Thèse de Doctorat / novembre 2010 Université Panthéon-Assas Thèse de doctorat en droit soutenue le 9 novembre 2010 Étude comparée des sûretés réelles en droit français et en droit chinois Auteur Rongxin ZENG Sous la direction de Monsieur Michel GRIMALDI Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II) Membres du jury : Madame Marie GORÉ Professeur à l’Université Panthéon-Assas (PARIS II) Monsieur Philippe DUPICHOT (Rapporteur) Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne Monsieur Augustin AYNÈS (Rapporteur) Professeur à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne Avertissement L’Université Panthéon-Assas (Paris II) Droit – économie – sciences sociales n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. I Remerciements J’aimerais remercier vivement, mon directeur de thèse, Monsieur le professeur Michel GRIMALDI, de l’attention et du soutien qu’il a porté à mon travail de doctorant, de tout son dynamisme et ses compétences scientifiques qui m'ont permis de mener à bien cette étude. J’aimerais ensuite remercier Monsieur Philippe DUPICHOT et Monsieur Augustin AYNÈS, Professeurs à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne, qui m’ont fait l’honneur d’exercer les fonctions de rapporteurs de thèse et de membres du jury. Je suis aussi très reconnaissant envers Madame Marie GORÉ, Professeur à l’Université Paris II, de la présence dans ce jury. J'exprime également les remerciements à Monsieur René CASSIER, Conservateur des Hypothèques et chef de la mission immobilière de l’Etat, pour ses conseils professionnels en matière hypothécaire. Ces remerciements vont également à Mademoiselle Emilie Chung, aux Mesdames Véronique MÉNAGER, Laurence FABART et Pascal SADAUNE, et je les remercie pour leurs efforts apportés à la correction de la thèse et leurs encouragements. Enfin, l'aboutissement de cette thèse a été encouragé par mes parents et mes amis. Je ne citerai pas de noms ici, pour ne pas en oublier certains. Merci à eux. II Résumé Cette thèse a pour objet une étude comparative des droits français et chinois des sûretés réelles. Au cours de ces dernières années, les sûretés réelles ont connu une profonde mutation tant en droit français qu’en droit chinois, sous l’influence de facteurs tantôt identiques tantôt très spécifiques. En droit français, le Code civil regroupe les sûretés réelles en deux grandes catégories : les sûretés sur les meubles (le gage avec ou sans dépossession, le nantissement, la fiducie-sûreté, la réserve de propriété, les privilèges mobiliers) et celles sur les immeubles (l’hypothèque, le gage immobilier, la fiducie-sûreté et les privilèges immobiliers). En droit chinois, l’hypothèque (l’hypothèque immobilière et l’hypothèque mobilière qui est comparable au gage sans dépossession en droit français), le gage (le gage de meubles corporels et le gage de droits qui s’approche du nantissement en droit français) et le droit de rétention forment la structure essentielle du droit des sûretés réelles et, sont les seules sûretés nommées en droit chinois. À part cette différence formelle, la différence du fond des régimes des sûretés réelles dans les deux pays mérite aussi une étude approfondie et, cette étude devrait ainsi toujours être conduite du double point de vue français et chinois. Mots clefs : droit chinois, sûretés réelles, droit réel, meuble, immeuble, gage, nantissement, fiducie-sûreté, réserve de propriété, privilèges, hypothèque, droit de rétention III Principales abréviations al. alinéa art. article Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation C. civ. Code civil français C. consom. Code de la consommation français C. com. Code de commerce français CAE Conseil des affaires d’État de la RPC Cass. civ. Arrêt d’une chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. Arrêt d’une chambre commerciale de la Cour de cassation cf. se reporter à contra. Solution contraire D. Recueil Dalloz D. Affaire Dalloz affaires DP Dalloz périodique Dr. et patr. Droit et patrimoine Éd. Édition ELS Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (2000) in dans infra ci-dessous Ibid. ibidem JCP Juris-classeur périodique (Semaine juridique) LAC Loi sur l’aviation civile de la RPC (1995) LC Loi sur les contrats de la RPC (1999) IV LCE Loi sur les contrats économiques de la RPC (1981) LCM Loi sur les commerces maritimes de la RPC (1992) LDR Loi sur les droits réels de la RPC (2007) LFE Loi sur la faillite d’entreprise de la RPC (2006) LPC Loi sur la procédure civile de la RPC (2007) LS La Loi sur les sûretés de la RPC (1995) n° Numéro MID Mesures d’inscription de bâtiments (2008) op. cit. opere citato P. Page PGDC Les Principes généraux du droit civil de la RPC (1987) RD banc. fin. Revue de droit bancaire et financier RD bancaire et bourse Revue de droit bancaire et de la bourse RD imm. Revue de droit immobilier Rev. Crit. DIP. Revue critique de droit international privé Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial s. et suivants supra ci-dessus t. tome v. Voyez V Sommaire Introduction…………………………………………………………………..20 § I – L’évolution du droit des sûretés réelles………………………..21 A. La présentation de l’évolution du droit des sûretés réelles………21 a. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit français…………………………………………………...21 b. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit chinois…………………………………………………....22 B. Les principes dominant l’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles…………………………………………….36 a. La recherche de la meilleure exploitation de la valeur des biens…37 b. La recherche de l’efficacité maximale……………………………39 § II - Difficultés et portée de la présente étude……………………...40 A. Difficultés rencontrées dans la présente étude…………………...40 B. Portée de la présente étude comparée……………………………42 Première partie Théorie générale des sûretés réelles (études macroscopiques)……………………………………………………………...45 Titre I – La délimitation de « sûreté réelle » ………………………………….46 Chapitre I – La notion de « sûreté réelle » ……………………………...47 Section I – La définition de « sûreté réelle » ……………………….47 § I – Les tentatives effectuées par la doctrine française…………….48 VI § II – La définition donnée par le législateur chinois………………..49 Section II – Les caractères de « sûreté réelle » ……………………..50 § I – Un droit réel……………………………………………………50 A. La qualification…………………………………………………..50 B. Les conséquences de la qualification…………………………….52 a. Le principe de légalité (numerus clausus) ……………………….52 b. La règle de spécialité……………………………………………..54 c. La règle d’indivisibilité…………………………………………..56 § II – Un droit accessoire……………………………………………58 § III – Un droit sur la valeur du bien………………………………..62 Section III – L’opposition entre la sûreté réelle et le droit de gage général…………………………………………………………65 § I – Différence de nature…………………………………………...66 § II – Différence de finalité………………………………………….67 Chapitre II – La typologie des sûretés réelles…………………………...71 Section I – La classification des sûretés réelles selon leur assiette….71 § I – Selon l’étendue de l’assiette…………………………………...71 A. Les sûretés générales……………………………………………..71 a. Les sûretés générales en droit français……………………………71 b. Les sûretés générales en droit chinois…………………………….72 B. Les sûretés spéciales……………………………………………...72 a. Les sûretés spéciales en droit français……………………………73 b. Les sûretés spéciales en droit chinois…………………………….73 VII § II – Selon la nature de l’assiette…………………………………...74 A. La nature de l’assiette - la classification des biens………………74 a. La dichotomie des biens en droit français………………………...75 b. La trichotomie des biens en droit chinois………………………...76 B. Classification des sûretés réelles selon la nature de l’assiette……76 a. La classification en droit français………………………………...76 b. La classification en droit chinois…………………………………77 Section II – La classification des sûretés réelles selon leur régime…78 § I – Le critère de la dépossession…………………………………..78 A. La notion et l’effet de dépossession……………………………...78 a. Notion de dépossession…………………………………………...78 b. Effets de dépossession……………………………………………80 B. La classification selon le critère de dépossession………………..80 a. La classification en droit français………………………………...80 b. La classification en droit chinois…………………………………82 § II – Le critère de la propriété……………………………………...82 A. La reconnaissance de la propriété-sûreté………………………...83 a. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit français……….83 b. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit chinois………..86 B. La classification selon le critère de la propriété………………….88 a. Les sûretés n’emportant pas le transfert de la propriété………….88 b. Les sûretés basant sur la propriété du bien……………………….88 VIII Titre II – Les modalités de publicité des sûretés réelles………………………92 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application…93 Section I – La publicité en matière mobilière……………………….93 §I – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit français…………………………………………………...93 §II – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit chinois……………………………………………………95 Section II – La publicité en matière immobilière…………………...96 §I – La publicité foncière en droit français………………………….97 §II – La publicité foncière en droit chinois………………………….99 Chapitre II – Les finalités de publicité……………………………..…..103 Section I – Les finalités poursuivies en droit français…………......103 §I – L’opposabilité de la sûreté………………………………..…...103 §II – L’attribution d’un rang au créancier……………………….....104 Section II – Les fonctions de la publicité en droit chinois…………105 §I – La validité et l’opposabilité de la sûreté……………………....105 §II – L’attribution d’un rang au créancier……………………….....107 Deuxième partie Régimes des sûretés mobilières (études microscopiques)…………………………………………………………..…109 Titre préliminaire – Les sûretés mobilières extra-conventionnelles…………111 Chapitre I – Les privilèges……………………………………………..112 Section I – Les privilèges en droit français………………………...112 § I – Les privilèges généraux………………………………………112 IX § II – Les privilèges mobiliers……………………………………..114 A. Les privilèges mobiliers généraux……………………………...114 B. Les privilèges mobiliers spéciaux……………………………....115 § III – Le classements des privilèges mobiliers……………………118 A. Conflits entre privilèges de même nature……………………….118 a. Entre les privilèges généraux……………………………………118 b. Entre les privilèges spéciaux…………………………………….118 B. Conflit entre privilèges mobiliers généraux et privilèges mobiliers spéciaux…………………………………………………120 C. Influence de la procédure collective…………………………….120 Section II – Les privilèges en droit chinois………………………..121 § I – Les privilèges nommés……………………………………….122 § II – Les privilèges innomés………………………………………123 Chapitre II – Le droit de rétention……………………………………..125 Section I – Les conditions d’existence du droit de rétention………125 § I – La créance garantie…………………………………………...126 § II – L’assiette du droit de rétention…………………………..…..126 § III – La connexité entre la créance et le bien retenu…………..…129 Section II – Les effets du droit de rétention………………………..130 Titre I – Le gage de meubles corporels………………………………………133 Chapitre I – Le gage avec dépossession……………………………….134 Section I – La constitution du gage de meubles corporels…………134 § I – Les conditions de fond……………………………………..…134 X A. Les parties du gage……………………………………………...134 a. Le créancier bénéficiaire………………………………………...134 b. La qualité du constituant du gage…………………………..…...135 B. La créance garantie…………………………………………..….138 C. L’assiette du gage……………………………………………….139 §II – Les conditions de forme……………………………………...141 A. Les exigences formelles en droit français………………………141 a. La rédaction d’un écrit…………………………………………..141 b. La dépossession du bien grevé…………………………………..142 B. Les exigences formelles en droit chinois……………………….143 a. La rédaction d’un écrit…………………………………………..143 b. La dépossession du bien grevé…………………………………..144 Section II – Les effets du gage de meubles corporels……………...145 § I – Les effets du gage avant l’échéance de la créance garantie…..146 A. Les obligations des parties……………………………………...146 a. L’obligation de conserver le bien grevé………………………....146 b. L’obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien grevé…………………………………………………….147 B. Les droits des parties……………………………………………149 a. Le droit de percevoir les fruits…………………………………..149 b. Le droit de demander un complément du gage………………….150 § II – Les effets du gage à l’échéance de la créance garantie……...150 A. Le droit de rétention…………………………………………….151 XI B. Le droit de mettre en œuvre le gage…………………………….152 a. L’attribution du bien gagé……………………………………….152 b. La vente du bien grevé…………………………………………..156 C. Le droit de préférence…………………………………………..157 a. L’étendue du droit de préférence………………………………...157 b. Le classement du droit de préférence…………………………....159 D. Le droit de suite limité………………………………………….160 Chapitre II – Le gage sans dépossession………………………….........162 Section I – Qualifications différentes en droit français et en droit chinois………………………….....………………………….162 §I – La qualification en droit français………………………….......162 §II – La qualification en droit chinois………………………….......165 Section II – Différents régimes en droit français et en droit chinois.. …………………………...…………………………166 § I – Les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun…166 A. Le gage sans dépossession en droit français……………………166 B. L’hypothèque mobilière en droit chinois………………………..168 a. L’hypothèque mobilière classique………………………….........168 b. L’hypothèque mobilière flottante – une sûreté mobilière spéciale …………………………....……………………175 §II – Les sûretés mobilières sans dépossession de droits spéciaux..180 A. Les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des moyens de transport…………………………...............................181 XII B. Le gage du matériel et de l’outillage…………………………....186 C. Le gage sur stocks………………………….... ………………...188 Titre II – Le nantissement de meubles incorporels…………………………..192 Chapitre I – Le nantissement de créance…………………………........195 Section I – La constitution du nantissement de créance…………...195 § I – Les conditions de fond…………………………......................195 § II– Les conditions de forme………………………….... ………..197 A. La seule formalité ad validitatem en droit français……………..197 B. Les doubles formalités ad validitatem en droit chinois…………199 Section II – Les effets du nantissement de créance………………..201 § I – En droit français…………………………................................201 A. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance avant la créance garantie………………………….......................203 B. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance après la créance garantie………………………….......................204 § II – En droit chinois…………………………...............................206 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers……208 Section I – La constitution du nantissement……………………….208 § I – Les conditions de fond…………………………......................208 § II – Les conditions de forme…………………………..................210 Section II – Les effets du nantissement…………………………....212 § I – Effets du nantissement avant l’exigibilité de la créance garantie……………………………………………….....213 XIII § II– Effets du nantissement à l’échéance de la créance garantie….214 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux………………………217 Section I – Le nantissement des droits dans les sociétés présentant un caractère intuitu personae…………………………................217 § I – En droit français……………………………………………....217 § II – En droit chinois…………………………...............................218 Section II – Le nantissement des droits dans les sociétés de capitaux…………………………............................................222 § I – En droit français………………………….... ………………...222 § II – En droit chinois…………………………...............................223 Titre III – La réserve de propriété…………………………............................225 Chapitre I – La constitution…………………………............................226 Section I – La constitution de la réserve de propriété en droit français…………………………....………………………….226 Section II – La constitution de la réserve de propriété en droit chinois…………………………....…………………………..228 Chapitre II – La nature juridique…………………………....................230 Section I – La qualification en droit français………………………230 Section II – La qualification en droit chinois………………………231 Chapitre III – Les effets juridiques………………………….................234 Section – La situation de l’acheteur (débiteur) du bien……………234 § I – La situation de l’acheteur du bien en droit français…………..234 § II – La situation de l’acheteur du bien en droit chinois………….235 XIV Section II – La situation du vendeur (créancier) du bien…………..237 § I – L’exercice du droit de revendication…………………………237 § II – Les effet de la revendication sur le contrat…………………..242 Titre IV– La fiducie-sûreté………………………….... …………………….244 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français………………………..245 Section I – Le mécanisme de la fiducie-sûreté…………………….246 § I – Le domaine d’application………………………….................246 § II – Le formalisme………………………….... …………………247 § III – La réalisation et l’extinction de la fiducie-sûreté…………...250 Section II – Quelques observations du droit positif………………..252 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois…………………………....………………………..……....255 Section I – Le régime de la fiducie-sûreté projeté………………....255 Section II – Quelques observations…………………………...........256 Troisième partie Régimes des sûretés immobilières (études microscopiques) …………………………....…………………………..…...261 Titre préliminaire – Les sûretés immobilières extra-conventionnelles………263 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales…………………………264 Section I – Les privilèges immobiliers………………………….....264 Section II – L’hypothèque légale…………………………..............265 § I – L’hypothèque légale en droit français………………………...265 A. L’hypothèque légale des époux…………………………............266 B. L’hypothèque légale de personnes en tutelle……………………267 XV § II – L’hypothèque légale en droit chinois………………………..267 Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires…………………….270 Section I – Les sûretés réelles judiciaires en droit français………..270 § I – La publicité provisoire…………………………......................270 § II – La publicité définitive………………………….....................271 Section II – Les débats sur l’existence d’hypothèque judiciaire en droit chinois………………………….....................................272 Titre I – L’hypothèque conventionnelle…………………………...................275 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque………………………….276 Section I – L’assiette de l’hypothèque…………………………......276 Section II – La créance garantie…………………………................282 § I – Une ou plusieurs créances futures…………………………....282 A. En droit français…………………………...................................282 B. En droit chinois…………………………....................................283 a. Définition et constitution de l’hypothèque de montant maximal..284 b. Fixation des créances garanties………………………….............286 c. Modification concernant l’hypothèque de montant maximal…...288 § II – Hypothèque rechargeable…………………………................290 A. Le mécanisme…………………………......................................290 a. Les conditions de constitution et son opposabilité………………290 b. Le domaine d’application………………………….....................293 c. L’extinction de l’hypothèque rechargeable……………………...293 B. Certaines observations de l’hypothèque rechargeable………….294 XVI § III – Prêt viager hypothécaire…………………………................295 A. Le prêt viager hypothécaire en droit français…………………...295 a. La constitution………………………….......................................296 b. Le mécanisme………………………….... ……………………..297 B. Le prêt viager hypothécaire en droit chinois……………………299 a. La nécessité d’introduire le prêt viager hypothécaire…………...299 b. Les problèmes à résoudre………………………………………..301 Section III – La qualité du constituant……………………………..302 § I – Le titre du constituant………………………………………...303 § II – La capacité…………………………………………………...307 Section IV– Les exigences de forme………………………………309 Chapitre II – L’inscription hypothécaire……………………………….312 Section I – Les mentions obligatoirement requises………………..312 Section II – Délai de l’inscription………………………………….314 Section III – La péremption, la radiation et la réduction…………..315 § I – La péremption de l’inscription hypothécaire…………………315 § II – La radiation de l’inscription hypothécaire…………………..317 § III – La réduction de l’inscription hypothécaire…………………320 Section IV – La mission et la responsabilité de l’organe d’inscription………………………………………………….321 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque……………………………...326 Section I – Effets de l’hypothèque entre le constituant et le créancier hypothécaire………………………………………………….326 XVII § I – Effets avant la réalisation de l’hypothèque…………………...326 § II – Effets au moment de la réalisation de l’hypothèque………...331 A. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit français……331 B. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit chinois…….334 Section II – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et les autres créanciers………………………………………….338 § I – Assiette du droit de préférence……………………………….339 § II – L’étendue de la créance bénéficiant du droit de préférence…342 § III – Exercice du droit de préférence…………………………….343 A. Le rang des créanciers hypothécaires…………………………...343 B. Le classement des créanciers hypothécaires et des créanciers munis d’autres sûretés réelles………………………………….344 C. Disposition de rang……………………………………………...345 Section III – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et le tiers acquéreur……………………………………………..347 § I – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit français…...348 § II – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit chinois…...352 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque………..355 Section I – Transmission de l’hypothèque…………………………355 Section II – Extinction de l’hypothèque…………………………...358 § I – Extinction par voie accessoire………………………………..358 § II – Extinction par voie principale……………………………….359 Titre II – Les autres sûretés immobilières conventionnelles…………………363 XVIII Chapitre I – Le gage immobilier……………………………………….364 Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière…………………………...366 Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière………...368 Section I – En droit français……………………………………….368 Section II – En droit chinois……………………………………….369 Conclusion générale………………………………………………………...371 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………376 ANNEXES…………………………………………………………………..388 INDEX ALPHABETIQUE………………………………………………...415 XIX Introduction Introduction 1. La croissance économique a besoin du crédit1, le crédit a besoin des sûretés, puisque celles-ci confèrent au créancier une action prioritaire ou supplémentaire pour réduire les risques d’un défaut de paiement en cas d’insolvabilité du débiteur. Donc, il n’y a pas d’économie moderne sans crédit, pas de crédit sans sûretés 2 . Les sûretés ont besoin d’un régime juridique efficace pour faire face à l’insolvabilité de l’emprunteur. En effet, l’histoire nous montre que moins les sûretés ont d’efficacité, plus le crédit est rare, notamment pour les petites et moyennes entreprises3. 2. Le droit des sûretés est donc le prolongement nécessaire du droit du crédit. Actuellement il ne peut exister de droit du crédit sans droit des sûretés. Le droit des sûretés rassemble, sous une terminologie commune, deux catégories de sûretés : les sûretés personnelles et les sûretés réelles. Compte tenu, d’une part, que la matière des sûretés personnelles est depuis longtemps considérée soit dans le cadre des études générales du droit des sûretés, soit dans celui des études du droit des obligations et, d’autre part, que les sûretés réelles occupent une place de plus en plus importante dans la vie économique et dans le commerce international, la présente thèse s'attachera uniquement à la question des sûretés réelles. 3. Il convient, dans cette introduction générale, de présenter l’évolution du droit des sûretés réelles, d'expliquer les raisons pour lesquelles nous 1 C’est-à-dire qu’un créancier accepte de son débiteur un paiement à terme qui peut résulter du contrat ou d’un aménagement du contrat. 2 Yves PICOD, Droit des sûretés, Puf, 2008, p. 1. 3 Une étude du Center on Institutional Reform and the Informal Sector (IRIS), à l’Université du Maryland à College Park, a pu nous montrer que le crédit garanti représente 80% de la valeur des prêts bancaires faits aux petites entreprises. Citée par Georges AFFAKI, De la relation perfectible entre le crédit et les sûretés, Repenser le droit des sûretés mobilières, Institut André Tunc, EJA, 2005, p. 10. 20 Introduction procéderons à la comparaison des droits chinois et français, et de rappeler les difficultés rencontrées. § I – L’évolution du droit des sûretés réelles 4. Historiquement, les sûretés réelles sont postérieures aux sûretés personnelles puisque l’apparition de ces premières suppose la distinction entre la chose et le droit réel qui s'y rapporte. L'histoire nous montre que le législateur a traité ce sujet en alternant rigueur et laxisme, les sûretés réelles étant soit extrêmement précises, soit laissées dans le flou. A. La présentation de l’évolution du droit des sûretés réelles 5. Ces sûretés étaient historiquement fondées sur la propriété : un débiteur transmet la propriété d’un bien à son créancier qui la lui restituera au remboursement. Ces sûretés présentent un gros avantage en ce qu’elles confèrent une sécurité absolue au créancier ; leur défaut tient au fait qu’elles font courir un risque au débiteur, qu’il ne peut plus se servir du bien et, sur le plan économique, il y a gaspillage du crédit car un même bien ne pourra faire l’objet une seconde garantie. Ces sûretés fondées sur la propriété connaissent un regain de faveur alors qu’elles avaient quasiment disparu. a. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit français 6. En France, le droit des sûretés réelles n’avait jamais été réformé depuis 1804. Seules certaines additions ou modifications ponctuelles étaient insérées dans le Code civil ou entraient en vigueur en dehors de celui-ci. Cependant, compte tenu de sa dispersion, de son ambiguïté et de sa complexité, il était nécessaire de le réformer dans son ensemble. 7. En 2003, un Groupe de travail présidé par le Professeur Michel Grimaldi se voyait confier par le garde des Sceaux la mission de concevoir et de rédiger le texte d’un projet de réforme de l’ensemble du droit des sûretés. 21 Introduction Cependant, le Gouvernement n’ayant pas été habilité à réformer le cautionnement et les privilèges que le Parlement considérait comme des matières trop sensibles, la portée et l’ambition de l’ordonnance du 23 mars 2006 sont beaucoup plus restreintes que dans le projet initial ; le domaine du droit des sûretés personnelles, notamment, n’a guère été touché par l’ordonnance (à l’exception de la définition de la garantie autonome et de la lettre d'intention). En définitive, seules les sûretés réelles ont été vraiment reformées et actualisées. Les terminologies de « gage » et de « nantissement » ont été clarifiées, la première concernant l’affectation en garantie de meubles corporels et la seconde celle de meubles incorporels. Désormais, le gage sans dépossession est également consacré dans le code, de même que le droit de rétention, l’antichrèse-bail, l’hypothèque rechargeable et le prêt viager. En outre, la réforme a amélioré certaines techniques des sûretés réelles qui les rendent plus efficaces4. En premier lieu, le pacte commissoire par lequel le bien sera attribué sans formalité au créancier moyennant une simple évaluation par un expert a été généralement admis tant en matière mobilière qu’en matière immobilière (dans ce dernier cas, l’immeuble grevé qui constitue la résidence principale du constituant est exclu, art. 2459, C. civ.). Ensuite, en consacrant l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué au créancier, les modalités de réalisation de l’hypothèque sont assouplies en faveur du créancier. En créant un nouveau livre (Livre IV) qui se fonde sur la distinction fondamentale entre sûretés personnelles et sûretés réelles, la réforme du droit des sûretés réorganise le Code civil. b. L’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles en droit chinois 4 Laurent AYNÈS, Présentation générale de la réforme, D 2006, n°19, p. 1290. 22 Introduction 8. Depuis l’avènement de la République populaire de Chine (1949), le système juridique chinois était totalement désorganisé. Même si les sûretés existaient timidement en pratique, il n’y avait pas de système juridique officiel dans ce domaine depuis longtemps. 9. Depuis 1978, la Chine a connu un épanouissement économique et juridique. Il s’agit d’abord du développement de la libre circulation des marchandises et des capitaux qui est garantie généralement sous l’empire des Principes généraux du droit civil (PGDC, 1986, min fa tong ze/民法通则) et du droit des contrats. Le système du droit des contrats, dont plusieurs lacunes juridiques ont été comblées durant les années qui ont suivi 1978, se perfectionne graduellement5. Cependant, le seul régime contractuel n’est pas suffisant pour assurer la poursuite du développement et la stabilité des relations et de la circulation des biens et des capitaux ; il faut encore instaurer un système de garantie qui suppose la distinction entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles. Selon la doctrine commune chinoise, les sûretés personnelles « consistent dans l’adjonction d’un ou de plusieurs débiteurs au créancier contre le non-paiement du débiteur principal » 6 . Elles se rattachent donc essentiellement au droit des obligations, comme la doctrine française les considère. Alors que la sûreté réelle « affecte au créancier garanti un droit de préférence sur les biens grevés, soit en cas d’insolvabilité du débiteur, soit si les conditions convenues entre les parties se réalisent, sauf disposition législative exceptionnelle» (art. 179, Loi sur les droits réels). Pendant cette vingtaine d'années, le droit des sûretés s’est profondément transformé. Avant la promulgation de la Loi sur les sûretés (LS, 1995), plusieurs lois ont contribué à 5 Au niveau de la législation nationale, il existait en Chine trois lois spéciales des contrats : Loi sur les contrats économiques (1981), Loi sur les contrats économiques avec l’étranger (1985) et Loi sur les contrats techniques (1987). Toutes sont abolies et actuellement remplacées par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999. 6 CHEN Benhan, Traité du droit des sûretés, Éd. de l’Université de Wuhan, 1998, p. 60. 23 Introduction l’instauration du système des sûretés, parmi lesquelles la Loi sur les contrats économiques (LCE, 1981) et les Principes généraux du droit civil (PGDC, 1986) étaient les plus importants. Cependant, jusqu'à la promulgation de la LS, aucun régime systématique des sûretés n’avait été érigé. Ce dernier a été récemment réformé en profondeur par la Loi sur les droits réels (LDR, 2007). 1) Avant la promulgation de la LS 10. La Loi sur les contrats économiques (LCE), quant à elle, s’appliquait seulement aux relations contractuelles internes. C'est la première loi sur le contrat en RPC, mais aussi la première loi concernant les sûretés. Elle ne prévoyait cependant que le cautionnement dans son article 15 et le droit de rétention dans le cadre du contrat de façonnage dans son article 19, alinéa 4. Elle a été remplacée par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999. 11. Fondés sur le premier livre consacré aux principes généraux du Projet de droit civil, les PGDC ont été promulguées le 12 avril 1986. Cette loi, dont seul l’article 89 au contenu peu élaboré est consacré aux sûretés, ne porte que sur les principes fondamentaux des relations juridiques civiles. En matière de sûretés réelles, elle a instauré le système du droit de rétention et de l’hypothèque (art. 89), mais n’a pas distingué le gage de l’hypothèque. Il manque aussi des conceptions fondamentales et des dispositions précises, notamment en ce qui concerne les qualités du constituant des sûretés, la définition des biens grevés, les droits et les devoirs des parties intéressées, ainsi que les modes de réalisation des sûretés. 12. Avant la promulgation de la LS, il existait encore d’autres lois qui ont contribué à l’instauration du régime général des sûretés. Par exemple, la Loi sur les contrats économiques avec l’étranger de 1985 stipulait dans son article 15 que « les parties du contrat peuvent convenir des sûretés » et que « le garant assume la responsabilité dans l’étendue convenue de la garantie » ; la Loi sur les contrats techniques de 1987 prévoyait dans son article 11 que « les parties 24 Introduction du contrat technique peuvent convenir des sûretés... », ce qui était précisé par la Réglementation d’exécution de cette loi 7 , dont l’article 17 concernait l’hypothèque et stipulait que « les parties du contrat technique peuvent convenir d’une hypothèque. Si l’obligation du contrat n’est pas exécutée, le créancier hypothécaire a le droit de préférence sur le bien grevé. Après l’exécution du contrat, le créancier doit rendre le bien grevé. Les biens limités de circulation par des lois ou des règlements ne peuvent être hypothéqués ». Ces deux lois importantes sur les contrats sont abolies et remplacées par la Loi sur les contrats du 15 mars 1999. 13. Cependant, même s’il y avait des normes juridiques en matière de sûretés à cette époque, il restait encore beaucoup de problèmes importants. Tout d’abord, la législation sur les sûretés demeurait extrêmement incomplète. Il y avait seulement deux articles concernant les sûretés en droit commun, à savoir l’article 89 des PGDC et l’article 15 de la Loi sur les contrats économique (LCE). Compte tenu de l'importance de cette matière du droit, deux articles ne pouvaient satisfaire aux besoins de la pratique juridique des sûretés complexes. En second lieu, beaucoup de notions fondamentales n’étaient pas clarifiées. Par exemple, les PGDC n’ayant pas consacré un seul chapitre au droit réel, le droit de rétention et d’hypothèque étaient intégrés au domaine du droit de créance. Aucune distinction n'était faite entre hypothèque et gage. Leur qualification de droit réel et leurs effets juridiques se sont vus affaiblis. Ainsi, avant la promulgation de la Loi sur les sûretés de 1995, les dispositions juridiques chinoises concernant les sûretés étaient obscures, hétérogènes, voire impraticables. Cette situation confuse réclamait d’urgence une amélioration. 7 Réglementation d’exécution de la Loi sur les contrats techniques(技术合同法实施条 例), promulguée par la Commission nationale des sciences et techniques (国家科学技术 委员会), ratifiée par le Conseil des affaires d’État (CAE) le 15 février 1989. 25 Introduction 14. Cette nécessité d’améliorer la législation du droit des sûretés était davantage renforcée par la pratique économique chinoise à cette époque. 15. Pendant les dix premières années qui suivirent la politique de réforme, à cause du régime de l’économie planifiée et de l’intervention excessive de l'administration, les entreprises d’État, qui dominaient alors toute l’économie chinoise, affichaient une rentabilité très faible, quand elles n'étaient pas déficitaires. C’est pourquoi les contrats non exécutés sont devenus un phénomène général et courant en Chine à la fin des années 80 et au début des années 908. De plus en plus de dettes impayées avaient provoqué, après 1989, un phénomène anormal sans précédent dans l’histoire : les dettes triangulaires9, c'est-à-dire une chaîne de créances entre plusieurs entreprises. Voici un exemple typique pour illustrer notre propos: imaginons trois entreprises, si A doit de l’argent à B, B doit de l’argent à C, et que C doit de l’argent à A, alors les créances entre ces trois entreprises constituent une dette triangulaire. À la fin des années 80, ce type de créance était un phénomène général en Chine. Les créanciers étaient obligés de tout mettre en œuvre pour se faire rembourser. 16. Dans ce contexte, d’une part, les cinq plus grandes banques d’État10 avaient un monopole absolu sur le marché financier. Dans la mesure où environ 8 Selon les statistiques, environ un million de contrats n’ont pas été exécutés en 1992 et ils concernaient entre 300 et 400 milliards de yuans (RMB). XIAO Yang. L’économie de marché et l’établissement des régimes du droit, Éd. du droit, 1994, p. 11. En avril 1994, selon un sondage sur le taux de remboursement des emprunts des entreprises aux établissements financiers dans la Région économique spéciale de Hainan, la plus grande région économique de Chine, 4 100 millions de yuans de dettes à échéance n’ont pas été remboursés, ce qui représente 19% des prêts bancaires. À l’échelle nationale, 15% des prêts bancaires étaient à échéance. Selon d’autres statistiques, jusqu’à la fin de l’année 1992, les créances douteuses représentaient 15% du capital de crédit des banques. « Communiqué du Comité de l’Assemblée Populaire Nationale de la République populaire de Chine »(《 中华人民共和国全国人民代表大会常务委员会公报 》 ),1995 N° 4, p. 20-21. 9 LI Shigang, Le droit chinois des sûretés – étude comparative, Thèse Paris II, 2008, p. 42. 10 Les cinq plus grandes banques chinoises d’État sont la Banque industrielle et commerciale de Chine, la Banque agricole de Chine, la Banque de Construction de Chine et la Banque de Chine. 26 Introduction 76% de leurs obligations étaient des prêts, dont une partie considérable était devenue des créances douteuses, ces prêts étaient cruciaux pour ces établissements. D’autre part, les entreprises endettées ont demandé de nouveaux prêts sous prétexte qu’elles avaient besoin de poursuivre leurs affaires afin de rembourser leurs dettes. Même en sachant que ces entreprises se trouvaient dans des situations très difficiles, les banques n’ont pas eu d'autres choix que de leur octroyer de nouveaux prêts pour conserver la « possibilité » d’un remboursement. Et ce, alors que les dettes des entreprises se multipliaient et que les créances douteuses des banques étaient de plus en plus importantes. 17. En résumé, ce phénomène a provoqué une crise du crédit à la fin des années 1980. Dans ce cas précis, les banques et autres établissements financiers se sont mis à consentir des prêts hypothécaires pour éviter les risques crédits. De même, de plus en plus d’entreprises ont pris des mesures de sûretés dans leurs affaires commerciales. 18. Par conséquent, la législation chinoise très incomplète du droit des sûretés à cette époque n’a pas pu satisfaire à la demande pressante des opérateurs économiques. Le changement spectaculaire en matière économique et en matière juridique réclamait d’urgence une normalisation du droit des sûretés. 2) La promulgation de la Loi sur les sûretés (LS) 19. Pour satisfaire aux besoins de la pratique économique et juridique, la Loi sur les sûretés (LS) promulguée le 1er octobre 1995 constitue le premier jalon historique dans le domaine du droit des sûretés puisqu’elle a, pour la première fois, instauré un régime systématique des sûretés. Cette loi est profondément influencée par la législation des sûretés du droit romano-germanique. Même si elle n’est pas parfaite et que sa technique législative n’est pas excellente, son rayonnement est important et non négligeable. 27 Introduction 20. Tout d’abord, c’est grâce à l’application de cette loi, plutôt qu’à celle des PGDC, que se sont établis le système et le régime contemporains chinois de base du droit des sûretés. Ses règles sont beaucoup plus systématiques, précises et claires qu’auparavant. Pour le moment, elle a satisfait les créanciers et a aussi répondu aux attentes du législateur. 21. Par ailleurs, elle englobe différents modèles de sûretés. Face à l’urgence de la demande, le législateur chinois a eu l’intention d’intégrer tous les modèles de sûretés dans une loi, afin d’établir en une seule fois un système de protection des créances et d’offrir aux créanciers toutes les options possibles11. Il n’existait ni code civil ni système du droit réel au moment de la rédaction de la LS en Chine ; il n’y avait donc pas d’entraves limitant la structure de la loi. Cette caractéristique fait de la LS le droit commun des sûretés. 22. Cependant, c’est après tout une loi faite dans la précipitation, qui n'est pas exempte d'imperfections. En premier lieu, c’est une loi où plusieurs notions de base font défaut. Au moment de sa rédaction, la Chine ne possédait pas de code civil et les connaissances relatives à certaines notions de droit civil étaient faibles. Beaucoup de notions fondamentales n’étaient pas clarifiées, d’autant que le système du droit réel n’était pas mis sur pied. Il manquait, par exemple, les notions et les régimes d’immeuble, de meuble, de publicité, de dépossession, de possession, de compensation, de consignation, etc. De même, l’expression « droit réel » n’avait pas de source juridique lors de la rédaction de la LS, la notion de « sûreté réelle » n’y figure pas. Par conséquent, des notions et des régimes de base qui aurait dû être définis par la loi de base du droit civil sont régis par la LS elle-même (par exemple, les notions d’immeuble et de meuble). 11 Ibid., p. 45. 28 Introduction En deuxième lieu, la structure de cette loi n’est pas assez logique et pertinente. En effet, le législateur n’a pas mis l’accent sur sa structure interne. Il n’a pas fait la distinction entre sûretés personnelles et sûretés réelles et a directement prévu les cinq catégories de sûretés. Concernant les sûretés réelles, des dispositions générales s’appliquant à tous les modèles sont prévues au Chapitre III intitulé « De l’hypothèque ». La loi n’a pas non plus établi la distinction entre sûretés mobilières et sûretés immobilières. En troisième lieu, le régime d’inscription ne satisfait pas à la pratique des sûretés réelles. Prenons l’exemple de l’inscription immobilière : les dispositions afférentes sont très fragmentées, réparties entre plusieurs lois spéciales (la LS, la Loi sur la gestion des biens immobiliers en zone urbaine, etc.). De plus, les institutions chargées du service de la gestion d’inscription sont assez nombreuses. Chacun fait à sa guise. Cette situation désordonnée aboutit inévitablement à des inscriptions redondantes, voire à des inscriptions qui se contredisent les unes les autres. Enfin, dans le but de favoriser la réalisation des créances, cette loi crée un déséquilibre entre l’intérêt du créancier et celui du constituant. Ce dernier se trouve dès lors en position de faiblesse. 23. En résumé, la LS a établi le régime systématique du droit des sûretés en Chine, mais elle ne contient que des règles relativement rudimentaires et commet certaines erreurs du point de vue de la technique législative. Après son entrée en vigueur, la pratique du crédit a évidemment été encouragée, mais elle a rencontré aussi de grandes difficultés qui rendaient nécessaires une amélioration des sûretés réelles. 3) La réforme de la Loi sur les droits réels (LDR) 24. La promulgation de la LDR, qui contient 247 articles et constituera la partie « Des droits réels » du futur Code civil, est une étape importante sur la voie de la rédaction du Code civil chinois. 29 Introduction 25. Elle a instauré, pour la première fois en Chine, les notions de base et les principes généraux des droits réels. En premier lieu, la LDR précise les notions importantes de « droit réel » et de « chose ». L’article 2, alinéa 3 dispose que les droits réels sont « les droits du titulaire d’emprise directe et exclusive sur la chose spécialisée, y compris la propriété, le droit d’usufruit et les sûretés réelles ». Seules les « choses » peuvent fait l’objet du droit réel. Alors, qu’entendons-nous par « chose » en droit réel chinois ? Selon l’article 2, alinéa 2 de la LDR, « les choses comprennent les immeubles et les meubles dans le cadre de la présente loi. Si les droits peuvent être l’objet des droits réels selon certaines lois, celles-ci s’appliquent». Quant aux notions d’immeuble et de meuble, La LDR les renvoie à l’article 92 de la LS qui dispose que « dans le cadre de la présente loi, les immeubles indiquent les fonds de terre et les choses adhérant au sol, tels que les bâtiments, les arbres, etc. Les meubles indiquent les choses autres que des immeubles ». Ici, il faut remarquer qu’en droit chinois, bien que les droits puissent être l’objet des droits réels dans certains cas (par exemple, le gage de créance), ils ne sont pas des choses, donc ne sont ni des immeubles ni des meubles. Ce n’est qu’une exception aux droits réels car, selon la théorie traditionnelle chinoise des droits réels, ces derniers ne touchent en principe que des choses corporelles. Ce point diffère beaucoup de la règle du droit français qui traite les droits comme des meubles incorporels. En deuxième lieu, les règles concernant la classification et les types des droits réels sont réarrangées et codifiées par la LDR dans son article 2, alinéa 3 qui dispose que les droits réels « comportent la propriété, les droits réels d’usufruit et les droits réels des sûretés ». En troisième lieu, bien que son nom, son organisation et ses compétences ne soient pas encore précisés par des lois et des règlements, un nouvel organe chargé de l’inscription immobilière sera certainement créé dans le futur proche. Le régime d’inscription immobilière sera sûrement amélioré et unifié. 30 Introduction 26. Pour protéger la stabilité des relations et la régularité des transactions de biens, l’article 5 de la LDR, en énonçant que « les types et contenus des droits réels sont fixés par les lois », consacre expressément le principe de numerus clausus. De même, la LDR prévoit expressément le principe de la publicité des droits réels (art. 6, LDR) qui signifie que la constitution, la modification, la transmission ou l’extinction de ceux-ci est subordonnée à la remise des choses ou à l’inscription, ainsi que le principe de spécialité selon lequel les droits réels ne peuvent porter que sur les biens individualisés et identifiés quant à leurs natures, leurs situations, leurs qualités et leurs quantités (art. 2, al. 3, LDR). 27. En clarifiant les notions de base et en énonçant expressément les principes généraux des droits réels, la LDR supprime les obstacles théoriques des sûretés réelles. Néanmoins, la portée de la LDR en ce qui concerne les sûretés réelles va plus loin que les points susmentionnés. Elle a aussi apporté des améliorations directes aux sûretés réelles. Tout d’abord, la LDR a consacré, pour la première fois en droit chinois, un chapitre aux « Dispositions générales » (chapitre XV) des sûretés réelles. Après une simple définition qui met l’accent sur le droit de préférence des sûretés réelles (art. 170), ce chapitre présente les dispositions nouvelles concernant les principes et les caractéristiques des sûretés réelles : le principe de numerus clausus (art. 171, alinéa 1), le caractère accessoire (art. 172) et la subrogation réelle (art. 174). Il se trouve aussi des dispositions qui répètent des règles déjà prévues dans la LS : l’étendu de la créance garantie par les sûretés réelles (art. 173), la transmission de la dette principale (art. 175), la relation entre les sûretés réelles et les sûretés personnelles (art. 176) et les causes communes d’extinction (art. 177). Cet arrangement a remédié au problème posé par la structure illogique de la LS, où les dispositions générale figurent au Chapitre III intitulé« De l’hypothèque ». 31 Introduction Quant au régime d’hypothèque, la LDR a pour but d’améliorer et préciser les règles fixées par la LS. L’hypothèque immobilière entre en vigueur dès l’inscription de l’hypothèque et non pas au moment de la conclusion du contrat constitutif (art. 187). Cela a résolu le problème posé par la LS qui confondait la constitution valable de l’hypothèque avec la validité du contrat constitutif de l’hypothèque. Pour l’hypothèque mobilière, l’inscription n’est qu’une condition d’opposabilité, elle entre en vigueur dès la conclusion du contrat hypothécaire. Le régime du gage est stable. La LDR adopte la solution énoncée par les « Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC »(2000), disposant que le gage entre en vigueur dès la remise de la chose grevée et non pas au moment de la conclusion du contrat constitutif. Cela a résolu le problème posé par la LS, qui a confondu l’entrée en vigueur du gage avec l’effet du contrat constitutif du gage. D’ailleurs, les assiettes de nantissement sont élargies parce que, dès l’application de la LDR, les créances à recevoir peuvent être nanties (art. 223-6o et 228, LDR). De plus, les champs d’application du droit de rétention, qui étaient limités aux obligations résultant du contrat de conservation, de transport, de façonnage et de forfait, de magasinage et de courtage par la LS et la LC, sont nettement élargis. Ils peuvent comprendre tous types d’obligations, que ce soient des obligations contractuelles ou délictuelles etc., sous réserve des dispositions des lois ou des conditions convenues entre les parties12. 4) D’autres normes concernant les sûretés réelles 28. Outre les lois précitées, il existe aussi d’autres normes qui touchent directement ou indirectement aux sûretés réelles. 12 LI Jianwei, Les 61 thèmes du droit civil – des symposiums de l’examen juridique national, Éd. de la cour populaire, p. 274. 32 Introduction 29. En premier lieu, nous envisagerons les lois spéciales qui peuvent relever du droit civil, du droit commercial ou économique13 ou encore des lois procédurales. En matière de droit commercial ou économique, il existe deux lois importantes qui enrichissent beaucoup le droit chinois des sûretés : la Loi sur le commerce maritime (LCM) de 1992 et la Loi sur l’aviation civile (LAC) de 1995. La première instaure le régime de l’hypothèque, de privilège et du droit de rétention des navires de mer. La seconde aborde principalement le régime de l’hypothèque et des privilèges des aéronefs civils. Ces deux lois ont élargi l’assiette des sûretés réelles. La nouvelle Loi sur la faillite d’entreprise (LFE) promulguée le 27 août 2006 et appliquée le 1er juin 2007 est très importante pour déterminer les classements des créanciers ayant sûretés réelles en cas de liquidation judiciaire. De plus, elle est aussi une source importante du droit en matière de privilèges, même si la nature de ces droits est beaucoup discutée en doctrine chinoise. Par ailleurs, en raison du rôle central des sociétés dans l’activité économique moderne, la Loi sur les sociétés a un statut majeur dans le système du droit. En matière de sûretés, elle prévoit des dispositions spéciales relatives à la procédure à suivre pour la constitution des sûretés fournies par sociétés (art. 16, 105, 122 et 149). Mais elles concernent principalement la gestion et les responsabilités internes d’une société. De plus, la Loi sur la gestion des biens immobiliers en zone urbaine mérite notre attention. Elle prévoit les règles relatives à la concession et l’allocation des droits d’usage du terrain (chapitre II), la transaction et l’exploitation 13 En doctrine chinoise, on distingue le droit commercial, le droit économique du droit civil. XIAO Junyong, LIU Chengwei, De la division des branches du droit, in Quotidien du système législatif, 2003. 33 Introduction d’immeubles (chapitre III), ainsi que les règles concernant l’inscription immobilière (chapitre V). De même, la « Loi sur la gestion des terres » fixe les biens susceptibles d’être hypothéqués : la propriété et le droit d’usage du terrain. Il en est de même des lois qui organisent la liquidation des personnes physiques ou morales, telles que la Loi sur les assurances, la Loi sur les banques commerciales, la Loi sur les entreprises associées, la Loi sur les effets de commerce, la Loi sur la procédure civile, etc. 30. En deuxième lieu, il existe des décrets et des arrêtés qui influencent les sûretés réelles. Les décrets sont les normes émanant du Conseil des Affaires d’État (CAE), dont le pouvoir de législation administrative est confié par l’Assemblée populaire nationale (APN). Ils relèvent souvent du droit civil. Citons, par exemple, quelques décrets concernant le droit des sûretés : le « Règlement de la gestion des bâtiments privés en zone urbaine » promulgué en 1983 mentionne dans son deuxième chapitre l’inscription immobilière ; le « Règlement provisoire sur la concession et l’aliénation des droits d’usage du terrain d’État dans les villes et les bourgs», qui se divise en sept chapitres (Dispositions générales, Concession, Aliénation, Bail, Hypothèque, Session et Affectation du droit d’usage des terres) suivis d’une annexe, touche directement les sûretés réelles. De plus, le CAE promulgue aussi des décrets à caractère explicatif qui peuvent préciser certaines règles civiles posées par la loi, tel que le « Règlement sur les exécutions de la Loi sur la gestion des terres ». Depuis l’application de la LS, les arrêtés fixent aujourd’hui principalement les règles relatives à la gestion de l’inscription administrative (par exemple, les papiers à fournir, les formulaires à remplir, les organes chargés de l’inscription, etc.). À titre d'exemple, voici deux arrêtés ministériels : Règles concernant l’inscription 34 Introduction hypothécaire du droit d’usage des terres collectives rurales 14 et Mesures provisoires administratives concernant l’inscription des contrats de gage portant sur les droits de propriété industrielle15. Ces arrêtés ont pour vocation de faire appliquer les lois de hiérarchie supérieure concernant les sûretés réelles. En pratique, si l’on procède à une inscription hypothécaire, il faut consulter de multiples normes qui se situent à différents degrés dans la hiérarchie des normes. Exceptionnellement, un arrêté peut être la source principale d’un type de sûreté. Ici, la sûreté à l’étranger mérite une attention particulière. Les sources principales en sont les Mesures d’administration des sûretés à l’étranger consenties par les établissements intérieurs édictées par la Banque populaire de Chine en 1996 et ses Règlements détaillés d’application promulgués par l’Office national des changes en 1997. 31. En troisième lieu, il convient d’envisager aussi les explications judiciaires édictées par la cour suprême chinoise. Selon la théorie dominante en droit chinois, elles ne constituent pas une source du droit. En effet, la cour suprême n’a pas de pouvoir législatif, ni le pouvoir d’interpréter une loi, lesquels n’appartiennent qu’au Comité permanent de l’APN et à son organe délégué. Cependant, pour des raisons historiques (les techniques législatives chinoises ne sont pas assez accomplies et les juges chinois de base ne sont pas toujours compétents, par exemple), les explications judiciaires ont force obligatoire en pratique. Concernant les sûretés réelles, les Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) 14 Promulgué par l’Administration nationale de la gestion des terres (remplacée par le Ministère du Territoire et des Ressources) et entre en vigueur le 11 septembre 1995. Cette loi, qui se compose de 14 articles, fixe les règles concernant l’organe administratif chargé de l’inscription, le domaine d’inscription de l’hypothèque du droit d’usage des terres collectives rurales et la requête et procédure d’inscription. 15 Promulgué le 19 septembre 1996 par le Bureau national de la propriété intellectuelle, entré en vigueur le 1er octobre 1996. Cette réglementation, qui se compose de 24 articles, précise l’organe administratif chargé de l’inscription de ce type de contrats de gage, la requête, l’examen et la procédure de l’inscription. 35 Introduction constituent un bon exemple. En pratique, l’application de cette norme prime même sur celle de la LS et des autres normes écrites relatives aux sûretés, sauf la nouvelle LDR16. 32. En outre, les politiques du Parti communiste chinois (PCC) et la doctrine occupent une place importante en droit chinois. Concernant les politiques du PCC, il faut remarquer qu’elles ne constituent pas une source du droit. Toutefois, en raison du caractère du système politique chinois, quand l’occasion se présente ou le cas échéant, elles peuvent devenir une loi ou un règlement lorsqu’elles sont adoptées par le législateur. Le régime des privilèges des employés d’une entreprise d’État en cas de « faillite politique » constitue un bon exemple en matière du droit des sûretés. 33. Enfin, la doctrine ne constitue pas non plus une source du droit chinois. Cependant, son rôle gagne en importance, notamment en droit civil, car des professeurs et des chercheurs s’engagent de plus en plus dans les organes législatifs et juridiques, participant ainsi directement à la législation ou à la justice17. De plus, ils fournissent souvent des formations différentes aux organes législatifs et juridiques. En pratique, il n'est pas rare que les tribunaux s’inspirent de la doctrine pour rendre un jugement et pallier les lacunes législatives. B. Les principes dominant l’évolution contemporaine du droit des sûretés réelles 34. L’exploitation de la valeur de crédit des biens et l’efficacité des sûretés réelles sont toujours les buts poursuivis par le droit des sûretés réelles, quel que soit le système juridique. 16 LI Shigang, op. cit., p. 93. 17 Par exemple, la LDR est profondément influencée par les projets rédigés par les chercheurs, notamment le projet proposé par le groupe présidé par le professeur LIANG Huixing, et celui proposé par le professeur WANG Liming. 36 Introduction a. La recherche de la meilleure exploitation de la valeur des biens 35. La sûreté réelle la plus ancienne est la fiducie, qui suppose le transfert de la propriété du bien engagé. Cette sûreté prive le débiteur de l'usage du bien grevé. La valeur de crédit du bien ne peut donc être utilisée qu’une seule fois, car un même bien ne pourra plus faire l’objet une seconde sûreté. Sur le plan économique, il y a évidemment gaspillage du crédit. 36. Sont apparues ensuite progressivement des sûretés réelles qui ne supposaient plus un transfert de propriété, comme le pignus et l’hypothèque. La première nécessite le dessaisissement du débiteur, de manière à éviter au créancier le risque de détournement du bien grevé mais s’accompagne d’un inconvénient pour le débiteur qui ne peut plus en tirer d’utilité économique ; alors que la seconde ne nécessite pas le dessaisissement du débiteur. Elle peut porter sur les meubles ou les immeubles. Elle confère à son créancier titulaire un droit de préférence et un droit de suite. 37. Le Code civil de 1804 a consacré le gage, l’hypothèque et les privilèges, les deux derniers ne supposant pas le transfert de propriété, ni le dessaisissement du débiteur. Depuis lors, le constituant peut constituer plusieurs hypothèques sur un immeuble, et peut aussi s’en servir. La valeur du bien peut donc être autant exploitée que possible. Ce qui est regrettable, c’est que les meubles ne puissent être l’objet d’une telle sûreté. 38. Au fil du temps, le législateur a consacré certaines sûretés mobilières sans dépossession, tels que l’hypothèque maritime (créée en 1874, elle est aujourd’hui régie par la loi du 3 janvier 1967, v. infra n° 327), l’hypothèque fluviale (consacrée par la loi du 5 juillet 1917, elle est maintenant régie par l’article 95 et s. du Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, v. infra n° 327) l’hypothèque aérienne (consacrée par la loi du 31 mai 1924, elle est maintenant régie par l’article L. 122-1 et s. du Code de 37 Introduction l’aviation civile, v. infra n° 327) et le gage des véhicules terrestres (créé par la loi de 1934, modifié par le décret de 1953, et intégré par l’ordonnance du 23 mars 2006 dans le Code civil aux articles 2351 à 2353 nouveaux, v. infra n° 326)18. 39. Enfin, la réforme de 2006 a généralisé le gage sans dépossession dans le Code civil. Désormais, les meubles peuvent généralement faire l’objet de ce type de sûretés sans dépossession. Ceci offre un avantage évident au débiteur qui peut postérieurement constituer plusieurs sûretés sur un même bien et/ou garder l’utilité du bien grevé. 40. En droit chinois, avant la promulgation de la LS, le régime juridique des sûretés était, pour ainsi dire, impraticable. La valeur du bien contribuait trop peu à l’octroi du crédit. L’entrée en vigueur de la LS a apporté une nette amélioration. Les meubles pouvaient alors être affectés en gage pour garantir une créance. Surtout, certains meubles pouvaient, comme les immeubles, faire l’objet de l’hypothèque. Ainsi, la valeur du bien à l’égard du crédit était bien exploitée. Sous l’empire de la LS, ce qui est regrettable, c’est que le constituant de l’hypothèque ne puisse constituer une nouvelle hypothèque que sur la valeur du même bien grevé excédant la créance initialement garantie et que l’hypothèque portant sur les meubles n’ait pas été généralisée. Il demeurait donc encore des gaspillages de la valeur du bien. 41. Heureusement, la LDR est venue perfectionner le régime des sûretés réelles. En généralisant l’hypothèque sur les meubles et en supprimant la restriction imposée par la LS aux hypothèques successives constituées sur un même bien, le législateur chinois cherche toujours à favoriser la meilleure exploitation de la valeur du crédit et l’utilité des biens. 18 Ce gage ne nécessitant pas une dépossession matérielle, le constituant peut encore faire user ou jouir de la chose. 38 Introduction b. La recherche de l’efficacité maximale 42. L’efficacité des sûretés réelles recherchée par le législateur se manifeste sous plusieurs aspects. 43. En droit français, l’ordonnance de 2006 renforce nettement l’efficacité des sûretés réelles relative à la leurs constitutions, leurs opposabilités et leurs réalisations. En ce qui concerne la constitution, le gage a perdu son caractère réel et devient un contrat solennel. Un acte écrit suffit pour sa valable constitution. Son opposabilité est désormais assurée par la dépossession du bien ou l’inscription du gage. L’application du Décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006 pris pour l'application de l'article 2338 du Code civil et relatif à la publicité du gage sans dépossession rend le gage sans dépossession plus efficace que le gage avec dépossession. L’efficacité de la réalisation, quant à elle, se manifeste d’abord par la généralisation du pacte commissoire (v. supra n° 7) par lequel le créancier peut devenir le propriétaire du bien grevé après une simple évaluation par un expert en cas de non paiement de sa créance garantie. Ensuite, l’ordonnance généralise l’attribution en paiement et facilite sa mise en ouvre en faveur du créancier. Au-delà de l’ordonnance, la Loi de modernisation de l’économie de 2008 a étendu le droit de rétention au gage sans dépossession (art. 2286, al. 4, C. civ.). De plus, l’hypothèque rechargeable, qui permet d’affecter successivement ou simultanément une même hypothèque en garantie de plusieurs créances, simplifie la constitution de plusieurs hypothèques sur un même immeuble et en réduit sensiblement les coûts. Elle renforce aussi les droits de préférences des créanciers qui inscrivent leurs droits après le créancier initialement garanti. Toutes ces caractéristiques renforcent l’efficacité des sûretés réelles en droit français. 39 Introduction 44. En droit chinois, l’efficacité des sûretés réelles traditionnelles est renforcée par la LDR. Par exemple, la publicité de la sûreté, qu’elle soit réalisée par la remise de la chose grevée ou par l’inscription, était une condition de la validité du contrat constitutif de sûreté. La LDR l’a modifiée en distinguant la validité du contrat de celle de la sûreté elle-même. Désormais, le contrat constitutif de sûreté est valable par la simple conclusion écrite. Étant donné que l’hypothèque de montant maximal qui « peut garantir, dans la limite d’un montant maximal, des créances qui se produiront successivement pendant une période déterminée » est consacrée par la LDR (art. 203, LDR), les parties de l’hypothèque n’ont pas à constituer plusieurs hypothèques pour les créances successives. De plus, ce régime est aussi applicable au gage, c’est ce que l’on appelle gage de montant maximal. En outre, la LDR a créé l’hypothèque flottante, qui permet au constituant d’affecter l’ensemble des machines de production, des matières premières, des produits semi-finis et des produits finis en garantie d’une créance. Cette sûreté nouvelle, non seulement renforce la fiabilité du droit de sûreté du créancier, mais aussi réduit les coûts pécuniaires et en temps nécessaires à la constitution des hypothèques sur chaque bien. Elle est donc plus efficace que les sûretés réelles traditionnelles. En résumé, le législateur chinois, comme le législateur français, cherche toujours à améliorer l’efficacité des sûretés réelles. § II - Difficultés et portée de la présente étude 45. La présente étude comparée soulève, sans aucun doute, des difficultés majeures. Elle revêt aussi une signification importante pour les juristes et les commerçants des deux pays. A. Difficultés rencontrées dans la présente étude 40 Introduction 46. La première difficulté rencontrée concerne la traduction, et ceci pour deux raisons. D'abord, le nombre astronomique des documents à traduire, y compris les lois au sens strict, les règlements et autres normes juridiques, les œuvres des juristes, etc. Ensuite, il est toujours difficile de trouver les terminologies juridiques françaises pour correspondre exactement aux terminologies juridiques chinoises, car les terminologies juridiques sont toujours fondées sur leurs propres systèmes juridiques, lesquels sont intimement liés aux traditions culturelles et sociales propres à chaque pays. Il ne s’agit pas d’une traduction purement linguistique, mais plutôt d’une approche de droit comparé. La traduction est donc un véritable travail de spécialiste en droit. Nous essaierons d’abord de trouver les terminologies et les institutions similaires en droit français et en droit chinois relatives aux sûretés réelles, puis de trouver des expressions françaises qui peuvent bien refléter avec justesse leurs significations chinoises. Pour ce qui concerne les institutions qui n’existent pas en droit français, nous les traduirons directement (s’il n’existe aucune terminologie en droit français qui correspond plus ou moins à leur signification chinoise, nous utiliserons la transcription en pinyin/拼音), en précisant leurs notions et fonctions de sorte à être bien compris des juristes français. 47. La deuxième difficulté réside dans la documentation. Cet aspect présente toujours une grande difficulté pour le travail de recherche, bien connue des juristes sino-français : « malgré les efforts entrepris, il n’existe pas encore à l’instar de nos démocraties occidentales de publication systématique et exhaustive des lois et règlements, la publication des décisions de justice est un phénomène nouveau et limité et la doctrine demeure embryonnaire »19. Et surtout, en raison des réformes récentes des sûretés réelles en droit français et en droit chinois, les recherches sur ces nouveaux sujets ne sont pas assez 19 Hervé LECLERCQ, Introduction au droit chinois des contrats, Éd. Joly, 1994, p.VII. 41 Introduction abondantes, a fortiori les études comparées des deux systèmes. Par exemple, le législateur français a reclassé les sûretés réelles selon leurs assiettes, mais non plus selon le critère de la possession, il a aussi consacré officiellement dans le Code civil le « gage sans dépossession ». Sur ces nouveaux points, certains auteurs ont fait des efforts et rencontré un certain succès, mais ce domaine reste loin d’être étudié en profondeur. 48. En dépit de ces difficultés, c’est un sujet important et intéressant qui mérite une étude approfondie. B. Portée de la présente étude comparée 49. Pour mieux comprendre la portée de la présente étude, il nous semble judicieux d’invoquer les paroles de monsieur Francesco COSENTINI : « j’ai toujours considéré comme une grave erreur celle de Montesquieu, qui dans son Esprit des Lois, prétend que les lois doivent être tout à fait le reflet de leur milieu social, doivent différer d’un pays à l’autre, comme deux feuilles dont il n’est jamais possible d’en trouver deux exactement semblables. L’histoire de la législation et le droit comparé nous montrent tout le contraire. Le droit vise à l’universalité » 20 . Cette remarque est un appel à la recherche juridique dynamique, qui peut se résumer en une simple phrase : comparer en unifiant et unifier en comparant. 50. De nos jours, l’Union Européenne (UE), dont la France est l’un des pays les plus importants, est le principal partenaire commercial et la première destination d’exportation de la Chine. Réciproquement, la Chine occupe une place très importante pour les importations et exportations de l’UE. En conséquence, d’un côté, de plus en plus d’entreprises chinoises commencent ou veulent commencer à développer leurs activités en France ; de 20 Francesco COSENTINI, Le droit comparé et l’Américain Common law, cité par Ph. REYMOND, Les sûretés mobilières aux Étas-Unis et en Suisse, Librairie Droz (Genève), 1983, p. 15. 42 Introduction l’autre côté, les entreprises françaises en Chine sont de plus en plus nombreuses21. Les opérations de financement, où les sûretés réelles jouent un rôle non négligeable, sont essentielles tant pour les entreprises chinoises en France que pour les entreprises françaises en Chine. Dans ce contexte, une étude comparée des systèmes de sûretés réelles en Chine et en France revêt une importante signification, à la fois pratique et théorique : --- pour les autorités judiciaires confrontées au problème de la qualification et de la reconnaissance d’une sûreté réelle constituée à l’étranger ; --- pour les commerçants, les fabricants et les importateurs dont la garantie réelle constituée à l’étranger est menacée par le déplacement du bien grevé de la Chine en France ou de la France en chine, ainsi que pour ceux-ci de l’un pays qui désirent obtenir une sûreté réelle dans l’autres pays ; --- pour les juristes dans ces deux pays, qui s’intéressent au droit international privé ou au droit comparé. 51. En résumé, l’objet de cette étude consiste à analyser les points communs et les divergences entre les systèmes concrets des sûretés réelles en droit chinois et en droit français. Cependant, auparavant, il convient de présenter et d’éclairer, sur un point particulier et important, les théories générales des sûretés réelles dans les deux pays. Ainsi, le présent travail comprendra trois parties : Dans la première, nous comparerons la théorie générale des sûretés réelles en droit chinois et en droit français. 21 Selon la statistique réalisée par le Ministère d’investissement français en 2007, le nombre des entreprises chinoises en France est d’environ 100 ; selon la statistique réalisée par l’Ambassade de France en Chine, le nombre des entreprises françaises en Chine est de plus de 2 000. 43 Introduction La deuxième partie portera sur la comparaison des systèmes chinois et français concrets des sûretés mobilières. La troisième partie sera consacrée aux sûretés immobilières dans les deux pays. 44 Première partie Théorie générale des sûretés réelles (approche macro juridique) 45 Titre I – La délimitation de « sûreté réelle » 46 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » Chapitre I – La notion de « sûreté réelle » 52. L’analyse de notion est l’activité préalable des études juridiques. Elle est sans aucun doute une condition préalable de la qualification juridique qui nécessite les connaissances exactes des éléments constitutifs d’un terme juridique. 53. Le terme de « sûreté réelle » n’était qu’un terme doctrinal en France ainsi qu’en Chine pour s’opposer aux sûretés personnelles. Cependant, la réforme française des sûretés et la réforme chinoise des droits réels adoptent, pour la première fois et sans se donner le mot, officiellement le terme de « sûreté réelle » dans leurs lois. Il semble donc que nous pouvons mettre cette question de côté maintenant que le terme de « sûreté réelle » est officiellement utilisé dans le Code civil français et dans la Loi sur les droits réels (LDR) chinoise. Cette question nécessite toutefois une étude plus poussée en doctrine, puisqu’en tant qu’un terme juridique, la « sûreté réelle » est loin d’être assez précise et stricte : le Code civil ne donne pas la définition ; la LDR ne donne qu’une définition sommaire. En effet, c’est un terme officiellement employé par le législateur pour mieux organiser la structure de la loi. Il rassemble certaines catégories de sûretés de même nature ou de nature similaire, mais chacune a leur propre particularité. Donc, l’étude de la notion de « sûreté réelle » est une question prioritaire à approfondir. Pour mieux procéder aux études de la notion de « sûreté réelle », il s'avère d’abord nécessaire de donner la définition de « sûreté réelle », soit les attributs essentiels qui enferment les sûretés réelles ; et puis d’exposer ses caractères essentiels. Ceux qui nous permettent de distinguer la sûreté réelle du gage général figurant dans l'article 2285 du Code civil. Section I – La définition de « sûreté réelle » 47 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » 54. Donner la définition d’un terme juridique, notamment un terme comme « sûreté réelle » qui rassemble plusieurs catégories de sûretés, n’est pas une mission facile. Nous envisagerons successivement la définition de « sûreté réelle » en droit français qui n’est pas précisée par le législateur et qui n’existe qu’en doctrine et, la définition imprécise donnée par la LDR de 2007. § I – Les tentatives effectuées par la doctrine française 55. En droit français, la définition de la sûreté réelle n’existe que dans le domaine doctrinal et, est en partie incertaine: la sûreté réelle est la technique spécifique de sûreté visant, d’une part, la rupture d’égalité entre les créanciers qui est réalisée par le droit de préférence, d’autre part, l’affectation de biens au paiement de la créance garantie qui est réalisée par le droit de prélèvement prioritaire sur la valeur du bien22. 56. La réforme aurait du être une occasion de clarification. En effet, un article de la rédaction de la réforme reprenait les deux critères précités pour définir ce type de sûreté: la sûreté réelle est l’affectation d’un bien au profit du créancier, en lui conférant un droit préférentiel 23 . Cette définition n’a finalement pas été reprise dans l’ordonnance de la réforme de 2006. 57. Heureusement, les auteurs s’accordent pour en délimiter les contours, ce qui éclaire le régime des sûretés réelles : la sûreté réelle est un mécanisme qui affecte un ou plusieurs biens déterminés ou encore un ensemble des biens au paiement préférentiel du créancier ; elle constitue l’accessoire de la créance garantie et confère à son bénéficiaire un droit réel sur ce ou ces biens24. 22 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, Traité de droit civil - droit commun des sûretés réelles, LGDJ, 1996, p.10. 23 Rapport de Michel Grimaldi, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/ 054000230/index.shtml. 24 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Puf, 2006, V° Sûreté ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, Dalloz, 2009, p. 325. 48 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » § II – La définition donnée par le législateur chinois 58. Avant la promulgation de la LDR, la définition de sûreté réelle en droit chinois étais aussi partiellement incertaine comme celle en droit français avant la réforme de 2006. La Loi sur les sûretés (LS) a fixé trois catégories de sûretés réelles (l’hypothèque, le gage et le droit de rétention) qui formaient l’ossature du droit chinois des sûretés réelles, sans donner malheureusement la définition de « sûreté réelle ». En théorie, il y avait principalement quatre opinions: la première considérait que la sûreté réelle était un droit réel limité portant sur le bien ou les droits particuliers du débiteur ou des tiers, afin de garantir le paiement de la dette ; la deuxième était très simple, elle considérait que la sûreté réelle était un droit réel portant sur la valeur d’échange de la chose ; la troisième estime que la sûreté réelle était un droit réel d’autrui qui porte sur le bien particulier du débiteur ou des tiers et qui confère à son titulaire un droit de préférence, afin de garantir le paiement de la dette ; la dernière considérait que la sûreté réelle était un droit réel portant directement sur la valeur d’échange du bien particulier, afin de garantir le paiement de la dette25. 59. Cependant, ces points de vue ne révélaient que certains aspects de la sûreté réelle. La situation est heureusement en train de s’améliorer après l’entrée en vigueur de la LDR. Selon la LDR, la sûreté réelle est un droit préférentiel sur le bien grevé au profit du créancier en cas d’inexécution de la dette à l’échéance ou quand les conditions convenues par les parties sont réunies (art. 170, LDR). En plus, étant insérées dans la LDR, les sûretés réelles sont indiscutablement des droits réels. 60. À travers la définition doctrinale du droit français et celle donnée par la LDR chinoise, nous pouvons conclure que la sûreté réelle est un droit réel accessoire qui confère à son titulaire un droit de préférence sur la valeur du 25 YANG Hong, Études sur les sûretés réelles, Éd. des sciences sociales de Chine, 2007, p. 1-2. 49 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » bien grevé. De cette conclusion résultent quelques caractères de « sûreté réelle ». Section II – Les caractères de « sûreté réelle » 61. De la définition que la sûreté réelle est un droit réel accessoire qui confère à son titulaire un droit de préférence sur la valeur du bien grevé, nous pouvons déduire les trois caractères communs des sûretés réelles en droit français et en droit chinois. § I – Un droit réel A. La qualification 62. La doctrine dominante française et la loi chinoise qualifient la sûreté réelle d’un droit réel pour les raisons suivantes. 63. En premier lieu, elle confère à son titulaire un droit de préférence qui est une inhérence naturelle du droit réel. Le créancier garanti peut se prévaloir du droit de préférence sur le bien grevé. Cela signifie que la sûreté réelle confère à son titulaire le droit d’être payé en préférence sur son assiette par rapport aux autres créanciers chirographaires du constituant. De plus, grâce au système de publicité, la sûreté réelle constituée antérieurement prime celle constituée postérieurement. Cette attribution est diamétralement opposée au principe d’égalité qui est le plus remarquable principe du droit des obligations. Cela permet aussi de distinguer la sûreté réelle de la sûreté personnelle. À la différence du droit personnel, la sûreté réelle est souvent assortie d’un droit de suite, prolongement naturel du jus in re. Le titulaire d’un droit réel est investi du droit de suivre la chose sur laquelle porte son droit entre les mains des tiers qui l’auraient acquise par d’autres voies. Ainsi le propriétaire peut agir en revendication contre le tiers acquéreur ou le simple possesseur de la chose dont il a été dépouillé (sauf dans les cas où la loi paralyse la revendication, comme celui prévu par l’article 2279 du Code civil français). 50 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » En matière immobilière, le créancier hypothécaire en droit français, grâce à l’efficacité de la publicité immobilière, s’il n’est pas payé à l’échéance, pourra efficacement saisir l’immeuble hypothéqué entre les mains d’un tiers acquéreur pour le faire vendre et exercer son droit de préférence sur le prix (art. 2461, C. civ.). En droit chinois, bien qu’il ne dispose du droit de suite, le créancier hypothécaire est spécialement protégé par l’interdiction de l’aliénation du bien grevé (art. 191, LDR) et, cela permet de la distinguer du droit personnel. En matière mobilière, le droit de suite est souvent mis à mal à cause de l’effet attributif de la possession mobilière en droit français (art.2279 du Code civil français). Mais la loi intercède en faveur du créancier en lui attribuant un droit de suite qui appuie sur la publicité de la sûreté26. Grâce au décret du 23 décembre 2006 pris pour l’application de l’article 2238 du Code civil relatif à la publicité du gage sans dépossession et qui est entré en vigueur le 1er mars 2007, le créancier gagiste bénéficiaire d’un gage de droit commun bénéficie d’un droit de suite sur le bien grevé dès lors que le gage est sans dépossession et qu’il a été régulièrement publié. En droit chinois, c’est regrettable que la loi soit silencieuse sur ce point. 64. En second lieu, la sûreté réelle réalise une emprise sur la chose, bien que ce pouvoir soit plus faible que d’autres droits réels, tels que la propriété et le droit d’usufruit. Cette emprise peut être à la foi matérielle et juridique, comme dans le gage avec dépossession par exemple. Cependant, cette emprise n’est pas pareille comme celle en cas d’un droit réel principal parce que le gagiste est mis en possession pour conserver la chose grevée et non pas pour en user ou jouir. Pour d’autres sûretés réelles comme l’hypothèque, l’emprise est simplement juridique parce que le créancier hypothécaire n’est pas investi d’aucune possession sur l’immeuble hypothéqué. 26 Marc MIGNOT, Droit des sûretés, Montchrestien, 2008, p. 291. 51 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » B. Les conséquences de la qualification a. Le principe de légalité (numerus clausus) 65. Le pouvoir de créer des sûretés réelles est-il monopolisé par le législateur ? Y a-t-il de la place pour la volonté individuelle de créer des sûretés réelles ? Cette question se pose en effet tant en droit français qu’en droit chinois. 66. Etant qualifiées des droits réels, le numerus clausus s’applique en principe aux sûretés réelles : généralement, il n’y a pas d’autres sûretés réelles autres que celles énumérées par la loi. 67. En droit français, cette solution a été confirmée par la jurisprudence du XIXe siècle27. Du point de vue des régimes des sûretés réelles, on peut aussi trouver des reflets du numerus clausus. Par exemple, l’article 2323 du Code civil énonce que « les causes légitimes de préférence sont les privilèges et les hypothèques ». Les espèces des sûretés réelles sont donc limitatives et ne comprennent que celles prévues par la loi28. De plus, toute sûreté ne saurait opposable qu’au moment d’accomplissement de la formalité de publicité qui ne peut être organisée que par le législateur, sauf certaines exceptions expressément prévues par les dispositions. Aussi, les parties ne peuvent pas modifier les règles d’une sûreté qui est traitées par la loi comme des règles fondamentales, par exemple, la forme écrite de l’acte constitutif pour le gage ou l’hypothèque. C’est aussi pour cela que le droit international privé français ne 27 V. Arrêt Caquelard, Cass. civ., 13 févr. 1834, S. 1834, 1, 205 ; DP 1834, 1, 218. 28 AUBRY et RAU, Droit civil français, 7 éd. par P. Esmein, t. III,Librairies Techniques, 1963, § 256, n° 79 ; Georges RIPERT, Jean BOULANGER, Traité e droit civil –d’après le traité de PLANIOL, t. III, LGDJ, 1958, no 11. 52 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » reconnait les sûretés constituées à l’étranger que si elles correspondent aux espèces reconnues en droit français29. Si on peut librement constituer des sûretés réelles autres que celles énumérée par la loi, la loi du concours et le classement des créanciers fixés par la loi seront bouleversés. La sécurité juridique serait alors atteinte. 68. En droit chinois, en raison des mêmes considérations susmentionnées30, la même solution a aussi été consacrée par l’article 5 de la LDR qui énonce expressément que « les espèces et les contenus des droits réels sont fixés par la loi ». Cependant, le numerus clausus ne nie pas absolument le rôle des volontés individuelles : il existe à côté des sûretés stricto sensu, désignées par la loi en tant que telles, des mécanismes remplissant la même fonction que l’on peut analyser comme des sûretés réelles. Tels que le gage-espèces en droit français qui est cité par certains auteurs comme une création de la pratique31 dont la qualification – gage ou cession fiduciaire – est discutée32 ; l’hypothèque en droit chinois du droit d’usage des terres dans des zones rurales qui est interdite par la loi et qui est pratiquement essayée dans certaines régions. 69. Quoi qu’il en soit, la question est aujourd’hui plus que jamais très théorique eu égard au développement de nouvelles sûretés33. 29 En effet, ce type de conflit ne peut guère se produire que pour les sûretés mobilières. V. G. KHAIRRALAH, Les sûretés mobilières en droit international privé, Thèse 1984, préf. P. LAGARDE ; v. également, CA Paris, 19 janv. 1976, Rev. crit.DIP. 1977, 126, obs. P. LAGARDE, à propos d’une floating charge ; M. CABRILLAC, La reconnaissance en France des sûretés réelles sans dépossession constituées à l’étranger, Rev. crit. DIP. 1979, 487. 30 YIN Tian, Commentaires et réflexions de la théorie de droits réels, Éd. de l’Université du peuple de Chine, 2008, p. 122 -126, 135 -137. 31 M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, Droit des sûretés, Litec, 2007, no 553. 32 Yves PICOD, op. cit., p. 322 - 323 et p. 471 - 473. 33 Ibid., p. 240. 53 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » b. La règle de spécialité 70. Le principe de spécialité est aussi une des règles fondamentales du droit des sûretés réelles en tant que droits réels, au moins en principe. Le principe s’applique à la créance garantie d’un côté, et à l’assiette de la sûreté d’autre côté. Autrement dit, une sûreté réelle ne peut garantir que certaines créances déterminées et ne peut porter que sur certains biens déterminés. Le principe de spécialité se justifie par le souci de protéger les intérêts du constituant. Il le protège pour qu’il n’épuise pas toutes ses possibilités d’obtenir des autres crédits par un seul acte isolé34. Il s’applique aussi bien en droit français qu’en droit chinois. 71. Cependant, face au besoin du développement du crédit, le principe de spécialité, bien qu’il n’ait pas été mis en cause dans l’ensemble, a connu des assouplissements dans les deux systèmes juridiques. 72. En premier lieu, les tempéraments sont apportés quant à l’assiette de la sûreté réelle. En matière mobilière, le gage de droit commun se formais par la remise de la chose grevée et la dépossession était une condition de la validité du gage jusqu'à la reforme de 2006 en droit français. La dépossession du bien futur est impraticable. Selon la théorie traditionnelle du principe de la spécialité, la spécialité de la créance garantie et de l’assiette de sûreté était appréciée au moment de la constitution de la sûreté. Il était ainsi logique que le gage ne puisse porter que sur un bien déterminé. Cette situation correspond bien à la situation actuelle du gage en droit chinois dont la validité nécessite la remise de la chose grevée. Cependant, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance française du 23 mars 2006, la dépossession devient une condition d’opposabilité de la sûreté. Ce changement a rendu possible d’apporter des assouplissements au 34 Dominique LEGEAIS, Travaux dirigés de droit des sûretés, Litec, 2006, p. 197. 54 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » principe de spécialité. Aujourd’hui, l’article 2333 du Code civil énonce que le gage peut porter sur un bien ou un ensemble de biens présents ou futures. Cette solution est aussi consacrée par l’article L. 527-1-6o du Code de commerce concernant le gage des stocks. Ainsi, la sureté peut porter sur un bien futur, à condition qu’il soit déterminable. En droit chinois, l’assouplissement du principe de spécialité quant à l’assiette n’a pas été généralisé comme en droit français. Seules les hypothèques portant sur des navires ou des aéronefs au cours de construction (art. 180, LDR) ou portant sur des machines de production, des matières premières, des produits semi-finis et des produits finis futurs sont consacrées par la loi (art. 181, LDR). En résumé, le principe de spécialité en matière des sûretés mobilières n’est pas abandonné, mais est plus ou moins tempéré en droit français et en droit chinois. En matière immobilière, le principe de spécialité joue un rôle important. L’hypothèque doit, en principe, porter sur un bien déterminé afin de pouvoir être publiée. C’est une même règle qui s’applique aussi bien en droit français qu’en droit chinois. Cependant, il arrive en droit français que l’hypothèque puisse porter sur des biens futurs dans certains cas35. Par exemple, celui qui ne possède pas d’immeubles présents et libres suffisants pour la sûreté de la créance peut consentir une hypothèque sur chacun des immeubles qu’il acquerra au fur et à mesure par la suite ; celui dont l’immeuble présents de l’hypothèque a péri ou subi des dégradations importantes que sa valeur n’est plus suffisante pour la sûreté de la créance, peut consentit une hypothèque ; celui qui possède un droit actuel permettant de construire à son profit sur le fonds d’autrui peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est commencée ou simplement projetée. S’agissant du gage immobilier français, 35 F. MARTIN, Le principe de spécialité de l’hypothèque – Application et évolution, Dr. et patrimoine, nov. 2005, p. 58. 55 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » comme la dépossession est une condition de validité pour lui, ne peut porter que sur des biens présents déterminés. En droit chinois, l’hypothèque de bâtiment au cours de construction ou simplement projetée est aussi consacrée par la loi (art. 180, LDR). Mais il n’existe pas d’autre assouplissement. Ainsi, en matière immobilière, le tempérament du principe de spécialité en droit chinois est moins important qu’en droit français. 73. En second lieu, tenant compte des exigences de la pratique, les assouplissements du principe de spécialité sont également apportés à l’égard de la créance garantie. En droit français, l’ordonnance admet que les sûretés réelles puissent se constituer pour la garantie des créances futures à la condition d’être déterminables. Aujourd’hui, les sûretés réelles, tels que le gage (art. 2333, al. 2, C. civ.), le nantissement (art. 2357, C. civ.), l’hypothèque (art. 2421 et 2422, C. civ.), etc., peuvent en principe garantir des créances futures36. Le principe de spécialité est ainsi considérablement tempéré en droit français. En droit chinois, en consacrant l’hypothèque de montant maximal (art. 203 et s., LDR ; v. aussi n° 496 et s.) et le gage de montant maximal (art. 222, LDR ; v. aussi n° 247), la LDR admet expressément que les sûretés réelles peuvent garantir des créances futures. 74. En résumé, le principe de spécialité des sûretés réelles est considérablement tempéré dans les deux systèmes juridiques. c. La règle d’indivisibilité 75. Considérant qu’elles sont qualifiées des droits réels et qu’un droit réel porte sur la totalité de la chose qui en est l’objet, les sûretés réelles sont 36 Le gage des stocks fait exception à ce principe, puisqu’il garantit toujours le crédit consenti par un établissement de crédit (art. L. 527-1, C. com.). v. Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 200. 56 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » indivisibles. Même si la dette se divise, le bien grevé répond entièrement de chaque fraction de la dette. Par exemple, le créancier gagiste ou hypothécaire peut faire valoir son droit sur le bien qui a été mis au lot d’un cohéritier tant que la part de la dette d’un autre cohéritier ne lui a pas été payée. Contrairement, même si la créance se divise, chaque fraction de la créance est garantie par la totalité du bien grevé. Par exemple, la banque créancière qui bénéficie d’un nantissement sur 10 000 titres du constituant peut encore saisir tous ces titres même si une petite partie de sa créance n’a pas été remboursée. En cas de division du bien grevé, chaque fraction du bien répond quand même la totalité de la dette. Par exemple, le créancier hypothécaire peut exercer son droit pour sa créance totale sur une portion détachée du bien qui lui avait été affecté. C’est la même règle qui s’applique aussi bien en droit français qu’en droit chinois37. Ainsi, le bien sur lequel porte le droit de rétention, le gage, le nantissement, l’hypothèque est entièrement affecté à la garantie de l’ensemble de la dette. 76. Cette règle présente sans aucun doute des avantages pour la protection du créancier. Elle emporte aussi des inconvénients parce qu’elle tend à entraver la circulation des biens38. En droit français, le législateur lui a apporté plusieurs tempéraments en matière immobilière. Par exemple, en cas des prêts spéciaux à la construction consentis par le Crédit foncier de France ou le Sous-comptoir des entrepreneurs, si l’immeuble est fractionné, l’hypothèque demeure mais pèse sur chaque lot 37 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, Les sûretés – La publicité foncière, Defrénois, 2006, p. 159 ; M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 569. En droit chinois, v. LIANG Huixing, CHEN Huabin, Droits réels, Éd. du droit, 2007, p. 305 ; YANG Hong, op. cit., p. 3 ; v. également les articles 71, 72 et 96 de l’ELS. 38 M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 569. 57 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » pour la part du prêt mis à la charge de l’acquéreur39. En outre, le législateur admet que les parties puissent conventionnellement exclure l’application de la règle d’indivisibilité. Le législateur chinois, comme le législateur français, a aussi tempéré la règle d’indivisibilité. Par exemple, si le créancier permet au débiteur de transmettre sa dette totale ou partielle sans le consentement du tiers constituant de sûreté réelle, le dernier n’assume pas la responsabilité de garantie correspondante de la partie transmise (art. 175, LDR). De surcroît, si le meuble retenu est divisible, le créancier titulaire ne peut exercer son droit de rétention que sur la fraction du bien dont la valeur correspond à sa créance impayée (art. 233, LDR). Enfin, il est raisonnable que l’on accepte la solution du droit français qui ne confère pas le caractère d’ordre public à la règle d’indivisibilité. Autrement dit, on devrait aussi admettre que la règle d’indivisibilité puisse conventionnellement être exclue par les parties. § II – Un droit accessoire 77. Comme la France est l’héritier fidèle de la tradition du droit romain, le but poursuivi par le système français des sûretés réelles est la garantie de paiement de dette. Sur cette prémisse, il n’est pas irraisonnable que la doctrine et la législation françaises considèrent la sûreté réelle comme l’accessoire de la créance garantie. C’est un principe fondamental qui fait distinguer le système français des sûretés réelles de celui du droit allemand qui ne met pas l’accent sur le caractère accessoire des sûretés réelles. En droit chinois, les juristes confirment aussi le caractère accessoire des sûretés réelles. La sûreté réelle est un droit réel, mais c’est un droit réel accessoire de la créance garantie. Alors qu’un droit réel principal peut exister sans être 39 H. MAZEAUD, La vente d’un logement hypothéqué en garantie d’un prêt à la construction, Mélanges Juliot de la Morandière, p. 367 et s. Rapporté par M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 955. 58 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » dépendant d’un autre droit, une sûreté réelle ne peut pas être indépendante de la créance garantie. En premier lieu, la sûreté réelle ne peut exister que pour garantir une créance valable, peu importe la date de la naissance de la créance. Cela signifie que la créance garantie peut être future, mais qui existe au moins dans son principe. Une sûreté réelle ne peut pas garantir un contrat nul (autrement dit une créance nulle) tant en droit français qu’en droit chinois. Par exemple, une entreprise A conclut un contrat de prêt de 1 million d’euros avec l’entreprise B, hypothéqué par un immeuble de C. Cependant, le contrat de prêt est annulé par le juge, le contrat ou les clauses d’hypothèque sont donc nuls. En second lieu, la créance garantie doit être exécutable. La sûreté réelle est inutile quand l’obligation est inexécutable, qu’elle ne puisse pas être exécutée du tout ou ne puisse plus être exécutée. Concernant une obligation qui ne peut pas être exécutée, par exemple, une obligation naturelle, peut-elle être garantie par une sûreté réelle? Cette question a été discutée en doctrine française. En principe, la réponse est négative, puisque le débiteur ne peut pas être contraint à exécuter une obligation naturelle, il ne devrait pas avoir aucune garantie d’exécution contre lui. Reste à savoir qu’une sûreté réelle, constituée par le débiteur après que l’obligation est devenue naturelle, est-t-elle valable? Autrement dit, une telle sûreté constitue-t-elle une promesse d’exécution de l’obligation naturelle? La doctrine française considère que l’interprétation de la volonté commune des parties de constituer la sûreté devrait être valable. Dans cette hypothèse, la promesse de sûreté permet de transformer l’obligation naturelle en obligation civile40. Concernant une obligation qui ne peut plus être exécutée, la doctrine française considère que la sûreté réelle ne peut plus garantir une obligation civile qui devient inexécutable par suite d’une force majeure lorsque cette force majeure apparaît comme une véritable cause 40 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 316-317. 59 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » d’effacement de l’obligation garantie41. En droit chinois, les normes écrites n’ont rien dit sur ces deux questions. Cependant, s’agissant d’une obligation naturelle, la doctrine dominante chinoise adopte la même solution que la doctrine française, puisqu’elle considère que « …si le débiteur exécute la prestation d’une obligation naturelle, ou y constituer une sûreté, il ne pourra pas demander la restitution en invoquant son négligence de l’expiration de la prescription »42. S’agissant d’une obligation qui ne peut plus être exécutée, considérant que le droit du créancier n’existe plus, elle ne peut pas être garantie par une sûreté réelle43. En troisième lieu, la modification et la transmission de sûreté réelle suivent celles du contrat principal. Nous pouvons citer un exemple en droit chinois pour démontrer le caractère accessoire de sûreté face à modification: une personne A doit 10 000 euros à B, cette obligation est garantie par une sûreté réelle. Puis on a consenti de réduire l’obligation principale à 8 000 euros. Dans ce cas là, le montant garanti par la sûreté réelle réduit de plein droit à 8 000 euros. Exceptionnellement, si la modification du contrat aboutit à l’augmentation du montant de l’obligation, la différence qui égale au montant avant et après la modification ne peut pas être garantie de plein droit par la sûreté constitué s’il existe autres créanciers ayant sûreté réelle sur ce bien grevé. C’est pour le but de protéger les créanciers intéressés. Concernant la transmission, en droit chinois, l’art. 192 de la LDR stipulent simplement que «…l’hypothèque ne peut pas être cédée ou garantir une autre créance en séparant de la créance garantie. La cession de créance emporte la cession de l’hypothèque, sauf en cas de disposition légale dérogatoire.» (il existait la stipulation similaire dans l’article 50 de la Loi sur les sûretés). En droit français, 41 Ibid., p. 316-317. 42 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit.,, p. 312. 43 Ibid., p. 312. 60 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » l’article 1692 du Code civil stipule expressément que « la vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque». De plus, son article 2424 dispose que « l'hypothèque est transmise de plein droit avec la créance garantie ». De ces articles peut-on résumer le caractère accessoire de la sûreté en cas de transmission volontaire de la créance entre vifs. En cas de transmission à cause de mort, le décès du créancier transfert aux héritiers ses créances et les sûretés qui les garantissent ; pour les héritiers du débiteur, le décès emporte à eux ses dettes et les biens avec les sûretés dont ils sont grevés44. Enfin, la sûreté réelle s’anéantit en cas d’anéantissement de la créance principale (art. 177, alinéa 1, LDR ; art. 2392 et 2488, C. civ.). Les causes d’extinction de la créance principale entraînent aussi l’extinction de la sûreté qui la garantit. De plus, la sûreté s’anéantit aussi en cas de novation de l’obligation garantie. L’article 1279 du Code civil français prévoit expressément que « lorsque la novation s'opère par la substitution d'un nouveau débiteur, les privilèges et hypothèques primitifs de la créance ne peuvent point passer sur les biens du nouveau débiteur. Les privilèges et hypothèques primitifs de la créance peuvent être réservés, avec le consentement des propriétaires des biens grevés, pour la garantie de l'exécution de l'engagement du nouveau débiteur ». Cela signifie que la novation de l’obligation entraîne l’extinction de la sûreté qui la garantit, sauf s’il y a le consentement du constituant de la sûreté. En droit chinois, l’article 175 de la LDR dispose que « lorsqu’une sûreté est fournie par un tiers, si, sans le consentement écrit de la part de celui-ci, le créancier permet au débiteur de transférer, totalement ou partiellement, ses obligations, le garant ne supportera plus la responsabilité 44 M.B EHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Thèse Economica, 1988, préf. G. Champenois. 61 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » correspondante ». Autrement dit, la novation de l’obligation garantie sans le consentement écrit du garant tiers libère ce dernier de son engagement. § III – Un droit sur la valeur du bien 78. La sûreté réelle est effectivement un droit sur la valeur du bien grevé plutôt que sur le bien lui-même 45 , ce qui permet d’appliquer la règle de subrogation réelle au sein des sûretés réelles. 79. La subrogation réelle est le remplacement d’une chose par une autre, la remplaçante obéissant au même régime juridique que l'élément qu'elle remplace. Le régime applicable à l'objet subrogé est ainsi le même que celui auquel était soumis l’élément qu’il remplace. Elle est une qualité remarquable des sûretés réelles, car sa fonction conservatrice des valeurs permet de maintenir une sûreté réelle en cas de la perte ou l’aliénation du bien grevé46. Elle joue donc un rôle important en droit français, ainsi qu’en droit chinois. 80. En droit français, on peut citer à titre d’illustration, la subrogation réelle en cas de destruction de la chose grevée couverte par une assurance. Dans une telle hypothèse, toute la sûreté se reporte sur l’indemnité d’assurance (art. L. 121-13, C. assur.)47. Un autre exemple excellent, c’est que la sûreté 45 Marc MIGNOT, op. cit., p. 555. 46 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 159. 47 Selon l’article L. 121-13 du Code des assurances, cette subrogation réelle sur l’indemnité d’assurance fonctionne en cas des hypothèques et des privilèges (y compris des gages puisque le droit de préférence du créancier gagiste est officiellement appelé privilège). De plus, l’article 2372 du Code civil a consacré la solution d’un arrêt de principe de la chambre commerciale (Cass. com. 1er oct. 1985, Bull. civ. IV, no 222, D. 1986, 246, n.. M. CABRILLAC) par laquelle la Cour avait reconnu la subrogation réelle en cas de la réserve de propriété. Davantage, il faut admettre que la subrogation réelle est un élément de base des sûretés réelles et doit s’appliquer à toute sûreté qui confère un privilège a son titulaire (sur ce point, v. M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 1042). 62 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » réelle se reporte sur le prix ou l’indemnité d’expropriation 48 . Cependant, l’application de la règle de subrogation réelle est très limitée en droit français. A l’exclusion des types d’indemnités spécialement mentionnées par la loi, la jurisprudence ne reconnait pas la subrogation réelle en cas des autres indemnités dues, par exemple, par un tiers responsable ou par l’Etat49. Car, d’une part, la consécration spéciale par la loi de la subrogation réelle dans certains cas particuliers signifie implicitement que celle-ci n’a pas une vocation générale, sinon la loi n’a pas à la prévoir spécialement ; d’autre part, l’atteinte principale au créancier muni de sûreté est l’insolvabilité du débiteur, le sinistre du bien grevé n’est qu’une atteinte indirecte50. Néanmoins, l’application limitative de la subrogation réelle est critiquée par des auteurs. Selon eux, les motifs qui peuvent justifier l’application de la subrogation réelle sont plus puissants que ceux qui la défavorisent. En effet, l’indemnité de la réparation est une substitution qui représente la valeur de la chose initialement grevée en cas de sa perte ou de sa détérioration. De la nature d’un droit sur la valeur du bien grevé de la sûreté réelle, il est donc logique que le créancier puisse se faire payer prioritairement sur l’indemnité représentant sa valeur, peu importe qu’elle soit une indemnité d’assurance ou une indemnité due par un tiers responsable ou par l’Etat51. De plu, le créancier titulaire d’une sûreté réelle est la victime directe de la perte ou de la détérioration52. A fortiori, 48 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 159. Il existe en effet certains autres exemples. Par exemple, la sûreté réelle se reporte sur l’indemnité aux victimes d’un événement de portée générale, tels que les indemnités causées par des guerres (art. 35, Loi du 28 oct. 1946) et les indemnités des rapatriés (art. 51, Loi du 15, juill. 1970). De plus, l’hypothèque maritime peut se reporter sur diverses indemnités de responsabilités, tels que d’avarie commune, d’opération d’assistance ou de sauvetage etc. (art. 47, Loi du 3 janv. 1967). 49 Cass. req., 31 déc. 1862, DP 1863, 1, 423 ; S. 1863, 1, 531 ; Cass. req., 12 mars. 1877, DP 1877, 1, 97 ; S. 1877, 1, 206 ; CA Aix, 30 juill. 1940, JCP 1940, II, 1519. 50 M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, op. cit., no 1045. 51 Ibid., no 1045. 52 Marcel PLANIOL, Georges RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. VIII, 2e éd. , par Emile BECQUE, LGDJ, 1953, no 966. 63 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » il n’est pas logique que le sinistre bénéficie aux créanciers chirographaires au détriment des créanciers titulaires de sûretés réelles en déniant l’application de la subrogation réelle dans des cas. 81. En droit chinois, vu que la sûreté réelle porte sur la valeur plutôt que sur le bien grevé lui-même, le législateur considère que la sûreté réelle peut se reporter sur l’indemnité de la réparation qui est une substitution représentant la valeur de la chose initialement grevée, peu importe la nature de l’indemnité53. L’article 174 de la LDR a donc été ainsi formulé : « si le bien grevé est détérioré, endommagé, perdu ou exproprié etc., le titulaire du droit de sûreté réelle pourra se faire payer par préférence sur les indemnités d’assurances, les indemnités, ou les remboursements etc. Si la créance n’choit pas, on peut également les consigner». Ayant inséré l’article 174 dans le chapitre consacré aux dispositions générales des sûretés réelles, le législateur chinois a généralisé la subrogation réelle en matière des sûretés réelles. La subrogation réelle est considérée comme une règle fondamentale des sûretés réelles. De plus, elle est considérée comme le reflet de la qualification du droit sur la valeur du bien grevé de la sûreté réelle. A la différence du droit français, l’application de la subrogation réelle est très étendue en droit chinois. La sûreté réelle peut se reporter non seulement sur l’indemnité d’assurance, mais aussi sur les indemnités dues par un tiers responsable ou sur les remboursements par l’Etat en cas d’expropriation et d’autres indemnités54. 53 WANG Shengming, La lecture de la LDR de la RPC, Éd. du système juridique chinois, 2007, p. 368 ; YANG Hong, op. cit., 2007, p. 3 ; YAO Ruiguang, Des droits réels en droit civil, Éd. de la SARL des services culturelles, 1995, p. 199 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 305. 54 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, La Loi sur les droits réels de la RPC, Éd. du système juridique chinois, 2007, p. 59. 64 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » 82. Par conséquent, le rôle de la subrogation réelle est plus important en droit chinois que celui en droit français. Section III – L’opposition entre la sûreté réelle et le droit de gage général 83. L’article 2284 du Code civil français dispose que « quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir». Cela signifie que tous les créanciers du débiteur disposent d’un droit d’action sur le patrimoine du débiteur, c’est un principe consacré par la Cour de cassation dans plusieurs décisions55. En droit chinois, aucune disposition législative ne l’a précisé. Mais tenant compte du but législatif, de la doctrine et des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS), on y applique le même principe. Premièrement, le droit du gage général du créancier porte sur le patrimoine du débiteur qui est indivisible, mais non sur un bien individualisé. Alors que la sûreté réelle porte sur un bien individualisé, au moins individualisable, ou sur un ensemble des biens. Secondement, le droit du gage général du créancier ne peut pas porter sur le patrimoine d’autrui, ni sur un bien individualisé du patrimoine d’autrui, sauf en cas d’apparence ou de simulation, ou de disposition légale dérogatoire56. Or, une sûreté réelle peut porter sur un bien appartenant à un tiers – par exemple le gage d’un bien fourni par un tiers. 84. Hormis cette déférence de l’assiette, la sûreté réelle se distingue aussi du droit de gage général par sa nature et par sa finalité. 55 Cass. civ., 1re, 4 janv. 1995, Bull. civ., I, no 6, p. 5 ; Cass. civ.1re, 6 juill. 1988, Bull. civ., I, no 227. 56 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 101. 65 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » § I – Différence de nature 85. Étant donné que la doctrine dominante française et celle de la Chine classent la sûreté réelle parmi les droits réels accessoires. Elle bénéfice donc du régime applicable au droit réel, un droit de préférence et dans certains cas un droit de suite. Alors que le droit de gage général n’est pas un droit personnel, ni un droit réel. 86. On pourrait considérer que le droit de gage général est un droit personnel. Mais « si l’on examine l’objet sur lequel porte le droit de gage général, il s’agit d’une enveloppe patrimoniale dont le contenu est variable et mouvant au gré de la fortune et des revers de fortune du débiteur. Contrairement au droit personnel, à l’obligation, qui, en vertu de l’article 1129 du Code civil, doit avoir un objet déterminé ou au moins déterminable, le droit de gage général a un objet au départ nécessairement indéterminé qui n’est fixé que par la saisie. Si l’on examine le droit de gage général lui-même, il apparaît comme un droit d’action dont l’objet est également indéterminé au départ, le créancier mettant en œuvre le droit de gage général au moyen de procédures civiles d’exécution qui obéissent chacune à des conditions légales particulières, et entre lesquelles il a le choix, comme l’exprime l’article 2 de la loi du 9 juillet 1991 « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution »»57. Donc, le droit de gage général n’est pas purement un droit personnel puisqu’il a recours au titre exécutoire et que la force publique est nécessaire pour exécuter celui-ci. 87. Le droit de gage général n’est pas non plus un droit réel. Certes, certains soutiennent parfois que le droit de gage général est un droit réel, parce qu’il se traduirait par un pouvoir « d’abusus » sur les bien du débiteur, le 57 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 102. 66 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » pouvoir de les faire vendre pour en obtenir le prix58. Mais il est difficile d’assimiler ce pouvoir « d’abusus » sur le bien comme celui du propriétaire. Parce que, en premier, bien que ce pouvoir « d’abusus » porte sur le bien du débiteur, il ne peut pas directement être mis en œuvre par son titulaire. Il faut qu’il soit mis en ouvre par la voie de saisie. La saisie est un droit reconnu par la loi au créancier de « contraindre le débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ». De plus, la mise en vente du bien saisi s’opère en principe par voie de vente amiable à laquelle le débiteur procède lui-même en droit chinois. On ne procède à la vente forcée qu’en cas de l’échec de la vente amiable. En second, en cas de vente d’un bien, son propriétaire recherche normalement le prix le plus proche possible de la valeur de celui-ci. Mais pour le créancier, il ne recherche que le prix équivalant à sa créance que le débiteur n’a pas payée. Le prix de la vente supérieur à sa créance ne l’intéresse pas parce qu’il n’a aucun droit sur le surplus à recevoir. § II – Différence de finalité 88. Le droit de gage général n’est pas une garantie parce qu’il n’est pas un accessoire de la créance. Selon l’idée que « l’accessoire ne se confond pas avec le principal, il est individualisé. Affecté au service du principal, seul son but relie au principal, sa structure l’en distingue »59, il n’est pas possible de concevoir le droit de créance et le droit de gage général séparément. De plus, l’article 2284 du Code civil français envisage la situation du point de vue du débiteur, mais non de celui du créancier. L’affirmation selon laquelle «les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence » (art. 2285 du Code civil) n’apparaît que comme une 58 J. DERRUPPE, La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des droits réels et des droits de créance, Thèse Bordeaux 1952, no 339 et s. 59 G. GOUBEAU, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, 1969, préf. D. TALLON, no 18, p. 34. 67 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » conséquence de ce principe. Ce principe selon lequel le débiteur est tenu de remplir son engagement sur son patrimoine est une émanation de la personnalité du débiteur. Le droit de gage général est inhérent à la dette car sans lui l’exigibilité de l’obligation serait dénuée de sens. Le droit de gage général n’est en définitif que l’expression du caractère civilement obligatoire de l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du débiteur60. Alors que la sûreté réelle est une garantie qui confère à son titulaire un droit de préférence, qui est diamétralement opposée au principe d’égalité. Plus précisément, selon les tentatives effectuées par les législateurs et les auteurs français et chinois, on peut découvrir que la finalité commune poursuivie par les législateurs des deux pays est la garantie de paiement ou de crédit. 89. Dans le sens très général, la sûreté est une technique de garantie contre le risque d’impayé 61 . Cependant, la garantie contre l’impayé peut poursuivre diverses finalités précisées. Les diverses finalités poursuivies peuvent être la garantie contre l’insolvabilité, la garantie de paiement et la garantie de crédit62. La garantie contre l’insolvabilité signifie que la sûreté est constituée dans le but d’assurer le débiteur de disposer des biens suffisants pour honorer son engagement. Alors que la garantie de paiement ou de crédit ne poursuit que le but d’obtenir le paiement de la dette ou du crédit, elle peut donc ne pas être une garantie contre l’insolvabilité. Par exemple, rien ne sert de prendre une hypothèque de troisième rang, en cas des inscriptions des deux premières hypothèques ont été prises pour des créances tellement importantes qu’elles 60 Jaques MESTRE, Emmanuel PUTMAN, Marc BILLIAU, op. cit., p. 104. 61 Ibid., p. 2. 62 Ibid., p. 2. 68 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » excèdent toute valeur de l’immeuble hypothéqué. Dans cette hypothèse, le créancier hypothécaire de troisième rang n’a pris qu’une garantie de crédit, mais pas une garantie contre l’insolvabilité du débiteur. Alors, est-ce qu’on peut dire qu’il n’existe pas une véritable garantie contre l’insolvabilité? Si. En droit français, il y a des sanctions contre l’insolvabilité organisée: sanctions pénales comme le délit d’organisation frauduleuse de l’insolvabilité (art. 314-7 et s., Code pénal), les mesures du droit civil --- par exemple les articles 2295 à 2297 du Code civil qui s’attachent à prévenir l’insolvabilité en cas de cautionnement préviennent que le débiteur doit donner une caution solvable. En plus, certaines sûretés personnelles se présentant comme des obligations de résultats constituent pour leurs créanciers une garantie contre l’insolvabilité du débiteur. Par exemple, les lettres d’intention par lesquelles une société mère apporte à une banque sa garantie pour sa filiale, comportent parfois une obligation de faire, consistant à soutenir la filiale par une augmentation de capitale, un prêt... Elles constituent pour le banquier une garantie contre l’insolvabilité de sa filiale63. Enfin, il existe d’autres techniques de garantie contre l’insolvabilité du débiteur. Citons par exemple dans le domaine de l’assurance, le créancier qui souscrit une assurance-crédit préfère à l’assurance-aval qui couvre simplement le risque de non-paiement à l’échéance, et à l’assurance-insolvabilité qui couvre le risque de l’insolvabilité du client64. 90. Quant aux sûretés réelles qui font l’objet de la présente thèse, leur finalité poursuivie, qu’elles soient les sûretés réelles françaises ou chinoises, appartiennent surtout au domaine de la garantie de paiement ou de crédit. Du point de vue de l’utilité économique, il existe des différences délicates entre ces deux types de garantie. La garantie de crédit proprement dite est le corollaire du paiement à l’échéance ou échelonné des dettes, cela signifie qu’elle participe au 63 Ibid., p. 3. 64 Ibid., p. 3. 69 Chapitre I – La notion de « sûretés réelles » financement des activités des entreprises et des besoins des consommateurs. Elle est donc un régime nécessaire dans une économie fondée sur l’endettement. Bien que l’économie chinoise ne soit pas fondée sur l’endettement, ce dernier est un phénomène social de plus en plus fréquent. La garantie de crédit prend donc une place de plus en plus importante. Cependant, l’acquittement des dettes ne s’accompagne d’aucune idée de crédit, il existe aussi la garantie de paiement. Leur utilité économique peut sembler moindre, mais les impératifs qui les fondent ont une légitimité incontestable. Par exemple, les salariés ne font pas crédit à l’employeur mais lui prêtent leur force de travail, et, comme le salaire est pour eux en partie une créance alimentaire, il est juste de privilégier cette créance. Le fisc ne fait pas crédit, mais l’intérêt général exige que leur créance soient privilégié. 91. La finalité poursuivie par les sûretés réelles en droit français et en droit chinois --- la garantie de paiement ou de crédit --- justifie la différence entre la sûreté réelle et le droit de gage général. La sûreté réelle s’oppose donc au droit de gage général. Le créancier va ainsi prendre une sûreté réelle pour rompre à son profit cette égalité de tous les créanciers chirographaires, et cette rupture d'égalité va se réaliser au travers de l'affectation qui lui sera faite d'un bien ou d'un ensemble de biens sur lesquels il aura un droit de prélèvement prioritaire, un droit de préférence. 70 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » Chapitre II – La typologie des sûretés réelles 92. Concernant les sûretés réelles, il ne suffit pas d’énumérer toutes les sûretés réelles pour en avoir une idée précise. Il vaut mieux les regrouper en fonction de leurs assiettes et de leurs régimes pour qu’on puisse mieux comprendre la typologie des sûretés réelles. Section I – La classification des sûretés réelles selon leur assiette 93. L’assiette des sûretés réelles peut être étudiée de deux points de vue: son assiette et son étendue. § I – Selon l’étendue de l’assiette 94. Suivant l’étendu de l’assiette, les sûretés réelles, qu’elles portent sur des meubles ou des immeubles, peuvent se diviser en deux groupes: les sûretés réelles générales et les sûretés réelles spéciales. A. Les sûretés générales 95. Nous envisagerons successivement les sûretés générales dans les deux pays. a. Les sûretés générales en droit français 96. En droit français, les sûretés générales sont normalement celles qui relèvent la généralité des meubles et des immeubles du constituant (tels que les privilèges pleinement généraux – le privilège des frais de la justice, le privilège des salaires et créances assimilées, v. art. 2375, C. civ.) ou l’ensemble des meubles du constituant ( tels que les privilèges mobiliers généraux qui comprennent le privilège des frais funéraires, celui des frais de la dernière maladie et celui des fournitures de subsistance…, v. art.2331, C. civ.)ou l’ensemble des immeubles du constituant (certaines hypothèques légales, v. art. 2400, C. civ.). 71 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » 97. Cependant, selon la définition de l’article 2333 du Code civil, le gage peut également porter sur « ... un ensemble de biens mobiliers corporels... ». De la même façon, la définition du nantissement prévoit aussi que le nantissement peut porter sur « ... un ensemble de biens meubles incorporels... » (art. 2355, C. civ.). b. Les sûretés générales en droit chinois 98. Contrairement à la situation française dans ce domaine, une sûreté réelle générale en droit chinois ne désigne que la sûreté portant sur l’ensemble des meubles et des immeubles du constituant, tels que les privilèges innommés qui n’existent qu’en cas de procédure collective (v. infra n° 214 et s.) et qui constituent les exceptions en droit chinois des sûretés réelles. 99. L’instauration du régime de floating charge ou dite hypothèque flottante dont les assiettes susceptibles sont l’ensemble des biens appartenant au constituant au moment de l’exécution de la sûreté, était une occasion de créer une nouvelle sûreté réelle qui peut porter sur l’ensemble des meubles et des immeubles du constituant. Les deux projets de la LDR énoncés par des auteurs proposaient que les biens susceptibles d’être grevés d’hypothèque flottante soient l’ensemble des biens appartenant au constituant de la sûreté. Cependant, les biens susceptibles d’être grevé d’hypothèque flottante prévus par la LDR se bornent aux quatre catégories de meubles corporels, présents ou futurs: machines de production, matière première, produits semi-finis et produits finis (art. 181, LDR). 100. D’ailleurs, il n’existe aucune sûreté réelle en droit chinois qui porte uniquement sur l’ensemble des meubles ou sur l’ensemble des immeubles. B. Les sûretés spéciales 101. Comme nous l’avons vu, le principe de spécialité, qui accentue d’une part, la spécialité de la créance garantie, d’autre part, la spécialité de l’assiette de la garantie, est un principe insisté par le droit français et chinois 72 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » des sûretés réelles. En conséquence, il est logique que la majorité des sûretés réelles en droit français et en droit chinois soient les sûretés spéciales. Elles portent donc, en principe, sur un ou des biens déterminés. Nous l’étudierons respectivement de l’approche française et de l’approche chinoise. a. Les sûretés spéciales en droit français 102. En droit français, la plupart des sûretés réelles sont spéciales. Elles ne peuvent porter que sur un ou des biens déterminés. 103. Selon les définitions fixées par le Code civil, le gage et le nantissement peuvent respectivement porter sur un meuble corporel et incorporel (art. 2333, C. civ., art. 2355, C.civ). Ce sont les cas les plus fréquents pour les constituants de constituer ces deux types de sûreté. 104. Parmi les privilèges, à l’exclusion des privilèges pleinement généraux qui comprennent quatre catégories et des privilèges mobiliers généraux qui comprennent huit catégories, il n’existe pas de privilège portant seulement sur l’ensemble des immeubles. Les privilèges mobiliers spéciaux ne peuvent porter que sur certains meubles (art.2332, C. civ.). 105. En matière immobilière, il n’existe que les privilèges spéciaux qui portent sur certains immeubles (art.2374, C. civ.). Le gage immobilier ne peut porter que sur un immeuble déterminé (art.2387, C. civ.). S’agissant des hypothèques, sauf certaines hypothèques légales, toutes les hypothèques conventionnelles et judiciaires ne peuvent porter que sur des immeubles déterminés (art.2413, C. civ.). 106. En outre, le titulaire d’un droit de rétention ne peut exercer son droit que sur le bien qu’il détient. En ce qui concerne la propriété-sûreté, il est corollaire qu’elle est une sûreté spéciale, puisque la propriété porte nécessairement sur un bien déterminé. b. Les sûretés spéciales en droit chinois 73 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » 107. A l’exclusion des privilèges innomés qui n’existent que dans la procédure collective, toutes les sûretés réelles en droit chinois sont spéciales. 108. Le gage dont la constitution valable nécessite la dépossession du bien grevé ne peut porter que sur un (des) bien(s) déterminé(s). Car la dépossession d’un ensemble des biens du constituant est difficile à effectuer. De même, le nantissement porte sur un droit subjectif déterminé ou un type de droits déterminés puisqu’il est considéré comme une sûreté réelle avec dépossession. L’hypothèque mobilière, y compris l’hypothèque flottante, est aussi une sûreté spéciale qui ne peut porter que sur certains biens déterminés. 109. Quant à l’hypothèque immobilière, elle ne peut porter que sur des immeubles déterminés. Puisqu’une propriété immobilière ne peut pas porter sur plusieurs immeubles ou un ensemble des immeubles d’un individu. 110. S’agissant du droit de rétention, étant donné que son existence nécessite la détention du bien, il ne peut aussi porter que sur des biens déterminés. 111. En ce qui concerne la propriété-sûreté, considérant que la fiducie-sûreté n’a pas été consacrée par la loi chinoise et que les juristes chinois ne traitent pas la réserve de propriété comme une sûreté, c’est donc pas la peine d’en discuter ici. § II – Selon la nature de l’assiette 112. Si nous choisissons la nature de l’assiette comme critère de classification des sûretés réelles, il faut d’abord étudier la nature de l’assiette ou plus précisément, la distinction des biens qui constitue la notion de base de ce type de classification. Cependant, la classification des biens en droit français et en droit chinois n’est pas pareille. Cette différence implique nécessairement une différence entre les sûretés réelles dans les deux pays. A. La nature de l’assiette - la classification des biens 74 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » 113. Nous étudierons ici la différence entre les classifications des biens en droit français et en droit chinois. Pour mieux comprendre cette différence, un schéma est visuellement faite comme ainsi : Classification des biens En droit français En droit chinois Immeubles Immeubles Meubles corporels Meubles Meubles incorporels Droits Meubles a. La dichotomie des biens en droit français 114. L’article 516 du Code civil prévoit que « tous les biens sont meubles ou immeubles ». Cette double classification des biens est une classification exhaustive. Les biens se divisent donc en deux parties: les immeubles et les meubles. L’article suivant du même code stipule que « les biens sont immeubles ou, par leur nature ou, par leur destination ou, par l'objet auquel ils s'appliquent». Il énumère davantage les biens appartenant aux immeubles. 115. Quant aux meubles, le code énumère aussi concrètement ceux qui sont les meubles. Or, on peut résumer simplement que les biens qui n’appartiennent pas aux immeubles sont meubles. Les meubles se divisent davantage en deux catégories : meubles corporels et meubles incorporels. Cette classification influence profondément la législation française et la classification des sûretés réelles. 75 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » b. La trichotomie des biens en droit chinois 116. Différant de la classification des biens en droit français, le droit chinois classifie les biens en trois catégories. La première catégorie est celle des immeubles. Selon l’article 92, alinéa 1 de la LS, le terme « immeuble » désigne les terres et les choses adhérant aux terres telles que des bâtiments, des arbres, etc. La deuxième est celle des qui correspondent à celle des meubles corporels en droit français. Selon l’article 92, alinéa 2 de la LS, le terme « meuble » désigne les choses à l’ exclusion des immeubles. Ce qui reste à remarquer est. il convient de préciser que le terme « chose » en droit réel chinois ne désigne que la chose corporelle. La troisième est celle des droits subjectifs, qui correspondent aux meubles incorporels en droit français. En principe, les droits subjectifs ne peuvent pas faire l’objet d’un droit réel, sauf en cas de disposition légale dérogatoire. 117. Cette classification est profondément influencée par le droit réel allemand dans lequel les choses ne désignent que les choses corporelles. C’est une classification importante pour les sûretés réelles chinoises, mais la classification législative de celles-ci n’est pas faite selon cette classification. B. Classification des sûretés réelles selon la nature de l’assiette 118. Les biens constituent les assiettes des sûretés réelles. En raison de la différence de la classification des biens, la classification des sûretés réelles française et chinoise est certainement différente. a. La classification en droit français 119. Par suite de la double classification des biens, selon la nature mobilière ou immobilière de l’assiette, les sûretés réelles peuvent être classées en trois catégories : les sûretés mobilières, les sûretés immobilières et les sûretés mixtes (soit mobilière soit immobilière, par exemple, les privilèges 76 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » pleinement généraux et la fiducie-sûreté). Cette classification constitue la base de la structure du Titre II, Livre IV du nouveau Code civil français qui est consacré aux sûretés réelles et qui comporte trois sous-titres « Dispositions générales », « Des sûretés sur les meubles » et « Des sûretés sur les immeubles ». Parmi les sûretés mobilières, il existe le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles incorporels qui correspondent parfaitement à la classification des meubles et la réserve de propriété qui s’insère dans le chapitre IV, sous titre II intitulé « Des sûretés sur les meubles» du titre consacré aux sûretés réelles. Néanmoins, il existe encore des sûretés réelles qui portent indifféremment sur les meubles ou les immeuble du débiteur --- les privilèges pleinement généraux. Ainsi, on peut dire que la distinction des biens est cruciale pour la classification législative des sûretés réelles en droit français. b. La classification en droit chinois 120. Selon la triple-classification des biens en droit chinois, les sûretés réelles peuvent se deviser en : des sûretés immobilières (nécessairement sans dépossession) qui portent sur les immeubles, tels que l’hypothèque de bâtiment ; des sûretés mobilières qui portent sur les meuble corporels, tels que l’hypothèque de meubles (nécessairement sans dépossession), le gage de meubles (nécessairement avec dépossession) ; des sûretés de droits qui portent sur les droits autres que la propriété des meubles et immeubles, par exemple, nantissement de créance ; des sûretés mixtes qui peuvent porter sur n’importe quelle catégorie de biens - meubles, immeubles ou droits, par exemple les privilèges généraux, la réserve de propriété qui est fixée par l’article 134 de la Loi sur les contrats de 1999 et qui peut être utilisé en matière mobilière ou immobilière. 121. Cependant, cette classification des sûretés réelles en droit chinois est seulement doctrinale. La classification législative se fait en fonction de leur régime. 77 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » Section II – La classification des sûretés réelles selon leur régime 122. Les sûretés réelles peuvent également être classées au regard de leur régime. D’une part, certaines sûretés réelles entraînent la dépossession du bien grevé du constituant, les autres n’exigent pas la dépossession. D’autre part, certaines sûretés réelles confèrent à son créancier la propriété du bien sur lequel elles portent, alors que les autres n’emportent pas le transfert de la propriété. § I – Le critère de la dépossession 123. Selon ce critère de classification, les sûretés avec dépossession s’opposent à celles sans dépossession. Auparavant, il faut d’abord aborder la notion et l’effet de dépossession. A. La notion et l’effet de dépossession 124. S’exposeront successivement ici la notion et l’effet de dépossession. a. Notion de dépossession 125. En droit français, l’article 2255 du Code civil prévoit que la « possession » est « la détention ou la jouissance d’une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom». Le possesseur doit l’être à titre de propriétaire. C’est un pouvoir de fait sur le bien. Est donc exclue la simple détention et les « actes de pure tolérance » (par exemple, une personne accepte qu'une autre utilise provisoirement son fond) ou « actes de pure faculté » (par exemple, quand une personne a un terrain mais ne veut pas construire tout de suite). C’est le sens de la « possession » en droit des biens. En matière du droit des sûretés réelles, il n’existe aucun texte qui définit les termes de « possession » et de « dépossession ». Cependant, aux termes de l’article 2345 du code civil65, 65 Cet article dispose que « sauf convention contraire, lorsque le détenteur du bien gagé est le créancier de la dette garantie, il perçoit les fruits de ce bien et les impute sur les intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette ». 78 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » nous remarquons que le législateur emploie le mot « détenteur ». Cela signifie que la « possession » en droit des sûretés réelles désigne une simple détention du bien grevé. Concernant la « dépossession », elle est étymologiquement liée à la « possession ». Le préfixe «dé- » signifie qu’elle est l’antonyme de la dernière. La dépossession désigne donc « la perte de la possession, soit par violence ou voie de fait, soit à un titre juridique »66. Du point de vue statique, c’est la privation effective de la détention et la jouissance matérielle d’une chose. D’une approche dynamique, c’est le transfert de la détention matérielle d’une chose. 126. En droit chinois, il n’existait pas de régime de possession avant la LDR de 2007. C’est au moment de l’entrée en vigueur de la LDR que le régime de possession a été instauré. Mais il est regrettable qu’il n’y ait quand même aucune norme écrite qui donne une définition de la possession et de la dépossession. Concernant la possession, influencée par le droit civil allemand, la doctrine et la pratique judiciaire chinoises préfèrent la qualifier d’un « fait », ce qui diffère du droit français qui la qualifie d’un pouvoir de fait. Par exemple, l’article 270 du Projet no 7 de la LDR (qui n’est pas inséré dans la LDR promulguée) définissait la possession comme « le contrôle matériel de l’immeuble ou le meuble ». Cette définition de possession rapproche formellement celle en droit français, à ceci près qu’elle ne comprend pas l’élément subjectif. Quant à la dépossession, nous ne pouvons pas trouver une simple terminologie chinoise qui correspond bien à la notion de dépossession du droit français. Les chercheurs emploient plutôt le « transfert de la possession » en droit chinois, qui correspond justement à la dépossession dans l’approche dynamique en matière du droit français des sûretés réelles. Dans les suites de la présente étude, nous employons les termes de « dépossession » et de « transfert de la possession » dans un même sens. 66 Gérard CORNU, op. cit., p. 292. 79 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » b. Effets de dépossession 127. En comparaison des sûretés sans dépossession, les sûretés avec dépossession ont certains avantages, mais aussi certains inconvénients. D’une part, la dépossession renforce la protection du créancier en lui conférant un droit de rétention qui lui permet d’éviter toute concurrence avec les autres créanciers. D’autre part, la dépossession prive le constituant de son droit d’usufruit et laisse la conservation du bien grevé au créancier. Pour ces raisons, le droit moderne favorise les sûretés sans dépossession et laisse le choix aux parties contractuelles. En droit français, la dépossession constituait, pour les sûretés avec dépossession, une condition de validité. Après la réforme de 2006, les sûretés avec dépossession perdent leur nature de contrat réel. La dépossession n’est donc plus une condition de validité pour les sûretés elles-mêmes. Elle devient une condition de l’opposabilité des sûretés. Par exception, la dépossession constitue bien une condition de validité pour le gage immobilier qui porte sur des immeubles et emporte nécessairement la dépossession du bien grevé67. En droit chinois, la dépossession constitue toujours pour les sûretés réelles avec dépossession une condition de validité de la sûreté elle-même. B. La classification selon le critère de dépossession 128. Comme les études précédentes des classifications, nous l’envisagerons respectivement selon l’approche française et l’approche chinoise. a. La classification en droit français 67 G. PIETTE, La nature de l’antichrèse après l’ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006, Dalloz, 2006, Chron., p.1690. 80 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » 129. Auparavant, le gage (qui porte désormais par définition sur un bien meuble corporel, avec ou sans dépossession) devait s'opérer avec dépossession. L'avantage de la dépossession est qu'elle confère au créancier bénéficiaire un droit de rétention sur la chose grevée dont le propriétaire a été dépossédé. Ce droit permet au créancier bénéficiaire de l’opposer à tout créancier, et lui permet de retenir la chose qu’il détient jusqu'au complet paiement de la dette corrélative. Le droit de rétention lui permet d'être protégé lors des procédures collectives, il est donc très recherché par les créanciers. Cependant, ce droit est selon la jurisprudence insusceptible d'abus. Malgré cet avantage, la dépossession s’accompagne d’un lourd inconvénient : elle prive le constituant du droit d’usufruit et empêche le propriétaire d’user du bien grevé pour obtenir un autre crédit. Ceci entraîne un gaspillage important du crédit économique. 130. Heureusement, la réforme de 2006 a apporté une nette amélioration à cette situation. Désormais, le gage de meuble corporel peut être constitué avec ou sans dépossession. C’est un choix pour les parties contractuelles. On peut donc constituer un gage sans dépossession qui, pour avoir l’opposabilité aux tiers, fait l’objet d’inscription. Le nantissement, qui porte désormais par définition sur un bien meuble incorporel, n'opère pas de dépossession : le plus souvent, sa constitution fait l'objet d'une publicité qui informe les tiers de la présence d'un nantissement sur le bien grevé. En matière immobilière, le gage immobilier est sans aucun doute une sûreté avec dépossession (art. 2387, C. civ.). L’hypothèque, qui ne peut porter que sur les immeubles, n’emporte pas de dépossession de l’immeuble grevé. Quant au droit de rétention, selon le dernier alinéa de l’article 2286 du Code civil, son titulaire ne peut exercer ce droit que dès lors que le bien est en sa possession. Autrement dit, ce droit suppose la dépossession du bien grevé. 81 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » Enfin, la propriété-sûreté emporte nécessairement la dépossession du bien grevé. b. La classification en droit chinois 131. Nous pouvons découvrir que les termes – « gage », « nantissement », « hypothèque » – utilisés en droit chinois ne sont pas en même sens que l’on les utilise en droit français. Les deux premiers emportent nécessairement la dépossession du bien grevé et qu’ils ne peuvent constituer respectivement que sur des meubles corporels et des droits subjectifs. L’hypothèque est une sûreté sans dépossession qui peut porter sur des meubles (on utilise le terme hypothèque mobilière), des immeubles (hypothèque immobilière) et des droits (hypothèque des droits). § II – Le critère de la propriété 132. Normalement et traditionnellement, les sûretés réelles ne confèrent pas à bénéficiaire la propriété du bien grevé. Il arrive cependant, en pratique, que certaines sûretés réelles soient fondées sur l’utilisation de la propriété du bien grevé. En effet, la propriété-sûreté n’est pas une nouveauté mais plutôt une redécouverte. En effet, sous l’empire du droit romain et de l’ancien droit, il était normal que la propriété puisse être utilisée pour garantir une créance. Dans ce cas, le constituant transférait la propriété du bien grevé à son créancier qui s’engageait à la lui restituer si le débiteur s’acquittait de la dette garantie. C’est ce que l’on l’appelait fiducie cum creditore. Après l’apparition des mécanismes de l’hypothèque et du gage, ce type de sûreté était abandonné car les deux premiers étaient considérés comme satisfaisants pour les créanciers et les débiteurs. Mais, l’historique se répète souvent. Face au déclin des sûretés réelles mobilières, les créanciers remirent au goût du jour les techniques de cet ancien mécanisme. 133. En France, ce furent dans un premier temps les créanciers vendeurs qui amorcèrent ce mouvement avec la réapparition de la clause de réserve de 82 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » propriété qui jusqu’en 1980 était de peu d’intérêt, puisque la Cour de cassation l’a déclarée inopposable aux créanciers. En Chine, cette pratique n’est admise que jusqu’en 1999. Par la suite, la propriété utilisée à des fins de garantie est apparue progressivement dans la pratique en droit français, ainsi qu’en droit chinois. Désormais, il est expressément admis que l’on peut bien constituer une propriété-sûreté sur des meubles ou des immeubles. On envisagera successivement sa reconnaissance en droit français et en droit chinois, et sa classification. A. La reconnaissance de la propriété-sûreté 134. Nous l’étudierons respectivement du point de vue français et de celui chinois. a. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit français 135. La propriété-sûreté telle que la fiducie, n’a pas été retenu dans le Code civil de 1804, parce qu’elle heurtait les principes fondamentaux du droit civil français. En premier lieu, la propriété-sûreté serait contraire à des règles impératives des droits réels, un exemple illustré par excellence est la règle de numerus clausus. Pour assurer la sécurité juridique, il est traditionnellement admis que les droits réels sont en nombre limité. Il ne serait pas possible d’adjoindre une nouvelle sûreté au nantissement (au sens avant la réforme de 2006), à l’hypothèque et aux privilèges qui sont fixés par la loi. Une autre est la règle de prohibition du pacte commissoire. Le droit français était traditionnellement hostile au pacte commissoire jusqu’à l’ordonnance du 23 mars 2006. La consécration de la propriété-sûreté permettrait de faire échec à la prohibition du pacte commissoire, ce qui rendrait la protection du constituant 83 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » illusoire. En cas de défaillance du débiteur, le créancier pourrait conserver la propriété du bien sans contrôle du juge68. En second lieu, la nature même de la propriété ne lui permettait d’être utilisé comme une sûreté. Selon la théorie traditionnelle, les droits réels se devisent en deux parties: les droits réels principaux et les droits réels accessoires. La propriété est l’exemple par excellence des droits réels principaux. C’est un droit éternel. Le propriétaire d’un bien peut bien exercer toutes les prérogatives attachées à cette qualité : le droit d’usus, du fructus et de l’abusus. Alors que les sûretés réelles traditionnelles ont un caractère accessoire et constituent les droits réels accessoires. Or, quand la propriété est utilisée à des fins de garantie, elle a un caractère temporaire et les droits du propriétaire sont limités car il s’est engagé à restituer le bien grevé au constituant et il doit agir dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires. 136. De plus, on a rencontré plusieurs difficultés sur ce point dans le droit continental. Par exemple, l’Allemagne est un des pionniers à consacrer l’utilisation de propriété à des fins de garantie. Les sûretés fondées sur la propriété en Allemagne ne donnent pas lieu à une publicité, car celle-ci en la matière mobilière est difficile à mettre en jeu. Cela suscite les conflits entre les créanciers titulaires de propriété sur les mêmes biens grevés, ainsi que les conflits entre les créanciers titulaires de propriété et les créanciers titulaires d’autres sûretés réelles. 137. Cependant, il y a aussi dans des années 80 en France un retour de propriété-sûreté. La propriété utilisée à des fins de garantie est à nouveau pratiquée. D’une part, le contexte pratique était favorable à la reconnaissance de la propriété-sûreté en France. Les praticiens cherchaient à introduire un mécanisme qui est comparable au trust dans la Commun Law. Les autorités 68 Dominique LEGAIS, Sûretés et garantie du crédit, LGDJ, 2008, p. 492-493. 84 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » françaises préféraient aussi modifier la pratique du crédit. Les effets des sûretés réelles traditionnelles étaient affaiblis. Les droits du créancier gagiste ou hypothécaire étaient limité face à l’ouverture d’une procédure collective. La propriété-sûreté qui confère à un créancier bénéficiaire la qualité de propriétaire du bien grevé redevenait donc attractive. D’autre part, la théorique favorable à l’affirmation de propriété-sûreté tend progressivement à s’imposer. En effet, les obstacles cités dans le texte plus haut n’existent pas vraiment. Un de ces obstacles est la prohibition du pacte commissoire. Depuis la réforme de 2006 du droit des sûretés, le pacte commissoire est admis dans la majorité des cas. Un autre obstacle est la règle de numerus clausus. En effet, cette règle subsiste, mais elle n’aurait pas la portée absolue comme elle était dans le passé. Car, premièrement, des décisions reconnaissant la valeur à des droits réels nouveaux ont été recensées, deuxièmement, les auteurs prétendent qu’aucun droit réel nouveau est crée en cas de l’utilisation de propriété à des fins de garantie69, enfin, selon le point de vue matérialiste dialectique, c’est l’infrastructure économique de la société qui en décide de la superstructure. Autrement dit, c’est le besoin de la vie pratique économique qui décide la législation, le législateur n’a rien fait que de répondre aux besoins de la vie pratique. 138. Dans ces contextes, le législateur a consacré l’opposabilité de la réserve de propriété par la loi du 2 janvier 1981 et la cession de créance à titre de garantie par la loi Dailly du 3 janvier 1982. La consécration de ce type de sûreté est continue. Le Code monétaire et financier l’a consacré aussi dans son article L. 431-7-3. La loi du 19 février 2007, qui s’insère dans l’article 2011 à 2031 du Code civil, a fait de la fiducie un mécanisme de droit commun en réservant le bénéfice à certains professionnels70. Là-dessus, l’utilisation de la fiducie à des fins de garantie était seulement implicitement autorisée par la 69 Ibid., p. 496. 70 Ibid., p. 497. 85 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » référence de l’article 2011 du Code civil à un « but déterminé »71. Ensuite, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 énonce expressément que toute personne, que ce soit personne physique ou morale, peut bien constituer une fiducie sur des meubles ou des immeubles. Enfin, l’ordonnance du 30 janvier 2009 place la fiducie-sûreté dans le Code civil auprès des sûretés réelles classiques. Lé régime propre de fiducie-sûreté est alors vraiment instauré. b. La reconnaissance de la propriété-sûreté en droit chinois 139. Pour connaître la propriété-sûreté en droit chinois, il faut nécessairement aborder l’évolution du droit chinois moderne. À la fin de la Dynastie des Qing, le gouvernement faisait rédiger un premier projet du Code civil qui se référait principalement au code civil allemand, suisse et japonais et dans lequel la propriété-sûreté était consacrée. Malheureusement, ce code ne s’appliquait jamais. Le deuxième projet du code civil a vu le jour en 1925. Il contenait aussi les dispositions concernant la propriété-sûreté, mais son sort était tout à fait pareil comme celui du précédent. C’est après la fondation du gouvernement national de Nanjing que le législateur a promulgué le code civil en 1931. Ce code, influencé par les deux projets précédents, contient aussi des dispositions concernant la propriété-sûreté. Ce code s’appliqua sur tout le territoire chinois jusqu’à la fondation de la RPC et, il est toujours en vigueur à Taïwan. Depuis l’avènement de la RPC, le système juridique était totalement en désordre. Il connaissait une interruption de son histoire. Jusqu’en 1999, la réserve de propriété, la fiducie et le crédit-bail sont successivement admis par la loi chinoise. 140. Cependant, leur nature juridique est encore discutable. En tant qu’un pays appartenant à la famille de droit continental, le droit chinois persiste à 71 Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, Dalloz, 2010, p. 367. 86 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » maintenir les règles fondamentales de sûretés réelles, tels que la règle de la prohibition du pacte commissoire et la règle numerus clausus. La première est expressément maintenue par la LDR de 2007. Or, la discussion concernant ce problème est vive en doctrine. Certains auteurs s’opposent de consacrer le pacte commissoire, alors que certains favorisent sa consécration 72 . Du point de vue de la tendance législative mondiale, la prohibition du pacte commissoire se desserre. Mais, la consécration de sa validité en droit chinois n’est pas possible dans un court temps. Cette prohibition fait obstacle à utiliser la propriété à la fin de garantie. La règle numerus clausus est admise en doctrine chinoise depuis des dizaines d’années. En effet, cette règle suscite beaucoup de discussions au cours de la rédaction de la LDR. Certains auteurs favorisent l’assouplissement de la règle. Certains préconisent le retrait de la règle. Certains font un compris. Ils considèrent que la flexibilité juridique est aussi importante que la stabilité juridique. S’inspirant davantage du Code de commerce uniforme des Etats-Unis, ils favorisent l’adoption de la règle numerus clausus, mais cette règle n’a pas le même sens qu’elle avait par le passé. Selon eux, les types et les contenus des droits réels ne soient pas fixés par la loi, mais la procédure de la qualification doive être fixée par la loi73. Cela veut dire que pour être admis comme un droit réel, le nouveau droit réel doit être conforme aux procédures légales. Pourtant, l’article 5 de la LDR stipule expressément que « les types et les contenus sont fixés par la loi », sans n’avoir admis aucun assouplissement de celle-ci. C’est pour ceux-là que la qualification des différentes utilisations de propriété à des fins de garantie est encore ambiguë. Différant de la situation française, il y a, en Chine, très peu d’études qui traitent expressément les 72 YANG Hong, op. cit., p. 34-58. 73 YANG Yuxi, De la règle numerus clausus, in Recherche de droit comparé, 2002, I, p. 34. 87 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » différentes utilisations de propriété à des fins de garantie comme les sûretés réelles. 141. Nous pouvons donc résumer que la propriété-sûreté a connu un vrai retour en droit chinois moderne. Son histoire est beaucoup plus longue que celle de la propriété-sûreté en droit français. B. La classification selon le critère de la propriété 142. La classification des sûretés réelles se fait d’après ce critère que si la sûreté réelle confère à son bénéficiaire la propriété. a. Les sûretés n’emportant pas le transfert de la propriété 143. La majorité des sûretés réelles ne supposent pas la propriété du bien. Elles confèrent souvent soit un droit de préférence, tels que les privilèges en droit français, les privilèges innomés et les hypothèques en droit chinois, soit un droit de préférence et un droit de suite, tels que l’hypothèque en droit français, soit un droit de préférence et aussi un droit de retenir le bien grevé, tels que les exemples du gage, du nantissement, de le gage immobilier et du droit de rétention en droit français, ainsi que du gage et du droit de rétention en droit chinois. b. Les sûretés basant sur la propriété du bien 144. Il arrive parfois qu’une sûreté réelle soit constituée sur la base de la propriété du bien grevé. 145. En droit français, le propriétaire d’un bien peut constitue une propriété-sûreté sous deux formes: soit s’en réserver la propriété jusqu’au paiement de la créance, par exemples dans l’hypothèse de réserve de propriété (art. 2367 à 2372, C. civ.) ou crédit-bail (art. L.313-7 à L.313-11, CMF), soit le propriétaire d’un bien ou le titulaire d’une créance en transfère la propriété à titre de garantie qui est également désigné fiducie, prévue dans les articles 2011 à 2031 du Code civil. 88 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » Au mécanisme du crédit-bail, l’établissement de crédit, qui finance l’acquisition d’un bien, acquiert lui-même ce bien (mobilier ou immobilier), au lieu d’en prêter la somme au demandeur de crédit. Ce dernier loue la chose, avec la possibilité de l’acquérir en fin de bail, déduction faite des redevances déjà versées. L’intérêt de cette opération est le même que celui de la réserve de propriété : le créancier demeure propriétaire du bien jusqu’à la fin du financement, ce qui lui permet de le revendiquer en cas de procédure collective ou de redressement judiciaire du débiteur. Dans l’hypothèse de fiducie, la propriété du bien grevé est transférée au fiduciaire qui le détient jusqu’à la fin de l’opération. Donc, dans toutes hypothèses de propriété-sûreté, la propriété du bien grevé n’a jamais appartenu au débiteur. La propriété ne lui sera transférée qu’à la fin de l’opération, c’est-à-dire lorsqu’il aura payé la totalité de la dette. 146. En droit chinois, existe-il ces trois types de propriété-sûreté? La réponse est ambiguë. D’une part, il existe certainement les utilisations de propriété à des fins de garantie. Bien que la réserve de propriété n’ait pas été prévue par la LS, ni par la LDR, l’article 134 de la Loi sur les contrats de 1999 dispose que « les parties peuvent convenir dans le contrat de vente que si l’acheteur n’exécute pas les obligations qu’il a engagées telle que le paiement ou autres, la propriété de l’objet appartient au vendeur ». Concernant le crédit-bail, il est prévu dans l’article 5 d’un arrêté ministériel - Règles comptables des entreprises modernes qui sont promulguées par le Ministère des finances en 2006 et est défini comme « un bail qui en effet transfert tous les risques et rémunérations concernant la propriété du bien » . Quant à la fiducie, elle est instaurée par la Loi de la fiducie de 2001 et est défini dans son article 2 comme «l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent, basant sur la confiance, des droits patrimoniaux à un ou plusieurs fiduciaires qui 89 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » agissent à son propre titre et dans un but déterminé ou au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ». D’autre part, en Chine, la qualification des différentes utilisations du droit de propriété à des fins de garantie est différente de celle qui existe en droit français pour des raisons précitées. Normalement, il y a très peu d’études qui les traitent expressément comme les sûretés réelles. 147. En outre, sur le plan théorique, nous pouvons aussi classer les sûretés réelles selon leurs sources. Nous opposons donc les sûretés conventionnelles aux sûretés non conventionnelles qui désignent les sûretés légales et les sûretés judiciaires. La sûreté est conventionnelle lorsqu’elle est née d’un contrat. A l’exception des privilèges, toutes les sûretés peuvent être conventionnellement constituées dans les deux systèmes juridiques en cause. Par exception, il arrive dans des différents systèmes juridiques que certaines sûretés soient conférées à certains créanciers ou attachées à certaines créances, sans qu’une convention ait été conclu ente le créancier et le constituant. Ce sont les sûretés réelles non conventionnelles qui rassemblent en effet les sûretés légales et les sûretés judiciaires. La sûreté est légale lorsqu’elle est accordée par la loi à raison de la qualité de créance. Les sûretés réelles en droit français répondant à cette définition sont les privilèges et les hypothèques légales. En droit chinois, les privilèges généraux, les privilèges spéciaux qui ne contiennent que les privilèges sur les aéronefs et les privilèges sur les navires, et l’hypothèque légale qui est fixé par l’article 284 de la Loi sur les contrats de 1999 correspondent à cette sûreté. La sûreté est judiciaire lorsqu’elle est accordée dans une décision judiciaire. En droit français, l’hypothèque judiciaire conservatoire crée en 1950 répond à cette définition. Cependant, cette hypothèque judiciaire du droit français n’a jamais été admise par le législateur chinois. 90 Chapitre II – La typologie de « sûretés réelles » 148. Enfin, la sûreté réelle est en principe constituée par le débiteur de la créance garantie. Cependant, il est tout à fait possible, tant en droit français qu’en droit chinois, pour un tiers de s’engager sur l’un de ses biens pour garantir la dette d’autrui. Il s’agit là de la classification des sûretés réelles fondée sur la qualité du constituant. Quant à la qualification de la sûreté réelle pour autrui, il y avait pendant longtemps une confusion en droit français. La réforme de 2006 l’a précisé expressément dans l’article 2334 du Code civil qui prévoit que dans une telle hypothèse, « le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en garantie », le constituant tiers ne souscrit donc aucun engagement personnel. Cette affirmation tombe d’accord avec le système juridique chinois qui bien qu’il n’ait pas expressément fixé l’étendue de l’engagement du constituant tiers dit que « le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en garantie » est un principe implicite consacré par la doctrine et les textes de la LS, des ELS et de la LDR. 91 Titre II – Les modalités de publicité des sûretés réelles 149. Les tiers, surtout les créanciers d’un débiteur, doivent être informés des sûretés réelles qui grèvent les biens qu’ils ont acquis ou qu’ils vont acquérir, puisque leurs droits sur ces biens sont profondément influencés par les sûretés réelles afférentes. Les sûretés réelles sont donc intimement liées aux modalités de la publicité des sûretés réelles qui sont réalisées soit par l’inscription des sûretés réelles, soit par la dépossession du bien grevé. 150. Sachant que les législateurs français et chinois mettent particulièrement l’accent sur la transparence des sûretés réelles, ces mesures jouent donc un rôle déterminant. Cependant, les modalités de publicité des sûretés réelles et leurs champs d’application, ainsi que les finalités poursuivies, varient d'un pays à l’autre. 92 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application 151. Le régime et les effets des différentes modalités de publicité en matière mobilière ou immobilière ne sont pas identiques tant en droit français qu’en droit chinois. Section I – La publicité en matière mobilière 152. En raison de l’énorme quantité et de la mobilité des meubles, les modalités de publicité des sûretés mobilières n’ont pas été unifiées, que ce soit en droit français ou en droit chinois. §I – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit français 153. En droit français, les sûretés mobilières conventionnelles et non conventionnelles ne sont pas soumises aux mêmes règles de publicité. S’agissant des sûretés mobilières conventionnelles, tels que le gage et le nantissement, elles doivent en principe être publiées pour être opposables aux tiers. L’opposabilité de la clause de réserve de propriété fait exception, elle ne dépend d’aucune publicité obligatoire (v. infra n° 405). S’agissant des sûretés mobilières légales ou judiciaires, elles n’ont pas en principe à être publiées. La plupart des privilèges généraux ou spéciaux sont occultes. Exceptionnellement, afin de limiter l’importance des sommes privilégiées74 et de mieux protéger les intérêts des tiers, notamment les autres créanciers du débiteur, la loi impose à certains créanciers de publier leurs privilèges sur un registre spécial, tels que le privilège du Trésor public et celui de la sécurité sociale (art. 1929 quater 1, CGI ; art. L. 245-5, al. 1er, CSS). 74 Marc MIGNOT, op. cit., p. 309. 93 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application 154. Il existe deux modalités de publicité des sûretés mobilières : soit par une mesure matérielle, c’est-à-dire la dépossession du bien grevé ; soit par une mesure immatérielle, c’est-à-dire l’inscription de la sûreté réelle. En effet, le gage, avant la réforme de 2006, était un contrat réel qui supposait la dépossession du débiteur. Cette dernière était considérée par la jurisprudence comme une modalité de publicité du gage75. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 mars 2006, le gage n’est plus un contrat réel. Les parties peuvent convenir de constituer un gage avec ou sans dépossession. Dans le premier cas, la dépossession peut tout de même être considérée comme une modalité de publicité au sens large76, puisqu’elle joue, comme l’inscription pour le gage sans dépossession, vis-à-vis des tiers un rôle de publicité rudimentaire et permet d’individualiser les biens objets de la sûreté. Dans le second cas, la publicité du gage au sens strict se réalise par une inscription sur un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce, c’est-à-dire par une publicité proprement dite. Cette publicité s’applique aussi au gage des stocks (art. L. 527-4, C. com.), au gage du matériel et de l’outillage (art. L. 525-3, al. 2, C. com.). 155. Cependant, pour certaines sûretés mobilières, le registre chargé de la publicité est tenu par d’autres autorités. Par exemple, le gage des véhicules terrestres est publié dans un registre spécial tenu par la préfecture qui a délivré la carte grise (art. 2351, C. civ.) ; l’hypothèque fluviale, dans un registre tenu par le greffe du tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué ; l’hypothèque maritime, dans un registre spécial tenu par les conservateurs des hypothèques maritimes ; l’hypothèque aérienne, dans le registre de l’immatriculation des aéronefs tenu par la Direction Générale de 75 Cf. Marc MIGNOT, op. cit., p. 310. 76 C’est dans ce sens que messieurs Bernard BEIGNIER et Marc MIGNOT ont utilisé, dans le manuel Droit des sûretés publié par Montchrestien en 2007, la notion de publicité pour couvrir la dépossession du bien grevé et l’inscription de la sûreté. 94 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application l’Aviation civile ; le privilège de la sécurité sociale, dans un registre public tenu par le greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance (art. L. 245-5, al. 1, CSS). Les modalités de publicité des sûretés mobilières se répartissent ainsi entre plusieurs registres, tenus par les différentes autorités concernées. Cette dispersion présente un réel inconvénient dans la mesure où il est difficile pour les tiers de connaitre l’ensemble du passif privilégié grevant un même bien. Il convient donc de saluer le fait que ce problème soit en partie résolu par le décret du 23 décembre 2006 relatif à la publicité du gage, lequel a créé un fichier national des gages de droit commun. Il est toutefois regrettable que ce dernier ne rassemble pas toutes les sûretés mobilières et ne puisse pas vraiment garantir aux intéressés une information complète sur ce sujet. §II – La diversité de la publicité des sûretés mobilières en droit chinois 156. Par comparaison au droit français, la notion de publicité des sûretés mobilières conventionnelles et non conventionnelles est plus flexible en droit chinois. Selon l’article 6 de la LDR qui fixe les règles de la publicité des droits réels, la publicité des sûretés réelles peut être réalisée selon deux modalités qui ne soumettent pas aux mêmes règles : la dépossession du bien grevé et l’inscription de la sûreté. En ce qui concerne les sûretés mobilières conventionnelles, les règles sont les mêmes qu’en droit français. Autrement dit, le gage, l’hypothèque mobilière et le nantissement doivent être publiés pour avoir l’opposabilité aux tiers. L’opposabilité de la clause de réserve de propriété fait exception, qu’elle ne dépend d’aucune publicité obligatoire (v. infra n° 408). Quant aux sûretés mobilières légales, elles n’ont pas à être publiées. Le droit de rétention est dispensé de publicité. Les privilèges innomés sont occultes, sans aucune exception (v. infra n° 214 et s.). 95 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application 157. Comme en droit français, la publicité des sûretés mobilières en droit chinois se réalise soit par la dépossession de la chose grevée, soit par l’inscription de la sûreté. Le gage en droit chinois suppose nécessairement la dépossession du bien grevé. Cette dépossession a en réalité une double fonction : elle assure simultanément la validité et l’opposabilité du gage. Ce principe s’applique aussi au privilège sur l’aéronef qui doit être inscrit auprès du bureau compétent pour être valide et opposable. La publicité de l’hypothèque mobilière, qui correspond au gage sans dépossession en droit français, est assurée par l’inscription sur des registres spéciaux. L’hypothèque mobilière portant sur des machines de production, des matières premières, des produits semi-finis et finis, doit être inscrite sur un registre tenu par le bureau de l’industrie et du commerce ; celle portant sur des bateaux, des aéronefs et des véhicules, auprès des organes d’administration compétents. Quant à la publicité de l’hypothèque portant sur d’autres meubles, la loi n’en a rien dit. S’agissant du nantissement, la publicité se réalise soit par la remise du titre des droits, soit par l’inscription auprès des organes compétents. Elle assure aussi la validité et l’opposabilité du nantissement. 158. Ainsi, les modalités de publicité des sûretés mobilières sont aussi diverses en droit chinois qu’en droit français. Elles se différencient de la publicité en matière immobilière, qui est parfaitement centralisée. Section II – La publicité en matière immobilière 159. Que ce soit en droit français ou en droit chinois, les sûretés immobilières doivent être publiées pour être opposables et efficaces. Mais cette publicité n'est-elle qu’une condition d’opposabilité ou constitue-t-elle une condition de validité ? Les réponses données par les différents régimes juridiques varient selon les sûretés immobilières. En effet, le régime de 96 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application l’inscription des sûretés immobilières est un problème qui est intimement lié au principe de la publicité foncière, même si chaque système possède ses propres règles. §I – La publicité foncière en droit français 160. Le droit français des contrats soumet au principe du consensualisme. Le contrat de vente, qu’il soit contrat d’échange ou de donation etc., réalise en principe le transfert instantané de la propriété du bien par le seul échange des consentements77. C’est le principe du transfert de propriété solo consensus. La publicité n’est pas constitutive de droits réels, mais elle rend les droits réels opposables à tous les tiers. Ce régime de publicité est fondé, en effet, sur les décrets du 4 janvier 1955 et du 14 octobre 1955. Selon le décret du 4 janvier 1955, seuls des actes translatifs ou constitutifs de droits réels, tels que des restrictions au droit de disposer, des clauses affectant rétroactivement le droit du titulaire, des droits personnels altérant la valeur du bien etc., sont soumis à publicité à peine d’inopposabilité aux tiers. Les hypothèques, ainsi que les privilèges, appartiennent à cette catégorie de droits devant nécessairement être publiés. Il existe en droit français trois registres – un registre des inscriptions, un registre des publications et un registre des saisies immobilières – qui accueillent les dépôts de bordereaux. Grâce aux fichiers immobiliers systématiquement établis, qui se présentent sous trois formes – les fichiers établis d’après les immeubles, d’après les titulaires de droits réels et d’après les parcelles cadastrales – l’accès aux informations sur les immeubles est nettement facilité. Toute personne peut demander la communication des documents déposés dans les conservations dans les cinquante dernières 77 Michèle MULLER, Droit civil, Sup’ Foucher, 2006, p. 94. 97 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application années78. Le fait que seuls des actes authentiques puissent être publiés renforce la fiabilité de la publicité foncière, allège le fardeau des conservateurs des hypothèques qui se chargent uniquement de vérifier la régularité formelle des actes déposés. De plus, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 dispose que « aucun acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un bordereau des hypothèques ne peut être publié au fichier immobilier si le titre du disposant ou dernier titre n’a pas été préalablement publié, conformément aux dispositions du présent article ». Il en découle le principe de l’effet relatif qui renforce davantage la fiabilité du régime de publicité foncière. 161. Si un acte, soumis à publicité, n’est pas publié, il n’est pas opposable aux tiers mais reste encore valable entre les parties, ce qui n’est qu’une hypothèque "fantôme". Seuls les tiers intéressés qui, sur le même immeuble, ont acquis du même auteur un droit réel concurrent, peuvent invoquer l’inopposabilité de l’acte au sens de la publicité foncière. Cependant, un tiers peut, dans certains cas, avoir connaissance d’un acte soumis à publicité, sans que cette formalité ait été accomplie ; par exemple, si un créancier hypothécaire peut prouver qu’un tiers a eu connaissance de l’hypothèque, cette sûreté lui est-elle opposable ? Autrement dit, la connaissance effective peut-elle remplacer la publicité foncière ? Il existe sur ce point deux courants de pensée. Le premier, qui retient la conception subjective de la publicité, répond par l’affirmative : il estime que le but poursuivi par la publicité étant l’information des tiers, l’existence de cette information suffit à cette finalité, quel que soit le moyen utilisé. Cette approche permet donc de sanctionner les tiers de mauvaise foi et de privilégier la sécurité du crédit. Le second, qui fait valoir que la publicité exigée est constitutive du droit d’opposabilité, privilégie une approche objective et répond par la négative79. La jurisprudence navigue entre les deux. 78 Dominique LEGEAIS, Sûretés et garantie du crédit, LGDJ, 2008, p. 418. 79 Ibid., p. 419. 98 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application Elle retient, en effet, la conception subjective en cas de conflits des cessions successives d’un même immeuble, et la conception objective s’agissant de l’hypothèque80. Le régime de l’inscription hypothécaire est donc différent de celui des autres droits réels immobiliers sur ce point. Les autres règles gouvernant la publicité s’appliquent en principe à l’inscription de l’hypothèque. 162. Ainsi, les sûretés immobilières, qu’elles soient conventionnelles ou non, doivent en principe être publiées pour être opposables aux tiers. Par exception, l’article 2378 admet que les privilèges généraux et le privilège spécial du syndicat des copropriétaires ne le soient pas. En outre, à la différence de la publicité dispersée des sûretés mobilières, celle des sûretés immobilières, qu’elle soit d’hypothèque, d’antichrèse ou des privilèges spéciaux immobiliers, est centralisée à la conservation des hypothèques. Cette centralisation n’est certainement pas considérée d’un point de vue géographique, mais plutôt matériel, puisque toutes les sûretés sur un même immeuble doivent être publiées en un seul et même lieu81. §II – La publicité foncière en droit chinois 163. À la différence du droit français, le droit civil chinois est fortement imprégné de l’influence des droits allemand et suisse. Les règles de l’inscription foncière ont connu une grande évolution au fil du temps. La Loi sur la gestion des terres de 1986 instaurait dans ses articles 9 et 10 le principe de l’inscription foncière, en disposant que « les droits de propriété et d’usage du terrain légalement inscrits sont protégés par la loi et personne ne peut empiéter sur ces droits ». Mais ces dispositions étaient tellement générales 80 Cass. 3e civ., 17 juill. 1986, Bull.civ. III, no118, Defrénois 87, art. 34056, no78, p.1178, n. L.AYNES : la circonstance, à la supposer établie, que (les tiers acquéreurs) aient eu une connaissance personnelle des prêts consentis par la banque et des sûretés les ayant garantis ne pouvait suppléer à l’inscription, seul mode légal de publicité. 81 Marc MIGNOT, op. cit., p. 311. 99 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application qu’elles sont restées pratiquement inexécutables par manque de mesures plus précises. 164. Par la suite, la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine de 1994 a introduit dans la section III du chapitre IV des stipulations spéciales sur l’hypothèque immobilière et, dans le chapitre V, sur la gestion de l’inscription de la propriété foncière. Cependant, elle ne prévoyait pas les effets de cette inscription. De toute façon, ces lois ont instauré le principe simple selon lequel les droits réels immobiliers devaient être inscrits à peine de nullité. La Loi sur les sûretés (LS) de 1995 a ensuite instauré le système relativement complet de l’inscription de l’hypothèque qui constitue encore la base du régime de nos jours. Ses articles 41 et 42 stipulaient que l’inscription était une condition de validité pour le contrat de l’hypothèque immobilière et le contrat de l’hypothèque de certains meubles assimilés aux immeubles. 165. Enfin, la LDR de 2007 a repris l’esprit de l’inscription foncière en affinant le système : elle distingue la validité du contrat de l’hypothèque et celle de l’hypothèque elle-même. Selon ses termes, le contrat est parfait dès lors qu’il est conclu sous forme écrite et que l’inscription est une condition de la validité de l’hypothèque immobilière. En effet, au cours de la rédaction de la LDR ont prévalu deux conceptions sur l’effet de l’inscription : la première prétendait abandonner la modalité de l’« inscription-validité » et adopter celle de l’« inscription-opposabilité » pour toutes les hypothèques, à l’exemple du droit français82; la seconde, sous l’influence de la théorie de l’acte juridique réel en droit allemand, optait pour la modalité allemande83. L’une comme 82 WANG Liming, Recherche sur le droit civil et commercial (II), Éd. du droit, 1999, p.185. 83 SUN Xianzhong, Études sur la théorie de l’acte juridique réel, Éd. de sciences sociales de Chine, 2001, p. 135 ; SUN Xianzhong, Études sur les droits réels, Éd. du droit, 2001, p. 55. 100 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application l’autre a rencontré un écho positif dans la LDR promulguée : aujourd’hui, la modalité de l’ « inscription-opposabilité » s’applique à toutes les hypothèques mobilières et celle de l’ « inscription-validité » à toutes les hypothèques immobilières. Ce sont les règles en droit positif chinois. Il a consacré expressément le principe de la « publicité du changement » de droits réels. Le changement de droit de propriété ou d’autres droits réels reposant en principe sur un acte juridique ne sera considéré comme réalisé qu’une fois accomplie la formalité de publicité (enregistrement pour des immeubles et délivrance pour des meubles), même si l’acte juridique sur lequel ce changement repose est déjà effectif. Autrement dit, aucune translation ou constitution de droit réel, par la voie d’acte juridique, ne peut en principe être valablement réalisée sans la formalité de publicité requise au préalable. Néanmoins, il existe certaines exceptions pour les meubles ; par exemple, l’inscription n’est pas une condition de validité pour l’hypothèque mobilière, mais une condition d’opposabilité aux tiers. Pour les autres droits réels, tels que l’hypothèque immobilière, l’inscription est donc une condition de validité. Si la connaissance effective de l'existence de l'hypothèque peut jouer le rôle de la publicité et si un tiers a eu connaissance de l'hypothèque, le problème de l'opposabilité aux tiers qui existe en droit français ne se posera pas en droit chinois, puisque le non-exercice de l’inscription rend l’hypothèque invalide, a fortiori son opposabilité. 166. Selon la LDR, le requérant doit, suite à sa réquisition, fournir les dossiers nécessaires à l’inscription immobilière, notamment les titres représentant ses droits, les documents et les indications sur les dimensions et la localisation (art. 11). L’organe compétent devra les examiner, demander au requérant le motif de l’inscription, enregistrer immédiatement et exactement les éléments relatifs à l’inscription et, le cas échéant, demander au requérant de fournir des dossiers complémentaires et procéder à l’observation sur place de l'état de l'immeuble (art. 12). Cet organe exerce donc un contrôle complet sur la forme mais non sur le fond. Après tout, l’état des droits réels concernant un 101 Chapitre I – Les modalités de publicité et leurs champs d’application immeuble figure sur les « registres d’immeuble » qui sont le support de la publicité immobilière, la source de l’attribution et le contenu du droit réel (art. 16, LDR). Les frais d’inscription doivent être fixés et ne peuvent varier proportionnellement à la surface, au volume ou au prix de l’immeuble (art. 20, LDR). Les dossiers d’inscription tenus par l’organe susmentionné, y compris les registres d’immeuble, peuvent être consultés et copiés par le titulaire du droit et les tiers intéressés (art. 18, LDR). 167. Il est regrettable que persistent encore aujourd’hui des problèmes en matière d’inscription foncière en droit chinois. Ces derniers découlent en définitive de la diversité des lois fixant les inscriptions des différents immeubles ; par exemple, la nouvelle Loi sur la gestion des terres et ses mesures d’application (1998), la nouvelle Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine (2007), la Loi sur les forêts, la Loi sur la pêche, la LS, la LDR etc. Selon une statistique incomplète, il existe une dizaine de lois sur l’inscription foncière. Cette situation est source de problèmes : une multitude d’organes en charge des inscriptions, des conflits entre certaines lois, l’impossibilité de faire inscrire certains immeubles, la répétition des inscriptions pour un même immeuble etc. Ces problèmes réduisent considérablement l’efficacité des sûretés réelles et sont une forte entrave au développement du crédit. Il est donc très urgent d’uniformiser les différentes inscriptions foncières. Le législateur chinois a la volonté d'apporter des solutions et d’établir le plus tôt possible un système unitaire d’inscription des droits réels correspondant au besoin du crédit et de la pratique internationale. 102 Chapitre II – Les finalités de publicité Chapitre II – Les finalités de publicité 168. Quel que soit le système juridique, la publicité remplit plusieurs fonctions qui visent principalement à : assurer l’opposabilité des sûretés aux tiers ; constituer une condition de validité des sûretés dans certains cas ; permettre d’attribuer un rang au créancier. Cependant, les finalités poursuivies par le législateur varient selon les pays. Section I – Les finalités poursuivies en droit français 169. En droit français, la publicité des sûretés permet d’abord de rendre les sûretés opposables aux tiers et, ensuite, de fixer le rang des créanciers. §I – L’opposabilité de la sûreté 170. Comme nous l’avons exposé, la publicité n’est pas en principe un élément constitutif de droits réels, mais un élément relevant de l’opposabilité du droit. Ainsi, la publicité de la sûreté réelle sert principalement à assurer son opposabilité aux tiers. La sûreté conventionnelle demeure normalement valable bien qu’elle n’ait pas été publiée. Elle est quand même valable entre les parties, à l’instar du gage et du nantissement en matière mobilière, de l’hypothèque en matière immobilière, et de la clause de réserve de propriété en matière mobilière ou immobilière. 171. Néanmoins, l’opposabilité résultant de la publicité mobilière ou immobilière ne présente pas le même degré d’efficacité. Par exemple, la propriété-sûreté mobilière est opposable à l’acquéreur et à ses créanciers ; mais elle n’est pas opposable au sous-acquéreur de bonne foi qui peut invoquer la disposition de l’article 2276 du Code civil. De même, face au tiers acquéreur de bonne foi, le créancier bénéficiaire d’un gage avec dépossession ne peut pas faire valoir son droit de gage sur le bien grevé. Par exception, dans l’hypothèse du gage sans dépossession, une fois que le gage a été régulièrement inscrite, les ayants cause à titre particulier ne peuvent plus se prévaloir de l’article 2276 du Code civil. 103 Chapitre II – Les finalités de publicité En matière immobilière, la publicité est plus efficace : elle rend toujours la sûreté opposable aux tiers84. Cette différence d’efficacité entre les publicités des sûretés mobilières et immobilières peut s’expliquer par la fiabilité du système de publicité foncière et par l’intervention systématique du notaire dans la pratique des opérations immobilières. Ainsi, toute opération immobilière aboutit à la formalité de publicité et suppose la consultation préalable de la publicité foncière. En matière mobilière, en revanche, la pluralité des registres mobiliers et l’absence d’intervention systématique du notaire diminuent nécessairement la fiabilité de la publicité. §II – L’attribution d’un rang au créancier 172. Comme la publicité rend, en principe, la sûreté réelle opposable aux tiers, il est logique qu’elle contribue à fixer le rang des différents créanciers. Ainsi, dès lors qu’une sûreté est régulièrement publiée, son rang est en principe déterminé par la date de l’accomplissement de la formalité de publicité. Cette fonction de la publicité suppose que plusieurs sûretés réelles puissent être successivement constituées sur un même bien. Ainsi, l’attribution d’un rang aux créanciers ayant publié leurs droits sur le même bien est intimement liée au classement des créanciers en conflit. Ces derniers sont classés selon l’adage prior tempore potior jure. Celui qui a publié son droit à une date antérieure l’emporte sur les suivants. Dans cette hypothèse, la fonction d’attribuer un rang au créancier n’est, en principe, concevable que s’agissant des sûretés conventionnelles traditionnelles, tels que le gage avec dépossession et le gage sans dépossession, les nantissements, les hypothèques, non s’agissant des propriétés-sûretés85 et des sûretés extra-conventionnelles. Par exemple, la remise de la chose entre les 84 Marc MIGNOT, op. cit., p. 311. 85 Ibid., p. 312. 104 Chapitre II – Les finalités de publicité mains du créancier rend le gage avec dépossession opposable aux tiers ; l’inscription rend le gage sans dépossession, le nantissement et l’hypothèque opposables aux tiers, du moins en principe. Par dérogation, les privilèges spéciaux prennent rang à la date de conclusion de l’acte donnant naissance à la créance privilégiée. La conclusion de l’acte n’est pas une publicité proprement dite. 173. À titre exceptionnel, la publicité de la sûreté réelle remplit certaines autres fonctions. Par exemple, elle est parfois une condition de validité de la sûreté. La sûreté doit être publiée, à peine de nullité. C’est le cas du gage des stocks de droit spécial (art. L. 527-4, C. com.) et de la fiducie (art. 2019, C. com.). S’agissant du gage immobilier, son régime de publicité est exceptionnel, puisque les deux modalités de publicité – la remise de la chose grevée et l’inscription – sont respectivement exigées pour la validité et l’opposabilité de la sûreté. Autre exemple, la publicité de la sûreté réelle est prise en compte par le législateur dans certains cas pour faire bénéficier son titulaire d’une mesure de faveur. Lors de l’ouverture de la procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation, les créanciers antérieurs doivent déclarer leur créance (art. L. 622-24, L. 631-14-I, L. 641-3, al. 1er, C. com.). Section II – Les fonctions de la publicité en droit chinois 174. La publicité des sûretés réelles en droit chinois ne joue pas le même rôle que celle en droit français. Sa fonction primordiale est d’assurer la validité de la sûreté. Elle permet ensuite de rendre les sûretés opposables aux tiers et, enfin, de fixer le rang des créanciers. §I – La validité et l’opposabilité de la sûreté 175. Comme le système juridique chinois accepte la théorie allemande selon laquelle aucune constitution et aucun changement de droit réel ne pourraient en principe être valablement réalisés. Étant qualifiée du droit réel, la validité d’une sûreté réelle suppose sa publicité, sauf dispositions contraires. 105 Chapitre II – Les finalités de publicité Ainsi, la publicité de la sûreté réelle, surtout de la sûreté conventionnelle, sert d’emblée à assurer la validité de celle-ci. La sûreté réelle conventionnelle n’est valable qu’une fois accomplies les formalités régulières de publicité. Par exemple, le gage (avec dépossession) n’est valablement constitué qu’au moment de la remise de la chose grevée entre les mains du créancier ; le nantissement des droits n’est valable qu’à partir de la réalisation de la remise du titre des droits ou de l’inscription ; la validité d’une hypothèque immobilière suppose l’inscription hypothécaire ; le privilège sur l’aéronef doit être inscrit auprès du bureau compétent pour être valablement constitué. Pour ces sûretés réelles, la publicité assure aussi leur opposabilité aux tiers. 176. Dans certains cas, la publicité n’est pas une condition de validité, mais une simple condition d’opposabilité de la sûreté elle-même. Par exemple, l’hypothèque mobilière demeure valable entre les parties bien qu’elle n’ait pas été publiée. De même, la validité de la clause de réserve de propriété en matière mobilière ou immobilière ne suppose pas la publicité. Pour ces deux types de sûretés réelles, la publicité assure simplement leur opposabilité, non leur validité. En effet, en tant qu’une modalité de la publicité des sûretés réelles, la remise de la chose grevée et l’inscription ont pour même objet de porter l’état de la sûreté réelle à la connaissance des tiers. Pourquoi jouent-elles des rôles différents selon qu'il s'agit d'une sûreté avec dépossession (le gage) ou sans dépossession (l’hypothèque mobilière) portant sur des meubles corporels ? Pour l’instant, l’imperfection du système de l’inscription mobilière apporte une explication peu convaincante à cette dualité. Or, dans une perspective à long terme, cette situation compromet la simplicité et la logique du droit des sûretés. 177. En raison, d’une part, de la multiplicité des registres mobiliers et de l’absence d’intervention systématique du juriste et, d’autre part, de la fiabilité du système de publicité foncière et de la pratique des opérations immobilières où interviennent souvent le notaire ou l’avocat, l’opposabilité résultant de la 106 Chapitre II – Les finalités de publicité publicité des sûretés mobilières présente une moindre efficacité que celle des sûretés immobilières. Ainsi, le créancier gagiste régulièrement publié ne peut pas l’emporter sur le tiers acquéreur de bonne foi. En matière immobilière, la publicité est plus efficace ; elle rend toujours la sûreté opposable aux tiers. Cette disposition se rapproche du droit français. 178. Par exception, la publicité n’est exigée ni pour la validité ni pour l’opposabilité de la sûreté. C’est le cas pour le droit de rétention, le privilège nommé sur le navire et les privilèges innommés. §II – L’attribution d’un rang au créancier 179. Comme en droit français, le rang de la sûreté en doit chinois est en principe déterminé par la date de la réalisation de la publicité régulière. La publicité fixe donc le rang des créanciers ayant publié leurs droits sur un même bien. Celui dont la publicité des droits est antérieure l’emporte sur les suivants. Ce principe est tout à fait semblable à celui appliqué en droit français. 180. De même, cette fonction suppose que plusieurs sûretés conventionnelles se constituent sur un même bien. S’il n’y a qu’une sûreté réelle sur un bien, sa publicité n’a aucun sens. Par exemple, si un bien fait l’objet d’une propriétés-sûreté, d’autres créanciers du débiteur ne peuvent en principe pas valablement constituer une sûreté réelle sur ce bien dont le débiteur n’est plus le propriétaire. Ainsi, la remise de la chose entre les mains du créancier rend le gage opposable aux tiers ; l’inscription rend l’hypothèque mobilière, le nantissement et l’hypothèque immobilière opposables aux tiers, comme en droit français. 181. Par dérogation, les privilèges innommés ne sont pas soumis à publicité pour leur opposabilité. Ils sont automatiquement opposables aux tiers dès leur naissance. Cependant, cette opposabilité n’est pas aussi forte que celle des privilèges en droit français puisqu’elle n’est pas valable devant les créanciers ayant des sûretés réelles portant sur un bien déterminé du débiteur. 107 Chapitre II – Les finalités de publicité 182. En outre, la publicité de la sûreté réelle est aussi prise en compte par le législateur chinois dans certains cas pour faire bénéficier son titulaire d’une mesure de faveur. Lors de l’ouverture de la procédure collective, les créanciers antérieurs doivent déclarer leurs créances, même si celles-ci ne sont pas échue (art. 45 et s., LFE). 108 Deuxième partie Régimes des sûretés mobilières (approche micro juridique) 109 183. Dans cette partie, nous mettrons en parallèle les dispositions du droit français et du droit chinois en matière de sûretés mobilières, en soulignant leurs similitudes et leurs divergences. Il est à remarquer que la notion de « meubles » en droit français n’est pas la même que celle en droit chinois. En droit français, les « meubles » inclurent non seulement les « biens corporels » mais aussi les «biens incorporels ». Avant la réforme du 23 mars 2006, le législateur français établissait une distinction entre le gage qui nécessitait la dépossession et le nantissement qui était sans dépossession. La réforme a abandonné le critère de dépossession mais retient la nature de l’assiette de sûreté. La sûreté portant sur des meubles corporels se nomme « gage », celle portant sur des meubles incorporels, « nantissement », qu’elles soient avec dépossession ou non. En droit chinois, les « meubles » ne concernent que les biens corporels. Le législateur distingue donc les sûretés de droits (des biens incorporels) des sûretés mobilières (v. supra n° 113 et n° 120). Ainsi, à proprement parler, les sûretés mobilières en droit chinois ne comportent pas les sûretés de droits ; elles correspondent uniquement à la notion de gage en droit français. Cependant, pour mener à bien cette étude, nous emploierons ici la notion de « sûretés mobilières » au sens du droit français. 184. Dans les deux systèmes juridiques, nous distinguons, selon les sources, les sûretés mobilières non conventionnelles des sûretés mobilières conventionnelles. Celles-ci, qui sont soumises aux régimes juridiques différents, seront successivement étudiées dans le texte suivant. 110 Titre préliminaire – Les sûretés mobilières non conventionnelles 185. Il arrive souvent que dans les différents systèmes juridiques, afin de promouvoir le développement du commerce et de satisfaire au besoin des politiques sociales, certaines sûretés soient conférées à certains créanciers ou attachées à certaines créances, sans qu’une convention ait été conclue entre les parties. Ce sont les sûretés réelles non conventionnelles qui rassemblent les privilèges, le droit de rétention et certaines autres sûretés judiciaires. 111 Chapitre I – Les privilèges Chapitre I – Les privilèges 186. En droit français, le privilège est définit comme « un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires » (art. 2324 C. civ.). Sa définition est bien simple, mais ses formes et ses régimes sont relativement complexes. Il est en effet une catégorie de droits qui existe depuis le droit romain et qui joue toujours un rôle en droit des sûretés français. Cette définition est aussi reconnue par la doctrine chinoise, bien que le régime général des privilèges ne soit pas reconnu par le législateur. Section I – Les privilèges en droit français 187. Le législateur confère un privilège aux créanciers, en raison de la qualité de leur créance, par exemple ceux ayant intérêts que l’État tend à préserver, basés sur la justice sociale ou fondés sur la notion de gage. Chaque privilège traduit un choix politique86. Nous envisagerons successivement les différents privilèges en droit français. § I – Les privilèges généraux 188. Ce sont les privilèges pleinement généraux qui portent sur l’ensemble des biens d’un débiteur. Il existe aujourd’hui quatre privilèges généraux : celui des frais de justice, celui des salaires, celui de la période de conciliation de l’article L.611-11 et celui de la période d’observation consacré par l’article L.622-17 du Code de commerce. Comme toute sûreté réelle, ils sont soumis à la règle de spécialité: il s’exerce sur tout élément d’actif pour la totalité qu’il garantit. Particulièrement, il se soumet aussi au principe de subsidiarité : les privilèges doivent s’exercer d’abord sur les meubles de son débiteur avant la vente de ses immeubles. C’est une règle qui traduit la volonté traditionnelle du législateur de protéger la propriété immobilière. Ce principe 86 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 455. 112 Chapitre I – Les privilèges peut expliquer pourquoi nous l’abordons dans cette partie consacrée aux sûretés réelles. 189. Les frais de justice sont toujours privilégiés (art. 2331, C. civ.). Il est logique que les frais qui concourent à la procédure collective, tant à la conservation, à la liquidation qu’à la réalisation des biens de son débiteur, soient payés avant les autres créanciers, puisqu’ils sont dépensés dans l’intérêt de tous les créanciers et qu’ils profitent à tous87. Cependant, afin de protéger les intérêts des autres créanciers, le législateur a introduit par la loi du 7 juillet 1991 la limite d’utilité des frais de justice. Seuls les frais utilement engagés sont opposable aux autres créanciers qui profiteront de cet acte88. 190. Les privilèges des salaires peuvent s’expliquer par le fait que, d’une part le salarié ne participe pas aux profits de l’entreprise, il est donc logique qu’il ne supporte pas le risque d’insolvabilité de l’entreprise ; d’autre part, le salaire a un caractère alimentaire, ce qui est une raison humaine plus importante. Le privilège garantit les six derniers mois du salaire et de tous ses accessoires (indemnité de congé payé ou de licenciement) (art. 2331, 4o et 2375, C. civ.). Les auteurs, compositeurs et artistes bénéficient de ce privilège pour le paiement des redevances et rémunérations qui leur sont dues (art. L131-8, C. prop. intell.) 89 . La créance privilégiée est exigible à la date du jugement d’ouverture de redressement judiciaire. Elle doit être payée dès que les fonds sont disponible et au plus tard dans les trois mois du jugement90. En cas de procédure collective, les soixante derniers jours de salaires (de travail ou apprentissage) et les indemnités de congés payés, et pour les marins du commerce (art. L.143-10, C. trav.), les quatre-vingt-dix jours (art. L.742-6 et 87 Marc MIGNOT, op. cit., p. 387. 88 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 460. 89 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 182. 90 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 461. 113 Chapitre I – Les privilèges L.751-15, C. trav.), sont garantis par un super-privilège qui passe avant tous les autres créancier et qui ne se soumet pas à la règle de subsidiarité. Sa finalité est de permettre un paiement rapide des salaires et de les garantir au salarié. L’administrateur ou le débiteur, s’il a en mains les fonds nécessaires, doit payer la créance calculée sur la base du dernier bulletin de salaire et sans pouvoir excéder le plafond, sur simple ordonnance du juge-commissaire dans les dis jours du jugement déclaratif. Si les fonds détenus ne sont pas suffisants, il doit l’acquitter dès les premières rentrées de fonds91. 191. Le privilège de la période de conciliation (art. L.611-11, C. com., consacré par la loi du 26 juillet 2005) et celui de la période d’observation (art. L.622-17, C. com.) visent à aider les entreprises en difficulté. L’objectif de ce privilège à ceux qui offrent un nouvel investissement à l’entreprise en difficulté, en liquide ou en nature, ou à ceux qui continuent les affaires avec l’entreprise en difficulté, est de faciliter la renaissance d’entreprises en difficulté. § II – Les privilèges mobiliers 192. Les privilèges mobiliers peuvent être divisés en deux catégories : ceux qui portent sur l’ensemble des meubles – les privilèges mobiliers généraux (art.2331, C. civ.) et ceux qui portent sur des meubles déterminés – les privilèges mobiliers spéciaux (art.2332, C. civ.). A. Les privilèges mobiliers généraux 193. Les privilèges mobiliers généraux énoncés par l’article 2331 du Code civil sont au nombre de huit. Parmi lesquels les privilèges des frais de justice et des salaires sont en effet les privilèges pleinement généraux, ceux des frais funéraires et des frais de dernière maladie sont rendus inutiles par le système de Sécurité sociale. Les autres sont beaucoup moins importants que les privilèges fiscaux et ceux de la Caisse de Sécurité sociale qui ont leurs sources 91 Ibid., p. 462. 114 Chapitre I – Les privilèges spéciales – les lois hors Code civil92. Aujourd’hui, afin d’écarter l’atteinte à la sécurité juridique, le rang des privilèges est fixé par l’article 2332-2 du Code civil. Celui du privilège du Trésor public est déterminé par les lois qui lui sont propres ; celui de la Caisse de Sécurité sociale vient au même rang que celui de salaires. 194. Le privilège du Trésor public garantit la somme due par des commerçants et personne morale de droit privé au titre des impôts et taxes. Il doit être publié depuis la loi du 10 juin 1994. Lorsque la somme due par un redevable pour un poste comptable ou service assimilé est inférieur au seuil de 12 200 euros, l’inscription est facultative ; si elle le dépasse, l’inscription est obligatoire. Le défaut d’inscription obligatoire rend le privilège inutile en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du redevable93. 195. Le privilège de Sécurité sociale garantit les cotisations dues aux caisses pendant un an à compter de leur exigibilité. La publicité est exigée depuis la loi du 1er mars 1984 et est renforcée par la loi du 10 juin 1994. L’exigence de l’inscription est similaire à celle du privilège fiscal. L’inscription obligatoire doit être prise dans les trois mois de l’exigibilité de la créance lorsque la somme dépasse un seuil fixé. À défaut de cette formalité, le privilège est inexécutable à l’encontre du redevable. B. Les privilèges mobiliers spéciaux 196. Les privilèges mobiliers spéciaux sont les droits énoncés par l’article 2332 du Code civil à certains créanciers, en raison de gage tacite (le privilège du bailleur d’immeuble, le privilège sur navire – articles L.31-L.42 de la loi du 3 janvier 1967 et celui sur aviation – article L.122-14 du Code de l’aviation civile), de conservation de la chose, de l’augmentation de valeur du patrimoine 92 Ibid., p. 249. 93 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 471. 115 Chapitre I – Les privilèges du débiteur (privilège du vendeur de meuble) ou de la fixation des lois spéciales. En raison de la concurrence des autres régimes qui concourent à protéger le vendeur, tels que la réserve de propriété, le droit de rétention, l’action en revendication, et l’action en résolution de droit commun, le privilège du vendeur de meuble n’a plus qu’une fonction subsidiaire. L’application du privilège de conservation du bien par la Cour de cassation est étroite. Elle ne confère le privilège qu’à celui qui a contribué à faire naître une créance dans le patrimoine du débiteur94. De même, le privilège ne bénéficie pas à celui qui a fait des améliorations ou a assuré l’entretien d’une chose95, puisqu’il n’a pas pour objet d’empêcher la perte de la chose96. De même le remplacement ne donne droit au privilège que s’il était nécessaire et urgent97. Le privilège mobilier spécial le plus important est donc celui du bailleur d’immeuble. 197. Tout bailleur d’immeuble peut se payer en priorité sur les meubles du locataire. Pourvu que son privilège soit exigible, le créancier doit avoir la qualité de bailleur avec un véritable bail à la date de l’exercice de ce privilège. Le locataire principal dans ses relations avec le sous-locataire peut aussi en bénéficier, mais le fournisseur du crédit-bail est exclu car celui-ci n’est pas un véritable bail. La somme garantie est le loyer plus les indemnités de toute nature liées à la location. Tous les loyers échus impayés sont garantis s’ils ne sont pas prescrits (art.2332-1o, al.1, C. civ.). Il existe des exceptions : le 94 Cass. com., 27 oct. 1965, Bull civ. III, no 535; D., 66.38, n. Ph. Bourdon: le sous-traitant n’a pas le privilège du conservateur sur les sommes que l’entrepreneur principal reçoit du maître d’ouvrage. 95 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 477. 96 Cass. com., 8 mars 1961, Bull civ. III, no 195 ; D., 62.2, n. R. Rodière: pose de radios sur un chalutier. 97 Cass. com., 16 mai 1965, Bull civ. III, no 254; D., 67.139, n. Ph. Bourdon: remplacement de pièces cassées ou usagées sur une automobile, alors que la réparation n’était ni urgente ni nécessaire. Au contraire, le remplacement du moteur d’un camion donne naissance au privilège, parce qu’il est indispensable : Cass. com.,12 janv. 1988, Bull civ. III, no 23. 116 Chapitre I – Les privilèges privilège du bailleur est limité au deux dernières années de loyer en cas de bail commercial, et à deux ans échus (l’année courante et l’année suivante) en cas de bail à ferme. Le privilège peut porter sur tous les meubles garnissant l’immeuble loué, que le locataire soit propriétaire ou non, à moins qu’il soit établi que le bailleur ait eu connaissance de l’origine des meubles lors de leur entrée dans le local. Des objets accidentels ou personnels, tels que des bijoux, des biens de banque etc., ne peuvent pas être l’assiette du privilège. En cas de bail à ferme, l’assiette s’étend à tous ce qui sert à l’exploitation de la ferme98. Le bailleur a un droit de préférence sur le prix de vente ou sur l’indemnité de remplacement en cas de destruction des meubles. 198. Malgré que les privilèges soient une ancienne catégorie de sûretés réelles en droit français, ils sont encore critiquables dans leur principe même. Il existe toujours deux courants en droit français dont l’un favorise beaucoup la multiplication des privilèges, l’autre tend à limiter leur portée et récemment occupe la position dominante sur le plan doctrinal99. Pour le dernier courant, « d’une part, il y a souvent de l’arbitraire lors de la reconnaissance, d’autre part, le grand nombre de privilège et le caractère occulte de certains d’entre eux nuit gravement à la cohérence de notre système juridique »100. En effet, la tendance mondiale et irrésistible du développement du système juridique contemporain est d’assurer une plus grande transparence des relations juridiques, les privilèges occultes sont à contre-courant dans cette optique. Afin de réduire les incertitudes causées par les privilèges occultes, le décret du 4 janvier 1955 a profondément modifié le régime des privilèges en réduisant évidemment leur nombre et soumettant les privilèges immobiliers à la publicité. Depuis ce décret, il y successivement certaines lois qui visent, soit à limiter les portées de 98 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 475. 99 Ibid., p. 456. 100 Ibid., p. 456. 117 Chapitre I – Les privilèges privilèges, soit à les soumettre à la publicité. Il faut admettre que la suppression complète des privilèges est sûrement une mission impossible à court terme, mais il est indéniable qu’ils sont en recul. 199. Ces problèmes attirent beaucoup d’attention des juristes chinois et c’est pour cela que le législateur chinois hésite toujours à instaurer des régimes de privilèges. § III – Le classements des privilèges mobiliers 200. Le classement des privilèges est une question difficile en droit français. Le législateur ne donne pas une réponse unique et générale mais des réponses diverses en fonction de la nature des privilèges fortement influencés par la procédure collective. A. Conflits entre privilèges de même nature a. Entre les privilèges généraux 201. En principe, le classement des privilèges généraux s’opère selon l’ordre déterminé par l’article 2331 du Code civil. Les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence (art. 2326, C. civ.). Toutefois, cet ordre connait des exceptions. D’abord, le privilège du trésor public déterminé par la loi spéciale a normalement le premier rang, à l’exception du privilège des frais de justice101. Ensuite, le privilège des caisses de sécurité sociale vient au même rang que le superprivilège des salariés (art. 2332-2, C. civ.)102. b. Entre les privilèges spéciaux 101 Yves PICOD, op. cit., p. 343. 102 Les articles L. 243-4 al. 1er, L. 243-5, al. 1er et 3e du CSS limite l’effet de ce privilège pendant un an à compter de la date d’exigibilité de la somme et sous réserve que le privilège ait été régulièrement publie. 118 Chapitre I – Les privilèges 202. Le classement des privilèges spéciaux se fait d’après l’ordre suivant fixé par l’article 2332-3 du Code civil: 1° Le privilège du conservateur, lorsque les frais de conservation sont postérieurs à la naissance des autres privilèges ; 2° Le privilège du bailleur d'immeuble, qui ignorait l'existence des autres privilèges ; 3° Le privilège du conservateur, lorsque les frais de conservation sont antérieurs à la naissance des autres privilèges ; 4° Le privilège du vendeur de meuble ; 5° Le privilège du bailleur d'immeuble, qui connaissait l'existence des autres privilèges. 203. Entre les conservateurs du même meuble, la préférence est donnée au plus récent. Cette solution est traditionnelle et s’explique par une considération de justice élémentaire. Sans intervention de celui qui a exercé le dernier acte de conservation, la chose se serait détérioré ou aurait péri en toute ou une partie. Celui qui profite de la conservation doit donc s’effacer derrière celui qui y a contribué103. De même, le privilège de la créance pour frais de conservation postérieure à la constitution du gage ou d’autres privilèges fondé sur l’idée de gage prime ces derniers104, alors que celui postérieure n’est pas préféré. 204. Entre les privilèges fondés sur l’introduction d’une valeur dans le patrimoine du débiteur, tels que les privilèges des vendeurs du même meuble, 103 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p 716. 104 Tels que le privilège du commissionnaire, du bailleur, du créancier nanti sur le fonds de commerce etc. 119 Chapitre I – Les privilèges elle est donnée au plus ancien : il est absurde que un sous-acquéreur d’un meuble qui ne l’a pas payé et qui l’a revendu prime son propre vendeur. B. Conflit entre privilèges mobiliers généraux et privilèges mobiliers spéciaux 205. Dans ce cas, sauf dispositions contraires, on applique l’adage specialia generalibus derogant. Autrement dit, les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux (art. 2332-1, C. civ.). La solution se fonde sur l’idée d’équité : plus l’assiette est réduite, plus son rang doit être élevé105. Sinon, les privilèges spéciaux seraient inefficaces. 206. Néanmoins, le principe connait des exceptions. Tout d’abord, le privilège général des frais de justice qui sont dépensés dans l’intérêt de tous les créanciers se voit attribuer le premier rang. Ensuite, le privilège du Trésor public de premier rang prime tous les autres privilèges et sûretés réelles (art. 1920, 1926, 1927, CGI). Et, aux termes de l’article 1929 du Code générale des impôts, le privilège de second rang prend rang immédiatement après celui de premier rang. Alors, il prime aussi les autres privilèges et sûretés réelles106. Enfin, le superprivilège des salaires prime aussi les privilèges spéciaux. C. Influence de la procédure collective 207. Afin de sauver l’entreprise en difficulté, le législateur établit des privilèges destinés à inciter les créanciers postérieurs à financer la période suivant l’ouverture de la sauvegarde ou du redressement. 208. Pendant cette période, le classement des sûretés réelles se fait suivant l’ordre suivant : 1o superprivilège des salaires ; 2o privilège des frais de justice ; 3o privilège de conciliation (art. L. 611-11, L. 622-17, II, C. com.) ; 4o privilège 105 Marc MIGNOT, op. cit., p. 386. 106 Ibid., p. 387 ; v. contr. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 719. 120 Chapitre I – Les privilèges des créanciers postérieurs pour les créances utiles (parmi eux, le classement est déterminé par l’article L. 622-17, III, C. com.) ; 5o créances antérieures garanties par d’autres sûretés (parmi eux, le classement est fixé par le droit commun) ; 6o créances antérieures chirographaires. 209. Ces incitations prévues dans la phase de sauvegarde et de redressement n’existent plus en période de liquidation judiciaire. Pendant cette période, le classement des sûretés réelles se fait suivant l’ordre suivant : 1o superprivilège des salaires ; 2o privilège des frais de justice ; 3o privilège de conciliation ; 4o créances antérieures garanties par des sûretés immobilières ou par des sûretés mobilières assorties d’un droit de rétention, tels que gage de droit commun avec dépossession, nantissement de compte d’instruments financiers, gage automobile ou gage sur le matériel et l’outillage (art. 525-1 et s., C. com.) ; 5o privilège des créanciers postérieurs pour les créances utiles (dont le classement se fait selon l’article L. 641-13, III, C. com.) ; 6o créances antérieures garanties par d’autres sûretés (selon le classement de droit commun) ; 7o créances antérieures chirographaires. 210. En résumé, les règles des privilèges en droit français sont très compliquées et, très fouillées tant pour les créanciers que pour le constituant de sûretés. Ses expériences riches sont sans aucun doute des bonnes références pour la Chine où le régime général des privilèges n’est pas encore systématiquement consacré par la loi. Section II – Les privilèges en droit chinois 211. À la différence du droit français, aucun texte juridique chinois ne fixe un régime de base, ni un principe général des privilèges. Le terme « privilèges » n’apparaît que dans les deux lois spéciales qui traitent des affaires s’agissant d’un élément étranger: la Loi sur le commerce maritime et la Loi sur l’aviation civile. D’autres lois, par exemple la Loi sur la faillite d’entreprise (LFE), la Loi sur la procédure civile (LPC), bien qu’elles 121 Chapitre I – Les privilèges traitent certaines créances privilégiées lors de la phase de faillite, n’emploient pas le terme « privilège » et n’en fixent pas les règles générales. Au cours de la rédaction de la LDR, il existait une vive controverse sur l’introduction du régime des privilèges. Cependant, en raison du manquement de la théorie générale, du problème du régime général des privilèges, le législateur ne traite pas ce sujet dans la loi promulguée. Le régime général des privilèges n’existe donc pas en droit chinois. Il n’existe que les « privilèges » épars et non systématiques. Néanmoins, on peut les classer en deux sortes : les privilèges nommés et les privilèges innommés. § I – Les privilèges nommés 212. Cette première sorte des privilèges ne désigne que les deux privilèges spéciaux en droit chinois : le privilège sur le navire et celui sur l’aéronef civil. Le premier est prévu dans la section III intitulée « Privilège sur le navire » du chapitre II de la Loi de la RPC sur le commerce maritime (LCM). Selon son article 22, il y a cinq catégories de créances bénéficiant du privilège. Tout peut, sans besoin d’inscription, être payé avant les créances hypothécaires et du droit de rétention, mais après les frais de justice, de conservation, de vente de navire et de distribution du prix de la vente, et ceux dépensés pour les intérêts communs des créanciers. Le privilège sur l’aéronef, prévu dans la section III intitulée « Privilège sur l’aéronef civil » du chapitre III de la Loi de la RPC sur l’aviation civile (LAC) bénéficie à deux types de créanciers : les rémunérations dues pour sauvetage de l’aéronef civil et les frais nécessaires de conservation et de maintien de celui-ci. La créance doit être inscrite auprès du bureau compétent dans les trois mois de l’accomplissement de mission. Il passe avant des créances hypothécaires et du droit de rétention, mais après ceux dépensés pour les intérêts communs des créanciers, les frais de vente et d’exécution du jugement. 122 Chapitre I – Les privilèges 213. La reconnaissance de ces deux privilèges s’inspire respectivement de la convention internationale des droits sur l’aéronef signée à Genève le 19 juin 1948 et la convention internationale de 1926. Il ne mérite donc pas d’étude profonde dans le présent texte. § II – Les privilèges innomés 214. Les privilèges innommés sont les privilèges prévus dans la Loi sur la faillite d’entreprise (LFE). Ils portent sur le patrimoine du débiteur et il n’existe pas de privilège mobilier ou immobilier général en droit chinois. Ils peuvent se classer en deux sortes : les privilèges instantanés qui peuvent toujours être payés de préférence et qui existent pendant toute procédure de collectivité ; les privilèges en liquidation qui n’existent que dans la phase de liquidation judiciaire. 215. Les privilèges instantanés sont consacrés aux « frais de faillite et les dettes pour les intérêts communs des créanciers » prévus par le chapitre V de la LFE. Ces privilèges peuvent s’exercer à tout moment dès leur naissance à condition qu’elles soient après l’ouverture de la procédure collective. Lorsque l’actif du débiteur ne suffit pas pour acquitter les deux créances, le premier prime le deuxième. Au sein des frais de faillite et des dettes, les créanciers se paye au prorata. 216. Les privilèges en liquidation énumérés par l’article 113 de la LFE sont ainsi : (1) les salaires dus, les frais de maladie, les allocations médicales et les allocations pour les blessures et l’infirmité, les pensions, les frais dus à l’assurance médicale de base et l’assurance de retraite de base ainsi que les autres compensations fixées par la loi ou le décret ; (2) les frais dus aux assurances sociales autres que ceux précités et les impôts dus. 217. De ce même article, les privilèges instantanés priment ceux en liquidation. Et au regard de l’article 109, tous ces privilèges sont toujours primés par les créances assorties de sûretés réelles portant sur un bien spécial 123 Chapitre I – Les privilèges du débiteur, tels que le gage, l’hypothèque, le droit de rétention et les privilèges spéciaux. L’ordre de paiement des créances en cas de liquidation est donc ainsi déterminé: - les créances assorties de sûretés réelles portant sur un bien déterminé du débiteur ; - les frais de faillite et puis les frais pour les intérêts communs ; - les salaires dus et ses accessoires ; - les frais dus aux assurances sociales et les impôts dus ; - les créances chirographaires. 124 Chapitre II – Le droit de rétention Chapitre II – Le droit de rétention 218. Le droit de rétention est une sûreté légale émanant de la disposition directe de la loi. Il est le droit reconnu au détenteur d’une chose d’en refuser la restitution à son débiteur tant que ce dernier n’a pas exécuté son obligation107. 219. En France, le droit de rétention est crée par le Code civil 1804 qui le limitait dans certaines situations particulières. Il est récemment généralisé par l’article 2286 du Code civil introduit par l’ordonnance du 23 mars 2006. Le domaine de ce droit est aujourd’hui beaucoup plus élargi qu’auparavant. Néanmoins, le droit positif français ne suffit pas à lever des nombreuses incertitudes entourant la nature juridique de ce droit qui ne confère ni droit de préférence ni droit de rétention au bénéficiaire. En Chine, le Code civil de la RC avait instauré le régime du droit de rétention à l’instar des codes civils suisse et japonais. Il le traitait comme une véritable sûreté réelle indépendante. Puisqu’il permettait non seulement au créancier détenteur d’une chose d’en refuser la restitution au débiteur lorsque ce dernier n’exécute pas son obligation, mais aussi, à la différence de celui du droit français, conférait un droit de préférence au créancier. Après l’avènement de la RPC, le droit de rétention était admis par la pratique juridique et par la doctrine, même si aucun texte juridique ne le disposait expressément. Depuis les PGDC, il est officiellement admis par la loi et devient une sûreté légale indépendante. 220. Nous envisagerons le profil du droit de rétention en droit français et en droit chinois actuels, y compris les conditions d’existence et les effets. Section I – Les conditions d’existence du droit de rétention 107 A. AYNES, Le droit de rétention – unité et pluralité, Economica, 2005, préf. Ch. LARROUMET. 125 Chapitre II – Le droit de rétention 221. Tant en droit chinois qu’en droit français, le droit de rétention s’exerce au sein des rapports des obligations, surtout dans les rapports actuels, à condition qu’il remplisse les conditions fixées par la loi qui s’agissent de la créance, de l’assiette et de la connexité. § I – La créance garantie 222. En droit chinois, avant la réforme de 2007, seules les créances résultant du contrat de dépôt, le contrat de transport, le contrat de façonnage (fixés par la LS) et le contrat de mandat (fixé par la LC) pouvaient bénéficier du droit de rétention. La LDR 2007 a éliminé les limites. Elle n’exige que la créance contractuelle soit certaine, exigible et liquide. Ce sont les mêmes exigences qui s’appliquent en droit français. La certitude ne rencontre guère de difficulté. La liquidité n’est pas exigée au moment où le créancier obtient le droit de rétention, mais au moment de l’exercice du droit où, soit le juge peut même liquider la créance en droit français, soit la créance est liquidée par le juge ou par le consentement des parties. Quant à l’exigibilité, elle est une condition nécessaire de la constitution du droit de rétention. En principe, le créancier ne peut pas bénéficier de ce droit avant que sa créance soit exigible. Néanmoins, ce principe subit une exception en cas de l’insolvabilité du débiteur, si le créancier peut prouver que son débiteur est insolvable, l’exigibilité de la créance n’est plus imposée. Elle est prévue dans l’article 112 des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) qui s’inspire du droit suisse108, et dans l’article1612 et suivants du code civil français. § II – L’assiette du droit de rétention 108 L’article 897 du Code civil suisse dispose que « lorsque le débiteur est insolvable, le créancier peut exercer son droit de rétention même pour la garantie d’une créance non exigible …». 126 Chapitre II – Le droit de rétention 223. En droit français, le bien corporel, notamment le bien mobilier corporel constitue le support naturel du droit de rétention. L’immeuble peut aussi l’être. Cependant, le bien incorporel peut-il l’être? L’article 2363 du Code civil dispose que « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capitale qu’en intérêt ». Il confère donc au créancier un droit de rétention puisqu’en notifiant au débiteur, il a le pouvoir de bloquer le paiement de la créance à son seul profit. Donc, l’esprit de la réforme 2006 est de confirmer que le bien incorporel peut être l’objet du droit de rétention. La chose objet du droit de rétention ne doit pas être nécessairement dans le commerce, ainsi la carte grise, le passeport etc., des choses hors de commerce peuvent aussi l’être. La seule limite est constituée par l’ordre public109, par exemple, la prothèse, le corps du défunt, les drogues ou les marchandises contrefaites ne peuvent pas être l’objet du droit de rétention110. 224. Le droit chinois nous montre cependant un autre paysage. Avant la LDR, bien qu’aucune loi n’ait limité l’étendu du bien retenu, le bien objet du droit de rétention était nécessairement un meuble. L’article 230 de la LDR énonce expressément que le droit de rétention ne peut porter que sur des meubles corporels. Étant donné que le droit chinois confère au créancier un droit de préférence et un droit de réaliser son droit de rétention par les mêmes moyens que de la réalisation du gage ou de l’hypothèque, les choses hors du commerce, tels que le passeport, les dossiers comptables ou des objets illégaux ne peuvent pas être l’assiette du droit de rétention. De plus, les meubles légalement ou conventionnellement exclus du droit de rétention ne peuvent pas être l’objet de ce droit (art. 232, LDR). 109 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 483. 110 Cass. 1re civ., 9 oct. 1985, Bull. civ. I, no 251; Seine, 20 nov. 1923, S., 23. II 44 ; D., 2000, som. p. 388, obs. S. PIEDELIEVRE. 127 Chapitre II – Le droit de rétention 225. Quid si le créancier perd la détention de la chose? Il faut distinguer la perte volontaire ou involontaire. Dans la première hypothèse, si la perte est volontaire, par exemple le créancier restitue volontairement le bien au débiteur, il perd alors le pouvoir de bloquer le bien, ainsi que son droit de rétention sur ce bien, même s’il retrouve sa détention de ce bien. Par exemple, le garagiste qui sans être payé de ses réparations restitue le véhicule à son débiteur, quelque mois plus tard, ce dernier le confie à nouveau pour une autre réparation. Dans ce cas-là, le garagiste peut-il exercer son droit de rétention pour sa première créance? Les réponses données par le les deux systèmes juridiques sont négatives, sauf certaines exceptions. L’exception en droit français est que si les créances successives résultent d’un contrat unique – un contrat global111, le créancier peut aussi exercer son droit de rétention dans l’hypothèse. Celle en droit chinois est que le créancier bénéficiaire du droit de rétention énonce expressément la conservation de ce droit112. Dans la deuxième hypothèse, le droit de rétention subsiste. Par exemple, en cas de décision judiciaire ou de saisie, grâce au principe de la subrogation réelle, le droit de rétention se transporte sur le prix du bien113. L’article 2286, alinéa 2 du Code civil français, inséré de l’ordonnance du 23 mars 2006 a consacré cette solution jurisprudentielle. En droit chinois, la loi est silencieuse sur ce point. En doctrine, certains auteurs s’alignent à la position du droit français, certains autres qui se réfèrent au Code civil taïwanais prétendent que le droit de rétention n’existe plus114. Il faut dire que la première opinion est plus logique et 111 Cass. Com., 29, janvier 1974, D., 74.245 ; n.p.B.Rap., affirmant que le commissaire de transport ne peut valablement exercer son droit sur des marchandises confiées après le jugement d’ouverture (de la procédure collective de son débiteur) pour obtenir le paiement des créances antérieures, Cass. Com., 13 nov. 2001, Bull. civ. IV, no179 ; JCP, Éd. G., 2002.I.120, no 7, obs. Ph. DELEBECQUE. 112 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 374. 113 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ,op. cit., p. 181. 114 DONG Xueli, Les causes spéciales d’extinction du droit de rétention, http://www. civillaw.com.cn/article/default.asp?id=15591. 128 Chapitre II – Le droit de rétention raisonnable : d’une part, le droit de rétention est une sûreté réelle indépendante, il est logique que le principe de la subrogation réelle s’y applique de plein droit, sauf s’il y a des dispositions spéciales ; d’autre part, si on adapte l’opinion négative, cela pourrait conduire le débiteur à nuire aux intérêts du créancier par des procédés déloyaux, par vol par exemple. 226. Il reste à savoir que ce droit peut-il porter sur un bien d’autrui? Le droit français le confirme. Parce que le droit de rétention français n’est en effet qu’un pourvoir de blocage et ne peut pas aboutir à en disposer. En droit chinois, la réponse est négative, sauf que le créancier soit de bonne foi115. 227. En outre, le titulaire de la rétention exigé par les deux systèmes n’est pas pareil. Alors que la détention peut être le fait même du créancier ou par un tiers convenu pour le compte du créancier en droit chinois, elle ne peut être le fait même du créancier en droit français. § III – La connexité entre la créance et le bien retenu 228. En droit français, pour que le droit de rétention soit valablement existant, il faut qu’il existe le lien de connexité entre la créance et la détention du bien ou le pouvoir de blocage du bien. La connexité, non la détention, constitue en effet le véritable fondement de cette garantie 116 . Grâce au développement progressif doctrinal et jurisprudentiel, la connexité peut être juridique, matérielle, voire conventionnelle. Le no 2 de l’article 2286 du Code civil consacre la connexité juridique en disposant que « … la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige (le rétenteur) à la livrer (la chose) », tel est le cas qu’un commissaire aux comptes impayé peut retenir des documents comptables. 115 L’article 108 de l’ELS dispose que « lorsque le créancier se trouve également en possession de biens remis par le débiteur, dans la mesure où ce créancier ignore que le débiteur n’a pas le droit d’en disposer, il peut exercer son droit de rétention ». Cela s’inspire de l’article 895, alinéa 3 du Code civil suisse. 116 Augustin AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, Economica, 2005, préface de Christian LARROUMET. 129 Chapitre II – Le droit de rétention La connexité matérielle existe lorsque le droit de rétention est « reconnu à celui dont la créance est née à l’occasion de la détention de la chose »117. L’exemple par excellence est la créance de réparation impayée du garagiste qui retient le véhicule. A la lecture du no1 de l’article 2286, un droit de rétention est reconnu « à celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance », si le débiteur ne lui l’avait remis en tant que gage. Il y existe la connexité conventionnelle. 229. En Chine, auparavant, le droit de rétention se limitait dans les quatre types de contrats, la connexité entre la créance et le bien détenu était simple. Elle n’était pas explicitement exigée par la loi, mais était admise par la doctrine et la jurisprudence. Ayant généralisé le droit de rétention et disposant dans son article 231 que « le bien détenu par le créancier et la créance garantie doivent se rattacher à un même rapport juridique …», le lien de connexité juridique et seuls ce lien entre le bien détenu et la créance garantie est ainsi obligatoirement et explicitement exigé par la loi. Mais le droit de rétention entres des entreprises fait une exception (art. 231, LDR). Section II – Les effets du droit de rétention 230. Le droit de rétention en droit français est purement négatif : c’est un droit de blocage du bien pour obliger le débiteur à payer. Il est opposable à tous créanciers, notamment aux créanciers saisissants. Il est indivisible si la chose retenue est indivisible : le créancier peut détenir la entière chose tant que sa créance n’est pas complètement payée. Il est accessoire à la créance garantie. Il s’éteint et transmet avec la créance. La seule limite de droit de rétention est que son titulaire ne peut pas l’exercer si le bien a déjà fait l’objet d’un gage sans dépossession. Le courant doctrinal et la jurisprudence favorisent à une autre 117 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 486. 130 Chapitre II – Le droit de rétention limitation qui est concevable mais qui n’a pas été adapté par l’ordonnance de 2006 : celle de l’abus ou de l’exercice de mauvaise foi du droit de rétention118. 231. En cas de procédures collectives, en énonçant que « les dispositions de présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde … », l’article 2387 du Code civil consacre la subsidiarité du droit des sûretés au droit des procédures collectives. L’effet de droit de rétention est ainsi réduit. Il n’est pas opposable aux créanciers d’une procédure collective, sauf disposition spéciale119. 232. Néanmoins, le droit de rétention en droit chinois est une sûreté indépendante expressément énumérée par la loi (art. 230 et s., LDR). Il est à la foi un droit négatif et un droit positif. Il permet donc à son bénéficiaire de se défendre et d’attaquer120. Il confère à son bénéficiaire un droit de refuser la restitution du bien détenu pour obliger le débiteur à payer. Si le débiteur ne paye pas la créance totale dans le délai de grâce fixé par le créancier ou par le consentement des deux parties (afin d’équilibre les intérêts des deux parties, ce délai de grâce est un étape obligatoire et en principe ne peut pas inférieur à deux mois, à l'exclusion de la chose périssable, art. 236 de la LDR), le créancier peut réaliser son droit de rétention par le moyen de procéder à la vente du bien retenu (amiable ou par adjudication), sans avoir besoin d’un accord du débiteur, ni d’une décision judiciaire, de s’approprier le bien (avec le consentement du débiteur), ou de demander au juge de la vendre. Si le prix du bien retenu excède le montant dû de la créance, le créancier doit verser la différence au débiteur ; s’il n’est pas suffisant, il devient créancier chirographaire du débiteur. L’étendu couvert par ce droit est tout à fait pareil comme les autres sûretés réelles, 118 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 487. 119 Pierre CROCQ, La réforme des procédures collectives et le droit des sûretés, D. 2006, 1306. 120 LI Shigang, op. cit., p. 138. 131 Chapitre II – Le droit de rétention autrement dit, la créance principale et ses intérêts, les dédits, les dommages et intérêts, les frais de conservation du bien et de la réalisation du droit (art.83, LS ; art.173, LDR). 233. Au surplus, il existe aussi en droit français quelques sûretés judiciaires ou conservatoires mobilières : le nantissement judiciaire du fonds de commerce et celui sur les actions, parts sociales et valeurs mobilières. Considérant toutefois que la loi du 9 juillet 1991 les soumet, pour l’essentiel, au même régime que celui de l’hypothèque judiciaire conservatoire (v. infra n° 474 et s.), et que ce genre de sûreté n’existe pas en droit chinois, nous ne les approfondirons donc pas dans le présent texte. 234. Outre les sûretés non conventionnelles susmentionnées, les parties dans les deux systèmes juridiques peuvent conventionnellement constituer de plusieurs façons, sur des meubles du constituant, des sûretés mobilières. Elles peuvent d’abord constituer un « gage » avec dépossession ou sans dépossession qui transfère ou non la possession du meuble corporel grevé au créancier. Elles peuvent ensuite constituer un « nantissement » sur des meubles incorporels en garantie de la créance. Elles peuvent également convenir de transférer la propriété d’un bien en garantie de la créance, tout en stipulant que le créancier doit restituer au constituant le bien grevé après le paiement total de la créance garantie. C’est ce que l’on l’appelle la « fiducie-sûreté ». Elles peuvent enfin s’accorder à réserver la propriété du bien jusqu’au paiement total de la créance garantie. C’est le régime de la « réserve de propriété ». 132 Titre I – Le gage de meubles corporels 235. La classification des sûretés françaises se fonde aujourd’hui sur l’assiette des sûretés. À l’exclusion de la fiducie-sûreté et de la réserve de propriété, toutes les sûretés conventionnelles portant sur des meubles corporels sont principalement réunies sous le terme de « gage », qu’elles soient avec dépossession ou non. Les règles applicables sont en majorité communes. Cependant, cela ne signifie pas que la dépossession du bien grevé importe peu pour le gage ; celle-ci influence tout de même le régime du gage121. La situation est différente en droit chinois, qui retient le critère de dépossession. Le législateur chinois emploie le terme de « gage » pour désigner la sûreté mobilière avec dépossession et le terme d’« hypothèque mobilière » pour la sûreté mobilière sans dépossession, qui correspondent respectivement au gage avec dépossession et au gage sans dépossession en droit français. La distinction entre le gage avec et sans dépossession demeure donc pertinente. 121 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 349. 133 Chapitre I – Le gage avec dépossession Chapitre I – Le gage avec dépossession 236. En droit français, le gage avec dépossession consacré par l’ordonnance du 23 mars 2006 est l’héritier de l’ancien gage du Code civil. Cependant, ses régimes de constitution, d’opposabilité et leurs effets ont été modifiés. En droit chinois, le gage impliquant nécessairement la dépossession existe depuis la Loi sur les sûretés (LS) de 1995. La nouvelle Loi sur les droits réels (LDR) de 2007 a repris le régime fondamental du gage instauré par la LS avec certaines modifications et des ajouts importants. 237. En raison des spécificités des législations, il subsiste des différences entre les régimes du gage dans les deux systèmes juridiques. Cependant, compte tenu du rayonnement du Code civil français et de la transplantation en droit chinois de dispositions juridiques étrangères122, leurs régimes ne sont pas aussi éloignés qu’il y paraît. Nous procéderons ci-après à la comparaison, sur des bases concrètes, de leurs constitutions et de leurs effets. Section I – La constitution du gage de meubles corporels § I – Les conditions de fond 238. Les conditions de fond concernent les parties du gage, la créance garantie et l’assiette du gage. A. Les parties du gage 239. Les parties intéressées à une opération de gage sont le créancier bénéficiaire et le constituant. a. Le créancier bénéficiaire 122 En matière de droit des sûretés, la législation française influence profondément la législation japonaise, et la législation chinoise du droit des sûretés s’inspire beaucoup du droit japonais. 134 Chapitre I – Le gage avec dépossession 240. D’après l’article 2333 du Code civil, le droit français ne pose aucune restriction explicite quant au créancier gagiste. Toutefois, conformément à la théorie générale du droit civil, le créancier bénéficiaire doit implicitement être capable d’aliéner la chose, dans la mesure où la réalisation du gage peut entraîner la transmission du bien au créancier ou à un tiers. À cet égard, la situation en droit chinois est tout à fait identique. b. La qualité du constituant du gage 241. Le nouvel article 2334 du Code civil français prévoit que le gage peut être « consenti par le débiteur ou par un tiers ». Pour qu’un gage soit valablement constitué, le constituant doit être capable de disposer de la chose grevée. Si le gage a été constitué par un débiteur ou un tiers n’ayant pas la capacité d’aliéner, le contrat est entaché de nullité relative et l’incapable peut, après avoir fait prononcer la nullité, réclamer la restitution de la chose123. Sur ce point, les articles 179 et 208 de la LDR chinoise posent la même exigence. 1) Un tiers en tant que constituant 242. Le gage peut être consenti par un tiers tant en France qu’en Chine. Dans cette hypothèse, l’article 2334 du Code civil français précise que «... le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie ». Par cet article, la réforme consacre la récente jurisprudence qui refuse de voir dans ce qu’on appelait jusqu’alors un cautionnement réel un engagement personnel du tiers. Le tiers n’est donc pas tenu de payer la dette. Il ne peut être poursuivi que sur le bien affecté en garantie. Le créancier ne dispose que d’un simple droit préférentiel sur le bien gagé. C’est donc un principe en cas de gage constitué par un tiers. En droit chinois, il n’existe aucun texte qui traite expressément cette question. Dans la théorie et la jurisprudence, ce principe a cependant toujours 123 Marc MIGNOT, op. cit., p. 318. 135 Chapitre I – Le gage avec dépossession été appliqué 124 . En effet, l’on considère sinon que la situation serait très défavorable pour le tiers et que de moins en moins de personnes consentiraient à donner un gage pour autrui. Cette règle s’applique à toute sûreté réelle conventionnelle (gage, nantissement, gage immobilier et hypothèque) constituée par un tiers. 243. Toutefois, il existe un cas particulier dans cette hypothèse, celui où un tel gage est consenti par un époux commun en biens. L’article 1422 du Code civil a ajouté un alinéa 2 en ce sens, stipulant que les époux « ...ne peuvent non plus l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers ». Dans ce cas-là, le concours du conjoint est requis. En effet, c’est une règle de cogestion sanctionnée par la nullité125. La législation chinoise n’a pas de disposition expresse sur ce point. Selon les dispositions de l’article 17 de la Loi sur le mariage et de l’article 17 des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur le mariage de la RPC (I) 126 , l’un des époux doit discuter avec l’autre sur la disposition de leurs biens communs. Cependant, si le gage est valablement constitué, l’un des époux ne peut s’opposer à un tiers de bonne foi se fiant aux 124 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 310. 125 Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND, Le gage de meubles corporels, Évolution des sûretés réelles: regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 34. 126 L’article 17 de la Loi sur le mariage dispose que « Les biens acquis au cours de mariages sont réputé acquêt de communauté : 1° salaires, primes ; 2° revenus de la production ou des exploitations ; 3° revenus de la propriété intellectuelle ; 4° biens acquis par héritage ou donation, sous réserve de l’article 18, alinéa 3 de la loi présente ; 5° d’autres biens qui doivent être considérés comme acquêt de communauté. Chacun des époux a le même pouvoir de disposer seul des biens communs.» L’article 17 des Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur le mariage de la RPC dispose que « la disposition de l’article 17 de la Loi sur le mariage chacun des époux a le même pouvoir de disposer seul des biens communs doit être ainsi comprise : 1° chacun des époux a le même pouvoir de disposer des biens communs. L’un des époux a le droit de disposer seul des biens communs pour satisfaire les besoins quotidiens ; 2° hors des besoins quotidiens, si l’un des époux veut disposer des biens communs, il est nécessaire qu’il obtienne le consentement de l’autre. Si un tiers a lieu de croire qu’il y a une manifestation de la volonté commune des époux, l’un des époux ne peut pas invoquer son ignorance pour s’opposer au tiers. » 136 Chapitre I – Le gage avec dépossession apparences que la disposition est de la volonté commune des époux et, c’est à lui de prouver que le tiers n’est pas de bonne foi. Les différences en matière d’exigences découlent des spécificités des concepts sociaux attachés à la famille dans chaque pays. La société française met l’accent sur la volonté individuelle des époux, alors que la société traditionnelle chinoise penche pour l’affirmation selon laquelle la volonté d’un des époux vaut la volonté commune des époux, sauf preuve contraire. 2) Propriété du constituant 244. En droit français, après la réforme de 2006, certains auteurs, invoquant l’article 2335 du Code civil qui énonce que « le gage de la chose d'autrui est nul. Il peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque le créancier a ignoré que la chose fût à autrui », considèrent que le créancier gagiste, avec dépossession ou non, n’est plus protégé par sa possession de bonne foi127 mais peut engager la responsabilité du constituant s’il a ignoré que ce dernier n’était pas propriétaire de la chose gagée, à condition qu’il justifie d’un préjudice. D’autres, en revanche, se réfèrent à la jurisprudence française avant la réforme de 2006, à savoir que tout créancier gagiste peut bénéficier de la protection de sa bonne foi128. En effet, l’article 2335 vise à empêcher le constituant de donner en gage un bien appartenant à autrui. De plus, le gouvernement ne veut pas écarter l’application du nouvel article 2276. Il faut en conclure que « la loi donne au gagiste découvrant que le constituant n’est pas propriétaire du bien le droit de se débarrasser du gage contre indemnisation sans attendre une éventuelle éviction par le verus dominus »129. 127 Marc MIGNOT, op. cit., p. 318. 128 M.FARGE considère que l’article 2279 continue à s’appliquer. Cf. Marc MIGNOT, op. cit., p. 318. 129 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 212. 137 Chapitre I – Le gage avec dépossession 245. En droit chinois, la LDR de 2007 n’inclut aucune disposition sur ce point. Cependant, les ELS adoptent une solution similaire à celle de la jurisprudence française avant la réforme de 2006, laquelle appliquait l’ancien article 2279 (nouvel art. 2276, C. civ.) au gagiste tenant la chose donnée en gage d’un non-propriétaire. Si le gage est valablement constitué130, le gagiste peut confondre l’action en revendication du véritable propriétaire en invoquant la possession de son droit réel de gage. Pour ce faire, il faut que le gagiste soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ait ignoré que le constituant n’était pas propriétaire de la chose grevée. S’il ne pouvait l’ignorer ou s’il en était informé, il n’est pas de bonne foi, et le gage est donc nul. Ainsi, le créancier de bonne foi peut acquérir un gage sur un bien dont la propriété n’appartient pas au constituant. Dans ce cas, c’est le constituant qui est responsable du préjudice subi par le vrai propriétaire du bien gagé et qui lui doit réparation. B. La créance garantie 246. Comme toute sûreté réelle, le gage est l’accessoire de la créance qu’il garantit. Par conséquent, il ne peut exister que si la créance existe et est valable. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit liquide, il peut s’agir d’une créance à terme ou conditionnelle. 247. De surcroît, le droit français prévoit expressément la possibilité de constituer un gage en garantie d’une créance future déterminable, voire simplement une créance éventuelle. Il existe donc deux cas démontrant le caractère accessoire de la sûreté : premièrement, le gage est l’accessoire de la créance déjà existante ; deuxièmement, le gage sera l’accessoire de la créance future. En droit chinois, la LS et les ELS ne disposaient pas expressément que le gage peut être consenti pour garantir une créance future. Certains auteurs 130 CA Douai, 2e Ch., 17 juin 1999, Juris-Data no 1999-045431 ; JCP G 2000, I, 259, no 17, obs. Ph. DELEBECQUE (revendication du véritable propriétaire admise en raison de la dépossession irrégulière du débiteur). 138 Chapitre I – Le gage avec dépossession chinois soutenaient toutefois qu’il suffisait que la créance soit valable au moment de l’exercice du gage et de l’hypothèque, et qu’il était possible de constituer un gage ou une hypothèque pour garantir la créance future131. La LDR, en instaurant le régime du gage de montant maximal (art. 222, LDR), permet aux parties de constituer un gage pour des créances futures. En effet, l’alinéa 2 de l’article 222 de cette loi dispose que « le régime du gage de montant maximal se réfère aux dispositions de la section II du chapitre XVI, sans préjudice de l’application des dispositions de cette section (qui est consacré au gage)». Autrement dit, s’agissant de la fixation, du transfert de la créance garantie et de la modification du contrat constitutif du gage de montant maximal, ce sont les règles relatives de l’hypothèque de montant maximal qui sont applicables ; concernant la constitution, l’opposabilité, la conservation du bien grevé, la réalisation etc., ce sont les règles propres du gage qui s’appliquent. C. L’assiette du gage 248. À partir de la réforme du 23 mars 2006, les règles françaises relatives à l’assiette du gage ont été assouplies. Toutes les choses peuvent être données en gage, pourvu qu’elles soient des meubles corporels et qu’elles soient aliénables. En droit chinois, en principe, tout meuble aliénable peut aussi constituer l’assiette du gage. 131 Selon eux, il suffirait que la créance garantie existe et que sa somme soit déterminée lors de la mise en œuvre du gage ou de l’hypothèque, peu importe que la créance principale existe ou non au moment de la constitution du gage ou de l’hypothèque. Le gage ou l’hypothèque peut parfaitement garantir une créance conditionnelle ou à terme dont seul le fait générateur a été créé, étant entendu qu’il faudra attendre sa liquidation avant de pouvoir mettre en œuvre la sûreté. WANG Liming, GUO Mingrui, YANG Lixin, Étude sur la théorie et la juridiction chinoise du droit civil chinois : droit réel, Éd. du droit, 2003, p. 240 ; CHEN Xiangjian, Étude sur les droits réels de sûretés, Éd. du parquet, 2004, p. 53. ZOU Hailin, CHANG Min, Les méthodes de la garantie des créances et leur application, Éd. du droit, 1998, p. 130. 139 Chapitre I – Le gage avec dépossession La chose donnée en gage doit être aliénable. C’est une règle commune aux deux systèmes juridiques. Si elle est indisponible, elle ne peut faire l’objet d’un gage, puisque la réalisation de ce dernier peut entraîner la transmission du bien. L’inaliénabilité est soit légale soit conventionnelle. Dans le premier cas, la constitution en gage n’est pas autorisée. Par exemple, les drogues sont légalement interdites d’aliénation dans le monde entier, et ne peuvent donc être l’assiette du gage. Dans le second cas, la chose ne peut pas non plus être l’assiette du gage ; par exemple un bien rendu inaliénable par un testament ou une donation. 249. Le gage peut porter sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels en droit français. Dans le dernier cas, il suffit qu’un meuble appartienne à un ensemble. Cette règle ne comporte pas d’exception. Un meuble gagé, devenu immeuble par destination, est soustrait de l’assiette du gage132. 250. En droit chinois, le caractère réel du gage avec dépossession est toujours un obstacle à la constitution de ce type de gage sur des choses futures, faute d’une remise concevable entre les mains du créancier. De plus, la législation interdit le gage des matériels pédagogiques, médicaux et autres biens destinés au bien-être de la population, appartenant aux institutions ou organismes ayant pour mission l’intérêt général. 251. Enfin, des objets fongibles peuvent être l’assiette du gage. Ce dernier peut porter indifféremment sur un corps certain ou sur des choses fongibles. Il ne soulève aucune difficulté lorsqu’il s’agit d’un corps certain déterminé ou déterminable. En revanche, un problème de détermination ou d’individualisation se pose lorsqu’il porte sur des choses fongibles. C’est la raison pour laquelle la loi exige que le créancier les tienne séparées des choses 132 Marc MIGNOT, op. cit., p. 319. 140 Chapitre I – Le gage avec dépossession de même nature qui lui appartiennent (art. 2341, C. civ.). En Chine, la LS et la LDR ne disent rien sur ce point. Selon la doctrine dominante, les choses fongibles ne peuvent en principe être l’objet d’un gage, sauf si elles peuvent être déterminées ou individualisées. Cependant, en raison de l’absence de dispositions détaillées relatives à la détermination ou à l’individualisation, le gage portant sur des choses fongibles n’est pas faisable en pratique. Cette situation doit être précisée et améliorée à l’avenir. §II – Les conditions de forme 252. Pour être valablement constitué, un gage doit aussi remplir quelques conditions formelles. A. Les exigences formelles en droit français 253. Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, le contrat de gage en France n’est plus un contrat réel, la seule solennité de la rédaction d’un écrit suffit pour que le contrat et le gage lui-même soient parfaits. La dépossession n’est qu’une condition d’opposabilité pour le gage avec dépossession. a. La rédaction d’un écrit 254. Selon l’article 2336 du Code civil, « le gage est parfait par l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Le terme « parfait » vise en effet la validité du gage plutôt que l’existence propre du contrat. Avant l’ordonnance du 23 mars 2006, l’établissement d’un écrit était également exigé (anc. art. 2074 et 2075, C. civ.), mais uniquement pour la preuve du gage entre les parties et pour l’opposabilité du gage aux tiers. Ce rôle de l’écrit a été modifié par l’ordonnance. Selon le nouvel article 2336 du Code civil, le gage doit être constaté par écrit, à peine de nullité du contrat. Le gage est dorénavant un contrat solennel, du moins en principe. Cette exigence de 141 Chapitre I – Le gage avec dépossession l’écrit comporte toutefois une exception : elle n’est pas requise pour un gage commercial constitué par un commerçant ou un non-commerçant. 255. L’acte écrit doit contenir les mentions relatives respectivement à la créance garantie et à la chose grevée. Quant à la créance garantie, il faut que l’acte contienne « la désignation de la dette garantie », autrement dit les mentions qui permettent d’identifier la créance, comme sa cause et ses caractères principaux. Quant à la chose grevée, l’acte doit mentionner « la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Ces mentions visent à d’empêcher « les fraudes que pourrait réaliser un créancier qui se prétendrait gagiste, à l’encontre d’autres créanciers, sur des biens qui ne lui appartiennent pas et qui se trouvent entre ses mains pour une autre cause ou à l’occasion d’une créance qui n’est pas celle qui a justifié la remise».133 Si la désignation de la créance et de la chose n’est pas assez précise, le gage ne sera pas valable. b. La dépossession du bien grevé 256. Dans l’ancien système, le gage était un contrat réel, la dépossession était donc obligatoire. Depuis 2006, il a perdu son caractère réel et la dépossession n’est plus une condition de sa validité. Le gage est valablement constitué lorsque l’acte écrit de la constitution est établi. La dépossession devient une modalité de la publicité du gage et elle est facultative (art. 2333 et 2337, C. civ.). Lorsque l’acte écrit prévoit que le gage est constitué avec dépossession, il se pourrait que le créancier pût contraindre par voie judiciaire le constituant récalcitrant à remettre la chose134. Pour ce type de gage, la publicité résulte de la dépossession elle-même. 133 Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, Sûretés – publicité foncière, Dalloz, 2007, p. 69. 134 Ibid., p. 69. 142 Chapitre I – Le gage avec dépossession 257. La dépossession peut se faire au créancier gagiste lui-même ou à un tiers convenu entre les parties, sous la forme de la remise effective traditionnelle de la chose elle-même, ou de la remise des clefs d’un local dans lequel se trouvent les biens grevés et de celle de documents juridiques, tels que les lettres de voiture et les connaissements représentant des marchandises. Quel que soit le mode choisi, la remise doit être au moins apparente de manière à avertir les tiers du dessaisissement des objets grevés du patrimoine du constituant. Les exigences relatives à l’effectivité pour le créancier gagiste d’exclure les autres créanciers du constituant et la permanence, qui figuraient dans le système avant l’ordonnance, ont été abandonnées. La dépossession est aujourd’hui une simple condition d’opposabilité aux tiers pour le gage avec dépossession. B. Les exigences formelles en droit chinois 258. En droit chinois, la validité du gage avec dépossession est aussi soumise à deux exigences formelles. Le contrat de gage doit se conformer au droit commun des contrats et être conclu sous forme écrite. En outre, sa validité et son opposabilité supposent aussi la dépossession du bien grevé. a. La rédaction d’un écrit 259. Tout contrat de gage, qu’il soit avec ou sans dépossession, doit être passé sous forme écrite. Cette exigence est commune à la LS et à la récente LDR. L’acte écrit doit comporter aussi les mentions nécessaires, notamment « la désignation de la dette garantie », par exemple le genre et la cause de la créance, etc. Il doit aussi mentionner « la dénomination et la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Ces deux clauses sont nécessaires et obligatoires pour le contrat de gage. Si elles ne sont pas prévues dans le contrat, le gage n’est pas valablement constitué. Les raisons qui motivent ces exigences sont à peu près comparables à celles susmentionnées en droit français (v. supra n° 255). Néanmoins, l’exigence de l’acte écrit a été 143 Chapitre I – Le gage avec dépossession assouplie : le gage constitué sous une forme non écrite est valable à condition qu’une partie ait exercé son obligation principale et que l’autre partie l’ait accepté. 260. À la différence du droit français, sous l’empire duquel le contrat écrit est la seule solennité de la validité d’un gage, qu’il soit avec dépossession ou non, et sous l’influence du droit allemand qui fait la distinction entre la validité de l’acte personnel et la validité de l’acte réel, le droit chinois distingue la validité du contrat de gage de la validité du gage lui-même. Le contrat écrit suffit à garantir la validité du contrat de gage. Toutefois, la validité du gage est plus complexe que celle de son contrat constitutif. b. La dépossession du bien grevé 261. En droit chinois, le contrat constitutif du gage avec dépossession était un contrat réel avant la LDR. La dépossession était donc requise pour sa validité (art. 64, LS). Les juristes chinois critiquaient beaucoup cette règle, estimant qu’elle confondait la validité de gage avec la validité du contrat de gage et qu’elle était défavorable au créancier gagiste : si le constituant refusait de remettre la chose grevée, aucun contrat valable n’existant entre les parties, le créancier gagiste ne pouvait ni exiger cette remise, ni demander la compensation de ses dommages-intérêts. C’est pourquoi les ELS disposaient que le constituant du gage n’ayant pas réalisé la remise du bien grevé dans le délai prévu au contrat et ayant causé des dommages au créancier, devait assumer sa responsabilité corrélative. Cette responsabilité relevait de la culpa in contrahendo. Le créancier pouvait demander le versement des dommages-intérêts et la somme de la créance impayée qui aurait dû être garantie par le bien grevé. Il n’avait en revanche aucun droit de préférence car il n’existait aucun contrat de gage valable. 262. La loi LDR, qui fait perdre au contrat de gage son caractère réel par essence, a finalement fait évoluer les choses. La forme écrite est la seule 144 Chapitre I – Le gage avec dépossession solennité pour la perfection du contrat de gage. Mais la situation n’est pas simplifiée pour autant. Son article 212 dispose de plus que le droit de gage n’entre en vigueur qu’au moment où le constituant du gage remet la chose grevée. En d’autres termes, une fois remplie l’exigence de la forme écrite, le contrat de gage s’applique. Le créancier peut exiger la remise de la chose grevée. Si le constituant ne la lui remet pas, il doit assumer la responsabilité du dédit. En résumé, la dépossession de la chose grevée est une condition de la validité du droit de gage, mais non du contrat de gage. Pour ce type de gage, la publicité résulte sans aucun doute de la dépossession elle-même. Constatation 263. Au sujet de la constitution du gage, les législateurs français et chinois poursuivent des finalités différentes. Le premier vise à faire tomber la cloison qui sépare le gage avec dépossession et celui sans dépossession. La forme écrite suffit à garantir la validité tant du contrat de gage que du gage lui-même. La publicité (dépossession ou inscription) n’est qu’une condition d’opposabilité du gage. 264. Le législateur chinois, en revanche, cherche à installer une cloison de séparation entre ces deux types de gage. Le système chinois des sûretés réelles se fonde, en effet, sur la dépossession du bien grevé. Le gage sans dépossession est considéré comme une hypothèque mobilière. Il est à noter que, depuis la promulgation de la LDR, une distinction a été établie entre la validité du contrat du gage et celle du gage lui-même. La validité d’un contrat de gage avec dépossession implique qu’il soit conclu sous forme écrite. Quant au gage lui-même, en dehors de l’exigence d’un contrat valable, sa validité exige aussi la remise de la chose grevée, c’est-à-dire que la dépossession constitue à la fois une condition de validité et une condition d’opposabilité aux tiers. Section II – Les effets du gage de meubles corporels 145 Chapitre I – Le gage avec dépossession 265. Il convient de procéder par paliers pour étudier les obligations et les droits des parties résultant du gage. Selon que l'on se situe avant ou à l’échéance de la créance garantie, les effets du gage sont bien différents. § I – Les effets du gage avant l’échéance de la créance garantie 266. Nous envisagerons respectivement les obligations et les droits des parties du gage en droit français et en droit chinois. A. Les obligations des parties 267. Avant l’échéance de la créance garantie, les obligations principales des parties consistent à conserver le bien remis en gage et à s’abstenir d’en user ou d’en disposer. a. L’obligation de conserver le bien grevé 268. Lorsque le gage est avec dépossession, il confère au créancier gagiste la possession de la chose, avec obligation pour ce dernier de la conserver. Selon la doctrine dominante, le créancier est tenu à une obligation de moyen, c'est-à-dire à conserver la chose avec tout le soin d’un bon père de famille. Par conséquent, si la chose remise périt ou est détériorée par un fait imputable au créancier gagiste, celui-ci doit réparer le préjudice causé et peut être condamné à des dommages-intérêts et à la restitution anticipée du bien grevé. Les dispositions sont les mêmes en droit français et en droit chinois (art. 2344, al. 1er, C. civ. ; art. 215, LDR). La différence tient au fait que le créancier ne satisfaisant pas à cette obligation est passible d’une sanction pénale en droit français, mais aucunement en droit chinois. 269. À l’inverse, cette obligation du créancier confère des droits au constituant. En droit français, le constituant peut réclamer la restitution anticipée du bien gagé, sans préjudice des dommages-intérêts, si le créancier ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage (art. 2344, al. 1er, C. civ.). 146 Chapitre I – Le gage avec dépossession En droit chinois, la disposition est plus précise. Si le comportement du créancier est susceptible de causer la perte ou la détérioration de la chose grevée, le constituant a le droit de demander soit la consignation du bien, soit le paiement anticipé et la restitution anticipée du bien (art. 215, LDR). Quiconque peut être choisi comme tiers chargé de la consignation, mais en principe il s’agit de l’établissement notarial. Nous pouvons nous demander si, en droit français, le constituant peut réclamer la consignation du bien ou le paiement anticipé. Compte tenu de la finalité législative des sûretés réelles, qui vise à garantir le paiement de la créance, nous penchons pour l’affirmative. 270. Au surplus, si le gage porte sur un bien fongible, le droit français dispose que le créancier doit le tenir séparé des choses de même nature qui lui appartiennent, à défaut, le constituant peut se prévaloir de la restitution du bien gagé, poursuivre également le créancier pour sa responsabilité contractuelle dans les termes du droit commun (art. 2344, al. 1er, C. civ.). Cependant, les parties peuvent convenir de dispenser le créancier de cette obligation, à charge pour lui de restituer au constituant une chose de même qualité et même quantité. La loi chinoise n’a rien prévu sur ce point. Cette lacune n’est pas favorable à la conservation de la valeur du bien grevé et à la protection des intérêts du constituant. 271. Si le bien grevé est confié à un tiers convenu, celui-ci est considéré comme un dépositaire qui s’occupe de la conservation du bien. Cette obligation est aussi une obligation de moyen pour lui. b. L’obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien grevé 272. Dans le gage avec dépossession, le créancier est normalement détenteur du bien grevé, mais il n’est investi ni de l’usus et ni de l’abusus, sauf clause contraire. 147 Chapitre I – Le gage avec dépossession Avec la disposition relative à l’usus, la loi entend écarter le risque lié à l’usure ou à la détérioration de la chose. L’obligation de ne pas user de la chose est civilement sanctionnée par la responsabilité contractuelle du créancier. Cette sanction s’applique tant en droit français qu’en droit chinois (art. 2344, C. civ. ; art. 214, LDR). En outre, le créancier utilisant la chose sans autorisation du constituant se rend coupable d’un abus de confiance au sens de l’article 314-1 du Code pénal, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende en droit français. Cependant, aucune sanction pénale ne s’applique pas en droit positif chinois. Les dispositions françaises apparaissent ainsi plus rigoureuses. Le créancier gagiste est aussi tenu de ne pas disposer de la chose grevée, parce qu’il doit la restituer au constituant lorsque sa créance est complètement payée à l’échéance. Cette règle est commune aux deux systèmes juridiques135. 273. Il nous reste ici deux questions à approfondir. Premièrement, le créancier gagiste peut-il affecter le bien grevé en garantie de sa propre dette ou d’une dette d’un tiers envers une autre personne ? Le droit français est silencieux sur ce point. Cependant, selon une jurisprudence de la Cour de cassation136, il apparaît que le créancier gagiste ne peut pas mettre la chose grevée au service d’un tiers. En revanche, en droit chinois, l’article 217 de la LDR dispose que si le créancier gagiste affecte, sans le consentement du constituant, le bien grevé en garantie d’une dette à l'égard d’un tiers, qu’elle soit sa propre dette ou celle d’autrui, il doit verser au constituant des dommages-intérêts en cas de détérioration ou de perte de la chose grevée. Autrement dit, si le constituant donne son accord, le créancier gagiste peut mettre la chose grevée au service d’un tiers ; sans le consentement 135 Cf. M. CABRILAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, P. PETAL, op. cit., p. 510 ; article 214 de la LDR de la RPC. 136 Cass. com., 26 mai 1961, Bull. civ., III, no 237, RTD com. 1962, 292, obs. HÉMARD. 148 Chapitre I – Le gage avec dépossession du constituant, le créancier peut tout de même le faire, en assumant la responsabilité des dommages-intérêts si la chose grevée est détériorée ou perdue. Deuxièmement, si le gage porte sur des choses fongibles, le créancier gagiste peut-il en disposer ? En France, la convention du gage peut dispenser le créancier de l’obligation de conserver les choses fongibles séparées de ses propres biens de même nature. Il acquiert alors la propriété des choses gagées à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes (art. 2341, al. 2, C. civ.). Cela signifie que le créancier gagiste peut en disposer dans ce cas-là. En droit chinois, en revanche, l’utilisation d’une chose fongible comme assiette de gage étant très rare (v. supra n° 251), ce problème ne se pose guère pour l’instant. Il sera néanmoins possible que la situation évoluera dans le futur, et il sera donc nécessaire de clarifier ce point. La législation et la pratique françaises sont ici une source d’inspiration pour les juristes chinois. B. Les droits des parties a. Le droit de percevoir les fruits 274. Si le gage est avec dépossession, comme le bien grevé est remis entre les mains du créancier, ce dernier est le seul à percevoir les fruits du bien. Selon l’article 2345 du Code civil, sauf convention contraire, le créancier gagiste perçoit les fruits du bien grevé et les impute sur les intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette. En droit chinois, le créancier gagiste a le même droit de perception qu’en droit français. Toutefois, la loi stipule que, sauf convention contraire, les fruits doivent être imputés sur les frais de leur perception. Reste à savoir si les fruits peuvent être imputés sur les intérêts et sur le capital de la dette. La loi n’éclaircit pas ce point, mais la Cour suprême chinoise va toujours dans ce sens. En définitive, les fruits du bien gagé sont imputés, successivement, sur les frais de leur perception, sur les intérêts et sur le capital de la dette. 149 Chapitre I – Le gage avec dépossession b. Le droit de demander un complément du gage 275. Selon l’article 216 de la LDR, s’il y a une détérioration ou une diminution évidente de la valeur du bien gagé pour des causes non imputables au créancier gagiste, et si cela porte atteint au droit du créancier, ce dernier peut demander au constituant de lui fournir une sûreté correspondante. L’application de cette disposition, qui est le droit de demander le complément du gage, implique de remplir deux conditions. Premièrement, la détérioration ou la diminution de la valeur du bien gagé ne doit pas avoir de causes, naturelles ou non, imputables au créancier gagiste. Deuxièmement, la diminution de la valeur du bien gagé doit être évidente. En effet, en raison notamment de la fluctuation du marché, il est possible que le bien perde de sa valeur. Cette diminution normale doit être prévue par le créancier gagiste. Ce dernier peut uniquement demander au constituant de lui fournir une sûreté correspondante, autrement dit un complément du gage, égale à la valeur détériorée ou diminuée de manière évidente. Si le constituant ne le fait pas, le créancier peut vendre le bien grevé à l’amiable ou en justice, puis se faire payer en avance sur le prix de vente ou le consigner par voie de convention avec le constituant. Cette disposition vise à renforcer le droit du créancier gagiste et à encourager les établissements financiers ou d’autres fournisseurs de capitaux à développer le crédit. En disposant que « … le créancier peut …solliciter un complément de gage si le constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage », l’article 2344, alinéa 2 du Code civil français confère aussi au créancier gagiste le droit de demander un complément du gage ; mais ce droit ne bénéficie qu’au créancier bénéficiaire du gage sans dépossession. § II – Les effets du gage à l’échéance de la créance garantie 276. Considérant que le gage est l’accessoire de la créance garantie, le créancier doit restituer au constituant la chose grevée à l’échéance de la créance garantie, si cette dernière a été entièrement désintéressée, puisque son gage n’a plus de raison d’être. Quant à l’objet de la restitution, le droit français l’a 150 Chapitre I – Le gage avec dépossession expressément prévu : il s’agit normalement du meuble même qui a été affecté en gage ; si la chose grevée est fongible et si la convention du gage a dispensé le créancier de la séparer de ses biens propres de même nature, ce dernier est seulement tenu de restituer une chose de même qualité et même quantité137. Le droit chinois, en revanche, n’a rien précisé sur ce point. 277. À l’inverse, si la créance à échéance n’a pas été désintéressée, le créancier gagiste dispose de plusieurs droits pour protéger ses intérêts. A. Le droit de rétention 278. Lorsque le gage est avec dépossession, le créancier dispose d’un droit de rétention sur la chose. Si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette exigible, le créancier gagiste peut exercer le droit de rétention pour l’obliger à effectuer le paiement. 279. En droit français, cette prérogative est peu discutable aujourd’hui puisque l’ordonnance du 23 mars 2006 consacre directement le droit de rétention en matière de sûretés réelles. L’article 2286 du Code civil dispose que « peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance ». Le créancier bénéficiaire du gage avec dépossession est donc directement concerné. La reconnaissance du droit de rétention lui assure une position très favorable en cas d’ouverture d’une procédure collective puisque celle-ci ne l’affecte pas. Le droit de rétention est indivisible : la chose gagée peut donc être entièrement retenue pourvu que la totalité de la dette garantie ne soit pas payée ; il en va de même en cas de la division de la dette du débiteur au moment de la succession. Le droit de rétention est aussi opposable aux tiers. Le créancier gagiste peut interdire la saisie de la chose gagée par un autre créancier, sauf si ce dernier occupe un 137 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 544. 151 Chapitre I – Le gage avec dépossession rang préférable. De plus, le créancier titulaire du droit de rétention ne peut en être privé que par la perte volontaire de la dépossession de la chose. 280. En droit chinois, la LDR ne contient aucune disposition concernant directement le droit de rétention du créancier gagiste. Cette lacune peut s’expliquer par le fait que la validité du gage suppose, à la différence du droit français, la détention matérielle du bien grevé. La perte de celle-ci rend le gage inopposable aux tiers ; elle entraîne aussi l’extinction du gage. Par conséquent, si le gage est exécutable au moment de la réalisation, il en découle nécessairement que le créancier détient le bien grevé. Certes, l’article 95 des ELS stipulait que le créancier pouvait exercer son droit de rétention sur le bien grevé jusqu’au complet paiement de sa créance. Cependant, selon la théorie générale, les explications judiciaires ne sont pas les sources du droit. Elles supposent la validité de la loi qu’elles interprètent. Selon le principe général appliqué en cas de conflit entre la LDR et la LS, l’article 75 de la LS sur les effets du gage n’est plus valide ; l’article 95 des ELS qui l’interprète est ainsi devenu invalide. Il semble donc que le droit de rétention du créancier gagiste n’est plus admis par la LDR. De plus, le créancier gagiste se trouve déjà dans une position très favorable même en cas de procédure collective (v. supra n° 217). Donc, il bénéficie ou non du droit de rétention importe peu. B. Le droit de mettre en œuvre le gage 281. Si la créance arrive à terme et le débiteur ne s’en acquitte pas en totalité, le créancier peut exercer son droit de réaliser le gage par plusieurs moyens. En droit français, il dispose d’un droit de préférence qui peut être exercé soit par l’attribution du bien gagé au créancier, soit par la vente du bien grevé. Ces deux moyens peuvent également être mis en œuvre en droit chinois. a. L’attribution du bien gagé 152 Chapitre I – Le gage avec dépossession 282. En droit français, le créancier non payé à l’échéance peut demander au tribunal que la chose lui soit attribuée en paiement (art. 2347, C. civ.). En cas de gage avec dépossession, le créancier est dispensé de la saisie puisqu’il en est déjà détenteur. Le juge a la possibilité de désigner un expert pour évaluer le bien, mais peut aussi procéder lui-même à l’estimation s’il possède les éléments d’appréciation suffisants. En outre, les parties peuvent convenir d’une évaluation conventionnelle138. Si la valeur du bien grevé excède ses droits, le créancier gagiste doit rendre la différence au constituant ou, s’il existe d’autres gagistes, la consigner. Si la valeur est inférieure à la créance, le reste non couvert devient une créance chirographaire. Comme l’ordonnance du 23 mars 2006 a consacré le pacte commissoire, l’attribution du bien grevé peut aujourd’hui être extrajudiciaire si ce pacte est convenu entre les parties. Ce pacte est une convention accessoire au gage, par laquelle les parties conviennent que le bien grevé sera attribué au créancier gagiste de plein droit s’il n’est pas payé à l’échéance. Pour protéger les intérêts du constituant et parvenir à un point d’équilibre dans l’estimation du bien grevé, il est nécessaire de recourir à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, lorsque cette cotation ne peut être déterminée sur un marché organisé au sens du Code monétaire et financier. Le recours à un expert est obligatoire, toute clause contraire est réputée non écrite (art. 2348, C. civ.). Néanmoins, la validité du pacte commissoire connaît certaines exceptions lorsque le débiteur est fragile ou en difficulté. Par exemple, est nul le pacte commissoire conclu après le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (art. L. 622-7 al. 1 et L. 631-14, C. com.) ou dans un contrat de crédit à la consommation (art. L. 311-32, al. 3, C. consom.). 283. En droit chinois, le créancier peut aussi se faire attribuer le bien grevé, mais uniquement par voie conventionnelle. Il convient alors avec le 138 Marc MIGNOT, op. cit., p. 331. 153 Chapitre I – Le gage avec dépossession constituant de s’approprier le bien grevé. C’est la « prise en paiement du bien grevé » (art. 219, al. 1, LDR). Concernant le pacte commissoire, celui conclu lors de la constitution d’un gage était expressément interdit par la loi sur les sûretés (art. 66, LS). La nouvelle LDR a repris et renforcé cette interdiction dans son article 211. Aujourd’hui, non seulement le pacte commissoire conclu lors de la constitution du gage, mais aussi celui conclu après sa constitution et avant l’échéance de la créance garantie, sont prohibés par la loi. Cependant, cette interdiction complète du pacte commissoire ne fait pas taire les vives controverses en doctrine. En effet, au cours de la rédaction de la LDR, les deux projets présidés respectivement par les professeurs WANG Liming et LIANG Huixing proposaient d’interdire le pacte commissoire ; mais ils préconisaient toutefois que seul le pacte commissoire conclu au moment de la constitution du contrat de sûreté réelle soit interdit, et que celui conclu postérieurement soit valide. Pour justifier l’interdiction du pacte commissoire, les raisons suivantes sont principalement invoquées : 1o protéger le débiteur contre les pressions du créancier et éviter que le créancier ne puisse obtenir la propriété du bien grevé dont la valeur excède sensiblement le montant de sa créance139 ; 2o protéger le tiers constituant du gage contre l’inexécution de mauvaise foi du débiteur et la fraude entre le débiteur et son créancier140; 3o protéger les autres créanciers d’un débiteur. Dans l’hypothèse où la valeur du bien grevé excède sensiblement le montant de la créance garantie, en permettant au créancier bénéficiaire de devenir le propriétaire du bien grevé, le pacte commissoire nuirait aux intérêts des autres créanciers du débiteur ; 139 XIE Zaiquan, Des droits réels au droit civil, Éd. de l'Université de science politique et de droit de Chine, 1999, p. 675. 140 YANG Hong, op. cit., p. 46-47. 154 Chapitre I – Le gage avec dépossession 4o éviter la fuite des biens publics. En Chine, les entreprises nationales occupent une place importante dans la vie économique, il est donc fréquent que des biens publics soient affectés en garantie. En admettant que le créancier devienne le propriétaire d’un bien public grevé sans requérir l’estimation de la valeur, le pacte commissoire permet aux dirigeants des entreprises nationales d’éluder facilement la supervision des biens publics141. En effet, le nœud de la question tient à l’idée si l’essence du pacte commissoire est d’écarter d’avance la possibilité de réévaluation du prix du bien grevé au moment de l’exercice de la sûreté. Si, comme en droit français, on admet l’estimation de la valeur du bien grevé au moment de la réalisation du pacte commissoire et la liquidation de la dette, la question se résout sans problème. A fortiori, la prohibition du pacte commissoire déroge au principe autonome de la volonté des parties. De plus, le pacte commissoire n’aboutit pas nécessairement au transfert de propriété du bien grevé. Il constitue une force qui contraint le débiteur à exécuter son obligation. Si le débiteur s’est acquitté de sa dette, le pacte s’éteint avec la sûreté. Si, à l’échéance de la dette, le débiteur ne s’en est acquitté à cause de sa insolvabilité, auquel cas le créancier peut s’approprier le bien grevé avec l’accord du débiteur (art. 219, al. 2, LDR), autrement dit, le pacte commissoire conclu après l’échéance de la créance est valide ; si le débiteur ne s’en est acquitté pas à cause de sa mauvaise foi, il n’y a alors aucune raison de le protéger. 141 WANG Liming, Livre consacré aux droits réels du Projet proposé par des experts et arguments législatifs du code civil chinois, Éd. du droit, 2005, p. 358. 155 Chapitre I – Le gage avec dépossession C’est pourquoi de nombreux auteurs sont favorables à la consécration du pacte commissoire142. 284. L’attribution du bien grevé n’est certes pas toujours favorable au créancier. Elle présente certains inconvénients. Elle oblige le créancier gagiste à devenir le propriétaire du bien grevé dont la revente n’est pas nécessairement aisée ou fructueuse. Les banques, par exemple, ne veulent faire ce choix qu’en désespoir de cause143. En effet, le créancier opte plutôt pour la vente du bien grevé que pour l’attribution de la propriété. b. La vente du bien grevé 285. En droit français, pour procéder à la vente du bien grevé, le créancier garanti par un gage avec dépossession n’a pas à saisir ce bien puisqu’il est déjà en sa possession. Toutefois, la vente doit impérativement être ordonnée en justice selon les modalités prévues par les procédures civiles d’exécution (art. 2346, C. civ.). Les formalités imposées par les voies d’exécution sont d’ordre public. La vente du bien grevé est donc nécessairement forcée. La clause de voie parée, dans laquelle les parties conviennent que le créancier pourra vendre le bien engagé à l’amiable sans autorisation de justice, est prohibée par la loi. La raison en est que cette clause est dangereuse pour le débiteur et ses autres créanciers : si le créancier gagiste pouvait procéder à une vente à l’amiable, il risquerait parfois de se contenter d’un prix inférieur à la valeur réelle de la chose, pourvu que ce prix suffise à le désintéresser. Par exception, les formalités sont simplifiées lorsque le gage est commercial : le créancier peut faire procéder à la vente publique sans 142 YANG Hong, op. cit., p. 56-58 ; MA Xinyan, La modernisation du régime et le modernisme du droit civil, Éd. populaire du Jilin, 2002, p. 170, 175 ; ZHENG Yafang, Il faut consacrer le pacte commissoire dans la législation chinoise, in Administration et droit, 2003, VII ; JI Xiuping, Du déblocage du pacte commissoire, in Droit du Hebei, 2005, IV ; WANG Shengming, Des réflexions sur certains problèmes de la LDR, www. civillaw.com. cn/ article/ default.asp?id=23104. 143 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 220. 156 Chapitre I – Le gage avec dépossession autorisation préalable de la justice et la vente peut se faire par courtier (art. L. 521-3, C. com.) ou par les prestataires de services d’investissement lorsque l’objet du gage le requiert. Lorsque la chose gagée a été vendue suivant les formes susmentionnées, le créancier gagiste est payé sur le prix réalisé par privilège et préférence aux autres créanciers (art. 2332, 2o, C. civ). 286. À la différence du droit français, le droit chinois prévoit que tout créancier gagiste peut librement choisir de procéder à la vente conventionnelle ou judiciaire du bien grevé (art. 219, LDR), dont les régimes sont similaires à celui en vigueur pour l’hypothèque, à ceci près que le créancier n’a pas à faire saisir le bien avant la vente (v. infra n° 578). C. Le droit de préférence a. L’étendue du droit de préférence 287. Le créancier gagiste peut exercer son droit de préférence sur le prix, ainsi que sur les fruits naturels ou légaux de la chose (art. 2345, C. civ. ; art. 213, LDR). Il peut aussi se prévaloir d’un droit contre l’assureur en cas de destruction du bien objet du gage (art. L. 121-13, C. ass. ; art. 174, LDR). Ces règles sont claires dans les deux systèmes juridiques. Cependant, peut-il exercer son droit de préférence sur les indemnités versées en dédommagement en cas de perte ou d’expropriation de la chose grevée ? En France, la jurisprudence classique refuse d’appliquer la subrogation réelle et décide que les indemnités de remplacement reçues par le constituant doivent être distribuées au marc le franc entre tous les créanciers du débiteur, sauf dispositions spéciales144. En Chine, le principe de la subrogation réelle est généralement consacré par la loi, qui s’applique indifféremment à toutes les sûretés réelles (art. 174, LDR). Le 144 Req., 12 mars 1877, DP 1877, 1, 97 ; 2 août 1880, DP 1881, 1, 227. Rappr. À propos de primes d’arrachages. 157 Chapitre I – Le gage avec dépossession créancier gagiste peut exercer son droit de préférence sur toutes les valeurs de remplacement dues par les tiers. 288. Nous nous demandons encore si l’étendue de la créance garantie couverte par le droit de préférence du gage se limite au principal de la créance. En droit français, le constituant doit rembourser les dépenses nécessaires et utiles que le créancier gagiste a faites pour la conservation du bien gagé (art. 2343, C. civ.). Ce remboursement porte sur toutes les dépenses nécessaires, quand bien même l’objet aurait ensuite péri. Le créancier bénéficie du privilège des frais de conservation d’un meuble pour se faire rembourser les sommes engagées. Pour les dépenses utiles ou d’amélioration, le remboursement est égal à la différence entre la valeur réelle et la valeur originale du bien gagé par application des règles sur l’enrichissement sans cause145. Le créancier bénéficie du droit de rétention pour ce type de dépenses. Quant aux dépenses superflues, le créancier n’a pas le droit d’en réclamer le remboursement, sauf si elles ont été faites avec le consentement du constituant. De même, les frais de réalisation du gage sont également couverts par le droit de préférence du créancier gagiste. En droit chinois, aux termes de l’article 173 de la LDR, le créancier, qui doit exercer son obligation de conservation en bon père de famille146, dispose aussi du droit de demander le remboursement des frais de conservation du bien grevé engagés par lui. Ces frais bénéficient aussi du droit de préférence. Selon cet article, les intérêts légalement convenus de la créance initiale, les dédits légalement convenus, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de réalisation du gage sont également couverts par le droit de préférence du créancier gagiste. Notons que l’article 173 de la LDR, qui s’applique à toutes les sûretés réelles, confère au créancier garanti le droit de préférence sur les dommages et 145 Marc MIGNOT, op. cit., p. 327. 146 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 59. 158 Chapitre I – Le gage avec dépossession intérêts forfaitaires et les dommages-intérêts qu’il a subis, une disposition qui est vivement critiquée par la doctrine (v. infra n° 590). De plus, l’article 220 de la LDR confère au constituant le droit de demander au créancier d’exercer « promptement » son droit de gage à l’échéance de la dette garantie, puisque le législateur estime que l’exercice tardif du droit de gage pourrait être défavorable au constituant. En l’absence de réponse de la part du créancier, le constituant a le droit de demander en justice la vente à l’amiable ou la vente aux enchères publiques du bien grevé ; le créancier est alors aussi tenu de réparer les dommages-intérêts causés par son retard. b. Le classement du droit de préférence 289. Le droit de préférence permet au créancier d’être payé avant tous les créanciers chirographaires du débiteur. Dans le cas où les autres créanciers sont munis d’une sûreté réelle conventionnelle ou extra-conventionnelle, le créancier gagiste entre en concours avec eux. Alors que les effets du droit de préférence sont similaires en droit français et en droit chinois, les classements des créanciers munis de différentes sûretés réelles n’obéissent en revanche pas tout à fait aux mêmes règles. 290. En droit français, il arrive que le gage avec dépossession entre en concurrence avec le gage sans dépossession. C’est l’ordre chronologique de la publicité (de la dépossession et de l’inscription) qui détermine leur rang. Autrement dit, si un bien donné en gage avec (sans) dépossession fait aussi l’objet d’un gage sans (avec) dépossession, le droit de préférence du créancier qui est antérieurement publié est opposable à celui qui est postérieurement publié, nonobstant le droit de rétention. Il est aussi possible que le gage avec dépossession viennent en concurrence avec les privilèges résultant de la loi. Le législateur n’a pas expressément prévu de règles pour résoudre ce conflit. Toutefois, étant donné l’accent mis sur la transparence des privilèges, il est logique que ce soit l’ordre 159 Chapitre I – Le gage avec dépossession de la publicité qui détermine le rang du droit de préférence du créancier gagiste et des privilèges, sauf pour certains privilèges qui restent prioritaires, tels que les privilèges des frais de justice, du Trésor public et des caisses de sécurité sociale. En principe, il ne peut y avoir conflit entre le gage avec dépossession et la réserve de propriété, puisque le constituant du gage doit normalement être le propriétaire du bien grevé. Cependant, étant donné que le créancier peut invoquer sa bonne foi pour faire valoir son gage sur un bien grevé n’appartenant pas au constituant (v. supra n° 244), ce conflit est possible. Dans cette hypothèse, le droit de préférence du créancier gagiste de bonne foi est ainsi opposable au vrai propriétaire du bien grevé. 291. En droit chinois, il arrive souvent que le gage avec dépossession entre en concurrence avec l’hypothèque mobilière. La résolution de ce conflit suit les mêmes règles qu’en droit français – l’ordre chronologique de la publicité (de la dépossession et de l’inscription) détermine leur rang. En cas de conflit entre le gage avec dépossession et les privilèges, leur rang est expressément réglé par la loi : le gage avec dépossession prime toujours les privilèges innomés ; les privilèges nommés (qui ne désignent que le privilège sur le navire et le privilège sur l’aéronef) priment le gage avec dépossession. S’agissant du conflit entre le gage et la réserve de propriété, la situation et la résolution en droit chinois sont tout à fait identiques à celles en droit français (v. supra n° 290). Il arrive aussi qu'il y ait conflit entre le gage et le droit de rétention, qui est une sûreté indépendante en droit chinois. La LDR en fixe expressément la règle de résolution : si un meuble affecté en gage ou en hypothèque est retenu, le droit de rétention prime toujours le gage et l’hypothèque (art. 239, LDR). D. Le droit de suite limité 160 Chapitre I – Le gage avec dépossession 292. Le droit de suite permet au créancier d'exercer son droit sur un bien, même entre les mains de celui qui a acquis le fonds du débiteur. 293. En droit français, il ne pose guère de problème pour le gage avec dépossession, puisque la chose grevée est en possession du créancier gagiste et que cette dépossession empêcherait le constituant de transférer la propriété et la détention de la chose grevée à autrui. En cas de perte involontaire de la détention du meuble grevé, le créancier gagiste peut reprendre le meuble par la vindication pignoris ou la saisie-revendication, sauf si l’acquéreur est de bonne foi. 294. En droit chinois, ce sujet n’est pas traité par la loi et les juristes le mettent rarement au cœur de leurs discussions. Ils considèrent cependant, qu’en cas de perte de la détention d’un meuble grevé, le gage subsiste si le créancier gagiste peut reprendre le meuble par la vindication pignoris ou la saisie-revendication ; sinon, le gage n’existe plus. Ce droit de reprendre le meuble grevé n'est cependant pas considéré comme le droit de suite 147 , puisqu’il est fondé sur la protection de « possession » figurant dans le titre V de la LDR. Les juristes n’admettent donc pas le droit de suite du gage. 147 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 357. 161 Chapitre II – Le gage sans dépossession Chapitre II – Le gage sans dépossession 295. S’inspirant du régime du security interest américain, le législateur français a consacré la sûreté portant sur des meubles corporels sans dépossession, ce qui constitue l’une des innovations majeures de la réforme de 2006148. Alors qu’en droit chinois, ce type de sûreté existe depuis la LS de 1995. Néanmoins, sa qualification et son régime dans les deux pays sont divergents et, méritent donc des études approfondies. Section I – Qualifications différentes en droit français et en droit chinois §I – La qualification en droit français 296. En droit français, la qualification des sûretés mobilières sans dépossession est un élément méritant d’être approfondie pour tenter de résoudre les problèmes soulevés par « la réalité face aux carences et aux obscurités des textes législatifs »149. Quelle est vraiment la nature de la sûreté portant sur les véhicules, les matériels et outillages, ou encore sur les stocks? Doit-on les qualifier des gages ou des hypothèques? 297. Un courant doctrinal considère qu’il est regrettable de recourir au même terme --- «gage» --- pour désigner la sûreté sans dépossession portant sur des meubles corporels qui est « fondamentalement différente » de celle comportant la dépossession du créancier150. Considérant que sa publicité est assurée par inscription sur un registre qui ne confère pas de droit de rétention à 148 Dominique LEGEAIS, op. cit., p.361. 149 M. CABRILLAC, La protection du créancier dans les sûretés mobilières conventionnelles sans dépossession, Thèse Montpellier, 1953, no 31 ; C. LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelle sur meubles incorporels, Litec 2001. 150 Dominique LEGEAIS, op. cit., p.361. 162 Chapitre II – Le gage sans dépossession son bénéficiaire, ce courant doctrinal incline plutôt à traiter les sûretés mobilières sans dépossession en hypothèques. 298. Un autre courant considère en revanche que la qualification de ces sûretés dépend de l’analyse du gage et de l’hypothèque151. D’une part, si on considère que la dépossession de la chose grevée est l’essence du gage, on ne pourrait pas qualifier les sûretés en cause de gages. La dépossession de la chose grevée qui protège le créancier bénéficiaire contre les éventuels détournements du débiteur, il est logique de caractériser le gage par la dépossession et, de ne pas admettre qu’une sureté portant sur des choses restées entre les mains du constituant est un gage. Cette analyse classique est critiquée par plusieurs auteurs. Selon eux, la dépossession est un élément naturel du gage, mais non son élément essentiel. Elle n’est qu’une mesure de publicité pouvant être remplacée par d’autres modalités de publicité, telle que l’inscription sur un registre. Compte tenu aussi des inconvénients économiques de la dépossession et grâce au perfectionnement des mesures de la publicité, il est séduisant d’admettre l’existence de gages sans dépossession 152 . D’autre part, la qualification des sûretés sans dépossession portant sur des meubles corporels suppose aussi que l’on admet l’existence d’hypothèque mobilière. Aux termes des articles 2397 et 2398 du Code civil, on s’aperçoit que le législateur français entretient le doute systématique sur ce point. Cependant, tout ce qui est réel n’est pas nécessairement rationnel. Dans les économies modernes, les meubles représentent des valeurs de plus en plus considérables et, peuvent être individualisés par des mesures de publicité efficace. Rien ne semble donc justifier l’interdiction maintenue par les dispositions précitées153. C’est au vu de 151 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 601. 152 Ibid., p. 602. 153 M. CABRILLAC, op. cit., no 32 ; comp. E. PUTMAN, Sur l’origine de la règle « … meubles n’ont pas de suite par hypothèque », RTD civ., 1994, 543. 163 Chapitre II – Le gage sans dépossession ces considérations que la plupart des auteurs admettent que le droit des sûretés n’exclut nullement de son domaine les hypothèques mobilières154. Or, il apparaît que ce courant de pensée n’est pas celui auquel s’est rangé le législateur français, puisque jusqu’à présent la loi française ne reconnait expressément que trois hypothèques mobilières spéciales dont l’assiette s’apparente à l’immeuble155 – celle portant sur les bateaux maritimes, celle sur les bateaux fluviaux et celle sur les avions civils. Cette position peut s’expliquer par la cause apparente privilégiée par le législateur à savoir une classification prenant pour critère la nature de l’assiette de garantie156. Mais cette cause ne justifie pas la qualification des trois hypothèques mobilières spéciales. Il faut donc chercher d’autres raisons plus convaincantes. 299. Un troisième courant de pensée propose un critère de distinction fondé sur les prérogatives attribuées au créancier bénéficiaire 157 . Si on considère que le gage confère toujours au créancier le droit de préférence, le droit de suite et le droit de rétention, alors que l’hypothèque ne lui confère que les deux premiers, il est possible de distinguer les gages sans dépossession des hypothèques mobilières. Par conséquent, la sûreté mobilière sans dépossession qui confère globalement au créancier bénéficiaire un droit équivalant à celui conféré par le gage avec dépossession est un gage ; celle qui lui confère des prérogatives appartenant au créancier hypothécaire est une hypothèque. Ce critère peut expliquer pourquoi on qualifie les suretés portant sur les trois meubles corporels spéciaux (les bateaux maritimes, les bateaux fluviales et les avions civils) d’hypothèques mobilières et certains autres de gages. Néanmoins, 154 Charles BEUDANT, Cours de droit civil français, 2e éd., t. 13 par VOIRIN, no 329 ; M. CABRILLAC, op. cit., passim. ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 603. 155 Yves PICOD, op. cit., p. 348. 156 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 361. 157 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 603. 164 Chapitre II – Le gage sans dépossession ce critère n’est pas non plus la panacée d’une distinction non ambigüe, dès lors que certaines sûretés mobilières sans dépossession n’attribuant pas des droits équivalents à ceux conférés par le gage avec dépossession sont néanmoins qualifiées de gage par le Code civil (v. infra n° 329 et s., le gage du matériel et de l’outillage). 300. En résumé, force est de constater que le critère de la distinction entre le gage et l’hypothèque est empreint d’une grande relativité. En résistant à la généralisation de l’hypothèque mobilière, le législateur français qualifie des sûretés mobilières sans dépossession du gage sans dépossession. En effet, de nombreuses législations, telles que celles des pays de common law 158 , du Québec, du Japon, de Taiwan ainsi que celle de la RPC, ont reconnu l’hypothèque mobilière. §II – La qualification en droit chinois 301. Comme nous l’avons exposé supra, le critère de la distinction fondamental (summa divisio) des sûretés réelles en droit chinois est la dépossession : celles nécessitant la dépossession du bien grevé sont des gages et, celles ne réalisant pas la dépossession sont des hypothèques. Selon l’article 180 de la LDR qui dispose que « les biens suivants … sont susceptibles d’hypothèques : …4o des machines de production, des matières premières, des produits semi-finis et des produits finis ; 5o des véhicules… 7o les autres biens non interdits par la loi et le décret…», les sûretés sans dépossession portant sur des meubles sont des hypothèques mobilières. 158 Selon leurs législations, les créanciers peuvent, par le mortgage, obtenir du moins un droit de préférence et un droit de suite sur la chose. V. Commission des communautés européennes, Le droit des biens dans la communauté européenne, Bruxelles 1972, p. 217 ; V. aussi, A.M. MORGAN DE RIVERY-GUILLAUD, Le droit nord-américain des sûretés mobilières, LGDJ, 1990. 165 Chapitre II – Le gage sans dépossession 302. Malgré les différentes qualifications exposées ci-dessus en droit français et en droit chinois, la consécration des suretés sans dépossession portant sur des meubles corporels est une tendance mondiale irréversible. Section II – Différents régimes en droit français et en droit chinois § I – Les sûretés mobilières sans dépossession de droit commun A. Le gage sans dépossession en droit français 303. Pour les auteurs de la réforme de 2006, le gage en droit français peut désormais se constituer avec ou sans dépossession. Ainsi l’ordonnance de 2006 n’a pas consacré de place spéciale au gage sans dépossession. Ce gage ne se distingue pas fondamentalement du gage avec dépossession. Comme le gage avec dépossession, il doit aussi être conclu par la rédaction d’un écrit à peine de nullité. Il peut aussi porter sur tout type de meuble corporel, présent ou futur. Il peut même porter sur des choses fongibles. Ainsi conçu, les parties peuvent constituer un gage sans dépossession sur des stocks. Elles ont dès lors le choix de le soumettre au droit de commun ou au droit spécial du gage sur stocks. Les règles applicables au gage avec dépossession s’appliquent également aux contractants et à la créance garantie du gage sans dépossession. 304. En effet, le gage sans dépossession s’oppose au gage ordinaire avec dépossession par la modalité de publicité qui accompagne sa constitution. Pour être opposable aux tiers, il doit être publié, à la requête du créancier gagiste, sur un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du constituant ou du lieu de son domicile quand il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation. Au reçu de l’acte constitutif du gage le greffier lui donne un numéro d’ordre et vérifie qu’il est accompagné d’un bordereau en deux exemplaires comportant sept mentions obligatoires dont l’indication de la catégorie du bien affecté en garantie est définie par référence à une nomenclature fixée par un arrêté du 1er février 2006. Cette modalité de publicité diffère en conséquence de celle du gage avec dépossession qui se 166 Chapitre II – Le gage sans dépossession traduit par la dépossession de la chose grevée. La substitution de la dépossession de la chose par l’inscription comporte les conséquences suivantes. Il rend d’abord possible la constitution de plusieurs gages successifs sur le même bien classés par l’ordre de leur inscription (art. 2340, C. civ.). De plus, une fois que le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier ne peuvent plus se prévaloir de l’article 2276 du Code civil159 et, le constituant ne peut demander la radiation de l’inscription jusqu’au complet paiement de la créance garantie, le principal, intérêts et frais. 305. Toutefois, dès lors que l’objet du gage reste entre les mains du constituant, le créancier bénéficiaire se trouve exposé à un certains nombres de risques que la réforme de 2006 s’est efforcée de pallier en introduisant des règles spécifiques. Ainsi le constituant, à l’obligation de conserver le bien grevé ; s’il ne satisfait pas à cette obligation, le créancier peut se prévaloir de l’échéance du terme de la créance garantie ou solliciter un complément de gage (art. 2344, al. 2, C. civ.). Lorsque l’assiette du gage est constituée de choses fongibles, le constituant peut les aliéner si la convention le prévoit, mais à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes (art. 2342, C.civ.). Le créancier, quant à lui, bénéficie de toutes les prérogatives d’un créancier gagiste avec dépossession. Il dispose en premier lieu du droit de préférence dont l’exercice suppose la vente forcée du bien grevé : cette vente suit le régime de celle du gage avec dépossession, assortie toutefois de l’obligation pour le créancier de faire préalablement saisir la chose. L’ordonnance du 23 mars 2006 lui a de surcroît expressément accordé un droit 159 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 605 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 363. 167 Chapitre II – Le gage sans dépossession de suite qu’il peut exercer dans des conditions particulièrement favorable160. Afin de réaliser son gage, le créancier gagiste bénéficie d’un droit de saisir la chose grevée dans les mains de tout ayant cause du débiteur ou du fiduciaire auquel le débiteur-fiduciant aurait transmis le bien en exécution d’un contrat de fiducie. Néanmoins, celui qui achète un bien grevé d'inscriptions, peut libérer ce bien des inscriptions en payant le prix du bien selon la procédure de purge. Le créancier gagiste peut également se faire attribuer judiciairement ou conventionnellement le bien grevé à l’instar du créancier garanti par un gage avec dépossession ; néanmoins, en raison de l’absence de dépossession, il doit préalablement faire saisir le bien grevé avant de se le faire attribuer. Quant au droit de rétention (qui était pendant longtemps logiquement privé pour le créancier gagiste sans dépossession en raison de l’absence de dépossession), il a été expressément conféré à celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession par la loi du 4 août 2008 sur la modernisation de l’économie. Mais ce droit de rétention peut être paralysé par l’ouverture de la procédure collective du débiteur (art. 622-7-I, al. 2, C. com.). B. L’hypothèque mobilière en droit chinois a. L’hypothèque mobilière classique 306. Alors qu’en droit chinois, les sûretés mobilières sans dépossession ont été qualifiées d’hypothèques mobilières (v. supra n° 301), le législateur chinois, comme son homologue français, ne consacre que peu de place spéciale à cette catégorie de sûreté : seules quelques dispositions concernant la publicité spéciale ou les hypothèques mobilières spéciales sont expressément stipulées dans la LDR. Cependant, à la différence du gage sans dépossession en droit 160 En effet, le droit de suite du créancier gagiste sans dépossession n’est pas absolu. Le créancier ne peut pas l’exercer quand il se trouve en concurrence avec le sous-acquéreur du bien qui n’est plus un ayant cause à titre particulier du constituant. V. R. BOFFA, L’opposabilité du nouveau gage sans dépossession, D. 2007, chr. p. 1361. Cité aussi par Dominique LEGEAIS, op. cit, p. 364. 168 Chapitre II – Le gage sans dépossession français qui soumet quasiment au même régime que le gage avec dépossession, le régime de l’hypothèque mobilière en droit chinois se rapproche de celui de l’hypothèque immobilière, à ceci près que l’inscription hypothécaire est une condition d’opposabilité pour elle. 307. Les auteurs ne sont pas unanimes sur la question de savoir si l’hypothèque mobilière doit être généralisée à l’ensemble des meubles corporels. Un courant radical considère même qu’en raison de la publicité imparfaite de l’hypothèque mobilière et de la souplesse de la fiducie-sûreté, il vaut mieux remplacer l’hypothèque qui existe déjà par la fiducie-sûreté161. Un deuxième courant considère qu’il faut faire une interprétation restrictive de l’article 180 de la LDR, l’assiette de l’hypothèque mobilière étant alors limitée aux meubles expressément énumérés par le no 4 de cet article 162 . En se prévalant du 7o de l’article 180 de la LDR qui énonce que peuvent être hypothéqué « d’autres biens non interdits par la loi et le décret », un troisième courant se déclare enfin favorable à la généralisation de l’hypothèque mobilière163. 308. Cette dernière ligne doctrinale paraît tout à la foi la plus logique et séduisante. Les meubles occupent en effet une place de plus en plus importante dans la société moderne, notamment dans les petites et moyennes entreprises qui ont peu de biens immobiliers et qui sont les demandeurs de crédits les plus 161 CHEN Benhan, Repenser le régime de l’hypothèque mobilière, in Droit chinois, 2003, II ; ZOU Hailin, op. cit., p. 125-127. 162 ZHAO Shuxia, Le conflit entre le régime de l’hypothèque mobilière et le droit réel traditionnel et l’option législative, Mémoire de l’Université des sciences politique et du droit de Chine, 2007, p. 27-30;WANG Liming, De l’hypothèque mobilière, in Droit, 2007, I;LIU Guosheng, Des analyses du régime de l’hypothèque mobilière, http://www.lw-cn.cn/ Lunwen/faxue/sfzd/200711/4477.html. 163 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.307 ; Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63 ; YU Kun, La généralisation de l’assiette de l’hypothèque mobilière et ses influences, http://52fyfz.fyfz.cn/blog/52fyfz/ index.aspx?blogid=373720. 169 Chapitre II – Le gage sans dépossession pressants. La fiducie-sûreté n’ayant pas été introduite en droit chinois positif, la consécration générale d’hypothèque mobilière revêt donc une importance majeure pour des emprunteurs. D’autre part, l’évolution même de la terminologie utilisé par le législateur, la formulation « d’autres biens non interdits par la loi et le décret » de la LDR (art. 180, LDR) se substituant à l’expression « autres biens hypothécables fixés par la loi» de la LS (art. 34, LS) manifeste sa volonté d’accroître l’assiette de l’hypothèque mobilière. Il ne paraît dès lors pas pertinent de limiter strictement l’assiette de l’hypothèque mobilière en ne faisant isolément référence qu’au 4° de l’article 180 et en négligeant le 7° de ce même article et le but du législateur. En résumé, en droit chinois, tout meuble, présent ou futur, à condition que le constituant ait le droit d’en disposer, et qu’il ne soit pas interdit d’hypothéquer par la loi et le décret164, peut servir d’assiette à l’hypothèque mobilière. 309. Dans un tel cas, le créancier de bonne foi peut-il acquérir une hypothèque mobilière sur un bien qui n’appartient pas au constituant? La législation chinoise était silencieuse sur ce point. La LDR ne donne pas non plus une réponse directe. Certains auteurs refusent encore de reconnaître la protection de bonne foi en considérant que l’inscription de l’hypothèque mobilière n’est qu’une condition d’opposabilité et que ce type de sûreté n’implique pas la dépossession. Selon eux, le propriétaire peut toujours revendiquer le bien donné en gage par le possesseur et le gage ne peut jamais valablement être constitué165. D’autres, en revanche, se prononcent pour la protection de bonne foi du créancier gagiste. En nous référant à l’article 106 placé dans son chapitre consacré aux « Dispositions spéciales de l’acquisition de propriété » qui dispose que la propriété mobilière et immobilière peut être 164 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63. 165 JIN Liting, L’acquisition de bonne foi du droit de l’hypothèque, www.kjwt.com/kjwt /llyj/20087162.html. 170 Chapitre II – Le gage sans dépossession acquise de bonne foi et que « ...les deux premiers alinéas s’appliquent aussi à l’acquisition des autres droits réels par une personne de bonne foi ...», y ajoutant la difficulté pour un tiers de connaître le véritable propriétaire des meubles, nous penchons pour confirmer que le créancier peut préconiser la constitution de l’hypothèque mobilière en invoquant sa bonne foi. En pratique, des décisions jurisprudentielles a confirmé notre position166. 310. Si l’on excepte son assiette, l’hypothèque mobilière présente plusieurs analogies avec son équivalent immobilier : elle doit ainsi, à peine de nullité, être conclue par écrit, les règles applicables aux parties et à la créance garantie dans l’hypothèque immobilière s’y appliquent aussi. Cependant, le principe de l’inscription-opposabilité permet de distinguer l’hypothèque mobilière de l’hypothèque immobilière qui est soumise au principe de l’inscription-validité (art. 187, 188 et 189, LDR). 311. Pour être opposable aux tiers, l’hypothèque mobilière doit être inscrite auprès des organes compétents. Cependant, la loi positive n’a pas instauré le régime unique de l’inscription des hypothèques mobilières. Ainsi, l’hypothèque portant sur les machines de production, matières premières, produits semi-finis et produits finis doit-elle être inscrite auprès du bureau de l’industrie et du commerce auquel est rattaché selon le cas, le domicile ou le siège du constituant (art. 2, Mesures d’inscription des hypothèques mobilières promulguées par l’Administration nationale de l’industrie et du commerce) ; celle portant sur les bateaux, les aéronefs et les véhicules doit l’être auprès des organes d’administration compétents. Actuellement, il est difficile de procéder à l’inscription des hypothèques portant sur d’autres meubles, ce qui entrave sérieusement le développement des hypothèques mobilières et les besoins du 166 Dans l’affaire la Coopérative de crédit Lao Ba Gang / la SARL Ai Zhi Yuan, le juge a consacré que l’hypothèque mobilière est valable car le créancier était de bonne foi. 171 Chapitre II – Le gage sans dépossession financement des petites et moyennes entreprises. L’urgence est donc d’unifier l’organe d’inscription des hypothèques mobilières. De plus, il n’existait pas de règles communes relatives à l’inscription de ce type de gage avant la LS. Il n’existait que des règles différentes, voire contradictoires fixées par certaines lois spéciales. Par exemple: l’article 17 du « Règlement administratif relatif au crédit hypothécaire de la Zone Economique Spéciale de Guangdong » de 1990 stipulait que l’inscription devait être faite dans les 15 jours suivant la signature du contrat et que l’hypothèque ne prenait effet juridique qu’à la date d’inscription. Selon cette disposition, l’inscription était alors une condition de validité de l’hypothèque. Au contraire, aux termes de la Loi sur le commerce maritime de 1992, l’inscription n’était qu’une condition d’opposabilité aux tiers pour l’hypothèque de navire civil. La LS de 1995 fixait complètement, pour la première fois, le régime de l’inscription hypothécaire. S’agissant du régime d’inscription d’hypothèque mobilière, elle établissait ainsi un système dualiste: pour une hypothèque portant sur « les biens spéciaux » énumérés par l’article 42, y compris les aéronefs, les navires, les voitures, les équipements et d’autres biens mobiliers d’entreprise, l’inscription était une condition de validité du contrat d’hypothèque (inscription-validité). Pour une hypothèque portant sur les autres meubles en revanche, l’inscription hypothécaire n’était requise que pour son opposabilité aux tiers (inscription-opposabilité). Cependant, l’application du principe selon lequel « le droit spécial prime le droit commun »167, veut que l’inscription des aéronefs et des navires civils soit requise à peine d’inopposabilité aux tiers. 167 Ici, le droit spécial s’agit de l’article 13 de la Loi sur le commerce maritime, des articles 2 et 6 de la Réglementation sur l’inscription des navires, et de l’article 16 de la Loi sur l’avion civile. 172 Chapitre II – Le gage sans dépossession Ce régime dualiste a finalement été modifié par la LDR de 2007. Selon les articles 188 et 189 de cette loi, le droit d’hypothèque portant sur les biens suivants prend effet juridique dès que le contrat hypothécaire est valablement constitué: --- les machines de production, les matières premières, les produits semi-finis et les produits finis ; --- les navires ou aéronefs qui sont en cours de construction ; --- les véhicules. La seule solennité exigée pour que le contrat soit valablement constitué, est qu’il soit conclu sous forme écrite. L’inscription n’est plus une condition de validité de l’hypothèque, mais une condition d’opposabilité aux tiers. L’hypothèque ne peut être opposable aux tiers qu’à partir de l’inscription. 312. L’inscription fixe le rang des créanciers hypothécaires sur un même bien (art. 199, LDR): les créanciers hypothécaires inscrits prennent rang en fonction de l’ordre d’inscription ; si l’ordre est identique, ils sont payés au marc le franc. Les créanciers hypothécaires inscrits priment les créanciers non inscrits. Pour les gages valables sans inscription, les créanciers sont payés au marc le franc. 313. La question se pose néanmoins de savoir qui est chargé de l’inscription mobilière? Concernant les moyens de transport, la LS prévoit que l’inscription doit être requise auprès des organes administratifs chargés de l’immatriculation et de la gestion de ces biens. Par exemple, l’inscription d’hypothèque des aéronefs civils se fait auprès du département aéronautique ; celle des bateaux civils aux départements de gestion de transport par eau ; celle des voitures aux départements de police, etc. S’agissant de l’hypothèque des équipements et d’autres biens mobiliers d’entreprise, ce sont les bureaux administratifs locaux de l’industrie et du commerce du ressort du siège des biens grevés qui sont chargés de l’inscription. Si un bien mobilier est 173 Chapitre II – Le gage sans dépossession hypothéqué par une personne ou une association, son inscription doit être faite auprès de l’établissement notarial du domicile du constituant. La LS attribuait la compétence de l’inscription aux établissements notariaux car ces derniers faisaient alors partie des organes administratifs. Aujourd’hui, ce ne sont plus des organes administratifs et certains juristes proposent de les priver de cette compétence. Cependant, considérant qu’il n’existe pas d’autre organe administratif en charge de ce type d’inscription, la LDR maintient ce régime. En bref, seul l’organe administratif ayant réalisé l’immatriculation originale du bien grevé a compétence pour procéder à l’inscription hypothécaire sur ce bien. A défaut, c’est l’établissement notarial du domicile du constituant qui est chargé de l’inscription. 314. Ainsi, cette « diversité » des organes chargés de l’inscription constitue le problème principal et apporte désordre et inefficacité dans les inscriptions hypothécaires mobilières. En effet, la première difficulté réside dans le fait qu’il existe plusieurs organes d’inscription appartenant à différentes administrations qui ont elles-mêmes défini par arrêtés les règles d’inscription. Ces règles ont donc des sources différentes et leurs contenus sont souvent divergents voire contradictoires. En second lieu, la division du travail entre ces organismes est délicate et quelque peu équivoque. Par exemple, l’organe d’inscription du secteur du transport se divise même en différents départements, tels que l’aéronautique, l’agriculture, la police, les chemins de fer, ou encore l’eau. Ainsi, quel est l’organe chargé de l’inscription d’un véhicule terrestre principalement utilisé pour l’agriculture? Il arrive souvent que les intéressées ne sachent ni auprès de quel organe doit se faire l’inscription et ni même que les organes d’inscription requièrent l’inscription du bien grevé. 174 Chapitre II – Le gage sans dépossession En dernier lieu, les coûts d’hypothèque mobilière sont très élevés. Ils varient selon les organes et les régions. Mais dans la plupart des cas, les frais d’inscription pesant sur les charges des parties ne sont pas calculés à la pièce, mais proportionnellement à la valeur du bien grevé. De plus, il n’est pas facile pour les tiers intéressés de consulter les registres hypothécaires. En effet, d’une part, la consultation est payante 168 , d’autre part, les organes chargés de l’inscription agissant comme des administrateurs contrôlent sévèrement l’identité des personnes qui souhaitent consulter les registres sous prétexte de protéger les informations personnelles relatives aux parties hypothécaires169. 315. En pratique, force est de constater que les difficultés de la publicité ont pour effet de limiter les effets positif de l’hypothèque mobilière. La LDR aurait du être une bonne occasion d’améliorer ce régime, mais cela n’a malheureusement pas été le cas, du fait des résistances issues des coalitions visant à maintenir les avantages acquis. Le régime relatif aux organes d’inscription persiste encore. En effet, les chercheurs et les praticiens sont parvenus à un consensus pour l’établissement d’un organe unificateur indépendant de l’administration chargé de l’inscription. Pour promouvoir l’application des hypothèques, le législateur chinois a décidé d’établir le plus tôt possible un régime d’inscription des droits réels qui s’inscrit dans l’évolution constatée au plan internationale. b. L’hypothèque mobilière flottante – une sûreté mobilière spéciale 316. La « floating charge », crée par le droit anglais, est une institution ayant une grande influence tant dans les systèmes juridiques de commun law 168 Bureau de droit civil de la Commission du travail législative du CAPN, Référence relatives au Projet de Loi sur les droits réels, Éd. de démocratie et droit de Chine, juillet 2005, p.115 -118. 169 LI Shigang, op. cit., p. 342-343. 175 Chapitre II – Le gage sans dépossession que dans les systèmes juridiques de droit civiliste170. Elle offre à son constituant une voie pour obtenir des financements et ne nécessite pas la dépossession du bien grevé. La LDR de 2007 a finalement introduit en droit chinois cette institution baptisée « hypothèque flottante» (art. 181, LDR). 317. Considérant, d’une part que cette institution provient du droit anglais, d’autre part que les juristes chinois ont souvent l’habitude de se référer au droit civil japonais, notamment sur les problèmes concernant les droits réels171, il est donc signifiant d’envisager l’hypothèque flottante en droit chinois par comparaison avec ses équivalents en droit anglais et en droit japonais. 318. Quant au constituant de l’hypothèque flottante, le droit anglais stipule expressément que seules des sociétés ayant la qualité de personne morale peuvent être le constituant de la floating charge. Le droit japonais permet uniquement aux sociétés anonymes de constituer l’hypothèque flottante afin de garantir leurs obligations sociales émises (art. 1 de la Loi sur la sûreté réelle grevant l’entreprise). Mais en pratique, comme les sociétés peuvent émettre des obligations sans besoin de garantie, elles utilisent rarement cette sûreté. En revanche, d’autres entreprises souhaitant d’en user pour leur propre financement sont écartées par la loi. L’hypothèque flottante est plutôt une décoration qu’une institution fréquemment utilisée. Le constituant d’hypothèque flottante en droit chinois s’étend à trois catégories de personnes – entreprise (tout type d’entreprise), commerçant indépendant (ge ti gong shang hu/个体工商户) ou exploitant agricole (art. 181, 170 Frédérique DAHAN, La floating charge dans les rapports internationaux de droit privé – essai sur la reconnaissance d’une institution étrangère, Thèse Paris I, 1995, p. 212 et s. 171 En ce qui concerne l’hypothèque flottante, elle «résultait originellement des études sur le droit japonais des sûretés plutôt que de l’influence directe de commun law», v. LI Shigang, op. cit., p. 305. V. également, LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 337-340 : dans la partie consacrée à l’hypothèque flottante, tous les ouvrages cités sont ceux des auteurs japonais. 176 Chapitre II – Le gage sans dépossession LDR) ; ceci peut s’expliquer par l’objet du législateur de faciliter le financement des petites et moyennes entreprises et des agriculteurs172. Mais, cette extension suscite des vives critiques sur le plan doctrinal car elle augmente le risque du créancier garanti à cause du changement assez facile de capital et du régime relativement lâche des comptabilités des entreprises autres que les sociétés173. 319. En ce qui concerne l’assiette de l’hypothèque flottante, tant en droit anglais qu’en droit japonais, les biens susceptibles d’être l’objet de cette sûreté sont constitués de l’ensemble des biens appartenant à la société constituante au moment de l’exécution de la sûreté174. Mais, selon la disposition de l’article 181 de la LDR chinoise, seuls des machines de production, les matières premières, les produits semi-finis et les produits finis sont susceptibles d’être l’assiette de l’hypothèque flottante. Les immeubles et les biens incorporels (actions, obligations, propriétés intellectuelles etc.) du constituant sont ainsi exclus. Cette restriction déraisonnable détourne sans aucun doute le régime et la valeur initiale de cette sûreté; elle est fortement critiquée par la doctrine chinoise. Parce que les immeubles et les biens incorporels revêtent toujours une grande valeur, s’ils constitueraient aussi l’assiette de cette hypothèque (avec des meubles précités), les intérêts du créancier pourraient sûrement être mieux 172 La section du droit civile de la Commission des affaires juridiques de la Comite permanent de l’APN, Explications, motifs législatifs et règlements relatifs des articles de la LDR de la RPC, Éd. de l’Université de Pékin, 2007. 173 LIANG Huixing, Il ne faut pas aveuglément d’instaurer l’hypothèque mobilière flottante, www.civillaw.com.cn/wqf/weizhang.asp?id=24443 ; WANG Jianzhong, Etudes sur le régime d’hypothèque mobilière flottante, www.fl168.com/Lawyer10124/View/ 140245/. 174 XU Donggen, La contribution de la jurisprudence anglaise au développement de la floating charge, in Droit, 2003, VII, p. 110. V. également l’article 2 de la Loi japonaise sur la sûreté réelle grevant l’entreprise. 177 Chapitre II – Le gage sans dépossession protégés175. A fortiori, les régimes de la publicité des immeubles et des biens incorporels, notamment des actions, obligation, propriété intellectuelle, sont relativement parfaits par rapport à celui des meubles corporels. 320. Quant aux conditions formelles de la constitution de cette sûreté, le droit anglais exige seulement que l’intention de la constitution de cette sûreté soit expressément exprimée, par écrit ou par oral. De plus, la sûreté doit être inscrite auprès de l’organe chargé de l’inscription pour avoir l’opposabilité aux tiers176. En droit japonais, la sûreté doit être conclue par un acte notarié, et doit, à peine de nullité, être inscrite sur le registre des sociétés anonymes du lieu du siège de la société émettrice (art. 4 de la Loi sur la sûreté réelle grevant l’entreprise). En droit chinois, l’hypothèque flottante doit être conclue par écrit (art. 181, LDR) et, doit, à peine d’inopposabilité aux tiers, être inscrite sur le registre auprès du bureau de l’industrie et du commerce dont dépend le domicile ou le siège du constituant (art. 189, LDR). La divergence des trois systèmes juridiques sur ce point peut simplement s’expliquer par les différentes traditions juridiques. 321. S’agissant de la cristallisation, elle est la clé de l’hypothèque flottante. Elle termine la situation flottante de cette sûreté et, la concrétise en biens déterminés. Elle est donc la condition préalable de l’exécution de cette sûreté. En droit anglais, il y a trois causes prévues qui peuvent aboutir à la cristallisation des biens hypothéqués: la cessation de l’activité sociale (telles que la dissolution et la liquidation de la société) ; sous l’autorisation judiciaire, l’intervention du créancier en cas de l’insolvabilité du constituant pour 175 LIANG Huixing, Il ne faut pas aveuglément d’instaurer l’hypothèque mobilière flottante, http://www.civillaw.com.cn/wqf/weizhang.asp?id=24443 ; WANG Jianzhong, Etudes sur le régime d’hypothèque mobilière flottante, http://www. fl168.com/Lawyer 10124/View/140245/ ; CHEN Chi, MIN Bo, Cherches des défauts et des imperfections du régime de l’hypothèque flottante en droit chinois, http://www.chinacourt.org/ html/article/200908/06/368472.shtml. 176 REN Qing, De la floating charge en droit anglais, http://www.civillaw.com.cn/Article/ default.asp?id=8376. 178 Chapitre II – Le gage sans dépossession sauvegarder l’entreprise constituante (l’exemple par excellent est la désignation du receiver) ; les autre causes convenues. Parmi celles-ci, l’intervention du créancier est le régime le plus important pour la protection des intérêts du créancier hypothécaire. En droit japonais, cette sûreté ne peut être cristallisée que par voie juridique (art. 2, al. 1 de la Loi sur la sûreté réelle grevant l’entreprise), ce qui entraîne la désignation du receiver (régisseur des biens hypothéqués). Elle aboutit à la vente globale de l’entreprise ou seulement de certains biens. L’article 196 de la LDR chinoise prévoit quatre causes de la cristallisation de l’hypothèque flottante : le non acquittement de la créance garantie à l’échéance ; la déclaration de faillite ou la dissolution du constituant ; l’apparition de cas convenus par les parties ; la réalisation d’autres cas menaçant fortement la réalisation de la créance garantie (art. 196, LDR). Mais, le droit chinois n’a pas instauré le régime de la désignation du régisseur des biens hypothéqués comme le droit anglais et japonais. Puisque, extérieurement, la dernière cause énumérée par l’article 196 de la LDR correspond à la désignation du régisseur des biens hypothéqués qui n’aura lieu qu’en cas de menaces graves pour la réalisation de la créance garantie, et, tous deux causent la cristallisation de l’hypothèque. De plus, la limitation de l’assiette de cette sûreté à une partie des biens (quatre catégories de meubles) du constituant ne justifie pas l’intervention du créancier à l’opération du constituant. Mais nous avons exposé que la limitation devrait être écartée dans la réforme future. Pour l’essentiel, le régime du régisseur des biens hypothéqués équilibre les intérêts du constituant pour sa sauvegarde et son redressement et les intérêts du créancier, alors que l’arrangement de la LDR ne revêt pas cet avantage. 322. Enfin, le créancier garanti par cette sûreté bénéficie du droit de préférence dans les trois systèmes juridiques. Simplement, l’efficacité de ce droit n’est pas tout à fait pareille. En droit anglais, parmi les floatings charges, 179 Chapitre II – Le gage sans dépossession la date d’inscription fixe le rang du droit de préférence ; entre la floating charge et la sûreté disant fixe, la dernière prime toujours la première. En droit japonais, le droit de préférence du créancier garanti n’est opposable qu’à l’égard des créanciers chirographaires ; mais il est primé par les autres créanciers bénéficiaires de sûretés réelles, même s’ils sont inscrits après l’inscription de l’hypothèque flottante (art. 7 de la Loi sur la sûreté réelle grevant l’entreprise). Alors qu’en droit chinois, la loi chinoise n’y consacre aucune disposition spéciale. Mais, en vertu de la structure législative de la LDR, il est logique que le rang se fixe selon la disposition de l’article 199 : l’ordre d’inscription détermine le rang du droit de préférence des hypothèques, qu’elle soit hypothèque flottante ou hypothèque normale. Le créancier garanti par l’hypothèque flottante est ainsi mieux protégé que les créanciers dans les deux situations précitées. 323. En outre, l’hypothèque flottante n’empêche pas la libre disposition des biens hypothéqués du constituant avant sa cristallisation, les biens normalement vendus se dégagent de la charge hypothécaire177. C’est l’avantage le plus remarquable de cette sûreté et, c’est le point commun des trois systèmes juridiques. §II – Les sûretés mobilières sans dépossession de droits spéciaux 324. Il est regrettable que la réforme de 2006 n’ait pas unifié les différentes formes du gage. Les règles de droit commun du gage de meubles corporelles se combinent avec les applications spéciales prévues en matière commerciales et avec celles inscrites dans le Code civil relatives au gage automobile. 177 Sur ce point, le droit chinois met l’accent sur le prix raisonnable des biens vendus (art. 189, al. 2, LDR). 180 Chapitre II – Le gage sans dépossession A. Les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des moyens de transport 325. Rappelons que le droit français distingue les sûretés mobilières sans dépossession portant sur des véhicules terrestres des celles portant sur des moyens de transport nautiques ou aériens, en qualifiant les premières de gages et les dernières d’hypothèques. 326. Le régime du gage de véhicules terrestres, résultant d’une loi de 1934 et d’un décret de 1953, a été intégré par l’ordonnance du 23 mars 2006 dans le Code civil aux articles 2351 à 2353 nouveaux, et a été l’occasion d’une simplification de ce régime178. Aujourd’hui, tout véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques, peut constituer l’assiette de ce gage. En outre, les bénéficiaires ne sont plus réservés à certaines personnes. Comme en droit commun, le gage de véhicule peut garantir toute créance. La seule solennité du gage est que le contrat soit rédigé par écrit. La déclaration n’est qu’une condition d’opposabilité aux tiers et doit être faite à la préfecture qui a délivré la carte grise. La préfecture doit délivrer au créancier gagiste un reçu de la déclaration qui est considéré comme le titre de la dépossession du véhicule grevé. Cette dépossession est fictive qui confère au créancier gagiste le droit de rétention et le droit de suite. Néanmoins, le débiteur étant le détenteur réel de la chose grevée, l’obligation de conservation de la chose lui incombe, en contrepartie de quoi il peut en user ou jouir. Ce gage est donc en réalité un gage sans dépossession qui peut être réalisé par les voies prévues par le droit commun. 327. A la différence du gage des véhicules terrestres régi par le code civil, les hypothèques portant sur les véhicules fluviaux, maritimes et aériens relèvent de lois spéciales. 178 Dominique LEGEAIS, Le nouveau droit du gage automobile, JCP E 2007, 1482. 181 Chapitre II – Le gage sans dépossession La première, dont l’assiette est constituée par des bateaux (existants ou en construction) de navigation intérieure jaugeant plus de 20 tonneaux, a reçu en pratique le nom d’hypothèque fluviale (art. 95 du Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure). Selon la théorie générale de sûretés réelles, il est exigé que les parties de l’hypothèque (le créancier et le constituant) soient capables et que le constituant soit propriétaire du bateau grevé. La créance garantie peut être présente ou future, mais cette hypothèque ne garantit au même rang que le capital et trois ans d’intérêts en plus de l’année courante (art. 107 du même code). Elle doit aussi être constatée, à peine de nullité, par écrit (acte sous seing privé ou acte authentique). Ce titre constitutif d'hypothèque peut être à ordre et, dans ce cas, sa négociation par voie d'endossement emporte la translation du droit hypothécaire (art. 96 du même code). En simplifiant la formalité de la libre négociation, cette disposition renforce considérablement le caractère attractif de cette sûreté. Pour être opposable aux tiers, elle doit être inscrite sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué. Elle confère au créancier bénéficiaire le droit de préférence et le droit de suite. Néanmoins, elle ne lui confère aucun droit de rétention. Dans ce cas là, afin de renforcer l’efficacité de cette sûreté, la loi sanctionne « tout fait tendant à détourner frauduleusement un bateau grevé d’une hypothèque régulièrement inscrite » par les peines prévue en cas de l’abus de confiance179. L’hypothèque maritime, crée en 1874, est aujourd’hui régie par la loi du 3 janvier 1967. Tous les bâtiments de mer présents ou en construction immatriculés auprès de l’administration des douanes, quel que soit leur tonnage, peuvent être hypothéqués. Mais l’hypothèque de flotte portant sur l’ensemble des bâtiments de mer appartenant à un même propriétaire n’est pas autorisée180. 179 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 637. 180 Yves PICOD, op. cit., p. 349 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 635. 182 Chapitre II – Le gage sans dépossession Comme toute sûreté réelle conventionnelle, l’hypothèque maritime doit être constituée, à peine de nullité, par écrit. Comme l’hypothèque fluviale, le titre constitutif d'hypothèque à ordre peut être négocié par voie d'endossement qui emporte la translation d’hypothèque (art. 53, Loi du 3 janvier 1967). Elle n’est opposable aux tiers qu’à partir de sa publication sur un registre spécial tenu par les conservateurs des hypothèques maritimes dans la circonscription duquel se trouve le port d'attache du navire. Cette hypothèque ne garantit au même rang que le capital et deux ans d’intérêts en sus de l’année courante (art. 52 de la même loi). Elle confère au créancier garanti le droit de préférence et le droit de suite. L’hypothèque aérienne est réglementée par le Code de l’aviation civile (art. L. 122-1 et s.)181. Comme son homologue fluvial, elle doit aussi être constatée par écrit, à peine de nullité de l’acte et, elle garantit au même rang que le capital trois ans d’intérêts en sus de l’année courante. A peine d’inopposabilité aux tiers, elle doit être inscrite sur le registre de l’immatriculation de l’aéronef tenu par la Directions générales de l'Aviation civile (art. L. 122-7, Code de l’aviation civile). Les créanciers inscrits bénéficient aussi du droit de préférence et du droit de suite. 328. Cependant, en droit chinois, toutes les sûretés sans dépossession portant sur des véhicules, qu’ils soient véhicules terrestres, nautiques ou aériennes, sont qualifiées d’hypothèques (art. 180, LDR). Le régime de l’hypothèque des véhicules terrestres est aujourd’hui régi par la LDR et les Règles de l’inscription des véhicules à moteur (promulguées par le Ministère de la Sécurité publique en 2008). Tout véhicule terrestre à moteur peut constituer l’assiette de cette hypothèque. Comme l’hypothèque de droit 181 Cette hypothèque est introduite par la Loi du 31 mai 1924. 183 Chapitre II – Le gage sans dépossession commun, elle peut garantir toute créance. Ainsi, tout créancier peut être bénéficiaire de celle-ci. La seule solennité exigée est que le contrat soit conclu par écrit. L’inscription n’est qu’une condition d’opposabilité aux tiers et qu’elle doit être réalisée à la demande commune du constituant propriétaire de véhicule hypothéqué et du créancier bénéficiaire, auprès de l’organe dans le ressort duquel est immatriculé le véhicule grevé. Ces dispositions sont en conséquence très proches de celles du droit français. En revanche, alors qu’en France la préfecture française qui a reçu l’inscription est chargée de la délivrance au créancier bénéficiaire d’un reçu de la déclaration du gage, en droit chinois, l’organe chargé de l’inscription ne délivre rien : il indique simplement le contenu et la date de l’inscription hypothécaire sur le registre des véhicules. C’est pourquoi le créancier gagiste de cette sûreté en droit français bénéficie du droit de suite immédiatement, alors que ce n’est pas le cas en droit chinois. Comme l’hypothèque de droit commun, l’obligation de conservation du bien grevé incombe au constituant et, ce dernier peut donc faire user ou jouir de la chose ; le créancier garanti bénéficie de tout droit conféré au créancier garanti par l’hypothèque de droit commun. Quant à l’hypothèque portant sur des bateaux, il faut distinguer les bateaux de navigation intérieure des bateaux maritimes. L’hypothèque portant sur les premiers doit répondre aux dispositions de la LDR, alors que celle sur ces derniers est régie par la Loi sur le commerce maritime (LCM). La première hypothèque peut porter sur des bateaux existants ou en construction, de tout tonnage. La LDR n’y consacre qu’un seul article (art. 188, LDR) relatif à son inscription : celui-ci stipule que, pour être opposable aux tiers, l’hypothèque doit être inscrite (auprès de l’organe charge de l’inscription hypothécaire du lieu d’immatriculation du bateau hypothéqué.), à la demande commune du constituant et du créancier. A l’exception de cette disposition, c’est l’ensemble du droit commun de l’hypothèque mobilière qui 184 Chapitre II – Le gage sans dépossession s’applique à cette hypothèque. A la différence du droit français, il n’est donc pas prévu de limite pour les intérêts garantis, pas d’avantage de possibilité de la négocier par endossement. Enfin, le créancier garanti ne bénéficie que du droit de préférence. A la différence du système juridique français dans lequel tout bâtiment de mer présents ou en construction dès lors qu’il est immatriculé peut être l’objet d’une hypothèque, en droit chinois (art. 3 et 11, LCM), seuls les bateaux maritimes civils jaugeant de plus de 20 tonnages (présents ou en construction) peuvent être hypothéqués. La question se pose cependant de savoir si les bateaux inferieurs à 20 tonneaux peuvent constituer l’assiette de cette hypothèque? La LCM ne répond pas à cette question. Mais, selon les articles 24, 180 et 188 de la LDR, ces navires peuvent également être hypothéqués et sont donc soumis aux mêmes règles de l’hypothèque portant sur les bateaux de navigation intérieure. S’agissant de l’hypothèque de flotte, aucune loi ne l’ayant pas prévue, elle est donc considérée comme étant interdite. En tant qu’une sûreté réelle conventionnelle, l’hypothèque portant sur des bateaux maritimes doit être constituée, à peine de nullité, par écrit. Mais, aux termes de l’article 11 de la LCM, seuls le débiteur peut être constituant de cette sûreté ; en conséquence, un tiers ne put être constituant. Cette limite suscite des critiques de la doctrine, certains auteurs ayant n effet proposé de s’aligner sur les dispositions relatives de la LS en ouvrant la possibilité aux tiers d’être constituant182. Cette opinion est plus ou moins représentative de la tendance qui pourrait présider à la future reforme de la LCM. Comme les autres hypothèques mobilières, l’hypothèque portant sur des bateaux maritimes doit aussi, à peine d’inopposabilité aux tiers, être inscrite à la demande commune du constituant et du créancier sur un registre tenu par l’organe compétent. L’ordre d’inscription 182 SI Yuzhuo, HU Zhengliang, Des propositions, des références et des n.s pour la modification de la LCM, Éd. de l’Université maritime de Dalian, 2003, p. 2 ; LIANG Yuxian, Droit commercial, Éd. de l’Université du peuple de Chine, 2004, p. 341. 185 Chapitre II – Le gage sans dépossession détermine le rang des créanciers. Comme l’hypothèque portant sur les bateaux de navigation intérieure, elle ne confère au créancier garanti que le droit de préférence. Par analogie au régime des hypothèques fluviale et maritime, la Loi sur l’aviation civile prévoit que seuls les aéronefs civils peuvent être l’objet d’hypothèque. L’hypothèque aérienne doit également être constatée par écrit, à peine de nullité de l’acte. A peine d’inopposabilité aux tiers, elle droit être inscrite, à la demande commune du constituant et du créancier, sur le registre de l’aéronef tenu par l’Administration générale de l’aviation civile (art. 16, Loi sur l’aviation civile). Les créanciers inscrits bénéficient seulement du droit de préférence. B. Le gage du matériel et de l’outillage 329. Créé par une loi de 1951 pour faciliter le renouvellement du matériel professionnel, le régime juridique de ce type de gage s’apparentait à la foi à celui du gage et à celui de l’hypothèque. Mais la réforme de 2006 le qualifie désormais de gage. Aujourd’hui, le bénéfice de ce gage est réservé au vendeur ou au prêteur des deniers ayant permis le financement du bien par l’acheteur (art. L.525-1, C. com.). N’importe quel débiteur peut constituer ce gage qui ne peut cependant garantir que la créance du prix d’acquisition du matériel ou celle du prêt ayant permis son financement. Le but législatif est donc bien évident : financer le rajeunissement des installations des producteurs. 330. Tout outillage et matériel d’équipement professionnel par sa destination, qu’il soit d’occasion ou neuf, peut constituer l’assiette de ce gage. Sont toutefois écartés certains biens sur lesquels une sûreté sans dépossession a été spécialement aménagée : les véhicules terrestres ; les navires de mer et les bateaux de navigation intérieure ; les aéronefs, ainsi que les marchandises (art. L. 525-18, C. com.). 186 Chapitre II – Le gage sans dépossession 331. Pour que le gage soit valablement constitué, il faut qu’il soit consenti par un acte authentique ou un acte sous seing privé enregistré, conclu dans le délai de deux mois à compter du jour de la livraison du matériel sur les lieux où il devra être installé (art. L. 525-3, al. 1er, C. com.). Il devra aussi être publié, à peine de nullité et d’inopposabilité, au greffe du tribunal de commerce dans les quinze jours à compter de la date de l’acte constitutif. Cette inscription conserve le droit de préférence pendant cinq ans ; ce droit est renouvelable deux fois et qui s’étend au capital assorti de deux ans d’intérêts de la créance garantie. 332. En outre, le créancier peut exiger que les biens grevés soient revêtus d’une plaque fixée à demeure indiquant le lieu, la date et le numéro d’inscription du gage. Ce droit du créancier est facultatif et son absence n’affecte pas la validité du gage, mais sans cette plaque, le créancier gagiste ne bénéficie pas du droit de suite. 333. Ne réalisant pas la dépossession des biens grevés, l’obligation de conservation incombe donc au débiteur qui ne peut conclure aucun acte de disposition sur les biens grevés, sans le consentement préalable du créancier ou une autorisation de justice. À défaut de paiement à l’échéance, le créancier gagiste bénéficie du droit de préférence, du droit de suite limité lié à la publicité du gage, mais il ne jouit d’aucun droit de rétention183. Il peut réaliser son gage en faisant procéder à la vente publique ou en se le faisant attribuer en paiement des biens grevés. 334. En droit chinois, les matériels et des outillages peuvent constituer l’une des assiettes de l’hypothèque flottante (v. supra n° 319), ils peuvent aussi constituer l’assiette de l’hypothèque ordinaire (art. 180 et 181, LDR). Dans ce dernier cas, tout matériel et outillage du constituant présent ou futur peut faire 183 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 617. 187 Chapitre II – Le gage sans dépossession l’objet de l’assiette de cette hypothèque, sauf ceux qui sont spécialement visés par un autre dispositif législatif, tels que les véhicules. 335. Il demeure cependant une ambiguïté sur le constituant de cette hypothèque. En effet, aux termes de l’article 181 de la LDR, seules les entreprises (tout type d’entreprise), les commerçants indépendants (ge ti gong shang hu/个体工商户) et les exploitants agricoles (art. 181, LDR) peuvent être constituants de l’hypothèque. Mais ce texte est majoritairement considéré comme une disposition qui n’a trait qu’à l’hypothèque flottante184. Ce courant doctrinal considère que l’hypothèque fixe portant sur des matériels et des outillages n’a pas à répondre à ce texte. Elle serait donc soumise aux dispositions régissant l’hypothèque mobilière ordinaire et, elle serait une quasi hypothèque mobilière ordinaire. Ainsi, tout débiteur propriétaire des matériels et des outillages peut constituer une hypothèque sur ces biens. Tout type de créance peut être garanti par cette sûreté. L’hypothèque doit, à peine de nullité, être constatée par écrit et à peine d’inopposabilité, être inscrite auprès du bureau de l’industrie et du commerce dans le ressort du quel est situé le domicile ou le siège du constituant. Le créancier garanti bénéficie du même droit que le créancier garanti par une hypothèque mobilière ordinaire. C. Le gage sur stocks 336. Ce gage sans dépossession en droit français peut garantir tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne physique ou morale professionnelle (art. L. 527-1, C. com.). Tous les stocks de matières premières et d’approvisionnement, les produits intermédiaires, résiduels et finis, ainsi que les marchandises appartenant au débiteur et estimées en nature et en valeur à la date du dernier inventaire, peuvent être donnés en gage (art. L. 527-6, C. com.). 184 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 63 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 340 ; YANG Hong, op. cit., p. 124. 188 Chapitre II – Le gage sans dépossession Le contrat de gage contenant certaines mentions obligatoires doit être conclu par écrit. De plus, ce type de gage est soumis à l’inscription-validité selon les mêmes conditions de l’inscription du gage du matériel et de l’outillage. Ce qui déroge au principe de la publicité-opposabilité du gage de droit commun. 337. Néanmoins, par dérogation au principe de l’indivisibilité des sûretés réelles, les parties peuvent consentir que la part des stocks engagés diminue à proportion du désintéressement du créancier (art. L. 527-8, C. com.). 338. Le constituant doit agir en bon père de famille pour conserver les choses grevées. Il doit assurer les stocks contre les risques d’incendie et de destruction (art. L. 527-6, C. com.). Il tient aussi à la disposition du créancier un état des stocks engagés ainsi que la comptabilité de toutes les opérations les concernant. D’ailleurs, il s’engage à ne pas diminuer la valeur des stocks de son fait. Lorsqu’il y a une diminution de 20% de leur valeur, le créancier peut mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la garantie, soit de rembourser une partie des sommes prêtées en proportion de la diminution constatée. S’il ne lui pas donné satisfaction, le créancier peut exiger le remboursement total de la créance, considéré comme échu (art. L. 527-7, C. com.). Ce droit de demander le complément du gage est un droit du créancier garanti par le droit commun en droit chinois (v. supra n° 275). Il est évident que le législateur chinois et le législateur français doivent mutuellement tirer partie de leur l’expérience réciproque. Du côté chinois, il faut préciser ce qu’est la « diminution évidente ». Comment évaluer la diminution de la valeur? A partir de quelle valeur peut-on considérer qu’il y a une « diminution évidente »? Il n’y a rien à gagner mais tout à perdre de laisser une ambiguïté sur ce point important. Du côté français, cette mesure visant à protéger le créancier et à promouvoir le crédit devrait être généralisé en droit commun de gage, notamment dans la situation difficile comme aujourd’hui. Face à la crise financière, les valeurs des biens fluctuent fortement et fréquemment. D’une part, les établissements de crédit et les prêteurs des deniers sont circonspects et compriment leurs crédits pour éviter 189 Chapitre II – Le gage sans dépossession les risques. D’autre part, le relèvement économique exige d’accroître les crédits pour promouvoir la production et la consommation. Mais pour l’instant, la sécurité des crédits est de première importance pour tous prêteurs des capitaux. Il se peut que la consécration de ce droit soit une mesure effective pour diminuer leurs risques et puisse promouvoir le développement des crédits. 339. Mais, ce gage n’empêche pas l’aliénation des biens grèves. Dans ce cas là, la subrogation réelle permet de reporter le gage sur les choses qui remplacent les stocks aliénés (art. L. 527-5, al. 2, C. com.). 340. Le créancier gagiste a, à tout moment et à ses frais, le droit de faire constater l’état des stocks gagés (art. L. 527-5, al.3, C. com.). Il bénéficie aussi du droit d’information nécessaire concernant les stocks engagés (art. L. 527-7, C. com.). À défaut de paiement à l’échéance, il dispose des mêmes moyens de réaliser son gage que les créanciers gagistes de droit commun, sauf le pacte commissoire. 341. Alors qu’en droit chinois, le terme « stock » n’est pas utilisé par la loi proprement dite. Il est en revanche définit par les Normes No 1 des comptables d’entreprises promulguée par le Ministère des financements, qui désigne en effet les mêmes choses qu’en droit français (art. 3 de la Norme No 1). Tous les stocks peuvent faire l’objet de l’assiette de cette hypothèque. 342. Comme des matériels et des outillages, des stocks peuvent aussi être l’une des assiettes de l’hypothèque flottante (v. supra n° 319), ou être l’assiette de l’hypothèque ordinaire (art. 180 et 181, LDR). Dans ce dernier cas, il existe donc la même ambiguïté relative au constituant comme en cas d’hypothèque des matériels et des outillages. Étant donné qu’aucune loi spéciale ne la prévoit, cette sûreté est soumise aux règles de l’hypothèque mobilière de droit commun. La solution devrait être la même que pour cette dernière. Autrement dit, tout débiteur propriétaire des matériels et des outillages peut constituer une hypothèque sur eux. Tout type de créance peut être garanti par cette sûreté. 190 Chapitre II – Le gage sans dépossession L’hypothèque doit, à peine de nullité, être conclue par écrit et, à peine d’inopposabilité, être inscrite. Le créancier garanti bénéficie du même droit que le créancier garanti par une hypothèque mobilière ordinaire. 343. Ce qui nous rappelle qu’en droit français, on peut aussi constituer un gage sans dépossession selon les règles du gage de droit commun sur un ensemble de biens présents ou futurs, donc sur des stocks. Et, son régime est plus souple que le gage spécial sur des stocks. Alors, on se demande quel rôle jouera ce dernier gage en droit français 185 . Est- il vraiment nécessaire de consacrer une sûreté spéciale qui soumet au régime spécial et qui a atténué le succès de la reforme de 2006, alors qu’elle peut être couverte par le droit commun? 344. Il existe aussi un autre gage spécial -- le warrant. Il s’agit d’un gage pour lequel le constituant n’a pas à mettre son créancier en possession effective des éléments gagistes de leur exploitation. C’est un gage propre aux professionnels. Il peut porter sur les marchandises. Il peut être agricole, commercial, industriel ou pétrolier. Cependant, ce type de gage est rarement utilisé en pratique tant en droit français qu’en droit chinois. Il ne sera donc pas utile de l’approfondir dans la présente thèse. 185 Yves PICOD, op. cit., p. 294 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 624. 191 Titre II – Le nantissement de meubles incorporels 345. L’article 2355 du Code civil dispose expressément que « le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ». Grâce à la réforme de 2006, les sûretés sur les meubles incorporels sont aujourd’hui regroupées dans une seule catégorie. Cependant, l'unité de cette notion n’implique pas forcément l’unification des régimes qui y sont rattachés. Ceux-ci restent encore assez complexes et hétérogènes en raison de la diversité de la nature de l’assiette du nantissement. Le législateur chinois emploie le terme de « gage de droits » pour désigner le « nantissement » au sens du droit français ; dans les textes suivants, nous employons les termes de « gage de droits » et de « nantissement » dans un même sens. 346. Pour être l’objet d’un nantissement, les meubles incorporels (les droits selon la législation chinoise) doivent être des droits patrimoniaux aliénables. La LDR pose expressément ces deux exigences. Les droits extrapatrimoniaux, comme le droit de la personnalité et le droit au nom, ne peuvent pas être gagés car ils n’ont pas de valeur économique. Les droits inaliénables ne peuvent pas non plus faire l’objet d’un nantissement ; c’est le cas des droits inaliénables par nature (par exemple, le droit de succession, l’obligation alimentaire réciproque entre ascendants et descendants), des droits inaliénables convenus par les parties, des droits non saisissables (le droit à la pension de retraite, etc.) et des droits interdits de cession, de saisie ou de gage en vertu de lois spéciales, etc.. En effet, en cas de non-paiement de la créance garantie, la réalisation du nantissement aboutit éventuellement au transfert de la créance nantie. 192 Le Code civil français est tacite sur ces points. Il ne mentionne que les « meubles incorporels », mais il est tout logique que l'objet d'un nantissement soit un droit patrimonial et aliénable en droit français. 347. Le Code civil français n’énumère pas les droits susceptibles d’être nantis et n’unifie pas leurs régimes. Le chapitre consacré au nantissement de meubles incorporels ne précise pas ce que recouvre cette notion car il ne traite que du nantissement de créances. Les autres nantissements de meubles incorporels sont soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels (art. 2355, al. 4 et 5, C. civ.). Cette méthode législative est singulière, car les termes de « gage » et de «nantissement » touchent des assiettes bien différentes : l’assiette du gage est corporelle, celle du nantissement est incorporelle186. S’il n’existe aucun nantissement autre que le nantissement de créance et les nantissements réglés par lois spéciales, le renvoi posé à l’article 2355 n’apporte donc aucun sens. S’il existe d’autres nantissements autres que le nantissement de créance et les nantissements réglés par lois spéciales, et si le même régime du gage de droit commun s’y applique, il nous semble qu’il n’est pas nécessaire de distinguer les deux catégories indépendantes de sûretés mobilières dans le code. Il est plus logique et plus simple d’employer un seul terme, gage ou nantissement, pour couvrir le gage et le nantissement en droit positif. S’agissant du nantissement de créance et des nantissements spéciaux, il suffit de les traiter comme une application spéciale du droit commun. Cette approche ne posera aucun problème structurel et logique. De plus, elle s’adaptera mieux à la tendance à l’unité qui caractérise le développement des sûretés mobilières internationales. Instaurer plusieurs régimes de sûretés mobilières est sans aucun doute un point regrettable important de la réforme de 2006. 186 Marie-Élisabeth MATHIEU, Les nouvelles garanties de financement, EFE, 2007, p. 41. 193 348. Si cette situation en droit français relève plutôt d’un problème technique inhérent à la structure du Code civil, il s'agit en droit chinois d’un problème de fond. La LDR énumère avec précision sept catégories de droits susceptibles d’être nantis : lettre de change, chèque, billet à ordre ; titre de créance, livret d’épargne ; récépissé d’entrepôt, connaissement ; parts sociales ou parts de fonds aliénables ; droits patrimoniaux aliénables des propriétés intellectuelles ; effets à recevoir (ying shou zhang kuan/应收账款) ; droits patrimoniaux susceptibles être nantis prévus par les lois ou décrets spéciaux. Toutefois, cette loi ne compte que sept articles concernant le nantissement. Ces dispositions sont évidemment insuffisantes pour une sûreté d’une telle importance. C’est la raison pour laquelle son article 229 renvoie aux dispositions du gage de droit commun, «à part les dispositions de la présente section, le nantissement soumet également aux dispositions du gage situées dans la première section du chapitre ». Malheureusement, deux types de sûretés portant sur les assiettes de différentes natures soumettent au même régime, tout comme le droit français. Le pire, c’est que le droit chinois maintient la prohibition du pacte commissoire entravant la pratique du nantissement qui aboutit souvent au transfert de la propriété du bien grevé. 349. De par la diversité des solutions offertes, les systèmes des nantissements en droit français et en droit chinois sont l’un comme l’autre d’une rare complexité. Nous limiterons ici notre propos au nantissement de créance, qui constitue le nantissement le plus emblématique des meubles incorporels, au nantissement de compte d’instruments financiers et au nantissement de droits sociaux, lesquels existent aussi bien en droit français qu’en droit chinois. 194 Chapitre I – Le nantissement de créance Chapitre I – Le nantissement de créance 350. Le nantissement de créance est une sûreté assez complexe à deux égards : d’une part, la créance nantie est incorporelle et sa possession est un peu abstraite ; d’autre part, sa relation juridique est complexe car elle implique une opération entre trois personnes – le créancier, le créancier et le débiteur de la créance nantie. Il est à noter que le nantissement de créance recouvre une notion assez distincte en droit français et en droit chinois. Nous l’analyserons successivement par sa constitution et par ses effets. Section I – La constitution du nantissement de créance 351. Pour constituer un nantissement de créance, certaines conditions de forme et de fond sont à remplir. § I – Les conditions de fond 352. Est-ce que toute créance peut être donnée en garantie d’une créance ? Si la réponse est négative, quel genre de créance peut l’être? 353. Le Code civil ne précise aucune condition de fond pour l’assiette du nantissement. Toutefois, la créance nantie doit implicitement être patrimoniale et aliénable. Autrement dit, toute créance disponible peut être nantie en droit français. Il est possible notamment de donner en nantissement l’ensemble de la créance nantie ou une fraction de celle-ci, si elle est divisible. Cette faculté s’avère utile en matière de nantissement d’assurance-vie ou de police d’assurance ; l’article L. 132-10 du Code des assurances autorise un tel nantissement par renvoi exprès aux articles 2355 et suivants du Code civil187. La créance présente ou future peut être nantie à la seule condition d’assurer son individualisation. La créance future pouvant être l’assiette du nantissement est explicitement visée aux articles 2355, alinéa 1 et 2356, 187 Marie- Élisabeth Mathieu, op. cit., p. 57. 195 Chapitre I – Le nantissement de créance alinéa 3 du Code civil. Une créance future se définit comme une créance non encore née mais dont les éléments permettant de l’identifier et d’assurer sa naissance sont déterminés. La créance de prix d’un contrat de vente à terme est l’exemple par excellence d’une créance future. En effet, l’article 2356, alinéa 3 stipule que « ...si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance ». Les éléments d’identification ne sont pas impératifs, les parties sont libres de les déterminer. En pratique, il suffit que les créances puissent être identifiées de quelque manière que ce soit. Dans cette hypothèse, le créancier n’acquiert un droit sur la créance nantie qu’à la date de sa naissance (art. 2357, C. civ.). 354. En droit chinois, la créance donnée en nantissement doit être patrimoniale et aliénable. De plus, il faut distinguer les créances avec titre des créances sans titre. Quant au nantissement de créance avec titre, il est soumis, à défaut de dispositions spéciales, au régime du gage de droit commun. Quant au nantissement de créance sans titre, la situation est beaucoup plus compliquée. Afin de satisfaire les besoins des petites et moyennes entreprises et de permettre l’épanouissement des activités bancaires de crédit, la LDR a instauré un régime particulier du gage des effets à recevoir, suite aux demandes pressantes des quatre banques commerciales d’État et de la banque centrale. Issu de la comptabilité, le terme d’« effets à recevoir » est consacré par la LDR. Mais les dispositions concernant ce gage sont trop simples : le gage ne prend effet qu’une fois l’inscription faite auprès de l’organe de notation du crédit188, le constituant ne peut transférer ses effets à recevoir après l’inscription, sauf clause contraire (art. 228, LDR). L’article 4 des « Mesures d’inscription du 188 Il s’agit en effet du « centre d’administration de la notation du crédit » de la banque centrale de Chine. 196 Chapitre I – Le nantissement de créance gage des effets à recevoir » (promulguées le 30 septembre 2007 par la Banque populaire de Chine) en donne la définition, stipulant que les effets à recevoir désignent les droits à paiement, présents ou futurs, du créancier en fournissant des marchandises, des services ou des équipements. Selon le texte, ils comprennent : les créances résultant de la vente, telles que les créances de vente de marchandises, de fourniture d’eau, d’électricité, de gaz, de chauffage et d’autorisation de propriété intellectuelle, etc. ; les créances résultant de la location mobilière ou immobilière ; les créances résultant de la fourniture de services ; les péages de route, de pont, de tunnel, d’embarcadère etc. ; les créances résultant de prêts ou d’autres crédits. En revanche, ils ne comprennent pas en principe les créances portant sur les effets de commerce ou les autres titres de valeur mobilière, lesquelles sont considérées comme des créances normales. Le terme d’« effets à recevoir » est ainsi un terme assez ouvert, à tel point que nous pouvons nous demander s’il existe des créances sans titre autres que les effets à recevoir au sens de la LDR. Selon le principe du numerus clausus, seuls les effets à recevoir peuvent faire l’objet du nantissement de la créance normale en droit positif chinois, sans préjudice de l’existence ou non de créances normales autres que les effets à recevoir. § II– Les conditions de forme 355. Il y a deux conditions de forme : l'une est l’écrit qui constate la convention du nantissement, l'autre est la publicité du nantissement. A. La seule formalité ad validitatem en droit français 356. Quant aux conditions de forme, la réforme de 2006 a introduit une simplification à deux égards. 357. D’une part, l’acte authentique ou enregistré qui était requis avant 2006 est remplacé par un acte sous seing privé ou authentique. Sur ce point, le législateur a abandonné la formalité impérative et laisse une plus grande place à l’autonomie de la volonté des parties : c’est à elles qu’il revient 197 Chapitre I – Le nantissement de créance de choisir la forme de l’écrit. L’écrit demeure une condition ad validitatem d’un nantissement de créance, qu’il porte sur la totalité ou une fraction de la créance déterminé ou indéterminé : « à peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit » (art. 2356, al. 1er, C. civ.). L’acte doit contenir la désignation de la créance garantie et de la créance nantie (art. 2356, al. 2, C. civ.). Si la créance est future, il doit contenir les éléments qui permettent de la rendre individualisable : le débiteur, le montant de la créance ou son évaluation, la date d’échéance ou bien la cause efficiente de la créance, etc. Dès que cette seule formalité est remplie, le nantissement prend effet entre les parties. Si le nantissement porte sur un objet particulier, tel qu'un compte courant, l’article 2360 du Code civil le qualifie comme le nantissement du solde du compte. L'objet visé est le « ... solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution ». Compte tenu de l’incertitude de l’assiette du nantissement, le solde créditeur demeure éventuel tant que la sûreté n’est pas réalisée et la créance nantie est susceptible de fluctuation ; l’intérêt de ce type de nantissement est ainsi fortement limité dans la pratique189. 358. D’autre part, la dépossession n’est plus une condition de validité du nantissement. Auparavant, le nantissement de créance était assimilé au gage de droit commun, où la mise en possession de la créance nantie était une autre condition de validité. La signification du nantissement au créancier (pour les créances sans titre) ou la remise du titre de créance (pour les créances avec titre) étaient les modalités principales de dépossession. Désormais, tout nantissement de créance, présente ou future, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date de l’acte du nantissement sans que cette opposabilité ne soit 189 Ibid., p. 61. 198 Chapitre I – Le nantissement de créance soumise à une quelconque formalité190. Il est intéressant de noter la réserve selon laquelle « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l'acte. À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance » (art. 2362, C. civ.). Avant la notification, seul le créancier de la créance nantie (le constituant du nantissement) reçoit valablement paiement ; après la notification, « seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts » ( art. 2363, C. civ.). L’exigence stricte de signification du nantissement à peine de nullité est donc remplacée par une simple notification qui rend le nantissement opposable au débiteur de la créance nantie. La remise du titre résultant d’une jurisprudence traditionnelle 191 avait été cependant écartée par un arrêt lorsqu’elle était impossible192. La réforme de 2006 consacre cette évolution jurisprudentielle en abondant totalement dans le sens de l’exigence d’une remise du titre et réalise ainsi une simplification du nantissement193. B. Les doubles formalités ad validitatem en droit chinois 190 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 235. 191 Cass. Req., 11 juin 1846, DP, 46. I. 252 : « le contrat de nantissement, même lorsqu’il a pour objet une créance, n’est parfait que par la remise de la chose faite par le débiteur à une époque où il a capacité pour en disposer ; la signification ne peut suppléer à la remise du titre ». 192 Cass. Civ. 1re, 10 mai 1983, sté Suisse d’assurances Winterturh, Bull. civ. I, no 141 ; D., 84.433, no Légier ; Defrénois 83, art. 33161, p. 1394, n. Piédelièvre ; D., 84, IR, 82, n. Vasseur. En l’espèce, les juges relèvent que la remise du titre était impossible parce que, d’une part, la dette n’était pas liquide (ce qui n’aurait pourtant pas empêché le créancier d’avoir un titre) et que, d’autre part, la mise en gage ne portait que sur une partie de la créance (cette fois, il y a, non pas vraiment impossibilité mais de graves inconvénients à obliger le cédant à se priver du titre dont il peut avoir besoin pour se faire payer la fraction de la créance qui n’a pas été cédée) : « si le privilège ne subsiste sur la chose donnée en gage qu’autant que celle-ci a été mise et est restée en possession du créancier conformément à l’article 2076, cette mise en possession est suffisamment réalisée au cas où le gage porte sur une créance et où la tradition est matériellement impossible par la signification au débiteur de la créance donnée en gage prévue par l’article 1690 ». Le revirement par rapport à l’arrêt de 1846 est clair. 193 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 236. 199 Chapitre I – Le nantissement de créance 359. En droit chinois, la situation actuelle est similaire à celle qui prévalait en droit français avant la réforme. La forme écrite et la dépossession sont les deux conditions de validité du nantissement. 360. L’écrit est toujours une condition ad validitatem d’un nantissement de créance. Cette exigence est tout à fait comparable à celle en vigueur en France. L’acte doit contenir la désignation de la créance garantie et de la créance nantie ou, si la créance est future, les éléments permettant de la rendre individualisable. 361. Néanmoins, le nantissement de créance en droit chinois est assimilé au gage de droit commun. Le législateur chinois employant le terme de « gage de droits » pour désigner le nantissement de meubles incorporels, la remise de la créance nantie au créancier est donc une autre condition de validité. Concrètement, il faut distinguer les créances avec titre de celles sans titre. Si la créance est avec titre (par exemple, lettre de change, chèque ou billet à ordre), le gage de droits ne prend effet qu’à la remise matérielle du titre de la créance (art. 224, LDR). La dépossession constitue à la fois une condition de validité et d’opposabilité aux tiers. Par exception, si le titre de créance est à ordre, c’est-à-dire que seul le créancier ou porteur indiqué sur le titre peut exercer son droit de créance ou en jouir, le gagiste doit endosser le titre, indiquant le fait du gage, avant de le remettre au créancier gagiste. Si la créance est sans titre, soit une créance normale, il n’existe aucune disposition qui la vise directement. La législation chinoise n’a pas reconnu expressément, au sens général, le nantissement de créance comme c’est le cas en droit français. Cette situation suscite une vive controverse. Certains auteurs considèrent que l’objet du nantissement consacré par la loi ne comprend pas la créance normale, telles que l’obligation du contrat, l’obligation de l’enrichissement sans cause, etc. La doctrine majoritaire, toutefois, penche pour 200 Chapitre I – Le nantissement de créance l’affirmation du gage de créance normale194. Dans cette hypothèse, la remise matérielle du titre est remplacée par la notification au débiteur de la créance nantie. Cette notification vaut la dépossession de la créance nantie. Après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts. Sans autorisation du créancier, le débiteur de la créance nantie ne peut régler sa dette au constituant qui est créancier de la dette nantie. La notification au débiteur de la créance nantie est alors une condition ad validitatem. Il nous semble alors que le régime du nantissement de la créance est clair, au moins sur le plan doctrinal. Cependant, Nous nous demandons si la notification au débiteur de la créance nantie constitue une condition de validité ou, au moins une condition qui lui serait opposable. Selon l’article 228 de la LDR qui stipule que « ...le nantissement des effets à recevoir est valablement constitué dès qu’il remplit la condition de la forme écrite et de l’inscription ...», il est logique de considérer que la notification constitue plutôt une condition d’opposabilité au débiteur de la créance nantie. Le nantissement des effets à recevoir est valablement constitué dès lors qu’il remplit la condition de la forme écrite et de l’inscription. Section II – Les effets du nantissement de créance § I – En droit français 362. Avant la réforme de 2006, il n’existait qu’un seul article consacré aux effets du nantissement de créances, qui ne portait que sur les intérêts de la créance nantie. Il ne disait rien du capital de la créance nantie sur lequel le créancier garanti peut exercer son droit de nantissement. C’était donc le droit 194 WANG Liming, Titre consacré aux droits réels de l’avant-projet et les raisons législatives du Code civil chinois, Édition du droit, 2005, p. 509-511 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 360 ; FEI Anling, Études comparées du droit des sûretés, Éd. de l’Université de droit et de sciences politiques de Chine, 2004, p. 311. 201 Chapitre I – Le nantissement de créance commun du gage qui s’appliquait, bien qu’il fût inadéquat en la matière. Cependant, ce règlement posait deux difficultés majeures. La première avait trait aux modalités de la réalisation du nantissement. En théorie, ni la vente aux enchères, ni l’attribution judiciaire après estimation par des experts n’avaient de sens pour une créance. Il ne restait ainsi qu’une seule modalité de réalisation du nantissement, à savoir l’obtention du paiement direct de la créance nantie. Cette pratique était consacrée par une jurisprudence195. Cette modalité se heurtait peut-être au principe de prohibition du pacte commissoire. Certains auteurs prétendaient qu’il n’en était rien lorsque la créance avait pour objet une somme d’argent car la valeur du nantissement sautait aux yeux, qu’il suffisait que le créancier garanti reçût un mandat ou une délégation pour le paiement ; cela ne constituait pas un pacte commissoire196. Cependant, cette solution comportait une faiblesse importante : le mandat était caduc en cas de faillite du mandant (constituant du nantissement), dans l’hypothèse où le créancier garanti avait besoin de plus d’exercer son droit de mandat. En outre, le créancier garanti pouvait être primé par d’autres créanciers titulaires d’une action directe contre le débiteur de la créance nantie. La seconde difficulté concernait la discordance entre la créance nantie et la créance garantie : « si la créance nantie venait à échéance avant la créance garantie, aucun des deux créanciers ne pouvait recevoir seul le paiement -- ni le constituant, car il n’était pas en possession de la créance, ni le créancier nanti, car son droit n’était pas exigible – ils devaient le recevoir ensemble, à moins que le débiteur de la créance nantie ne se libérât en faisant consigner le paiement »197. Certains auteurs préconisent que le nantissement de créance dans 195 Cass. Com., 5 mars 1985, Bull. civ. IV, no 86, p. 75 ; 28 av. 1987, Bull. civ. IV, no 96, p. 73 ; D. 1988, somm. p.73, obs. F. DERRIDA ; 19, janv. 1988, Bull. civ. IV, no 43, p. 30. 196 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 239. 197 Ibid., p. 240. 202 Chapitre I – Le nantissement de créance un tel cas se transformait en un nantissement de compte car le créancier bénéficiaire avait en principe le devoir de consigner sur un compte productif d’intérêts ; alors que certains autres n’est pas d’accord198. 363. Heureusement, l’ordonnance du 23 mars 2006 innove et pallie ces faiblesses en affirmant que le créancier bénéficiaire du nantissement peut seul recevoir valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en intérêts. Cependant, la créance nantie n’est pas toujours à échéance à la même date que la créance garantie. À cet égard, l’ordonnance apporte des solutions claires. A. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance avant la créance garantie 364. Dans cette hypothèse, la créance nantie devient exigible, alors même que la créance garantie ne l’est pas encore. Le créancier ayant effectué la notification au débiteur de la créance nantie peut poursuivre l’exécution. Cependant, le créancier de la créance nantie (constituant du nantissement) peut aussi poursuive l’exécution. Les deux peuvent donc agir en paiement contre le débiteur à condition, chacun, de prévenir l’autre créancier de son action. Mais, quel que soit l’auteur de l’action, « seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts » (art. 2363, C. civ.). L’article 2364 alinéa 1 précise que « les sommes payées au titre de la créance nantie s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est échue ». Ce paiement s’impute donc sur la créance nantie et sur la créance garantie. Dans le cas contraire, l’alinéa 2 stipule, à l'égard des fonds perçus, que « le créancier nanti les conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si 198 Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 2002, no437 ; Contra, Cl. BRENNER, L’acte conservatoire, Bibl. de droit privé, t. 323, LGDJ, 1999, no 745, et invoquant la protection de droits concurrents éventuels, M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, Litec, 2002, no 687. 203 Chapitre I – Le nantissement de créance l'obligation garantie est exécutée ». Mieux encore, le créancier garanti affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées, en cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet. 365. Dans une telle hypothèse, le créancier garanti peut ainsi exiger le paiement de la créance nantie, et le consigner sur un compte séquestre pour protéger les intérêts du constituant du nantissement. Le propriétaire des sommes ainsi consignées est le constituant. Le créancier de la créance garantie ne peut pas percevoir ses intérêts. Le nantissement se transforme donc en un gage-espèces jusqu’à l’échéance de la créance garantie, à charge de restituer les espèces grevées au constituant. B. L’hypothèse d’une créance nantie venant à échéance après la créance garantie 366. Cette hypothèse suppose que le constituant tombe en faillite, sinon il n’a pas besoin de réaliser le nantissement. La législation offre alors plusieurs possibilités au créancier garanti. En premier lieu, invoquant l’article 2365 du Code civil, le créancier bénéficiaire du nantissement peut demander directement l’attribution judiciaire de la créance nantie ou invoquer le bénéfice du pacte commissoire éventuellement convenu dans l’acte constitutif du nantissement, sans attendre l’échéance de la créance nantie. L’attribution peut donc être judiciaire ou conventionnelle. Dans ce cas-là, l’estimation faite par expertise de la valeur de la créance nantie n’est pas exigée car elle n’a pas de sens. Le créancier de la créance nantie en devient alors le titulaire. Il peut donc se faire payer directement par le débiteur de la créance nantie. Certes, en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du constituant, en application de l’article L. 622-7 du Code de commerce, le pacte commissoire ne fonctionne pas. Toutefois, cette gêne n’est que temporaire pour le créancier bénéficiaire du 204 Chapitre I – Le nantissement de créance nantissement car il a une seconde possibilité de réaliser son droit. En cas de liquidation du constituant, rien n’empêche le créancier bénéficiaire de demander l’attribution de la créance nantie. En second lieu, il peut bien sûr attendre l’échéance de la créance nantie pour agir en paiement contre son débiteur. Il n’y a pas grand risque pour le créancier s’il a notifié le débiteur car lui seul peut recevoir le paiement après la notification. La notification prive en effet le créancier de la créance nantie (constituant du nantissement) du droit de percevoir le paiement. Elle constitue alors un pouvoir de blocage et une forme du droit de rétention. 367. Cependant, le nantissement ne confère au créancier de la créance garantie qu’un droit réel sur celle-ci. En principe, aucun droit personnel direct ne le lie au débiteur de la créance nantie. Le paiement direct par le débiteur de la créance nantie résulte de l’effet du droit réel de préférence du nantissement. Pour créer un droit personnel direct, certains contrats fixent la délégation du débiteur de la créance nantie agissant comme délégué, au créancier de la créance garantie agissant comme délégataire. C’est pour cela que l’acte de nantissement d’une police d’assurance-vie peut prévoir que l’assureur-délégué paiera le créancier nanti délégataire199. 368. Un autre problème se posera si le créancier bénéficiaire du nantissement ayant perçu le paiement peut le conserver quand un créancier d’un rang préférable se manifeste et lui demande la restitution de cette somme. C’est un problème difficile à résoudre. En principe, le créancier peut opposer une exception de compensation entre sa dette de restitution du paiement perçu et le montant de la créance garantie dû encore par le constituant. En effet, le créancier d’un rang préférable n’a plus de droit sur la créance nantie déjà payée puisque son débiteur (ici le constituant du nantissement) n’en avait pas 199 Marc MIGNOT, op. cit., p. 352. 205 Chapitre I – Le nantissement de créance lui-même et puisqu’une telle exception de compensation aurait été opposable au constituant, elle l’est nécessairement aussi à ce créancier. La Cour de cassation a suivi ce raisonnement dans le cas du conflit opposant une banque bénéficiant d’une cession Dailly et une autre banque réceptionnaire du paiement de la créance cédée, donnant gain de cause à la seconde. Un tel raisonnement suppose bien que la réception du paiement a une cause opposable à celui qui agit en restitution ; si tel n’est pas le cas, la restitution du paiement doit avoir lieu et la jurisprudence en donne une autre illustration : dans le conflit opposant, d’une part, une banque bénéficiant d’une cession Dailly et ayant reçu le paiement de la créance cédée et, d’autre part, un sous-traitant, gain de cause a été donné au second au motif que, en application de l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, la cession Dailly est inopposable au sous-traitant200. 369. En outre, quelle que soit l’hypothèse, en application du principe selon lequel la réalisation d’une sûreté ne peut jamais apporter au créancier une satisfaction plus grande que la valeur de sa créance garantie, « s'il a été payé au créancier nanti une somme supérieure à la dette garantie, celui-ci doit la différence au constituant » (art. 2366, C. civ.). § II – En droit chinois 370. Le régime du nantissement de créance de droit commun en France est ainsi nettement amélioré par la réforme du droit des sûretés de 2006, alors qu’en droit chinois subsistent les deux difficultés susmentionnées. Comme nous l’avons vu, le nantissement de créance avec titre ne pose guère de problème. En revanche, le nantissement des effets à recevoir (soit des créances sans titres) est difficile. Dans la mesure où la LDR ne consacre qu’un seul article à ce nantissement, son régime renvoie en principe à celui du gage de droit commun. 200 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 241. 206 Chapitre I – Le nantissement de créance Ainsi, les problèmes qui existaient en droit français sous l’empire du droit avant la réforme de 2006 apparaissent au grand jour en droit chinois. 371. D’une part, les modalités de réalisation du gage de droit commun ne sont pas parfaitement adaptables au nantissement de créance. En particulier, la vente aux enchères et la vente amiable n’ont pas de sens en matière de créance. Il ne reste qu’une seule modalité – l’attribution conventionnelle de la propriété de la chose grevée à travers la compensation sur estimation des parties lorsque le gage est à échéance. L’estimation n’a guère de sens ici, car la créance nantie est en principe pécuniaire. Nous considérons que cette modalité peut s’appliquer parce que le créancier peut devenir le « propriétaire » (ici plutôt le « titulaire », non au sens strict du droit des biens) de la créance nantie et ainsi se substituer au constituant pour agir en paiement contre le débiteur de la créance nantie. Le nantissement impliquerait alors nécessairement le transfert de la propriété, lequel se heurte toutefois au principe de la prohibition du pacte commissoire, toujours maintenu en droit chinois. Les trois modalités de réalisation du gage de droit commun sont alors impraticables dans le nantissement de créance. La doctrine propose que seul le créancier de la créance garantie puisse valablement recevoir le paiement de la créance nantie, après la constitution valable du nantissement et la notification au débiteur. Cette modalité n’est cependant pas encore admise par la loi et n’existe qu’en doctrine. Elle n’est pas applicable en pratique. 372. D’autre part, la créance garantie et la créance nantie n’arrivent pas toujours à échéance en même temps. Si l’échéance de la créance nantie est antérieure ou postérieure, comment réaliser le nantissement ? Ni la LDR ni les autres textes législatifs ne donnent de réponse. Ce problème rend le nantissement de créance impraticable en pratique. Le législateur et les chercheurs chinois peuvent ainsi s’inspirent du droit français pour combler le plus vite possible cette lacune législative. 207 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers 373. Nous envisagerons successivement les conditions de la constitution du nantissement de compte d’instruments financiers et leurs effets en droit français et en droit chinois. Section I – La constitution du nantissement § I – Les conditions de fond 374. En France, les « instruments financiers » sont une catégorie juridique créée par la loi du 2 juillet 1996, aujourd’hui intégrée au Code monétaire et financier. La loi n’admet la constitution du nantissement que sur certains instruments financiers : des valeurs mobilières (actions, obligations), les parts ou actions d’organismes de placement collectifs et les instruments financiers à terme. Aujourd’hui, la plupart sont dématérialisés mais inscrits sur un compte ouvert au nom de leurs titulaires et tenu par un tiers : une personne morale émettrice, un intermédiaire habilité ou un dépositaire central. Le nantissement d’instruments financiers semble porter sur un compte. En outre, l’objet du nantissement peut être considéré comme une universalité de fait constituée par le compte, un bien distinct des objets qui le composent. Le nantissement ne porte pas sur le compte lui-même, qui est un simple portefeuille, mais sur tel instrument figurant au compte au moment de la constitution. Cela permet une gestion dynamique de l’assiette initialement figurée au compte pendant la durée du nantissement, par le jeu de la subrogation réelle, de l’accessoire, de l’accession... Telle est la position de l’ordonnance du 24 février 2005 qui ajoute une phrase à l’article L. 431-1 du CMF affirmant que « les instruments financiers et les sommes en toute monnaie postérieurement inscrits au crédit du compte gagé, en garantie de la créance initiale du créancier gagiste, sont soumis aux mêmes conditions que ceux y figurant initialement et sont considérés comme ayant été remis à la date de déclaration de gage initiale ». L'objet du nantissement comprend donc les instruments financiers y figurant initialement, 208 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers ceux qui y sont substitués par subrogation réelle, ainsi que ceux qui les complètent par clause d’arrosage. Il comprend également les fruits et produits de ces instruments financiers. Ces dispositions expliquent l’attrait de ce type de nantissement dans la pratique du crédit. 375. En droit chinois, en revanche, aucune loi ne définit expressément les « instruments financiers ». Se référant aux Normes comptables internationales No 32 (IAS 32), certains auteurs les définissent comme des contrats « qui constituent des actifs financiers dans une entreprise et à la fois, des passifs financiers dans une autre entreprise »201. Il s’agit alors d’un terme comptable au sens très large. En effet, grâce à la mondialisation économique, les régimes des instruments financiers dans les différents pays sont plus ou moins proches. En matière de ce genre de nantissement, le régime chinois est proche de celui du droit français. Seuls certains instruments financiers peuvent faire l’objet d’un nantissement : des valeurs mobilières (actions, obligations), les parts ou actions d’organismes de placement collectifs et leurs produits dérivés. Récemment ils sont pour l'essentiel dématérialisés sur un compte ouvert au nom de leurs titulaires et tenu par un tiers : une personne morale émettrice, un intermédiaire habilité ou un dépositaire central. Le nantissement d’instruments financiers semble ainsi porter sur le compte. Or, ce n’est pas sur le compte proprement dit, mais sur les valeurs qui y figurent au moment de la constitution. La gestion courante des biens initialement inscrits au compte se poursuit pendant la durée du nantissement. Outre les instruments financiers y figurant initialement, l’assiette du nantissement s’étend à ceux qui leur sont substitués par subrogation réelle, ceux qui les complètent par clause d’arrosage, ainsi que leurs fruits et produits. 201 HUANG Huoping, Des instruments financiers, http://www.chinapostnews.com.cn /1070/10700706.htm. 209 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers 376. Cependant, la loi française, pas plus que la loi chinoise, ne prévoit expressément la créance garantie. Ce sont donc les règles du droit commun des sûretés réelles qui s’appliquent. § II – Les conditions de forme 377. Comme toute sûreté réelle, le contrat du nantissement doit être conclu sous forme écrite entre le constituant et le gagiste, en précisant les éléments essentiels de la convention et les règles de fonctionnement du compte pendant la durée de la garantie. C’est la même exigence dans les deux systèmes juridiques. 378. Cependant, en droit français, le nantissement n’est valablement constitué, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers, que par une déclaration signée par le titulaire du compte à l'établissement teneur du compte. Cette déclaration est maintenant une condition de validité du nantissement (art. L. 431-1 et L. 431-4, CMF). La constitution du nantissement ne peut donc résulter que de la déclaration adressée au teneur du compte (en respectant les conditions de forme énoncées par l’article 1er du décret du 21 mai 1997), mais non de la dépossession des instruments financiers au profit du créancier, qui était antérieurement acceptée par la Cour de cassation dans la mesure où la déclaration ne constituait pas une condition de validité de gage202. Donc, le nantissement de compte d'instruments financiers ne prend effet qu'à compter de la date de réception de la déclaration par le teneur du compte. S’agissant du contenu de la déclaration, celle-ci doit comporter certaines mentions obligatoires fixées par décret203: la dénomination « déclaration de 202 Cass. Com., 7 mars 1995, Bull. civ. IV, no 73, Defrénois 95, art. 36091, no 2, n. Hovasse ; sous l’empire de l’article 29 dans sa version initiale, les formalités n’étaient pas des conditions de validité du contrat de nantissement ; seul importe le fait que des valeurs mobilières aient été « entiercées » ; Contra : Dominique LEGEAIS, op. cit., no 22. 203 Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 2008, p. 392. 210 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers gage de comptes d'instrument financiers » ; les mentions stipulant que la déclaration est soumise aux dispositions de l'article L. 431-4 du Code monétaire et financier ; le nom ou la dénomination sociale, ainsi que l'adresse du constituant et du créancier gagiste ; le montant de la créance garantie ou, à défaut, les éléments permettant d'assurer l'identification de cette créance ; les éléments permettant l'identification du compte spécial ; la nature et le nombre des instruments financiers inscrits initialement au compte gagé. Le constituant du nantissement, ainsi que le créancier nanti, peuvent obtenir, sur simple demande de leur part, une attestation du teneur de compte leur indiquant l’inventaire des instruments financiers et les sommes en toute monnaie inscrits dans le compte nanti à la date de délivrance de cette attestation. En énonçant que « le créancier gagiste définit avec le titulaire du compte les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des instruments financiers et des sommes en toute monnaie figurant dans le compte gagé » (art. L. 431-4 IV, CMF), le CMF confirme que la déclaration ne réalise pas la dépossession de l’assiette du nantissement du constituant, lequel reste en possession du bien nanti. Il peut donc gérer son compte nanti, ou en disposer, par exemple constituer plusieurs nantissements successifs. 379. À la différence de l’exigence de signification en droit français, la loi chinoise exige que le nantissement soit inscrit auprès d’organes chargés de l’inscription si les instruments nantis sont dématérialisés ; s’il existe encore des titres matériels, la loi requiert la dépossession des titres du constituant (art. 224 et 226, LDR). L’inscription ou la dépossession est une condition de validité de la constitution du nantissement. La dépossession des titres se réalise par la remise entre les mains du créancier garanti et ne suscite aucun problème. En revanche, l’inscription du nantissement se heurte à des difficultés car la loi n’unifie ni le procédé ni le contenu de l’inscription. Seuls deux règlements traitent des nantissements des actions (y compris les parts des fonds de 211 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers placement en valeurs mobilières) cotées à la Bourse des valeurs de Shanghai et à celle de Shenzhen204. 380. Il existe aussi un texte normatif sur le nantissement des obligations : La lettre De la promulgation de la procédure des opérations du nantissement des obligations205. Cependant, ses articles traitent tous du nantissement des instruments financiers détenus par les établissements financiers. En pratique et en doctrine, les instruments financiers détenus par des individus n’attirent guère l’attention des praticiens et des juristes ; or, aux termes des articles 223, 224 et 226 de la LDR, rien ne s’oppose à leur nantissement. Les obstacles sont plutôt d’ordre pratique, en raison de l’extrême déstabilisation des valeurs de ce type de bien (notamment le fait que les marchés chinois des actions soient relativement défectibles par rapport aux pays où l’économie de marché est relativement développée et, contreviennent souvent aux lois économiques fondamentales). 381. Par conséquent, le nantissement des instruments financiers en droit chinois est plutôt restrictif et inefficace comparé au système établi par le droit français. Il sera nécessaire de combler cette lacune, pour ne pas dire de révolutionner tout le système. Section II – Les effets du nantissement 382. Les instruments financiers sont des produits artificiels géniaux et complexes. Leur nantissement implique au moins trois parties : le créancier garanti, le constituant et la société émettrice ou un intermédiaire financier. Les 204 V. Les guides des opérations d’inscription du nantissement des actions détenues par les sociétés de portefeuille rendus par la succursale à Shenzhen de la société à responsabilité limitée (SARL) chargée des inscriptions et des règlements des valeurs mobilières et les Règlements détaillés d’application d’inscription du nantissement des actions rendus par la Bourse des valeurs à Shanghai. 205 La lettre De la promulgation de la procédure des opérations du nantissement des obligations est promulguée par la SARL chargée des inscriptions et des règlements des obligations nationales. 212 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers effets varient selon que l’on se situe avant ou après l’échéance de la créance garantie. § I – Effets du nantissement avant l’exigibilité de la créance garantie 383. En premier lieu, pendant la période qui suit la constitution du nantissement et avant l’échéance de la créance garantie, les valeurs des instruments financiers varient toujours selon le cours du marché. Il est donc très important, non seulement pour le constituant lui-même, mais aussi dans l’intérêt du créancier nanti, de permettre au titulaire de gérer quotidiennement son compte. Dans cette optique, le droit français reconnaît le droit de gestion au constituant. Par exemple, si les cours des marchés boursiers ou des instruments financiers à terme sont en baisse, le titulaire peut vendre immédiatement afin d’éviter l’accroissement de la perte. Ce mécanisme, ajouté au fait que le nantissement est constitué par la seule déclaration signée par le constituant, rend concevable la constitution de plusieurs nantissements successifs206. Sur ce point, le droit chinois est trop rigoureux et archaïque car il interdit au constituant de céder les biens nantis, sauf consentement préalable du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR), alors que les marchés boursiers varient et réagissent aujourd'hui en un clin d’œil. L’exigence du consentement préalable augmente le délai de transaction et donc les risques de perte. Cette rigidité s’explique par le fait que les juristes chinois ne réalisent pas très bien que le nantissement ne porte pas directement sur les instruments eux-mêmes mais sur le compte, qui est considéré comme une universalité de fait en droit français207. 206 G. FERREIRA, Le nantissement de second rang, JCP E 2005, 80. 207 D. R. MARTIN, Du gage d’actifs scripturaux, D. 1996, Chron. no 12, p. 265 ; F. ZENATI, L’immatériel et les choses, APD 1999, t. 43, p. 94 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 580. 213 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers De toute façon, après la constitution du nantissement, le constituant en droit chinois ne peut ni aliéner librement les instruments nantis, ni les affecter pour garantir une autre créance. S’il les aliène avec le consentement du créancier garanti avant l’échéance de la créance, il doit consigner le prix acquis ou procéder à l’acquittement anticipé de sa dette (art. 226, al. 2, LDR). 384. En deuxième lieu, le contenu du contrat du nantissement est relativement libre. La convention initiale conclue entre les parties peut préciser les règles de fonctionnement du compte et les pouvoirs respectifs des parties208. Dans la pratique du crédit français, les parties conviennent souvent d’une obligation pour le constituant de reconstituer la valeur de la garantie dès lors qu'elle atteint un plancher fixé par les parties. Alors qu’en droit chinois, elles accordent souvent au créancier garanti le droit de solder les actions ou d’autres instruments financiers à terme figurant sur le compte si l’abaissement de leur valeur atteint le seuil fixé par les parties. 385. En troisième lieu, au cours du nantissement, le créancier bénéficie des droits patrimoniaux des instruments mais ne peut exercer les droits personnels qui s’y rattachent. En tant que titulaire des instruments, le constituant exerce, sauf convention contraire, les droits de vote et les droits pécuniaires les concernant. Les droits français et chinois adoptent ici la même solution. § II– Effets du nantissement à l’échéance de la créance garantie 386. À l’échéance de la créance garantie, le créancier garanti peut exercer ses droits attachés au nantissement, lesquels apparaissent à l'énoncé des règles relatives aux droits conférés au créancier gagiste. Afin de renforcer les avantages de cette garantie, le législateur a instauré un régime relativement souple qui facilite l’exercice des prérogatives reconnues au créancier. 208 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 393. 214 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers 387. Tout d’abord, le créancier garanti en droit français bénéficie du droit de rétention sur le compte nanti, qui peut s’exercer aussi bien sur les instruments financiers nantis que sur la somme en toute monnaie figurant au compte nanti, comme la loi le reconnaît expressément (art. L. 431-4 IV, CMF). Cette disposition est le corollaire de l’universalité de fait qui qualifie le compte nanti. Selon certains auteurs, une telle reconnaissance du droit de rétention était une condition du succès de ce type de sûreté, mais elle n'allait pas de soi dès lors que l'on considérait que le nantissement avait pour assiette des biens dématérialisés 209 ; d’autres, à l’inverse, analysent que la reconnaissance se fonde sur la nature corporelle des instruments nantis210. En droit chinois, le droit de rétention ne peut s’exercer que sur des meubles (art. 230, LDR) et la notion de meuble ne comprend pas les droits qui sont des biens incorporels. Le créancier du nantissement ne bénéficie donc pas du droit de rétention. Dans ce cas, afin de protéger les intérêts du créancier garanti, la loi interdit au constituant d’aliéner les instruments nantis. Cette interdiction est toutefois difficile à mettre en pratique car l’inscription du nantissement n'équivaut pas au blocage du compte, le constituant peut aussi gérer son compte ; pour ces raisons, le nantissement des instruments financiers détenus par des individus est presque impraticable en droit chinois. 388. Par ailleurs, le créancier garanti bénéficie du droit de préférence sur la valeur des instruments financiers nantis. En effet, cette valeur est facilement réalisable puisqu’il existe des procédures particulières de mise en vente des instruments financiers nantis. Grâce à l’organisation des marchés boursiers et au fait que la majorité des instruments financiers sont cotés en bourse, la loi française confère au constituant la possibilité de les vendre directement, sans 209 Ibid., p. 394. 210 D. R. MARTIN, op. cit., p. 265. 215 Chapitre II – Le nantissement de compte d’instruments financiers avoir besoin de l’autorisation judiciaire ou de celle du créancier211. Ce dernier exerce son droit de préférence sur la valeur figurant sur le compte, grâce à la qualification de l’universalité du compte nanti. En droit chinois, l’exercice de ce droit rencontre des problèmes : les instruments financiers nantis restant sur le compte du constituant, le créancier ne peut les vendre lui-même directement sans le concours du constituant et, qu’il ne peut donc que faire une demande en justice, dont le traitement prend du temps. 389. Enfin, en droit français, le créancier garanti peut se faire attribuer les instruments financiers nantis jusqu’à concurrence du montant de sa créance. Par rapport au droit commun du gage, l'attribution est largement facilitée. Le problème de l’estimation des biens nantis et le risque de fraude disparaissent dès lors que les instruments financiers sont cotés en bourse. En droit chinois, en revanche, il manque là encore des règles pour assurer le fonctionnement de ce mécanisme. 211 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 394. 216 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux 390. Les droits sociaux sont des droits personnels et patrimoniaux conférés au profit de chaque associé contre la société. Ils se matérialisent soit dans une part sociale seulement cessible, soit dans une action négociable plus ou moins librement. Ils sont maintenant susceptibles d’être l’objet d’un nantissement tant en France qu’en Chine. Quant à la technique législative, les législateurs français et chinois emploient, aux termes respectifs de l’article 2355, alinéa 5 du Code civil et de l’article 229 de la LDR, la même méthode de renvoi au droit commun du gage de meubles corporels s’il n’existe pas de dispositions spéciales. Néanmoins, il convient d’établir une distinction entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux puisque les règles qui s'appliquent sont bien différentes. Section I – Le nantissement des droits dans les sociétés présentant un caractère intuitu personae § I – En droit français 391. Selon l’article 1866 du Code civil, les parts sociales de sociétés civiles peuvent faire l’objet d’un nantissement. Ce dernier est constaté par un écrit authentique ou sous seing privé qui doit être signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique. La signification peut être considérée comme une forme de dépossession212. Aucune remise du titre n’est exigée. En revanche, la publicité 213 est requise pour son opposabilité, dont la date détermine le rang des créanciers nantis. Quant à la réalisation du nantissement par attribution en paiement ou vente forcée, il faut distinguer deux cas, selon que le nantissement a été préalablement autorisé ou non par les associés autres que l’associé constituant. Dans le premier cas, l’autorisation préalable 212 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 578. 213 Cette publicité exige que le nantissement soit inscrit sur un fichier tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l’immatriculation de la société dont les parts sont nanties. 217 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux « emporte agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts sociales à la condition que cette réalisation soit notifiée un mois avant la vente aux associés et à la société » (art. 1867, C. civ.). Pour éviter l’irruption d’un associé étranger dans la société, celle-ci peut racheter les parts sans délai et réduire son capital. Dans le second cas, la réalisation forcée du nantissement se heurte principalement à l’intuitu personae qui caractérise les sociétés de personnes. Les associés n’acceptant pas la réalisation du nantissement et l’entrée d’un étranger dans la société peuvent demander la dissolution de la société ou se substituer au cessionnaire dans un délai de cinq jours à compter du jour de la vente (art. 1867 et s., C. civ.). 392. S’agissant des sociétés en nom collectif (SNC) et à responsabilité limitée (SARL), leurs parts sociales peuvent aussi être nanties214. Il n’existe cependant aucun texte spécial concernant ce type de nantissement et, conformément au renvoi fixé par l’article 2355 du Code civil, c’est le droit commun du gage de meubles corporels qui s’applique. Le nantissement est donc un contrat solennel qui doit prendre la forme écrite. La publicité sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l’immatriculation de la société dont les parts sont nanties assure son opposabilité. Quant aux effets de ce type de nantissement, comme il ne réalise pas de dépossession, il ne revêt aucun droit de rétention. Régie par l’article L. 223-15 du Code de commerce, sa réalisation s’approche de celle du nantissement en droit des sociétés civiles215. § II – En droit chinois 393. La définition des parts sociales qui peuvent être l’objet d’un nantissement est ambiguë en droit chinois. L’article 223 de la LDR énonce simplement que des droits sociaux aliénables peuvent être nantis. En invoquant 214 Marc MIGNOT, op. cit., p. 358 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 314 ;, Yves PICOD, op. cit., p. 578. 215 Marc MIGNOT, op. cit., p. 358 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 578. 218 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux les articles 75 et 78 de la LS, certains auteurs considèrent que les droits sociaux objets du nantissement ne visent que les parts sociales de SARL et les actions de SA216. D’autres s’opposent à cette restriction, en arguant du fait que les parts des entreprises en coopération (assez comparables aux sociétés en nom collectif en droit français) peuvent aussi faire l’objet de ce type de nantissement217. Si nous nous référons à l’article 25 de la Loi sur les entreprises en coopération, qui énonce expressément que « si un associé affecte sa part sociale en nantissement, il doit avoir le consentement unanime de tous les associés. Sinon, le nantissement est nul … », il nous faut admettre la dernière opinion. Pour constituer ce type de nantissement, il faut donc qu’il soit conclu par acte écrit, ait le consentement unanime préalable de tous les associés, et soit inscrit auprès du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de l’entreprise (art. 226, al. 1, LDR). Après la constitution, l’associé ne peut pas aliéner ses parts, même si l’aliénation est conforme au statut de l’entreprise, sauf avoir le consentement du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR). Néanmoins, ce type de nantissement soulève des difficultés quant à sa réalisation, qui résident principalement dans la responsabilité des associés. En effet, les associés d’une entreprise en coopération sont tenus solidairement et indéfiniment des dettes de l’entreprise. Si un associé constitue un nantissement sur sa part sociale, qui est accordée par tous les associés, comment réaliser le droit du créancier nanti en cas de non paiement de la créance ? Le cessionnaire devient-il l’associé de l’entreprise ou cette dernière rachète-t-elle les parts nanties comme en droit français ? En effet, l’associé constituant du nantissement va sûrement chercher par n’importe quel moyen à se retirer de l’entreprise. Il en découlera inévitablement un changement de solvabilité de 216 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 362-363 ; Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'Etat, op. cit., p. 84. 217 YANG Hong, op. cit., p. 259-261. 219 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux l’entreprise. Deux hypothèses sont envisageables pour protéger les intérêts des créanciers. Dans la première hypothèse, si l’entreprise rachète les parts nanties, l’associé constituant se trouve évincé de l’entreprise. Les intérêts du créancier bénéficiaire du nantissement sont assurés, mais les associés doivent procéder au règlement de compte lors de la mise à l’écart. Dans la seconde hypothèse, le créancier nanti devient associé de l’entreprise. Il a donc le droit de gérer l’entreprise, de bénéficier des profits, et il est tenu solidairement et indéfiniment aux dettes de l’entreprise. Dans les deux cas, l’associé constituant n’est pas complètement libéré des dettes de l’entreprise, il est encore tenu des dettes qui sont nées avant son départ (art. 53, Loi sur les entreprises en coopération). 394. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée (SARL), le principe du nantissement des parts rencontre peu d’opposition. Pour la valable constitution, il faut qu’il soit conclu sous forme écrite et inscrit auprès du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de la société (art. 226, al. 1, LDR). La loi ne prévoyant pas d’autre texte spécial pour ce type de nantissement, c’est le droit commun du gage de meubles corporels qui s’applique, conformément au renvoi fixé par l’article 229 de la LDR. Ce renvoi s’avère en fait la source des difficultés. En effet, l’article 178 de la LDR énonce un principe général selon lequel « il faut appliquer la présente loi en cas de conflit entre celle-ci et la LS ». L’article 78 de la LS stipule que « il faut appliquer au nantissement de parts de SARL les règles concernant la cession de parts dans la Loi sur les sociétés ». Vu que la règle sur les conflits énoncée par l’article 178 de la LDR et la règle de renvoi fixée par l’article 229 de cette même loi, il ne reste aucune place pour appliquer les règles concernées de la Loi sur les sociétés. Cependant, les auteurs se réfèrent toujours aux règles de cession de parts prévues par la Loi sur les sociétés. Il faut donc établir une distinction entre le nantissement de parts d’une SARL pour le créancier intérieur, associé de la société, et le nantissement pour le créancier extérieur à 220 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux la société. Dans le premier cas, les auteurs s’accordent à dire que le consentement de la majorité (majorité simple) ne doit pas être exigé. Dans le second cas, en revanche, certains auteurs insistent sur le fait que le consentement majoritaire est exigé en vertu de l’article 72 de la Loi sur les sociétés 218 ; d’autres considèrent que cette exigence ne s’applique qu’à la cession de parts, c’est-à-dire pour la réalisation du nantissement, et n’est pas nécessaire pour sa constitution219. Cette dernière opinion est plus raisonnable car, d’une part, le nantissement n’entraîne pas nécessairement la cession de parts nanties et, d’autre part, l’exigence de consentement préalable provoque inévitablement l’augmentation du délai et des coûts pécuniaires associés à la constitution d’un nantissement. Avant l’échéance de la créance, le constituant ne peut pas aliéner les parts nanties sans le consentement du créancier nanti (art. 226, al. 2, LDR). Ce dernier bénéficie des droits patrimoniaux des parts nanties. Il en perçoit donc les fruits et les impute sur les intérêts et le principal de la créance comme en cas du gage de meuble corporel. Quant aux droits personnels, tels que le droit de vote, de gestion etc., seul l’associé a le droit de les exercer en sa qualité d’associé de la société. En cas de non paiement de la créance à l’échéance, le créancier peut exercer ses droits découlant du nantissement. Il peut choisir de devenir associé de la société, si la majorité des associés sont d’accord ; si tel n’est pas le cas, les associés autres que l’associé constituant doivent acheter les parts nanties et, s’ils ne les achètent pas, cela équivaut à un consentement à la cession (art. 72, Loi sur les sociétés). Il peut également choisir de vendre les parts nanties et, dans ce cas là, les autres associés ont le droit de préemption dans les mêmes conditions. Or, la société ne peut pas racheter les parts nanties 218 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 363 ; GUO Mingrui, Droit des sûretés, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1998, p. 228. 219 YE Jinqiang, La théorie du droit des sûretés, Éd. de science, 2002, p. 217 ; YANG Hong, op. cit., p. 258. 221 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux car une telle opération entraînerait la diminution du capital social et affaiblirait sa solvabilité. 395. Quant à la société civile, ce type de société n’existe pas en droit chinois. 396. Par conséquent, le nantissement des parts sociales des sociétés de personnes est plus restrictif en droit chinois qu’en droit français. De plus, leurs règles s’appliquant aux différents types de sociétés sont plus diverses que le dernier. Section II – Le nantissement des droits dans les sociétés de capitaux § I – En droit français 397. En ce qui concerne le nantissement de parts des sociétés de capitaux 220 , le législateur français n’a rien prévu. Selon le renvoi posé à l’article 2355 du Code civil, il est soumis aux dispositions du droit commun du gage de meubles corporels. En effet, les juristes français consacrent peu de recherches fouillées sur ce point. Certains estiment qu’il convient aussi de faire une distinction selon que la société anonyme a consenti ou non au nantissement d’actions 221 . Dans le premier cas, la solution est similaire à celle du nantissement des parts de sociétés de personnes. Dans le second cas, il semble que la société ne peut que racheter les actions du cessionnaire. Cependant, une société de capitaux ne présente aucun caractère intuitu personae propre aux sociétés de personnes. Il s’agit d’une société ouverte dont les actions sont librement négociables et transmissibles. Rien n’empêche les actionnaires de librement aliéner ses actions, sauf dans certains cas particuliers. Il n’est donc pas raisonnable d’appliquer par analogie les règles en vigueur pour les sociétés 220 Considérant le petit nombre des sociétés en commandite par actions en pratique, il vise principalement les sociétés anonymes (SA). 221 Marc MIGNOT, op. cit., p. 359. 222 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux de personne. La lacune législative sur ce point doit être comblée dans la réforme à venir. § II – En droit chinois 398. En droit chinois, personne ne s’oppose à la possibilité du nantissement des actions de société anonyme (SA). À la différence des parts de SARL, celles-ci sont en principe librement négociables et transmissibles. Un actionnaire peut donc, en principe, librement affecter la totalité ou une partie de ses actions en nantissement, sans avoir besoin du consentement des autres actionnaires. Toutefois, comme pour le nantissement de parts de SARL, la constitution du nantissement est soumise à la forme écrite et à une inscription auprès de l’établissement chargé des inscriptions et des règlements des actions ou, du Bureau de l’industrie et du commerce de l’immatriculation de la société si les actions ne sont pas émises publiquement et le nombre des actionnaires est inférieur à 200 (art. 226, al. 1, LDR). Cependant, il n’existe pas d’autre texte spécial dans la LDR concernant ce type de nantissement et le droit commun du gage de meubles corporels s’applique comme pour le nantissement de parts de SARL. 399. Il existe en particulier des actions dont la libre aliénation est limitée par la Loi sur les sociétés. Ce sont les actions détenues par les fondateurs de la société qui ne peuvent être aliénées pendant un an à compter de la constitution de la société, celles par les administrateurs, les membres du conseil de surveillance et les gérants de la société qui ne peuvent être aliénées, chaque année, que dans la limite de 25% de la totalité du portefeuille détenu etc. (art. 42, Loi sur les sociétés). Ces actions limitées peuvent-elles être nanties ? La doctrine témoigne d’une vive controverse sur ce point. Certains auteurs estiment que, dans la mesure où elles ne peuvent pas être aliénées pendant une période ou dans une quantité restreinte, il est logique qu’elles ne puissent pas 223 Chapitre III – Le nantissement de droits sociaux être l’objet d’un nantissement dans le cadre de cette restriction222. D’autres considèrent que la prohibition du nantissement de ce type d’actions est trop sévère pour leurs titulaires, puisque c’est la réalisation du nantissement qui va entraîner la cession des actions nanties, non sa constitution. Par conséquent, la constitution du nantissement des actions dans la période limitée ne posera aucun problème si l’échéance de la créance nantie est postérieure à celle-ci223. Il faut dire que ce dernier point de vue est beaucoup plus favorable au développement du crédit. Maintenant que des biens futurs (qui ne sont pas aliénables lors de la constitution de la sûreté réelle) peuvent être l’objet de sûreté réelle, il n’est donc pas judicieux d’interdire le nantissement des actions limitées qui sont comparables aux biens futurs, puisque celles-ci sont temporairement inaliénables et seront aliénables dans le futur. Il suffit donc que les actions nanties ne soumettent plus aux limites posées au moment de sa réalisation, d'autant plus que le nantissement n’entraîne pas nécessairement la cession de parts nanties. 222 GUO Mingrui, op. cit., p. 227 ; YAN Tianhuai, Du nantissement de droits sociaux, in Droit chinois, 1999, I ; HU Ji, De la constitution du nantissement de droits sociaux, in Droit, 1998, VI. 223 YANG Hong, op. cit., p. 256-257. 224 Titre III – La réserve de propriété 400. La réserve de propriété est une disposition contractuelle par laquelle les parties d’un contrat conviennent de réserver au vendeur le droit de propriété du bien vendu jusqu’au complet règlement du prix. Elle a pour but d’assurer au vendeur qui consent un crédit à l'acheteur le paiement au prix de la chose vendue, sans avoir à courir le risque de subir des éventuels créanciers de l'acquéreur. 401. La réserve de propriété fait échec, en droit français, à celui énoncé par l’article 1583 du Code civil « la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès lors qu’on est convenu de la chose et du prix… », et, en droit chinois, au principe énoncé par l’article 133 de la LC « la propriété (de la chose vendue) est transférée dès la remise de la chose…». Le transfert normal de la propriété de la chose vendue est ainsi retardé jusqu’au jour du paiement total. Nous envisagerons ici sa constitution, sa nature juridique et ses effets juridiques. 225 Chapitre I – La constitution Chapitre I – La constitution 402. La réforme française de 2006 réglemente très précisément la réserve de propriété sur les meubles. En cette matière, en permettant au vendeur de revendiquer la chose vendue en tant que propriétaire et de déjouer ainsi la concurrence des autres créanciers, la réserve de propriété joue vraiment un rôle de garantie du crédit224. La réserve de propriété peut donc être utilisée en matière immobilière comme en matière mobilière, à condition d’être conclue dans le contrat de vente, ou dans tout autre contrat 225 comme un contrat d’entreprise226. 403. En droit chinois, l’article 134 de la LC consacrant la réserve de propriété énonce simplement que « les parties peuvent convenir dans le contrat de vente que si l’acheteur n’exécute pas ses obligations convenues telle que le paiement ou d’autres, la propriété de l’objet appartient au vendeur ». Ainsi, seule la clause de réserve de propriété conclue dans le contrat de vente est valable, celle conclue dans tous autres types de contrat est inutile. Cependant, la disposition ne traite pas expressément de son domaine d’application en matière mobilière ou immobilière. Pratiquement et théoriquement, personne ne met pas en question son application en matière mobilière. Nous envisagerons successivement sa constitution dans les deux systèmes juridiques. Section I – La constitution de la réserve de propriété en droit français 404. La réserve de propriété est une opération de nature conventionnelle. Elle doit donc faire l’objet de l’accord des volontés des parties intéressées. 224 Yves PICOD, op. cit., p. 452. 225 Cass. com., 19 nov. 2003, JCP G 2004, I, 113, p. 336, n. Ch. CARON ; RD banc. fin., mars-avr., 2004, comm. 70, obs. D. L. ; D. Affaires, 2004, J. 801, n. A. et E-X. Lucas ; Yves PICOD, op. cit., p. 452. 226 Cass. com., 21 mai 2001, RTD civ. 2001, no 6, p. 930, obs. Pierre CROCQUE. 226 Chapitre I – La constitution 405. En droit français, seule la créance qui constitue la contrepartie du transfert de propriété peut être garantie par cette opération. Cette créance garantie peut résulter de tout type de contrat, mais en pratique, c’est dans les contrats de vente mobilière qu’elle présente le plus d’utilité227. Le consentement de la réserve de propriété doit être exprimé sous forme écrite en matière civile (art.2368, C. civ.). Il doit aussi l’être au plus tard au moment de la livraison de l’objet s’il s’agit de la matière commerciale (art. L.624-16, C. com.). Dans le dernier cas, la clause de réserve de propriété peut figurer dans le contrat qui ne vise que cette opération ou dans le contrat qui régit un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties (art. L.624-16, al.2, c. com.). La clause écrite doit être suffisamment apparente, claire et lisible pourvu qu’elle puisse être acceptée par l’acheteur en connaissance de cause. Dès que la clause est ainsi conclue, l’exécution du contrat par l’acheteur vaut acceptation 228 . L’acceptation de la réserve de propriété par l’acheteur ne doit pas nécessairement être écrite. Mais, en l’absence de l’accord des parties, la réserve de propriété ne produit aucun effet229. Cette exigence vise à préserver les tiers contre le risque de fraude entre vendeur et acquéreur en ce qui concerne la date de l’écrit230. Cependant, le simple écrit est loin d’être suffisant pour la transparence et la sécurité du commerce juridique. Il est dommage que la généralisation de la 227 F. DERRIDA, A propos de la réserve de propriété dans les ventes immobilières à crédit, Defrénois, 1989, 1089 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p.503. 228 Cass. Com., 13 juin 1989, Bull. civ. IV, no186, p.124 ; 11 juill. 1995, Bull. civ. IV, n 210, p.196 ; D. 1996, comm.. p.211, obs. F. PEROCHON. o 229 En réalité, afin de favoriser les petits fournisseurs qui face aux grandes surfaces refusant généralement et systématiquement la réserve de propriété, l’article L.621-122, alinéa 2 du Code de commerce énonçait que « nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l’acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n’aient convenu par écrit de l’écarter ou de la modifier ». Ce qui suscitait des difficultés (v. Pierre CROCQUE, RTD civ. 1996, no7, p.675). L’ordonnance du 23 mars 2006 a enfin supprimé cette disposition. 230 Yves PICOD, op. cit., p.452. 227 Chapitre I – La constitution publicité de réserve de propriété que préconisait la commission de réforme ait été refusée par l’ordonnance promulguée. Désormais, l’opposabilité de la réserve de propriété ne dépend d’aucune publicité obligatoire. Mais pour pouvoir plus facilement faire valoir ses droits, le vendeur peut procéder à la publicité facultative organisée de la réserve de propriété. Section II – La constitution de la réserve de propriété en droit chinois 406. En droit chinois, la disposition de la loi concernant la réserve de propriété est loin d’être suffisante. Elle ne consacre que la possibilité de l’application de la réserve de propriété et ne dit rien sur son régime. Sur le plan de la doctrine, de nombreux auteurs se consacrent à la recherche de la réserve de propriété. Mais il y a très peu de recherche touchant son régime concret, tels que sa constitution, son formalisme, etc. 407. Considérant qu’elle est prévue dans le chapitre IX de la Loi sur les contrats (LC) intitulé « Le contrat de vente », la réserve de propriété ne peut donc être utilisée que pour garantir la créance résultant du contrat de vente. Ce qui signifie que la réserve de propriété ne peut résulter que de l’accord entre les parties intéressées. Mais, le champ de la créance garantie est plus étroit que celui en droit français. Par contre, l’élément commun est que seule la créance en contrepartie du transfert de propriété peut être garantie par la réserve de propriété. 408. Quant à la forme de la clause de réserve de propriété, la loi ne pose aucune exigence spéciale. A la lecture de l’article 10 de la LC, le contrat peut être conclu sous la forme écrite, orale ou autres formes. Par conséquent, la clause de réserve de propriété peut aussi théoriquement être convenue par écrit, oral ou sous une autre forme. Cependant, la réserve de propriété qui est une disposition du droit réel joue un rôle de garantie, il est donc raisonnable d’y appliquer la règle de sûreté réelle. Autrement dit, la clause de réserve de propriété devrait être conclue par écrit. Étant donné que le contrat de la réserve 228 Chapitre I – La constitution de propriété est un contrat solennel, il faut mieux qu’il soit conclu le plus tôt possible. 229 Chapitre II – La nature juridique Chapitre II – La nature juridique Section I – La qualification en droit français 409. La réserve de propriété, qui n’est pas un mécanisme traditionnel du droit français, a en premier lieu été analysée au regard des principaux mécanismes de droit des obligations231. Tenant compte de son effet retard du transfert de propriété, la jurisprudence, guidée par la doctrine, l’a analysé soit comme un terme suspensif 232 , soit comme une condition suspensive233 de l’obligation de transférer la propriété du bien. Aucune d’entre elles n’est pourtant parfaitement satisfaisante. D’une part, le « terme » est un événement certain alors que le non-paiement du prix est incertain. Qualifier la clause de réserve de propriété d’un terme suspensif n’est pas complètement convaincante. D’autre part, l’analyse en une condition suspensive suppose que le paiement en totalité du prix de vente soit considéré comme une modalité de l’exécution de l’obligation de transfert de propriété234. Mais selon le principe solo consensu, le transfert de propriété, objet de la réserve, n’est pas une obligation de donner mais un effet légal automatiquement attaché au contrat par la loi235. 410. La doctrine se tourne vers la nature de sûreté de la réserve de propriété236. Retenant une conception large de la sûreté, certains auteurs la 231 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 501. 232 Cass. com., 9 janv. 1996, no 93-12667, JCP 1996, I, 3935, no 19, obs. M. CABRILLAC ; Dr. et part. Mai 1996, n01345, p. 85, obs. M.-H MONSERIE ; JCP 1996, I, 3942, no 4, obs. Ph. DELBECQUE ; RTD civ. 1996, no4, p. 436, obs. Pierre CROCQUE ; D. 1996, p. 184, obs. F. DERRIDA ; RTD com. 1997, obs. A. MARTIN-SERF. 233 Cass. com., 1er oct.1985 et CA Nancey, 19 déc. 1985, D. 1986, p. 246, n. M. CABRILLAC. Contra: Cass. com., 24 sep. 2002, JCP G 2003, I, 134, no 5, obs. J.-J. CAUSSAIN, F. DEBOISSY et G. WICKER. 234 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 501. 235 Marc MIGNOT, op. cit., p. 483. 236 En réalité, on s’est demandé si la propriété pouvait constituer une véritable sûreté réelle dès qu’elle apparaît en pratique. V. Marc MIGNOT, op. cit., p. 483. 230 Chapitre II – La nature juridique considèrent comme une véritable sûreté237. Or, la doctrine dominante ne la considère pas comme une véritable sûreté, en estimant que la réserve de propriété ne s’ajoute pas au rapport d’obligation mais qu’elle résulte du montage contractuel lui-même, et que sa mise en œuvre n’a pas non plus pour effet l’extinction par exécution de la créance qui est l’une des fonctions de la sûreté238. 411. En plaçant la réserve de propriété dans la partie consacrée aux sûretés réelles, l’ordonnance du 23 mars 2006 a mis fin à cette controverse. Elle est désormais une véritable sûreté, et est donc l’un des accessoires de la créance garantie239. Section II – La qualification en droit chinois 412. À la différence du droit français, la nature juridique de la réserve de propriété n’est pas jusqu’ici clarifiée par la loi. Pour rendre compte de son effet retard du transfert de propriété, les chercheurs ont proposé plusieurs solutions : certains la qualifie d’un terme suspensif ou d’une condition suspensive du transfert de la propriété, certains la qualifie d’un transfert partiel de propriété, certains la qualifie d’une sûreté réelle …240 413. Tenant compte de la même raison évoquée par les auteurs français (v. supra n° 409), la qualification de terme suspensif n’est pas très justifiée. 237 Ch. LARROUMET, Le vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété peut-il revendique sans avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l’acheteur, D. Affaire 1996, p. 603. 238 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 503. 239 Le caractère de l’accessoire de la réserve de propriété est consacré par la jurisprudence depuis longtemps. V. Cass. com., 15 mars 1988, 330, n. F. PEROCHON ; Defrénois 1988, p.1990, n. L. AYNES ; RTD civ., 19791, n. M. BANDRAC. Cependant, la jurisprudence ne déduisait pas toutes les conséquences de la qualification d’accessoire. Par exemple, le vendeur conservait la propriété du bien, alors que la créance du prix était éteinte faute de déclaration. V. Cass. com., 9 janv. 1996, JCP 1996, I, 3935, no 19, obs. M. CABRILLAC ; RTD civ. 1996, p. 436, obs. Pierre CROCQ. V. aussi, Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 502. 240 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 391. 231 Chapitre II – La nature juridique 414. S’agissant de la qualification de transfert partiel de propriété donnée par l’auteur allemand Ludwig Raiser, c’est une théorie imaginative. Selon cette qualification, en cas de vente avec la réserve de propriété, une partie de la propriété est transférée à l’acheteur dès la remise de la chose. Puis, le transfert partiel de la propriété à l’acheteur se réalise à chaque paiement échelonné, jusqu’au transfert total de la propriété au moment du paiement total du prix de vente241. Cela s’attache au caractère abstrait du droit civil allemand et rencontre des problèmes théoriques de la propriété. Elle n’a pas été acceptée par la doctrine chinoise. 415. Certains auteurs ont insisté pour la réglementer dans la LDR 242 comme une sûreté réelle, mais leur proposition n’a pas été reprise par la loi qui a été promulguée. Étant donné que le droit chinois retient toujours la règle de la prohibition du pacte commissoire (v. supra n° 140) et la règle numerus clausus (v. supra n° 68), et que la réserve de propriété est expressément prévue dans la LC, il y a peu d’auteurs qualifiant expressément la réserve de propriété de sûreté réelle. 416. Enfin, étant donné que le transfert de propriété en droit chinois suppose la remise de la chose pour des meubles et l’inscription immobilière pour des immeubles, la vente fait naître une obligation de donner. La clause de réserve de propriété a temporairement suspendu cette obligation. La qualification de condition suspensive est alors la qualification la plus acceptée en droit chinois et occupe donc le rôle dominant dans la doctrine243. Cependant, 241 LIU Dekuan, Les problèmes et perspectives du droit civil, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 2002, p. 7-8. 242 LIANG Huixing, CHEN Huabin, Les droits réels, Éd. du droit, 1997, p. 367. 243 LIANG Huixing, CHEN Huabin, Les droits réels, Éd. de droit, 2007, p. 391 ; HE Zhi, op. cit., http://www.civillaw.com.cn/article/default.asp?id=27707. 232 Chapitre II – La nature juridique personne ne peut refuser de reconnaître le rôle de garantie de la réserve de propriété244. 244 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 392. 233 Chapitre III – Les effets juridiques Chapitre III – Les effets juridiques 417. Au cours de l’exécution du contrat avec la clause de réserve de propriété, le vendeur remet l’objet entre les mains de l’acheteur, mais conserve la propriété de l’objet jusqu’au paiement total du prix de vente. La clause de réserve de propriété crée donc une situation compliquée. Ses effets doivent être appréciés vis-à-vis de l’acheteur, et vis-à-vis du vendeur. Section – La situation de l’acheteur (débiteur) du bien § I – La situation de l’acheteur du bien en droit français 418. En tant que détenteur de l’objet, l’acheteur en droit français dispose du droit d’en user et d’en jouir. La réserve de propriété entraîne en réalité la dissociation entre, d’un côté, la propriété et, de l’autre, l’usage et la jouissance245. Certains auteurs, considèrent que cette dissociation est difficile à expliquer. Parce que, d’une part, le vendeur demeure pleinement propriétaire de la chose vendue, que la réserve de propriété ne réalise pas de démembrement de la propriété ; d’autre part, que l’usage et la jouissance de la chose par l’acheteur dépendent du vendeur. L’acheteur se voit concéder un droit personnel par le vendeur pour la jouissance de la chose et se trouve dans une situation voisine à celle d’un locataire246. Certains autres essayent de l’expliquer par la théorie de la séparation entre la propriété juridique et la propriété économique247. D’après eux, le vendeur et l’acheteur conserveraient respectivement la propriété juridique et la propriété économique du bien. L’acheteur exerce les prérogatives 245 Marc MIGNOT, op. cit., p.487. 246 Ibid., p. 487. 247 G. BLANLUET, Brèves réflexions sur la propriété économique, Dr. et patr., mars 2001, p. 80. Il définit la propriété économique comme « le droit de disposer … de la totalité de la substance économique d’un bien dont la propriété appartient à autrui ». 234 Chapitre III – Les effets juridiques du propriétaire, use et jouit du bien acquis comme s’il était le sien. Mais cette théorie demeure largement descriptive248. 419. Quant à la disposition du bien, théoriquement, l’acheteur n’en a pas le droit. Mais en pratique, il apparaît qu’il en dispose souvent soit matériellement, soit juridiquement 249 . Comme l’acheteur n’est pas le propriétaire du bien, le contrat de disposition du bien est donc susceptible d’être confirmé. Si le prix de la vente est finalement payé par l’acheteur, le contrat est rétroactivement valable. Au contraire, il faut distinguer la disposition matérielle de la disposition juridique. Si elle est matérielle, la revendication du vendeur aboutit à la liquidation des comptes entre les parties. Si elle est juridique, le tiers acquéreur de bonne foi peut invoquer l’article 2279 du code civil pour s’opposer au droit de revendication du vendeur. § II – La situation de l’acheteur du bien en droit chinois 420. Le droit chinois admet aussi que l’acheteur dispose du droit d’usage et de jouissance du bien250, mais les chercheurs chinois font peu de recherches sur ce point. Influencés par le droit civil allemand, ils s’intéressent plutôt au droit d’expectative (qui s’oppose au droit acquis) de l’acheteur251. Le droit d’expectative est le droit d’acquérir un droit252. C’est un droit indépendant protégé par la loi. En ce qui concerne la réserve de propriété, il désigne le droit de l’acheteur d’acquérir la propriété du bien réservé. La nature de ce droit suscite des vives controverses sur le plan de la doctrine. En droit allemand, certains auteurs le considèrent comme un droit réel 253 ; certains autres 248 Marc MIGNOT, op. cit., p. 487. 249 Ibid., p. 487. 250 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 392 ; CHEN Benhan, op. cit., p. 392. 251 Le droit d’expectative est un terme traduisant du mot « anwartschaftsrecht » en allemand qui est crée par la doctrine et la jurisprudence allemande. 252 CHEN Benhan, op. cit., p. 392. 253 RAISER, Dingliche anwartschaftsrecht, J, C.B. Mohr, Tubingen, 1961. 235 Chapitre III – Les effets juridiques considèrent que ce droit d’expectative se rapproche du gage avec le pacte commissoire 254 . En droit taïwanais, des auteurs considèrent que le droit d’expectative est un droit mixte: il a en même temps des caractéristiques du droit réel et du droit personnel255. En droit chinois, certains penchent pour ce dernier courant256 ; d’autres refusent de le qualifier de droit réel ou de droit personnel 257 , considérant que la distinction entre le droit réel et le droit personnel, et celle entre le droit acquis et le droit d’expectative sont deux classifications de natures différentes. Il n’y a donc pas de place pour classer le droit d’expectative lui-même parmi les droits réels ou les droits personnels. Mais l’objet du droit d’expectative peut être un droit réel ou un droit personnel. Le droit d’expectative de l’acheteur dans la réserve de propriété est donc un droit d’expectative du droit réel, plus précisément, un droit d’expectative de la propriété du bien réservé. 421. En tant que titulaire du droit d’expectative, l’acheteur a le droit d’en disposer. S’il ne dispose que de son droit d’expectative, cela ne posera aucun problème. S’il dispose du bien, avec le consentement du vendeur, le problème ne se posera pas non plus. Dans le cas contraire, la disposition arbitraire du bien par l’acheteur pose un réel problème. Comme en droit français, il faut aussi faire la distinction entre la disposition matérielle et la disposition juridique. Si elle est matérielle, la revendication du vendeur aboutit à la liquidation des comptes entre les parties. Si elle est juridique, selon l’article 51 de la LC, les effets du contrat de disposition du bien sont suspendus. Si l’acheteur s’est finalement exécuté le paiement total du prix de vente, le contrat est rétroactivement valable. Au contraire, les effets du contrat dépendent de 254 BLOMEYER, Bedingungslehre, II, s. 186ff. 255 WANG Zejian, op. cit., p.158-159. 256 CHEN Benhan, op. cit., p. 394. 257 YU Nengbin, HOU Xianglei, Études comparées de la vente avec réserve de propriété, Éd. du droit, p.86-87. 236 Chapitre III – Les effets juridiques l’inscription de la réserve de propriété. Si elle a été inscrite, le contrat de disposition du bien est nul. Si elle n’a pas été inscrite, le tiers de bonne foi peut acquérir la propriété du bien, celui de mauvaise foi ne peut pas l’acquérir. 422. En outre, l’acheteur doit exercer son obligation de payer selon les dispositions du contrat dans les deux systèmes juridiques. Dans le cas contraire, le vendeur peut exercer son droit résultant de la réserve de propriété. Section II – La situation du vendeur (créancier) du bien 423. En tant que propriétaire du bien, le vendeur peut intenter une action de revendication contre l’acheteur pour la restitution du bien dont la propriété est conventionnellement réservée. § I – L’exercice du droit de revendication 424. En droit français, il faut distinguer le régime de revendication du droit commun du Code civil de celui du droit spécial du Code de commerce. Les dispositions spéciales du Code de commerce ne prévoient que la revendication des meubles lorsque l’acheteur est soumis à une procédure collective (art. L.624-9 et s. ; art. R.624-13 et s., C. com.). Donc, selon la théorie générale que toute dérogation au droit commun doit être interprétée de façon restrictive, l’action en revendication de meubles dont l’acheteur sera in bonis et d’immeubles258 sont soumises au droit commun ; celle dont l’acheteur sera soumis à une procédure collective est soumise au droit spécial du Code de commerce 259 . Ainsi, dans la première hypothèse, l’action n’est pas prescriptible260. Dans la dernière hypothèse, l’action doit être exercée dans les 258 On applique le droit commun de la revendication à la revendication des immeubles par nature ou par destination, même si son acheteur soit soumis à une procédure collective. Pour un immeuble par destination, v. cass. com., 5 fév. 2002, no 99-19425, Rev. Proc. coll. 2003, p. 306, obs. M.-H. MONSERIE-BON. 259 Marc MIGNOT, op. cit., p. 489. 260 Cass. civ. 3e, 23 janv. 2007, n° 06-10491, www.lexinter.net/JPTXT4/JP2005/ action_ en_revendication_et_prescription.htm 237 Chapitre III – Les effets juridiques trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective (art. L. 624-9, al.1er, C. com.) ; si le créancier ne l’exerce pas dans ce délai, son droit est inopposable à la procédure collective du débiteur. 425. La revendication s’opère en principe sur les marchandises elles-mêmes. Cette opération suppose que les marchandises vendues se trouvent encore en nature dans le patrimoine du débiteur au moment de l’ouverture de la procédure261. Et, c’est au revendiquant de prouver l’existence en nature des biens revendiqués. Aux termes de l’article 2370 du Code civil et de l’article L. 624-16 du Code de commerce, la revendication peut s’exercer malgré l’incorporation de la chose objet de la réserve de propriété dans un autre meuble ou immeuble, à condition que la séparation des choses peut être effectuées sans subir de dommage. En tant qu’une véritable sûreté, la valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie ; si elle est supérieur à la dernière, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence (art. 2371, C. civ.). 426. Selon l’article 2369 du Code civil et l’article L. 624- 18 du Code de commerce, la revendication peut également s’exercer sur des biens fongibles, de même nature et de même qualité, détenus par le débiteur ou pour son compte. Or, quel fondement justifie cette revendication ? Trois interprétation sont proposées en doctrine: la première la justifie par la présomption de propriété des biens retrouvés dans les mains du débiteur au bénéfice du vendeur ; la seconde la considère comme une règle de fond attribuant la propriété de ces choses au revendiquant et, la troisième, à l’instar d’autres sûretés réelles, considère que la réserve de propriété se transforme en un droit sur la valeur262. 261 Cass. com., 2 mars 1999, Bull. civ. IV, no 50, p. 41 ; JCP G 1999, I, 177, no 15, obs. P. PETEL ; Rev. proc. Coll., mars 2001, p. 25, obs. B. SOINNE ; D 2000, somm., p.69, 2e esp., obs. F. PEROCHON et D. MAINGUY. 262 Yves PICOD, op. cit., p.454 : le fait que les biens fongibles de même espèce et de même qualité retrouvés dans le stock de marchandises ne soient pas ceux qui avaient été vendus par le créancier importe peu, ce qui laisse place à une rotation rapide des stocks. 238 Chapitre III – Les effets juridiques La jurisprudence a fait valoir la seconde interprétation. Le droit de propriété du vendeur disparaît au moment de la revente des marchandises par l’acheteur, mais se reporte sur les marchandises nouvelles de même nature et de même qualité entrant dans ses mains263. 427. En cas de revente du bien objet de la réserve de propriété, la revendication n’est pas opposable au sous-acquéreur de bonne foi 264 . Le vendeur initial ne peut donc pas revendiquer la chose elle-même, mais son droit se reporte sur la créance du prix à l’égal du sous-acquéreur (art. 2372, C. civ. ; art. L. 624-18, C. com.). Cette revendication se justifie par la subrogation de la créance de prix au bien en nature qui a été revendu. Pour ce faire, le créancier doit adresser sa demande en revendication à l’administrateur du bien ou, à défaut, au débiteur après accord du mandataire (art. L. 624-17, C. com.). Il peut revendiquer le prix contre le sous-acquéreur dès qu’il a revendiqué les biens en nature dans le délai légal contre l’acquéreur 265 . De plus, pour que la revendication puisse être effectivement effectuée, il faut remplir deux conditions. La première exige que les biens vendus au sous-acquéreur par le premier acquéreur se retrouvent en nature comme ils étaient, au moment de leur livraison au sous-acquéreur266. Si les biens ont été transformés avant la revente ou ont perdu leur identité dans le patrimoine du premier acquéreur, la revendication du prix de revente n’est pas possible. La seconde exige que le sous-acquéreur n’ait pas payé le prix au revendeur au moment du jugement de l’ouverture de la procédure contre lui. Si les conditions sont remplies, le 263 Cass. Com., 5 mars 2002, D. 2002, AJ, 1139, obs. A. LIENHARD ; Marc MIGNOT, op. cit., p. 491. 264 CA Versailles, 14e Ch., 21 févr. 1990, D. 1991, somm., p. 44, obs. F. PEROCHON. En effet, si la réserve de propriété est inscrite, elle est opposable à tous, le sous-acquéreur ne peut donc pas invoquer sa bonne foi en vertu de l’article 2279 du Code civil. 265 Cass. com, 24 mai 2005, Bull. civ. IV, no 110, p. 116 ; Cass. Com., 24 nov. 1998, Bull. civ. IV, no 279, p. 233. 266 CA Paris, 3e Ch. C, 28 mai 1999, Juris-Data no 1999-023119 ; Rev. Proc. Coll. Mars 2001, p. 20, obs. B. SOINNE. 239 Chapitre III – Les effets juridiques vendeur initial peut demander à être payé par le sous-acquéreur 267 . Cette demande n’est pas vraiment une revendication du prix268, mais ressemble plutôt à une action directe par laquelle le sous-acquéreur paye sa dette au vendeur initial au lieu du premier acquéreur pour éteindre les deux créances à la fois. Le sous-acquéreur peut mettre des sommes dues dans les mains du mandataire judiciaire qui va ensuite les remettre au revendiquant à concurrence de sa créance (art. R. 624-16, C. com). Il peut aussi exerce le paiement direct au revendiquant, ce qui est plus logique et plus efficace269. Si le sous-acquéreur a déjà payé le prix, il se trouve dans la même situation qu’un sous-acquéreur de bonne foi, la réserve de propriété ne lui est plus opposable. 428. La revendication peut enfin s’exercer sur l’indemnité d’assurance subrogée au bien en cas de perte des biens vendus, s’il y en a (art. 2372, C. civ. ; art. L. 624-18, C. com.). Sinon, selon l’adage res perit domino, c’est le vendeur qui assume la perte, à moins que les parties en aient disposé autrement dans le contrat. 429. Se différenciant du droit français, le droit chinois ne fait pas la distinction entre le droit commun et le droit spécial, en raison de la seule disposition traitant de la réserve de propriété270. Considérant que l’action de revendication est une action poursuivant la restitution de la propriété, elle n’est pas prescriptible. 430. Comme en droit français, l’objet de la revendication en droit chinois concerne généralement les marchandises elles-mêmes, à condition que les 267 Cass. Com., 3 déc. 2003, Bull. civ. IV, no 191, p. 215 ; D. 2004, AJ, p.140, obs. A. LIENHAR. V. aussi, Marc MIGNOT, op. cit., p. 493. 268 La revendication est une action qui poursuive à la restitution d’une chose dont le revendiquant est propriétaire. Alors que l’hypothèse envisagée n’est pas le cas. 269 Marc MIGNOT, op. cit., p. 494. 270 Comme nous l’avons vu dans le texte précité, on ne peut trouver que l’article 194 de la LC qui traite la réserve de propriété. 240 Chapitre III – Les effets juridiques marchandises vendues se retrouvent encore en nature dans le patrimoine du débiteur au moment de l’ouverture de la procédure. La responsabilité de prouver l’existence en nature des biens revendiqués incombe aussi au revendiquant. En cas d’incorporation des biens vendus, les juristes chinois ne donnent pas de réponse expresse. Ils énoncent simplement que le droit doit s’exercer selon les règles générales d’accession 271 . Autrement dit, si l’incorporation est détachable, il faut les détacher ; la revendication s’exerce donc sur les biens vendus (art. 86, Opinions sur certaines questions de l’exécution et l’application des PGDC, application à titre d’essai). Si l’incorporation n’est pas détachable ou la séparation des biens va entraîner des dommages, la revendication ne peut ni s’exercer sur les biens vendus, ni sur le bien nouveau après l’incorporation. En l’occurrence, comment protéger le droit de revendication du créancier? Il est logique que la revendication se reporte sur l’indemnité par l’incorporation272; à défaut, elle se reporte sur la valeur des biens représentés dans le patrimoine du débiteur. 431. En cas de revente du bien objet de réserve de propriété, la doctrine chinoise se rapproche des dispositions françaises. Soit, le créancier exerce la revendication sur le prix trouvé dans les mains du premier acquéreur s’il a été payé par le sous-acquéreur, selon le mécanisme de subrogation réelle ; soit, il exerce directement la revendication contre le sous-acquéreur, selon le mécanisme de subrogation personnelle. 432. En cas de perte des biens objets et, s’il y a des indemnités, la revendication s’exerce sans aucun problème sur l’indemnité grâce à la généralisation de subrogation réelle. Sinon, on applique aussi l’adage res perit domino comme en droit français. 271 YU Nengbin, HOU Xianglei, op. cit., p.89. 272 En cas d’incorporation des biens du premier acquéreur à d’autres biens appartenant à un tiers, si la séparation ne peut être effectuée, le premier acquéreur obtient souvent une somme d’indemnité de ce dernier. 241 Chapitre III – Les effets juridiques 433. Concernant le problème de la revendication par le créancier des biens fongibles, les juristes chinois font beaucoup moins d’attention que ses homologues français. C’est un problème important, surtout pour des fournisseurs qui approvisionnent, sous réserve de propriété, les grandes surfaces en marchandises, ou en cas de perte d’identité des biens objets de réserve de propriété dans le patrimoine du débiteur avant la revente. La solution française est indubitablement une bonne référence. § II – Les effet de la revendication sur le contrat 434. En droit français, la revendication n’aboutit pas à la résolution du contrat. Les deux actions sont bien différentes : la résolution du contrat suppose une demande en justice et appelle une appréciation du juge, alors que la revendication est une action visant à reconnaître un droit de propriété sur une chose, qui peut être doublée d’une action en restitution pour récupérer matériellement la chose273. Ainsi, les effets passés du contrat subsistent. Cela signifie que le vendeur n’a pas à rendre au débiteur les sommes déjà perçues par l’acheteur avant l’action de revendication ; l’acheteur pour sa part restitue au vendeur la chose dans l’état lors de l’action et ne rembourse pas la valeur représentant son usure naturelle lorsqu’il a été utilisé. Après la revendication, la valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie ; si elle est supérieure à la dernière, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence (art. 2371, C. civ.). Dans la mesure où la réserve de propriété est une véritable sûreté, le créancier ne peut pas s’enrichir de la sûreté. Cependant, la détermination de la valeur du bien repris est une véritable difficulté. Alors qu’en droit chinois, quatre appréciations sont proposées sur le plan doctrinal pour qualifier l’effet de la revendication. La première considère que 273 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.646. 242 Chapitre III – Les effets juridiques l’action de revendication entraîne directement la résolution du contrat274. La seconde considère que la revendication aboutit à une résolution à terme du contrat275. La troisième, tenant compte du fait que la réserve de propriété est une garantie, estime que la revendication n’entraîne pas la résolution du contrat et, que la valeur des biens revendiqués s’impute sur le solde de la créance garantie 276 . La quatrième soutient que la revendication n’entraîne pas la résolution du contrat et, le vendeur doit, au moins en principe, revendre les biens revendiqués277. Parmi eux, la troisième appréciation joue en fait un rôle dominant. La solution est donc la même que celle choisie par les juristes français. Le créancier peut aussi être protégé par une clause pénale de dédommagement du préjudice entraîné par l’inexécution du contrat ou, à défaut, les dommages réels doivent être remboursés par le débiteur 278 . Après la revendication, la valeur du bien repris s’impute sur le solde de la créance garantie et sur les dommages-intérêts ; si elle est supérieure à ceux-ci, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence. 274 LIN Yongrong, Des commentaires de la Loi de sûreté mobilière, Éd. Wunan de Taiwan, 1987, p. 705. 275 HUANG Jingjia, La loi de sûreté mobilière, Banque de Taiwan, 1980, p. 44 et s. Après la revendication de la chose, le contrat n’est pas immédiatement résolu. Le débiteur dispose d’un délai d’exercer son obligation de paiement. A l’échéance du délai, si le débiteur a exercé son obligation, il peut reprendre la chose entre ses mains ; sinon, le contrat est résolu. 276 WANG Zejian, op. cit., p. 45-48 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 394. 277 CHEN Benhan, op. cit., p. 398. 278 ZONG Xuejun, La théorie et pratique du régime de vente avec la réserve de propriété, Éd. des sciences sociales de Xinjiang, 2005, II, p. 70-71. Selon son opinion, le créancier peut aussi demander le remboursement de l’usure naturel de la chose objet. Il faut dire que ce n’est pas très justifié. Car, d’une part, le contrat n’a pas été résolu, ses effets passés subsistent ; d’autre part, si le créancier a ce droit, pour équilibre les intérêts des parties, il est aussi logique que le débiteur puisse demander les intérêts légaux des sommes déjà payées. 243 Titre IV– La fiducie-sûreté 435. Ayant été officiellement consacré dans le Code civil, il reste encore, pour la fiducie-sûreté, des problèmes difficiles à résoudre en droit français. En droit chinois, bien que la fiducie-sûreté ne soit pas consacrée par la loi, les idées issues de la discussion chronique en doctrine peuvent quand même fournir des renseignements utiles pour des juristes français. 244 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français 436. La fiducie en droit français est définie comme « l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires » (art.2011, C. civ.). Sa généralisation a connu un processus progressif (v. supra n° 135 et s.), mais elle répond enfin au souhait exprimé par de nombreux praticiens279. Il s’agit aujourd’hui d’une institution permettant de faciliter la gestion des biens (fiducie-gestion) et d’assurer la fonction de garantie (fiducie-sûreté), qui s’approche du trust dans les pays anglo-saxons. Conformément au sujet du présent texte, nous n’envisagerons que la fiducie-sûreté. En ajoutant la section II intitulée « De la propriété cédée à titre de garantie » au chapitre IV « De la propriété retenue ou cédée à titre de garantie » qui se place sous la partie consacrée à « Des sûretés sur les meubles » dans le Code civil, et un chapitre intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie » se plaçant dans la partie consacrée à la « Des sûretés sur les immeubles » dans le même code, l’ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la fiducie énonce expressément que tous meubles et immeubles peuvent être cédés à titre de garantie d'une obligation en vertu d'un contrat de fiducie. Cette ordonnance a ainsi divisé les règles de la fiducie-sûreté en deux corps, ce qui peut s’expliquer par la classification bipartite du Code civil en matière des sûretés réelles qui distingue les sûretés réelles portant sur des meubles de celles portant sur des immeubles. Certes, la coexistence n’est point source d’incohérence, puisque du point de vue substantiel, les articles relatifs à la fiducie-sûreté immobilière sont 279 A. CERLES, La propriété, nouvelle reine des sûretés, Mélanges M. VASSEUR, Banque éditeur, 2000, p. 39 ; J.-P. BORNET, Marchés financiers, vers la fin de l’aliénation fiduciaire, Mélanges AEDBF, II, 1999, p.97. 245 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français les reproductions de ceux qui relatifs à la fiducie-sûreté mobilière. Cependant, pourquoi nous ne remplaçons pas ces reproductions par un simple renvoie aux règles relatives à la fiducie-sûreté mobilière? D’autant plus que du point de vue formel, ce double emplacement entrave l’accessibilité et lisibilité matérielle du droit de la fiducie, dont le régime est déjà compliqué par le cumul nécessaire entre ces règles spéciales et le régime général instauré par les articles 2011 à 2030 du Code civil. 437. De toute façon, le mécanisme de la fiducie-sûreté a été bien amélioré et, est aujourd’hui beaucoup plus praticable qu’auparavant. Section I – Le mécanisme de la fiducie-sûreté § I – Le domaine d’application 438. S’agissant des parties de la fiducie, il était initialement limité par la loi du 19 février 2007 qui a instauré le régime général de la fiducie: seule une personne morale soumise de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés pouvait être le constituant ; seul des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des entreprises d’assurance ou des établissements assimilé pouvaient être le fiduciaire. Heureusement, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a supprimé les restrictions imposées au constituant. Toute personne capable, peu importe qu’elle ne soit personne physique ou morale, peut être constituant de la fiducie. Quant à la fiducie-sûreté elle-même, c’est la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures qui consacre expressément que toute personne morale et physique peut être constituant de la fiducie-sûreté. Toutefois, « sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, le constituant peut, à tout moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts dans le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant. Lorsque le constituant est une personne physique, il ne peut renoncer à cette faculté» (art.2017, c. civ.) (il s’agit donc d’une 246 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français fiducie-sûreté avec entiercement)280. On se demande ici que soient les intérêts de cette restriction. Existe-il des exigences spéciales pour être le tiers ? Malheureusement, le code civil est tacite sur ce point. Il doit être clarifié dans la réforme à venir. 439. Quant aux restrictions au fiduciaire, la loi de 2008 du 4 août 2008 maintient les restrictions posées par la loi du 19 février 2007, en ajoutant qu’un membre de la profession d'avocat peut aussi être le fiduciaire. Si, dans une opération de fiducie-sûreté, le créancier bénéficiaire est un établissement financier ou un avocat, cela va sans dire qu’il peut être le fiduciaire de celle-ci. Cependant, quid si le créancier est une personne physique ou un établissement non précité? Le code civil ne le traite pas expressément. En déduisant de l’article 2372-3, 2488-3 et de l’article 2015 du code civil, il faut dire qu’une personne physique ou un établissement non précité peut aussi être le créancier bénéficiaire de la fiducie-sûreté. Mais l’opération est plus compliquée. Il faut prévoir dans le contrat constitutif que, pendant la durée du crédit accordé, le bien affecté en garantie sera transféré à un établissement ou un avocat énuméré par l’article 2015 du Code civil. Se référant à l’article 2017, alinéa 2 du code civil, la mission de ce dernier est d'assurer la préservation des intérêts dans le cadre de l'exécution du contrat. 440. Au surplus, en consacrant expressément la possibilité de recharger la fiducie-sûreté, la Loi du 12 mai 2009 a apporté une innovation très favorable. Désormais, le constituant peut l'offrir en garantie, non seulement au créancier originaire, mais aussi à un nouveau créancier, encore que le premier n'ait pas été payé. Ça va sans aucun doute réduire les couts du temps et pécuniaires de l’utilisation de ce genre de sûreté, et ainsi favorise à la pratique du crédit. § II – Le formalisme 280 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 350. 247 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français 441. La fiducie-sûreté se constitue par un contrat écrit qui doit expressément prévoir de constituer une fiducie-sûreté. De plus, le contrat doit comporter, à peine de nullité, certaines mentions obligatoires: 1° la dette. Le contrat constitutif doit désigner, à peine de nullité, la dette garantie. Cette exigence correspond au principe de spécialité en matière de sûretés réelles conventionnelles. Ce principe n’entrave pas que l’affectation de la fiducie en garantie de plusieurs créances ou, des créances futures déterminables. Cependant, le principe de spécialité en matière de fiducie, comme en matière d’autres sûretés réelles conventionnelles, a été tempéré par la loi du 12 mai 2009 introduisant la fiducie-sûreté rechargeable. La fiducie-sûreté peut dès lors être ultérieurement affectée à la garantie de dettes autres que celles mentionnées par l'acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie expressément (art. 2372-5 et 2488-5, C. civ.). 2° les biens transférés, et leurs valeurs. L’article 2018, 1° impose initialement seulement que les biens eux-mêmes doivent été précisés dans le contrat constitutif. Alors que les nouveaux articles 2372-2 et 2488-2 du Code civil créés par l’ordonnance du 30 janvier 2009 y ajoutent une exigence supplémentaire – l’estimation de la valeur des biens transférés, ce qui s’est expliquée par le souci de « garantir une parfaite connaissance par le constituant personne physique de la portée de son engagement », puisque « la fiducie peut avoir de graves conséquences sur le patrimoine du constituant »281. Cependant, ces motifs révélant surtout la méfiance déplacée du droit français envers la fiducie ne sont pas parfaitement convaincants282, puisque le pacte commissoire en cas de sûreté réelles traditionnelles peut aussi engendre de graves conséquences sur le patrimoine du constituant, alors que l’estimation de la 281 V. Rapport au président de la République relative à l’ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie, JO 31 janv. 2009, p. 1851. 282 Ph. DUPICHOT, La fiducie-sûreté en pleine lumière. À propos de l’ordonnance du 30 janvier 2009, JCP 2009. I. 132, n° 7. 248 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français valeur des biens grevés n’y est pas exigée à peine de nullité. En outre, étant une opération radicale pour le constituant qui perd définitivement la propriété des biens grevés, la réalisation de la fiducie-sûreté devrait impérativement s’accompagner d’une estimation de la valeur des biens au moment où elle a lieu, au lieu d’une estimation au moment de la constitution de la fiducie-sûreté283. 3° certaines autres mentions, telles que la durée du transfert (ne peut excéder 99 ans) ; l’identité du constituant (ou des constituant) et du fiduciaire (ou des fiduciaires), ou à défaut, les règles permettant de l’identifier ; l’étendue des pouvoirs du fiduciaire (ou des fiduciaires) et sa mission. 442. Peu importe qu’il ait pour l’assiette mobilière ou immobilière, le contrat constitutif et ses avenants doivent d’abord être enregistrés, à peine de nullité, au registre national des fiducies dans le délai d’un mois auprès du service des impôts du siège du fiduciaire (ou des non-résidents si le fiduciaire n’est pas domicilié en France (art.2019, al.1, C. civ.). Cependant, cet enregistrement n’a pas pour fonction d’assurer la publicité des opérations284, mais pour la fin de contrôler des activités illicites, tels que le blanchiment, l’évasion fiscale, etc. Ce n’est donc pas un registre consultable. 443. D'ailleurs, si la fiducie-sûreté porte sur des immeubles ou des droits immobiliers, il doit faire l’objet d’une publicité foncière, à peine de nullité (art.2019, al.2, C. civ.). Dans ce cas là, les formalités de l'enregistrement du contrat et ses avenants de la fiducie-sûreté et de la publicité foncière sont fusionnées pour les actes publiés au fichier immobilier. La nouvelle formalité prend nom de "formalité fusionnée" qui doit être procédé au bureau des hypothèques de la situation de l'immeuble (art.647 et 657, C. imp.). Si la fiducie-sûreté porte sur des meubles corporels ou incorporels, le Code civil ne 283 Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, op. cit., p. 370. 284 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.598. 249 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français l’a pas précisé ; la fiducie-sûreté reste donc occulte, puisque l’enregistrement obligatoirement requis ne constitue pas une mesure d’information à l’égard des tiers. Alors, la fiducie-sûreté n’est généralement opposable qu’au moment où les meubles corporels grevés ou les titres des meubles incorporels grevés sont remis entre les mains du fiduciaire285. Toutefois, ce principe subit une exception: selon la loi du 4 août 2008, la fiducie-sûreté portant sur la créance est opposable au débiteur de la créance cédée par la notification qui lui en est faite par le constituant (le créancier de la dette cédée) ou le fiduciaire, et est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la constate (art.2018-2, C. civ.). Ce qui s’inspire directement des solutions admises en matière de nantissement de créance et est en voie d’exprimer le droit commun de la cession de créance286. Mais, pendant la période suspecte, la conclusion de la fiducie-sûreté est nulle de plein droit (art. L.632-1 9o, C. com.). § III – La réalisation et l’extinction de la fiducie-sûreté 444. À l’échéance de la durée fixée, si la créance garantie n’a pas été totalement payée, le bénéficiaire peut réaliser la fiducie-sûreté. Cependant, la loi du 19 février 2007 n’a rien prévu sur ce sujet. Il s’avérait opportun, pour combler cette lacune, d’appliquer le régime commun de la réalisation des sûretés réelles conventionnelles, plus précisément les règles relatives au pacte commissoire 287: la détermination de la valeur des biens grevés devait recourir à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, sauf s’il s’agissait de sommes d’argent, de créances ou d’instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ; le créancier ne pouvait pas s’approprier la différence entre 285 Ibid., p.598. 286 Ibid., p.598. 287 Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, op. cit., p. 375. 250 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français la valeur des biens grevés et la solde de la créance garantie, toute clause contraire était réputée non écrite (art.2348, 2366 et 2460, C. civ.). 445. L’ordonnance du 30 janvier 2009 a comblé la lacune de la loi de 2007 relative à la réalisation de la fiducie-sûreté, en introduisant dans le Code civil les règles différentes selon que le fiduciaire est le créancier bénéficiaire lui-même ou un tiers. Si le fiduciaire est le créancier bénéficiaire, la réalisation de la fiducie-sûreté s’opère très simplement : sauf stipulation contraire, le fiduciairebénéficiaire acquiert la libre disposition du bien ou du droit cédé à titre de garantie. Celui-ci peut donc s’approprier du bien grevé, le vendre ou le faire vendre etc. Si le bénéficiaire n’est pas le fiduciaire, il peut lui demander de le remettre entre ses mains, puis il peut en disposer librement (art.2372-3, C. civ.). La difficulté réside en la juste évaluation des biens. Il faut obligatoirement recourir à un expert désigné à l’amiable ou judiciairement pour déterminer la valeur du bien, sauf s’il existe, pour le bien grevé, une cotation officielle sur un marché organisé au sens du code monétaire et financier ou si le bien est une somme d'argent (art.2372-3, al.3, et art.2488-3, al.3, C. civ.). Étant donné que la fiducie-sûreté a pour fin de garantie, le créancier ne peut pas s’en enrichir. Il doit verser au constituant la différence entre la valeur d’expertise des biens grevé et la solde de la créance garantie, sous réserve du paiement préalable des dettes nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire. 446. L’extinction de la créance garantie peut entraîner l’extinction de la fiducie-sûreté, c’est l’extinction de la fiducie-sûreté par voie accessoire. Cependant, ça dépend de la stipulation du contrat constitutif. S’il y a une clause de rechargement, l’extinction de la dette initialement garantie n’entraîne pas de plein droit l’extinction de la fiducie-sureté et, cette dernière reste réutilisable en couverture de nouvelles créances; si la fiducie n’est pas rechargeable, 251 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français l’extinction de la dette garantie entraîne de plein droit l’extinction de la fiducie-sûreté. L’article 2029 du Code civil prévoit que « le contrat de fiducie prend fin par le décès du constituant personne physique », autrement dit, le décès du constituant personne physique est une clause d’extinction du contrat constitutif dans le régime général de la fiducie. Dans ce cas là, le patrimoine fiduciaire fait de plein droit retour à la succession et, l’efficacité de la fiducie utilisée à des fins de garantie s’en trouve complètement ruinée pour le créancier bénéficiaire. Heureusement, la loi du 12 mai 2009 a supprimé cette source d’inefficacité de la fiducie-sureté, en disposant que « par dérogation à l’article 2029, le décès du constituant personne physique ne met pas fin au contrat de fiducie constitué en application de la présente section » (art. 2372-1 et 2488-1, C. civ.). Par conséquent, la fiducie-sûreté dans un tel cas constituera avec l’héritier ou les héritiers. L’efficacité de la fiducie-sûreté est ainsi désormais forcée. Section II – Quelques observations du droit positif 447. Comme toute institution juridique nouvelle, même si y a déjà plusieurs lois qui ont contribué à l’améliorer288, il existe encore des difficultés à résoudre pour la fiducie-sûreté. En premier lieu, la fiducie-sûreté présente deux avantages indéniables pour ses bénéficiaires. L’un réside dans la situation d’exclusivité sur les biens grevés qui permet aux bénéficiaires d’échapper à tout concours avec les autres créanciers du constituant. L’autre est sa souplesse de la réalisation par rapport à d’autres sûretés réelles traditionnelles : certaines prohibitions en cas de gage ou d’hypothèque, telles que l’interdiction de la clause de voie parée et l’interdiction de stipuler un pacte commissoire dans le contrat d’hypothèque 288 Après la promulgation de la loi du 19 février 2007, il y a la loi du 4 août 2008, la loi du 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009 qui ont traité des problèmes de la fiducie-sûreté. 252 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français portant sur la résidence principale du constituant, n’ont pas cours pour la fiducie-sûreté. Le constituant de la fiducie-sûreté peut même conserver l'usage ou la jouissance du bien grevé si la convention constitutive l’a prévu (art. 2018-1 et 2372-3, al. 2, C. civ.,). Cependant, ces avantages de la fiducie-sûreté supposent plus ou moins son opposabilité aux tiers. Alors, comment assurer son opposabilité aux tiers dans la mesure où la loi ne prévoit aucune règle de publicité? Si celles portant sur des immeubles peuvent être portées à la connaissance des tiers par le régime de publicité habituel et relativement parfait, celles portant sur des meubles autres que des créances en droit positif, en revanche, ne devraient devenir opposable aux tiers que les meubles corporels grevés ou les titres des biens incorporels grevés entre en possession du fiduciaire. La fiducie-sûreté mobilière priverait alors le constituer d’en user, d’en jouir et de l’affecter en garantie pour une autre créance. Cet inconvénient s’approche de celui du gage traditionnel. Ou, nous pouvons pencher pour l’autre solution : « modifier le fonctionnement du registre appelé à recevoir les déclarations de fiducie pour le transformer d’un registre à des fin d’ordre public en un registre à des fins de publicité, au moins pour les fiducie-sûreté mobilière »289. En second lieu, il faut dire que les dispositions concernant la fiducie-sûreté (ou dite la fiducie) changent trop vite. Cela n’est pas favorable à la sécurité juridique et à l’accessibilité et la compréhensibilité de loi. Une telle instabilité entraîne aussi l’augmentation des coûts législatifs. Cela ne vaut pas dire que les dispositions de la loi ne peuvent pas être modifiées, mais la fréquence de promulgation de quatre lois en trois ans est vraiment inimaginable. La loi du 19 février 2007 limitait le constituant de la fiducie à une personne morale soumise de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés, qui a été rapidement 289 Manuella BOURASSIN, Vincent BREMOND, Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, op. cit., p. 371. 253 Chapitre I – La fiducie-sûreté en droit français modifié par la loi du 4 août 2008. Elle énonce une simple consécration que la fiducie peut être utilisée à la fin de garantie, et ne dit rien sur le fonctionnement de l’institution. Il nous semble que ce manquement peut se justifier par le fait que la loi relève principalement de la matière d’opération financière, mais non de la matière de sûreté. Étant basé sur ce fil de la pensée, les règles principales de la fiducie-sûreté, qui sont principalement énoncé par la loi du 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009, auraient dues être énoncées dans l’ordonnance du 23 mars 2006 qui procède une réforme du droit des sûretés. 448. En résume, il ne faut pas exagérer la signification de la fiducie-sûreté. Elle ne peut ni être le droit commun de sûreté, ni être la reine de sûreté comme certains auteurs le considèrent290. 290 A. CERLES, La fiducie, nouvelle reine des sûretés, JCP E, 2007, 2054. 254 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois 449. En droit chinois, la fiducie a été consacrée par la Loi de la fiducie de la RPC en 2001. Étant donné que la loi s’inspire directement du régime hongkongais qui suit le droit anglais, le régime de la fiducie fixé par cette loi s’approche plutôt du trust en droit anglais, et ne peut pas être utilisée à la fin de garantie. En effet, intéressés par le régime de fiducie-sûreté en droit japonais et taïwanais, de nombreux juristes se consacrent à la recherche de son régime pendant ces dernières années291. Même, au cours de la rédaction de la LDR, certains projets (no1, no4, et no5) de la loi en déjà prévoyaient des règles principales. Enfin, la LDR promulguée ne l’a pas consacré. Mais le refuse législative n’a pas éteint les vives controverses en doctrines sur l’introduction de la fiducie-sûreté. Avant d’approfondir le débat, il faut d’abord montrer le régime de la fiducie-sûreté projeté en doctrine chinoise. Section I – Le régime de la fiducie-sûreté projeté 450. Malgré des vives controverses, les juristes s’accordent plus ou moins sur le mécanisme de la fiducie-sûreté. Selon les recherches achevées, la fiducie-sûreté est une opération par laquelle un constituant (débiteur ou tiers) transfère à un créancier un bien (des choses, des droits ou des sûretés) en garantie de sa créance, à charge pour le créancier de le restituer en cas de paiement de sa créance. 451. Selon les idées des souteneurs, la fiducie-sûreté présente des avantages qui peuvent compléter les inconvénients des sûretés réelles traditionnelles. 291 Il existe une centaine d’essais de recherche concernant la fiducie-sûreté sur le site de Périodiques chinois (www.cnki.net). Si on utilise le moteur de recherche Google (www.google.com), il y a 291 000 de résultats en chinois concernant la fiducie-sûreté. Alors qu’on utilise le même moteur de recherche, il n’y a que 9430 de résultats en français concernant la fiducie-sûreté. 255 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois En premier lieu, l’assiette de la fiducie-sûreté est très étendue. Les biens corporels ou incorporels, présents ou futurs, mobiliers ou immobiliers, peuvent indifféremment être son assiette, à condition qu’ils soient aliénables. Il n’existe non plus de striction spéciale concernant le constituant ou le créancier. En second lieu, la fiducie-sûreté a pour objet le transfert de propriété ou d’autres droits, mais ne réalise pas la dépossession du bien grevé. Alors le constituant peut encore en user et jouir. Enfin, la réalisation de la fiducie-sûreté est simple. À l’échéance de la créance et en cas de non-paiement de celle-ci, le créancier devient propriétaire du bien grevé et donc dispose de la priorité sur tous les autres créanciers de son débiteur, sans avoir à soumettre à la procédure des sûretés réelles traditionnelles qui dure éventuellement longtemps et qui coûte cher. 452. Néanmoins, les mérites ci-dessus suffisent-elles pour justifier l’introduction de la fiducie-sûreté en droit chinois? Pas forcément. Il faut examiner des observations sur ce point. Section II – Quelques observations 453. Pour la transplantation dans notre système juridique d’une institution venue d’autres pays, il est très important de rechercher son contexte. Parce que c’est lui qui décide la nécessité de l’instauration et le but législatif, et encadre le mécanisme de l’institution. Considérant que les juristes chinois se réfèrent principalement à la fiducie-sûreté en droits allemand, japonais et taïwanais, nous étudierons respectivement les contextes différents dans ces pionniers de l’institution. 454. Parmi les systèmes juridiques romano-germaniques, celui d’Allemagne et celui de Japon sont les devanciers les plus importants qui ont instauré l’institution de la fiducie-sûreté. Le droit taïwanais, pour des causes historiques, influence beaucoup le droit chinois continental. 256 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois Le code civil allemand de 1896 distingue strictement la sûreté mobilière de la sûreté immobilière. Le prototype de la sûreté immobilière est l’hypothèque qui n’emporte pas la dépossession du bien grevé, alors que la seule sûreté mobilière est le gage qui nécessite la dépossession du bien grevé. Jusqu’à maintenant, le code civil allemand ne consacre pas la sûreté mobilière sans dépossession ou dite l’hypothèque mobilière. Le pacte commissoire, peu importe qu’il soit conclu lors de la constitution ou postérieure à la constitution, est toujours interdit par le code. En outre, en cas de procédure collective, il existait certaines créances privilégiées jusqu’à 1999292 qui primaient la sûreté réelle traditionnelle. Les effets de l’hypothèque et du gage sont donc entamés. Mais du côté de la pratique de crédit, l’hypothèque immobilière et le gage mobilier ne peuvent plus offrir des garanties suffisantes. Les biens mobiliers, tels que les équipements de production, occupent une place de plus en plus importante. La seule possibilité de les affecter en garantie est de constituer un gage sur eux. Mais une telle sûreté empêchera les activités courantes de l’entreprise. Par conséquent, comment offrir assez de garantie pour le crédit, mais n’emporter pas la dépossession du bien grevé saute aux yeux des juristes allemands. Étant donné que les juristes n’ont pas voulu entamer la théorie et la typologie traditionnelle de sûreté réelle, les jurisprudences allemandes ont consacré successivement la fiducie-sûreté293. En droit japonais, le code civil n’aborde que l’hypothèque immobilière, le gage immobilier et le gage mobilier avec dépossession. L’hypothèque mobilière 292 La priorité de ces créances privilégiées a été supprimée par la nouvelle loi de faillite (Insolvenzordnung) qui entre en vigueur le 1er janvier 1999. Depuis ce jour là, il n’existe plus les créances privilégiées et toutes ces créances sont créances chirographaires. 293 La fiducie-sûreté en droit allemand est une institution issue de vente à réméré. Elle a été successivement consacrée par la jurisprudence. Par un arrêt rendu le 11 mars 1903, la Cour d’Empire a refusé de qualifier la fiducie-sûreté de vente, puis par un arrêt du 10 avril 1906, la même cour l’a qualifié d’une fiducie. V. WANG Na, L’institution de la fiducie-sûreté en droit allemand, in Collection des essais de droit allemand et chinois, Éd. du droit, 2003, p. 450. 257 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois est consacrée par des lois spéciales, tels que la Loi sur l’hypothèque des véhicules à moteur, la Loi sur l’hypothèque des aéronefs et la Loi sur l’hypothèque des machines à construire, mais son domaine d’application est très strict. Elle est donc limitée à des véhicules à moteur, des aéronefs et des machines à construire. Elle n’a donc pas été généralisée à d’autres meubles. De plus, le pacte commissoire est interdit par le code civil. Et, les créanciers hypothécaires ou gagistes sont probablement primés par les privilèges qui sont plus ou moins occultes. L’hypothèque et le gage sont donc précaires. Cherchant, d’une part, à affecter des meubles en garantie et n’empêcher pas leur usage et jouissance, d’autre part, à assurer la fiabilité de garantie, la jurisprudence a consacrée enfin la fiducie-sûreté294. En droit taïwanais, les juristes ont discuté avec véhémence sur l’introduction de la fiducie-sûreté à l’instar du droit allemand. Mais ils ont finalement démarré cette intention en se tournant vers la modalité américaine. Enfin, il a promulgué la Loi des sûretés mobilières en 1963, dans laquelle sont consacrés trois modalités de sûretés mobilières: l’hypothèque mobilière, la vente conditionnelle et la fiducie-sûreté. Pourquoi la loi juxtapose l’hypothèque et la fiducie-sûreté ? Selon les auteurs, les raisons principales sont ainsi295: premièrement, les meubles susceptible de l’hypothèque sont limités 296 ; secondement, l’ensemble des meubles, tel que le stock, ne peut pas être l’assiette de l’hypothèque mobilière ; enfin, les coûts de réalisation de la fiducie-sûreté sont moins onéreux que ceux de l’hypothèque et du gage. 294 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 384. 295 XIE Zaiquan, Les droits réels (volume II), Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1999, p. 899-900. 296 V. l’article 4 de la Loi des sûretés mobilières en 1963, sont susceptibles d’être hypothéqués des machines, des équipements, des outils, des matières premières, des semi-produits, des produits finis, des véhicules, des produits agricoles, sylvicoles, pêcheurs ou des élevages, des bestiaux, des bateaux cinétiques de tonnage inférieur à 20 ton et des autres bateaux de tonnage inférieur à 50 ton. 258 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois 455. En résume, la consécration de l’institution de la fiducie-sûreté suppose généralement l’inexistence de l’hypothèque mobilière (au moins la limitation des assiettes susceptibles de l’hypothèque mobilière), le fléchissement des efficacités de l’hypothèque ou du gage à cause de l’existence des sûretés réelles non conventionnelles occultes, ou l’interdiction complète (ou au moins partielle) du pacte commissoire. 456. Alors, la situation juridique chinoise correspond-t-elle aux situations susmentionnées? En ce qui concerne l’hypothèque mobilière, tous les meubles, sauf ceux qui sont interdits par la loi (art.184, LDR), sont théoriquement susceptibles d’être hypothéqué. En pratique du crédit, la cause de l’utilisation faible de l’hypothèque mobilière portant sur des meubles généraux réside en désordre de l’inscription. Force est d’unifier et d’éclairer le régime de l’inscription hypothécaire mobilière, non de recourir à d’autre institution nouvelle. S’agissant de leurs efficacités, il n’existe point de sûretés légales occultes primant l’hypothèque et le gage. En cas de procédure collective, ils sont payés en premier rang et priment les soi-disant privilèges. De plus, considérant que « … sans consentement du créancier hypothécaire, le constituant ne peut pas aliéner le bien grevé …» (art.191, al.2, LDR), l’hypothèque exclu en effet la disposition du bien grevé du constituant. Par conséquent, si on fait abstraction du bien-fondé de la disposition, on peut même dire que, dans n’importe quel pays, aucune sûreté ne peut être plus efficace que l’hypothèque en droit chinois. Enfin, concernant le pacte commissoire, il est partiellement interdit: seul le pacte commissoire conclu lors de la constitution de sûreté est interdit. Il nous semble que cette prohibition peut, d'un certain point de vue, justifier la fiducie-sûreté. En effet, le pacte commissoire est un véritable dilemme pour les auteurs favorables à la fiducie-sûreté. Si on maintient le pacte commissoire, 259 Chapitre II – Le débat sur l’introduction de fiducie-sûreté en droit chinois cela signifie que l’appropriation du bien grevé par le créancier garanti est interdite. Alors, pourquoi on introduit la fiducie-sûreté qui permet, lors de sa constitution, au créancier garantit de devenir propriétaire du bien grevé en cas de non-paiement de sa créance, ce qui se heurte nécessairement à la prohibition? Si on admet complètement la validité du pacte commissoire, les efficacités de l’hypothèque ou du gage peuvent alors être davantage renforcées. Tenant encore les analyses plus hautes, il nous semble qu’il est encore moins nécessaire d’introduire la fiducie-sûreté en droit chinois. A fortiori, l’institution de la fiducie-sûreté a elle-même des problèmes d’efficacité, par exemple, les coûts de deux transferts de propriété et les coûts de réalisation ne sont pas très bas, et la réalisation n’est pas aussi simple que l’on l’imagine297. 297 Par exemple, la Cour suprême japonaise impose le créancier de restituer au constituant la différence entre la valeur du bien et le montant de la dette due. Et, pour la détermination de la valeur du bien, si le créancier s’approprie du bien grevé, il ne peut pas l’estimer arbitrairement, les auteurs considèrent qu’elle doit être déterminée par le juge compétent. Ce recours au juge nécessite sûrement des coûts pécuniaires et du temps. S’il l’a vendu à un tiers, la valeur du bien se convertit donc en prix de la vente. Mais dans ce cas là, le créancier se contenterait d’un prix égal à sa créance, même si la valeur du bien grevé est beaucoup importante. S’il l’a vendu à un prix inférieur à la valeur véritable du bien grevé, quid? V. Masamichi NOZAWA, le transfert de propriété à titre de garantie en droit français et en droit japonais, RIDC, 2001, no 3, p. 670-671. 260 Troisième partie Régimes des sûretés immobilières (approche micro juridique) 261 457. Selon les sources, les sûretés immobilières dans les deux systèmes juridiques, comme les sûretés mobilières, peuvent aussi être classées en deux catégories qui sont soumises aux régimes juridiques différents: les sûretés immobilières non conventionnelles et les sûretés immobilières conventionnelles. 262 Titre préliminaire – Les sûretés immobilières non conventionnelles 458. Comme en matière mobilière, il arrive aussi que certaines sûretés soient, hors le cadre de convention entre les parties, conférées à certains créanciers ou attachées à certaines créances : les sûretés réelles immobilières non conventionnelles qui rassemblent les sûretés légales et les sûretés judiciaires. 263 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales Chapitre I – Les sûretés immobilières légales 459. Les sûretés immobilières légales comprennent les privilèges immobiliers et les hypothèques légales. Section I – Les privilèges immobiliers 460. Les privilèges immobiliers ici ne désignent que les privilèges spéciaux. Ils sont accordés aux créanciers qui introduisent une valeur dans le patrimoine du débiteur. Leur régime est assez proche de celui de l’hypothèque conventionnelle: principe de spécialité, non dépossession du bien, droit de suite et de préférence au créancier, transmission et extinction, ainsi que la publicité. La différence est que la publicité des privilèges a un effet rétroactif qui permet au créancier de prendre rang à la date antérieure à la publicité. Cela peut s’expliquer par le fait que la créance « naît privilégiée » de certains actes : vente d’immeuble, prêt de deniers…298, puisque dans l’hypothèse, le débiteur s’enrichit de ces actes. 461. Selon l’article 2290 du Code civil, les privilèges immobiliers spéciaux sont au nombre de huit, parmi lesquels celui de la vente d’immeuble et celui reconnu au prêteur de deniers sont les plus importants. En effet, transférer tous les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèque légale était l’ambition tenue par le Group Grimaldi, ce qui n’a pas été finalement accepté par le législateur299. 462. Le vendeur d’immeubles dispose du privilège qui le protège du risque de non paiement du prix de vente. Le privilège prend effet à la date de l’inscription qui doit être faite dans les deux mois de la vente (art. 2379, C. civ.). 298 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 318. 299 Ph. DUPICHOT, La réforme du régime hypothécaire, D. 2006, 1291 ; Ph. DELEBECQUE, L’hypothèque, no spécial JCP 17 mai 2006, 8 ; Dossier Le renouveau de l’hypothèque, Dr. et patr. mai 2007, p. 41. 264 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales Si le vendeur laisse passer ce délai, l’effet rétroactif de l’inscription est perdu, le privilège prend rang alors à la date de l’inscription300. Ce privilège permet au vendeur d’être payé en priorité par rapport aux autres créanciers sur le prix provenant de la vente de l’immeuble impayé. Le prix impayé, les frais de vente mentionnés dans l’acte et les intérêts légaux ou conventionnels dans la limite de trois ans sont couvert par ce privilège. 463. En comparaison du privilège de vendeur d’immeuble, celui du prêteur de deniers est plus important, car le crédit immobilier contemporain est généralement consenti par eux. Selon l’article 2374, 2o du Code civil, le prêteur bénéficie du privilège à la condition que l’acte d’emprunt ait authentiquement constaté que la somme était destinée à l’achat du immeuble et que la quittance du vendeur constate authentiquement que la somme a été constituée à partir des deniers empruntés. Les deniers accordés sont utiles pour tous les créanciers d’emprunteur, ce qui justifie ce privilège. Ce privilège garantit le principal du prêt et les intérêts conventionnels pour trois ans. L’exigence de publicité est en tout point identique à celle du privilège du vendeur d’immeuble. Il est à noter que ce privilège du prêteur est inférieur à celui du vendeur d’immeuble. Certes, les parties du prêt peuvent l’écarter par voie conventionnelle à l’occasion de l’octroi de crédit. Section II – L’hypothèque légale § I – L’hypothèque légale en droit français 464. L’article 2400 du Code civil énumère les créances dont le titulaire bénéficie d’une hypothèque légale sur immeubles. Une hypothèque légale est donc reconnue aux époux, aux mineurs ou majeurs en tutelle, aux personnes morales de droit public, ainsi aux titulaires des privilèges mobiliers généraux, 300 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 465. 265 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales sauf le créancier du frais de justice. Parmi eux, certaines hypothèques sont issues des anciens privilèges immobiliers occultes. Ce genre d’hypothèque leur confère une protection particulière. Elle prend rang à la date de son inscription, ce qui la distingue des privilèges immobiliers. Elle doit respecter le principe de spécialité quant à l’inscription à peine de nullité301. 465. Nous n’envisagerons que l’hypothèque des époux et celle de personnes en tutelle, les autres dont les particularités relèvent de droits spéciaux (droit fiscal, droit de la copropriété etc.) ne seront pas traitées dans la présente thèse. A. L’hypothèque légale des époux 466. Cette hypothèque a un lien intime avec le régime matrimonial302. Elle est en effet l’héritière de l’hypothèque légale de la femme mariée et, est utilisé par la loi du 13 juillet 1965 pour accentuer l’égalité entre les époux303. Aujourd’hui, non seulement le mari, mais également la femme, peuvent bénéficier de cette hypothèque. Cependant, son rôle est réduit et ne présente un intérêt que dans une situation de crise, puisque sa procédure de constitution devient lourde : l’hypothèque doit être inscrite et, prend rang à la date d’inscription ; l’inscription doit être demandée au juge accompagnant normalement d’une inscription provisoire et avec une inscription définitive intervenant après l’autorisation judiciaire (art.2403, C. civ.). Néanmoins, l’autorisation judiciaire n’est pas nécessaire dans le régime de participation aux acquêts (art.2402, C. civ. ). L’inscription sera donc désormais exceptionnelle et n’apparaîtra que lorsque l’entente conjugale a été rompue, et que deux conjoints sont dans un rapport de défiance304. 301 Ibid., p.443. 302 J. FLOUR, Cours de droit civil, 1965-1966, Les Cours des droits, ronéo, p.653 et 654. 303 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op.cit., p.323. 304 Ibid., p.324. 266 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales B. L’hypothèque légale de personnes en tutelle 467. Le tuteur de mineurs et de majeurs incapables est responsable sur ses propres biens, mais ce n’est qu’un gage général qui reste insuffisant pour protéger les incapables. Le régime de cette hypothèque vise justement à mieux protéger les mineurs ou majeurs sous tutelle qui courent le risque de voir leurs biens dilapidés par leurs représentants. Grâce à la loi du 14 décembre 1964 qui a élargi l’étendu des bénéficiaires de cette hypothèque, tous mineurs et majeurs en tutelle peuvent en bénéficier. De plus, face à l’accroissement de l’importance des biens mobiliers, le régime de la protection s’est assoupli. La protection peut être remplacée par la constitution d’un gage (art. 2409, al. 1 et 3, C. civ.) lorsque le tuteur a peu de biens immobiliers, mais a un patrimoine mobilier important. 468. Malheureusement, la constitution de cette hypothèque devient lourde à cause du décret de 1955. L’hypothèque doit être inscrite à la diligence du conseil de famille en cas de tutelle ou du juge des tutelles en cas d’administration légale. L’inscription doit aussi respecter le principe de spécialité. Cette formalité lourde rend ce régime moins praticable, et en fait même une mesure de crise en déclin comme l’hypothèque des époux305. § II – L’hypothèque légale en droit chinois 469. L’article 286 de la Loi sur les contrats de 1999, qui figure au chapitre XVI intitulé « Contrats de construction », dispose que « si le donneur d’ouvrage n’a pas payé l’entrepreneur du montant prévu par le contrat de construction, le dernier peut le mettre en demeure de le payer dans un délai raisonnable. Si le donneur manque du paiement dans le délai fixé, l’entrepreneur pourra, avec l’accord du donneur, soit prendre en paiement la 305 Ibid., p.324. 267 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales construction, soit demander au tribunal de vendre aux enchères la construction. Son paiement est fait en priorité sur la valeur de la construction ». Par là, on peut conclure que la prérogative de l’entrepreneur résulte de la loi, mais pas du contrat de construction. Seul l’entrepreneur entrant directement en contact avec le donneur et faisant des travaux peut bénéficier de cette prérogative, négatif pour tous les autres. Outre cet article, on ne peut trouver d’autre règle concernant cette prérogative. 470. L’ambiguïté de la nature de cette prérogative - l’article 286 n’utilisant ni le terme d’« hypothèque », ni celui de « privilège » - entraîne des controverses sur sa qualification : certains juristes la qualifient de privilège, certains la considèrent comme un droit de rétention, d’autres comme une hypothèque légale306. C’est un problème assez important, puisque le régime d’hypothèque légale, de droit de rétention et de privilège sont très différents. Alors que le premier prend rang à la date de son inscription, le deuxième est soumis à un régime spécial et le dernier prend rang à la date de l’acte qui lui donne naissance. Considérant, d’une part que cet article s’inspire de l’article 513 du Code civil de la RC et que ce dernier la considère comme l’hypothèque légale, d’autre part que le système général de privilège n’est pas instauré et que l’objet du droit de rétention en droit chinois est un meuble, les juristes ont tendance à accepter la qualification d’hypothèque légale. 471. Depuis la Dynastie des Qing jusqu’à aujourd’hui, aucun texte juridique ne reconnaît l’hypothèque légale des conjoints ou des incapables comme c’est le cas en France. L’absence de ces régimes est due, d’une part, au régime particulier de la famille chinoise qui diffère beaucoup de celui de la France. Historiquement, les 306 V. XU Jie, ZHAO Jingwen, Droit des contrats, Éd. du droit, 2000, p. 486 ; JIANG Ping, Lecture de la Loi sur les contrats de la RPC, 1999, p. 223 ; ZHANG Xuewen, L’études sur certains problèmes de prérogative de l’entrepreneur, in Étude du droit, 2000, III, p. 102. 268 Chapitre I – Les sûretés immobilières légales membres d’une même famille habitaient tous ensemble, sur plusieurs générations et formaient une « grande famille », une sorte de communauté solide en Chine. Surtout dans les campagnes, où dominaient les hommes, « la personnalité des femmes et des enfants mineurs et même des interdits, se trouvant absorbée par ce genre d’association » 307 . Dans ce contexte, l’hypothèque légale des conjoints ou des incapables n’a pas eu d’opportunité de se développer. Elle « ne se manifestait donc ni dans les coutumes, ni dans la législation historique en Chine, où la structure sociale était encore plus ou moins communautaire et patriarcale »308. D’autre part, le gouvernement chinois appliquait un système unique de propriété publique, supprimait les régimes et les notions du droit privé, intervenait dans la vie familiale par tous les moyens, voire celui d’administration309. L’État intervenait dans les affaires des individus dès leur naissance jusqu’à leur mort. Il n’y avait donc ni possibilité ni nécessité pour le régime de l’hypothèque légale de se développer. 472. Cependant, la situation sociale chinoise évolue progressivement : l’organisation familiale s’effrite sous l’impulsion de l’urbanisation et du contrôle des naissances ; le taux de divorce augmente progressivement… Dans ce contexte, la nécessité de mieux protéger les intérêts des femmes mariées et des mineurs devient une problématique réelle pour les juristes. L’hypothèque légale française des conjoints ou des mineurs est sans doute un choix valable. 307 YU Tchen-pong, L’hypothèque dans le droit coutumier chinois, Bosc Frère et Riou,, Thèse de l’Université de Lyon, 1940, p.24. 308 Ibid., p.25. 309 LI Shigang, op. cit., p.266. 269 Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires 473. Les sûretés immobilières judiciaires ne désignent ici que les hypothèques judiciaires résultant de décisions judiciaires. Section I – Les sûretés réelles judiciaires en droit français 474. En droit français, l’hypothèque judiciaire est une sûreté réelle créée par la loi du 12 novembre 1955 et reprise avec certaines modifications par la loi du 9 juillet 1991. Elle permet d’empêcher le débiteur poursuivi en paiement de tirer profit des longs délais de procédure pour organiser son insolvabilité, et de créer en faveur du créancier une stratégie d’anticipation310. Il s'agit d’une sûreté réelle portant sur des immeubles appartenant au débiteur. Tous les créanciers du débiteur, quels qu’il soient, incapables ou établis hors de France (art. 89 de la Loi du 9 juillet 1991), peuvent demander au juge l’inscription d’une hypothèque conservatoire, s’ils peuvent prouver que la créance paraît fondée en son principe qui est fonction de l’appréciation souveraine du juge et si les circonstances sont susceptibles d’en menacer le recouvrement (art. 67, al. 1er de la Loi du 9 juillet 1991 et art. 210 du Décret du 31 juillet 1992). Donc, à la différence de l’état du droit avant 1991, l’urgence, qui ne pouvait être caractérisée que par le péril du recouvrement de la créance, n’est plus requise. Après l’autorisation rendue par le juge, le créancier doit procéder à la publicité de son hypothèque pour qu’elle soit opposable aux tiers. § I – La publicité provisoire 475. L’hypothèque est soumise à une publicité provisoire opérée sur l’autorisation d’un juge ou sur justification de la dispense de l’autorisation. Dans le premier cas, le créancier doit, à peine de caducité, procéder à la 310 Yves PICOD, op. cit., p. 399 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 421-422. 270 Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires publicité de son hypothèque auprès du bureau des hypothèques dans les trois mois de l’autorisation rendue et, dans le dernier cas, aucun délai n’est requis. Sous même peine, le débiteur doit être informé de cette mesure dans les huit jours par acte d’huissier. Il peut contredire l’inscription de l’hypothèque en tentant une action tendant à la mainlevée de l’inscription. Sa demande de mainlevée peut être approuvée par le juge s’il peut prouver que la créance ne paraît pas fondée en son principe et les circonstances menaçant le recouvrement de la créance ne sont pas établies ; ou que les règles procédurales n’ont pas été pas respectées et l’engagement de procédure au fond dans le délai requis est manqué311. Une fois que la mainlevée est ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à indemniser le débiteur des dommages-intérêts pour le préjudice causé par la mesure conservatoire (art. 75, al. 2 de la Loi du 9 juillet 1991). 476. Après l’accomplissement de l’inscription provisoire, l’hypothèque est opposable aux tiers, et le rang de l’inscription définitive est par avance fixé par celle-ci. L’inscription provisoire n’est valable que pour trois ans, sauf être renouvelée312. Et elle n’empêche pas l’aliénation du bien grevé. Si le bien est vendu, le créancier ne pourra recevoir sa part que s’il accomplit dans les délais prescrits la publicité définitive. Mais, elle confère au bénéficiaire un droit de préférence et un droit de suite, juste comme une sûreté conventionnelle ou légale les confère à leur titulaire (art. 77 de la Loi du 9 juillet 1991). § II – La publicité définitive 477. Comme le créancier ne peut se prévaloir que d’une créance provisoire, la part qui lui revient dans la distribution est consignée et ne lui sera 311 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 427. 312 Cass. civ. 3e, 24 avr. 1974, D. 1975, 107. Le renouvellement de la publicité provisoire doit se faire dans la même forme et pour la même durée (art. 257, Décret du 31 juillet 1992). V. également l’Instruction du 28 févr. 1997, Defrénois 1997, 1216. 271 Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires remise que s’il accomplit les formalités de publicité définitive. La chambre commerciale de la Cour de cassation a statué, par un arrêt du 12 mai 2009, qu’à défaut de publicité définitive, la publicité provisoire ne peut pas conserver l’hypothèque judiciaire et donc l’hypothèque judiciaire est inopposable aux tiers313. Si le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire préalable, il doit assigner le débiteur au fond. La publicité définitive interviendra dans les deux mois à partir du moment où le jugement est passé en force de chose jugée. Si le créancier dispose d’un titre exécutoire préalable qui est un jugement exécutoire par provision, le créancier doit attendre que le jugement passe en force de chose jugée. Il doit aussi procéder à la publicité définitive dans les deux mois qui suivent. Si le créancier dispose d’un titre exécutoire préalable définitif autre qu’un jugement passé en force de chose jugée, le délai de deux mois ne court qu’à compter de l’expiration du délai de huit jours après le dépôt des bordereaux d’inscription pour l’hypothèque judiciaire conservatoire ou après la signification de l’hypothèque. 478. Une foi que la publicité définitive est correctement accomplie dans les délais, elle donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale dans la limite des sommes conservées par cette dernière. La publicité définitive rétroagit à la date de la publicité provisoire. Egalement à peine de caducité, le débiteur doit être informé dans les huit jours par acte d’huissier comme pour la publicité provisoire. Section II – Les débats sur l’existence d’hypothèque judiciaire en droit chinois 313 Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-11. 421. 272 Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires 479. Les sûretés réelles judiciaire ne sont pas reconnues par le droit chinois ancien, puisque « le pouvoir public s’abstenait toujours d’intervenir dans les activités économiques du peuple en employant les méthodes du droit civil»314. Sous l’empire de la féodalité, « si, dans un cas extrême où le créancier était poussé au pire, c’est-à-dire à assigner le débiteur devant le tribunal, le jugement comportait plutôt des châtiments --- une exécution forcée sur les biens du débiteur. Ne pas payer des dettes était un crime contre la morale »315. La qualification du non paiement de dettes comme « crime » n’a désormais plus cours. Néanmoins, aucun texte juridique ne prévoit de sûretés judiciaires. 480. Certains considèrent qu’il existe des sûretés judiciaires en droit chinois positif. Certes, on retrouve des soi-disant sûretés judiciaires. L’article 92 de la Loi de la procédure civile dispose que « le tribunal peut, à la demande d’une partie, adopter des mesures conservatoires sur les biens de l’autre partie qui est susceptible de rendre le jugement de condamnation impossible ou gênant à exécuter. Le cas échéant, le juge peut en adopter d’office. Si le juge décide d’adopter des mesures conservatoires, il peut sommer le demandeur de fournir des sûretés… ». 481. Cependant, ces sûretés judiciaires ne sont pas du tout les sûretés judiciaires au sens du droit français. Les premières sont constituées par les créanciers qui demandent au juge d’adopter des mesures conservatoires empêchant le débiteur de gérer son bien grevé. Elles constituent donc la garantie des mesures conservatoires et visent à protéger les intérêts du débiteur. Pour gérer son bien grevé, le débiteur peut offrir une sûreté inversée. C’est un processus scolastique et complexe. Les secondes visent, en revanche, à protéger les intérêts du créancier dont le recouvrement de créance est menacé ou est susceptible d’être menacé, et constituent à la foi une mesure conservatoire et 314 LI Shigang, op. cit., p. 266. 315 YU Tchen-pong, op. cit., p. 6. 273 Chapitre II – Les sûretés immobilières judiciaires une sûreté réelle. Même si leur inscription de ces dernières est un peu lourde et compliquée, elles présentent certains avantages importants : d’une part, elles confèrent à leur bénéficiaire un droit de préférence et un droit de suite ; d’autre part elle n’empêche pas le débiteur de gérer son bien et établisse un équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur. Le droit chinois d’exécution civile peut s’inspirer de l’expérience du droit français. 274 Titre I – L’hypothèque conventionnelle 482. L’hypothèque est une sûreté immobilière conventionnelle par excellence dans les deux systèmes juridiques, grâce à son régime de l’inscription relativement parfait et à sa souplesse. En effet, l’ « hypothèque » en droit chinois est une sûreté réelle sans dépossession portant indifféremment sur des meubles ou des immeubles (v. supra n° 131). Cependant, l’hypothèque mobilière ayant été étudiée dans la partie consacrée aux sûretés mobilières et que l’hypothèque en droit français ne portant que sur l’immeuble (ou certains meubles qui s’apparentent à un immeuble, tels que des navires et avions civils, v. supra n° 327), nous n’envisagerons ici que l’hypothèque immobilière, en examinant successivement sa constitution, sa publicité et ses effets. 275 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 483. Pour qu’une hypothèque soit valablement constituée, il faut que soient remplies les trois conditions de fond relatives à son assiette, à la créance garantie et au constituant, auxquelles s’ajoutent un certain nombre de conditions de forme. Section I – L’assiette de l’hypothèque 484. Selon l’article 2397 du Code civil, sont seuls susceptibles d'hypothèques : 1° les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs accessoires réputés immeubles ; 2° l'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée. L’assiette de l’hypothèque n’est donc toujours constituée par des choses, mais par les droits portant sur ces biens316. Par une coïncidence singulière, la Loi sur les droits réels de la RPC (LDR) a remplacé l’expression de « chose hypothéquée » par celle de « bien hypothéqué », le premier était utilisé par la Loi sur les sûretés (LS) visant en effet des biens corporels ainsi que des biens incorporels. 485. Sauf les deux exceptions précitées, l’hypothèque en droit français a nécessairement pour assiette des droits immobiliers et en principe des biens présents. 486. Puisque la réalisation de l’hypothèque peut entraîner la transmission du bien grevé, son assiette doit donc être aliénable. Certains droits immobiliers, tels que le droit d’usage, d’habitation, et les servitudes, ne peuvent donc pas constituer l’assiette de l’hypothèque. Les articles L.526-1 et L.526-6 du Code de commerce permettent au commerçant entrepreneur individuel d’exclure son 316 LI Shigang, op. cit., p.267 276 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque immeuble de résidence du champ de l’hypothèque. En revanche, les autres droits immobiliers, que sont par exemples, la propriété, la nue-propriété, le droit d’usufruit, le droit de superficie et l’emphytéose, peuvent naturellement être hypothéqués. 487. Néanmoins, le droit chinois sur ce point est beaucoup plus compliqué. Ainsi la LDR consacre quatre articles (art. 180, 182, 183 et 184) d’une particulière complexité au régime de l’assiette de l’hypothèque immobilière. Les critères de biens susceptibles d’hypothèque prennent en compte non seulement la nature des biens, mais aussi leurs titulaires et leurs moyens d’acquisition. De plus, le législateur chinois délimite expressément les biens susceptibles d’hypothèque de ceux qui ne peuvent pas l’être. Ainsi, l’article 180 de la LDR énumère d’une manière positive les biens immobiliers pouvant être hypothéqués : les bâtiments et autres choses adhérant au sol d’une manière fixe (tels que les cultures, les arbres, tunnels, barrages etc.) ; le droit d’usage du terrain à bâtir ; le droit forfaitaire d’exploitation du terrain en friche acquis par appel d’offre, adjudication ou négociation publique ; les bâtiments en cours de construction ; et enfin les autres biens qui ne sont pas interdits d’hypothèque par la loi ou le décret. A l’inverse, l’article 184 de la LDR issu de l’article 37 de la LS stipule d’une manière négative les biens immobiliers interdits d’hypothèque : 1o les terrains. Alors que ces biens représentent une part importante de la propriété privée en France et dans d’autres pays, ils ne peuvent faire l’objet d’une hypothèque en droit chinois. La Constitution de la RPC déclare en effet qu’une personne de droit privé ne peut pas être propriétaire de terrains qui sont l’objet de la propriété exclusive de l’État ou de la collectivité, «… aucun groupe ou individu ne peut s’approprier, ni acheter, ni louer, ni transférer illégalement les terres sous d’autre formes…» (art.10, Con.). Conformément à la constitution, la LDR interdit donc l’hypothèque de la propriété du terrain. 277 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 2o le droit d’usage du terrain collectif rural, tels que la terre cultivée, la terre servant au logement, la parcelle et les champs dans les montagnes réservés à usage individuel, sauf disposition contraire de la loi spéciale 317 . Cette interdiction vise en effet à maintenir la totalité des superficies des terres cultivées et à protéger les intérêts des collectivités rurales et de leurs membres. La sollicitude du gouvernement chinois peut s’expliquer par l’importance de la population et, en regard, la faiblesse de la superficie moyenne des exploitations agricoles. Cette interdiction résulte donc d’un choix politique et humain. 3o les immeubles appartenant à des établissements d’utilité publique ou à des organismes sociaux ayant pour objet les intérêts publics, tels que les établissements d’éducation, les hôpitaux, les hospices etc. Cela vise clairement à assurer le fonctionnement normal de ces établissements ou organismes et, ainsi à protéger les intérêts publics. 4o les biens dont la propriété ou le droit d’usage est litigieux ou n’est pas clairement établi ; 5o les biens légalement scellés, saisis ou mis sous la garde (garde douanière par exemple) ; 6o les biens interdits d’hypothèque par la loi ou le décret. Toutefois le régime foncier chinois est très particulier. L’hypothèque de propriété de terrain étant interdite par la Constitution et la loi, la LDR admet l’hypothèque de bâtiment et celle de droit d’usage du terrain à bâtir pour satisfaire le besoin urgent du développement de crédit. Les régimes juridiques 317 Les exceptions sont principalement visées par l’article 180 et 183 de la LDR : le droit forfaitaire d’exploitation du terrain en friche qui est acquis par le moyen d’appel d’offre, d’adjudication ou de négociation publique peut être hypothéqué ; l’hypothèque de bâtiments d’entreprise rurale s’étend au droit d’usage de terrain sur lequel les bâtiments se situent. 278 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque de ceux-ci méritent donc un examen plus approfondi. En réalité, afin de simplifier la relation juridique foncière, le droit chinois a suscité le principe de l’indivisibilité entre le droit d’usage du terrain et la propriété de bâtiment sur celui-ci, qui est énoncé plus précisément par la doctrine comme « le bâtiment suit la terre, la terre suit le bâtiment ». La LDR, et la LS appliquent explicitement ce principe à l’hypothèque. Ainsi, l’hypothèque du bâtiment s’étend au droit d’usage du terrain sur lequel il se situe, même si les parties n’ont pas entendu l’étendre à ce dernier ou, vice versa (art.182, LDR). Le droit chinois limitant strictement le changement de la destination du terrain collectif rural, il faut donc distinguer le régime du bâtiment et du droit d’usage dans les zones rurales et suburbaines où le terrain est la propriété de la collectivité de celui dans les zones urbaines où le terrain est la propriété de l’État. Dans cette dernière hypothèse, l’hypothèque de bâtiment ou celle de droit d’usage du terrain respecte strictement le principe de l’indivisibilité précitée. Dans la première hypothèse, en revanche, l’hypothèque de bâtiment n’est pas théoriquement interdite par la loi, mais le droit d’usage du terrain est inaliénable et ne peut donc être hypothéqué (art.153, 184, LDR). Cela interdit en réalité l’hypothèque de bâtiment rural et réduit les droits du propriétaire du bâtiment. Cette interdiction subite toutefois une exception. L’hypothèque de bâtiment rural constituée par une entreprise se situant dans les zones rurales s’étend naturellement au droit d’usage du terrain s’attachant au bâtiment hypothéqué318. En résumé, cela interdit en pratique l’hypothèque de bâtiment rural, alors même que l’essentiel du patrimoine de la majorité des agriculteurs est précisément constitué de biens de cette nature. Cette restriction crée un traitement discriminatoire, au demeurant fort critiqué, entre les immeubles 318 Selon l’article 183 de la LDR, l’hypothèque constituée par une entreprise rurale peut porter sur le bâtiment situé dans les zones rurales et suburbaines. Dans ce cas là, elle s’étend au droit d’usage du terrain occupé. 279 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque ruraux et les immeubles urbains. Toutefois, la pratique du crédit rural ne tient toujours pas compte de cette distinction. 488. En droit français, l’assiette de l’hypothèque peut être étendue du fait du mécanisme propre au droit des biens. Ainsi, tous les accessoires du bien hypothéqué, qu’ils soient juridiques ou matériels, qu’ils soient inscrits ou non lors de l’inscription hypothécaire, peuvent servir d’assiette à l’hypothèque. De même, l’hypothèque s’étend à toutes les améliorations apportées à l’immeuble grevé (dernier alinéa, art.2397, C. civ.). Cela a une grande importance en pratique car l’amélioration accroît souvent la valeur d’immeuble hypothéqué. Le droit chinois consacre aussi l’extension de l’hypothèque à tous les accessoires du bien grevé319 et, à toutes les améliorations apportées, sauf que les biens apportés à l’amélioration sont séparables du bien grevé et que cette séparation ne nuit pas à la valeur du bien. 489. L’hypothèque porte en principe sur les biens présents. Généralement, les biens à venir ne peuvent être hypothéqués. Cela peut s’expliquer par l’application du principe de spécialité relative à l’assiette d’hypothèque d’une part 320 , et d’autre part, par la sollicitude morale qui veut que l’on «ne mange pas son blé en herbe »321. Ce principe de prohibition est expressément maintenu par la réforme française du droit des sûretés (art.2419, C. civ.), qui admet toutefois trois exceptions (art.2420, C.civ) justifiées par les exigences du crédit: 1o celui qui ne possède pas d’immeubles présents et libres suffisants pour la sûreté de la créance peut, au fur et à mesure, consentir une hypothèque sur 319 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p.314. 320 F. Martin, op. cit., p.59. 321 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p.287 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUEE, op. cit., no 401, p. 358. 280 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque chacun des immeubles qu’il acquerra par la suite. La question se pose ici de savoir si le débiteur qui n’a aucun immeuble actuel peut hypothéquer ses immeubles futurs. Cela entraîne une controverse en doctrine. Certains auteurs apportent la réponse négative 322 qui se justifie par l’exigence de « l’insuffisance » de biens présents fixée par la loi. D’autres au contraire y apporte la réponse affirmative, mais insistent sur l’inopportunité de la première opinion : si tel qui n’a pas assez de biens mérite une concession, celui qui n’en pas du tout y a droit davantage 323 . Il faut dire que l’exigence de « l’insuffisance » de biens présents n’est qu’un pavillon suspendu dans les airs, puisqu’il suffirait au débiteur d’acquérir un petit bien (voire un mètre carré dans une terre aride) pour satisfaire à la condition de « l’insuffisance ». De plus, pour obtenir plus de crédits en utilisant l’hypothèque d’immeubles futurs, le débiteur dira toujours que ses immeubles sont insuffisants. 2o celui dont l’immeuble présent grevé d’une hypothèque a péri ou subi des dégradations importantes que sa valeur n’est plus suffisante pour la sûreté de la créance, peut consentir une hypothèque prévue dans le cas 1o ; 3o celui qui possède un droit actuel permettant de construire à son profit sur le fond d’autrui peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est commencée ou simplement projetée324. 490. En droit chinois, l’hypothèque de bâtiment en cours de construction ou simplement projetée est aussi consacrée par la loi. En réalité, le principe de prohibition était retenu depuis la LS même si elle n’y consacrait aucun article. Cependant, à la lumière du régime de mortgage du droit anglais, la Loi sur la 322 MARTY, RAYNAUD, JESTA, III, no 184 ; MZEAUD, CHABAS, no 273 ; Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 288. 323 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 288. 324 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 405. 281 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque gestion des bâtiments et des terrains urbains de 1994 a contrevenu ce principe, en admettant la vente des bâtiments commerciaux en construction. En 2000, la Cour suprême a consacré la validité de l’hypothèque grevant sur les bâtiments en cour de construction ou même simplement projetés, sous l’autorisation des autorités compétentes (art.43, ELS). La LDR a repris la consécration et l’a étendu, en disposant dans son article 180 que l’hypothèque peut porter sur des « bâtiments, navires ou aéronefs en cours de construction », à la seule condition qu’elle soit légalement approuvée. Section II – La créance garantie 491. Afin de se conformer aux impératifs de la publicité foncière et de protéger les intérêts du constituant, le principe de spécialité s’impose tant en droit français qu’en droit chinois. Étant un droit réel accessoire, l’hypothèque ne peut, du moins en principe, que garantir une ou plusieurs créances existante et valable. 492. Néanmoins, l’ordonnance française du 23 mars 2006 et la LDR ont tous les deux abandonné les critères immobiles de spécialité, en l’assouplissant toutefois quant aux créances garanties. Les parties peuvent aujourd’hui constituer une hypothèque pour créances futures ou une hypothèque rechargeable. Le droit français permet aussi aux parties de constituer une hypothèque renversée, qui n’est pas admise par le droit chinois positif mais qui attire beaucoup d’attention des chercheurs et du législateur chinois. § I – Une ou plusieurs créances futures A. En droit français 493. Jusqu’à la réforme de 2006 du droit des sûretés, dans un souci de ne pas ruiner entièrement le crédit du débiteur et ne le priver pas de son droit 282 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque d’aliénation de ses immeubles325, l’hypothèque ne pouvait pas être constituée pour garantir des créances futures. Dans la pratique du crédit, cette prohibition était néanmoins largement atténuée par les banques, puisque les prêts hypothécaires (la créance garantie), surtout les crédits à consommation, naissaient souvent après la constitution de l’hypothèque. 494. La réforme de 2006 a heureusement clarifié l’ambigüité sur ce point. Aux termes de l’article 2421 du Code civil, « l’hypothèque peut être consentie pour sûreté d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures. Si elles sont futures, elles doivent être déterminables ». Il n’est donc pas nécessaire que la créance garantie soit liquide et, elle peut être une créance à terme ou conditionnelle, à condition que l’acte constitutif a fixé les conditions de sa détermination. En l’occurrence, l’hypothèque sera l’accessoire de la créance future. 495. Si l’hypothèque est constituée pour sûreté de créances futures et pour une durée indéterminée, le Code civil confère au constituant la faculté de la réaliser à tout moment sauf pour lui à respecter un préavis de trois mois. Une fois réalisée, l’hypothèque ne demeure que pour la garantie des créances nées antérieurement (art. 2423, al. 3, C. civ.). B. En droit chinois 496. À la différence du droit français, aucun texte en droit chinois ne dispose expressément que l’hypothèque classique peut être consentie pour garantir une créance future. Cependant, la LS de 1994, s’inspirant du droit japonais 326 , a consacrée une section spéciale à l’hypothèque de montant maximal qui est considérée comme une modalité particulière de l’hypothèque 325 Yves PICOD, op. cit., p. 364. 326 Une section intitulée « L’hypothèque de montant maximal », qui comprend vingt et un articles (de l’article 398-2 à l’article 398-22), a été ajoutée pour la première fois au Code civil japonais le 3 juin 1971. 283 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque et qui « peut garantir, dans la limite d’un montant maximal, des créances qui se produiront successivement pendant une période déterminée » (art. 59, LS). Cette technique législative a été reprise et précisée par la LDR de 2007, dans la section II du chapitre XVI intitulée « L’hypothèque de montant maximal ». a. Définition et constitution de l’hypothèque de montant maximal 497. L’hypothèque de montant maximal peut porter indifféremment sur les meubles ou immeubles. Cependant, sur la base de la structure de la présente thèse, nous aborderons ici uniquement l’hypothèque de montant maximal portant sur des immeubles. 498. L’hypothèque immobilière de montant maximal se constitue par un contrat écrit dans lequel les parties conviennent de constituer une hypothèque de montant maximal. À peine de nullité, cet acte doit être inscrit et, le montant maximal doit figurer en marge de cette inscription hypothécaire. 499. De par sa définition et sa constitution, nous constatons deux caractères essentiels de l’hypothèque de montant maximal : -- l’hypothèque de montant maximal apparaît comme ayant une indépendance relative. D’une part, les créances garanties sont principalement futures, et ne se produisent pas encore lors de la constitution de l’hypothèque. Le nombre de créances garanties et leurs sommes finales sont indéterminés, voire même indéterminables, lors de sa constitution. Qui plus est, l’existence de la créance initiale, qui est exigée en droit français, n’est pas nécessaire à sa constitution. De plus, le non-paiement, le transfert ou l’extinction de certaines créances garanties n’influence pas l’hypothèque elle-même. C’est son caractère indépendant qui déroge au principe d’accessoriété et de spécialité de l’hypothèque normale. D’autre part, elle comporte aussi le caractère accessoire car ses effets sont également sujets à des créances garanties : le montant garanti par cette hypothèque dépend du plus élevé des deux montants, à savoir le 284 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque montant effectivement réalisé et le plafond fixé dans l’acte constitutif. C’est la raison pour laquelle l’indépendance de l’hypothèque de montant maximal est relative. -- l’hypothèque de montant maximal a aussi un caractère de limitation. Les limitations se trouvent sur deux plans: 1° sur le plan de la nature des créances : seules les créances régies par une relation successive (qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle327) de même nature entre les mêmes créanciers et débiteurs peuvent être garanties par cette hypothèque. Ces limitations affectent beaucoup la portée de l’hypothèque. Elle explique aussi pourquoi cette hypothèque spéciale, qui existe en droit chinois depuis 16 ans, n’a jamais connu un grand essor et ne joue qu’un rôle mineur. L’introduction de cette hypothèque calquée sur le droit japonais poursuit un but législatif qui vise principalement à satisfaire les besoins des banques et des grands négociants. Sans nul doute, cet objectif trop étriqué manque totalement d’ambition. Mieux vaut se référer au droit français pour libérer cette hypothèque de ses entraves, afin de réduire le gaspillage du crédit et d’équilibrer les intérêts des parties concernées328, et afin de promouvoir la concurrence entre les établissements de crédit et de contribuer au développement des crédits pour les consommateurs et pour les petites et moyennes entreprises. 2° sur le plan quantitatif, le montant maximal des créances garanties est fixé dans le contrat de constitution de l’hypothèque. Après l’inscription, l’hypothèque est valablement constituée. Les créances prévues au contrat nées 327 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 333. 328 Selon le régime de l’hypothèque de montant maximal en droit positif chinois, le gaspillage du crédit de la valeur du bien hypothéqué est difficile à éviter : des créanciers, afin d’accaparer la valeur du bien grevé et de diminuer le risque de non-paiement de sa créance, préfèrent toujours obtenir une hypothèque dont le montant excessif ne répond souvent à aucune nécessité commerciale. Sur ce point, v. LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 332 ; YANG Hong, op. cit., p. 193. 285 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque successivement se glissent automatiquement dans l’hypothèque dans la limite du montant maximal. 500. Hormis les particularités exposées ci-après, le régime de l’hypothèque normale s’y applique aussi. b. Fixation des créances garanties 501. Avant la fixation, les créances garanties par l’hypothèque de montant maximal ne sont pas déterminées. Elles devront l’être pour l’exercice de l’hypothèque. Cette procédure fait de l’hypothèque de montant maximal une hypothèque normale. Dès la fixation, les créances nées postérieurement ne sont plus garanties par cette hypothèque et, les règles d’hypothèque normale s’appliquent (art. 83, al. 1, ELS). Selon l’article 206 de la LDR, les causes de la fixation des créances garanties sont au nombre de six, dont la plus fréquente et la plus importante est l’échéance du délai de liquidation. 502. Le délai de liquidation désigne « la durée d’existence du droit d’hypothèque » fixée dans le contrat constitutif de l’hypothèque329. Il permet de déterminer l’étendue et la somme finale des créances garanties dans la limite du montant maximal. Lorsque le délai est à échéance, la somme finale des créances garanties est établie automatiquement ; pour se réaliser, l’hypothèque de montant maximal aboutit donc à la liquidation. Cependant, l’hypothèque de montant maximal ne garantit que les créances qui se produiront pendant une période déterminée (art. 203, LDR). Cela signifie-t-il que cette période doit être fixée dans le contrat constitutif, à peine de nullité ? Autrement dit, l’hypothèque de montant maximal peut-elle être valablement constituée à défaut de période fixée dans le contrat constitutif ? La LS n’a apporté aucune réponse. Les auteurs considèrent que les parties peuvent 329 ZOU Hailin, CHANG Min, La théorie et la pratique des sûretés de créances, Éd. des documentations des sciences sociales, 2005, p. 226. 286 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque modifier le délai de liquidation avant son échéance, et donc convenir de fixer la durée après la constitution du contrat330. Selon la disposition de l’article 206, 2o de la LDR, l’hypothèque de montant maximal peut valablement se constituer sans que « la durée d’existence du droit d’hypothèque » soit stipulée dans le contrat constitutif. Dans ce cas ou si la convention est floue, le créancier hypothécaire ou le constituant peut demander la fixation de la somme finale des créances garanties dans les deux ans de la constitution valable de l’hypothèque. 503. Outre l’échéance du délai de liquidation, d’autres causes peuvent aussi entraîner la fixation des créances garanties. Un exemple par excellence est l’impossibilité de naissance d’une nouvelle créance (art. 206, 3o, LDR), comme lors de la cessation définitive de la relation de base entre une banque et son client causée par la résiliation de tout contrat d’affaire ; alors, le créancier ou le constituant de l’hypothèque de montant maximal peut demander la liquidation de la somme finale garantie afin d’exercer l’hypothèque ou de l’éteindre par anticipation. De même, la fixation des créances peut résulter de la saisie du bien hypothéqué (art. 206, 4o, LDR), de la faillite ou de la résolution du débiteur ou du constituant (art. 206, 5o, LDR). En effet, du point de vue de la technique législative, la disposition 5o de l’article 206 apparaît comme la cinquième roue du carrosse. D’une part, la faillite ou la résolution du débiteur est une cause d’impossibilité de naissance d’une nouvelle créance, déjà prévue par la disposition 3o du même article. D’autre part, le régime de faillite d’une personne physique n’existe pas en droit chinois. D’autant plus qu’il n’est pas possible de « résoudre » une personne physique. Par conséquent, la disposition 5o de cet article ne vise que des personnes morales en tant que 330 Se référant au droit japonais, certains considèrent que « les parties peuvent en convenir dans les cinq ans de la constitution du contrat », v. CHEN Benhan, op. cit., p. 269 ; certains estiment simplement que les parties peuvent en convenir après la constitution du contrat, sans limite de durée, v. LI Shigang, op. cit., p. 314. 287 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque constituant de l’hypothèque de montant maximal. Or, cette hypothèque est ouverte aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales. Il faut donc supprimer la disposition 5o de cet article dans la réforme à venir. Enfin, les créances garanties peuvent aussi être fixées dans « les autres cas prévus par la loi » (art. 206, 6o, LDR). c. Modification concernant l’hypothèque de montant maximal 504. La modification concernant l’hypothèque de montant maximal s’agit de deux points : le transfert de créance garantie et la modification du contrat constitutif. 505. Quant au transfert de la créance principale, il avait était refusé par la LS qui disposait dans son article 61 que « les créances principales garanties par l’hypothèque de montant maximal ne peuvent être cédées ». Selon cet article, les créances principales ne pouvaient être cédées qu’après leur fixation (où l’hypothèque de montant maximal se transforme en hypothèque normale). Cette restriction, qui privait le créancier de la libre disposition de son droit, suscitait de vives critiques. Elle a été abandonnée par la LDR, qui consacre dans son article 204 la possibilité de céder les créances principales avant leur fixation331. Dans ce cas, si une créance principale a été cédée avant sa fixation, l’hypothèque de montant maximal qui la garantit n’est pas transférée avec elle ; la créance cédée devient une créance chirographaire, sauf dispositions contraires des parties. En pratique, les parties peuvent convenir de transmettre l’hypothèque de montant maximal avec la créance principale cédée dans deux hypothèses332 : 331 Cet article s’inspire en effet des articles 398-12 et 398-12 du Code civil japonais. 332 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 73. 288 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 1o la cession de la créance principale entraîne la transmission partielle de l’hypothèque (la quote-part de l’hypothèque transférée est fixée par les parties) ; l’hypothèque qui garantit la créance cédée doit être réinscrite. Le plafond garanti par l’hypothèque ancienne de montant maximal doit alors corrélativement abaissé et, cette hypothèque doit ainsi faire l’objet d’une inscription de modification. 2o la cession de la créance principale entraîne la transmission totale de l’hypothèque de montant maximal. Les créances principales non cédées deviennent alors des créances chirographaires. 506. En ce qui concerne la modification du contrat de l’hypothèque de montant maximal, la LS est silencieuse. Les Explications sur certaines questions de l’application de la Loi sur les sûretés de la RPC (ELS) ont traité cette question pour la première fois, en disposant dans l’article 82 que la modification du plafond ou du délai de liquidation de l’hypothèque de montant maximal par les parties au contrat constitutif ne peut s’opposer aux créanciers hypothécaires de rang postérieur333. L’article 205 de la LDR précise que « avant la fixation des créances garanties, le créancier hypothécaire et le constituant peuvent modifier, par convention, le délai de fixation, l’étendue et le montant maximal des créances garanties, cette modification ne pouvant néanmoins défavoriser les autres créanciers hypothécaires ». Si cette règle n’est pas respectée par les parties, quelle est la sanction ? En d’autres termes, quelle est la sanction en cas de modification du contrat de l’hypothèque de montant maximal défavorable aux autres créanciers hypothécaires : la nullité ou l’inopposabilité ? La disposition de la LDR n’est pas claire. Compte tenu du but législatif poursuivi par cet article, qui cherche à équilibrer la liberté 333 Cette disposition se référait à l’article 398-5 du Code civil japonais qui prévoit que « le plafond de l’hypothèque de montant maximal ne peut être modifié sauf consentement de tous les intéressés ». 289 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque contractuelle et les intérêts des autres créanciers hypothécaires, la sanction d’inopposabilité apparaît comme la plus raisonnable. 507. Nous nous demandons encore qu’une hypothèque soi-disant normale peut-elle garantir des créances futures. Certains auteurs chinois soutiennent qu’il suffit que la créance soit déterminée et valable au moment de l’exercice de l’hypothèque. En effet, il faut admettre que l’hypothèque normale peut aussi garantir de créances futures. Dans la pratique du crédit, en particulier du crédit à consommation, le prêt hypothécaire - la créance garantie - nait souvent après la constitution de l’hypothèque. Donc, on peut tout à fait constituer une hypothèque traditionnelle pour garantir une créance future, à condition d’être légale et déterminable. § II – Hypothèque rechargeable 508. L’hypothèque rechargeable, qui est l’« innovation la plus médiatisée de la réforme des sûretés opérée par l’ordonnance du 23 mars 2006 »334 vise à stimuler le crédit hypothécaire en diminuant le coût du recours à cette sûreté335, puisqu’elle peut garantir des crédits successifs, et que les formalités et le coût sont considérablement allégés. A. Le mécanisme 509. Selon la définition donnée par l’article 2422 du Code civil, l’hypothèque rechargeable est une hypothèque qui « peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées par l’acte constitutif ». a. Les conditions de constitution et son opposabilité 334 Alain GOURIO, L’hypothèque rechargeable, RD banc. fin., 2006, p. 39. 335 Michel GRIMALDI, L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire, D, 2006, no 19, p. 1294. 290 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 510. La constitution de l’hypothèque rechargeable est soumise à certaines conditions. Son mécanisme requiert impérativement deux actes : l’acte constitutif de l’hypothèque initial, encore appelé l’acte de recharge, et celui de rechargement. Dans un premier temps, l’acte constitutif de l’hypothèque doit prévoir expressément une clause de recharge par laquelle le constituant se constitue une réserve hypothécaire (il l’affecte ultérieurement à la garantie de créances autres que celles visées par l’acte constitutif) ; celle-ci doit être publiée avec l’inscription de l’hypothèque (art. 2428, al. 3, 3o, C. civ.). Les conditions de validité sont celles exigées pour toute hypothèque conventionnelle ordinaire, sauf certaines particularités propres aux créances garanties par l’hypothèque rechargeable. Dans la mesure où les créances garanties ne sont pas prévues dans l’acte constitutif, ni connues, ni déterminées ou déterminables, il y a une dérogation au principe de spécialité et d’accessoriété quant à la créance garantie. Les créances, qu’elles soient déjà nées lors de la constitution de l’hypothèque ou qu’elles lui soient postérieures, peuvent être garanties par cette hypothèque si le constituant le consent. Seul le montant maximal de la créance garantie est fixé dans l’acte, à peine de nullité. 511. Dans un second temps, le constituant peut recharger l’hypothèque par une convention de rechargement passée avec le créancier initial ou d’autres créanciers. Cette créance glissée ultérieurement dans l’hypothèque ne pourra être efficacement garantie que dans la limite du montant du plafond fixé – diminué des créances antérieures restant à acquitter336. Une question se pose ici : ce plafond peut-il être supérieur au montant de la créance initiale ? Il nous semble que non puisque, en vertu du principe de spécialité et d’accessoriété, il n’y a aucune raison que ce montant dépasse la créance initiale. Cependant, la logique même de l’hypothèque rechargeable, qui détache la sûreté de la créance, justifie théoriquement qu’il n’y ait rien d’incongru à ce que leurs montants 336 Ibid., p. 1295. 291 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque soient différents337. De plus, plusieurs textes contiennent des dispositions qui consacrent implicitement ce principe, tel que l’article L. 313-14-1, 3o et 4o du Code de la consommation, lequel dispose que l’offre de crédit doit mentionner à la fois le montant maximal garanti et le montant du crédit initial souscrit, ce qui sous-entend que ces deux montants peuvent bien être différents338. Dans la pratique, imaginons qu’un immeuble ait une valeur de 100, le premier prêt une valeur de 50, et que le montant du plafond de l’hypothèque rechargeable soit fixé à 80. Même en cas de non-paiement du premier prêt, le créancier pour lequel l’hypothèque est rechargée ultérieurement recevrait encore 30. À l’inverse, si le montant maximal ne peut excéder la créance initiale, l’efficacité du rechargement subordonnerait complètement au paiement de cette dernière. Le créancier ultérieur ne recevrait rien en cas de non-paiement de la première créance et l’hypothèque rechargeable ne serait qu’un régime fantôme. En résumé, le montant du plafond de l’hypothèque rechargeable peut excéder la créance initiale. 512. La convention de rechargement doit être notariée et publiée par une mention en marge de l’inscription initiale à peine d’inopposabilité aux tiers (art. 2430, al. 3, C. civ.). Ce régime permet aux créanciers inscrits de prendre rétroactivement le rang de l’hypothèque initiale à l’égard des tiers, ce qui permet de la distinguer de l’hypothèque pour des créances futures. ; entre eux, c’est leur ordre d’inscription qui détermine leur rang. Imaginons qu’une 337 Ibid., p. 1295. 338 Il existe aussi d’autres textes, par exemple l’instruction de la direction générale des impôts du 1er décembre 2006 concernant l’hypothèque rechargeable et l’allongement de la durée des inscriptions, qui mentionnent que la taxe de publicité foncière est payée sur la plus élevée des deux sommes : la somme rechargeable fixée dans l’acte ou la valeur du capital de la créance. Ceci signifie expressément que les deux montants puissent être différents. L’article 10, III, alinéa 2 de la loi no 2007-212 du 20 février 2007 énonce que « par dérogation à l’article 2423 du même code, la somme garantie ne peut être supérieure au montant en capital de la créance privilégiée » ; comme il s’agit d’une « dérogation », la règle normale est au contraire que « la somme garantie peut être supérieure au montant en capital de la créance initialement souscrite ». 292 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque hypothèque rechargeable inscrite le 1er janvier bénéficie à A, puis que B ait inscrit une hypothèque ordinaire le 1er février, et que C ait publié une convention de rechargement le 1er mars, leur rang de paiement sur le prix de l’immeuble serait comme suit : A, puis C et enfin B. b. Le domaine d’application 513. L’hypothèque rechargeable est ouverte à tous : personnes physiques ou personnes morales, consommateurs ou professionnels, à condition qu’ils aient implicitement la capacité d’aliéner. Cependant, quand elle garantit un crédit relevant du Code de la consommation, la loi impose un formalisme informatif protecteur du consommateur (et des petits entrepreneurs hypothéquant leur résidence principale 339 ). L’offre de crédit (crédit à la consommation au sens strict ou crédit immobilier) doit comprendre un document annexe, intitulé « situation hypothécaire », comportant certaines mentions obligatoires, sous peine pour le prêteur de perdre son droit aux intérêts et d’être puni d’une amende de 3750 euros (art. L.313-14-1 et L.313-14-2, C. consom.). De plus, l’hypothèque ne peut pas garantir un crédit revolving à la consommation (art. L.313-14, C. consom.). c. L’extinction de l’hypothèque rechargeable 514. La spécificité de l’hypothèque rechargeable tient aussi à son mode d’extinction. 339 Solange BECQUÉ-ICKOWICZ, Les réformes de l’hypothèque, Évolution des sûretés réelles : regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 87 : ces règles s’appliquent aussi pour les petits entrepreneurs en vertu du nouvel article L. 526-5 du Code de commerce, les étendant aux personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel, aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle, agricole ou indépendante ou au gérant associé unique d’une SARL quand ils concluent un prêt garanti par une hypothèque rechargeable inscrite sur l’immeuble où ils ont leur résidence principale. 293 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque D’une part, elle ne s’éteint pas par l’extinction d’une des créances qu’elle garantit (art. 2422, C. civ.). Elle subsiste et reste disponible entre les mains du constituant qui peut l’affecter en garantie de nouvelles créances. D’autre part, elle ne peut pas faire l’objet de la renonciation du créancier inscrit (art. 2488, 2o, C. civ.), mais est sujette à la renonciation du constituant ayant cette capacité, que la durée de l’hypothèque soit déterminée ou indéterminée. Cette renonciation ne prend effet que dans le futur et n’est donc pas opposable aux créanciers déjà inscrits (art. 2423, al. 3, C. civ.). Après la renonciation, s’il existe encore des créances à rembourser, une mention doit être portée en marge de l’inscription hypothécaire précisant que l’hypothèque n’est plus rechargeable ; s’il n’existe plus de créance garantie, une radiation pure et simple est requise. B. Certaines observations de l’hypothèque rechargeable 515. L’avantage le plus remarquable de l’hypothèque rechargeable est que son constituant peut ultérieurement l’affecter en garantie, dans la limite du montant du plafond fixé, au créancier initial ou à un nouveau créancier, avant que le premier n’ait été payé (art. 2423, C. civ.). Le nouveau créancier se trouvant à un rang postérieur au premier, son risque est particulièrement élevé lorsque la créance initiale absorbe l’intégralité de la valeur du bien hypothéqué, notamment lorsque la première créance est une créance future au montant incertain, tel que le prix de la fourniture à venir de biens ou services, ou un crédit revolving à un non-consommateur340. L’hypothèque rechargeable n’offre une garantie au second créancier que dans la mesure où le montant du plafond fixé est supérieur à celui de la créance initiale. C’est là le risque normal auquel est exposé tout créancier de sûreté de second rang. Dans ce sens, cette sorte d’hypothèque n’est rechargeable et favorable que pour le constituant. Quant 340 Michel GRIMALDI, op. cit., p. 1296. 294 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque aux créanciers inscrits garantis par l’hypothèque rechargeable, ils se trouvent dans la même situation que dans le cas d’hypothèques ordinaires inscrites sur un même immeuble – le créancier hypothécaire antérieurement inscrit prime le suivant. En théorie, l’hypothèque rechargeable est aussi favorable aux créanciers qu’elle garantit, puisqu’ils priment les créanciers intermédiaires bénéficiant des hypothèques ordinaires. Si nous reprenons l’hypothèse précitée, leur rang est A, C et enfin B. Dans la pratique, le créancier intermédiaire B se montrerait rationnel et n'aurait donc pas choisi de constituer une hypothèque ordinaire en connaissant l’existence de l’hypothèque rechargeable. En effet, l’hypothèque ordinaire se trouve ici en second rang et elle ne revêt un intérêt pour B que dans la mesure où le montant de sa créance est supérieur à celui disponible de l’hypothèque rechargeable (le montant maximal fixé dans l’acte constitutif diminue le montant des créances antérieures qui est encore garanti par l’hypothèque) et où la valeur de l’immeuble est supérieure au montant du plafond de l’hypothèque rechargeable. Donc, en toute hypothèse, le meilleur choix pour B est de publier une convention de rechargement qui se glisse ultérieurement dans l’hypothèque rechargeable et, dans le même temps, d’inscrire une hypothèque ordinaire en second rang. § III – Prêt viager hypothécaire 516. Le prêt viager hypothécaire, encore appelée l’hypothèque renversée, est introduite en droit français par l’ordonnance du 23 mars 2006. Dans un contexte de vieillissement de la population chinoise, ce nouvel instrument de crédit éveille aussi un vif intérêt parmi les chercheurs chinois. A. Le prêt viager hypothécaire en droit français 517. Sans reprendre la définition précise donnée par l’article L.314-1 du Code de la consommation, disons simplement que le prêt viager hypothécaire est un prêt destiné aux personnes âgées propriétaires d’un bien immobilier (résidence principale ou secondaire) qui ont un besoin de financement et ne 295 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque souhaitent pas vendre leur bien immédiatement. Nous envisagerons successivement sa constitution et son mécanisme de fonctionnement. a. La constitution 518. L’article L. 314-1 du Code de la consommation stipule que le prêt viager hypothécaire ne peut avoir lieu qu’entre un établissement de crédit ou un établissement financier, qui est le prêteur de deniers, et une personne physique capable, qui est l’emprunteur. Quant à l’objet de cette hypothèque, l’immeuble doit appartenir à l’emprunteur et être affecté à un usage exclusif d’habitation. Cette disposition exclut l’immeuble affecté à une activité professionnelle, mais pas celui affecté à l’habitation d’un tiers. Quant à la créance garantie, un prêt in fine dont le capital et les intérêts ne sont exigibles qu’à l’échéance du terme peut être garanti par l’hypothèque. Il ne peut être destiné à financer les besoins d'une activité professionnelle. Il vise à financer les besoins de la vie quotidienne des consommateurs, mais non des investisseurs (art. L. 314-2, C. consom.). 519. Outre les conditions de fond précitées, il faut remplir aussi certaines conditions de forme. L’opération du prêt viager hypothécaire est strictement encadrée. Elle ne peut faire l'objet d'un démarchage au sens du Code monétaire et financier (art. L. 314-4, C. consom.), sous peine d’un emprisonnement de cinq ans, d’une amende de 375 000 euros et de peines complémentaires (art. L. 314-18, 19, C. consom.). Elle commence normalement par la publicité du prêt émanant du banquier. Cette publicité, quel qu’en soit le support, doit être loyale et informative, et comprendre les mentions obligatoires, telles que l'identité du prêteur, la nature et les modalités du terme de l'opération proposée etc., permettant aux intéressés potentiels d’apprécier le prêt, (art. L. 314-3, C. consom.). 296 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque Toute personne intéressée peut obtenir une offre préalable du banquier qui contient un certain nombre d’informations, telles que l'identité des parties et la date d'acceptation de l'offre, l’identification de l’immeuble hypothéqué, la valeur du bien hypothéqué estimée par un expert choisi, et les modalités du prêt, notamment les dates et les conditions de mise à disposition des fonds etc. (art. L. 314-5, C. consom.). L’offre est valide pendant une durée qui ne peut être inférieure à trente jours ; son acceptation ne peut intervenir que dix jours après sa réception par l'emprunteur ; avant cette acceptation, tout versement de fonds sous quelque forme que ce soit est exclu (art. L. 314-6, 7, C. consom.). Le prêteur qui ne respecte pas les règles ci-dessus s’expose à des sanctions civiles et pénales : la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts et une amende de 3 750 euros (art. L. 314-15, 16, C. consom.). Enfin, le contrat du prêt doit être conclu sous la forme d’un acte notarié (art. L. 314-7, C. consom.). La raison en est simplement que le prêt est garanti par une hypothèque341. b. Le mécanisme 520. Après la conclusion du contrat du prêt, le prêteur est tenu de remettre le crédit selon les modalités convenues. Le prêt peut être versé en une seule fois sous forme d'un capital, ou suivant un échéancier de versements périodiques (art. L. 314-1, C. consom.). Le prêt a pour but de permettre au débiteur d'obtenir des liquidités de son immeuble sans s'en dessaisir, pour améliorer ses revenus, faire face à des dépenses imprévues (dépendance, réparation du logement) ou aider sa descendance (études des petits-enfants...)… Il lui laisse l’usage et la jouissance de son bien immobilier. En contrepartie, il est tenu, jusqu’à l’échéance du terme d’apporter à l’immeuble hypothéqué tous les soins d’un bon père de famille, de 341 Michel GRIMALDI, op. cit., p. 1297. 297 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque n’en pas changer l’affectation et de permettre au prêteur d’accéder à l’immeuble pour en vérifier l’état (art. L. 314-8, C. consom.). 521. Le montant du remboursement ne peut être exigé qu’à l’échéance du terme, autrement dit, au moment du décès de l’emprunteur ou, avant son décès, de l’aliénation de l’immeuble ou du démembrement de la propriété immobilière 342 . Exceptionnellement, le prêt peut être remboursé par anticipation si l'emprunteur en fait la demande. La banque est toutefois en droit de refuser cette demande si le montant du remboursement partiel anticipé est inférieur à 10% du capital versé (art. R*314-1, C. consom.). Dans l'hypothèse où la demande est acceptée, il faut distinguer deux cas de figure pour la fixation du plafond de l'indemnité éventuellement due par l'emprunteur : le cas où le capital du prêt a été versé en une seule fois ou a fait l’objet de versements périodiques (art. R*314-2, C. consom.)343. Dans le premier cas, c’est-à-dire le versement en une seule fois, le montant maximal de l'indemnité sera fonction de l'année à laquelle interviendra la demande de remboursement anticipée (entre la 1ère et la 4ème année / entre la 5ème et la 9ème année, à partir la 10ème année) et s'exprimera en nombre de mois d'intérêts sur le capital à rembourser (4 mois / 2 mois / 1 mois). Dans le second cas, le montant maximal de l'indemnité sera fonction de l'année à laquelle interviendra la demande de remboursement anticipée (entre la 1ère et la 4ème année / entre la 5ème et la 9ème année, etc.) et s'exprimera en nombre de versements mensuels dus ou versés au titre de la 1ère année (5 mois, 3 mois, 2 mois). En tout état de cause, le montant du remboursement ne peut dépasser le plafonnement de la valeur de l’immeuble à l’échéance du terme (art. L. 314-9, C. consom.) ; c’est une disposition logique, dans la mesure où le prêt ne peut 342 Ibid., p. 1297. 343 V. Décret n° 2006-1540 du 6 décembre 2006 pris en application de l'article L. 314-10 du Code de la consommation relatif au remboursement anticipé des prêts viagers hypothécaires, qui a créé les articles R*314-1 à R*314-2 du Code de la consommation. 298 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque rendre le débiteur insolvable. Le plafonnement est fixé soit par l’estimation convenue entre le prêteur et les héritiers ou par un expert désigné amiablement en cas de décès de l’emprunteur, soit par la valeur effectivement réalisée en cas d’aliénation de l’immeuble hypothéqué. Si la valeur du bien s'avère supérieure à la dette, la différence doit être versée à l’emprunteur ou à ses héritiers. Si elle est inférieure, la perte est alors supportée par l'établissement de crédit. 522. En cas de décès de l’emprunteur, la succession peut choisir de garder le bien, en remboursant le prêt, qui peut alors être rééchelonné. À défaut, elle bénéficie de la valeur résiduelle du bien après remboursement (l'excédent de la valeur du bien après le remboursement de la dette). Si les héritiers refusent la succession, ils laissent l'établissement de crédit soit se voir attribuer la propriété de l'immeuble (attribution judiciaire ou pacte commissoire), soit revendre le bien pour se rembourser. B. Le prêt viager hypothécaire en droit chinois 523. À la différence du droit français, la loi chinoise n’a pas prévu expressément l’hypothèque renversée. Toutefois, son régime est actuellement étudié et il se peut qu’elle soit instaurée par la loi dans la réforme à venir. Nous étudierons ici la nécessité de son instauration et les problèmes qui se posent. a. La nécessité d’introduire le prêt viager hypothécaire 524. Au fur et à mesure du vieillissement démographique de la société, le nombre des personnes de plus de 60 ans s’accroît rapidement344, et ce alors que le régime chinois des retraites est pour le moins imparfait. La plupart des retraités perçoivent une pension très faible qui ne suffit pas à couvrir les dépenses de la vie quotidienne, alors que leurs besoins financiers sont bien 344 Selon la statistique de la Commission nationale des affaires du vieillissement, les personnes âgées de plus de 60 ans représentaient 10% de la population totale en 1999 ; et ce pourcentage a atteint 12.5% en 2010 et, atteindra environ 18% en 2020 et 30% en 2050. 299 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque supérieurs à la solvabilité du Trésor public345. Du fait de cette situation, à laquelle s’ajoute la tradition familiale, l’obligation alimentaire à l’égard des personnes âgées incombe en principe à leurs héritiers. Si cette solution n’a guère posé de problème jusqu’à présent, elle rencontre et va rencontrer de plus en plus de difficultés pratiques. D’une part, en raison de la politique de planification familiale, une personne née dès la fin des années 1970 est généralement enfant unique. Cela signifie que les deux époux nés à cette période doivent généralement assumer l’obligation alimentaire à l’égard des parents des deux parties, autrement dit, de quatre personnes âgées. C’est donc un fardeau très lourd pour les jeunes couples, d’autant plus que le coût de la vie dans les villes, notamment le prix immobilier, a atteint un niveau très élevé, voire insupportable pour certains jeunes. Pour subvenir aux besoins de la famille, ils n’ont d’autre choix que de réduire leurs dépenses quotidiennes et ce changer leur train de vie. Il en résulte une contraction de la demande intérieure et des obstacles plus importants au développement sain de l’économie de la Chine. Afin de faire face à ce défi, les chercheurs se creusent la tête pour trouver des solutions adéquates. Certains regardent vers l’Amérique du nord et préconisent l’introduction en droit chinois le modèle américain du reverse mortgage346 qui correspond à l’« hypothèque renversée » en droit français. En effet, une société d’assurance appelée SA Happy Insurance (xing fu ren shou/ 幸福人寿), dont l’activité principale est le prêt viager hypothécaire, a été mise sur pied depuis 2007. Ce mode d’opération, où le prêt viager hypothécaire est géré par une société d’assurance, diffère du régime appliqué en droit français. 345 Selon l’estimation du Conseil d’administration national des fonds de protection sociale, le déficit des fonds de protection sociale a atteint mille milliards de Yuan en 2006 et il va s’accroître rapidement. 346 En effet, selon l’énoncé de la Fédération Bancaire Française (FBF), le prêt viager hypothécaire en droit français s’est aussi inspiré du « modèle américain du reverse mortgage ». V. http://www.senioractu.com/pret-viager-hypothecaire-hypotheque- inverseecomment-fonctionne-t-il_a6501.html. Dans ce sens, le prêt viager hypothécaire en droit français correspond en effet à l’hypothèque renversée en droit chinois. 300 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque Cependant, il ne signifie pas que le prêt viager hypothécaire doive nécessairement être régi par une société d’assurance. D’après certains chercheurs, il est en effet plus logique qu’il soit géré par des banques ou d’autres établissements financiers spéciaux. Par conséquent, les prêts viagers hypothécaires dans les deux pays ne sont pas substantiellement différents ; le contenu des opérations en droit chinois est similaire à celui en droit français, puisqu’il désigne là aussi le prêt destiné aux personnes âgées propriétaires d’un immeuble qui ont un besoin de financements mais ne souhaitent pas vendre immédiatement leur bien. 525. Compte tenu de l’absence de dispositions concrètes concernant ce type d’opération en droit chinois, nous ne procéderons pas à une étude détaillée du régime existant, comme nous l’avons fait pour le prêt viager hypothécaire en droit français, mais nous nous attacherons plutôt à analyser les problèmes à résoudre pour l’instauration du prêt viager hypothécaire en droit chinois. b. Les problèmes à résoudre 526. En premier lieu, comme le prêt viager hypothécaire est une opération financière à long terme (une dizaine ou une vingtaine d’années, en principe), la prolongation de la durée du droit d’usage du terrain est donc un problème crucial. Selon le droit positif chinois, les terrains dans les zones urbaines appartiennent à l’État. Un individu ne peut jouir du droit d’usage du terrain que dans la durée maximale de 70 ans. Par exemple, une personne de 20 ans a acheté un immeuble de 100 m2. Quand il a 60 ans, il affecte cet immeuble en hypothèque renversée pour un prêt viager. Le prêteur estime sa durée de vie à 80 ans. Dans ce cas-là, à l’échéance de la créance (le décès de l’emprunteur), la durée du droit d’usage du terrain de l’immeuble n’est plus que de 10 ans. Si elle ne peut être prolongée gratuitement ou, tout au moins à bas coûts, la valeur de l’immeuble hypothéqué sera considérablement réduite et les intérêts du créancier hypothécaire seront donc menacés. La question de la prolongation de la durée du droit d’usage du terrain fait maintenant partie de la révision de la 301 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque Loi sur la gestion des terrains. Le sort du prêt viager hypothécaire en droit chinois dépend plus ou moins des mesures qui seront prises. 527. En second lieu, le prêteur ne peut être remboursé qu’à l’échéance de la créance, soit, en principe, dans une dizaine d’années. Comme la pratique du prêt viager hypothécaire se développe progressivement, ses besoins en capitaux représenteront une proportion de plus en plus importante des capitaux du prêteur. L'établissement financier se mettant à exercer cette activité doit donc disposer de capitaux suffisants pour éviter le défaut de liquidité des créances. À cet égard, les chercheurs sont favorables à la titrisation des créances nées du prêt viager hypothécaire, afin d’améliorer la fluidité de la circulation des capitaux des établissements financiers347. 528. Enfin, il reste encore des problèmes techniques qui portent sur l’estimation de la durée de vie de l’emprunteur, sur la fixation de l’échéancier et du montant des versements périodiques. Il vaut mieux que les sociétés d’assurance, qui sont normalement expérimentées sur ce point, soient invitées à participer. Etant donné que cette opération nécessite des sommes astronomiques, et qu’elle vise principalement à compléter et améliorer la couverture sociale, le prêt viager hypothécaire doit être progressivement exercé par les banques, avec la participation des sociétés d’assurance et sous la direction du ministère du Travail et de la Protection sociale. Section III – La qualité du constituant 529. Le constituant d’hypothèque est en principe le débiteur, mais un tiers peut aussi l’être. Dans ce dernier cas, les règles applicables s’approchent de celles du gage. En tout cas, le constituant doit être propriétaire d’immeuble grevé ou titulaire de droits immobiliers ; il doit également avoir la capacité 347 XIAO Yao, Les études des modalités de titrisation du prêt viager hypothécaire – économie coopérative, in sciences et techniques, oct. 2007, p. 56 ; WANG Pan, Le prêt viager hypothécaire doit être essayé, in Finances foncières, 2007, III, p. 74. 302 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque d’aliéner le bien grevé. Ce sont les conditions communes exigées par le droit français et le droit chinois. § I – Le titre du constituant 530. En exigeant que le constituant soit propriétaire ou titulaire du bien grevé, le législateur vise en effet à interdire l’hypothèque de la chose d’autrui, ce qui participe du même principe que celui d’interdire l’hypothèque des biens à venir. Sur ce point, les législateurs français et chinois ont adopté les mêmes règles, tout en poursuivant des finalités différentes : alors que le premier vise à protéger les intérêts du constituant 348 , le dernier prétend principalement à protéger les intérêts des biens publics349. Le non-respect de ce principe est sanctionné dans les deux systèmes juridiques par la nullité absolue de la sûreté, quand bien même le constituant viendrait à acquérir la propriété du bien. 531. Certes, ce n’est pas un principe immobile ou absolu. Il subsiste certains tempérament : l’hypothèque peut porter sur des biens à venir dans certains cas (v. supra, n° 489 et n° 490). D’ailleurs, la prohibition est rendue inapplicable par la théorie de l’apparence en droit français350 et par la théorie de l’acquisition de bonne foi en droit chinois. La première théorie exige que l’apparence existe vraiment. Du côté du constituant, il doit avoir un titre et se comporte comme un propriétaire apparent. Du côté du créancier bénéficiaire, il doit être de bonne foi, c'est-à-dire ignorer la cause de la nullité du titre ; en 348 «… (Le principe de la prohibition de l’hypothèque de la chose d’autrui) se rattache à la prohibition de l’hypothèque des biens à venir :la chose d’autrui est souvent l’immeuble que le constituant envisage d’acquérir » et que la dernière vise à « …éviter qu’une personne, sous la pression du besoin ou de ses créanciers, ne prenne des engagements qu’elle risque de regretter par la suite ». Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 289 ; Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 411. 349 En Chine, il arrive souvent que des dirigeants d’entreprises publiques hypothèquent des biens d’entreprises pour leurs propres intérêts. 350 La théorie qui permet de se fonder sur l’apparence d’une situation pour lui faire produire des effets juridiques qui ne lui sont pas normalement attachés puis qu’en réalité, au delà de l‘apparence, elle ne remplit pas les conditions nécessaires à cette fin. 303 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque outre la cause doit nécessairement avoir été ignorée de tous351. La théorie de l’acquisition de bonne foi en droit chinois exige que le créancier bénéficiaire doive ignorer que le constituant n’ait pas le droit d’en disposer, que l’acquisition du droit est réalisée à un prix raisonnable, et que la publicité du droit doive déjà avoir été effectuée (art. 106, LDR). 532. L'indivision est une « situation juridique qui existe, jusqu’au partage d’une chose ou d’un ensemble de choses, entre ceux qui ont sur cette chose ou cet ensemble un droit de même nature, chacun pour une quote-part, aucun n’ayant de droit privatif cantonné sur une partie déterminée et tous ayant des pouvoirs concurrents sur le tout » 352 . Un indivisaire ne peut donc pas se prévaloir de sa qualité de propriétaire avant la décision du partage, alors même que pour pouvoir constituer une hypothèque, il faut que le constituant soit le propriétaire de l'immeuble en question. Se pose donc ici la question de savoir si on peut constituer une hypothèque sur un bien indivis avant la décision du partage. 533. En droit français, les immeubles indivis peuvent aussi être hypothéqués, sans l’accord d l’ensemble des indivisaires. Sa validité ne pose aucun problème. Toutefois, lorsque l’hypothèque porte sur l’immeuble indivis, son efficacité est différente selon qu’elle a été consentie par l’ensemble des indivisaires ou non. L’article 2414, alinéa 2 du Code civil fixe expressément les règles applicables à ces deux situations. Dans la première hypothèse 353 , l’hypothèque produit tous les effets de l’hypothèque ordinaire, quel que soit le résultat du partage. Le créancier bénéficiaire prend rang de créancier de 351 Dominique, LEGEAIS, op. cit., p.412. 352 Gérard CORNU, op. cit., p.476. 353 Il arrive souvent en pratique, que lorsque tous les indivisaires sont débiteurs du même créancier ou lorsqu’ils acceptent d’affecter la totalité de l’immeuble pour permettre à l’un d’entre eux de se procurer le crédit dont il a besoin. V. Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 413. 304 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque l’indivision. La jurisprudence de la Cour de cassation lui permet de saisir le bien alors même qu’on se trouve dans le cadre d’une procédure collective354. En cas de non paiement de sa créance, le créancier hypothécaire pourra faire saisir et vendre le bien même avant le partage. Dans la dernière hypothèse, l’efficacité de l’hypothèque dépend des résultats du partage. Le partage fait disparaître rétroactivement les droits indivis et donne à chacun des attributaires un droit de propriété exclusif depuis la naissance de l’indivision. L’hypothèque, si elle est consentie par l’attributaire ou un des attributaires, porte donc sur les biens acquis par lui ou par eux ; si elle est consentie par un indivisaire non attributaire, l’hypothèque est rétroactivement anéantie355. Si le bien indivis est vendu à un tiers, l’hypothèque se reporte sur la fraction du prix acquis par le constituant. Quant à l’hypothèque d’une quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis, elle ne conserve son effet que si l’indivisaire constituant est alloti du ou des immeubles indivis. Si l’immeuble grevé est vendu à un tiers, l’hypothèque porte sur le prix que le constituant a alloti (art.2414, al.2, C. civ.). Dans les hypothèses où l’hypothèque n’est consentie que par l’un des indivisaires ou qu’elle porte sur une quote-part d’un ou des immeubles indivis, comment réaliser le droit du créancier hypothécaire lorsque l’immeuble grevé n’a pas été partagé, ni vendu à un tiers lors de sa réalisation? Le créancier hypothécaire peut-il demander immédiatement le partage pour réaliser son droit? Il est conduit à l’admettre, à défaut de quoi l’hypothèque ne revêtirait guère d’intérêt. Le créancier hypothécaire peut alors provoquer le partage pour se prévaloir ses prérogatives356. 354 « …le créancier pouvait saisir le bien alors même qu’une procédure collective est ouverte au nom des coindivisaires ». Cass. 1re civ., 28 juin 2005, JCP N 2006, 1025, n. V. BRÉMOND. 355 Cass. 3e civ., 27 mai 1986, JCP N 1987, II, 13, n. M. DAGOT. 356 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 414. 305 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 534. En droit chinois, la possibilité de l’hypothèque des immeubles indivis dépend de la situation de l’indivision. Sous l’empire des PGDC, l'accord unanime de tous les indivisaires est nécessaire pour chaque acte de gestion, d'administration et disposition sur le bien commun 357 , parmi lesquels l’hypothèque. L’hypothèque de l’immeuble ou des immeubles indivis sans l'accord unanime de tous les indivisaires est donc interdite. La LDR a repris cette exigence dans son article 97 en distinguant l’indivision commune de l’indivision par quote-part358: la disposition du bien indivis sous régime de l’indivision commune exige le consentement unanime de tous les indivisaires, tandis que celle sous régime de l’indivision par quote-part n’a pas besoin d'être prise à l'unanimité, mais à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cependant, dans les deux cas, une stipulation contraire dans la convention d'indivision suffit à rendre caduques les effets de cette loi (art.97, LDR). 535. Cependant, il convient de distinguer la situation de la disposition de quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis de celle de la disposition totale de l’immeuble ou des immeubles. Si la dernière disposition concerne les intérêts de tous les indivisaires et, exige donc leur consentement unanime, la première ne concerne que la quote-part du disposant qui sera alloti dans le futur partage, et ne porte en conséquence pas atteinte aux intérêts des autres indivisaires. En conclusion, on peut dire que l’article 54 des ELS admet expressément les effets de l’hypothèque de quote-part, dont le régime 357 V. L’article 89 des Opinions sur certaines questions de l’exécution et l’application des PGDC (application à titre d’essai) rendu par la Cour suprême l3 26 janvier 1988 dispose que « les indivisaires ont les mêmes droits sur des biens indivis et assurent les mêmes obligations. Sans avoir le consentement de tous les indivisaires, la disposition des biens indivis avant la décision du partage est en principe nulle. Sauf que le tiers acquéreur est de bonne foi et l’a acquit à titre onéreux… ». Cet article ne vise que l’indivision commune (共同共有/ gong tong gong you) et ne dit rien de l’indivision par quote-part (按份共有/ an fen gong you). 358 V. n. 134. L’article 89 des Opinions sur certaines questions de l’exécution et l’application de la PGDC ne vise que l’indivision commune et ne dit rien de l’indivision par quote-part. 306 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque s’assimile à celui en droit français: elle ne conserve son effet que si l’indivisaire constituant est alloti du ou des immeubles indivis, et ne porte que sur le prix alloti au constituant si l’immeuble grevé est vendu à un tiers. 536. Cette analyse démontre donc que les règles en droit français sont beaucoup plus souples que celles en droit chinois. § II – La capacité 537. L’article 2400 du Code civil français exige que le constituant ait la capacité d’aliéner le bien grevé à peine de nullité relative. C’est logique dès lors que la réalisation de l’hypothèque puisse entraîner la vente ou le transfert du bien. C’est une règle visant à protéger le constituant. Pour la constitution d’hypothèque, la capacité d’agir des mineurs, et des majeurs sous tutelle est en conséquence limitée. Le droit chinois des sûretés ne prévoit pas de dispositions spéciales sur ce point. Or, selon la théorie générale de la capacité, les incapables n’ont pas la capacité d’exercice (art.12 à 14, PGDC). Ils ne peuvent ni exercer eux-mêmes une action civile, ni assurer une responsabilité civile. Il est donc raisonnable qu’ils ne puissent pas être constituants d’hypothèque. 538. D’ailleurs, les droits français et chinois exigent également que le constituant doive disposer du pouvoir nécessaire pour consentir une hypothèque. Les restrictions au pouvoir de consentir une hypothèque ont toutefois des sources différentes. En droit français, les restrictions sont principalement les suivantes : 1o l’hypothèque des biens des incapables et ceux des absents, ne peut être constituée que pour les causes légales et dans les formes établies par la loi, ou en vertu de jugements (art.2415, C. civ.). 307 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 2o dans les régimes matrimoniaux, l’hypothèque portant sur le logement familial (art.215, C. civ.) ou sur l’immeuble appartenant aux biens communs (art.1422 et 1424, C. civ.) doit recueillir le consentement des deux conjoints. L’hypothèque consentie par l’un des époux peut être annulée à la demande de l’autre. 3o il existe aussi certaines restrictions particulières, telles que la limite de la constitution d’hypothèque sur les biens d’une société qui nécessite des délibérations ou délégations de pouvoir établies sous signatures privées (art.1814-2, C. civ.) ou celle de la constitution d’hypothèque après l’ouverture d’une procédure collective. Ce sont en réalité des restrictions qui s’appliquent à toute sûreté réelle conventionnelle. Les restrictions en droit chinois se trouvent leurs sources dans : 1o les régimes des incapables (art. 12 et s., PGDC) et des absents (art.21, PGDC). Le curateur des biens des incapables et des absents ne peut donner les biens en hypothèque que pour les dettes ou les intérêts de la personne sous sa curatelle. 2o dans les régimes matrimoniaux, les règles appliquées au gage sont également applicables à l’hypothèque. Autrement dit, l’hypothèque constituée par l’un des époux sans consentement de l’autre conjoint est en principe nulle, sauf si le créancier bénéficiaire est de bonne foi et se fie à l’apparence qui lui semble que c’est la volonté commune des époux. La responsabilité de preuve de mauvaise foi du créancier incombe à celui qui poursuit la nullité de l’hypothèque. 308 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 3o selon le droit chinois des sociétés, la limite de la constitution d’hypothèque sur les biens d’une société exige aussi des délibérations ou délégation spéciales. Section IV– Les exigences de forme 539. Quel que soit le système juridique dans lequel elle s’inscrit, l’hypothèque doit satisfaire à certaines conditions formelles. 540. Le contrat d’hypothèque est un acte solennel par excellence en droit français359. L’article 2415 du Code civil exige que l’hypothèque ne puisse se constituer que par un acte notarié. C’est donc une condition obligatoire de la validité d’hypothèque. L’inobservation de cette exigence est sanctionnée par la nullité absolue de l’hypothèque. L’hypothèque est donc un acte solennel plus sévère que la vente d’immeuble qui peut valablement se passer par un acte sous seing privé. Cela peut s’expliquer par les faits suivants: Premièrement, l’hypothèque est vraiment un acte plus grave que la vente. En effet, alors que celui qui vend l’immeuble peut recevoir immédiatement une contrepartie raisonnable, celui qui l’hypothèque ne voit pas sa situation se modifier et risque de s’engager à la légère360. L’intervention du notaire vise donc à protéger le constituant qui a besoin de ses conseils professionnels. Deuxièmement, le notaire étant responsable de la validité de l’hypothèque tant pour son efficacité que pour son évaluation (sauf la dépréciation ultérieure et imprévisible de l’immeuble), l’acte authentique protège également les intérêts du créancier bénéficiaire. 359 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 415. 360 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 281. 309 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque 541. En vertu du principe général qui veut la procuration permettant d’accomplir un acte solennel est soumise à la même forme que celui-ci, l’exigence d’acte notarié s’applique aussi au mandataire dans la constitution d’hypothèque. Ce principe souffre cependant des exceptions relatives à l’hypothèque constituée au profit de l’État ou à celle constituée par représentants statutaires des sociétés (art.1844-2, C. civ.). Cette dernière exception peut s’expliquer « par les nécessités pratiques et le fait qu’une société n’a pas besoin d’être protégée »361. 542. En outre, cette exigence ne s’applique pas à la promesse d’hypothèque, par laquelle le promettant s’engage à constituer une hypothèque à la demande du créancier. La promesse d’hypothèque sous seing privé est donc valable. On considérait qu’en cas de refus du promettant de respecter son engagement, le créancier pourrait l’y contraindre. Mais la Cour de cassation consacre avec constance que celui qui ne respecte pas son engagement de faire est seulement sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts. L’exécution forcée n’y est pas applicable parce que l’acte notarié est une condition de validité de l’hypothèque. La promesse d’hypothèque est donc « une vraie fausse garantie »362. 543. L’acte notarié doit mentionner: les conditions permettant de déterminer les créances garanties, celles déterminant les biens hypothéqués (art.2418, C. civ., tels que la nature et la situation de chacun des immeubles), le montant de la créance garantie (art.2423, C. civ.), la cause d’hypothèque 361 Ibid., p. 282. 362 Cass. com., 3 mai 1988: D. 1989, 58, n. Ch. GAVALDA ; Cass. 3e civ., 7 avr. 1993: JCP E 1993, I, 300, no 12, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE ; M. MATHIEU, Une vraie fausse garantie: la promesse d’affectation hypothécaire, RD bancaire et bourse 1992, 48. 310 Chapitre I – La constitution de l’hypothèque (art.2421, ali.2), la mention que l’hypothèque est rechargeable ou non (art.2422, C. civ.). 544. À la différence du droit français, la validité du contrat de l’hypothèque en droit chinois ne soumet qu’à une solennité restreinte – comme le contrat de gage ou de nantissement – la forme écrite du contrat. C’est une condition de validité du contrat d’hypothèque consacrée par la LS et la LDR. Les mentions nécessaires, que doit comporter l’acte écrit, sont la désignation de la dette garantie – la nature et le montant de la créance - et le siège, l’état et la nature des immeubles donnés en hypothèque. Ce sont les deux clauses nécessaires et obligatoires à la validité du contrat d’hypothèque363. 545. Mais comme pour la vente ou la transmission d’immeubles, l’acte authentique n’est toutefois pas obligatoirement exigé pour la validité de l’hypothèque en droit chinois. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce formalisme limité: premièrement, le recourt au notaire dans les transmissions de droits réels n’est pas habituel, il ne serait donc pas approprié de l’imposer par la loi ; deuxièmement, le législateur chinois estime que le recours obligatoire au notaire engendrerait un coût de transaction supplémentaire non nécessaire ; troisièmement, les notaires chinois étaient des fonctionnaires et nombre d’entre eux n’étaient pas suffisamment compétents. Par conséquent, le notariat chinois ne jouait le rôle majeur qui est le sien en droit français. 546. Il faut remarquer également que, comme dans la situation du gage, le droit chinois distingue aussi la validité du contrat de l’hypothèque de celle de l’hypothèque elle-même. La validité du contrat de l’hypothèque n’emporte pas nécessairement celle de l’hypothèque. Alors que l’acte écrit suffit pour la validité du contrat de l’hypothèque, la validité de l’hypothèque est soumise à la formalité de l’inscription hypothécaire immobilière. 363 YANG Hong, op. cit., p. 141. 311 Chapitre II – L’inscription hypothécaire Chapitre II – L’inscription hypothécaire 547. Conformément à leurs propres principes de publicité foncière, l’inscription hypothécaire en droit français et celle en droit chinois poursuivent des finalités différentes. Dans le premier cas, l’inscription joue principalement un rôle dans la condition d’opposabilité et dans l’attribution du rang au créancier. En droit chinois, l’inscription hypothécaire remplit les fonctions plus importantes que celles qui lui sont dévolues en droit français. Hormis les deux fonctions précitées qu’elle joue en droit français, l’inscription hypothécaire est aussi une condition de validité de l’hypothèque elle-même en droit chinois. Néanmoins, cela ne signifie pas que les inscriptions hypothécaires dans les deux pays sont complètement différentes. Si on fait abstraction des différences relatives aux effets d’inscription, leurs régimes sont largement comparables. Section I – Les mentions obligatoirement requises 548. La validité de l’inscription hypothécaire est impérativement subordonnée à l’observation des règles posées par le droit de la publicité foncière. 549. En droit français, l’inscription doit obéir à un certain ordre : le créancier doit d’abord déposer à la conservation des hypothèques (une institution française administrative et fiscale de la direction générale des finances publiques) une copie signée et certifiée de l’acte constitutif de l’hypothèque (soit l’acte notarié de l’hypothèque). Puis il doit également y déposer un bordereau en deux exemplaires comportant les mentions exigées par l’article 2428 du Code civil ; ces mentions doivent permettre de désigner les parties, l’immeuble hypothéqué et la créance garantie. Le dépôt doit donc mentionner, à peine d’être refusé, l’indication du titre générateur de la sûreté. Il doit respecter le principe de l’effet relatif gouvernant la publicité foncière qui oblige le bordereau à viser la publication préalable du titre de propriétaire de 312 Chapitre II – L’inscription hypothécaire l’immeuble hypothéqué 364 . Le principe de spécialité s’applique aussi à l’inscription hypothécaire, ainsi le bordereau doit mentionner : - la désignation de l’immeuble hypothéqué, par référence au cadastre ; - le titre générateur de la créance garantie, ainsi que sa cause et son montant, et le cas échéant, la clause de rechargement (les indications permettant de déterminer le montant de la créance garantie). Les accessoires de la créance garantie sont couverts par l’hypothèque si l’inscription les a mentionnés. Cependant, tous les accessoires ne sont pas automatiquement garantis. Cette inscription principale ne garantit que les intérêts et arrérages échus avant l’inscription et ceux échus après l’ouverture de la procédure de la distribution du prix365. De plus, elle ne les couvre que « pour trois années seulement, au même rang que le principal ». Certes, le créancier peut procéder à une inscription particulière portant hypothèque à compter de leur date, pour les intérêts et arrérages autres que ceux conservés par l'inscription primitive (art. 2432, C. civ.). Après l’inscription, l’un des bordereaux sera retourné au requérant avec mention de l’accomplissement de la formalité. Sauf dispositions contraires, ces règles s’appliquent aussi aux privilèges immobiliers, hypothèques légales et judiciaires. 550. En droit chinois, bien que la LDR exige dans son article 10 l’établissement d’un « organe unique » chargé de l’inscription foncière, il est regrettable que l’inscription hypothécaire n’ait pas encore été uniformisée. 364 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 420. 365 Ibid., p. 421. 313 Chapitre II – L’inscription hypothécaire Le créancier doit procéder à l’inscription hypothécaire auprès du bureau des bâtiments ou/et des terrains, ou encore d’autres organes chargés de l’inscription immobilière en vertu de lois spéciales (tels que le bureau des forêts qui est chargé de l’inscription de l’hypothèque portant sur des forêts). Le créancier doit y déposer une demande de l’inscription hypothécaire, l’acte constitutif de l’hypothèque et l’acte constitutif de l’obligation principale. Il doit ensuite y déposer un bordereau comportant les mentions nécessaires à la désignation des parties, de l’immeuble hypothéqué et de la créance garantie. Pour ce faire, le créancier doit également présenter la pièce d’identité du demandeur, et le certificat de propriété immobilière. Le cas échéant, d’autres mentions sont également requises (telles que les indications permettant de déterminer le montant de la créance garantie). Dès que les conditions légales de l’inscription sont remplies, l’organe chargé d’inscription mentionne sur le registre les parties intéressées à l’hypothèque, le montant de la créance garantie (s’il s’agit d’une créance indéterminée, les conditions permettant de la déterminer) et la date de l’inscription. Section II – Délai de l’inscription 551. Contrairement aux règles qui prévalent pour l’inscription de mutations immobilières, en droit français, il n’existe pas d’exigence expresse du délai d’inscription hypothécaire. Le créancier bénéficiaire peut l’inscrire quand il veut. Mais il faut remarquer qu’il existe en droit français quatre événements qui arrêtent le cours d’inscription et rendent l’inscription inefficace. Ces événements visent toujours à protéger les intérêts de tiers366. Ce sont les arrêts du cours d’inscription : 366 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 293. 314 Chapitre II – L’inscription hypothécaire --- en cas de décès du constituant, l’inscription hypothécaire est empêchée si la succession est acceptée à concurrence de l’actif net par un ou plusieurs héritiers (art.792-2, C. civ.) ; --- en cas de mutations immobilières, l’inscription hypothécaire postérieure à la publication de l’aliénation sera rejetée par le conservateur367 ; --- s’il y a un commandement de saisie publiée, le débiteur titulaire de l’immeuble n’a plus le droit d’en disposer (interdiction de l’aliéner ou de constituer sur lui un droit réel), l’inscription hypothécaire postérieure est donc inutile ; --- en cas d’ouverture d’une procédure collective ou de surendettement personnel, l’inscription hypothécaire postérieure est interdite selon les articles L.622-30, L.634-14 et L.641-3 du Code de commerce. Considérant que ces procédures rendent l’inscription inutile, et que l’inscription est attributive du rang, il va sans dire que le créancier l’inscrira le plus rapidement possible. 552. Le droit chinois n’impose pas non plus d’exigence quant au délai d’inscription hypothécaire. Le créancier bénéficiaire peut procéder à l’inscription à tout moment. Le droit chinois retenant le principe de l’inscription-validité pour les droits immobiliers, le créancier procède normalement à l’inscription hypothécaire le plus rapidement possible. Section III – La péremption, la radiation et la réduction 553. L’inscription hypothécaire n’est pas absolue tant en droit français qu’en droit chinois, puisqu’elle peut faire l’objet de péremption, de radiation ou de réduction. § I – La péremption de l’inscription hypothécaire 367 Cass. 3e civ., 12 juin 1996, Bull. civ. III, no 145 ; D., 1997, som.p257, obs. S. PIEDELIÈVRE ; RD imm. 1997, p.114, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE. 315 Chapitre II – L’inscription hypothécaire 554. En droit français, les parties peuvent librement convenir de la durée de l’inscription en se conformant aux exigences fixées par l’article 2434 du Code civil : l’inscription prend fin au plus tard un an après l’échéance de la créance et cinquante ans après l’inscription ; si l’échéance de la créance est indéterminée ou s’il y a une clause de rechargement, la durée maximum de l’inscription est de cinquante ans après l’inscription ; si la créance est déjà échue, la durée maximum de l’inscription est de dix ans après l’inscription. Au bout de ce délai, l’hypothèque subsiste mais perd son opposabilité. Le créancier peut certainement l’inscrire à nouveau, mais cette nouvelle inscription ne garde pas le rang de l’inscription primitive. Il risque donc de subir les conséquences des quatre événements précités ou d’autres contingences. Afin d’éviter ces risques, le créancier peut, sans requérir le consentement du débiteur, procéder à un renouvellement de l’inscription avant que la péremption ne s’accomplisse. Ce renouvellement garde le rang primitif de l’inscription de l’hypothèque et fait échec à la péremption antérieure. La nouvelle péremption court de la date de la nouvelle inscription. Antérieurement, lorsque l’immeuble hypothéqué avait été transformé en prix (l’effet légal de l’hypothèque), le renouvellement de l’inscription était inutile. De plus, on distinguait déraisonnablement les prix résultant de la vente volontaire, de la saisie ou de l’indemnité versée en cas de perte ou d’expropriation de l’immeuble. La nouvelle rédaction de l’article 2435, alinéa 3 du Code civil met fin à cette distinction. Aujourd’hui, le renouvellement de l’inscription est obligatoire jusqu’au paiement total ou à la consignation du prix (la consignation du prix s’assimile au paiement, parce qu’elle permet ensuite de distribuer le prix aux créanciers hypothécaires d’après leur rang). Si le paiement ou la consignation du prix est partiel, le créancier doit procéder au renouvellement de l’inscription avant la péremption pourvu que le montant restant de la créance soit garanti par l’hypothèque. 316 Chapitre II – L’inscription hypothécaire 555. À la différence du droit français, la loi chinoise ne limite pas la durée de l’inscription hypothécaire. Il n’est pas non plus nécessaire pour les parties de convenir de la durée de l’inscription, car les juristes chinois considèrent que la durée convenue n’affecte pas l’hypothèque en raison du principe de numerus clausus. Il découle du caractère accessoire de l’hypothèque que la durée de l’inscription hypothécaire dépend de la créance qu’elle garantit. Selon l’article 12 des ELS, « la durée de sûreté réelle est indépendante de la durée de l’inscription de celle-ci convenue par les parties ou fixée par l’organe d’inscription. Après la prescription de la créance garantie, si le créancier garanti exerce son droit de sûreté réelle dans les deux ans à compter de la prescription, le tribunal populaire doit le soutenir ». Autrement dit, la durée implicite de l’hypothèque équivalait à la durée convenue de l’exercice de la créance garantie majorée de quatre ans (2 ans de la durée de prescription de la créance garantie plus 2 ans). Néanmoins, l’article 202 de la LDR a modifié la règle, en énonçant que le créancier hypothécaire doit exercer son droit avant la prescription de la créance garantie ; sinon, il perdra le bien-fondé du procès. En synthétisant les deux dispositions, nous pouvons conclure que la durée de l’hypothèque égale à la durée convenue de l’exercice de la créance garantie plus deux ans (la durée de prescription de la créance garantie), qu’à l’expiration, l’hypothèque subsiste mais perd son opposabilité tant à l’égard des tiers qu’à l’égard du constituant. § II – La radiation de l’inscription hypothécaire 556. La radiation est une opération qui consiste en une mention en marge de l’inscription et qui informe les tiers. Qu’elle soit volontaire ou judiciaire368, 368 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 498. 317 Chapitre II – L’inscription hypothécaire son effet est identique en droit français : la radiation rend l’hypothèque inexistante (art.2440, C. civ.). C’est donc un acte grave. La radiation d’une inscription peut résulter du consentement des parties intéressées. C’est ce que l’on l’appelle la « radiation volontaire ». La réforme de 2006 a facilité la formalité de radiation. Néanmoins, considérant la gravité de l’acte, la radiation doit être exécutée sous forme d’un acte notarié, à l’exception toutefois de la radiation consentie par un dirigeant de société qui procède par le dépôt « d’une copie authentique d’un acte notarié certifiant que le créancier, à la demande du débiteur, a donné son accord à cette radiation ». Le conservateur doit s’assurer de la capacité et des pouvoirs du requérant de radiation ; son contrôle ne se limite pas à la régularité formelle de l’acte, sauf en cas de radiation simplifiée369. Ce contrôle excède la prescription du droit commun. De plus, le créancier doit avoir la « capacité » de donner la mainlevée. Si la mainlevée est faite après le paiement, le créancier doit avoir la capacité de recevoir le paiement. Si elle est faite en l’absence du paiement, le créancier doit avoir la capacité de renoncer à un droit réel immobilier. Après la radiation, l’hypothèque est éteinte, mais la créance subsiste en tant qu’une créance chirographaire. Lorsque l’hypothèque est éteinte ou si l’inscription est prise après l’arrêt du cours de l’inscription, le refus indu de radiation du créancier constitue une faute. Il doit rembourser les dommages et intérêts si le constituant a subi un préjudice. 369 Cass. Civ. 3e, 16 juill. 1975, D. 1975, 593. Dans l’arrêt, la Cour de cassation a décidé que le contrôle exercé par le conservateur ne se limite pas à la régularité formelle de la mainlevée, mais s’étend à sa validité au fond. 318 Chapitre II – L’inscription hypothécaire La radiation judiciaire d’une inscription hypothécaire est ordonnée par le juge. Compte tenu de la gravité de l’acte de radiation, l’article 2440 du Code civil exige que le jugement soit en dernier ressort ou passé en force de chose jugée. 557. En droit chinois, les Mesures d’inscription de bâtiments (MID) du 15 février 2008 rendu par le ministère de la construction disposent dans l’article 48 que les parties peuvent demander la radiation de l’hypothèque en cas d’extinction de la créance garantie, de réalisation de l’hypothèque, de renonciation du créancier hypothécaire. D’autres cas de l’extinction d’hypothèque sont en outre expressément prévus par la loi ou le décret. La radiation peut aussi être ordonnée par un jugement en dernier ressort ou passée en force de chose jugée. La radiation peut donc résulter du consentement des parties intéressées, plus précisément, de la renonciation du créancier bénéficiaire370. Pour ce faire, ce dernier doit déposer au bureau d’inscription une demande de la radiation de l’hypothèque, la pièce d’identité du demandeur, l’acte constatant l’extinction de l’hypothèque (tel que la renonciation sous forme écrite du créancier, etc.), le certificat du droit réel autre que la propriété, et le cas échéant, d’autres documents (art.49, MID). Cela signifie implicitement que la radiation de l’hypothèque nécessite la participation du créancier hypothécaire, car lui seul détient le certificat du droit réel autre que la propriété. Le créancier doit bien sûr avoir la « capacité » de donner la mainlevée. Ce qui s’apparente au régime du droit français. Après la radiation, l’hypothèque n’existe plus. La créance antérieurement garantie subsiste mais devient chirographaire. 370 Le constituant poursuit toujours à libérer son bien hypothéqué le plus vite et le plus simplement possible. 319 Chapitre II – L’inscription hypothécaire En cas de refus indu de radiation du créancier, la loi chinoise ne dit rien. Cette lacune devrait être comblée à l’avenir. Il est pertinent de qualifier de faute ce refus, et comme en droit français, de le sanctionner par des dommages et intérêts. La radiation peut être complète ou partielle. Dans ce dernier cas, elle constitue une réduction de l’hypothèque. § III – La réduction de l’inscription hypothécaire 558. Le droit chinois, comme le droit français, prévoit la réduction volontaire de l’hypothèque : elle est alors soumise aux mêmes conditions que la radiation. 559. En droit français, la réduction hypothécaire peut aussi être judiciaire, ce qui n’est pas possible en droit chinois en raison de l’inexistence d’hypothèque judiciaire, puisqu’elle ne peut pas porter sur l’immeuble grevé d’une hypothèque conventionnelle, même si la valeur de l’immeuble hypothéqué excède le montant de la créance garantie. En effet, l’hypothèque conventionnelle est le fruit du consentement des parties ; l’intervention du juge qui constituera une révision du contrat nuirait à la liberté contractuelle. Cette réduction est donc interdite, sauf si le montant de l’inscription est unilatéralement évalué par le créancier des créances conditionnelles, éventuelles ou indéterminées (art.2445, C. civ.). S’il s’agit d’une hypothèque légale ou judiciaire, la réduction judiciaire est possible lorsque l’inscription hypothécaire est excessive par rapport au montant de la créance garantie. « Sont réputées excessives les inscriptions qui grèvent plusieurs immeubles lorsque la valeur d'un seul ou de quelques-uns d'entre eux excède une somme égale au double du montant des créances en capital et accessoires légaux, augmenté du tiers de ce montant » (art.2444, C. civ.). La réduction porte donc sur la quantité de biens grevés ou sur le montant de l’inscription. La réduction 320 Chapitre II – L’inscription hypothécaire étant une radiation partielle, le jugement de réduction doit aussi être en dernier ressort ou passé en force de chose jugée. Section IV – La mission et la responsabilité de l’organe d’inscription 560. Alors que les dispositions relatives à la mission et à la responsabilité de l’organe chargé de l’inscription sont en droit français relativement abouties, cette question fait jusqu’ici l’objet d’une grande sollicitude des juristes chinois. Les règles du droit français offrent en effet de très bonnes références aux juristes chinois. 561. En droit français, c’est le bureau des hypothèques, ou plus précisément le conservateur des hypothèques en charge de ce service qui est responsable de l’inscription. Le conservateur est un fonctionnaire dépendant du ministère des finances dont le statut est un peu particulier, car il est rémunéré par les émoluments versés par l’usager de la publicité foncière371. Il est chargé de procéder, sur réquisition, aux inscriptions des actes qui doivent être soumis à la publicité et aux radiations correspondantes ; de conserver les registres, fichiers et archives ; de renseigner le public sur l’état juridique des biens figurant sur les registres et fichiers372. Outre le salaire, il perçoit également certaines taxes (la taxe de publicité foncière, TVA …) pour le compte de l’état ou des collectivités locales373. 562. Cependant, le conservateur des hypothèques n’exerce qu’un contrôle de la régularité formelle des actes qui lui sont présentés. Il n’est pas juge de la validité des actes, ni de la réalité des droits du requérant374. Ses pouvoirs, qui 371 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.789. 372 C’est l’objet fondamental de tout système de publicité foncière. 373 Cette dualité des fonctions du conservateur des hypothèques est particulièrement évidente dans le cadre de la formalité unique de publicité foncière et d’enregistrement. V. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.790. 374 Il existe ne exception : en cas de radiation de l’hypothèque, le conservateur des hypothèques exerce un contrôle particulier. V. supra n° 556. 321 Chapitre II – L’inscription hypothécaire sont prévus par les décrets du 4 janvier et du 14 octobre 1955, se divisent en deux: le pouvoir de refuser le dépôt et le pouvoir de rejeter la formalité. Le conservateur peut refuser le dépôt de la requête en cas d’irrégularité grave ou flagrante375, s’il s’aperçoit immédiatement l’irrégularité des actes. Il doit le notifier au requérant dans le délai maximum de quinze jours à compter de la remise des documents. Il lui restitue les documents présentés, avec une décision datée et signée indiquant succinctement les causes du refus. Le dépôt refusé ne produit aucun effet. Le requérant, après avoir complété ou rectifié les documents, peut présenter une nouvelle requête, qui ne prendra rang qu’à la date de ce nouveau dépôt si elle est acceptée. Ce type de refus est donc très grave, puisqu’il peut conduire à anéantir ce droit si un autre acte a été publié entre-temps376. Si le conservateur constate une ou plusieurs irrégularité des actes377 après l’acceptation du dépôt, il peut encore refuser de les publier (rejet de la formalité). Dans ce cas, le conservateur doit notifier au requérant un rejet provisoire dans le délai d’un mois à compter du dépôt. Une annotation 375 Peuvent être considérées comme cas d’irrégularité grave ou flagrante: 1o les expéditions, copies ou bordereaux présentés ne mentionnent pas les références de la publicité du titre du disposant du droit ou si la publicité du titre ou de l'attestation n'est pas effectuée au plus tard en même temps que la formalité nouvelle (art. 34, Décr. 14 oct. 1955) ; 2o les actes présentés n’ont pas été dressés en la forme authentique (Ibid., art. 68) ; 3o si la requête se rapporte totalement ou partiellement à des immeubles situés hors du ressort du bureau des hypothèque demandé ((Ibid., art. 68-1) ; 4o si les même documents ne sont pas conformes aux prescriptions, notamment quant à la certification de l’identité des parties, à la désignation des biens et à la remise simultanée de l’extrait cadastral (Ibid., art.64, art.34, 2, Décr. 4 janv.1955) ; 5o si la demande de renouvellement d’une inscription hypothécaire est présentée après péremption ou radiation (art.64, Décr. 14 oct. 1955). Sur ce point, v. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.791-792. 376 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p.279. Par exemple, après le refus de dépôt de l’hypothèque et avant le nouveau dépôt, un autre acquéreur publie une vente du même bien, l’hypothèque est inopposable à l’acquéreur. 377 L’irrégularité peut être l’une des irrégularités justifiant le refus du dépôt (V. n. précitée 153) ou d’autres irrégularités moins graves, telles que des discordances être le contenu des actes et les mentions du bordereau ou entre le contenu des actes à publier et celui d’acte précédemment publiés (art. 34, 3, Décr. 4 janv. 1955). V. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.792. 322 Chapitre II – L’inscription hypothécaire sommaire et provisoire doit, en même temps, être mentionnée au fichier immobilier. Le rejet laisse un délai d’un mois au requérant pour compléter ou rectifier sa demande ou le contenu des actes. Une fois que la régularisation est achevée dans le délai, le conservateur procède à la publication effective et, la publication prend rang au jour initial du dépôt. À l’inverse, le conservateur va notifier au requérant un rejet définitif dans le délai de huit jours à compter de l’expiration du délai d’un mois de régularisation. En cas du refus du dépôt ou du rejet de formalité, le requérant dispose du recours contre la décision du conservateur des hypothèques. Le recours est porté, dans les huit jours de la notification de cette décision, devant le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles qui statue comme en matière de référé (art.26, Décr. 4 janv.1955) 378 . L’ordonnance de celui-ci n’est pas susceptible d’exécution provisoire, elle est susceptible de recours et, en ce cas, le juge statue par priorité et d'extrême urgence. Dès que la décision judiciaire est passée en force de chose jugée, la formalité en cause est, soit définitivement refusée ou rejetée, soit exécutée dans les conditions ordinaires. Autrement dit, si le rejet de la formalité est annulé, le conservateur doit accomplir celle-ci, qui prend rang au jour initial du dépôt ; si le refus du dépôt est annulé, la partie intéressée procède à un nouveau dépôt qui ne prend rang qu’à la date du nouveau dépôt. Dans ces deux cas, le conservateur des hypothèques engagent sa responsabilité. 563. Le conservateur des hypothèques est responsable des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions qui ont causé un préjudice aux 378 En effet, la disposition initiale de l’article 26 du Décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière n’ouvrait ce recours au requérant qu’en cas de rejet définitif de la formalité. Rien n’était prévu en cas de refus du dépôt. Les auteurs voulaient l’y faire étendre, mais la jurisprudence n’admettait pas l’extension (Cass. civ. 3e, 30 mai 1978, Bull. civ. III, no225). C’est l’article 17 de la Loi n°98-261 du 6 avril 1998 qui a modifié l’article 26 de la loi précédente et qui a ouvert le même recours dans les deux hypothèses. 323 Chapitre II – L’inscription hypothécaire parties intéressées. Selon l’article 2450 du Code civil, il est responsable du préjudice résultant: 1° du défaut de publication des actes et décisions judiciaires déposés à son bureau, et des inscriptions requises, toutes les fois que ce défaut de publication ne résulte pas d'une décision de refus ou de rejet ; 2° de l'omission, dans les certificats qu'ils délivrent, d'une ou de plusieurs des inscriptions existantes, à moins dans ce dernier cas, que l'erreur ne provienne de désignations insuffisantes ou inexactes qui ne pourraient lui être imputées. De plus, il est aussi responsable du refus ou du rejet mal fondé du dépôt ou de la formalité (art. 2452, C. civ.), et plus généralement, de l’ensemble de l’accomplissement de sa mission379. 564. Corrélé à la modalité particulière de sa rémunération, la responsabilité du conservateur des hypothèques est une particularité de ce système. En effet, bien qu’il soit agent de l’État, sa responsabilité civile est complètement personnelle, même si elle est engagée dans l’accomplissement de sa mission. C’est donc la juridiction judiciaire du siège du bureau des hypothèques qui est compétente pour connaître des litiges en cause, et non la juridiction administrative. Elle se prescrit donc par cinq ans selon la règle du droit commun (art. 2224, C. civ.). Cette responsabilité est garantie soit par un cautionnement traditionnel qui est en réalité une sûreté réelle, soit par un système de garantie collective, par le truchement de l’Association des conservateurs des hypothèques agréée à cet 379 V. CA Orléans, 21 juill. 1952, s. 1954, p.277 ; CA Paris, 29 nov. 1968, D. 1969, p.401 ; CA Paris, 15 oct. 1976, GAZ. Pal. 1977, 1, p. 159. V. aussi Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 794. 324 Chapitre II – L’inscription hypothécaire effet et qui souscrit une assurance collective380. En outre, la contravention aux dispositions qui régissent le statut du conservateur est sanctionnée par une amende de 30 à 300 euros pour la première infraction et par la destitution en cas de récidive (art. 2455, C. civ.). 565. En droit chinois, comme nous l’avons vu dans le texte plus haut (v. supra, n° 550), l’organe chargé de l’inscription n’est pas unique, il existe encore plusieurs organes dépendant des ministères différents dont leurs missions et leurs responsabilités sont tellement flous qu’elles devraient être éclaircies le plus vite possible. Ainsi, l’expérience concluante française sur ce point est sans aucun doute une bonne référence pour les juristes chinois. 380 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p.795. 325 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque Chapitre III – Les effets de l’hypothèque 566. L’hypothèque est une sûreté réelle qui affecte un immeuble au paiement de la créance garantie. Elle produit de nombreux effets car elle intéresse non seulement le constituant et le créancier, mais également les autres créanciers du débiteur et, éventuellement, les tiers acquéreurs de l’immeuble hypothéqué. Section I – Effets de l’hypothèque entre le constituant et le créancier hypothécaire 567. L’hypothèque produit ses effets entre le constituant et le créancier hypothécaire dès la constitution du contrat de l’hypothèque en droit français et dès l’inscription hypothécaire en droit chinois. Même si le moment de la naissance est différent dans les deux systèmes juridiques, il est néanmoins possible de procéder à la comparaison des effets de l’hypothèque lors de deux phases spécifiques : avant la réalisation de l’hypothèque et au moment de sa réalisation. § I – Effets avant la réalisation de l’hypothèque 568. Dans cette phase, le constituant conserve la propriété de l’immeuble hypothéqué et jouit donc des prérogatives liées à cette qualité. Tant que le créancier n’a pas réalisé l’hypothèque, le constituant conserve toutes les prérogatives de propriété sur l’immeuble hypothéqué : les droits d’usus, d’abusus et de fructus. Cependant, les droits et les devoirs sont indissociables. L’exercice des droits du constituant ne peut pas nuire à la valeur du bien grevé, comme le justifie le principe selon lequel « le propriétaire de l'immeuble hypothéqué ne peut, au détriment du créancier hypothécaire, faire aucun acte de 326 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque disposition matérielle ou juridique qui directement ou de sa nature même aurait pour conséquence de diminuer la valeur de cet immeuble »381. 569. En premier lieu, rien n’empêche le constituant de disposer de l’immeuble hypothéqué en droit français. Il peut l’affecter en garantie d’une nouvelle créance, voire l’aliéner, sans avoir l’autorisation du créancier ni l’en informer. En effet, si l’hypothèque est inscrite, le créancier hypothécaire n’a pas à craindre un tel acte qui est postérieur à l’inscription et qui lui est inopposable. En outre, si cet acte est de nature à dégrader la valeur de l’immeuble grevé, le créancier a aussi le droit d’y faire opposition par les mesures conservatoires, par la nomination d’un séquestre ou par la consignation du prix de vente. Ce droit est souvent exercé par le créancier hypothécaire en cas de vente des immeubles par destination, où le tiers acquéreur du bien peut invoquer sa bonne foi pour s’opposer au créancier. Il est donc très important pour le créancier d’exercer son droit d’opposition, soit pour empêcher la délivrance du bien, soit pour obtenir la consignation du prix. La loi chinoise n’interdit pas non plus au constituant de grever une nouvelle hypothèque sur l’immeuble hypothéqué, ou d’exercer certains droits réels accessoires, tels que le droit d’usus, le droit de construire, etc. Quant à l’aliénation du bien grevé, la LS imposait au constituant d’en informer le créancier hypothécaire (art. 49, LS). Cependant, la LDR interdit au constituant d’aliéner l’immeuble grevé sans l’autorisation du créancier hypothécaire (art. 191, al. 2, LDR). Il faut dire que cette interdiction n’est pas judicieuse, puisqu’elle déroge aux principes généraux du droit des biens et de l’hypothèque d’une part, et est trop rigoureuse pour le constituant d’autre part382. La LDR 381 AUBRY et RAU, Droit civil français, 7 éd. par P. Esmein, t. II,Librairies Techniques, 1963, § 286, no 317. 382 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 318. 327 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque marque donc un recul historique sur ce point. En effet, la règle selon laquelle le créancier hypothécaire doit être informé de l’aliénation du bien grevé, laquelle entraîne le paiement anticipé de la créance ou la consignation du prix de la vente, suffit à protéger le créancier hypothécaire. 570. En second lieu, le constituant dispose du droit d’administration de l’immeuble hypothéqué. Cependant, ce droit est limité par le souci de conserver au bien sa valeur, puisqu’un immeuble occupé a en principe moins de valeur qu’un immeuble vacant. En droit français, les baux légalement constitués et publiés avant l’inscription de l’hypothèque sont opposables au créancier hypothécaire pour toute sa durée. Les baux constitués après l’inscription de l’hypothèque sont plus compliqués. Ceux d’une durée inférieure à douze ans sont des actes d’administration et donc valables et opposables aux créanciers hypothécaires. Ceux d’une durée supérieure à douze ans sont considérés comme des actes de disposition. Peu importe qu’ils soient publiés ou non, ils ne sont opposables aux créanciers hypothécaires que pour une période de douze ans. Par ailleurs, grâce à l’intervention du notaire en bail immobilier, la publicité du bail ne posera guère de problème en pratique. En droit chinois, l’article 190 de la LDR dispose que « si le bien hypothéqué a été loué avant la constitution du contrat de l’hypothèque, le louage est opposable à l’hypothèque. Si le bien est loué après la constitution de l’hypothèque, le louage n’est pas opposable à l’hypothèque ». C’est le principe « l’hypothèque ne détruit pas le bail » qui découle du principe « la vente ne détruit pas le bail ». Il s’applique indifféremment au bail à long ou à court terme. Cette disposition est cependant critiquable, dans la mesure où le droit chinois distingue la validité du contrat de l’hypothèque et celle de l’hypothèque elle-même. D’une part, le contrat de l’hypothèque immobilière est parfait par sa seule forme écrite, mais l’hypothèque proprement dite n’est ni valide ni opposable avant l’inscription. Il est alors logique que le louage immobilier intervenu après la conclusion du contrat hypothécaire, mais avant l’inscription 328 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque hypothécaire, soit opposable à une telle hypothèque. D’autre part, l’hypothèque mobilière est valablement constituée entre les parties dès lors que le contrat constitutif est valable, mais elle n’est pas opposable avant l’inscription. Il est donc pertinent que le louage mobilier conclu après la constitution de l’hypothèque, mais avant son inscription, lui soit encore opposable. En résumé, cet article doit être reformulé. En outre, l’inscription de bail d’immeuble étant facultative en Chine, le problème se pose de la publicité du bail à l’encontre de l’hypothèque. Comme nous l’avons exposé, un immeuble occupé a toujours moins de valeur qu’un immeuble vacant. Afin d’obtenir le plus de crédit possible, le constituant a donc intérêt à cacher le bail existant sur l’immeuble hypothéqué. Dans cette hypothèse, la preuve que le bail a été conclu avant l’inscription hypothécaire est un sujet très important. En réalité, l’article 53 de la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine exige que le bail d’immeuble soit enregistré auprès du bureau compétent, sans pour autant préciser la nature de cet enregistrement. La doctrine dominante considère que l’enregistrement est instauré dans un souci de gestion administrative et qu’il n’est donc pas une condition de validité du bail. Cet enregistrement constitue-t-il une condition d’opposabilité au tiers ? Théoriquement, il nous faut répondre par l’affirmative. Mais, dans la pratique, l’enregistrement du bail n’est pas publié et ne produit pas d’effet de publicité383. De plus, peu de parties procèdent à cette formalité de baux. La jurisprudence ne peut donc faire autrement que de parvenir à un compromis. Citons, par exemple, l’arrêt « société He Bang/Huang Jinfu et Chen Liqin » rendu par le tribunal populaire de deuxième instance de Xia Men, qui a statué que la remise de l’immeuble loué est une condition nécessaire et opposable au tiers acquéreur ; 383 DAI Shaoxiong, Jugement civil de la Cour populaire d’arrondissement Luohu de Shenzhen, http://www.szlhfy.gov.cn/flws_detail.php?InfoID=0404000020041220002. 329 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque nous pouvons en déduire que, pour obtenir l’opposabilité à l’hypothèque, le bail antérieurement conclu doit être effectif sur le plan matériel, c’est-à-dire que le locataire doit occuper l’immeuble hypothéqué. De surcroît, compte tenu de la possibilité pour le créancier de demander la réalisation anticipée de l’hypothèque (art. 193, LDR), l’inopposabilité absolue de baux constitués après l’inscription hypothécaire est-elle trop rigoureuse ? Est-il nécessaire d’introduire en droit chinois la notion d’administration d’immeuble comme en droit français ? Imaginons que le constituant ait mis un bâtiment en hypothèque pour une durée de 20 ans et que l’hypothèque soit déjà inscrite. Ce bâtiment est ensuite rapidement loué à un tiers, pour une durée de 10 ans par exemple (un bail ne peut excéder 20 ans en droit chinois). Deux ou trois ans après, le créancier hypothécaire obtient le droit de réalisation anticipée de l’hypothèque. Dans cette hypothèse, le bail n’est pas du tout opposable au créancier hypothécaire selon l’article 190 de la LDR. Dans la mesure où la réalisation de l’hypothèque est anticipée et le locataire ne peut prévoir cette situation, il n’apparaît pas raisonnable qu’il doive en subir l’inconvénient. Ainsi, l’immeuble hypothéqué serait difficile à louer car le risque est trop important pour le locataire. Pour équilibrer les intérêts du créancier hypothécaire et ceux du constituant et du locataire, le législateur chinois peut sûrement s’inspirer de l’expérience française sur ce point. 571. En troisième lieu, l’article 2423, alinéa 2 du Code civil stipule que « l’hypothèque s’étend de plein droit aux intérêts et autres accessoires » mais, en tant que propriétaire de l’immeuble, c’est le constituant qui a le droit de percevoir librement les fruits de l’immeuble hypothéqué avant l’exercice de celle-ci. La perception anticipée peut toutefois nuire aux intérêts futurs du créancier hypothécaire. Le droit français impose donc certaines restrictions à ce droit. Si la perception des fruits de plus de trois ans a été publiée avant l’inscription hypothécaire, elle est intégralement opposable au créancier hypothécaire. Si elle n’est pas publiée, ou si elle est publiée après l’inscription 330 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque hypothécaire, cette perception par avance n’est opposable au créancier hypothécaire que pour une durée maximum de trois ans384. À la différence du droit français, les effets de l’hypothèque en droit chinois ne s’étendent pas aux fruits perçus avant la réalisation de l’hypothèque. Autrement dit, la perception des fruits avant la saisie de l’immeuble hypothéqué est opposable au créancier hypothécaire. La loi chinoise est silencieuse sur la question de la perception anticipée, mais la doctrine courante insiste sur le fait que la perception doive être normale. Par exemple, la perception de la récolte d’arbres fruitiers qui n’est pas mature est considérée de mauvaise foi et donc inopposable au créancier hypothécaire385. De même, la perception anticipée de fruits légaux - des loyers, par exemple - pour une longue durée entraîne la même sanction. Après la saisie, c’est le créancier hypothécaire qui a le droit de percevoir les fruits, sauf qu’il n’en informe pas le constituant (art. 197, LDR). § II – Effets au moment de la réalisation de l’hypothèque 572. À défaut de paiement de la créance échue, le créancier hypothécaire dispose de plusieurs moyens pour réaliser son droit. A. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit français 573. En consacrant l’attribution judiciaire et le pacte commissoire, la réforme des sûretés de 2006 a marqué une profonde évolution des règles de mise en œuvre de l’hypothèque. Le créancier hypothécaire peut, à son choix, procéder à la réalisation de l’hypothèque, soit par la voie judiciaire, soit par la voie extrajudiciaire. 574. La voie judiciaire vise, en effet, la vente de l’immeuble hypothéqué et l’attribution judiciaire. 384 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 434. 385 LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 315. 331 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque 575. La vente du bien grevé permet au créancier hypothécaire d’exercer son droit de préférence sur le prix acquis. Dans la pratique du crédit, les prêteurs créanciers sont souvent les banques, qui ne s’intéressent pas à la propriété du bien grevé. La vente constitue donc la voie principale de réaliser l’hypothèque. Considérant le danger de la clause de voie parée, qui dispense le créancier de faire saisir le bien grevé, sa prohibition est maintenue (art. 2458, C. civ.) en cette matière comme en matière de gage ou de nantissement, sauf dans le cas où la clause est conclue postérieurement à la constitution de l’hypothèque386. Pour obtenir la vente du bien grevé, le créancier hypothécaire doit impérativement mettre en œuvre la procédure de saisie immobilière, qui peut être engagée par tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance exigible et liquide (art. 2191, C. civ.). Le créancier hypothécaire doit respecter les formalités de la saisie immobilière. La procédure de saisie s’ouvre par un commandement de payer adressé au débiteur, qui rend le bien grevé indisponible et restreint ainsi sensiblement les droits de jouissance et d’administration du débiteur. Même si le bien est encore en sa possession, il ne peut plus l’aliéner, ni le grever de droits réels, ni en percevoir les fruits (art. 2198, al. 2, C. civ.). La procédure se poursuit par l’intermédiaire de l’avocat du créancier saisissant, qui doit déposer un cahier des charges précisant les conditions nécessaires de la vente de l’immeuble (telles que la mise à prix, la détermination de l’immeuble, etc.) au greffe du tribunal du lieu de situation de l’immeuble, et en informer les créanciers inscrits387. Après ces formalités, la procédure aboutit enfin à la vente de l’immeuble hypothéqué, qui s’effectue soit par la vente amiable sous l’autorisation du juge, soit par la vente aux enchères. Après la consignation du prix et le paiement des frais de vente, l’acheteur ou l’adjudicataire obtient la propriété du bien vendu. Le prix est 386 Cass. Civ., 25 mars 1903, DP 1904, n. Guenée. 387 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 437 332 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque distribué entre les créanciers poursuivants, ceux inscrits sur l’immeuble à la date de la publication du commandement de payer, ceux inscrits avant la publication du titre de vente, ceux intervenant dans la procédure et ceux titulaires d’un privilège général388. Les créanciers ayant omis de déclarer leurs créances perdent leur droit de sûreté sur le prix du bien vendu. 576. Grâce à la réforme des sûretés de 2006, le créancier peut aussi réaliser son droit sur l’hypothèque par le pacte commissoire – une voie conventionnelle (art. 2459, C. civ.). Le pacte commissoire est une clause par laquelle les parties consentent à ce que, à défaut de paiement à l’échéance, le créancier puisse devenir le propriétaire de l’immeuble grevé sans autorisation judiciaire. En effet, contrairement à l’hypothèse du gage et du gage immobilier (anciens art. 2978 et 2088, C. civ.), ce genre de pacte n’a jamais été expressément interdit par le Code civil en cas d’hypothèque. De fait, la jurisprudence était réticente à appliquer la prohibition du pacte commissoire à l’hypothèque389. La doctrine se montrait-elle aussi réticente390. En consacrant la validité du pacte commissoire, la réforme a radicalement changé la règle. C’est un grand progrès, mais cette consécration ne lève pas toutes les incertitudes. D’une part, la valeur de l’immeuble hypothéqué doit être évaluée par un expert compétent. Ce dernier joue donc un rôle très important. Les questions liées à sa rémunération, à sa responsabilité, ainsi que les effets de l’évaluation, qui ne sont pas résolus par le Code civil, doivent être éclaircies par les textes juridiques. D’autre part, des conflits existent aussi entre le créancier hypothécaire bénéficiant du pacte commissoire et les tiers ayant des droits de préemption. C’est un problème technique qui doit être résolu. Enfin, le pacte 388 Ibid., p. 438. 389 Cass. civ. 1re, 25 mars 1957, Bull. civ. I, no149. Dans le même sens, Cass. civ. 1re, 26 déc. 1961, Bull. civ. I, no622, D.1962, 381, n. Voirin : refuse d’étendre la prohibition du pacte commissoire à l’hypothèque. Contra, Cass. civ. 1re, 5 nov. 1958, Bull. civ. I, n° 476, attribution à une opération similaire un caractère abusif. 390 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 431. 333 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque commissoire est exclu en cas de procédure collective (art. L.622-7, C. com.), ce qui limite sensiblement les intérêts de ce nouvel instrument. B. Les modes de réalisation de l’hypothèque en droit chinois 577. Comme en droit français, le créancier hypothécaire en droit chinois dispose aussi de deux voies de réalisation de l’hypothèque : la voie judiciaire et la voie conventionnelle. Sous l’ancien régime de la LS, la voie conventionnelle était la procédure préalable de la voie judiciaire, puisque son article 53 était ainsi formulée : « si, à l’échéance de l’obligation, le créancier hypothécaire n’est pas désintéressé, il peut, après accord du constituant de l’hypothèque, prendre en paiement la chose hypothéquée ou se désintéresser sur le prix de vente ou d’adjudication de la chose hypothéquée ; si les parties ne sont pas parvenues à conclure une convention, le créancier peut intenter un procès auprès de la Cour populaire ». Cette disposition obligeait paradoxalement le créancier à négocier avec le constituant avant d’avoir recours à la justice. Heureusement, en énonçant que « …si les deux parties n’ont pas convenu du moyen de réalisation de l’hypothèque, le créancier hypothécaire peut demander à la Cour populaire de vendre le bien hypothéqué », la LDR a abandonné l’ancienne disposition. Maintenant, le créancier hypothécaire a le choix de réaliser son hypothèque soit par voie conventionnelle, soit par voie judiciaire, sans qu’il existe d’ordre de priorité. 578. Quant à la voie conventionnelle de la réalisation de l’hypothèque, le droit chinois est bien différent du droit français, où la seule voie conventionnelle est le pacte commissoire. En disposant que « avant l’échéance de la créance garantie, le créancier hypothécaire ne peut pas convenir par contrat avec le constituant qu’il devient propriétaire du bien grevé à défaut de paiement de la dette échue », la prohibition du pacte commissoire en matière d’hypothèque est donc maintenue par la nouvelle LDR (art. 186, LDR), comme elle l’est en matière de gage. Cependant, cette énonciation légale n’est pas parfaitement convaincante et il subsiste de vives controverses en doctrine. En 334 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque effet, au cours de la rédaction de la LDR, les deux collèges d’experts présidés respectivement par les professeurs Wang Liming et Liang Huixing proposaient d’interdire le pacte commissoire. Ils préconisaient toutefois que seul le pacte commissoire conclu au moment de la constitution du contrat de l’hypothèque fût interdit, celui conclu postérieurement étant valide. Il existe aussi certains auteurs favorables à la consécration du pacte commissoire391. Bien que la voie conventionnelle par le pacte commissoire soit interdite, le législateur chinois consacre d’autres voies conventionnelles, en raison de leur efficacité et de leurs économies de coûts pour réaliser l’hypothèque. Faute de paiement de la créance échue, les parties peuvent conclure une clause selon laquelle le créancier peut s’approprier le bien grevé d’hypothèque ou le vendre sans autorisation judiciaire. Le créancier hypothécaire chinois dispose aujourd’hui de trois moyens conventionnels autorisés par la loi. Le premier est la prise en paiement du bien grevé – une opération par laquelle les deux parties consentent à ce que le créancier prenne en paiement le bien hypothéqué en le convertissant en argent. Le deuxième est la vente amiable par négociation du bien grevé – une opération par laquelle les parties concluent une clause par laquelle l’une est autorisée à vendre le bien hypothéqué de gré à gré, permettant ainsi de choisir librement et directement l’acheteur par simple accord entre les intéressés. Il existe ici une possibilité de fraude – la possibilité de fraude entre le constituant et le créancier hypothécaire, qui nuit aux intérêts des autres créanciers en premier cas, et la possibilité de fraude du créancier hypothécaire, qui nuit aux intérêts du constituant et des autres créanciers en deuxième cas, car le créancier 391 YANG Hong, op. cit., p. 56-58 ; MA Xinyan, La modernisation du régime et le modernisme du droit civil, Éd. populaire de Jilin, 2002, p. 170 et 175 ; WANG Shengming, Des réflexions sur certains problèmes de la LDR, http://www.civillaw. com.cn/ article/default.asp?id=23104. 335 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque hypothécaire se contente du prix égal à sa créance, même si le bien hypothéqué a une valeur supérieure. Afin de protéger les intérêts du constituant et des autres créanciers, la loi exige, pour ces deux moyens conventionnels précités, que la détermination de la valeur du bien grevé se réfère au prix du marché (art. 195, al. 3, LDR). Si le prix réalisé est excessivement bas et, nuit aux intérêts des autres créanciers, ces derniers peuvent exercer leur droit de révocation dans un an à compter du moment où il a été pris ou aurait dû être pris connaissance de la survenance de la cause de révocation (art. 195, LDR). De plus, ce droit s’éteint au bout de cinq ans à compter de la date du transfert du bien vendu (art. 75, LC). Le troisième moyen conventionnel possible est l’adjudication volontaire du bien grevé : l’une des parties peut, après consentement des deux parties, vendre le bien hypothéqué par adjudication. Dans ce cas, le demandeur doit obligatoirement avoir recours à une entreprise d’adjudication. Cette dernière se charge d’organiser la vente aux enchères et le constituant ou le créancier hypothécaire peuvent aussi être enchérisseurs. Le contrat de vente se forme au moment du coup de marteau ou tout autre moyen qui met fin aux enchères. L’adjudicataire est alors tenu de payer le prix de vente et les frais afférents (art. 39, Loi sur l’adjudication) ; en contrepartie, le vendeur est alors obligé de lui transmettre l’immeuble vendu. Après paiement des frais de vente, le solde du prix de vente est distribué entre les créanciers selon leur classement. En tout cas, si le prix réalisé est supérieur au montant de la créance garantie, le créancier hypothécaire doit la différence au constituant ; en revanche, la créance non couverte devient chirographaire (art. 198, LDR). 579. Outre les moyens conventionnels, le créancier hypothécaire peut aussi avoir recours à la voie judiciaire, qui consiste en la vente de l’immeuble hypothéqué. À la différence du droit français où le créancier hypothécaire peut engager directement la procédure d’exécution civile, l’ancien régime chinois 336 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque fixé par la LS exigeait un jugement préalable pour l’exécution civile (art. 53, LS). C’était donc une procédure longue, coûteuse et peu efficace. Après l’entrée en vigueur de la LDR, le jugement préalable n’est plus obligatoire (art. 195, al. 2, LDR). Néanmoins, il faut avoir un titre exécutoire pour mettre en œuvre la procédure d’exécution civile. Malheureusement, la loi chinoise n’exige pas que le contrat d’hypothèque soit conclu par un acte notarié. Ce contrat ne vaut pas un titre exécutoire. Ainsi, les bénéfices de la nouvelle disposition de la LDR ne peuvent pas être mis en pratique. Le créancier doit encore intenter une action civile pour obtenir le titre exécutoire - le jugement. Concrètement, si le contrat de l’hypothèque n’est pas notarié, le créancier hypothécaire doit d’abord intenter une action civile auprès du tribunal et subir donc toutes les étapes d’un procès – comparution, audience, jugement. Il lui faut aussi attendre que le jugement ait force de la chose jugée. Il passe ensuite à l’étape exécutoire. Le constituant doit exercer les obligations fixées par le jugement, à défaut le créancier peut demander l’exécution forcée auprès du Bureau d’exécution du tribunal. Cette étape est également longue. Le juge chargé de l’exécution doit d’abord envoyer une notification d’exécution au constituant, par laquelle ce dernier est tenu d’exercer ses obligations fixées par le jugement en une durée déterminée. À défaut, le juge applique les mesures d’exécution forcée. Il scelle ou saisit le bien hypothéqué, puis procède à la vente amiable ou à la vente par adjudication (art. 220, Loi de procédure civile). 580. En pratique, les parties, surtout le créancier hypothécaire, recourent souvent au notariat au moment de la conclusion du contrat de l’hypothèque, afin d’échapper à cette procédure compliquée. Les parties conviennent alors d’une clause d’exécution forcée devant notaire pour lui conférer l’effet authentique. À l’échéance de la créance, si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette, le créancier hypothécaire peut demander au notaire de faire un acte 337 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque authentique d’exécution forcée392. Avec ce titre exécutoire, il peut demander au juge l’exécution forcée, laquelle aboutit enfin à la vente du bien hypothéqué soit par négociation (vente amiable) soit par adjudication. Entre ces deux voies, la vente par adjudication est prioritaire393, puisqu’elle est le meilleur moyen de protéger le créancier et les tiers intéressés. À la demande du créancier hypothécaire ayant titre exécutoire, le bureau d’exécution du tribunal peut directement confier à une entreprise d’adjudication le soin de vendre le bien hypothéqué aux enchères. À la différence du droit français, le tribunal en droit chinois ne peut pas lui-même procéder à la vente par adjudication ; le recours à une entreprise d’adjudication est donc obligatoire. Les formalités de la vente sont similaires à celles par voie conventionnelle. La vente amiable par négociation est souvent appliquée en cas de vente d’objets prévue par l’interprétation judiciaire précitée ou dans les petits districts ou les zones rurales souvent dépourvus d’entreprises d’adjudication. Section II – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et les autres créanciers 581. Si le bien hypothéqué est vendu, le droit du créancier hypothécaire se transforme essentiellement en droit de préférence sur le prix réalisé par la vente. Ce droit lui permet d’être payé en priorité par rapport aux autres créanciers sur la totalité de la valeur de l’immeuble. Bien que les effets de l’inscription d’hypothèque soit différents en droit français et en droit chinois, le droit de préférence du créancier hypothécaire dans les deux pays ne peut s’exercer qu’après l’accomplissement de l’inscription hypothécaire. L’exercice du droit de préférence exige que le bien grevé soit converti en argent. L’assiette 392 GAO Shengping, Les études de la réalisation de l’hypothèque, http://www.civillaw. com.cn/article/default.asp?id=27539. 393 V. Les fixations relatives à la vente amiable et par adjudication du bien en exécution civile de la Cour populaire, interprétation judiciaire promulguée par la Cour suprême populaire en 2005. 338 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque de l’hypothèque – l’immeuble grevé – est alors libérée de sa charge hypothécaire, l’hypothèque produit donc son effet légal394. Nous étudierons tout d’abord la détermination de l’assiette touchée par le droit de préférence et l’étendue de la créance bénéficiant de ce droit, avant d’énoncer les règles de son exercice. § I – Assiette du droit de préférence 582. L’assiette du droit de préférence n’est pas forcément identique à l’assiette de l’hypothèque. Certes, le droit de préférence ne peut s’exercer que sur la valeur représentée par l’assiette de l’hypothèque ; mais au moment de l’exercice, cette assiette n’existe plus dans la relation hypothécaire, elle a déjà été transformée en argent qui constitue l’assiette du droit de préférence. 583. Le droit de préférence s’exerce normalement sur le prix réalisé par la vente de l’immeuble hypothéqué, à condition que celui-ci ait été payé ou consigné. Dans le cas d’une action en nullité, rescision ou résolution, les droits du créancier hypothécaire s'anéantissent au cours du procès, le droit de préférence ne s’exerce donc pas sur les sommes à payer ou à restituer au débiteur395. En cas de dissimulation du prix, le créancier hypothécaire peut quand même exercer son droit de préférence sur le prix total, y compris la partie dissimulée, d’autant plus que la loi stipule que « est nulle et de nul effet… toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeubles » (art. 1321-1, C. civ.). Ces règles s’appliquent aussi en droit chinois. 584. Cependant, il arrive souvent que le bien hypothéqué soit affecté par des vicissitudes imprévisibles ; les exemples par excellence sont les indemnités 394 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, Les sûretés – la publicité foncière, Defrénois, 2008, p. 317. 395 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 462. 339 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque en dédommagement ou les indemnités d’assurance reçues par le constituant. Alors, le droit de préférence peut-il se reporter sur ces valeurs de remplacement ? 585. En droit français, l’article L.121-13 du Code des assurances dispose expressément que « les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie, contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont attribuées, sans qu’il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang ». Le droit de préférence du créancier hypothécaire peut donc se reporter directement sur les indemnités d’assurance, sans que ces dernières ne transitent dans le patrimoine de l’assuré qui est le constituant de l’hypothèque dans cette hypothèse. Il n’existe cependant aucun principe général de la subrogation réelle 396 . Quant aux indemnités en dédommagement en cas de perte ou d’expropriation de la chose hypothéquée, la jurisprudence classique refuse d’appliquer la subrogation réelle et décide que les indemnités de remplacement reçues par le constituant doivent être distribuées au marc le franc entre tous les créanciers du débiteur, sauf dispositions spéciales 397 . Toutefois, cette position est critiquable, puisque l’hypothèque est une sûreté réelle portant plutôt sur la valeur du bien grevé que sur la chose grevée elle-même. La subrogation devrait s’appliquer dans tous les cas où il s’agit de conserver à sa destination la valeur d’un bien soumis à affectation spéciale398. Maintenant que l’on admet la subrogation réelle dans le cas des indemnités d’assurance, il est logique de l’appliquer à toute valeur remplaçant le bien grevé lui-même. De plus, le créancier hypothécaire risquerait beaucoup plus en l’absence de subrogation en cas de perte ou d’expropriation de la chose grevée. En effet, cette solution favorable à la 396 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 433. 397 Req., 12 mars 1877, DP 1877, 1, 97 ; 2 août 1880, DP 1881, 1, 227. Rappr. À propos de primes d’arrachages. 398 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 462-463. 340 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque subrogation réelle est de plus en plus admise399. Cependant, les indemnités peuvent-elles être accordées au créancier avant l’échéance de la créance ? On considère que le créancier n’a pas le droit d’obtenir le paiement tant que la créance n’est pas échue. Compte tenu du droit de préférence reconnu au créancier sur ces valeurs, le constituant ne peut pas non plus percevoir le paiement. Jusqu’à l’échéance, les indemnités restent donc bloquées dans les caisses de l’assureur, sauf à ce que les parties ne trouvent une solution consentie400. En pratique, le créancier hypothécaire préfère souvent obtenir une nouvelle hypothèque sur les nouvelles constructions ; en contrepartie, il autorise le débiteur à recevoir le paiement des indemnités401. 586. En droit chinois, le principe de la subrogation réelle est généralement consacré par la loi (art. 174, LDR). Il s’applique indifféremment à toutes les sûretés réelles. Le créancier hypothécaire peut donc bénéficier du mécanisme de la subrogation réelle sur les valeurs de remplacement dues par les tiers. Sur la question de savoir si le créancier peut avoir le droit d’obtenir le paiement avant l’échéance de la créance, le droit chinois distingue les causes des valeurs de remplacement. S’il s’agit de la cession du bien hypothéqué (sous l’autorisation du créancier hypothécaire), le prix de la cession doit, avant l’échéance de la créance et avec le consentement des parties, désintéresser la créance garantie ou être consigné par le tiers choisi (art. 191, LDR). Dans les autres cas, tels que les indemnités de la perte de la chose grevée et les indemnités d’assurance, le créancier hypothécaire peut aussi recevoir le paiement anticipé, après le consentement des parties, et, à défaut, les consigner (art. 174, LDR). Ainsi, le mécanisme de la subrogation réelle en droit chinois est plus souple et plus pratique que celui en droit français. 399 Ibid., p. 463. 400 Ibid., p. 463. 401 George DURRY, Hypothèque et assurance, L’évolution du droit des sûretés, RJ com. 1982, 27, s., spéc. p. 30. 341 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque § II – L’étendue de la créance bénéficiant du droit de préférence 587. Nous nous interrogeons ici sur la question de savoir si la créance garantie est limitée aux seuls capitaux de la créance, ou peut être étendue à ses intérêts, indemnités, dommages-intérêts et aux frais nécessaires à la réalisation de l’hypothèque. 588. Quel que soit le système juridique, il va sans dire que la créance principale est de plein droit garantie par l’hypothèque. Cependant, le contrat de l’hypothèque est l’accessoire du contrat principal d’obligation et, il arrive que le montant de la créance inscrite dans le contrat hypothécaire ne soit pas identique à celui de la créance née du contrat principal d’obligation. Dans ce cas, selon la théorie générale du droit civil et le principe d’opposabilité, si le montant de la créance effectivement née est supérieur à celui de la créance inscrite, c’est la somme inscrite qui est garantie par l’hypothèque ; à l’inverse, l’hypothèque ne garantit que le montant de la créance effectivement née car le créancier ne peut pas s’enrichir de la sûreté. Cette règle s’applique en droit français et en droit chinois. 589. Quant aux intérêts de la créance, ils sont régis par des règles complexes en droit français. Pour les intérêts sur trois ans à compter de l’inscription, la simple mention dans l’inscription suffit pour qu’ils prennent le même rang que le capital. Pour les intérêts sur une période supérieure aux trois dernières années, une inscription complémentaire est requise pour qu’ils soient opposables402. En droit chinois, l’article 273 de la LDR dispose que « l’étendue de la créance garantie par les sûretés réelles comprend la créance principale et ses intérêts, les dommages et intérêts forfaitaires, les dommages-intérêts, les frais de conservation du bien grevé et de la réalisation de la sûreté réelle ». Les juristes considèrent donc que la mention ou l’inscription spéciale des intérêts 402 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p. 303. 342 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque lors de l’inscription hypothécaire n’est pas nécessaire pour leur opposabilité. Les intérêts de la créance sont automatiquement garantis par l’hypothèque, sauf disposition contraire dans le contrat. Étant donné que les intérêts sont souvent lourds et que la charge doit être publiée dans l'intérêt des tiers, il n’apparaît pas judicieux que tous les intérêts de la créance garantie, qu’ils soient inscrits ou non, soient automatiquement garantis par l’hypothèque. 590. En ce qui concerne les dommages et intérêts forfaitaires et les dommages-intérêts, ils sont automatiquement garantis par l’hypothèque au même rang que la créance principale en droit chinois, sauf si la convention de l’hypothèque les écarte expressément. Ce sont les caractéristiques les plus spécifiques de l’hypothèque chinoise. L’objectif du législateur est évidemment de renforcer les droits du créancier hypothécaire. Néanmoins, considérant d’une part que ces deux types de dommages et intérêts sont normalement stipulés dans le contrat principal d’obligation qui n’a pas à être inscrit, d’autre part qu’ils sont aléatoires et potentiellement lourds, il est donc très difficile pour les tiers (notamment ceux qui veulent obtenir aussi une hypothèque sur l’immeuble hypothéqué) d’estimer le montant véritable de la créance garantie sur l’immeuble hypothéqué. En réalité, cette disposition empêche le développement de l’hypothèque et cause un gaspillage du crédit. Elle doit être supprimée dans la réforme à venir. 0 591. Enfin, les frais de réalisation de l’hypothèque ne posent guère de problème, tant en droit français qu’en droit chinois, puisqu’ils doivent être payés avant la distribution du prix réalisé aux créanciers. § III – Exercice du droit de préférence 592. En pratique, le cas le plus fréquent est l’existence de plusieurs sûretés immobilières sur un même immeuble. Il faut donc fixer un ordre de paiement. A. Le rang des créanciers hypothécaires 343 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque 593. En droit français, le rang des créanciers hypothécaires est fixé d’après l’ordre chronologique de l’inscription. S’il existe plusieurs hypothèques inscrites le même jour sur un même immeuble, la préférence est donnée au créancier dont le titre est le plus ancien (art. 2425, al. 2, C. civ.). Toutefois, l’hypothèque légale et judiciaire prime toutes les autres hypothèques inscrites le même jour. De plus, s’il y a compétition entre des titres de même date ou entre des créanciers dispensés de titre, les inscriptions prises le même jour viennent en concurrence403. En droit chinois, le rang des créanciers hypothécaires est fixé aussi par l’ordre chronologique de l’inscription. De plus, selon les dispositions de l’interprétation judiciaire « Réponse au problème de la prérogative de l’entrepreneur résultant du contrat de construction » rendue par la Cour suprême de la RPC, l’hypothèque légale l’emporte sur l’hypothèque conventionnelle dans les six mois à compter de l’achèvement de la construction. Cependant, dans le cas où plusieurs hypothèques sont inscrites le même jour sur un même immeuble, le droit chinois les classe au même rang (les créanciers sont payés au marc le franc, art. 199, LDR), quelle que soit la date du titre constitutif de l’hypothèque. Cette approche est plus judicieuse que les dispositions du droit français, puisque c’est l’inscription qui rend l’hypothèque opposable aux tiers, il n’y a pas à tenir compte de l’ordre du titre de la créance elle-même, qui n’a aucun effet d’opposabilité aux tiers. B. Le classement des créanciers hypothécaires et des créanciers munis d’autres sûretés réelles 594. En droit français, en cas de conflit entre une hypothèque et un privilège sur un même immeuble du constituant, la situation est complexe. En principe, c’est l’ordre de la date d’inscription hypothécaire et la date qui donne 403 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 456. 344 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque naissance au privilège (v. supra n° 460) qui détermine le rang entre la créance privilégiée et celle hypothécaire. La règle de conflit entre l’hypothèque et les privilèges généraux qui n’ont pas à publier, en cas d’avoir eu lieu404, fait une exception : les derniers priment toujours la première. Alors que la règle de conflit entre l’hypothèque et les privilèges en droit chinois est très simple : l’hypothèque prime tous les privilèges en droit chinois (art. 109 et 113, LFE). Il arrive aussi en droit français que l’hypothèque entre en conflit avec le droit de rétention résultant par exemple d’une convention ou d’un gage immobilier, c’est la publicité foncière qui le règle : prior tempore potior jure. Autrement dit, l’hypothèque antérieurement publiée est opposable au droit de rétention en droit français. Le conflit du genre n’est pas possible en droit chinois puisque des immeubles ne peuvent pas être l’assiette du droit de rétention. C. Disposition de rang 595. Le rang fixé peut être modifié par une convention de cession de rang ou d’antériorité (art. 2424, C. civ.; art. 194, LDR), à savoir qu’un créancier hypothécaire cède son antériorité à un créancier de rang postérieur ou de même rang. Cette cession convenue entre créanciers hypothécaires ne prend effet qu’entre eux, sans modifier les droits ou les obligations des autres créanciers, ni de toute personne intéressée. Les effets de la cession de rang dépendent à la fois de la situation du bénéficiaire et de celle du cédant. D’un côté, le droit hypothécaire du bénéficiaire doit subsister ; de l’autre, la créance du cédant doit exister et son droit hypothécaire doit être conservé405. En fait, le cédant et le bénéficiaire sont payés sur le prix de la vente réalisée du bien hypothéqué selon 404 Les privilèges généraux ne peuvent s’exercer sur les immeuble qu’à titre subsidiaire (v. supra n° 188). 405 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 434 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 320. 345 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque leur rang initial ; mais sur le paiement obtenu par ces deux parties, c’est le bénéficiaire qui sera payé avant le cédant. Imaginons qu’un immeuble valant 400 000 € est affecté en hypothèque pour garantir quatre créances de 200 000 €, 150 000 €, 50 000 €, 200 000 € dont les titulaires sont respectivement A, B, C, D. Parmi eux, A prend le premier rang, B et C prennent le deuxième, D le troisième. Selon leur rang, après la réalisation de l’hypothèque, A obtiendra 200 000 €, B obtiendra 150 000 €, C obtiendra 50 000 €, D obtiendra 0 €. Si, avant la réalisation, A cédait son rang à D, alors le montant obtenu après la réalisation par A et D serait de 200 000 €, dont 200 000 € serait distribué à D, et il ne resterait rien à distribuer à A ; les montants que B et C obtiendraient seraient encore de 150 000 € et 50 000 €, et ils ne seraient pas influencés par la cession entre A et D. La même règle est appliquée en droit français et en droit chinois. Si la cession est faite entre les créanciers hypothécaires de même rang, (dans notre hypothèse, B cèderait son rang à C), la solution est aussi la même en droit chinois et en droit français : la distribution finale du prix que A et D obtiendraient (A : 200 000 €, D : 0 €) ne serait pas influencée par la cession, le montant que B et C obtiendraient serait de 200 000 €, dont 50 000 € serait tout d’abord distribué à C, le reste – 150 000 € – étant distribué à B. Cependant, la qualification diffère d’un pays à l’autre : le droit français l’analyse comme une renonciation de rang faite par un créancier au profit d’un autre, alors que le droit chinois la considère comme une cession de rang. En effet, en droit chinois, la distribution du prix n’est pas la même en cas de renonciation de rang et en cas de cession de rang précitée. Dans le cas de la renonciation de rang, les créanciers hypothécaires en cause seront encore payés selon leur rang initial sur le prix réalisé du bien hypothéqué. Les sommes reçues seront cependant 346 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque distribuées proportionnellement à leurs créances garanties respectives406. Par exemple, dans l’hypothèse précitée, si A renonce à son rang au bénéfice de D, le résultat final de la distribution du prix serait le suivant : A (100 000 €), B (150 000 €), C (50 000 €), D (100 000 €). 596. La question la plus délicate est le régime de la publicité de cession ou de renonciation de rang. En droit français, on considère que l’article 2430 du Code civil est applicable407. L’opération de cession ou de renonciation doit être mentionnée en marge de l’inscription existante. Toutefois, considérant que les effets de cession ou de renonciation de rang ne peuvent ni nuire ni bénéficier aux droits des tiers, cette mention n’est requise par la jurisprudence qu’à titre d’information408. En droit chinois, la mention de cession ou de renonciation de rang doit aussi figurer en marge de l’inscription existante pour l’information des tiers intéressés409. Section III – Effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et le tiers acquéreur 597. Les effets de l’hypothèque entre le créancier hypothécaire et le tiers acquéreur se manifestent normalement par le droit de suite. Ce droit est généralement admis comme un caractère principal de l’hypothèque, tant en droits allemand ou suisse qui sont profondément influencés par le droit germanique qu’en droit français qui est l’héritier du droit romain. Le droit chinois, qui refuse de conférer le droit de suite au créancier hypothécaire, fait exception sur ce point. 406 XIE Zaiquan, op. cit., p. 75 ; LIANG Huixing, CHEN Huabin, op. cit., p. 321. 407 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 484. 408 Cass. Civ. 3e, 19 déc. 1990, Bull. civ. III, no 269 ; Cass. civ. 3e, 20 déc. 1989, Bull. civ. III, no 246, D. 1990. somm. 389, obs. L. AYNES, RD imm. 1990, 234 ; 16 juill. 1987. Bull. civ. III, no 145, RD imm. 1988, 331, obs. Ph. SIMLER. 409 GUO Mingrui, Études sur l’évolution des droits réels des sûretés, in Droit, 1996, II, p. 129. 347 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque § I – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit français 598. Dans la mesure où le droit d’aliéner le bien grevé est conservé au constituant, l’article 2166 du Code civil confère au créancier hypothécaire, comme au créancier privilégié, le droit de suite qui lui permet de saisir l’immeuble aliéné et de le vendre pour réaliser son droit de préférence sur le prix de la vente. 599. Pour que le créancier puisse exercer son droit de suite, il faut que la créance garantie soit exigible. L’hypothèque ou le privilège doit aussi avoir été inscrit pour être opposable aux tiers. En outre, le créancier doit avoir un titre exécutoire qui ne pose pas de problème pour l’hypothèque et le privilège constitué par un acte notarié ou par un jugement. Le droit de suite s’exerce contre les seuls tiers détenteurs de l’immeuble, à savoir les ayants cause à titre particulier, tels que l’acquéreur, le donataire ou le légataire410. En revanche, les ayants cause à titre universel ne sont pas tiers détenteurs parce qu’ils sont successeurs de la personne du constituant. 600. Après que le créancier a adressé un commandement au débiteur et une sommation au tiers détenteur du bien grevé, ce dernier dispose en réalité de cinq choix. 1o Il peut tout d’abord invoquer une exception appartenant au débiteur ou une exception personnelle pour se défendre. 2o Il peut choisir de payer le créancier poursuivant, au lieu de payer le débiteur. C’est le choix le plus simple et peut être le plus intéressant quand le prix de la vente n’a pas encore été payé. S’il a payé la totalité des créances hypothécaires, les créanciers sont alors tous désintéressés, les hypothèques grevées sur l’immeuble sont ainsi éteintes. Si le paiement est partiel, le tiers détenteur ne paye les créanciers par le rang que dans la limite du prix de la 410 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 436. 348 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque vente. Dans ce cas, il bénéficie de la subrogation légale aux créanciers désintéressés (art. 1251-2o, C. civ.) et obtient ainsi les hypothèques que ceux-ci avaient sur l’immeuble même qu’il détient. Il en résulte une situation curieuse : le tiers détenteur a désormais une hypothèque sur lui-même 411 . Le tiers détenteur ne risque donc guère d’être poursuivi par les autres créanciers subséquents qui, compte tenu du droit de préférence du tiers détenteur prenant souvent le premier rang, ont peu d’intérêt à faire vendre l’immeuble hypothéqué. Cependant, si la valeur de l’immeuble hypothéqué augmente et dépasse sensiblement le montant que le tiers détenteur peut prélever compte tenu de son droit de préférence, les autres créanciers subséquents retrouvent un intérêt à vendre ce bien. 3o Pour éviter les tracas causés par les procédures judiciaires éventuelles, le tiers détenteur peut aussi délaisser l’immeuble (art. 2467, C. civ.). Il déclare au greffe du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble qu’il abandonne la détention matérielle de l’immeuble à un curateur désigné par ce tribunal. 412 En effet, le délaissement présente peu d’intérêt pour le tiers détenteur, hormis un moyen d’échapper à la procédure de saisie. 4o Le tiers détenteur peut ne rien faire et laisser se dérouler la procédure de saisie engagée par le créancier hypothécaire. Cette procédure aboutit à un jugement d’adjudication, lequel vaut purge. Les droits des créanciers hypothécaires se reportent donc sur le prix de vente. La propriété du tiers détenteur sur l’immeuble sera expropriée et transférée à l’adjudicataire. Le tiers détenteur a le droit de recevoir le reliquat éventuel du prix de vente après 411 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 469 ; J. MESTRE, La subrogation personnelle, LGDJ, 1979, no 120. Dans ce cas-là, l’intéressé a encore intérêt à renouveler les inscriptions hypothécaires. 412 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 436. 349 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque désintéressement des créanciers inscrits 413 . Ces derniers doivent aussi l’indemniser pour la plus-value apportée au bien. En outre, le tiers détenteur peut exercer un recours en garantie d’éviction contre son vendeur, qui lui permet de percevoir une indemnisation complète s’il a acheté l’immeuble (art. 1630, C. civ.). Lorsqu’il a payé pour d’autres, il peut aussi exercer un recours subrogatoire contre son débiteur principal (art. 1251-3o, C. civ.). 5o La procédure de purge permet à l’acquéreur du bien hypothéqué d’éviter les conséquences de l’exercice du droit de suite des créanciers hypothécaires. L’idée est que, lorsque l’immeuble hypothéqué est transformé en argent correspondant à sa véritable valeur, le droit de préférence des créanciers hypothécaires inscrits s’exerce alors sur cette somme et il n’est donc plus nécessaire de maintenir le droit de suite. Dans certaines hypothèses, le prix de l’aliénation est déjà réalisé par la voie publique, ou sous autorisation du créancier hypothécaire, ou pour des raisons particulières. Dans ces cas-là, la revente ne présente guère d’intérêt. Les aliénations, telles que la vente volontaire autorisée (le débiteur peut convenir avec tous les créanciers hypothécaires inscrits d’affecter le prix de vente à leur désintéressement, art. 2475, C. civ.) 414 , la vente forcée à la procédure de saisie immobilière (art. 2213, C. civ.), la vente aux enchères publiques et l’expropriation pour cause d’utilité publique415, valent donc purge par elles-mêmes. Le paiement ou la consignation du prix purge l’hypothèque sur l’immeuble grevé, qui se trouve ainsi libéré de toutes ses charges hypothécaires. 601. Dans tous les autres cas, il est nécessaire de procéder aux formalités requises pour produire les effets de purge (art. 2476 et s., C. civ.). L’acquéreur 413 PLANIOL RIPERT et BECQUE, no 1159. Comp. Req., 15 déc. 1862, S. 1863, 1, 57, DP 1863, 1, 161. 414 Jacques COMBARIEU, La purge amiable des privilèges et hypothèques, JCP N 2008, 1059 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 476. 415 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQ, op. cit., p. 320. 350 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque doit tout d’abord notifier aux créanciers inscrits un extrait de son titre d’acquisition, un extrait de la publication de l’acte de vente, et un état hypothécaire sommaire sur formalités faisant apparaître les charges réelles qui grèvent l'immeuble (art. 2478, C. civ.). Dans ce document, l’acquéreur leur notifie aussi le prix qu’il doit payer, ou qu’il détermine en cas d’acquisition à titre gratuit. Les créanciers disposent de quarante jours pour décider de leur option. acceptent l’offre (le silence vaut acceptation), ils se payent sur le prix. L’immeuble est libéré des hypothèques au moment du paiement ou de la consignation du prix (art. 2481, C. civ.). S’ils rejettent l’offre, ils doivent demander la mise en vente aux enchères de l’immeuble hypothéqué en offrant eux-mêmes un prix supérieur d’un dixième si aucune surenchère n’est proposée. Après la vente, le prix sera distribué aux créanciers hypothécaires selon leur rang ou être consigné. L’immeuble sera ainsi libéré de toutes ses charges hypothécaires. 602. La purge est cependant rarement utilisée, puisque la pratique notariale emploie souvent d’autres moyens. Si la créance n’est pas exigible au moment de l’aliénation, l’acquéreur peut prendre généralement à sa charge la dette hypothécaire due. Étant donné que cette dernière est à terme, il y trouve un avantage416. La pratique notariale utilise souvent la technique de la délégation et celle de l’indication de paiement. Dans le premier cas, où le concours du créancier est nécessaire à la vente, le vendeur (délégant) délègue à l’acquéreur (délégué) le paiement de la dette du créancier hypothécaire (délégataire). La délégation peut être parfaite si le délégant est libéré ou, être imparfaite s’il reste tenu envers le délégué. En cas d’indication de paiement qui ne nécessite pas le concours du créancier à la 416 Ibid., p. 321. Par exemple, la dette hypothécaire due est de 5 000 €, le prix de vente est de 10 000 €, l’acquéreur verse donc 5 000 € au vendeur et prend la charge de la dette à terme de 5 000 €. 351 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque vente, le débiteur donne mandat à l’acquéreur de payer la dette en son nom, mais il n’est pas ainsi libéré. Il arrive souvent qu’une clause d’exigibilité anticipée soit prévue dans l’acte constitutif de l’hypothèque. Dans un tel cas, l’acquéreur confie souvent le prix de vente au notaire, qui se chargera d’obtenir l’accord des créanciers et qui l’utilisera pour désintéresser les créanciers inscrits. § II – Droit de suite du créancier hypothécaire en droit chinois 603. Sous l’influence de la doctrine selon laquelle le droit de suite s’applique dans l’hypothèse où il n’existe aucune restriction au droit de disposition du constituant de l’hypothèque417, ni la LS, ni la LDR ne confère le droit de suite au créancier hypothécaire en droit chinois. 604. Sous l’empire de la LS, le constituant devait informer le créancier hypothécaire et le tiers détenteur de la cession, à peine de nullité. Si cette formalité avait été accomplie avant la cession, le créancier hypothécaire ne bénéficiait pas du droit de suite sur le bien cédé. Il disposait cependant du droit de demander au constituant le paiement anticipé de sa créance garantie sur le prix de la cession, ou de le consigner chez un tiers choisi par le constituant et le créancier. S'il était évident que le prix de la cession était inférieur à la valeur du bien cédé, le créancier pouvait demander au constituant de fournir une autre sûreté correspondante ; en cas de refus, la cession était nulle. Le législateur chinois pensait que ces restrictions au droit de disposition du constituant suffisaient à protéger les intérêts du créancier hypothécaire. Mais dans la pratique, le tiers payait en général directement le constituant au lieu du créancier hypothécaire ; ce dernier pouvait certes lui demander les dommages 417 PENG Wanlin, Le droit civil, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1999, p. 405 ; YANG Hong, op. cit., p. 171 ; MEI Ruiqi, WANG Shuhua, Réflexion sur le droit de suite de l’hypothèque, www.law-lib.com/lw/lw_view.asp?no =1353. 352 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque et intérêts qui n’étaient qu’une créance chirographaire, « il en résultait que l’article 49 (de la LS) n’aurait pas à s’appliquer dans un pays idéal »418. 605. Soutenue par la doctrine, la Cour suprême énonçait avec audace dans l’article 67 des ELS que « lorsque le constituant cède son bien hypothéqué sans en informer le créancier hypothécaire ou le tiers, le créancier hypothécaire inscrit peut exercer son droit d’hypothèque ». Il résultait de cet article que l’information du créancier hypothécaire ou du tiers n’était plus une condition de validité de la cession, mais une condition qui décidait de l’existence du droit de suite du créancier hypothécaire. Si le constituant cédait le bien hypothéqué sans informer le créancier hypothécaire, ce dernier disposait ainsi du droit de suite sur le bien cédé. Un autre cas dans lequel le créancier hypothécaire disposait du droit de suite était prévu par l’article 68 des ELS : « lorsque le bien grevé d’hypothèque est donné à autrui ou lui échoit en succession, le créancier hypothécaire peut exercer son droit d’hypothèque ». Cependant, ne pouvant pas excéder sa compétence judiciaire en matière d’interprétation, la Cour suprême ne peut généraliser le droit de suite. 606. La LDR ne reprend pas l’esprit des ELS qui recouraient au droit de suite pour protéger le créancier hypothécaire, mais continue à renforcer les restrictions au droit de disposition du constituant. Elle dispose que « le constituant de l’hypothèque ne peut aliéner son bien qu’avec le consentement du créancier hypothécaire, sauf si le tiers détenteur paye la dette à la place du débiteur en vue d’éteindre le droit d’hypothèque » (art. 191, al. 2, LDR), et que « le prix de la cession doit être utilisé pour le paiement anticipé de la créance garantie ou être consigné » (art. 191, al. 1, LDR) en cas de cession du bien hypothéqué avec le consentement du créancier hypothécaire. 418 CAO Shibing, La résolution et la perspective des problèmes de sûretés chinoises, Éd. du droit, 2001, p. 218. 353 Chapitre III – Les effets de l’hypothèque Jusqu’à présent, le droit de suite de l’hypothèque n’est donc pas consacré par la loi chinoise. Étant donné qu’il n’existe pas de droit de suite pour les créanciers hypothécaires, elle ne prévoit pas expressément de régime de purge. Toutefois, il existe implicitement certaines aliénations qui valent purge par elles-mêmes, telles que la vente volontaire autorisée, la vente sans autorisation en cas de paiement des dettes hypothécaires par le tiers acquéreur au lieu du débiteur (art. 194, LDR) et l’expropriation de l’immeuble hypothéqué. Dans ces cas-là, le paiement ou la consignation du prix purge l’hypothèque sur l’immeuble grevé. L’immeuble grevé est ainsi libéré de toutes ses charges hypothécaires. 354 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque Section I – Transmission de l’hypothèque 607. Selon l’article 2424 du Code civil français « l’hypothèque est transmise de plein droit avec la créance garantie » ; selon l’article 192 de la LDR chinoise « …si une créance est transmise, l’hypothèque qui la garantit est cédée avec elle …». Dans les deux pays, l’hypothèque peut donc être transmise à titre accessoire. Cette transmission peut être à titre universel en cas de succession, ou à titre particulier en cas de cession d’une créance hypothécaire ou en cas de paiement de subrogation. 608. En cas de succession, les héritiers du créancier sont les ayants cause à titre universel. Quel que soit le système juridique, ce cas de figure ne pose aucun problème. 609. En cas de cession, il existe un marché des créances hypothécaires en France. La loi du 15 juin 1976 distingue la cession entre particuliers et celle entre établissements de crédit. Dans la première hypothèse, si la créance est constatée par un acte sous seing privé et revêt une hypothèque ou un privilège spécial immobilier, les parties de la cession doivent signifier le transport au débiteur ou obtenir l’acceptation du transport du débiteur dans un acte authentique (art. 1690, C. civ.). Si la créance est constatée par un acte notarié, l’établissement de copies exécutoires à ordre doit être expressément prévu dans cet acte ou un acte notarié subséquent. Les copies exécutoires à ordre peuvent se transmettre par endossement qui doit être, sauf dispense en faveur des établissements de crédit419, notarié ou notifié au notaire rédacteur de l’acte constatant la créance. L’endossement est opposable aux tiers soit à la date de la notification au débiteur, soit à la date de notification au notaire 420 . 419 Cass. com., 9 mars 1999, Bull. civ. IV, no 55, RD imm. 1999, 451, obs. Ph. Théry, D. 1999, somm. 304, obs. S. PIEDELIEVRE, JCP 1999, I, 158, no 10. 420 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 440. 355 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque L’endossataire bénéficie aussi du principe de l’inopposabilité des exceptions. À savoir que les exceptions qui peuvent être invoquées par le débiteur contre le bénéficiaire initial ou les subséquents ne sont pas opposables à l’endossataire définitif. Toutefois, les endosseurs (les titulaires précédents de la copie exécutoire à ordre) ne sont pas en solidarité pour la créance cédée421. En cas de cession entre établissements de crédit, la cession est beaucoup plus simple et efficace. Il suffit que l’établissement de crédit cédant souscrive un effet de commerce endossable, tel que le billet à ordre, au profit d’un autre établissement de crédit cessionnaire. En cas de cession par endossement, seul l’émetteur est garant de cet effet. Le cessionnaire peut aussi demander la mise à sa disposition du contrat principal d’obligation, ce qui vise à affecter les prêts en gage au profit du cessionnaire et lui permet d’en devenir le propriétaire en cas de défaillance de l’émetteur (art. L.313-46, C. mon. et fin.). Au surplus, il est possible pour les banques de rendre négociables les créances qu’elles détiennent dans leurs bilans depuis 1988422. C’est la tendance à la titrisation des créances bancaires. Pour alléger leurs bilans et économiser leurs fonds propres, les banques peuvent céder leurs créances hypothécaires au fonds commun de créances. La cession s’opère par la seule remise d’un bordereau contenant certaines mentions obligatoires et prend effet, aussi bien entre les parties qu’à l’égard des tiers, à la date apposée sur ce bordereau. La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés garantissant chaque créance (art. 34, al. 7, Loi du 23 décembre 1988). Dès la cession, c’est le fonds commun de créances qui a le droit de percevoir les paiements effectués par les emprunteurs initiaux et de les transformer en parts négociables qui sont assimilées aux obligations 423 . Plus récemment, la mobilisation des prêts 421 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 481. 422 Ce qui est consacré par la loi du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances. 423 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 482. 356 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque hypothécaires a été encore facilitée par la loi du 25 juin 1999. Le régime précité s’applique aussi à la cession des prêts aux sociétés de crédit foncier et à la cession financée par l’émission d’obligations foncières. En Chine, il n’existe pas de marché des créances hypothécaires. Or, certains auteurs appellent de leurs vœux son établissement pour favoriser davantage le développement du marché financier424. À cet égard, l’expérience de la titrisation en droit français est une référence idéale pour le législateur chinois. De toute façon, l'instauration de ce régime juridique n'est pas encore achevée pour l’instant. La transmission d’une créance et de l’hypothèque qui la garantit ne peut se réaliser que selon la modalité traditionnelle, c'est-à-dire sans distinguer la cession entre particuliers de celle impliquant des établissements de crédit : l’hypothèque est transmise avec la créance qu’elle garantit (art. 192, LDR). L’une des parties (cédant ou cessionnaire) de la cession doit signifier le transport au débiteur. Cette signification ne vaut qu’à titre d’information, son acceptation n’est donc pas nécessaire. En ce qui concerne l’inscription de la transmission de l’hypothèque, la loi est silencieuse. Certains auteurs considèrent que l’inscription est une condition de validité de la transmission, d’autres insistent sur le fait que l’inscription est simplement une condition d’opposabilité aux tiers. Cette incertitude entraîne beaucoup de problèmes dans la pratique. Il conviendra donc de la lever dans la réforme à venir. 610. L’hypothèque peut aussi être transférée à titre principal en droit français. Elle s’exerce sous la forme de cession de rang ou d’antériorité. Cette catégorie de cession, qui a déjà été évoquée plus haut, existe aussi en droit chinois, mais elle n’est pas considérée comme la transmission à titre principal 424 XU Jianming, La conception de l’établissement du marché des créances bancaires, Journal de finance de Shanghai, 2003-08-30 ; XIAO Jinquan, YANG Rongxu, La pratique juridique de l’acquisition de mauvais actifs, Journal de commerce de Chine, 2001-02-01. 357 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque de l’hypothèque. L’hypothèque en droit chinois ne peut donc faire l’objet que d’un transfert à titre accessoire (art. 192, LDR). Section II – Extinction de l’hypothèque 611. En raison de son caractère mixte, l’hypothèque est affectée par toutes les vicissitudes qui touchent la créance garantie d’une part et, par des facteurs qui lui sont propres d’autre part. Elle peut donc s’éteindre par voie accessoire et par voie principale. § I – Extinction par voie accessoire 612. En tant qu’accessoire de la créance garantie, l’hypothèque disparaît en même temps que l’obligation principale qu’elle garantit (art. 2488-1o, C. civ. ; art. 177-1o, LDR). Dans les deux pays, l’extinction doit être totale, pure et simple425 ; sinon, l’hypothèque, compte tenu de son caractère indivisible, subsiste sur tout le bien grevé, à l’exclusion de l’hypothèque rechargeable, de la subrogation légale. Autrement dit, toutes les causes d’extinction totale de l’obligation principale peuvent éteindre l’hypothèque par voie accessoire, que ce soit le paiement total, la dation en paiement ou la compensation. 613. En cas de novation de créance, s’il s’agit de la subrogation d’une obligation nouvelle à l’obligation garantie initiale, cette dernière n’existe plus. Cela entraîne alors l’extinction de l’hypothèque qui la garantit, sauf dans le cas où cette subrogation a obtenu le consentement du constituant de l’hypothèque et que l’acte de changement stipule expressément de la conserver. Cette solution est commune dans les deux pays étudiés (art. 1278, C. civ. ; art. 72, ELS). S’il s’agit d’un changement de débiteur, les solutions diffèrent selon les systèmes législatifs. En droit français, l’hypothèque qui garantit la dette de l’ancien débiteur s’éteint automatiquement, qu’elle soit constituée par le débiteur ou par un tiers. Il est toutefois possible de réserver cette hypothèque, 425 Laurent AYNÈS, Pierre CROCQUE, op. cit., p. 326 ; LI Shigang, op. cit., p. 371. 358 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque puisque « les privilèges et hypothèques primitifs de la créance peuvent être réservés, avec le consentement des propriétaires des biens grevés, pour la garantie de l'exécution de l'engagement du nouveau débiteur » (art. 1279, al. 2, C. civ.). Le droit chinois, quant à lui, distingue l’hypothèque constituée par le débiteur de celle constituée par un tiers. Dans le premier cas, le créancier conserve son hypothèque, à moins qu’il y renonce expressément ou que le nouveau débiteur accepte d’offrir une nouvelle sûreté. Dans le second cas, il ne peut conserver son hypothèque, à moins que le tiers constituant donne son consentement au changement de débiteur426. Nous pouvons déduire de cette différence que le législateur chinois met l’accent sur la protection des créanciers hypothécaires, alors que le législateur français met en avant l’équilibre des intérêts entre créanciers hypothécaires et constituants. 614. De surcroît, le droit français présente une particularité dans la mesure où, en cas de prêt spécial à la construction garanti par le Crédit foncier, l’hypothèque qui garantit le prêt est maintenue de plein droit lors du transfert du prêt de plein droit aux acquéreurs successifs de l’immeuble 427 ; les propriétaires intermédiaires sont libérés de la charge hypothécaire. § II – Extinction par voie principale 615. L’hypothèque peut disparaître aussi par voie principale, sans qu’il soit tenu compte de la créance garantie. Ainsi en est-il de la renonciation du créancier à son hypothèque. Aucune formalité particulière n’est requise pour la renonciation de l’hypothèque par le créancier hypothécaire capable. Elle peut être expresse, tel qu’un acte sous seing privé, ou tacite, tel qu’un acte impliquant l’intention de renonciation du créancier. Cette renonciation entraîne l’abandon de son droit réel et profite donc à tous les créanciers du constituant. 426 Bureau des affaires juridiques relevant du Conseil des Affaires d'État, op. cit., p. 59. 427 H. MAZEAUD, op. cit., 367 et s. ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 487. 359 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque 616. La renonciation de l’hypothèque doit être distinguée de la « promesse d’abstention » en droit français, par laquelle le créancier hypothécaire s’engage à ne pas exercer son droit de préférence dans le seul intérêt d’un créancier de rang inférieur. Cette promesse n’éteint donc pas l’hypothèque. Le créancier bénéficiaire conserve son hypothèque pour le cas où le bénéficiaire ne recevrait rien en exerçant la promesse d’abstention, en raison de la présence des créanciers inscrits intercalés entre le promettant et le bénéficiaire428. Cette notion est appelée « renonciation de rang hypothécaire » en droit chinois et elle soumet à certaines règles particulières (v. supra n° 595 et n° 596). 617. En cas de perte totale du bien hypothéqué, l’hypothèque s’éteint s’il n’y a pas de valeur de remplacement (sinon, elle se reporte sur celle-ci)429. L’exemple par excellence en droit chinois est celui concernant l’hypothèque sur un terrain. Un terrain, et plus précisément le droit d’usage obtenu sur ce terrain, doit être utilisé conformément au but prévu dans le contrat de concession. De plus, afin de diminuer les actions de stockage des terrains à des fins spéculatives et de stabiliser le marché immobilier en zone urbaine, le concessionnaire doit exploiter les terrains dans les deux ans qui suivent la 428 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 443 ; Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 490 : « il s’agit le plus souvent pour le créancier hypothécaire de faciliter l’obtention d’un prêt par son débiteur en renonçant à exercer son hypothèque contre le prêteur… La promesse d’abstention n’équivaut donc pas à une renonciation, car l’hypothèque conserve sa valeur à l’égard des autres créanciers. Elle n’équivaut pas non plus à une renonciation translative, car le bénéficiaire de la convention n’obtient pas le droit d’être colloqué au rang du promettant comme le ferait une cession de priorité : elle oblige simplement le promettant à ne pas produire à l’ordre si sa collocation est de nature à nuire au bénéficiaire ». Il faut dire que la dernière distinction n’est plus nécessaire. En effet, en cas de cession de rang hypothécaire (renonciation translative), la publicité n’est requise qu’à titre d’information (v. Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 484). La cession de rang non publiée est donc valable entre les parties, le cessionnaire bénéficiaire n’obtient pas le droit d’être colloqué au rang du promettant contre le constituant et les autres créanciers, mais il peut l’invoquer contre le cédant promettant. En ce sens, la promesse d’abstention équivaut à la renonciation translative. 429 En droit français, étant donné l’absence de subrogation réelle générale, l’hypothèque s’éteint en cas de perte du bien hypothéqué, sauf s'il existe des indemnités d’assurance. 360 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque conclusion du contrat. Sinon, les terrains inexploités peuvent être récupérés sans indemnisation par le gouvernement local430. L’hypothèque portant sur ces terrains disparaît ; une telle situation est fréquente en Chine. 618. Quant à la prescription, il est à noter qu’en droit français, si le bien hypothéqué est resté la propriété du constituant, la créance garantie peut s’éteindre par sa prescription et entraîner, par voie accessoire, la disparition de l’hypothèque (art. 2488-4o, C. civ.) ; si le bien hypothéqué est passé aux mains d’un tiers acquéreur, la prescription de l’hypothèque suppose deux conditions qui ne peuvent souvent pas être réunies en pratique431: elle tient, d’une part, à l’échéance de la créance garantie pour que la prescription extinctive de l’hypothèque commence à courir, d’autre part, à la prescription acquisitive qui s’accomplit par la possession prolongée du tiers acquéreur. En droit chinois, la prescription de la créance garantie n’entraîne ni l’extinction de la créance, ni celle de l’hypothèque qui la garantit. À l’expiration de la prescription, la créance garantie devient en effet obligation naturelle, à savoir que le créancier perd gain de cause devant le tribunal. Concernant l’hypothèque, l’article 202 de la LDR dispose explicitement que « le titulaire du droit d’hypothèque doit exercer son droit avant l’expiration de la prescription de la créance garantie ; s’il ne le fait pas, il perd gain de cause devant le tribunal ». Si le constituant de l’hypothèque exerce son devoir hypothécaire, le créancier pourra encore réaliser son hypothèque. 619. Au surplus, il existe certainement des autres causes qui peuvent aussi provoquer l’extinction de l’hypothèque, telle que la purge de l’hypothèque (v. supra n° 600 et s.) ou la radiation de l’inscription (v. supra n° 556 et n° 557) 430 V. « Notification relative au stockage des terrains » rendue par le CAE en 2008 et l’article 26 de la Loi sur la gestion des bâtiments et des terrains en zone urbaine. 431 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 443. 361 Chapitre IV – La transmission et l’extinction de l’hypothèque qui sont abordées dans les textes précités. Nous nous abstenons donc de les réétudier ici. 362 Titre II – Les autres sûretés immobilières conventionnelles 620. L’article 2373, alinéa 1 du Code civil français énonce deux types de sûretés immobilières conventionnelles traditionnelles: l’hypothèque et le gage immobilier (l’ancien antichrèse jusqu’à la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures). En disposant que « la propriété de l’immeuble peut également être retenue en garantie », son alinéa 2 ajoute une nouvelle modalité - la réserve de propriété immobilière. Plus récemment, la Loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures crée un nouveau chapitre intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie » qui se place dans la partie consacrée à « Des sûretés sur les immeubles ». Cela signifie expressément que la fiducie-sûreté peut porter sur les immeubles. Cependant, l’hypothèque ayant été étudiée dans le titre précédent, nous aborderons dans ce titre uniquement les sûretés immobilières autres que l’hypothèque : le gage immobilier, la fiducie-sûreté immobilière et la réserve de propriété immobilière. 363 Chapitre I – Le gage immobilier Chapitre I – Le gage immobilier 621. Le gage immobilier est défini par l’article 2387 du Code civil comme l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation, il emporte la dépossession de celui qui le constitue. Traditionnellement, le débiteur ne peut plus disposer, jouir ou user de l’immeuble grevé après la constitution du gage immobilier; il ne peut pas non plus affecter cet immeuble en garantie pour un nouveau crédit. Quant au créancier gagiste, il doit conserver et maintenir le bien gagé. D’autant plus que ce genre de gage nécessite une double publicité : la dépossession du bien pour sa validité et l’inscription pour son opposabilité432, ce qui est très lourde et est donc un régime mal construit dès son origine. Car la possession et l’inscription sont les deux modalités différentes de publicité des droits réels. Elles ont toues deux pour objet de rendre l’état des droits réels connaissable par les tiers. En tout cas, il n’est pas judicieux d’exiger à la fois la possession et l’inscription pour un acte. 622. Le gage immobilier ne présente guère d’intérêt pour les praticiens et les chercheurs433. En effet, les arrêts rendus par la Cour de cassation concernant le gage immobilier sont beaucoup moins nombreux qu’en matière d’hypothèque ou de privilèges immobiliers. Il est même qualifié de « garantie marginale » par certains auteurs434, « d’archaïque » par d’autres435. Son régime est certes amélioré par la consécration de l’antichrèse-bail et par la réalisation facilitée achevées par la réforme de 2006. Il restera toutefois une sûreté immobilière peu utilisée, non pas seulement à cause des inconvénients exposés plus haut qui ne sont pas complètement rédhibitoires et qui peuvent partiellement être améliorés, mais plus sûrement à cause des améliorations des 432 Dominique LEGEAIS, op. cit., p. 450; Marc MIGNOT, op. cit., p.406. 433 Sébastien ROBINNE, L’antichrèse, Évolution des sûretés réelles - regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007, p. 94. 434 S. PIÉDELIÈVRE, Les sûretés, Armand Colin, 2001, p. 253. 435 M. CABRILLAC et C. MOULY, Droit des sûretés, Litec, 2002, no 814. 364 Chapitre I – Le gage immobilier autres sûretés immobilières, telles que la consécration du pacte commissoire à l’hypothèque, la généralisation de la fiducie-sûreté etc. 623. Chose non moins importante, il n’existe pas en droit chinois le régime du gage immobilier au sens du droit français ; les juristes n’ont pas non plus l’intention d’introduire un tel régime en droit chinois. Certains auteurs considèrent que le régime de Dian s’en approche436. Étant donné toutefois que la durée de Dian ne peut pas excéder six mois, que seule la société de Dian peut être la bénéficiaire de Dian, et que le bénéficiaire de Dian ne peut pas user ou jouir du bien grevé, le régime de Dian n’est pas du tout comparable à celui du gage immobilier en droit français. Par conséquent, il n’est pas possible d’exécuter une comparaison entre le gage immobilier en droit français et le Dian en droit chinois. 436 FEI Anling, Études comparatives du droit des sûretés, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 2004, p. 237. 365 Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière 624. La fiducie-sûreté en matière immobilière est aujourd’hui consacrée par le Code civil français. Son régime fixé par les articles 2488-1 et suivants du Code civil est quasiment identique à celui de la fiducie-sûreté en matière mobilière fixé par les articles 2372-1 et suivants du même code (v. supra n° 436 et s.) ; nous n’allons donc pas détailler ce point. Il faut toutefois rappeler que si ce type de sûreté immobilière deviendra une nouvelle reine de sûreté immobilière. 625. Malgré ses avantages, la fiducie-sûreté présente tout de même des inconvénients. D’abord, étant donné que la fiducie joue un rôle de garantie, le fiduciaire doit restituer l’immeuble grevé au constituant après le paiement de la créance garantie. Cela entraîne nécessairement des coûts fiscaux relativement élevés en raison de deux mutations de propriétés de l’immeuble. Ensuite, le transfert de propriété empêchait le constituant d’aliéner le bien grevé ou de constituer une nouvelle sûreté sur ce bien. Cela entraînait un gaspillage grave du crédit. Cet inconvénient est heureusement amélioré par la consécration de la fiducie rechargeable par la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures. Enfin, sa réalisation n’est pas aussi simple que l’on l’imagine437. Il faut aussi recourir à un expert pour déterminer la valeur du bien, ce qui entraîne une augmentation des coûts. De plus, le créancier bénéficiaire doit restituer au constituant la différence entre la valeur du bien et le montant de la dette encore due. Tout cela nécessite des charges supplémentaires en argent et en temps. De ce point de vue, la fiducie-sûreté portant sur des immeubles ne présente pas beaucoup de supériorités que l’hypothèque immobilière. En effet, par comparaison à l’hypothèque immobilière qui concède sa priorité à certains privilèges nés 437 En théorie, en cas de non paiement de la créance garantie, le créancier bénéficiaire devient propriétaire du bien grevé. Mais en pratique, son application est beaucoup plus complexe. 366 Chapitre II – La fiducie-sûreté immobilière ultérieurement, l’avantage le plus remarquable de la fiducie-sûreté en matière immobilière réside dans son efficacité en cas d’ouverture d’une procédure collective, puisque le patrimoine fiduciaire ne sera pas affecté par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au profit du fiduciaire (art.2024, C. civ.). De plus, le créancier bénéficiaire n’a pas à craindre la concurrence des autres créanciers (créanciers hypothécaires ou créanciers privilégiés) de son débiteur, car les immeubles affectés en garantie n’appartiennent plus au débiteur constituant. 626. Alors qu’en droit chinois, considérant, d’une part, que le régime général de fiducie-sûreté n’a pas été consacré par la loi (v. supra n° 449), d’autre part, que l’hypothèque immobilière est assez efficace, même en cas de procédure collective du débiteur constituant de l’hypothèque (v. supra n° 449 et s.), peu de juristes prêtent une attention suffisante à l’assiette mobilière ou immobilière de la fiducie-sûreté. 627. Ainsi, la fiducie-sûreté en matière immobilière ne mérite pas une étude détaillée dans le présent texte. 367 Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière Section I – En droit français 628. La clause de réserve de propriété en matière immobilière n’est pas précisément règlementée par le Code civil français. Par comparaison à la consécration d’une section complète à la réserve de propriété en matière mobilière (art.2367 à 2372, C. civ.), le Code civil évoque simplement à titre de disposition générale que la réserve de propriété à titre de garantie sur un immeuble est possible (art.2373, al.2, C. civ.). 629. La réserve de propriété en matière immobilière, qui est fréquente lorsque le compromis de vente prévoit que le transfert de propriété ne sera réalisé qu’au jour de la signature de l’acte authentique et du paiement du prix438, est plutôt étrangère à toute finalité de crédit439. La réserve de propriété n’est guère pratiquée en tant que sûreté dans le domaine immobilier, puisque, d’une part, elle présente certains inconvénients, tels que la situation ambiguë de l’acheteur ( car on ne sait pas s’il est locataire ou détenteur précaire?)440, la date d’exigibilité des droits de mutation, la publicité de l’acte…; d’autre part, le vendeur des immeubles n’a pas à recourir à la clause de réserve de propriété comme garantie, puisqu’il est déjà protégé par son privilège (v. supra n° 462) dans 95% des cas sa créance est intégralement désintéressé par le prêteur de deniers auquel son cocontractant s’est adressé441. 438 Elle a donc pour objet de donner du temps à l’acquéreur pour organiser son plan de financement, et au notaire pour accomplir toutes les formalités que requiert l’inscription des privilèges : du privilège du vendeur dans lequel le prêteur de deniers est subrogé et du privilège du prêteur de deniers accordé en propre à ce dernier créancier. 439 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 348. 440 V. la note de l’Institut d’études juridiques de Conseil supérieur du notariat, Les dangers de la clause de réserve de propriété dans les ventes immobilières, JCP CI 1986, Prat. 9976. 441 Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, op. cit., p. 348. 368 Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière Section II – En droit chinois 630. En droit chinois, la Loi sur les contrats (LC) consacrant la réserve de propriété ne traite pas expressément du domaine d’application de l’institution. Du point de vue de certains auteurs, la réserve de propriété ne peut être utilisée en matière immobilière442, puisqu’en droit chinois, seul le registre immobilier fait foi pour le droit immobilier. Si on maintient que le transfert de propriété immobilière ne se réalise que par l’inscription, et permet en même temps la réserve de propriété contractuelle, on se trouvera donc face à un dilemme443. La force de foi du registre immobilier sera ainsi entamée. D’autant plus que le paiement total du prix de vente n’entraîne pas de plein droit le transfert de propriété immobilière. Il n’est donc pas nécessaire de stipuler dans le contrat de vente que la propriété n’est pas transférée que jusqu’au paiement total du prix de vente. Il suffit pour le vendeur de transférer la propriété immobilière à l’acheteur et de constituer une hypothèque sur l’immeuble vendu444. 631. Mais pour d’autres auteurs, les arguments que les opposants évoquent ne sont pas vraiment soutenables, puisque la propriété immobilière n’est pas transférée avant le paiement total du prix de vente, il n’est pas nécessaire de procéder à l’inscription immobilière. La force de foi du registre n’est donc pas entamée. De plus, il est vrai que le vendeur de l’immeuble, même s’il ne réserve pas la propriété, peut aussi être garanti par une hypothèque. Mais les coûts d’hypothèque sont relativement élevés445, parce que 442 LONG Zhuhua, Le droit de revendication du vendeur dans la vente avec la réserve de propriété, in Recherche de Droit et de Commerce, 2000, 4, p. 73; CHEN Benhan, op. cit., p. 390. 443 SHI Shangkuan, Des droits réels, Éd. de Rongtai, p.48; WANG Zejian, Le droit de l’acheteur dans la vente conditionnelle, in La théorie et la recherche de jurisprudence du droit civile, I, Éd. de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine, 1997, p. 133. 444 QU Zonghong, La réserve de propriété immobilière, in Le système juridique et la société, p. 13. 445 YU Nengbin, Des études comparées de la réserve de propriété, in Études du droit, 2000, V, p.81. 369 Chapitre III - La réserve de propriété en matière immobilière le vendeur de l’immeuble doit procéder au transfert de la propriété à l’acheteur, à l’inscription du transfert de propriété, à l’estimation de l’immeuble, à l’inscription hypothécaire etc. En outre, étant donné que la propriété immobilière est transférée par l’inscription, les parties ne peuvent pas procéder à l’inscription que jusqu’au paiement total du prix de vente. Il suffit pour le vendeur de refuser de procéder à l’inscription immobilière pour réserver la propriété immobilière. La stipulation de la réserve de propriété dans le contrat est simplement une justification légale du non-exercice de son obligation de transférer la propriété du bien vendu. Cela ne posera donc aucun problème à l’inscription immobilière. De surcroît, la réserve de propriété est vraiment plus séduisante que l’hypothèque tant en termes de coûts que d’efficacités. 632. De toute façon, la disposition de la loi chinoise concernant la réserve de propriété est loin d’être suffisante. Tenant compte de cette situation et de la situation en droit français, la réserve de propriété en matière immobilière ne sera pas approfondie dans la présente thèse. 370 Conclusion générale Conclusion générale 633. La présente thèse a pour objet de comparer les systèmes de sûretés réelles en droit français et en droit chinois. 634. Le terme de « sûreté réelle » en droit français est officiellement employé mais n’a pas été défini par l’ordonnance du 23 mars 2006. Sur le plan théorique, les auteurs considèrent que « les sûretés réelles sont un mécanisme qui affecte un bien ou des biens au paiement préférentiel au créancier » (v. supra n° 57). En droit chinois, en revanche, en disposant que « le titulaire de droit réel de sûreté a le droit de préférence sur le bien grevé de sûreté, lorsque le débiteur n’exécute pas son obligation échu ou lorsqu’il y a des cas de la réalisation de l’hypothèque prévus par les parties, sauf si la loi en dispose autrement», l’article 170 de la LDR donne expressément la définition de « sûreté réelle ». 635. Etant qualifiées des droits réels, les sûretés réelles doivent, au moins en principe, respecter le principe de légalité (numerus clausus), la règle de spécialité et la règle d’indivisibilité. Une sûreté réelle est aussi l’accessoire de la créance garantie et un droit réel sur la valeur du bien grevé. 636. En effet, les sûretés réelles regroupent plusieurs catégories de sûretés dans les deux systèmes juridiques étudiés. La classification officielle des sûretés réelles, et la plus importante en droit français, se fonde sur leur assiette (et plus précisément, sur la nature de l’assiette). Elle se distingue de la classification selon le critère du régime (c'est-à-dire la dépossession du bien grevé), qui avait été adoptée par le législateur français et, qui est officiellement retenue par le législateur chinois à l’heure actuelle. La classification suivant l’assiette prend en compte deux critères : son étendue (les sûretés générales et les sûretés spéciales) ou sa nature (les sûretés 371 Conclusion générale mobilières les sûretés immobilières en droit français ; à ces deux catégories s'ajoute la sûreté de droits en droit chinois). La classification selon la nature de l'assiette constitue la classification légale des sûretés réelles en droit français. La classification selon le régime appliqué opère une distinction selon la dépossession du bien grevé ou selon le critère de propriété. Dans le premier cas, le droit français classe les sûretés réelles comme sûretés avec dépossession et sûretés sans dépossession, alors que le droit chinois établit une distinction entre les gages (les sûretés avec dépossession) et les hypothèques (les sûretés sans dépossession). Quant à la classification selon le critère de propriété, les deux systèmes juridiques distinguent les sûretés réelles ne supposant pas la propriété et les propriétés-sûretés. Seul le critère de dépossession du bien est adopté par le législateur chinois. En outre, les sûretés réelles peuvent théoriquement être classées en sûretés conventionnelles et sûretés non conventionnelles désignant les sûretés légales et les sûretés judiciaires. 637. Les sûretés mixtes portant soit sur des meubles, soit sur des immeubles, l’étude comparée détaillée prend donc en compte deux types de sûretés : les sûretés mobilières et les sûretés immobilières. 638. En matière des sûretés mobilières, nous opposons les sûretés non conventionnelles à celles conventionnelle. Les sûretés mobilières non conventionnelles couvrent principalement les privilèges et le droit de rétention qui sont conférées à certains créanciers ou attachées à certaines créances hors cadre conventionnel. S’agissant des privilèges, le droit chinois ne reconnaît que deux privilèges nommés --- sur le navire et sur l’aéronef civil. Les autres privilèges prévus par la Loi sur la faillite d’entreprise (LFE) sont les privilèges innomés : les privilèges instantanés qui existent pendant toute la durée de la procédure de collectivité ; les privilèges en liquidation qui n’existent que dans la phase de liquidation judiciaire. 372 Conclusion générale Concernant le droit de rétention, son champ d’application a été généralisé par la réforme française de 2006, mais sa nature de sûreté n’a pas été clarifiée ; en droit chinois, en revanche, il constitue une sûreté indépendante depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les sûretés (LS, 1995). Les sûretés mobilières conventionnelles, qui désignent les sûretés nées des conventions, comprennent le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles corporels, la réserve de propriété et la fiducie-sûreté en droit français, dont les trois premières sont légalement reconnues en droit chinois. Quant au gage de meubles corporels, il se divise en gage avec dépossession et gage sans dépossession en droit français. La dépossession ou l’inscription est toujours une condition d’opposabilité aux tiers, sauf certaines exceptions (tels que le gage du matériel et de l’outillage et le gage sur stocks). Alors qu’en droit chinois, la dépossession est toujours une condition de validité pour le gage avec dépossession ; l’inscription est une condition d’opposabilité pour l’hypothèque mobilière qui correspond au gage sans dépossession en droit français. En ce qui concerne le nantissement de meubles incorporels, la dépossession ou l’inscription est aussi une condition d’opposabilité en droit français. Cependant, ce type de sûreté est connu en droit chinois sous le nom de « gage de droits » dû à la différence de la notion chinoise de « meubles », pour lequel la dépossession ou l’inscription est toujours une condition de validité. S’agissant de la réserve de propriété, la publicité n’est en principe pas requise en droit français. Elle existe aussi en droit chinois, mais elle n’est pas officiellement considérée comme une sûreté réelle. Concernant la fiducie-sûreté, l’inscription est à la fois une condition d’opposabilité et une condition de validité pour la fiducie-sûreté en droit français. 373 Conclusion générale 639. En matière des sûretés immobilières, comme en matière des sûretés mobilières, nous opposons aussi les sûretés non conventionnelles aux sûretés conventionnelles. Les sûretés immobilières non conventionnelles désignent les sûretés immobilières légales et les sûretés immobilières judiciaires. Au sein des sûretés immobilières conventionnelles, l’hypothèque joue un rôle principal dans les deux systèmes juridiques qui sont l’objet de notre étude. Cependant, la propriété du terrain qui est une propriété privée importante et constitue une assiette essentielle de l’hypothèque en droit français, n’est jamais individuelle et ne peut donc faire l’objet d’une hypothèque en droit chinois. En l’occurrence, le droit d’usage du terrain et le bâtiment se situant sur ce terrain constituent les assiettes les plus importantes de l’hypothèque immobilière en droit chinois. L’inscription, qui est une condition d’opposabilité de l’hypothèque en droit français, est à la fois une condition de validité et une condition d’opposabilité de l’hypothèque en droit chinois. Après l’inscription hypothécaire, c’est le principe suivant qui s’applique : le bâtiment suit la terre (le droit d’usage du terrain) ; la terre (le droit d’usage du terrain) suit le bâtiment. 640. Du point de vue du droit comparé, il reste principalement les problèmes suivants à résoudre en droit chinois : Tout d’abord, le droit chinois montre une indifférence à l’égard de la protection des intérêts des parties faibles. Il en résulte une situation déséquilibrée entre créanciers et débiteurs, dans la mesure où, pour renforcer la protection des intérêts du créancier, le droit chinois méprise voire sacrifie les intérêts du débiteur. C’est aussi la raison pour laquelle, en cas de faillite d’une entreprise, les créances garanties par les sûretés priment toujours les privilèges des salaires. À ce sujet, la réforme de 2006 du droit français des sûretés est riche d’enseignement : elle reste fidèle à l’équilibre des intérêts qui constitue 374 Conclusion générale l’un des traits majeurs de la tradition juridique française et qui maintient ou crée des régimes de la protection des parties faibles (tel que le superprivilège des salaires). Ensuite, le traitement inégal entre les droits d’usage du terrain rural et celui du terrain urbain devrait être éliminé dans la réforme à venir. Le droit d’usage du terrain dans les zones rurales devrait pouvoir être aliéné et donc être hypothéqué, tout comme celui dans les zones urbaines. Enfin, pour renforcer la transparence et la sécurité du transfert de bien, un organe unitaire chargé de l’inscription des droits réels devrait être établi dans les plus brefs délais. 375 BIBLIOGRAPHIE 1. A. CERLES, La fiducie, nouvelle reine des sûretés, JCP E, 2007, 2054. 2. A. CERLES, La propriété, nouvelle reine des sûretés, Mélanges M. VASSEUR, Banque éditeur, 2000, p. 39. 3. Alain GOURIO, L’hypothèque rechargeable, RD banc. fin., 2006, p.39. 4. Alfred FOUILLÉE, La Logique de Port-Royal – avec introduction, extraits et éclaircissements, Librairie classique d’Eugène Belin, 1878. 5. A.M. MORGAN DE RIVERY-GUILLAUD, Le droit nord-américain des sûretés mobilières, LGDJ, 1990. 6. 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Le terme d'hypothèque dans la présente loi signifie qu'un débiteur ou un tiers prend (un des) biens énumérés à l'article 34 de la présente loi, sans transmettre la possession, comme une garantie d'une créance. Si le débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier a le droit de, conformément aux dispositions de la présente loi, se désintéresser de manière prioritaire en prenant en paiement le bien ou sur le prix de vente ou d'adjudication de ce bien. Le débiteur ou tiers évoqué dans l'alinéa précédent s'appelle constituant de l'hypothèque, le créancier s'appelle créancier hypothécaire, le bien grevé d'hypothèque s'appelle la chose hypothéquée. Article 34. Les biens ci-dessous sont susceptibles d'hypothèque: (1) les bâtiments et les autres choses adhérant au sol d'une manière fixe, qui appartiennent au constituant de l'hypothèque ; (2) les machines, les véhicules de transport et les autres biens dont le constituant de l'hypothèque est propriétaire ; (3) les droits d'usage du terrain d'Etat, les bâtiments et les autres choses adhérant au sol appartenant à l'Etat que le constituant de l'hypothèque a le droit de disposer ; (4) les machines, les véhicules de transports et les autres biens d'Etat que le constituant de l'hypothèque (qui ne sont pas la propriétaire) a le droit de disposer ; 389 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés (5) les droits d'usage des terrains en friche, y compris les montagnes, ravines, collines, plages en friche, que le constituant de l'hypothèque ont légalement loués, à condition que le louant consente (l'hypothèque sur ce droit) ; (6) les autres biens susceptibles d'hypothèque selon les dispositions des lois. Le constituant de l'hypothèque peut hypothéquer l'ensemble des biens énumérés à l'alinéa précédent. Article 35. La créance garantie par l'hypothèque ne peut excéder la valeur de la chose hypothéquée. Dans la mesure où la valeur de la chose hypothéquée excède la créance garantie par l'hypothèque, cette chose peut être grevée d'une autre hypothèque (afin de garantir une autre créance). Cependant, la somme de cette nouvelle créance garantie ne peut dépasser sa valeur non grevée. Article 36. En cas d'hypothèque d'un bâtiment sur le terrain d'Etat, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain d'Etat qui est occupé par ce bâtiment. En cas d'hypothèque d'un droit d'usage du terrain d'Etat concédé, on doit hypothéquer simultanément le bâtiment sur ce terrain. Le droit d'usage du terrain de l'entreprise de la campagne ne peut être grevé isolement d'hypothèque. En cas d'hypothèque d'un bâtiment de l'entreprise de la campagne, par exemple le bâtiment de production, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain occupé par le bâtiment. Article 37. Les biens ci-dessous ne peuvent être hypothéqués : (1) les propriétés des terrains. (2) les droit d'usage des terrains collectifs, tels que la terre labourée, la terre servant à la constitution d'un bâtiment, la parcelle individuelle, la montagne individuelle, sauf les cas prévus par l'article 34, alinéa 5 et l'article 36, alinéa 3 de la présente loi. (3) les instruments d'enseignement, médicales et les autres biens servant au bien-être public qui appartiennent à des établissements d'utilisation publique ou des organisations sociales ayant pour objectif le bien-être public, notamment les établissements d'éducation, les hôpitaux, les crèches. (4) les biens desquels le droit de propriété ou le droit d'usage n'est pas clair ou est litigieux ; (5) les biens scellés, saisis ou placés sous la garde; (6) les autres biens interdits d'être hypothéqués par les lois Section II Du contrat hypothécaire et de l'inscription de la chose hypothéquée 390 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Article 38. Le constituant de l'hypothèque et le créancier hypothécaire doivent conclure le contrat d'hypothèque sous la tonne écrite Article 39. Un contrat hypothécaire comprend les points suivants : (l) la catégorie et la somme de la créance principale garantie par l'hypothèque; (2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ; (3) le nom, la quantité, la qualité, l'état, le lieu et le titulaire de propriété ou de droit d'usage de la chose hypothéquée ; (4) l'étendue (de l'engagement) de l'hypothèque ; (5) les autres points que les parties trouvent nécessaires. A défaut de présenter un ou plusieurs des éléments susmentionnés, le contrat de d'hypothèque peut être complété par les parties. Article 40. Lorsque le créancier hypothécaire et le constituant de l'hypothèque passent le contrat hypothécaire, ils ne peuvent stipuler qu'à défaut de paiement à l'échéance, la propriété de la chose hypothéquée appartient au créancier hypothécaire. Article 41. Lorsque l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'article 42, les parties doivent faire une inscription de la chose hypothéquée et le contrat hypothécaire ne prend effet qu'à partir de la date de l'inscription. Article 42. Les organes chargés d'inscription sont : (1) établissements administratifs des terrains qui approuvent et confèrent les titres du droit d'usage des terrains lorsque les hypothèques portent sur les terrains sans immeubles; (2) établissements désignés par le gouvernement soit du district, soit de l'échelon supérieur, lorsque les hypothèques grèvent les biens fonciers dans les zones urbaines ou les constructions des entreprises de la campagne ; (3) établissements administratifs, soit du district, soit de l'échelon supérieur, des forêts et bois, lorsque les hypothèques grèvent les forêts et bois ; (4) établissements d'inscription des véhicules de transport, lorsque les hypothèques portent sur des aéronefs, des navires, des voitures ; (5) établissements locaux administratifs des industries et commerces, lorsque les hypothèques portent sur des équipements et d'autres biens mobiliers d'entreprise. 391 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Article 43. Lorsque l'hypothèque grève d'autres biens, l'inscription de la chose hypothéquée est facultative et le contrat hypothécaire en prend effet entre les parties dès la conclusion du contrat. Une hypothèque sans inscription est toutefois inopposable aux tiers. Si les parties veulent faire une inscription de la chose hypothéquée, les établissements notariaux locaux du domicile du constituant de l'hypothèque sont ceux d'inscription. Article 44. Les documents ci-dessous ou leurs copies doivent être fournis aux organes d'inscription : (1) le contrat principal et celui d'hypothèque ; (2) le titre de propriété ou celui du droit de l'usage. Article 45. Les documents inscrits dans les organes d'inscription doivent pouvoir être consultés, notés ou copiés. Section III De l'effet d'hypothèque Article 46. Rentrent dans l'étendue de la garantie hypothécaire : la créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les indemnités, les dommages-intérêts et les Irais de la réalisation du droit de l'hypothèque. Si les parties en ont convenu autrement, leur convention prévaudra. Article 47. Lorsque la chose hypothéquée est saisie par un Tribunal Populaire suite au défaut du débiteur d'exécuter son obligation, le créancier hypothécaire n'a le droit de percevoir fruits naturels et civils de la chose hypothéquée qu'à partir du jour où cette assiette est saisie. Le créancier est obligé d'avertir de la saisie les débiteurs des fruits civils, à défaut le droit d'hypothèque n'étend pas à ces fruits civils. Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent d'abord être imputés sur les frais de leur perception. Article 48: Lorsque la chose hypothéquée a été louée, le constituant doit énoncer l'hypothèque au locataire sous la forme écrite, et le contrat de louage reste en vigueur. Article 49. Pendant l'hypothèque, lorsque le constituant de l'hypothèque veut céder la chose hypothéquée inscrite, il doit annoncer la cession au créancier hypothécaire et avertir le cessionnaire du fait de l'hypothèque ; la cession est nulle s'il ne fait pas cette annonce ou cet avertissement. 392 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Si le prix de la cession de la chose hypothéquée est nettement inférieur à sa valeur, le créancier hypothécaire peut demander au constituant de l'hypothèque de lui offrir une autre sûreté correspondante ; si le constituant ne lui en offre pas une, il ne peut céder la chose hypothéquée. Le prix de la cession de la chose hypothéquée doit d'abord désintéresser la créance garantie ou être consigné au tiers désigné par le créancier et le constituant. La part au-delà de la créance appartient au constituant ; si le prix est insuffisant, le créancier doit être désintéressé par le débiteur. Article 50. Le droit d'hypothèque ne peut isolément ni être cédé ni garantir les autres créances. Article 51. Lorsqu'un acte du constituant de l'hypothèque est susceptible de diminuer la valeur de l'assiette hypothéquée, le créancier hypothécaire a le droit de lui demander d'arrêter. Et si la valeur de l'assiette hypothéquée a diminué, le créancier a le droit de demander au constituant de la restituer ou de lui fournir une (autre) sûreté correspondante à la baisse de valeur. Si le constituant n'a pas commis de faute dans la diminution de la valeur de la chose hypothéquée, le créancier ne peut lui réclamer de fournir une sûreté que dans le cadre des dommages-intérêts ; le solde de valeur sert alors de garantie pour la créance principale. Article 52. Le droit d'hypothèque existe à la fois avec la créance principale garantie par elle, si la créance principale s'éteint, le droit d'hypothèque aussi. Section IV De la réalisation du droit d'hypothèque Article 53. Si, à l'échéance de l'obligation, le créancier hypothécaire n'est pas désintéressé, il peut, après accord du constituant de l'hypothèque, prendre en paiement la chose hypothéquée ou se désintéresser sur le prix de vente ou d'adjudication de la chose hypothéquée ; si (les parties n'ont) pas réussi à conclure une convention, le créancier peut intenter un procès auprès de la Cour populaire. Après la vente à l'amiable ou l'adjudication de la chose hypothéquée ou la prise en paiement, si le prix est supérieur à la créance garantie, la différence appartient au constituant. S'il est inférieur, c'est le débiteur qui se charge de la part insuffisante. Article 54. En cas de concurrence de plusieurs hypothèques sur le même bien, le prix provenant de la vente ou de l'adjudication les satisfait selon la disposition suivante : (1) Lorsque les contrats hypothécaires prennent effet dès l'inscription 393 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés hypothécaire, l'ordre de paiement suit le rang d'inscription ; si le rang est identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances ; (2) Lorsque les contrats hypothécaires prennent effet dès la signature du contrat, si les hypothèques sont inscrites, l'alinéa l du présent article s'applique ; pour les hypothèques sans inscription, leur rang est déterminé par l'ordre d'entrée en vigueur des contrats. Si l'ordre est identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances. Des hypothèques inscrites priment celles sans inscription. Article 55. Dans le cas qu'un bien foncier dans les zones urbaines est hypothéqué, les nouveaux bâtiments, constitués sur les terrains après la signature du contrat hypothécaire, ne sont pas la chose hypothéquée. Lors de l'adjudication, le bien foncier et les nouveaux bâtiments peuvent se mettre aux enchères ensemble, mais le créancier n'a pas le droit de préférence sur le prix des nouveaux bâtiments. On ne peut illégalement changer la propriété de la collectivité des terrains ni la destination des terrains après la réalisation de l'hypothèque, lorsque l'assiette hypothéquée est le droit d'usage du terrain en friche procédé des contrats forfaitaires ou des terrains qu'occupent les constructions des entreprises, tels que les bâtiments de produit, dans la campagne. Article 56. Le créancier hypothécaire n'a le droit de préférence sur le prix de vente du droit de l'usage du terrain d'Etat alloué qu'après avoir versé la somme correspondante aux frais de concession du droit d'usage de ce terrain. Article 57. Après l'exercice de droit d'hypothèque, le constituant hypothécaire, s'il avait grevé son bien d'hypothèque pour garantir la dette d'autrui, a le droit de recours contre le débiteur garanti et de lui demander de rembourser. Article 58. L'hypothèque s'éteint toutes les fois que la chose hypothéquée est détériorée ou perdue. L'indemnité pour la détérioration doit servir au bien hypothèque pour garantir la même créance Section V De l'hypothèque de montant maximal Article 59. On parle d'hypothèque de montant maximal lorsque le créancier hypothécaire et le constituant de l'hypothèque conviennent de, dans la limite d'un montant maximal de créance, affecter la chose hypothéquée à la garantie des créances qui se produiront successivement pendant une période déterminée. 394 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Article 60. Des contrats de prêt peuvent être accompagnés du contrat de l'hypothèque de montant maximal. Des contrats de transactions successives d'un genre de marchandise pendant une période déterminée peuvent être accompagnés du contrat de l'hypothèque de montant maximal. Article 61. Les créances principales garanties par l'hypothèque de montant maximal ne peuvent être transférées. ' Article 62. L'hypothèque de montant maximal obéit aux dispositions de cette section ainsi qu'aux autres dispositions du présent chapitre. Chapitre IV Du gage Section I Du gage de meubles Article 63. Un gage de meubles est (l'acte par lequel) le débiteur ou un tiers transfert son bien mobilier au créancier afin de garantir une créance. Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation, le créancier, conformément à la présente loi, aura le droit de prendre ce bien en paiement ou de se désintéresser par préférence sur le prix de la vente ou d'adjudication de ce bien. Ce débiteur ou tiers s'appelle constituant du gage, ce créancier s'appelle titulaire du droit de gage (créancier gagiste), le bien mobilier s'appelle chose gagée. Article 64. Le constituant du gage et le créancier gagiste doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite. Le contrat de gage n'entre en vigueur qu'au moment où la chose gagée est mise en la possession du créancier gagiste. Article 65. Le contrat de gage doit comprendre les clauses suivantes : (1) la catégorie et la somme de la créance principale garantie ; (2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur; (3) le nom, la quantité, la qualité et l'état du bien gagé ; (4) l'étendue de la garantie ; (5) le moment de la remise du bien gagé ; (6) les autres contenus que les parties trouvent nécessaires. A défaut de présenter un ou plusieurs des éléments susmentionnés, le contrat de gage peut être complété par les parties. 395 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Article 66. Dans le contrat de gage, le créancier gagiste ne peut conclure avec le constituant du gage une convention par laquelle, à l'échéance de la dette garantie, à défaut de paiement à l'échéance, le bien gagé appartiendra au créancier. Article 67. Le gage garantit (au créancier) la créance principale et ses intérêts, les dommages intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de conservation du bien gagé et ceux de réalisation du droit de gage, sauf si le contrat de gage en dispose autrement. Article 68. Sauf si le contrat du gage en dispose autrement, le créancier gagiste a le droit de percevoir les fruits du bien gagé. Les fruits prévus à l'alinéa précédent doivent être imputés sur les frais de leur perception. Article 69. Le créancier gagiste est tenu de conserver précieusement la chose remise en gage. En cas de détérioration ou de perte causée par son imprudence (en la conservant), il doit assumer la responsabilité civile. Lorsque des comportements du créancier sont susceptibles d'entraîner la perte ou la détérioration de la chose gagée, le constituant peut se prévaloir de consigner la chose gagée ou réclamer le paiement de sa dette garantie avant la déchéance du terme et la restitution de la chose gagée. Article 70. S'il est possible que le bien gagé soit détérioré ou que sa valeur diminue certainement beaucoup, si cette possibilité est suffisante pour compromettre le droit du créancier gagiste, celui-ci peut demander au constituant du gage de lui fournir une sûreté correspondante. Si le constituant du gage ne lui en fournit pas une, le créancier gagiste a le droit de vendre la chose gagée à l'amiable ou par adjudication, et puis de se désintéresser par préférence sur le prix de vente en avance ou de le consigner chez un tiers convenu. Article 71. Si le débiteur a exécuté son obligation à l'échéance ou le constituant a payé en avance la créance garantie, le créancier gagiste a l'obligation de restituer la chose gagée. Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation à l'échéance, le créancier peut, par voie de convention avec le constituant du gage, prendre en paiement la chose gagée ; il peut aussi se désintéresser sur le prix de vente ou d'adjudication de la chose gagée. Après la prise en paiement ou la vente à l'amiable ou par adjudication, lorsque le prix de la chose gagée excède le montant garanti, la différence 396 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés appartient au constituant ; s'il est insuffisant pour satisfaire la créance, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier. Article 72. Si le gage est donné par un tiers pour le débiteur, ce tiers aura le droit de recours contre le débiteur après la réalisation du droit de gage. Article 73. Le gage s'éteint toutes les fois que la chose gagée est détériorée ou perdue. L'indemnité pour la détérioration doit servir au bien gagé (pour garantir la même créance). Article 74. Le gage doit exister ensemble avec la créance principale garantie, (par conséquent,) si celle-ci s'éteint, le gage s'éteint également. Section II Du gage de droits Article 75. Les droits suivants sont susceptibles d'être grevés de gage : (1) la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt, le connaissement ; (2) les parts transférables et les actions transférables ; (3) les droits patrimoniaux transférables du droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, du droit de brevet d'invention et du droit d'auteur ; (4) les autres droits suivant les autres lois ou les règlements administratifs. Article 76. Lorsque le gage porte sur la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt, ou le connaissement, le constituant doit, conformément au délai fixé dans le contrat, transférer au créancier le titre de droit. Le contrat de gage entre en vigueur à partir du jour du transfert du titre. Article 77. Si la date d'échéance ou de la prise de livraison de la lettre de change, du chèque, du billet à ordre, des obligations, du certificat de placement (d'épargne), du récépissé d'entrepôt ou du connaissement arrive avant l'échéance de l'obligation principale, le créancier peut le(s) encaisser ou prendre la livraison à la date prévue, et, par conséquent, il peut, avec l'accord du constituant du gage, se désintéresser sur le prix encaissé ou les marchandises prises ou les consigner au tiers convenu par le constituant du gage. Article 78. Lorsque le gage porte sur les actions transférables, le constituant et le créancier gagiste doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite et faire l'inscription de gage auprès du bureau d'inscription des titres. Le contrat de gage entre en vigueur dès l'inscription de gage. Après la constitution du gage, les actions ne peuvent être cédées, sauf si le 397 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Si le constituant transfert les actions, le prix de transfert doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou (le) consigner au tiers convenu. Dans le cas où le gage porte sur les parts de S.A.R.L. s'appliquent les dispositions relatives au transfert des actions dans la Loi sur les Sociétés. (En ce cas,) le contrat du gage entre en vigueur depuis le jour de l'inscription du gage faite sur le registre d'actionnaire. Article 79. Lorsque le gage porte sur un ou des droits patrimoniaux transférables du droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, du droit de brevet d'invention et du droit d'auteur, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite et faire l'inscription auprès des autorités administratives concernées. Le contrat de gage entre en vigueur à partir du jour où s'effectue l'inscription de gage. Article 80. Si le gage porte sur un ou des droits prévus à l'article 79 dans la présente loi, après la constitution du gage, le constituant ne peut transférer ni permettre aux autres de le(s) utiliser, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Lorsque le constituant le(s) transmet ou permet aux autres personnes de le(s) utiliser, le prix doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou être consigné au tiers. Article 81. En dehors de l'application des dispositions de cette section, le gage de droit se réfère aux dispositions relatives au gage de meubles dans la première section du présent chapitre. Chapitre V De la rétention Article 82. Rétention, dans la présente loi, signifie que, lorsque, par application de l'article 84, le créancier, selon les stipulations contractuelles, se trouve en possession d'un meuble du débiteur, si le débiteur n'exécute pas son obligation dans le délai convenu, le créancier a le droit, conformément à la présente loi, de retenir le bien et de se désintéresser de manière prioritaire en prenant en paiement ce bien ou sur le prix de vente ou d'adjudication de celui-ci. Article 83. L'étendue (de l'engagement) du droit de rétention comprend la créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de la conservation de la chose retenue et ceux de la réalisation du droit de rétention. 398 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Article 84. Lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations à l'échéance, le créancier, dont la créance procédée des contrats de dépôt, de transport, (ou) de façonnage, (peut) avoir le droit de rétention. Si les autres lois permettent expressément aux créanciers dans le cadre d'autres contrats de réclamer le droit de rétention, l'alinéa précédent s'y applique10. Les parties peuvent dans le contrat convenir d'exclure certains biens de la rétention. Article 85. Si le bien détenu est divisible, le créancier ne peut retenir qu'une partie du bien dont la valeur est équivalente à la somme de la dette. Article 86. Le rétenteur est obligé de conserver avec soin la chose retenue. Il doit supporter la responsabilité civile pour la perte ou la détérioration de la chose causée par son imprudence en la conservant. Article 87. Le créancier et le débiteur doivent conclure dans leur contrat que le débiteur doit exécuter son obligation pendant au moins deux mois à partir la rétention de la chose faite par le créancier. S'ils n'en conviennent pas, le créancier doit désigner un délai au moins de deux mois à partir de sa rétention de la chose et avertir au débiteur d'exécuter son obligation pendant ce délai. A l'échéance de ce délai, le créancier peut se désintéresser en prenant en paiement la chose retenue avec l'accord du débiteur ou en manière de la vendre ou de la mettre aux enchères. Dans le cas de l'alinéa 2 de cet article, si le prise en paiement ou le prix de vente excède la somme de la créance, le créancier doit verser la différence au débiteur ; si cela est insuffisant, le débiteur doit désintéresser le créancier. Article 88. Le droit de rétention s'éteint si: (l) la créance s'éteint ; (2) (ou si) le débiteur fournit une autre sûreté et le créancier l’accepte. Chapitre VI Des arrhes …………………………………………………………………………………… Chapitre VII Dispositions diverses Article 92. L'expression d'« immeuble » employée dans la présente loi indique les terrains et les choses adhérant au sol d'une manière fixe telles que les bâtiments, les bois et la forêt. 399 Annexe I -- Loi de la République populaire de Chine sur les sûretés Les meubles indiquent toutes les autres choses qui ne sont pas immeubles. Article 93. Le contrat de cautionnement, d'hypothèque, de gage ou d'arrhes organisé par la présenté loi peut s'avérer un contrat indépendant sous une forme écrite, par exemple les lettres ou fac-similés entre les parties en matière de sûreté ou une clause de sûreté dans le contrat principal. Article 94. On doit se référer au prix du marché, lorsque l'on vend les choses hypothéquées, gagées ou retenues ou lors que l'on les prend en paiement. Article 95. Lorsque la Loi sur le commerce maritime ou les autres lois fixent les règles spéciales relatives aux sûretés, celles-ci s'appliquent. Article 96. La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 1995. 400 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels (promulguée le 16 mars 2007, appliquée le 1er octobre 2007) (extrait) Sommaire Livre I. Partie générale Chapitre 1. Principaux généraux Chapitre 2. Constitution, modification, transfert et extinction des droits réels Section 1. Inscription immobilière Section 2. Remise du meuble Section 3. D'autres dispositions Chapitre 3. Protection des droits réels Livre II. Propriété Chapitre 4. Dispositions générales Chapitre 5. Propriétés d'Etat, propriétés de collectivité et propriétés d'individu Chapitre 6. Propriété d'immeuble divisé Chapitre 7. Voisinage Chapitre 8. Copropriété Chapitre 9. Dispositions spéciales relatives à l'acquisition de la propriété Livre III. Droits réels d'usage Chapitre 10. Dispositions générales Chapitre 11. Droit forfaitaire d'exploitation du terrain Chapitre 12. Droit d'usage du terrain pour la construction Chapitre 13. Droit d'usage de base des appartements Chapitre 14. Servitude foncière Livre IV. Droits réels des sûretés Chapitre 15. Dispositions générales Chapitre 16. Droit d'hypothèque Section 1. Droit d'hypothèque ordinaire Section 2. Droit d'hypothèque de montant maximal Chapitre 17. Droit de gage Section 1. Droit de gage de meubles Section 2. Droit de gage de droits Chapitre 18. Droit de rétention Livre V. Possession Chapitre 19. Possession 401 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels …………………………………………………………………………………… Livre IV. Droits réels des sûretés Chapitre 15 Dispositions générales Article 170. Le titulaire de droit réel de sûreté a le droit de préférence sur le bien grevé de sûreté, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou lorsqu'il y a des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, sauf si la loi en dispose autrement. Article 171. Dans le cadre des activités civiles telles que le prêt-emprunt, la vente-achat, si le créancier en a besoin, on peut, conformément aux dispositions de la présente loi et d'autres lois, constituer des sûretés réelles pour garantir la réalisation de la créance. Lorsqu'un tiers fournit une sûreté au créancier pour le débiteur, il peut demander au débiteur une contre-sûreté. Les dispositions de la présente loi et d'autres lois s'appliquent à la contre-sûreté. Article 172. Pour constituer un droit réel de sûreté, on doit, conformément aux dispositions de la présente loi et d'autres lois, conclure le contrat de sûreté. Le contrat de sûreté est l'accessoire du contrat principal. Si le contrat principal est nul, le contrat de sûreté aussi, sauf si la loi en dispose autrement. Lors de la nullité d'un contrat de sûreté, au cas où le débiteur, le garant et le créancier sont fautifs, ils assument respectivement leurs responsabilités civiles selon leurs fautes. Article 173. Rentrent dans l'étendue garantie par le droit réel de sûreté : la créance principale et ses intérêts, les dommages-intérêts dus forfaitairement selon la clause pénale éventuellement stipulée, les dommages-intérêts, ainsi que les frais de conservation de l'assiette et ceux de réalisation du droit de sûreté réelle. Si les parties en ont convenu autrement, leur convention prévaudra. Article 174. Si le bien grevé de garantie est détérioré, endommagé, perdu ou exproprié etc., le titulaire du droit de sûreté réelle pourra se faire payer par préférence sur les indemnités d'assurance, les indemnités, ou les remboursements etc. Si la créance n'échoit pas, on peut également consigner les indemnités d'assurance, indemnités ou remboursements, etc. Article 175. Lorsqu'une sûreté est fournie par un tiers, si, sans le consentement écrit de la part de celui-ci, le créancier permet au débiteur de transférer, totalement ou partiellement, ses obligations, le garant ne supportera plus la responsabilité correspondante. 402 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels Article 176. Si la créance est garantie à la fois par une sûreté réelle et une sûreté personnelle, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou lorsqu'il y a des cas de réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier est obligé, conformément à la convention, s'il en y a, de réaliser son droit de créance ; en l'absence de convention ou de stipulation claire ( à l'égard de la réalisation), dans le cas où la sûreté porte sur un ou plusieurs biens propres du débiteur, le créancier doit se faire payer sa créance préalablement sur cette sûreté ; en cas où la sûreté réelle est offerte par un tiers, le créancier peut satisfaire sa créance sur la sûreté réelle, et il peut aussi obliger la caution à supporter la responsabilité de cautionnement. Le tiers fournissant une sûreté, après avoir supporté la responsabilité de sûreté, a le recours contre le débiteur. Article 177. Le droit réel de sûreté s'éteint, dans l'une quelconque des circonstances suivantes : (1) La créance principale s'éteint ; (2) La créance principale est réalisée ; (3) Le créancier renonce au droit réel de sûreté ; (4) Les autres cas prévus par la loi. Article 178. Lorsque les dispositions de la Loi sur les sûretés contredisent celles de la présente loi, celles de la présente loi s'appliquent. Chapitre 16 Section 1 Droit d'hypothèque Droit d'hypothèque ordinaire Article 179. Lorsque, pour garantir l'exécution des obligations, le débiteur ou un tiers hypothèque son bien, sans transmettre la possession, envers le créancier, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si apparaissent des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier aura le droit de se désintéresser par préférence sur le bien grevé. Ce débiteur ou tiers prévu dans l'alinéa précédent s'appelle constituant de l'hypothèque, le créancier s'appelle titulaire du droit d'hypothèque, le bien grevé d'hypothèque s'appelle le bien hypothéqué. Article 180. Les biens suivants peuvent être grevés d'hypothèque, à condition que le débiteur ou le tiers aient le droit d'en disposer : (1) la construction et les autres choses adhérant au sol d'une manière fixe; (2) le droit d'usage du terrain pour la construction ; (3) le droit forfaitaire d'exploitation du terrain en friche qui est attribué au 403 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels moyen d'appel d'offre, d'adjudication, ou de négociation publique ; (4) la machine de production, les matières premières, produits semi-finis et produits finis ; (5) la construction, le navire ou l'aéronef qui est en train de se faire (d'être construit) ; (6) les véhicules; (7) Selon les lois et les règlements administratifs, les autres biens qui ne sont pas soumis à une interdiction d'hypothèque peuvent être hypothéqués Le constituant de l'hypothèque peut hypothéquer l'ensemble des biens énumérés à l'alinéa précédent. Article 181. Dans le cas d'une convention écrite, une entreprise, une famille individuelle industrielle et commerciale (个体工商户/ge ti gong shang hu) ou un exploitant agricole peut hypothéquer ses machines de production, matières premières, produits semi-finis et produits finis, présents ou futurs, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, le créancier aura le droit de se désintéresser par préférence sur les meubles au moment de la réalisation de son droit d'hypothèque. Article 182. Dans le cas d'une hypothèque sur construction, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain pour la construction qui est occupé par elle. Dans le cas d'une hypothèque sur le droit d'usage du terrain pour la construction, on doit hypothéquer simultanément la construction sur ce terrain. Si le constituant de l'hypothèque n'a pas constitué l'hypothèque suivant l'alinéa précédent, le bien non grevé est réputé être simultanément hypothéqué. Article 183. Le droit d'usage du terrain pour la construction de l'entreprise de la campagne ne peut être grevé isolement d'hypothèque. En cas d'hypothèque d'une des constructions de l'entreprise dans la campagne, par exemple le bâtiment de production, on doit hypothéquer simultanément le droit d'usage du terrain pour la construction occupé par cette construction. Article 184. Les biens ci-dessous ne peuvent être hypothéqués: (1) les propriétés des terrains ; (2) les droits d'usage du terrain collectif rural, tels que la terre labourée, la terre servant à la constitution d'un bâtiment, la parcelle individuelle, la montagne individuelle. (3) les instruments d'enseignement, médicales et les autres biens servant au bien-être public qui appartiennent à des établissements d'utilisation publique ou des organisations sociales fondées en vue du bien-être public, notamment les 404 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels établissements d'éducation, les hôpitaux, les crèches. (4) les biens desquels le droit de propriété ou le droit d'usage n'est pas clair ou est litigieux ; (5) les biens scellés, saisis ou placés sous garde ; (6) les autres biens interdits d'être hypothéqués par les lois ou les règlements administratifs. Article 185. Pour constituer le droit de l'hypothèque, les parties doivent conclure le contrat hypothécaire sous la forme écrite. Le contrat hypothécaire généralement comprend les clauses suivantes : (l) la catégorie et la somme de la créance principale garantie par l'hypothèque; (2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ; (3) le nom, la quantité, la qualité, l'état, le lieu et le titulaire de propriété ou de droit d'usage du bien hypothéqué ; (4) l'étendue (de l'engagement) de l'hypothèque ; Article 186. Avant l'échéance de la dette garantie, le créancier ne peut faire de conventions avec le constituant de l'hypothèque selon lesquelles, à défaut de paiement à l'échéance, le bien grevé d'hypothèque appartient au créancier. Article 187. L'inscription hypothécaire est exigée lorsque l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'alinéa 1 (1) - (3) de l'article 180 de la présente loi ou sur la construction en cours prévue par l'alinéa 1 (5) de même article. Le droit d'hypothèque se constitue dès l'inscription hypothécaire. Article 188. Si l'hypothèque porte sur un des biens énumérés à l'alinéa 1 (4) - (6) de l'article 180 de la présente loi ou sur le navire ou l'aéronef qui est en train de se faire prévu par l'alinéa 1 (5) du même article, le droit d'hypothèque se constitue dès la conclusion du contrat hypothécaire ; en l'absence d'inscription, (le droit d'hypothèque) n'est pas opposable aux tiers. Article 189. Lorsque l'entreprise, la famille individuelle industrielle et commerciale (个体工商户/ ge ti gong shcmg hit) ou l'exploitant agricole hypothèque les meubles prévus à l'article 181 de la présente loi, on doit inscrire l'hypothèque à l'établissement administratif des industries et commerces du lieu du domicile du constituant de l'hypothèque. Le droit d'hypothèque se constitue dès la conclusion du contrat hypothécaire ; en l'absence d'inscription, (le droit d'hypothèque) n'est pas opposable aux tiers. L'hypothèque prévue par l'article 181 de la présente loi est inopposable au tiers acheteur qui, au cours de l'exploitation normale de l'entreprise ou du 405 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels commerçant, a payé, à un prix raisonnable, un des biens grevés et qui (ce tiers acheteur) l'a (déjà) acquit. Article 190. Si le bien hypothéqué a été déjà mis en location avant la conclusion du contrat hypothécaire, cette relation de location n'est pas influencée par le droit d'hypothèque. Si le bien hypothéqué est mis en location après la constitution de l'hypothèque, la relation de location est inopposable au droit d'hypothèque déjà inscrit. Article 191. Pendant l'hypothèque, le constituant de l'hypothèque peut aliéner son bien qu'avec le consentement du créancier, le prix de la cession doit être payé par avance la créance hypothécaire ou être consigné au tiers. La part dépassant la créance appartient au constituant ; si le prix est insuffisant, le créancier doit être désintéressé par le débiteur. Le constituant de l'hypothèque ne peut aliéner son bien qu'à condition du consentement du créancier, sauf si le tiers détenteur paye la dette à sa place (le débiteur) en vue d'éteindre le droit d'hypothèque. Article 192. Le droit d'hypothèque ne peut isolément être cédé ni garantir les autres créances. Si la créance (hypothécaire) est cédée, le droit d'hypothèque doit être cédé avec elle, sauf si la loi ou la convention en dispose autrement. Article 193. Lorsqu'un acte du constituant de l'hypothèque est susceptible de diminuer la valeur du bien hypothéqué, le créancier hypothécaire a le droit de lui demander d'arrêter. Et si la valeur de l'assiette hypothéquée a diminué, le créancier a le droit de demander au constituant de la restituer ou de lui fournir une (autre) sûreté correspondante à la baisse de valeur. Si cette demande est refusée par le constituant, le créancier peut demander au débiteur d'exercer ses obligations avant l'échéance de la dette garantie. Article 194. Le créancier hypothécaire peut renoncer à son droit d'hypothèque ou à son antériorité en rang. Le créancier hypothécaire et le constituant d'hypothèque peuvent modifier par convention le rang hypothécaire et la somme garantie par l'hypothèque, mais, à défaut d'accord écrit des autres créanciers, la modification ne peut résulter d'influence défavorable aux autres créanciers. Lorsqu'un droit d'hypothèque porte sur le bien propre du débiteur, si le créancier renonce à ce droit d'hypothèque ou à son antériorité en rang ou s'il modifie ce droit d'hypothèque, les autres garants auront le droit de dispenser leurs engagements de garantie dans le cadre de droit de préférence perte de la part de créancier, sauf si le garant promet de tenir encore son engagement de garantie (après la renonciation). 406 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels Article 195. Si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou s'il y a des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties, le créancier hypothécaire peut, avec l'accord du constituant de l'hypothèque, prendre en paiement le bien hypothéqué ou se désintéresser du prix de vente ou d'adjudication du bien hypothéqué. Si la convention (relative à la réalisation du droit d'hypothèque) cause des préjudices aux autres créanciers, ceux-ci pourront demander en justice de la révoquer pendant un an à compter du moment où il a appris ou aurait du apprendre la survenance de la cause de révocation. Si le constituant de l'hypothèque et le créancier hypothécaire n'ont pas fait une convention du moyen de la réalisation de l'hypothèque, le créancier peut demander à la Cour populaire de vendre à l'amiable ou par adjudication le bien hypothéqué. On doit se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien hypothéqué ou si on le prend en paiement. Article 196. Lorsque l'hypothèque se constitue conformément à l'article 181 de la présente loi, les biens hypothécaires sont fixés dès l'apparition d'un des cas suivants : (1) la créance n'est pas réalisée à l'échéance de l'exécution de l'obligation ; (2) le constituant est déclaré en faillite ou supprimé ; (3) un des cas prévus par les parties apparaissent ; (4) d'autres cas aggravant fortement la réalisation de la créance se réalisent. Article 197. Lorsque le bien hypothéqué est saisi par la Cour populaire suite au fait que le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, à partir du jour où la saisie est pratiquée, le créancier hypothécaire a le droit de percevoir les fruits naturels et civils du bien hypothéqué, sauf si le créancier n'a pas averti (de la saisie) les débiteurs des fruits civils. Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent d'abord être imputés sur les frais de leur perception. Article 198. Après la vente à l'amiable ou l'adjudication du bien hypothéqué ou la prise en paiement, si le prix est supérieur à la créance garantie, la différence appartient au constituant. S'il est inférieur, le débiteur se charge de la paît insuffisante. Article 199. En cas de concurrence de plusieurs hypothèques sur le même bien, le prix provenant de la vente ou de l'adjudication les satisfait selon la disposition suivante : (1) Lorsque les droits d'hypothèque sont déjà inscrits, l'ordre de paiement 407 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels suit le rang d'inscription; si le rang est identique, le paiement se fait proportionnellement aux créances ; (2) Les droits d'hypothèque inscrits priment les droits d'inscription non inscrits ; (3) Si les droits d'hypothèque ne sont pas inscrits, le paiement s'effectue proportionnément aux créances. Article 200. Après la constitution de l'hypothèque portant sur le droit d'usage du terrain pour la constitution, la nouvelle construction établie sur le sol n'est pas le bien hypothéqué. Lors de la réalisation du droit d'hypothèque, le droit d'usage du terrain pour la constitution hypothéquée et la nouvelle construction doivent être disposées ensemble. Cependant, le créancier n'a pas de droit de préférence sur le prix de la nouvelle construction. Article 201. Lorsque l'hypothèque se constitue, aux termes de l'article 180, alinéa 1 (3) de cette loi, sur le droit forfaitaire d'exploitation du terrain, ou lorsqu'elle porte, selon l'article 183 de la présente loi, sur le droit d'usage pour la constitution du terrain occupé par des constructions de l'entreprise en campagne, après la réalisation du droit d'hypothèque, en l'absence de procédure légale, on ne pourra changer ni la nature de propriété des terrains, ni la destination des terrains. Article 202. Le créancier hypothécaire doit exercer son droit d'hypothèque avant l'expiration du délai de prescription ; s'il ne le tait pas, le tribunal ne le protège plus. Section 2 Droit d'hypothèque de montant maximal Article 203. Lorsque, pour garantir l'exécution des obligations, le débiteur ou un tiers affecte un ou plusieurs biens à la garantie des créances qui se produiront pendant une période déterminée, si le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou si des cas de la réalisation de l'hypothèque prévus par les parties se présentent, le créancier aura le droit de, dans la limite du montant maximal, se désintéresser par préférence sur le bien grevé. Il se peut que les créances qui se sont produites avant la constitution de l'hypothèque de montant maximal rentrent dans le cadre des créances garanties par elle, à condition que les parties y consentent. Article 204. Avant la fixation des créances garanties par l'hypothèque de montant maximal, si des créances garanties par l'hypothèque de montant maximal sont partiellement cédées, l'hypothèque de montant maximal ne peut être cédée, sauf si les parties en disposent autrement. 408 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels Article 205. Avant la fixation des créances garanties par l'hypothèque de montant maximal, les parties au contrat d'hypothèque de montant maximal peuvent conventionnellement modifier le délai de liquidation des créances, l'étendue des créances garanties et le montant maximal, à condition que la modification ne puisse défavoriser les autres créanciers hypothécaires. Article 206. Les créances du titulaire du droit d'hypothèque se fixent dans l'une des circonstances suivantes : (1) Le délai convenu de fixation des créances s'échoit ; (2) En l'absence de convention ou de stipulation claire à l'égard du délai de fixation des créances, le créancier hypothécaire ou le constituant a le droit de demander de fixer les créances après deux ans à compter de la date de constitution de l'hypothèque de montant maximal ; (3) La naissance d'une nouvelle créance se voit impossible ; (4) Le bien hypothéqué est scellé ou saisie ; (5) Le constituant de l'hypothèque est déclaré en faillite ou supprimé ; (6) Les autres cas prévus par les lois. Article 207. L'hypothèque de montant limité, en dehors de l'application des dispositions de cette section, se réfère aux dispositions relatives à l'hypothèque ordinaire dans la première section du présent chapitre. Chapitre 17 Section 1 Droit de gage Droit de gage de meubles Article 208. Lorsque, pour garantir l'exécution d'obligation, le débiteur ou un tiers offre en gage son bien mobilier (et transfert) sa possession au créancier, lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou qu'il y a des cas de la réalisation du droit de gage prévus par les parties, le créancier aura le droit de se désintéresser par préférence sur ce meuble. Le débiteur ou tiers prévu à l'alinéa précédent est le constituant du gage, le créancier est le titulaire du droit de gage (créancier gagiste). Le bien remis est le bien gagé. Article 209. Les meubles interdits d'être aliénés par les lois ou les règlements administratifs ne sont pas susceptibles d'être gagés. Article 210. Pour constituer le droit de gage, les parties doivent conclure le 409 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels contrat de gage sous la forme écrite. Le contrat de gage généralement comprend les clauses suivantes : (1) la catégorie et la somme de la créance principale garantie ; (2) le délai d'exécution de l'obligation du débiteur principal ; (3) le nom, la quantité, la qualité et l'état du bien gagé ; (4) l'étendue de la garantie ; (5) le moment de la remise du bien gagé. Article 211. Avant l'échéance de la dette garantie, le créancier gagiste ne peut conclure avec le constituant du gage une convention par laquelle, à défaut de paiement à l'échéance, le bien gagé appartiendra au créancier. Article 212. Le droit de gage entre en vigueur dès la remise du bien gagé par le constituant. Article 213. Le créancier gagiste a le droit de percevoir les fruits du bien gagé, sauf convention contraire. Les fruits prévus à l'alinéa précédent doivent être imputés sur les frais de leur perception. Article 214. Sauf accord du constituant du gage, le créancier gagiste n'a pas le droit d'user et de disposer du bien gagé, sous peine de responsabilité de réparation des dommages causés par son use ou de sa disposition. Article 215. Le créancier gagiste est tenu de conserver précieusement le bien remis en gage. En cas de détérioration ou de perte imputable à son imprudence, il est responsable de la réparation des dommages subis par le constituant du gage. Lorsque des comportements du créancier sont susceptibles d'entraîner la perte ou la détérioration du bien gagé, le constituant peut se prévaloir de consigner le bien gagé ou réclamer le paiement de sa dette garantie avant l'échéance du terme et la restitution du bien gagé. Article 216. S'il est possible que le bien gagé soit détérioré ou que sa valeur diminue certainement beaucoup, si cette possibilité est entrainée par une cause non imputable au créancier, si elle est suffisante pour compromettre le droit du créancier gagiste, celui-ci peut demander au constituant du gage de lui fournir une sûreté correspondante. Si le constituant du gage ne lui en fournit pas une, le créancier gagiste a le droit de vendre le bien gagé à l'amiable ou par adjudication, et puis, par voie de convention avec le constituant, de se désintéresser par préférence sur le prix de vente en avance ou de le consigner. 410 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels Article 217. Sauf accord du constituant du gage, le créancier gagiste n'a pas le droit de donner en gage le bien gagé, sous peine de responsabilité de réparation des dommages subis par le constituant du gage. Article 218. Le créancier gagiste peut renoncer à son droit de gage. Lorsqu'un droit de gage porte sur le bien propre du débiteur, si le créancier renonce à ce droit de gage, les autres garants auront le droit de dispenser leurs engagements de garantie dans le cadre de droit de préférence perte de la part du créancier, sauf si le garant promet à nouveau de tenir son engagement de garantie (après la renonciation). Article 219. Si le débiteur a exécuté son obligation ou le constituant a payé en avance la créance garantie, le créancier gagiste a l'obligation de restituer le bien gagé. Lorsque le débiteur n'exécute pas son obligation échue ou que des cas de la réalisation du droit de gage prévus par les parties se présentent, le créancier peut, par voie de convention avec le constituant du gage, prendre en paiement le bien gagé ; il peut aussi se désintéresser du prix de vente ou d'adjudication du bien gagé. On doit se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien gagé ou lorsqu'on le prend en paiement. Article 220. Le constituant du gage peut demander au créancier gagiste d'exercer promptement le droit de gage après l'échéance de la dette garantie. Si le créancier ne l'exerce pas, le constituant a le droit de demander en justice de vendre le bien gagé à l'amiable ou par adjudication. Si le constituant demande au créancier de promptement exercer le droit de gage, le créancier sera tenu de réparer les dommages-intérêts causés par son retard. Article 221. Après la prise en paiement ou la vente à l'amiable ou par adjudication, lorsque le prix du bien gagé excède le montant garanti, la différence appartient au constituant ; s'il est insuffisant pour satisfaire la créance, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier. Article 222. Le constituant du gage et le créancier gagiste peuvent convenir de constituer le gage de montant maximal. En référence aux dispositions relatives à l'hypothèque de montant maximal dans la deuxième section du seizième chapitre, les dispositions de cette section s'appliquent au gage de montant maximal. 411 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels Section 2. Droit de gage de droits Article 223. Le débiteur ou un tiers peux donner en gage un ou plusieurs de ces droits suivants à condition qu'il ait le droit d'en disposer : (1) la lettre de change, le chèque, le billet à ordre ; (2) les obligations, le certificat de placement (d'épargne) ; (3) le récépissé d'entrepôt, le connaissement ; (4) les parts sociales transférables et les parts du fond transférables ; (5) les droits patrimoniaux transférables de propriété intellectuelle, tels que le droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, le droit de brevet d'invention et le droit d'auteur ; (6) les effets à recevoir ; (7) les autres droits spécifiquement prévus par les lois ou les règlements administratifs. Article 224. Lorsque le gage porte sur la lettre de change, le chèque, le billet à ordre, les obligations, le certificat de placement (d'épargne), le récépissé d'entrepôt ou le connaissement, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite. Le droit de gage se constitue à partir du moment de la remise au créancier du titre de droit ; à défaut de titre de droit, le droit de gage se constitue dès le moment de l'inscription de gage auprès des autorités compétentes. Article 225. Si la date d'échéance ou de la prise de livraison de la lettre de change, du chèque, du billet à ordre, des obligations, du certificat de placement (d'épargne), du récépissé d'entrepôt ou du connaissement arrive avant l'échéance de l'obligation principale, le créancier peut le(s) encaisser ou prendre la livraison à la date prévue, et, par conséquent, il peut, avec l'accord du constituant du gage, se désintéresser sur le prix encaissé ou les marchandises prises ou les consigner au tiers convenu par le constituant du gage. Article 226. Lorsque le gage porte sur les parts du fonds ou les parts sociales, les parties doivent conclure le contrat de gage sous la forme écrite. Si le gage porte sur les parts du fonds ou sur les parts sociales inscrites auprès du bureau d'inscription des titres, le droit de gage se constitue dès l'inscription de gage faite auprès du bureau d'inscription des titres ; si le gage porte sur les autres parts, le droit de gage se constitue dès l'inscription de gage auprès du bureau administratif des industries et commerces. Après la constitution du gage, les parts sociales ou les parts du fonds ne peuvent être cédées, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Si le constituant du gage transfert les parts du fonds ou les parts sociales, il est obligé de payer sur le prix de transfert en avance au créancier la 412 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels dette (garantie) ou (le) consigner au tiers. Article 227. Lorsque le gage porte sur un ou plusieurs droits patrimoniaux transférables de propriété intellectuelle, tels que le droit d'exclusion (d'utilisation) de marque commerciale, le droit de brevet d'invention et le droit d'auteur, les parties doivent conclure le contrat de gage sous forme écrite. Le droit de gage se constitue à partir du moment où s'effectue l'inscription de gage auprès des autorités administratives concernées. Après la constitution du gage, le constituant du gage ne peut les transmettre ni permettre à d'autres personnes de le(s) utiliser, sauf si le constituant et le créancier gagiste en conviennent autrement. Lorsque le constituant le(s) transmet ou permet à d'autres personnes de le(s) utiliser, le prix doit servir à payer en avance au créancier la dette (garantie) ou être consigné au tiers. Article 228. Lorsque le gage porte sur les effets à recevoir, les parties doivent conclure le contrat de gage sous forme écrite. Le droit de gage se constitue dès le moment où l'inscription de gage se fait auprès de l'organe de notation du crédit. Après la constitution du gage, le constituant ne peut transférer ses effets à recevoir, sauf convention contraire. Lorsque le constituant transfert les effets à recevoir, il doit payer en avance au créancier la dette (garantie) sur le prix de transfert ou (le) consigner au tiers. Article 229. En dehors de l'application des dispositions de cette section, le gage de droit se réfère aux dispositions relatives au gage de meubles dans la première section du présent chapitre. Chapitre 18 Droit de rétention Article 230. Lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations à l'échéance, le créancier peut retenir le meuble du débiteur qu'il a légitimement possédé et il a le droit de se désintéresser par préférence sur ce meuble. Le créancier évoqué dans l'alinéa précédent est le titulaire du droit de rétention (au sens de rétenteur), le meuble possédé est le bien retenu. Article 231. Le bien détenu par le créancier et la créance garantie doivent se rattacher à un même rapport juridique, sauf en cas de rétention entre les entreprises. Article 232. Les biens interdits d'être retenus par la loi ou par la convention passée entre les parties ne peuvent être retenus. 413 Annexe II - Loi de la République populaire de Chine sur les droits réels Article 233. Si le bien détenu est divisible, le créancier ne peut retenir qu'une partie du bien dont la valeur est équivalente à la somme de la dette. Article 234. Le rétenteur est obligé de conserver avec soin le bien retenu ; s'il ne satisfait pas à son obligation de conservation et si cela cause la perte ou la détérioration du bien retenu, il doit supporter la responsabilité des dommages-intérêts. Article 235. Le rétenteur a le droit de percevoir les fruits du bien retenu. Les fruits prévus dans l'alinéa précédent doivent être préalablement imputés aux frais servant à les percevoir. Article 236. Le rétenteur et le débiteur doivent convenir du délai de l'exécution de l'obligation après que le bien a été retenu ; à défaut de convention ou de convention claire à cet égard, le rétenteur doit prévoir un délai d'au moins deux mois, sauf si les meubles de caractères, notamment périssables ou altérables, défavorisant leur conservation. Si le débiteur n'exécute pas son obligation après ce délai, le rétenteur peut, avec l'accord du constituant de l'hypothèque, prendre en paiement le bien retenu ou se désintéresser du prix de vente à l'amiable ou par adjudication du bien retenu. Il faut se référer au prix du marché lorsque l'on vend à l'amiable le bien hypothéqué ou lorsqu'on le prend en paiement. Article 237. Le débiteur peut demander au rétenteur d'exercer le droit de rétention après l'échéance de la dette garantie. Si le créancier ne l'exerce pas, le débiteur a le droit de demander en justice de vendre le bien retenu à l'amiable ou par adjudication. Article 238. Après la prise en paiement ou la vente, lorsque le prix du bien retenu excède le montant de la créance, la différence appartient au débiteur ; s'il est insuffisant, le débiteur est tenu de désintéresser le créancier. Article 239. Lorsqu'un droit d’hypothèque ou droit de gage s'est déjà constitué sur un bien, si celui-ci est retenu, le rétenteur se fera payer par préférence. Article 240. Le droit de rétention s'éteint, lorsque le créancier perd la détention du bien retenu, ou lorsque le débiteur fournit une autre sûreté et le créancier l'accepte. 414 INDEX ALPHABETIQUE (Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes) A Adjudication volontaire, 578 Apparence, 83, 243, 531, 538 Attribution judiciaire, 362, 366, 522 s., 573 s. B Bonne foi, 171, 177, 226, 243 s., 290, 309, 419, 427, 531 D Droit de préférence - notion de sûreté, 55, 58, 60 s., 85, 88 - gage avec dépossession, 281, 287 s., s., - nantissement de compte d’instruments financiers, 388 - droit de rétention, 219, 224 - gage sans dépossession ou hypothèque mobilière, 299, 305, 322, 327 s. - privilèges mobiliers, 197 - hypothèque, v. hypothèque - droit de préférence Droit de suite, 63, 143, v. gage et hypothèque Droit de rétention, 110, 129 s., 218 s., 305, 326 s, 332, 366, 387, 470, 594, - constitution -- créance garantie, 221 s., -- assiette, 223 s. -- connexité, 228 s. - effets, 230 s. E Effets à recevoir, 348, 354, 361, 370 F Fiducie, 34, 132, 135, 138 s., 145, 307 s., 435 s., 624 s. Frais - de conservation, 202 s., 232, 288, 589 415 - de dernière maladie, 193, funéraires, 96, 193, de justice, 188 s., 206, 208 s., 464, de réalisation, 288, 591, G Gage avec dépossession - constitutions -- de fond, 238 s. -- de forme, 252 s. - effets -- obligation de conserver le bien grevé, 268 s. -- obligation de ne pas faire usage et de ne pas disposer du bien grevé, 272 s. -- droit de percevoir les fruits, 274 -- droit de demander le complément du gage, 275 -- droit de rétention, 278 s. -- droit de mettre en œuvre le gage, --- attribution du bien gagé, 282 s. --- vente du bien grevé, 285 s. -- droit de préférence, 287 s. -- droit de suite, 292 s. Gage sans dépossession - qualification, 296 s. - de droit commun, 303 s. - de droits spéciaux -- portant sur les moyens de transport, 325 s. -- du matériel et de l’outillage, 329 s. -- sur stocks, 336 s. H Hypothèque flottante, 44, 99, 316 s. Hypothèque judiciaire, 147, 474 s. Hypothèque légale, 147, 464 s., 559, 593 Hypothèque - constitution, 483 s. - inscription hypothécaire, 547 s. -- mentions obligatoires, 548 s. -- délai d’inscription, 551 s. -- péremption, 554 s. -- radiation, 556 s. -- réduction, 558 s. réalisation, 416 -- modes de réalisation, 573 s. -- effet 566 s. --- droit de préférence, 582 s. --- droit de suite, 598 s. - transmission, 607 s. - extinction, 611 s. Hypothèque rechargeable, 508 s. Hypothèque de montant maximal, 496 s. Hypothèque renversée, 516 s. I Immeuble, 25, 113 s., 159 s., 196 s., 460 s. Indivisaire, 532 s. Inscription - inscription hypothécaire, 159 s., 311, 547 s. - inscription-opposabilité, 165, 310 s. - inscription-validité, 165, 310 s., 336, 552, - organes, 157, 166, 311, 313 s., 328, 354, 379, 550 s., 560 s. M Meuble, 25 s., 40 s., 183 s. N Nantissement, 97, 103, 108, 119 s., 130, 345 s. - de créance, 350 s. - de compte d’instruments financiers, 373 s. - de droits sociaux, 390 s. Numerus clausus, 26 s., 65 s., 137, 140, 354, 415, 555, 635 P Pacte commissoire, 7, 43, 135, 137, 140, 282 s., 348, 362, 365 s., 371, 415, 420, 441, 444, 447, 454 s., 522, 573, 576 s. Privilèges - mobiliers, 96, 104, 119 s., 188 s. - immobiliers, 96, 105, 119 s., 460 s. - nommés -- sur l’aéronef, 212 s. -- sur le navire, 212 s. - innomés, 98, 214 s. Publicité, 149 s. - des sûretés immobilières judiciaires, 475 s. - des sûretés réelles, 149 s. 417 - gage avec dépossession, 154 s., 261 s. - nantissement, 154 s., 358, 361 s. - fiducie, 154 s., 442 s. - gage sans dépossession, 154 s., 304, 306, 326 s., 331, 336, 342 - réserve de propriété, 405 s., - privilèges, 154 s., 188 s., 196 s., 212 s., 460 s. - hypothécaire, v. hypothèque – inscription hypothécaire - provisoire, 475 s. - définitive, 477 s. Propriété, 5, 25, 29 s., 36 s., 106, 111, 120 s., 132 s., 244 s., 273, 290 s., 309, 371, 400 s., 436 s., 530, 533, 550, 625, 627 s. - réserve de propriété, v. Réserve de propriété R Réserve de propriété - nature juridique, 409 s. - mécanisme -- constitution, 402 s. -- effets, 417 s. Responsabilité, 12, 76, 244, 261 s., 270, 272 s, 430, 537 s., 560 s., 576 S Subrogation réelle, 27, 78 s., 225, 287, 339, 374 s., 431 s., 585 s. V Vente amiable, 87, 371, 575, 578 s. Voie judiciaire, 256, 573 s., 577 s. 418