrat de gage sous la
forme écrite et faire l'inscription de gage auprès du bureau d'inscription des
titres. Le contrat de gage entre en vigueur dès l'inscription de gage.
Après la constitution du gage, les actions ne peuvent être cédées, sauf si le
397
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Si le constituant
transfert les actions, le prix de transfert doit servir à payer en avance au
créancier la dette (garantie) ou (le) consigner au tiers convenu.
Dans le cas où le gage porte sur les parts de S.A.R.L. s'appliquent les
dispositions relatives au transfert des actions dans la Loi sur les Sociétés. (En
ce cas,) le contrat du gage entre en vigueur depuis le jour de l'inscription du
gage faite sur le registre d'actionnaire.
Article 79. Lorsque le gage porte sur un ou des droits patrimoniaux
transférables du droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, du
droit de brevet d'invention et du droit d'auteur, les parties doivent conclure le
contrat de gage sous la forme écrite et faire l'inscription auprès des autorités
administratives concernées. Le contrat de gage entre en vigueur à partir du jour
où s'effectue l'inscription de gage.
Article 80. Si le gage porte sur un ou des droits prévus à l'article 79 dans la
présente loi, après la constitution du gage, le constituant ne peut transférer ni
permettre aux autres de le(s) utiliser, sauf si le constituant et le créancier gagiste
en conviennent autrement. Lorsque le constituant le(s) transmet ou permet aux
autres personnes de le(s) utiliser, le prix doit servir à payer en avance au
créancier la dette (garantie) ou être consigné au tiers.
Article 81. En dehors de l'application des dispositions de cette section, le
gage de droit se réfère aux dispositions relatives au gage de meubles dans la
première section du présent chapitre.
Chapitre V De la rétention
Article 82. Rétention, dans la présente loi, signifie que, lorsque, par
application de l'article 84, le créancier, selon les stipulations contractuelles, se
trouve en possession d'un meuble du débiteur, si le débiteur n'exécute pas son
obligation dans le délai convenu, le créancier a le droit, conformément à la
présente loi, de retenir le bien et de se désintéresser de manière prioritaire en
prenant en paiement ce bien ou sur le prix de vente ou d'adjudication de
celui-ci.
Article 83. L'étendue (de l'engagement) du droit de rétention comprend la
créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement
selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que
les frais de la conservation de la chose retenue et ceux de la réalisation du droit
de rétention.
398
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Article 84. Lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations à l'échéance,
le créancier, dont la créance procédée des contrats de dépôt, de transport, (ou)
de façonnage, (peut) avoir le droit de rétention.
Si les autres lois permettent expressément aux créanciers dans le cadre
d'autres contrats de réclamer le droit de rétention, l'alinéa précédent s'y
applique10.
Les parties peuvent dans le contrat convenir d'exclure certains biens de la
rétention.
Article 85. Si le bien détenu est divisible, le créancier ne peut retenir
qu'une partie du bien dont la valeur est équivalente à la somme de la dette.
Article 86. Le rétenteur est obligé de conserver avec soin la chose retenue.
Il doit supporter la responsabilité civile pour la perte ou la détérioration de la
chose causée par son imprudence en la conservant.
Article 87. Le créancier et le débiteur doivent conclure dans leur contrat
que le débiteur doit exécuter son obligation pendant au moins deux mois à
partir la rétention de la chose faite par le créancier. S'ils n'en conviennent pas,
le créancier doit désigner un délai au moins de deux mois à partir de sa
rétention de la chose et avertir au débiteur d'exécuter son obligation pendant ce
délai.
A l'échéance de ce délai, le créancier peut se désintéresser en prenant en
paiement la chose retenue avec l'accord du débiteur ou en manière de la vendre
ou de la mettre aux enchères.
Dans le cas de l'alinéa 2 de cet article, si le prise en paiement ou le prix de
vente excède la somme de la créance, le créancier doit verser la différence au
débiteur ; si cela est insuffisant, le débiteur doit désintéresser le créancier.
Article 88. Le droit de rétention s'éteint si:
(l) la créance s'éteint ;
(2) (ou si) le débiteur fournit une autre sûreté et le créancier l’accepte.
Chapitre VI
Des arrhes
……………………………………………………………………………………
Chapitre VII
Dispositions diverses
Article 92. L'expression d'« immeuble » employée dans la présente loi
indique les terrains et les choses adhérant au sol d'une manière fixe telles que
les bâtiments, les bois et la forêt.
399
Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés
Les meubles indiquent toutes les autres choses qui ne sont pas immeubles.
Article 93. Le contrat de cautionnement, d'hypothèque, de gage ou d'arrhes
organisé par la présenté loi peut s'avérer un contrat indépendant sous une forme
écrite, par exemple les lettres ou fac-similés entre les parties en matière de
sûreté ou une clause de sûreté dans le contrat principal.
Article 94. On doit se référer au prix du marché, lorsque l'on vend les
choses hypothéquées, gagées ou retenues ou lors que l'on les prend en
paiement.
Article 95. Lorsque la Loi sur le commerce maritime ou les autres lois
fixent les règles spéciales relatives aux sûretés, celles-ci s'appliquent.
Article 96. La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 1995.
400
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
(promulguée le 16 mars 2007, appliquée le 1er octobre 2007) (extrait)
Sommaire
Livre I. Partie générale
Chapitre 1. Principaux généraux
Chapitre 2. Constitution, modification, transfert et extinction des droits réels
Section 1. Inscription immobilière
Section 2. Remise du meuble
Section 3. D'autres dispositions
Chapitre 3. Protection des droits réels
Livre II. Propriété
Chapitre 4. Dispositions générales
Chapitre 5. Propriétés d'Etat, propriétés de collectivité et propriétés d'individu
Chapitre 6. Propriété d'immeuble divisé
Chapitre 7. Voisinage
Chapitre 8. Copropriété
Chapitre 9. Dispositions spéciales relatives à l'acquisition de la propriété
Livre III. Droits réels d'usage
Chapitre 10. Dispositions générales
Chapitre 11. Droit forfaitaire d'exploitation du terrain
Chapitre 12. Droit d'usage du terrain pour la construction
Chapitre 13. Droit d'usage de base des appartements
Chapitre 14. Servitude foncière
Livre IV. Droits réels des sûretés
Chapitre 15. Dispositions générales
Chapitre 16. Droit d'hypothèque
Section 1. Droit d'hypothèque ordinaire
Section 2. Droit d'hypothèque de montant maximal
Chapitre 17. Droit de gage
Section 1. Droit de gage de meubles
Section 2. Droit de gage de droits
Chapitre 18. Droit de rétention
Livre V. Possession
Chapitre 19. Possession
401
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
……………………………………………………………………………………
Livre IV. Droits réels des sûretés
Chapitre 15
Dispositions générales
Article 170. Le titulaire de droit réel de sûreté a le droit de préférence sur
le bien grevé de sûreté, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue
ou lorsqu'il y a des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties,
sauf si la loi en dispose autrement.
Article 171. Dans le cadre des activités civiles telles que le prêt-emprunt,
la vente-achat, si le créancier en a besoin, on peut, conformément aux
dispositions de la présente loi et d'autres lois, constituer des sûretés réelles pour
garantir la réalisation de la créance.
Lorsqu'un tiers fournit une sûreté au créancier pour le débiteur, il peut
demander au débiteur une contre-sûreté. Les dispositions de la présente loi et
d'autres lois s'appliquent à la contre-sûreté.
Article 172. Pour constituer un droit réel de sûreté, on doit, conformément
aux dispositions de la présente loi et d'autres lois, conclure le contrat de sûreté.
Le contrat de sûreté est l'accessoire du contrat principal. Si le contrat principal
est nul, le contrat de sûreté aussi, sauf si la loi en dispose autrement.
Lors de la nullité d'un contrat de sûreté, au cas où le débiteur, le garant et
le créancier sont fautifs, ils assument respectivement leurs responsabilités
civiles selon leurs fautes.
Article 173. Rentrent dans l'étendue garantie par le droit réel de sûreté : la
créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement
selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que
les frais de conservation de l'assiette et ceux de réalisation du droit de sûreté
réelle. Si les parties en ont convenu autrement, leur convention prévaudra.
Article 174. Si le bien grevé de garantie est détérioré, endommagé, perdu
ou exproprié etc., le titulaire du droit de sûreté réelle pourra se faire payer par
préférence sur les indemnités d'assurance, les indemnités, ou les
remboursements etc. Si la créance n'échoit pas, on peut également consigner les
indemnités d'assurance, indemnités ou remboursements, etc.
Article 175. Lorsqu'une sûreté est fournie par un tiers, si, sans le
consentement écrit de la part de celui-ci, le créancier permet au débiteur de
transférer, totalement ou partiellement, ses obligations, le garant ne supportera
plus la responsabilité correspondante.
402
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
Article 176. Si la créance est garantie à la fois par une sûreté réelle et une
sûreté personnelle, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou
lorsqu'il y a des cas de réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le
créancier est obligé, conformément à la convention, s'il en y a, de réaliser son
droit de créance ; en l'absence de convention ou de stipulation claire ( à l'égard
de la réalisation), dans le cas où la sûreté porte sur un ou plusieurs biens
propres du débiteur, le créancier doit se faire payer sa créance préalablement
sur cette sûreté ; en cas où la sûreté réelle est offerte par un tiers, le créancier
peut satisfaire sa créance sur la sûreté réelle, et il peut aussi obliger la caution à
supporter la responsabilité de cautionnement. Le tiers fournissant une sûreté,
après avoir supporté la responsabilité de sûreté, a le recours contre le débiteur.
Article 177. Le droit réel de sûreté s'éteint, dans l'une quelconque des
circonstances suivantes :
(1) La créance principale s'éteint ;
(2) La créance principale est réalisée ;
(3) Le créancier renonce au droit réel de sûreté ;
(4) Les autres cas prévus par la loi.
Article 178. Lorsque les dispositions de la Loi sur les sûretés contredisent
celles de la présente loi, celles de la présente loi s'appliquent.
Chapitre 16
Section 1
Droit d'hypothèque
Droit d'hypothèque ordinaire
Article 179. Lorsque, pour garantir l'exécution des obligations, le débiteur
ou un tiers hypothèque son bien, sans transmettre la possession, envers le
créancier, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si apparaissent
des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier aura
le droit de se désintéresser par préférence sur le bien grevé.
Ce débiteur ou tiers prévu dans l'alinéa précédent s'appelle constituant de
l'hypothèque, le créancier s'appelle titulaire du droit d'hypothèque, le bien grevé
d'hypothèque s'appelle le bien hypothéqué.
Article 180. Les biens suivants peuvent être grevés d'hypothèque, à
condition que le débiteur ou le tiers aient le droit d'en disposer :
(1) la construction et les autres choses adhérant au sol d'une manière fixe;
(2) le droit d'usage du terrain pour la construction ;
(3) le droit forfaitaire d'exploitation du terrain en friche qui est attribué au
403
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
moyen d'appel d'offre, d'adjudication, ou de négociation publique ;
(4) la machine de production, les matières premières, produits semi-finis et
produits finis ;
(5) la construction, le navire ou l'aéronef qui est en train de se faire (d'être
construit) ;
(6) les véhicules;
(7) Selon les lois et les règlements administratifs, les autres biens qui ne
sont pas soumis à une interdiction d'hypothèque peuvent être hypothéqués
Le constituant de l'hypothèque peut hypothéquer l'ensemble des biens
énumérés à l'alinéa précédent.
Article 181. Dans le cas d'une convention écrite, une entreprise, une
famille individuelle industrielle et commerciale (个体工商户/ge ti gong shang
hu) ou un exploitant agricole peut hypothéquer ses machines de production,
matières premières, produits semi-finis et produits finis, présents ou futurs, si le
débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de
l'hypothèque prévus par les parties se présentent, le créancier aura le droit de se
désintéresser par préférence sur les meubles au moment de la réalisation de son
droit d'hypothèque.
Article 182. Dans le cas d'une hypothèque sur construction, on doit
hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain pour la construction qui
est occupé par elle. Dans le cas d'une hypothèque sur le droit d'usage du terrain
pour la construction, on doit hypothéquer simultanément la construction sur ce
terrain.
Si le constituant de l'hypothèque n'a pas constitué l'hypothèque suivant
l'alinéa précédent, le bien non grevé est réputé être simultanément hypothéqué.
Article 183. Le droit d'usage du terrain pour la construction de l'entreprise
de la campagne ne peut être grevé isolement d'hypothèque. En cas
d'hypothèque d'une des constructions de l'entreprise dans la campagne, par
exemple le bâtiment de production, on doit hypothéquer simultanément le droit
d'usage du terrain pour la construction occupé par cette construction.
Article 184. Les biens ci-dessous ne peuvent être hypothéqués:
(1) les propriétés des terrains ;
(2) les droits d'usage du terrain collectif rural, tels que la terre labourée, la
terre servant à la constitution d'un bâtiment, la parcelle individuelle, la
montagne individuelle.
(3) les instruments d'enseignement, médicales et les autres biens servant
au bien-être public qui appartiennent à des établissements d'utilisation publique
ou des organisations sociales fondées en vue du bien-être public, notamment les
404
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
établissements d'éducation, les hôpitaux, les crèches.
(4) les biens desquels le droit de propriété ou le droit d'usage n'est pas clair
ou est litigieux ;
(5) les biens scellés, saisis ou placés sous garde ;
(6) les autres biens interdits d'être hypothéqués par les lois ou les
règlements administratifs.
Article 185. Pour constituer le droit de l'hypothèque, les parties doivent
conclure le contrat hypothécaire sous la forme écrite.
Le contrat hypothécaire généralement comprend les clauses suivantes :
(l) la catégorie et la somme de la créance principale garantie par
l'hypothèque;
(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ;
(3) le nom, la quantité, la qualité, l'état, le lieu et le titulaire de propriété
ou de droit d'usage du bien hypothéqué ;
(4) l'étendue (de l'engagement) de l'hypothèque ;
Article 186. Avant l'échéance de la dette garantie, le créancier ne peut faire
de conventions avec le constituant de l'hypothèque selon lesquelles, à défaut de
paiement à l'échéance, le bien grevé d'hypothèque appartient au créancier.
Article 187. L'inscription hypothécaire est exigée lorsque l'hypothèque
porte sur un des biens énumérés à l'alinéa 1 (1) - (3) de l'article 180 de la
présente loi ou sur la construction en cours prévue par l'alinéa 1 (5) de même
article. Le droit d'hypothèque se constitue dès l'inscription hypothécaire.
Article 188. Si l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'alinéa 1 (4)
- (6) de l'article 180 de la présente loi ou sur le navire ou l'aéronef qui est en
train de se faire prévu par l'alinéa 1 (5) du même article, le droit d'hypothèque
se constitue dès la conclusion du contrat hypothécaire ; en l'absence
d'inscription, (le droit d'hypothèque) n'est pas opposable aux tiers.
Article 189. Lorsque l'entreprise, la famille individuelle industrielle et
commerciale (个体工商户/ ge ti gong shcmg hit) ou l'exploitant agricole
hypothèque les meubles prévus à l'article 181 de la présente loi, on doit
inscrire l'hypothèque à l'établissement administratif des industries et
commerces du lieu du domicile du constituant de l'hypothèque. Le droit
d'hypothèque se constitue dès la conclusion du contrat hypothécaire ; en
l'absence d'inscription, (le droit d'hypothèque) n'est pas opposable aux tiers.
L'hypothèque prévue par l'article 181 de la présente loi est inopposable au
tiers acheteur qui, au cours de l'exploitation normale de l'entreprise ou du
405
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
commerçant, a payé, à un prix raisonnable, un des biens grevés et qui (ce tiers
acheteur) l'a (déjà) acquit.
Article 190. Si le bien hypothéqué a été déjà mis en location avant la
conclusion du contrat hypothécaire, cette relation de location n'est pas
influencée par le droit d'hypothèque. Si le bien hypothéqué est mis en location
après la constitution de l'hypothèque, la relation de location est inopposable au
droit d'hypothèque déjà inscrit.
Article 191. Pendant l'hypothèque, le constituant de l'hypothèque peut
aliéner son bien qu'avec le consentement du créancier, le prix de la cession doit
être payé par avance la créance hypothécaire ou être consigné au tiers. La part
dépassant la créance appartient au constituant ; si le prix est insuffisant, le
créancier doit être désintéressé par le débiteur.
Le constituant de l'hypothèque ne peut aliéner son bien qu'à condition du
consentement du créancier, sauf si le tiers détenteur paye la dette à sa place (le
débiteur) en vue d'éteindre le droit d'hypothèque.
Article 192. Le droit d'hypothèque ne peut isolément être cédé ni garantir
les autres créances. Si la créance (hypothécaire) est cédée, le droit d'hypothèque
doit être cédé avec elle, sauf si la loi ou la convention en dispose autrement.
Article 193. Lorsqu'un acte du constituant de l'hypothèque est susceptible
de diminuer la valeur du bien hypothéqué, le créancier hypothécaire a le droit
de lui demander d'arrêter. Et si la valeur de l'assiette hypothéquée a diminué, le
créancier a le droit de demander au constituant de la restituer ou de lui fournir
une (autre) sûreté correspondante à la baisse de valeur. Si cette demande est
refusée par le constituant, le créancier peut demander au débiteur d'exercer ses
obligations avant l'échéance de la dette garantie.
Article 194. Le créancier hypothécaire peut renoncer à son droit
d'hypothèque ou à son antériorité en rang. Le créancier hypothécaire et le
constituant d'hypothèque peuvent modifier par convention le rang hypothécaire
et la somme garantie par l'hypothèque, mais, à défaut d'accord écrit des autres
créanciers, la modification ne peut résulter d'influence défavorable aux autres
créanciers.
Lorsqu'un droit d'hypothèque porte sur le bien propre du débiteur, si le
créancier renonce à ce droit d'hypothèque ou à son antériorité en rang ou s'il
modifie ce droit d'hypothèque, les autres garants auront le droit de dispenser
leurs engagements de garantie dans le cadre de droit de préférence perte de la
part de créancier, sauf si le garant promet de tenir encore son engagement de
garantie (après la renonciation).
406
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
Article 195. Si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou s'il y a
des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier
hypothécaire peut, avec l'accord du constituant de l'hypothèque, prendre en
paiement le bien hypothéqué ou se désintéresser du prix de vente ou
d'adjudication du bien hypothéqué. Si la convention (relative à la réalisation du
droit d'hypothèque) cause des préjudices aux autres créanciers, ceux-ci pourront
demander en justice de la révoquer pendant un an à compter du moment où il a
appris ou aurait du apprendre la survenance de la cause de révocation.
Si le constituant de l'hypothèque et le créancier hypothécaire n'ont pas fait
une convention du moyen de la réalisation de l'hypothèque, le créancier peut
demander à la Cour populaire de vendre à l'amiable ou par adjudication le bien
hypothéqué.
On doit se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien
hypothéqué ou si on le prend en paiement.
Article 196. Lorsque l'hypothèque se constitue conformément à l'article
181 de la présente loi, les biens hypothécaires sont fixés dès l'apparition d'un
des cas suivants :
(1) la créance n'est pas réalisée à l'échéance de l'exécution de l'obligation ;
(2) le constituant est déclaré en faillite ou supprimé ;
(3) un des cas prévus par les parties apparaissent ;
(4) d'autres cas aggravant fortement la réalisation de la créance se
réalisent.
Article 197. Lorsque le bien hypothéqué est saisi par la Cour populaire
suite au fait que le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de
la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, à partir du
jour où la saisie est pratiquée, le créancier hypothécaire a le droit de percevoir
les fruits naturels et civils du bien hypothéqué, sauf si le créancier n'a pas averti
(de la saisie) les débiteurs des fruits civils.
Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent d'abord être imputés sur
les frais de leur perception.
Article 198. Après la vente à l'amiable ou l'adjudication du bien
hypothéqué ou la prise en paiement, si le prix est supérieur à la créance garantie,
la différence appartient au constituant. S'il est inférieur, le débiteur se charge de
la paît insuffisante.
Article 199. En cas de concurrence de plusieurs hypothèques sur le même
bien, le prix provenant de la vente ou de l'adjudication les satisfait selon la
disposition suivante :
(1) Lorsque les droits d'hypothèque sont déjà inscrits, l'ordre de paiement
407
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
suit le rang d'inscription; si le rang est identique, le paiement se fait
proportionnellement aux créances ;
(2) Les droits d'hypothèque inscrits priment les droits d'inscription non
inscrits ;
(3) Si les droits d'hypothèque ne sont pas inscrits, le paiement s'effectue
proportionnément aux créances.
Article 200. Après la constitution de l'hypothèque portant sur le droit
d'usage du terrain pour la constitution, la nouvelle construction établie sur le sol
n'est pas le bien hypothéqué. Lors de la réalisation du droit d'hypothèque, le
droit d'usage du terrain pour la constitution hypothéquée et la nouvelle
construction doivent être disposées ensemble. Cependant, le créancier n'a pas
de droit de préférence sur le prix de la nouvelle construction.
Article 201. Lorsque l'hypothèque se constitue, aux termes de l'article 180,
alinéa 1 (3) de cette loi, sur le droit forfaitaire d'exploitation du terrain, ou
lorsqu'elle porte, selon l'article 183 de la présente loi, sur le droit d'usage pour
la constitution du terrain occupé par des constructions de l'entreprise en
campagne, après la réalisation du droit d'hypothèque, en l'absence de procédure
légale, on ne pourra changer ni la nature de propriété des terrains, ni la
destination des terrains.
Article 202. Le créancier hypothécaire doit exercer son droit d'hypothèque
avant l'expiration du délai de prescription ; s'il ne le tait pas, le tribunal ne le
protège plus.
Section 2
Droit d'hypothèque de montant maximal
Article 203. Lorsque, pour garantir l'exécution des obligations, le débiteur
ou un tiers affecte un ou plusieurs biens à la garantie des créances qui se
produiront pendant une période déterminée, si le débiteur n'exécute pas son
obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les
parties se présentent, le créancier aura le droit de, dans la limite du montant
maximal, se désintéresser par préférence sur le bien grevé.
Il se peut que les créances qui se sont produites avant la constitution de
l'hypothèque de montant maximal rentrent dans le cadre des créances garanties
par elle, à condition que les parties y consentent.
Article 204. Avant la fixation des créances garanties par l'hypothèque de
montant maximal, si des créances garanties par l'hypothèque de montant
maximal sont partiellement cédées, l'hypothèque de montant maximal ne peut
être cédée, sauf si les parties en disposent autrement.
408
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
Article 205. Avant la fixation des créances garanties par l'hypothèque de
montant maximal, les parties au contrat d'hypothèque de montant maximal
peuvent conventionnellement modifier le délai de liquidation des créances,
l'étendue des créances garanties et le montant maximal, à condition que la
modification ne puisse défavoriser les autres créanciers hypothécaires.
Article 206. Les créances du titulaire du droit d'hypothèque se fixent dans
l'une des circonstances suivantes :
(1) Le délai convenu de fixation des créances s'échoit ;
(2) En l'absence de convention ou de stipulation claire à l'égard du délai de
fixation des créances, le créancier hypothécaire ou le constituant a le droit de
demander de fixer les créances après deux ans à compter de la date de
constitution de l'hypothèque de montant maximal ;
(3) La naissance d'une nouvelle créance se voit impossible ;
(4) Le bien hypothéqué est scellé ou saisie ;
(5) Le constituant de l'hypothèque est déclaré en faillite ou supprimé ;
(6) Les autres cas prévus par les lois.
Article 207. L'hypothèque de montant limité, en dehors de l'application
des dispositions de cette section, se réfère aux dispositions relatives à
l'hypothèque ordinaire dans la première section du présent chapitre.
Chapitre 17
Section 1
Droit de gage
Droit de gage de meubles
Article 208. Lorsque, pour garantir l'exécution d'obligation, le débiteur ou
un tiers offre en gage son bien mobilier (et transfert) sa possession au créancier,
lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou qu'il y a des cas de la
réalisation du droit de gage prévus par les parties, le créancier aura le droit de
se désintéresser par préférence sur ce meuble.
Le débiteur ou tiers prévu à l'alinéa précédent est le constituant du gage, le
créancier est le titulaire du droit de gage (créancier gagiste). Le bien remis est
le bien gagé.
Article 209. Les meubles interdits d'être aliénés par les lois ou les
règlements administratifs ne sont pas susceptibles d'être gagés.
Article 210. Pour constituer le droit de gage, les parties doivent conclure le
409
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
contrat de gage sous la forme écrite.
Le contrat de gage généralement comprend les clauses suivantes :
(1) la catégorie et la somme de la créance principale garantie ;
(2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ;
(3) le nom, la quantité, la qualité et l'état du bien gagé ;
(4) l'étendue de la garantie ;
(5) le moment de la remise du bien gagé.
Article 211. Avant l'échéance de la dette garantie, le créancier gagiste ne
peut conclure avec le constituant du gage une convention par laquelle, à défaut
de paiement à l'échéance, le bien gagé appartiendra au créancier.
Article 212. Le droit de gage entre en vigueur dès la remise du bien gagé
par le constituant.
Article 213. Le créancier gagiste a le droit de percevoir les fruits du bien
gagé, sauf convention contraire.
Les fruits prévus à l'alinéa précédent doivent être imputés sur les frais de
leur perception.
Article 214. Sauf accord du constituant du gage, le créancier gagiste n'a
pas le droit d'user et de disposer du bien gagé, sous peine de responsabilité de
réparation des dommages causés par son use ou de sa disposition.
Article 215. Le créancier gagiste est tenu de conserver précieusement le
bien remis en gage. En cas de détérioration ou de perte imputable à son
imprudence, il est responsable de la réparation des dommages subis par le
constituant du gage.
Lorsque des comportements du créancier sont susceptibles d'entraîner la
perte ou la détérioration du bien gagé, le constituant peut se prévaloir de
consigner le bien gagé ou réclamer le paiement de sa dette garantie avant
l'échéance du terme et la restitution du bien gagé.
Article 216. S'il est possible que le bien gagé soit détérioré ou que sa
valeur diminue certainement beaucoup, si cette possibilité est entrainée par une
cause non imputable au créancier, si elle est suffisante pour compromettre le
droit du créancier gagiste, celui-ci peut demander au constituant du gage de lui
fournir une sûreté correspondante. Si le constituant du gage ne lui en fournit
pas une, le créancier gagiste a le droit de vendre le bien gagé à l'amiable ou par
adjudication, et puis, par voie de convention avec le constituant, de se
désintéresser par préférence sur le prix de vente en avance ou de le consigner.
410
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
Article 217. Sauf accord du constituant du gage, le créancier gagiste n'a
pas le droit de donner en gage le bien gagé, sous peine de responsabilité de
réparation des dommages subis par le constituant du gage.
Article 218. Le créancier gagiste peut renoncer à son droit de gage.
Lorsqu'un droit de gage porte sur le bien propre du débiteur, si le créancier
renonce à ce droit de gage, les autres garants auront le droit de dispenser leurs
engagements de garantie dans le cadre de droit de préférence perte de la part du
créancier, sauf si le garant promet à nouveau de tenir son engagement de
garantie (après la renonciation).
Article 219. Si le débiteur a exécuté son obligation ou le constituant a payé
en avance la créance garantie, le créancier gagiste a l'obligation de restituer le
bien gagé.
Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou que des cas de
la réalisation du droit de gage prévus par les parties se présentent, le créancier
peut, par voie de convention avec le constituant du gage, prendre en paiement
le bien gagé ; il peut aussi se désintéresser du prix de vente ou d'adjudication du
bien gagé.
On doit se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien
gagé ou lorsqu'on le prend en paiement.
Article 220. Le constituant du gage peut demander au créancier gagiste
d'exercer promptement le droit de gage après l'échéance de la dette garantie. Si
le créancier ne l'exerce pas, le constituant a le droit de demander en justice de
vendre le bien gagé à l'amiable ou par adjudication.
Si le constituant demande au créancier de promptement exercer le droit de
gage, le créancier sera tenu de réparer les dommages-intérêts causés par son
retard.
Article 221. Après la prise en paiement ou la vente à l'amiable ou par
adjudication, lorsque le prix du bien gagé excède le montant garanti, la
différence appartient au constituant ; s'il est insuffisant pour satisfaire la
créance, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier.
Article 222. Le constituant du gage et le créancier gagiste peuvent
convenir de constituer le gage de montant maximal.
En référence aux dispositions relatives à l'hypothèque de montant maximal
dans la deuxième section du seizième chapitre, les dispositions de cette section
s'appliquent au gage de montant maximal.
411
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
Section 2. Droit de gage de droits
Article 223. Le débiteur ou un tiers peux donner en gage un ou plusieurs
de ces droits suivants à condition qu'il ait le droit d'en disposer :
(1) la lettre de change, le chèque, le billet à ordre ;
(2) les obligations, le certificat de placement (d'épargne) ;
(3) le récépissé d'entrepôt, le connaissement ;
(4) les parts sociales transférables et les parts du fond transférables ;
(5) les droits patrimoniaux transférables de propriété intellectuelle, tels
que le droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, le droit de
brevet d'invention et le droit d'auteur ;
(6) les effets à recevoir ;
(7) les autres droits spécifiquement prévus par les lois ou les règlements
administratifs.
Article 224. Lorsque le gage porte sur la lettre de change, le chèque, le
billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé
d'entrepôt ou le connaissement, les parties doivent conclure le contrat de gage
sous la forme écrite. Le droit de gage se constitue à partir du moment de la
remise au créancier du titre de droit ; à défaut de titre de droit, le droit de gage
se constitue dès le moment de l'inscription de gage auprès des autorités
compétentes.
Article 225. Si la date d'échéance ou de la prise de livraison de la lettre de
change, du chèque, du billet à ordre, des obligations, du certificat de placement
(d'épargne), du récépissé d'entrepôt ou du connaissement arrive avant
l'échéance de l'obligation principale, le créancier peut le(s) encaisser ou prendre
la livraison à la date prévue, et, par conséquent, il peut, avec l'accord du
constituant du gage, se désintéresser sur le prix encaissé ou les marchandises
prises ou les consigner au tiers convenu par le constituant du gage.
Article 226. Lorsque le gage porte sur les parts du fonds ou les parts
sociales, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite. Si
le gage porte sur les parts du fonds ou sur les parts sociales inscrites auprès du
bureau d'inscription des titres, le droit de gage se constitue dès l'inscription de
gage faite auprès du bureau d'inscription des titres ; si le gage porte sur les
autres parts, le droit de gage se constitue dès l'inscription de gage auprès du
bureau administratif des industries et commerces.
Après la constitution du gage, les parts sociales ou les parts du fonds ne
peuvent être cédées, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent
autrement. Si le constituant du gage transfert les parts du fonds ou les parts
sociales, il est obligé de payer sur le prix de transfert en avance au créancier la
412
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
dette (garantie) ou (le) consigner au tiers.
Article 227. Lorsque le gage porte sur un ou plusieurs droits patrimoniaux
transférables de propriété intellectuelle, tels que le droit d'exclusion
(d'utilisation) de marque commerciale, le droit de brevet d'invention et le droit
d'auteur, les parties doivent conclure le contrat de gage sous forme écrite. Le
droit de gage se constitue à partir du moment où s'effectue l'inscription de gage
auprès des autorités administratives concernées.
Après la constitution du gage, le constituant du gage ne peut les
transmettre ni permettre à d'autres personnes de le(s) utiliser, sauf si le
constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Lorsque le
constituant le(s) transmet ou permet à d'autres personnes de le(s) utiliser, le prix
doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou être consigné au
tiers.
Article 228. Lorsque le gage porte sur les effets à recevoir, les parties
doivent conclure le contrat de gage sous forme écrite. Le droit de gage se
constitue dès le moment où l'inscription de gage se fait auprès de l'organe de
notation du crédit.
Après la constitution du gage, le constituant ne peut transférer ses effets à
recevoir, sauf convention contraire. Lorsque le constituant transfert les effets à
recevoir, il doit payer en avance au créancier la dette (garantie) sur le prix de
transfert ou (le) consigner au tiers.
Article 229. En dehors de l'application des dispositions de cette section, le
gage de droit se réfère aux dispositions relatives au gage de meubles dans la
première section du présent chapitre.
Chapitre 18
Droit de rétention
Article 230. Lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations à l'échéance,
le créancier peut retenir le meuble du débiteur qu'il a légitimement possédé et il
a le droit de se désintéresser par préférence sur ce meuble.
Le créancier évoqué dans l'alinéa précédent est le titulaire du droit de
rétention (au sens de rétenteur), le meuble possédé est le bien retenu.
Article 231. Le bien détenu par le créancier et la créance garantie doivent
se rattacher à un même rapport juridique, sauf en cas de rétention entre les
entreprises.
Article 232. Les biens interdits d'être retenus par la loi ou par la
convention passée entre les parties ne peuvent être retenus.
413
Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels
Article 233. Si le bien détenu est divisible, le créancier ne peut retenir
qu'une partie du bien dont la valeur est équivalente à la somme de la dette.
Article 234. Le rétenteur est obligé de conserver avec soin le bien retenu ;
s'il ne satisfait pas à son obligation de conservation et si cela cause la perte ou
la détérioration du bien retenu, il doit supporter la responsabilité des
dommages-intérêts.
Article 235. Le rétenteur a le droit de percevoir les fruits du bien retenu.
Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent être préalablement
imputés aux frais servant à les percevoir.
Article 236. Le rétenteur et le débiteur doivent convenir du délai de
l'exécution de l'obligation après que le bien a été retenu ; à défaut de
convention ou de convention claire à cet égard, le rétenteur doit prévoir un
délai d'au moins deux mois, sauf si les meubles de caractères, notamment
périssables ou altérables, défavorisant leur conservation. Si le débiteur
n'exécute pas son obligation après ce délai, le rétenteur peut, avec l'accord du
constituant de l'hypothèque, prendre en paiement le bien retenu ou se
désintéresser du prix de vente à l'amiable ou par adjudication du bien retenu.
Il faut se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien
hypothéqué ou lorsqu'on le prend en paiement.
Article 237. Le débiteur peut demander au rétenteur d'exercer le droit de
rétention après l'échéance de la dette garantie. Si le créancier ne l'exerce pas, le
débiteur a le droit de demander en justice de vendre le bien retenu à l'amiable
ou par adjudication.
Article 238. Après la prise en paiement ou la vente, lorsque le prix du bien
retenu excède le montant de la créance, la différence appartient au débiteur ; s'il
est insuffisant, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier.
Article 239. Lorsqu'un droit d’hypothèque ou droit de gage s'est déjà
constitué sur un bien, si celui-ci est retenu, le rétenteur se fera payer par
préférence.
Article 240. Le droit de rétention s'éteint, lorsque le créancier perd la
détention du bien retenu, ou lorsque le débiteur fournit une autre sûreté et le
créancier l'accepte.
414
INDEX ALPHABETIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes)
A
Adjudication volontaire, 578
Apparence, 83, 243, 531, 538
Attribution judiciaire, 362, 366, 522 s., 573 s.
B
Bonne foi, 171, 177, 226, 243 s., 290, 309, 419, 427, 531
D
Droit de préférence
- notion de sûreté, 55, 58, 60 s., 85, 88
- gage avec dépossession, 281, 287 s., s.,
- nantissement de compte d’instruments financiers, 388
- droit de rétention, 219, 224
- gage sans dépossession ou hypothèque mobilière, 299, 305, 322, 327
s.
- privilèges mobiliers, 197
- hypothèque, v. hypothèque - droit de préférence
Droit de suite, 63, 143, v. gage et hypothèque
Droit de rétention, 110, 129 s., 218 s., 305, 326 s, 332, 366, 387, 470, 594,
- constitution
-- créance garantie, 221 s.,
-- assiette, 223 s.
-- connexité, 228 s.
- effets, 230 s.
E
Effets à recevoir, 348, 354, 361, 370
F
Fiducie, 34, 132, 135, 138 s., 145, 307 s., 435 s., 624 s.
Frais
- de conservation, 202 s., 232, 288, 589
415
-
de dernière maladie, 193,
funéraires, 96, 193,
de justice, 188 s., 206, 208 s., 464,
de réalisation, 288, 591,
G
Gage avec dépossession
- constitutions
-- de fond, 238 s.
-- de forme, 252 s.
- effets
-- obligation de conserver le bien grevé, 268 s.
-- obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien grevé,
272 s.
-- droit de percevoir les fruits, 274
-- droit de demander le complément du gage, 275
-- droit de rétention, 278 s.
-- droit de mettre en œuvre le gage,
--- attribution du bien gagé, 282 s.
--- vente du bien grevé, 285 s.
-- droit de préférence, 287 s.
-- droit de suite, 292 s.
Gage sans dépossession
- qualification, 296 s.
- de droit commun, 303 s.
- de droits spéciaux
-- portant sur les moyens de transport, 325 s.
-- du matériel et de l’outillage, 329 s.
-- sur stocks, 336 s.
H
Hypothèque flottante, 44, 99, 316 s.
Hypothèque judiciaire, 147, 474 s.
Hypothèque légale, 147, 464 s., 559, 593
Hypothèque
- constitution, 483 s.
- inscription hypothécaire, 547 s.
-- mentions obligatoires, 548 s.
-- délai d’inscription, 551 s.
-- péremption, 554 s.
-- radiation, 556 s.
-- réduction, 558 s.
réalisation,
416
-- modes de réalisation, 573 s.
-- effet 566 s.
--- droit de préférence, 582 s.
--- droit de suite, 598 s.
- transmission, 607 s.
- extinction, 611 s.
Hypothèque rechargeable, 508 s.
Hypothèque de montant maximal, 496 s.
Hypothèque renversée, 516 s.
I
Immeuble, 25, 113 s., 159 s., 196 s., 460 s.
Indivisaire, 532 s.
Inscription
- inscription hypothécaire, 159 s., 311, 547 s.
- inscription-opposabilité, 165, 310 s.
- inscription-validité, 165, 310 s., 336, 552,
- organes, 157, 166, 311, 313 s., 328, 354, 379, 550 s., 560 s.
M
Meuble, 25 s., 40 s., 183 s.
N
Nantissement, 97, 103, 108, 119 s., 130, 345 s.
- de créance, 350 s.
- de compte d’instruments financiers, 373 s.
- de droits sociaux, 390 s.
Numerus clausus, 26 s., 65 s., 137, 140, 354, 415, 555, 635
P
Pacte commissoire, 7, 43, 135, 137, 140, 282 s., 348, 362, 365 s., 371, 415,
420, 441, 444, 447, 454 s., 522, 573, 576 s.
Privilèges
- mobiliers, 96, 104, 119 s., 188 s.
- immobiliers, 96, 105, 119 s., 460 s.
- nommés
-- sur l’aéronef, 212 s.
-- sur le navire, 212 s.
- innomés, 98, 214 s.
Publicité, 149 s.
- des sûretés immobilières judiciaires, 475 s.
- des sûretés réelles, 149 s.
417
- gage avec dépossession, 154 s., 261 s.
- nantissement, 154 s., 358, 361 s.
- fiducie, 154 s., 442 s.
- gage sans dépossession, 154 s., 304, 306, 326 s., 331, 336, 342
- réserve de propriété, 405 s.,
- privilèges, 154 s., 188 s., 196 s., 212 s., 460 s.
- hypothécaire, v. hypothèque – inscription hypothécaire
- provisoire, 475 s.
- définitive, 477 s.
Propriété, 5, 25, 29 s., 36 s., 106, 111, 120 s., 132 s., 244 s., 273, 290 s., 309,
371, 400 s., 436 s., 530, 533, 550, 625, 627 s.
- réserve de propriété, v. Réserve de propriété
R
Réserve de propriété
- nature juridique, 409 s.
- mécanisme
-- constitution, 402 s.
-- effets, 417 s.
Responsabilité, 12, 76, 244, 261 s., 270, 272 s, 430, 537 s., 560 s., 576
S
Subrogation réelle, 27, 78 s., 225, 287, 339, 374 s., 431 s., 585 s.
V
Vente amiable, 87, 371, 575, 578 s.
Voie judiciaire, 256, 573 s., 577 s.
418
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